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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/608/2020

JTAPI/281/2024 du 28.03.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;AMENDE;ARCHITECTE;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR
Normes : LCI.15; LPMNS.15; Cst; Cst; LCI.129.lete
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/608/2020 LCI

JTAPI/281/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Christophe GAL, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après : la commune ou la ville) sise rue du ______[GE].

2.             Cette parcelle - située en zone 1 et comprise dans le périmètre du plan de site de C______ - abrite un immeuble de bureaux dit la « D______ ».

Le rez-de-chaussée de ce bâtiment comprend deux arcades commerciales - actuellement louées, pour l’une par E______ SA (ci-après : E______ SA) et pour l’autre par F______ (ci-après : F______), artisan _____ - et six vitrines donnant sur la place de______[GE], quatre d’entre elles étant situées à droite de la porte existante côté ______[GE] et les deux autres étant sises à gauche de cette même porte côté lac.

3.             Par arrêté du ______ 1977 (2______), le Conseil d’État a déclaré monument classé l’enveloppe extérieure de la D______, vu notamment : la proposition en ce sens de la Commission des monuments et des sites (ci-après : CMNS) au motif que ce bâtiment constituait un unique exemple de l’architecture du XVIIIème siècle qui subsistait sur les quais de ______[GE] et le dossier de proposition y relatif, dont il résultait que ce bâtiment, d’un beau volume à trois façade, construit probablement dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle et dont presque tous les éléments d’origine avaient été conservés, était esthétiquement nécessaire pour l’harmonie de la place et, par sa position de tête d’îlot, était d’une très grande importance dans la vision générale des ______[GE].

4.             La fiche de recensement relative à cet objet, disponible sur le site internet du système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG) consulté
le 28 mars 2024 (https://ge.ch/sitg/geodata/______), précise notamment que la face côté lac a été reconstruite au début du XIXème siècle dans le cadre de l'aménagement de C______, où toutes les façades avaient été alignées et harmonisées : arcades pour le rez-de-chaussée commercial ; fenêtres régulièrement ordonnées pour les étages de logement ; le rez-de-chaussée, remanié, avait reçu un décor métallique. Menacé de démolition, l'aspect extérieur de l'immeuble avait été sauvegardé par un arrêté de classement. En 1980-1983, les façades avaient été restaurées et l'intérieur reconstruit.

5.      Le ______ 2018, A______ SA s’est vue délivrer par l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : DT ou le département), suite à sa demande du 29 novembre 2017, une autorisation de construire - enregistrée sous le DD 3______ – portant sur le réaménagement de bureaux et de surfaces commerciales, l’assainissement de l’enveloppe et l’installation d’une climatisation.

À teneur de cette décision, les conditions figurant dans certains des préavis émis dans le cadre de l’instruction devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation délivrée. Il en allait notamment ainsi du préavis du service des monuments et des sites (ci - après : SMS) du 12 février 2018, à teneur duquel ce service n’avait pas d’observations pour les interventions intérieures, à part une cloison en contact avec la façade. Au rez-de-chaussée, la nouvelle cloison séparant l’accès au sous-sol de l’espace commercial devrait être conçue de façon à ne pas dépasser l’épaisseur du meneau des serrureries de la vitrine afin de la rendre invisible depuis l’extérieur. En outre, l’assainissement des vitrines au rez-de-chaussée était admis, à condition de joindre au dossier les règles d’exécution de cet assainissement pour validation.

Il ressort du plan du rez-de-chaussée enregistré par le DT le 29 novembre 2017 dans le cadre de la DD 3______ qu’aucune intervention n'a été autorisée sur les vitrines, au droit de la porte d’entrée située côté ______[GE].

6.             Le 7 juin 2018, le DT, faisant suite à la requête déposée le 5 février 2018 par E______ SA - dont les mandataires professionnellement qualifiées (ci-après : MPQ) étaient Messieurs G______ et H______, architectes -, a délivré une autorisation de construire en procédure accélérée, enregistrée sous le n° APA 4______/1, portant sur le réaménagement d’un commerce du rez et du 1er étage situé dans la D______.

À teneur des plans du rez-de-chaussée et de coupe B-B visés ne varietur par le DT le 7 juin 2018 dans le cadre de cette APA, a notamment été autorisée l’installation d’une paroi fixe à l’intérieur de la 1ère vitrine sise à la droite de la porte de l’immeuble côté ______[GE].

7.             Par demande enregistrée le 29 octobre 2018 par le DT sous le DD 3______/2, A______ SA a sollicité, par le biais des MPQ précités, la délivrance d’une autorisation de construire complémentaire à l’autorisation DD 3______ en vue du « rajout d’une vitrine ouvrante au rez ».

À teneur du plan « Élevation Est » joint à cette requête, la 1ère vitrine à droite de la porte du bâtiment côté ______[GE] était indiquée comme étant à construire. Le plan du rez-de-chaussée faisait état, quant à lui, d’une vitrine ouvrante à construire s’agissant de la 1ère vitrine à droite de la porte côté ______[GE], tout en indiquant, en noir, la cloison aménagée dans le cadre de l’APA 4______/1.

8.             Dans le cadre de l’instruction de la DD 3______/2 :

-          la direction des autorisations de construire et la police du feu se sont prononcées favorablement sans observations les 7 et 19 novembre 2018 ;

-          le 21 novembre 2018, la CMNS a émis un préavis défavorable. Le dispositif de vitrine ouvrante dont l’installation était sollicitée était complètement étranger à l’architecture du bâtiment et portait atteinte au caractère même de sa façade. Son image était bien différente de celle des autres vitrines fixes (cadre beaucoup plus épais), de sorte que l’impact sur le rythme de la façade, notamment sur l’homogénéité des ouvertures au rez-de-chaussée, était très important. Cet élément portait un grave préjudice à l’aspect du bâtiment et ne pouvait en aucun cas être autorisé. La réalisation autorisée dans le cadre de l’APA 4______/1 consistait en un aménagement intérieur léger ne traversant pas même le faux plafond (cf. plan de coupe B-B) situé à l’intérieur d’une même arcade (fermant le local stock/caisse accessible par une porte depuis l’espace de vente). Cette APA avait été délivrée en vue d’admettre un aménagement léger et parfaitement réversible, qui ne devrait en aucun cas avoir d’incidence sur la façade. Les vitrines figuraient d’ailleurs en noir sur les plans et, sur le plan de coupe B-B, la vitrine concernée était dessinée en rouge, mais comme élément fixe. La façade de ce bâtiment bénéficiant de la plus haute protection existante, soit le classement, une vitrine distincte des autres vitrines attenantes ne pouvait en aucun cas être admise. Ainsi, il était impératif de prévoir pour cette arcade une vitrine fixe identique aux autres vitrines. L’accès à l’espace derrière la vitrine se ferait depuis l’intérieur de l’arcade, comme cela était habituellement le cas pour ce type d’arcades. Pour ce faire, l’aménagement intérieur léger autorisé dans le cadre de l’APA devrait être mobile ou compter une ouverture qui permette l’accès depuis l’intérieur du commerce à l’espace derrière la vitrine fixe ;

-          par préavis du 29 novembre 2018, la ville s’est prononcée favorablement avec souhaits, de l’avis de la CMNS quant au choix et au suivi des détails (spécifiquement sur le changement de fenêtres).

9.             Invitée à se déterminer, A______ SA a demandé au DT, par le biais de M. G______, par pli du 26 décembre 2018, d’écarter le préavis de la CMNS.

La vitrine concernée n’était, pour des raisons historiques, pas reliée à l’arcade devant laquelle elle se situait. En effet, le bail de l’arcade louée par E______ SA ne prévoyait pas la jouissance de cette vitrine. La rénovation autorisée des vitrines s’inscrivait dans un contexte de travaux de réhabilitation de cet immeuble classé, pour lequel elle avait investi des montants considérables. L’installation de cette vitrine accessible était totalement réversible et pourrait être modifiée en cas d'évolution de la situation locative de l’immeuble. En outre, les photographies récentes - jointes - démontraient que la situation actuelle n’altérait en rien l’esthétique de ce bâtiment, « sauf aux yeux de certains ». Ainsi, dans la mesure où elle s’engageait à restituer la situation antérieure lors d’un changement de locataire, la délivrance de l’autorisation de construire à titre précaire était requise.

10.         Le 27 mai 2019, M. G______ a sollicité la suspension de l’instruction de la requête DD 3______/2 aux fins de proposer une solution à la CMNS. Le 11 juin 2019, le DT a donné droit à cette demande et suspendu l'instruction jusqu’au 11 juillet 2019.

11.         Par courriel du 11 juillet 2019, le SMS a informé M. G______ que l’idée présentée consistant à peindre en blanc la surépaisseur du cadre métallique ne satisfaisait pas aux demandes de la CMNS dans son préavis du 21 novembre 2018. Notamment, cette solution en « trompe-l’œil » ne fonctionnerait qu’avec un aménagement intérieur de cette vitrine en blanc, condition qui ne pouvait être imposée à l’exploitant. De plus, l’image ne serait, de nuit, pas semblable, le « blanc-lumière » n’étant pas similaire au « blanc-peinture ». Partant, la position exposée dans le préavis du 21 novembre 2018 était maintenue.

12.         Par décision du ______ 2020, le DT a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 3______/2, motif pris du fait que le projet n’était pas conforme à l’art. 15 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et à l’art. 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Le DT s'est référé au préavis défavorable de la CMNS du 21 novembre 2018. La proposition du MPQ de peindre la surépaisseur du cadre métallique en blanc avait été refusée par le SMS. La CMNS avait uniquement autorisé un aménagement léger et réversible n’ayant aucune incidence sur la façade (APA 4______/1). La façade du bâtiment concerné était protégée avec la plus haute protection existante. Une vitrine distincte à celles attenantes ne pouvait en aucun cas être admise. Il était impératif de prévoir, pour cette arcade, une vitrine fixe identique aux autres, à laquelle l’accès se ferait depuis l’intérieur. Pour ce faire, l’aménagement intérieur léger autorisé par l’APA 4______/1 pourrait être mobile ou compter une ouverture permettant l’accès depuis l’intérieur du commerce à l’espace derrière la vitrine fixe.

13.         Par décision du ______ 2020 adressée à MM. G______ et H______ −se référant aux procédures I-5______ et DD 6______/2, ainsi qu'à la décision de refus qui leur a été notifiée le même -, le DT les a informés que, compte tenu de la décision de refus, la vitrine ouvrante réalisée sans droit ne pouvait être maintenue en l’état. En application des art. 129 ss LCI, il leur était ordonné de procéder, dans un délai de soixante jours, à la restauration complète avec les techniques et matériaux adaptés à la valeur historique du bien, soit la restitution de l’état d’origine de cette vitrine selon le dessin des vitrines fixes attenantes. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de cette remise en état devrait être produit dans le même délai. Compte tenu des attentes du SMS, les précités devaient s’adresser à ce service afin que l’ensemble des détails constructifs visant à rendre le caractère patrimonial du bâti soit établi par une entreprise spécialisée et validé avant commande des travaux. Sans nouvelles des intéressés et/ou à défaut d’avoir exécuté l’intégralité de la décision dans le délai imparti, ceux-ci s’exposaient à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

En outre, en application de l’art. 137 LCI, une amende administrative d’un montant de CHF 500.-, laquelle tenait compte des éléments mentionnés supra, des atteintes patrimoniales et de la gravité objective et subjective de l’infraction commise, était infligée à MM. G______ et H______, facture à leurs noms en annexe.

14.         Par courrier recommandé du ______ 2020, se référant aux procédures I-5______ et DD 6______/2, le DT a transmis à A______ SA copie du courrier qu'il avait adressé à MM. G______ et H______ le même jour.

15.         Par acte du 14 février 2020, enregistré sous le n° de cause A/608/2020 et accompagné de pièces, A______ SA a interjeté recours, sous la plume de son conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision de refus d’autorisation de construire DD 3______/2 du ______ 2020 concluant, préalablement, à la tenue d’une audience avec audition de témoins et d’un transport sur place et, principalement, à son annulation et à la délivrance de l’autorisation requise, sous suite de frais et dépens.

Une violation du principe de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire était à déplorer. À teneur du contrat de bail qui la liait à F______, ce dernier bénéficiait de trois vitrines donnant sur ______[GE], soit deux vitrines côté ______[GE] à droite de la porte d’entrée de son arcade et une vitrine côté ______[GE] sise à gauche de ladite porte. Cette vitrine côté ______[GE] mise à bail à F______ s’inscrivait dans le prolongement des vitrines de l’arcade louée par E______ SA. Dès lors que l’arrière de la vitrine donnait sur les locaux de cette dernière boutique, cette vitrine n’était accessible que par l’extérieur. Par le biais de l’APA 4______/1, le DT avait expressément accepté que la vitrine concernée soit inaccessible de l’intérieur, dès lors qu’il ressortait sans conteste des plans autorisés par cette APA que la vitrine devait être cloisonnée. Il en découlait que celle-ci devait nécessairement être accessible depuis l’extérieur, sauf à vouloir la condamner, ce dont il n’avait jamais été question et ce qui n’était évidemment pas souhaitable. Partant, l’APA devait nécessairement être interprétée comme une autorisation à réaliser une vitrine ouvrante. Les travaux avaient été réalisés conformément à l’autorisation délivrée. Afin qu’elle puisse être utilisée par F______, cette vitrine avait été modifiée dans le but de permettre son ouverture de l’extérieur au moyen d’un battant induisant un cadre de même facture que les autres, mais légèrement plus épais. Visant à formaliser cet état de fait, une demande d’autorisation de construire avait été déposée le 29 octobre 2018. L'aménagement qui avait été réalisé était léger et parfaitement réversible. Il n'avait eu aucune incidence sur la façade. La recourante avait ainsi respecté l’APA, contrairement à ce que soutenait la CMNS. Affirmer, une fois les travaux terminés, que l’accès à la vitrine devrait se faire depuis l’intérieur de l’arcade par le biais d’un aménagement intérieur léger qui devrait être mobile ou comporter une ouverture, relevait de la mauvaise foi. Les plans acceptés par l’APA faisaient état d’une vitrine ne comportant aucune ouverture sur l’arcade de E______ SA et encore moins d’une cloison mobile, mais au contraire d’une paroi d’une dizaine de centimètres d’épaisseur ne laissant aucun doute sur son caractère solide et fixe. Ainsi, elle pouvait valablement se fier à l’APA pour réaliser sa vitrine et le principe de la bonne foi la protégeait dans la confiance légitime placée dans cette décision. La décision attaquée était en « contradiction crasse » avec l’autorisation précédente et heurtait de manière choquante le sentiment de justice et d’équité, induisant un résultat arbitraire. Cette décision aurait en outre pour conséquence une « vitrine borgne comme une verrue » sur la façade classée de la D______.

Une violation des art. 15 LCI et 15 LPMNS était également invoquée. Seule la CMNS avait rendu un préavis défavorable et son assertion selon laquelle l'image de cette vitrine serait bien différente de celle des autres vitrines fixes, « son cadre étant prétendument beaucoup plus épais » était critiquable. Il ressortait en effet des photographies jointes, que le cadre de la vitrine en question était légèrement - et non beaucoup – plus épais que ceux des vitrines voisines, soit de l’épaisseur nécessaire pour ouvrir le battant et le refermer à l’aide d’une clé. Il ne se remarquait d’ailleurs que si l’on y prêtait attention. Le cadre de la vitrine était d’aspect similaire à ceux de toutes les autres vitrines tant au niveau de son matériau, de sa forme, de sa couleur que de son esthétisme, de sorte qu’il ne cassait pas leur régularité et ne dénaturait pas la façade de l’immeuble. Il était ainsi douteux que les quelques centimètres de surépaisseur puissent porter gravement préjudice à l’aspect du bâtiment. L’absence de flexibilité de la CMNS puis du DT sur ce point était incompatible avec le principe de proportionnalité. La mesure alternative de trompe-l’œil proposée avait été refusée par le SMS au motif qu’elle ne pourrait être mise en œuvre que moyennant un intérieur blanc, ce qui était le cas actuellement, et que le blanc-lumière ne serait pas similaire au blanc-peinture de nuit, ce qui était contesté faute d’avoir été démontré. Or, cette mesure aurait été moins incisive que la condamnation de la vitrine et aurait respecté le principe de proportionnalité entre l’intérêt public au maintien de la façade classée et l’intérêt privé à pouvoir exploiter cette vitrine. La condamnation de la vitrine irait en outre totalement à l’encontre de l’intérêt public au maintien de la façade de l’immeuble et de ses qualités esthétiques et architecturales. Ainsi, le préavis de la CMNS, consultatif et non contraignant, aurait dû être écarté par le DT, étant en outre rappelé qu’elle s’était montrée extrêmement coopérante en rénovant sa bâtisse dans le strict respect du patrimoine genevois.

16.  Par acte du 14 février 2020 enregistré sous le n° de cause A/613/2020 et accompagné de pièces, A______ SA a interjeté recours auprès du tribunal, sous la plume de son conseil, à l’encontre de la décision d’amende et de remise en état rendue par le DT le 14 février 2020, concluant, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la cause A/608/2020 et à la tenue d’une audience et d’un transport sur place et, principalement, à son annulation, sous suite de frais et dépens.

L’une des conditions de validité de l’ordre de remise en état n’était pas remplie. Reprenant en substance les arguments exposés dans le cadre de son recours dans la cause A/608/2020, elle a confirmé que l’APA devait être interprétée comme une autorisation à réaliser une vitrine ouvrante. Elle pouvait donc valablement s'y fier pour réaliser la vitrine concernée et le principe de la bonne foi la protégeait dans la confiance légitime mise dans cette décision. Lié par le principe de la bonne foi, le DT ne saurait revenir sur son autorisation. Enfin, aucun intérêt prépondérant ne s’opposait au maintien de la situation actuelle, parfaitement régulière puisqu’autorisée. Quant à l’amende infligée, elle devait être annulée, dès lors qu’elle n’avait contrevenu ni à la LCI ni aux ordres donnés par le DT en réalisant la vitrine conformément à l’APA.

17.         Par décisions des 10 juin 2020, le tribunal a prononcé la suspension de l’instruction des recours enregistrés sous les nos A/608/2020 (DITAI/203/2020) et A/613/2020 (DITAI/204/2020), faisant suite en cela aux requêtes des parties des 13 et 25 mai 2020, 29 juin 2021, 8 juillet et 15 août 2022 en raison de pourparlers engagés afin de tenter de trouver une solution à leur litige.

Cette suspension a été reconduite par décisions du 14 juin 2021 dans les causes A/608/2020 (DITAI/349/2021) et A/613/2020 (DITAI/348/2021) puis des 14 juillet 2022 dans la cause A/608/2020 (DITAI/337/2022) et 16 août 2022 dans la cause A/613/2020 (DITAI/387/2022).

18.         Par correspondance du 17 août 2023, le DT a sollicité la reprise de l’instruction, les parties n’étant pas parvenues à un accord.

19.         Par complément au recours du 5 septembre 2023, accompagné de pièces, la recourante a persisté dans ses conclusions, sollicitant, pour le surplus, la jonction des causes A/608/2020 et A/613/2020.

Son conseil avait requis, le 3 mars 2020 une entrevue avec la CMNS. En effet, outre la décision attaquée, elle avait essuyé un refus d’autorisation de construire en lien avec la porte d’entrée de l’arcade louée par F______ (DD 7_____). Suite à un entretien téléphonique du 16 avril 2020 avec Madame I______, conservatrice cantonale des monuments – auprès de laquelle la CMNS l’avait redirigée -, son conseil avait indiqué à Mme I______, par courriel du 28 avril 2020, que, par économie de procédure, elle était disposée à abandonner son projet DD 7_____ à l’avantage d’une modification de la porte, dans la mesure où cette modification s’accompagnerait de la tolérance selon discussion s’agissant de la vitrine. Mme I______ avait répondu, par courriel du 7 mai 2020, que l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS) « pens[ait] que vos propositions d’adaptation partielle de la porte en bois et de tolérance de la vitrine ouvrante jusqu’au prochain changement de locataire [étaient] recevables. La maison D______ étant classée, le dossier devra[it] être soumis à la CMNS ». Elle l’avait ainsi invitée à transmettre un projet de plan pour l’adaptation de la porte et de rédaction à joindre au contrat de location que l’OPS soumettrait « en consultation » à la CMNS, étant précisé que Mme I______ ne se prononçait pas « sur la suite juridique liées aux deux recours ». Par courrier du 20 août 2020, elle avait informé Mme I______ que son MPQ avait requis la modification de la porte existante dans le sens de leurs discussions, cette modification ayant été autorisée par le DT (DD 8_____). Elle avait ainsi réalisé la porte autorisée et le recours y relatif auprès du tribunal avait été retiré. Elle demeurait en outre disposée à s’engager conformément à l’accord ténorisé par le courriel du 7 mai 2020 de Mme I______, soit modifier la vitrine lors du changement de locataire de l’arcade (le prochain bail signé avec E______ SA arrivant à échéance, sauf reconduction, le 30 novembre 2028). Aucun accord n’avait toutefois pu être trouvé.

20.         Par décision du 12 septembre 2023 (DITAI/392/2023), le tribunal a ordonné la jonction des causes A/608/2020 et A/613/2020 sous le n° de cause A/608/2020.

21.         Dans ses observations du 23 octobre 2023, le DT a conclu à l’irrecevabilité du recours contre l’ordre de remise en état et l’amende (I-5_____) et, sur le fond, au rejet des deux recours et à la confirmation des décisions DD 3______/2 et I-5_____, sous suite de frais.

La décision d’ordre de remise en état et d’amende étant adressée uniquement à MM. G______ et H______, la recourante n’en était pas la destinataire et n’était pas directement touchée par celle-ci. Faute de qualité pour recourir de la recourante, le recours contre cette décision devait être déclaré irrecevable.

S’agissant de la décision de refus DD 3______/2, aucune violation des principes de la bonne foi ni de l’interdiction de l’arbitraire n’était à déplorer. Les plans de l’APA 4______/1 étaient clairs et n’autorisaient aucune vitrine ouvrante. La fenêtre de la vitrine concernée était fixe sur la coupe B-B visée ne varietur dans l’APA et apparaissait en noir sur le plan du rez-de-chaussée visé ne varietur. La recourante n’avait en outre jamais informé le DT que la vitrine était destinée à s’ouvrir sur l’extérieur ni reçu d’assurance qu’une vitrine ouvrante serait autorisée. Les conditions imposées par la CMNS dans la DD 3______ plaidaient pour le contraire puisqu’il en ressortait notamment que l’exécution de travaux sur les vitrines était admise, à condition que le SMS puisse en contrôler les règles d’exécution. La recourante ne pouvait ainsi ignorer que toute nouvelle intervention en façade devrait faire l’objet d’une requête, ou, à tout le moins, d’une validation préalable de la CMNS. Enfin, lors de la réception d’une demande d’autorisation, le DT se limitait à en vérifier la conformité au droit et il ne lui appartenait pas de juger des choix constructifs d’un requérant.

Quant à l’esthétique du bâtiment, la recourante se contentait de substituer sa propre appréciation à celle de la CMNS. Même si la solution tendant à peindre la surépaisseur en blanc - refusée par le SMS - avait potentiellement l’avantage d’atténuer la disparité d’image entre la vitrine ouvrante et les autres vitrines, elle ne permettait pas de préserver l’aspect extérieur de la façade. Ce n’était pas seulement l’image de la vitrine ouvrante, mais également le dispositif en tant que tel qui portait atteinte au caractère de la façade. Or, la recourante voulait à tout prix conserver ce mécanisme puisqu’elle n’avait pas proposé d’alternative. Partant, le refus litigieux était proportionné. Le préavis de la CMNS était contraignant et si l’aménagement autorisé par l’APA s’avérait inapproprié, la recourante, respectivement ses MPQ, en étaient les seuls responsables.

Enfin, il ressortait du courriel du 7 mai 2020 de Mme I______ que la proposition négociée devait obtenir l’aval de la CMNS.

22.         Par réplique du 28 novembre 2023, la recourante s’en est rapportée à justice quant à la recevabilité de ses recours. Sur le fond, elle a persisté, dans ses conclusions, sollicitant, pour le surplus, l’audition de Mme I______ et de Monsieur J______, pour K______ SA, en qualité de témoins.

Elle prenait acte du fait que l’ordre de remise en état et l’amende contre lesquels elle avait recouru étaient destinés à MM. G______ et H______ et non à elle-même, de sorte qu’elle n’était pas touchée par ceux-ci.

Elle a persisté dans ses arguments s’agissant de la violation des principes de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire. Une incompréhension était manifestement à déplorer s’agissant de cette vitrine, raison pour laquelle elle était disposée à procéder selon les termes indiqués à Mme I______. Cela étant, dans la mesure où cette vitrine litigieuse était rattachée à une arcade voisine, la question de son ouverture n’avait pas lieu d’être traitée dans le cadre de l’APA.

Elle a également confirmé sa position quant à l’esthétique du bâtiment. La surépaisseur en question n’était pas notable, sauf si l’on en était informé et que l’on s’y attardait. La vitrine concernée était par ailleurs adjacente à la porte, qui marquait une rupture dans l’homogénéité des ouvertures et relativisait donc celle pouvant résulter de la vitrine ouvrante. Prétendre que l’aspect extérieur du bâtiment serait dénaturé était ainsi excessif. Dès lors qu’elle était disposée à réaliser le trompe-l’œil proposé, il était erroné d’affirmer qu’elle souhaitait à tout prix conserver le mécanisme d’ouverture extérieur. L’allégation selon laquelle elle n’avait pas démontré que la solution provisoire proposée aurait obtenu l’accord de la CMNS, alors qu’elle avait été discutée avec une personne autorisée par cette commission, laissait perplexe. Sans vouloir tirer de ces discussions un argument pour qu’il soit fait droit à son recours, elle s’étonnait qu’une solution élaborée avec le DT ne soit pas suivie. Enfin, le sort de la vitrine pourrait être sereinement traité une fois seulement que l’une ou l’autre de ces arcades aurait été restituée.

23.         Par duplique du 20 décembre 2023, le DT a persisté dans ses conclusions, tout en précisant qu’aucun accord n’avait été trouvé entre les parties, Mme I______ ayant expressément réservé l’accord de la CMNS, lequel n’avait pas été obtenu.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours initialement enregistré sous le n° de cause A/608/2020, est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

3.             S’agissant du recours initialement enregistré sous le n° de cause A/613/2020, le tribunal constate qu’interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, celui-ci est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Se pose toutefois la question de savoir si la recourante possède la qualité pour recourir dans le cadre de ce recours.

4.             Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Cette notion d'intérêt digne de protection s'interprète à la lumière de la jurisprudence fédérale rendue en application de l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_246/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.1 ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016).

D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers entend recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3 ; 131 II 652 consid. 3.1 ; 131 V 300 consid. 3 ; 124 II 504 consid. 3b). Il découle d'ailleurs du texte de l'art. 89 al. 1 let. b LTF que le législateur a voulu rendre encore plus stricte la condition de l'intérêt personnel au recours, puisqu'il est précisé que le recourant doit être « particulièrement atteint » par l'acte attaqué (ATF 133 II 468 consid. 1 et les auteurs cités ; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, pp. 734 s.).

L'intérêt digne de protection, qui ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 142 V 395 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1), réside dans le fait d'éviter de subir directement un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre, qui serait causé par la décision entreprise. Il implique que le recourant, qui doit pouvoir retirer un avantage réel et pratique de l'annulation ou de la modification de la décision, doit se trouver dans une relation spécialement étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation et doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de façon à exclure l'action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 1.2.1 ; 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1). Tel n'est notamment pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 138 V 292 consid. 4 ; 130 V 202 consid. 3 ; 133 V 188 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1054/2016, 2C_1059/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/988/2016 du 22 novembre 2016 consid. 2d).

5.             En l'espèce, la décision rendue le ______ 2020 par le DT, en parallèle du refus d’autorisation de construire comprend deux volets, soit d’une part, un ordre de remise en état et, d’autre part, une amende à l’encontre de MM. G______ et H______.

S’agissant tout d’abord de l’amende, il ressort de la décision contestée, ainsi que du bordereau joint, que l'amende administrative a été infligée à MM. G______ et H______. Partant, c'est les MPQ que le département entendait sanctionner ici et non la recourante. Il sera rappelé, à toutes fins utiles, que ces derniers étaient, compte tenu de leur qualité de MPQ, soumis aux obligations leur incombant au sens de l'art. 6 al. 2 LCI, qui prévoit que le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l'égard de l'autorité jusqu'à réception de l'avis d'extinction de son mandat. Il résulte de ce qui précède que, n'étant ni destinataire ni touchée par l’amende infligée à MM. G______ et H______ - dont ces derniers sont seuls débiteurs envers le DT -, la qualité pour recourir de la recourante contre une telle amende doit lui être déniée. Il sera encore relevé que, dans ses observations du 23 octobre 2023, le département a confirmé que l'amende contestée a été prononcée à l'encontre des deux précités et non de la recourante. Cette dernière, à laquelle le paiement de la sanction pécuniaire infligée à ses MPQ n’incombe pas, ne dispose ainsi d'aucun intérêt digne de protection à son annulation. En conséquence, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le recours de la recourante contre la décision du 14 janvier 2024 en ce qu’il porte sur l’annulation du prononcé d’une amende et celui-ci sera déclaré irrecevable en ce qu’il conclut à l’annulation de cette amende.

Il en va différemment de l’ordre de remise en état litigieux. En effet, celui-ci a pour conséquence que des travaux devront être effectués dans le bâtiment appartenant à la précitée. Ainsi, cette décision aura un effet direct sur la propriété de cette dernière. Partant, sauf à empêcher la recourante de faire valoir ses droits relatifs à sa qualité de propriétaire, il convient de retenir qu’elle peut se prévaloir d’un intérêt à recourir contre cet ordre de remise en état. À ce titre, il ne saurait notamment être retenu qu’elle a eu l’occasion d’exercer lesdits droits dans le cadre du recours contre le refus d’autorisation de construire. En effet, la question du bien-fondé du refus d’autoriser une installation est différente de celle de savoir si une telle installation doit être remise en état, ces deux mesures reposant sur des conditions différentes. Il sera en outre relevé que la décision de remise en état et d’amende rendue à l’encontre des MPQ a également été adressée par le DT en copie à la recourante par pli recommandé. L’on peine à distinguer pour quel motif le département aurait pris soin d’adresser copie de la décision précitée à la recourante par le biais d’un mode d’envoi permettant d’en assurer le suivi postal si cette décision n’avait aucune incidence sur les intérêts de la recourante. Partant, il sera retenu que cette dernière peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection au sens de l’art. 60 LPA à l’annulation de l’ordre de remise en état, vu sa qualité de propriétaire de l’immeuble concerné. Dès lors, le recours sera déclaré recevable en ce qu’il conclut à l’annulation de l’ordre de remise en état litigieux.

6.             La recourante sollicite divers actes d’instruction, soit la tenue d’une audience avec audition de Mme I______ et M. J______, en qualité de témoins, et d’un transport sur place.

7.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1). Ces principes s’appliquent également à la tenue d’une inspection locale en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, étant précisé qu’une telle disposition n’existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

8.             En l’occurrence, les documents versés au dossier, notamment les plans et les photographies, permettent de visualiser le bâtiment concerné, la vitrine litigieuse, les caractéristiques particulières de ces deux objets, ainsi que le périmètre dans lequel ils s’insèrent. Dès lors qu’un transport sur place aurait pour objet de faire constater ces mêmes éléments, cette mesure d’instruction n'apparaît pas susceptible de fournir des informations pertinentes supplémentaires.

S’agissant de l’audition de Mme I______ en qualité de témoin, la recourante ne démontre pas en quoi cette mesure d’instruction aurait un intérêt pour le présent litige. Il apparaît au contraire que, de l’aveu même de la recourante dans sa réplique, elle n’entend pas se prévaloir de ses échanges avec la précitée dans le cadre du présent recours. Il en va de même de l’audition de M. J______, dont il n’a pas davantage été démontré qu’elle serait utile.

Concernant la demande de comparution personnelle des parties, il sera relevé que la recourante, tout comme le DT, a eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués par le biais des écritures usuelles. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige.

Partant, il n’y a pas lieu de procéder aux mesures d’instruction requises, celles-ci n'étant au demeurant pas obligatoires.

9.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

10.         Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

11.         S’agissant tout d’abord de la décision de refus d’autorisation de construire, la recourante invoque, dans un premier grief, une violation du principe de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire.

12.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/437/2020 du 30 avril 2020 ; ATA/1262/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4b; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 2012, p. 922 ss).

Ainsi, à certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 126 II 377 consid. 3a ; 126 III 119 consid. 2a ; 122 II 113 consid. 3b/cc ; 121 II 473 consid. 2c ; 118 Ia 245 consid. 4b et les réf. citées).

L'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

13.         Une décision est arbitraire (art. 9 Cst) lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).

Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).

14.         En l’espèce, la recourante se prévaut du fait que la décision de refus d’autoriser la vitrine ouvrante violerait le principe de la bonne foi dès lors que cet ouvrage aurait été autorisé dans le cadre de l’APA. Elle se plaint également d’un résultat arbitraire, eu égard à la contradiction entre cette APA et le refus d’autorisation contesté.

Il ressort des éléments au dossier que la requête relative à l’APA déposée le 5 février 2018 par E______ SA porte sur le réaménagement des locaux sis au rez et au 1er étage que la précitée loue dans la D______. La mention « vitrine ouvrante » ne figure nullement dans le descriptif de l’objet de cette requête ni dans celui de l’APA délivrée, à teneur de laquelle le plan de coupe B-B visé ne varietur par le DT le 7 juin 2018 laisse apparaître la vitrine concernée – certes en rouge – mais en tant qu’élément fixe. Pour le surplus, sur le plan du rez-de-chaussée visé ne varietur le 7 juin 2018 dans le cadre de cette APA, cette vitrine apparaît en noir et ne fait état d’aucun mécanisme d’ouverture. Partant, au vu des éléments précités, force est de constater que la réalisation d’une vitrine ouvrante n’a pas été sollicitée dans le cadre de l’APA 4______/1 et ne fait, dès lors, pas l’objet de cette dernière. La recourante, qui supporte le fardeau de la preuve dès lors qu’elle souhaite déduire un droit de son allégation (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2), n’a pas davantage démontré que la question de la réalisation d’une vitrine ouvrante aurait été abordée dans le cadre de l’instruction de cette demande d’APA.

À teneur des plans de coupe B-B et du rez-de-chaussée précités, un aménagement a été autorisé à l’intérieur des locaux loués par E______ SA, sous la forme d’une paroi située entre la vitrine concernée et l’intérieur de l’arcade occupée par E______ SA, à laquelle cette vitrine est architecturalement reliée. L’aménagement autorisé avait certes pour conséquence d’empêcher l’accès à cette vitrine depuis la boutique de E______ SA. Toutefois, cette absence d’accessibilité depuis l’intérieur - qui découle directement de la modification requise par la locataire de la recourante -, n’a pas, contrairement à ce que prétend cette dernière, automatiquement et implicitement pour corollaire d’autoriser la réalisation d’une vitrine ouvrante afin que celle-ci soit accessible, cette fois-ci depuis l’extérieur. Retenir le contraire reviendrait à rendre lettre morte les dispositions légales et réglementaires applicables en droit de la construction, notamment l’art. 1 al. 1 let. b LCI qui prévoit que nul ne peut modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation sans autorisation. Partant, la recourante, assistée de MPQ, ne pouvait, de bonne foi, en application du principe de la confiance, ignorer qu’une autorisation d’installer une cloison à l’intérieur des locaux ne l’autorisait pas à modifier l’aspect extérieur et le mécanisme de la vitrine concernée. Dès lors, l’allégation de la recourante selon laquelle le DT ne pouvait ignorer que, suite aux modifications autorisées dans l’APA, un accès à cette vitrine depuis l’extérieur allait être créé puisque, dans le cas contraire, elle serait inaccessible, ne saurait être suivie. En effet, comme relevé à juste titre par le DT, il n’appartient pas à ce dernier de rechercher les motifs pour lesquels un propriétaire sollicite l’autorisation de modifier des locaux lui appartenant. Supprimer l’accès de E______ SA à cette vitrine relevait de la plus stricte liberté de la recourante en tant que propriétaire de l’immeuble concerné et les raisons pour lesquelles elle souhaitait procéder de la sorte ne sont pas pertinentes sous l’angle du droit de la construction. En effet, dès lors que les conditions légales relatives à l’APA sollicitée étaient réunies, le DT était tenu, comme le lui impose l’art. 1 al. 6 LCI, de délivrer l'autorisation de construire requise. Le fait que la recourante rencontre une problématique s’agissant de l’utilisation de cette vitrine qui, selon ses explications, serait mise à bail en faveur de F______ alors qu’elle est, ou à tout le moins était, accessible, depuis la boutique de E______ SA et non depuis celle de F______, est sans pertinence dans le cadre de la présente procédure. Cette problématique appartient en effet au droit privé du bail et non du droit public de la construction, de sorte qu’elle est exorbitante au litige et ne relève pas de la compétence du tribunal.

Il sera encore relevé que la recourante n’était pas sans ignorer que l’enveloppe extérieure de son immeuble faisait l’objet, depuis 1977, d’une mesure de classement. En effet, elle a elle-même expliqué avoir effectué, avant la réalisation litigieuse, des travaux de réhabilitation dans son immeuble classé dans le strict respect du patrimoine genevois, avec les conséquences financières importantes qui en avaient découlé. De plus, il sera rappelé que l’attention de la recourante avait déjà été attirée, dans le cadre de la DD 3______ délivrée en ______ 2018, sur le fait que l’assainissement des vitrines était conditionné à la validation des règles d’exécution y relatives par le SMS. Il était ainsi patent que la modification de l’une des vitrines sises en façade de son bâtiment classé nécessitait une autorisation ou, à tout le moins, la validation de la CMNS. Pour le surplus, le fait que la recourante ait déposé, le 29 octobre 2018, soit environ cinq mois après la délivrance de l’APA, la demande complémentaire DD 3______/2 contredit la thèse selon laquelle elle estimait que l’APA l’autorisait à réaliser la vitrine ouvrante. En effet, si la recourante avait de bonne foi pensé, comme elle l’allègue, que la vitrine ouvrante était autorisée par l’APA, l’on peine à distinguer les raisons pour lesquelles elle aurait jugé nécessaire de déposer une nouvelle demande d’autorisation de construire pour cet ouvrage. Il sera encore relevé que, contrairement à l’APA, la demande complémentaire d’octobre 2019 mentionne explicitement dans son objet le rajout d’une vitrine ouvrante. Dans le même sens, les plans relatifs à cette DD font, cette fois-ci, clairement état des modifications à réaliser sur cette vitrine. Enfin, la recourante ne saurait se prévaloir d’une assurance reçue de la part de l’autorité en lien avec les pourparlers engagés par son MPQ avec Mme I______, cette dernière ayant explicitement précisé, dans son courriel du 7 mai 2020, qu’en raison de la mesure de classement de la D______, le dossier devait en tout état être soumis à la CMNS. Or, la recourante n’a pas démontré, ni même allégué, que l’accord de cette commission aurait été obtenu, étant relevé, à toutes fins utiles, que la recourante ne pouvait ignorer que cet accord était nécessaire dès lors que Mme I______ le lui avait explicitement rappelé dans son courriel, ce qui démontre que celle-ci n'était pas en mesure de se prononcer en lieu et place de cette commission. La recourante ne semble d'ailleurs pas le contester dès lors qu'elle a précisé, dans sa réplique, qu’elle n’entendait pas tirer argument de ses discussions avec Mme I______ dans le cadre de la présente procédure.

Eu égard au développement qui précède, force est de constater qu’aucune promesse concrète, notamment par le biais de l’APA 4______/1, n’a été in casu émise par le DT en faveur de la recourante. En outre, la recourante ne pouvait raisonnablement, en application du principe de la confiance, interpréter cette APA comme l’autorisant à réaliser une vitrine ouvrante. L’une des conditions pour se prévaloir du principe de la bonne foi n’est ainsi pas remplie. Partant, aucune contradiction n’étant à relever entre l’APA délivrée et le refus d’autorisation de construire contesté, qui portent sur deux objets différents, aucune violation du principe de l’arbitraire n’est à déplorer.

En conclusion, mal fondés, les griefs y relatifs seront écartés.

15.         Dans un autre grief, la recourante se prévaut du fait que la décision de refus litigieuse violerait les art. 15 LPMNS et 15 LCI.

16.         La LPMNS a notamment pour but de préserver l’aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d’intérêt ainsi que les beautés naturelles (art. 1 let. b).

17.         À teneur de l’art. 15 LPMNS, l’immeuble classé ne peut, sans l’autorisation du Conseil d’Etat, être démoli, faire l’objet de transformations importantes ou d’un changement dans sa destination (al. 1).

Les simples travaux ordinaires d’entretien et les transformations de peu d’importance peuvent être autorisés par l’autorité compétente, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’un préavis favorable de la part de la Commission des monuments, de la nature et des sites et d’une demande d’autorisation ordinaire au sens de l’art. 3, al. 1 LCI, à l’exclusion des procédures accélérées prévues à l’art. 3 al. 7 et 8 de ladite loi (al. 3).

Cette disposition doit être comprise dans le sens où un tel préavis est essentiel (ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12).

18.         La LPMNS institue en outre la CMNS, composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine (cf. art. 46 al. 2 LPMNS ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6d et les arrêts cités), qui comporte trois sous-commissions (architecture, monuments et antiquités, nature et sites) et dont la compétence est codifiée dans le RPMNS (cf. art. 3 al. 1 RPMNS). Il s'agit d'une commission consultative (art. 47 al. 1 1ère phr. LPMNS), qui a pour mission de conseiller l’autorité compétente (art. 5 al. 1 RPMNS). Aux termes des art. 47 al. 1 2ème phr. LPMNS et 5 al. 2 let. e et f RMPNS, il lui revient en particulier de donner son préavis, conformément à la LCI, sur tout projet de travaux concernant un immeuble classé et/ou situé en zone protégée.

19.         Selon l'art. 5 al. 3 RPMNS, il incombe au DT de saisir la CMNS des projets pour lesquels un préavis est obligatoirement requis en application de 5 al. 2 RMPNS (cf. ATA/692/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5b).

20.         Lorsque la consultation de la CMNS, composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine, est imposée par la loi, son préavis, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un caractère prépondérant et est déterminant dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (cf. not. ATA/353/2021 du 23 mars 2021 consid. 9 ; ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 10a ; ATA/7/2019 du 8 janvier 2019 consid. 10 ; ATA/1354/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4g et les arrêts cités ; ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12b ; ATA/416/2015 du 5 mai 2015 consid. 7a et les arrêts cités). A ce titre, il est important (cf. not. ATA/353/2021 du 23 mars 2021 consid. 9 ; ATA/1024/2019 du 18 juin 2019 consid. 4d ; ATA/1354/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4g et les arrêts cités ; ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12b).

21.         Le DT peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public (art. 15 al. 1 LCI).

Sa décision se fonde notamment sur le préavis de la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou ses services compétents (art. 15 al. 2 LCI).

22.         La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce. Ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4b ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 6b).

Cette disposition reconnaît ainsi au département un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3e et la référence citée). Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 179).

23.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).

Traditionnellement, ledit principe se compose des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; ATA/1145/2023 du 17 octobre 2023 consid. 7.3).

24.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_288/2019 du 11 décembre 2019 consid. 2.2.3 ; 1C_476/2015 du 3 août 2016 consid. 4.3.1). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter « pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur » (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4c ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 5b ; ATA/1103/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5b ; ATA/37/2020 du ______ 2020 consid. 5c ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 consid. 8a). Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/1176/2022 du 22 novembre 2022 consid. 6b et les références citées).

La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. En cas de préavis divergents, une prééminence est reconnue à celui de la CMNS lorsque son préavis est requis par la loi (ATA/318/2015 du 31 mars 2015 consid. 12c ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 consid. 6). En effet, dans un tel cas, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours, dans la mesure où la CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d'associations d'importance cantonale poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est essentiel (ATA/61/2015 du 13 janvier 2015 consid. 4c ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 consid. 6 et les références citées ; ATA/537/2013 du 13 janvier 2015 consid. 8c ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 consid. 9c).

25.         Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation, pour autant que l'autorité inférieure ait suivi l'avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e ; ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7d ; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 3c).

Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi ; si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité de première instance (ATA/629/2008 du 16 décembre 2008 consid. 11).

26.         En l’espèce, l’enveloppe extérieure du bâtiment concerné fait l’objet, comme vu supra, d’une mesure de classement, ce qui n’est pas contesté par les parties. Partant, en application de l’art. 15 al. 3 LPMNS précité, la modification de ce bâtiment - soit l’installation d’une vitrine ouvrante et d’un cadre plus épais que celui initialement présent sur cette vitrine et, partant, plus épais que les cadres des autres vitrines existantes de cet immeuble - nécessitait le prononcé d’un préavis positif de la CMNS. Il importe peu à ce titre que les autres instances de préavis consultées se soient prononcées favorablement dès lors que, conformément à la jurisprudence citée supra, le préavis de cette commission revêt un caractère prépondérant et est déterminant dans le cadre de l’appréciation d’un projet concret lorsque ce préavis est imposé par la loi, ce qui est le cas ici. Ainsi, infondée, l’allégation de la recourante selon laquelle le préavis de la CMNS était consultatif et non contraignant de sorte qu’il aurait dû être écarté par le DT, tombe à faux. Partant, aucune violation de l’art. 15 al. 3 LPMNS n’est à déplorer, le DT ayant, à juste titre, sollicité le préavis – essentiel – de la CMNS.

Quant à la prétendue violation de l’art. 15 LCI, la CMNS a retenu, par le biais d’une motivation que le DT a fait sienne, que le dispositif de vitrine ouvrante était complètement étranger à l’architecture du bâtiment et portait atteinte au caractère même de sa façade. Son image était ainsi bien différente de celle des autres vitrines fixes (cadres beaucoup plus épais), de sorte que l’impact sur le rythme de la façade, notamment sur l’homogénéité des ouvertures au rez-de-chaussée, était très important. Cette commission a encore précisé que cet élément portait un grave préjudice à l’aspect du bâtiment et ne pouvait en aucun cas être autorisé. Dès lors que la façade de ce bâtiment bénéficiait de la plus haute protection existante, une vitrine distincte des autres vitrines attenantes ne pouvait en aucun cas être admise. Il était ainsi impératif de prévoir pour cette arcade une vitrine fixe identique aux autres vitrines. L’accès à l’espace situé derrière la vitrine se ferait depuis l’intérieur de l’arcade, comme habituellement pour ce type d’arcades. Pour ce faire, l’aménagement intérieur léger autorisé dans le cadre de l’APA devrait être mobile ou compter une ouverture permettant l’accès depuis l’intérieur du commerce à l’espace se situant derrière la vitrine fixe. En outre, il ressort de l’arrêté de classement 2______ du Conseil d’État du ______ 1977 que la D______ constitue un unique exemple de l’architecture du XVIIIème subsistant sur ______[GE], que presque tous les éléments d’origine de cette dernière avaient été conservés, que cette construction est esthétiquement nécessaire pour l’harmonie de ______[GE] et qu'elle est, de par sa position de tête d’îlot, d’une très grande importance dans la vision générale des ______[GE]. De même, la fiche de recensement relative à cet immeuble précise notamment que toutes les façades de ce bâtiment ont été alignées et harmonisées. Aussi, l’intérêt patrimonial très important de la D______, concrétisé par la mesure de classement de sa façade, est de nature à justifier la position stricte de l’instance spécialisée, suivie en cela par le DT. Pour le surplus, la consultation des photographies de la façade concernée, notamment la pièce n° 7 produite en annexe du recours contre le refus d’autorisation, démontre clairement que la vitrine concernée n’est, de loin, visuellement pas similaire aux autres vitrines en raison de l’épaisseur de son cadre. Contrairement aux allégations de la recourante, il n’apparaît pas que le DT, suivant en cela la CMNS, aurait mésusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que cette différence d’épaisseur implique effectivement une rupture dans l’harmonie de la façade du bâtiment. L’on distingue mal en quoi la présence de la porte à côté de la vitrine concernée permettrait de supprimer, voire même d’atténuer, cette rupture, cette porte n’impactant en rien l’harmonie – ou in casu l’absence d’harmonie – entre les vitrines présentes sur la façade de l’immeuble classé.

Pour le surplus, il n’apparaît pas que la pesée des intérêts à laquelle l’autorité intimée s’est livrée serait constitutive d’un excès ou d’un abus de son pouvoir d’appréciation. En effet, il n’a pas été démontré qu’une autre mesure moins incisive serait apte à atteindre le but visé, soit la protection patrimoniale du bâtiment classé. S’agissant de l’unique proposition alternative formulée par la recourante - tendant à peindre en blanc la surépaisseur du cadre de la vitrine ouvrante - il sera relevé que conformément à l’appréciation émise par le SMS dans son courriel du 11 juillet 2019, celle-ci ne permet pas de respecter les conditions posées par la CMNS dans son préavis. Le fait que le DT ait suivi, s’agissant de cette proposition alternative, l’analyse effectuée par le SMS - composé, pour rappel, de spécialistes capables, conformément à la jurisprudence, d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts fixés par la loi - ne prête pas flanc à la critique. En effet, le SMS a tout d’abord exposé que la solution de trompe-l’œil proposée ne fonctionnerait qu’avec un aménagement intérieur de cette vitrine en blanc, ce qui apparaît effectivement vraisemblable. Or, force est de constater que la recourante ne peut valablement s’engager à ce que cette vitrine soit aménagée en blanc de manière permanente, celle-ci étant utilisée non par elle-même, mais par l’un de ses locataires. De plus, selon ce même service toujours, l’image de la façade du bâtiment serait en tout état différente de nuit, dès lors que le « blanc-lumière » n’est pas similaire au « blanc-peinture ». Or, contrairement à l’allégation de la recourante, rien ne justifiait que l’autorité intimée s’écarte de cette analyse, étant pour le surplus rappelé que lorsque l’autorité inférieure suit les préavis requis, l’instance de recours doit observer une certaine retenue afin d’éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances spécialisées. Ainsi, c’est sans mésuser de son pouvoir d’appréciation que le DT a retenu que la solution de trompe-l’œil proposée ne permettrait pas d’obtenir, pour la vitrine concernée, une image semblable à celle des autres vitrines. Enfin et surtout, la solution précitée n’a aucune incidence sur le dispositif de vitrine ouvrante, qui serait alors conservé. Or, il sera rappelé que la CMNS relève, dans son préavis négatif, que le dispositif de vitrine ouvrante est problématique en tant que tel, dès lors qu’il est complètement étranger à l’architecture du bâtiment et porte atteinte à sa façade. Partant, la seule proposition alternative formulée par la recourante ne permettrait en tout état pas de remédier à la présence de ce dispositif jugé problématique.

Quant à la pesée des intérêts en présence, la recourante évoque son intérêt privé à maintenir la vitrine ouvrante, se prévalant à ce titre du fait que l’utilisation de cette vitrine revient à F______ et non à E______ SA, sur la base du contrat de bail à loyer la liant au précité, et que l’utilisation de ladite vitrine nécessite forcément, vu la configuration des lieux, que F______ puisse y accéder par l’extérieur du bâtiment. S’il apparaît compréhensible que cette divergence entre les conditions prévues dans le contrat de bail à loyer la liant à F______ et les possibilités offertes par la disposition des locaux soit problématique pour la recourante, force est de constater que cette problématique découle directement des termes - vraisemblablement convenus entre la bailleresse et son locataire - dudit contrat de bail à loyer. En tout état, l’existence d’un contrat de droit privé liant la recourante, dont rien ne démontre qu’elle n’en a pas elle-même fixé les modalités au vu de sa qualité de bailleresse, ne saurait justifier, sous l’angle de la proportionnalité, qu’il soit renoncé à la remise en état d’un ouvrage non autorisé. En effet, les inconvénients qui découleraient de la remise en état de la vitrine ouvrante pour la recourante, eu égard à sa qualité de bailleresse, doivent céder le pas à l'intérêt public prépondérant au respect du droit des constructions et de la protection patrimoniale d’un immeuble classé. À ce titre, conformément à la jurisprudence précitée, le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui.

En définitive, la recourante entend avant tout substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée. Le fait que le département ait procédé à une analyse différente de la sienne pour parvenir à la conclusion que l’ouvrage dont la régularisation était requise nuit au caractère et à l’intérêt de la D______ ne permet pas de retenir un abus ou un excès de son - large - pouvoir d'appréciation. Sa prise de décision, forgée sur la base du préavis défavorable de la CMNS, ne prête pas le flanc à la critique, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'interprétation ou l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé, viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

Par conséquent, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à cette dernière, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, même si celle-ci n'est pas dénuée de pertinence, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire. Infondés, les griefs en lien avec une violation des art. 15 LPMNS et 15 LCI seront écartés.

27.         Il résulte de ce qui précède que la décision de refus DD 3______/2 est conforme au droit et que le département n'a ainsi ni abusé ni excédé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

28.         La recourante conteste également l’ordre de remise en état rendu par le DT le ______ 2020.

29.         Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

30.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

31.         De jurisprudence constante (ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b; ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 5b ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 7), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé, purement financier, de l'intéressé, voire de ses clients, au maintien des installations litigieuses.

L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées).

32.         La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire, ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 p. 218 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24d et les arrêts cités); Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public – notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 218). Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l'intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2 ; 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.3).

33.         Sous l'angle de la proportionnalité, on peut notamment prendre en compte le fait que la démolition et la remise en état des lieux engendreraient des frais excessifs que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012 ; 1C_101/2011 du 26 octobre 2011 consid. 2.4 ; 1C_248/2010 du 7 avril 2011 consid. 4.2 ; 1C_273/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3.2 ; 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).

34.         En l'espèce, l'ordre de remise en état a été adressé aux MPQ de la recourante, copie adressée à cette dernière, perturbateur par situation. En outre, il est manifeste que la vitrine ouvrante concernée par cet ordre n'a pas été autorisée, et ce à juste titre, comme vu supra. Pour le surplus, il n’apparaît pas que cette vitrine aurait été érigée il y a plus de trente ans, ce que la recourante, qui supporte le fardeau de la preuve, ne prétend d’ailleurs pas. En outre, comme vu précédemment dans le cadre de l’examen du respect du principe de la bonne foi et de l’arbitraire ci-dessus, l'autorité intimée n'a pas créé chez la recourante ou ses MPQ, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Sous l'angle de la pesée des intérêts en présence et de la proportionnalité, l’intérêt privé de la recourante à maintenir la vitrine ouvrante dont la remise en état est ordonnée - au regard de la problématique d’accès à cette dernière par F______ en lien avec le contrat de bail à loyer conclu avec ce dernier - ne saurait prévaloir pour les motifs exposés plus haut. Dans le même sens, la proposition alternative de trompe-l’œil ne peut, conformément au développement exposé supra, être considérée comme étant apte à atteindre le but visé par l’ordre de remise en état. Pour le surplus, la recourante n’a pas démontré que la remise en état serait impossible ou qu’elle entraînerait des coûts disproportionnés. L'ordre de remise en état apparaît ainsi constituer une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est ainsi conforme au principe de la proportionnalité. Partant, dès lors que l’ensemble des conditions d’une remise en état sont remplies, il n'apparaît pas que la décision du département soit contraire au droit. C’est ainsi à bon droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le DT a prononcé l'ordre de remise en état querellé.

Infondé, le recours interjeté contre la décision de remise en état et d’amende du ______ 2020 sera rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, soit s’agissant de l’ordre de remise en état.

35.         En conclusion, mal fondés, les recours interjetés respectivement contre la décision de refus DD 3______/2 du ______ 2020 et contre la décision de remise en état du ______ 2020 sont rejetés.

Quant au recours interjeté contre la décision d’amende du ______ 2020, il est déclaré irrecevable.

36.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500 ; il est partiellement couvert par les avances de frais versées à la suite du dépôt des recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 14 février 2020 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2020 dans la procédure I-5_____ en ce qu’il porte sur l’amende prononcée dans ce cadre ;

2.             déclare recevable ce même recours contre la décision du département du territoire du ______ 2020 dans la procédure I-5_____ en ce qu’il porte sur l’ordre de remise en état ;

3.             déclare recevable le recours interjeté le 14 février 2020 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2020 dans la procédure DD 3______/2 ;

4.             rejette le recours interjeté contre la décision DD 3______/2 ;

5.             rejette le recours interjeté contre la décision I-5_____, dans la mesure de sa recevabilité ;

6.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par les avances de frais ;

7.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière