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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1021/2018

ATA/1262/2018 du 27.11.2018 ( AMENAG ) , REJETE

Parties : SOCIETE COOPERATIVE COOPLOG-CHEMIN VERT / CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1021/2018-AMENAG ATA/1262/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 novembre 2018

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE COOPLOG-CHEMIN VERT
représentée par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1. a. La parcelle no 2'902 de la commune de Carouge (ci-après : la parcelle), d’une superficie de 6'246  m2, est propriété de l’État de Genève. Elle est sise en zone de développement 3 et comprise, avec vingt-deux autres parcelles, dans le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) no 29'972-544 adopté par le Conseil d’État le 23 juin 1994, situé dans le quartier « Battelle-Tambourine ».

La parcelle est située à la limite sud-est du PLQ.

b. Ledit PLQ prévoyait notamment la réalisation de dix-sept bâtiments à gabarit oscillant entre rez (ci-après : R) et rez plus six étages plus superstructure (ci-après : R+6+S), destinés à du logement, des activités administratives ou de la recherche. Il prévoyait aussi le maintien de quatre constructions existantes dans leur gabarit et la surélévation de trois autres bâtiments dont le gabarit oscillait entre R+4+S et R+5+S. Mille septante-cinq places de stationnement étaient prévues.

2. La société coopérative Cooplog-Chemin Vert (ci-après : Cooplog) a été inscrite au registre du commerce le 18 juin 1996. Elle a pour but, « après avoir été mise au bénéfice d’un droit de superficie distinct et permanent au sens des art. 779 et ss du Code civil suisse, construction sur la parcelle n° 2'902 de 6'245 m2 de la commune de Carouge, de logements au lieu-dit "chemin Vert à Pinchat", qui seront au régime HBM et en conséquence soumis au contrôle de l’office financier du logement que cela implique ; mise en location à des conditions favorables à ses sociétaires ».

3. Par acte notarié du 19 décembre 1997, l’État de Genève (ci-après : l’État) a constitué en faveur de Cooplog une servitude personnelle de superficie sur la parcelle pour quatre-vingt ans.

4. Trois immeubles ont été construits entre 1996 et 2000 sur la parcelle. Il s’agit des trois immeubles au sud-est du PLQ, à l’adresse 44 à 60, rue de la Tambourine.

Une place de jeux a été construite à l’angle ouest de l’immeuble sis le plus au sud.

5. Le PLQ a été en grande partie réalisé. Les bâtiments destinés au logement ont tous été réalisés, ainsi que l’école primaire de la Tambourine. Le programme de construction des bâtiments liés à l’enseignement a été fortement remanié et seul le bâtiment destiné à la Haute école de gestion a été construit.

L’accès au périmètre du PLQ par le giratoire, prévu au croisement de la route de Drize et la route de Troinex, a été construit.

Par voie dérogatoire, un deuxième accès a été créé au sud-ouest du PLQ, de la route de Troinex à l’intérieur du périmètre du PLQ sur la rue de la Tambourine.

 

1er accès, existant :

intersection Rtes de Drize et Troinex

2ème accès, existant :

de la Rte de Troinex à la rue de la Tambourine

Place de jeux

Selon 2ème PLQ : accès prévu et litigieux

Selon 2ème PLQ : tronçon destiné à être fermé et prévu pour devenir une place publique

École de la

Tambourinee

 

 

 

 

 

 

 

 

 


6. Suite aux premières constructions, des problèmes importants de circulation dans le périmètre du PLQ ont été constatés.

a. En 2001, l’association des habitants du quartier de la Tambourine a déposé au secrétariat du Grand Conseil une première pétition (P 1'351). Le PLQ était décrit comme surdimensionné. Elle s’y « opposait ». Elle attendait des autorités un plan qui prenne en compte des accès facilités pour les voitures, les cycles et les piétons dans un quartier déjà engorgé.

b. Le 20 décembre 2004, les habitants du quartier ont déposé une seconde pétition (P 1'517), intitulée « Halte au bétonnage de la Tambourine ».

c. Le 1er juillet 2005, une proposition de motion (M 1'638) a été déposée au bureau du Grand Conseil, signée par l’unanimité de la commission d’aménagement du canton relative au PLQ de la Tambourine, relevant notamment l’urgence de corriger certaines imperfections du PLQ.

d. Le 7 octobre 2005, le Grand Conseil a renvoyé au Conseil d’État les pétitions précitées et la motion, l’invitant à réviser le PLQ. En séance du 12 octobre 2005, le Conseil d’État a décidé de prendre des mesures pour améliorer la qualité des espaces publics du quartier, le système de desserte et le stationnement ainsi que pour préserver le patrimoine naturel et construit.

e. Entre 2005 et 2014, les discussions et négociations ont eu lieu entre l’association des habitants du quartier de la Tambourine, le canton, la commune de Carouge, l’Université de Genève, les Hautes écoles spécialisées, le Département de l’instruction publique et les Transports publics genevois en vue de trouver un terrain d’entente.

7. Le 14 septembre 2009, le Conseil d’État a adopté le plan directeur communal de Carouge (ci-après : PDCom) et plan directeur des chemins pour piétons (ci-après : PDCP) n° 29'608-544, adopté par le Conseil municipal le 25 juin 2009. Il contient une fiche de mesures n° 1 concernant le quartier Battelle-Tambourine.

8. Le 9 octobre 2014, le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou le département), a élaboré un avant-projet d’un PLQ n° 29'972-544, modifié les 2 et 11 mars 2015 et les 20 mars et 20 décembre 2017.

Outre le fait de définir de nouvelles règles constructives pour le solde des droits à bâtir, le nouveau PLQ visait également à entériner :

- les réalisations de l’espace de vie enfantine et maison de quartier des Grands Hutins ;

- les nouveaux aménagements en termes d’accès (tels que la Rue de la Tambourine et un nouveau débouché sur la route de Troinex) et de stationnement ;

- la suppression et la modification d’affectation d’une partie des places de stationnement du secteur.

9. Est aujourd’hui litigieux la création d’un troisième accès, soit de la rue de la Tambourine sur la route de Troinex, impliquant la suppression de la place de jeux.

10. Un rapport d’impact sur l’environnement (ci-après : RIE), première étape, du 9 octobre 2014, réactualisé en mars et novembre 2017, a été établi.

Le pilotage de l’étude a été mené par Urbaplan qui en a assuré la coordination générale. Des spécialistes ont participé à l’étude, notamment dans le domaine de la circulation et des transports. Une étude d’accessibilité au quartier de la Tambourine a été rendue le 18 septembre 2014 par CIEC Ingénieurs Conseils SA sur mandat de l’État de Genève et la ville de Carouge.

11. La direction de la planification directrice cantonale et régionale a préavisé favorablement.

La sauvegarde de la végétation existante et la mise en place de cheminements doux favorisaient un cadre agréable pour les étudiants et les riverains. L’aménagement d’un espace public central et la préservation d’espaces ouverts entre les bâtiments encourageaient les circulations et permettaient des lieux de respiration.

12. Le service de l’environnement et des risques majeurs (ci-après : SERMA) a préavisé favorablement le 25 août 2015, réactualisant son préavis le 29 novembre 2017. Le préavis couvrait l’ensemble des domaines environnementaux et constituait l’unique préavis. Il comprenait notamment l’avis de la direction générale des transports (ci-après : DGT).

Dans la dernière version, des remarques étaient faites, notamment le regret que le RIE ne fasse pas partie des documents fournis dans le cadre de la phase de consultation. Le RIE prenait position sur des options de règlementation que la DGT ne partageait pas. Il s’agissait toutefois d’éléments qui devraient être réglés dans une phase postérieure au PLQ. Des critiques étaient aussi émises contre l’absence d’un rapport synthétique recensant l’ensemble des éléments de mobilité afin d’expliquer les démarches concernant les schémas d’accès ou la géométrie du nouvel accès. Il s’agissait d’un périmètre pratiquement totalement construit, pour lequel l’ensemble des éléments inscrits dans le nouveau PLQ en matière de stationnement ou de circulation devraient faire l’objet de négociations avec les propriétaires en place. Il s’agissait donc d’une feuille de route d’objectifs à atteindre dans le cadre des futurs aménagements à réaliser en partenariat avec la commune.

13. La procédure de mise à l’enquête publique a été ouverte du 10 avril au 11 mai 2015.

14. Le Conseil municipal de la commune de Carouge a préavisé favorablement le 20 octobre 2016.

15. La procédure d’opposition a été ouverte du 3 juillet au 4 septembre 2017.

Cooplog a fait opposition le 4 septembre 2017.

16. Par arrêté du 21 février 2018, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 23 février 2018, le Conseil d’État a adopté le PLQ n° 29'972-544. Par arrêté séparé du même jour, il a rejeté l’opposition formée par Cooplog.

Le PLQ prévoyait la réalisation de différents bâtiments. Il permettait la réalisation d’un total de 109'570 m2 de surface brute de plancher (ci-après : SBP) à raison de 8'700 m2 destinés à de l’établissement public d’activités d’enseignement et de recherche et de 2'100 m2 réservés à de l’activité ainsi que 67'169 m2 de logements existants et de 31'489 m2 d’établissement public d’activités d’enseignement et de recherche existants, pour un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 1,21 maximum et un indice de densité (ci-après : ID) de 2,30.

Ce PLQ prévoyait une diminution du nombre de places de stationnement voiture par rapport au PLQ de 1994, soit sept cent trente-huit places au lieu des mille septante-cinq prévues dans le précédent PLQ. Il prévoyait mille trois cent
soixante-quatre places pour les vélos et deux cent septante-neuf places pour les deux roues motorisés.

Il prévoyait notamment la création d’un nouvel accès au quartier par la rue de la Tambourine via la route de Troinex, une cession au profit de la commune étant prévue sur la parcelle n° 2'902, ce qui impliquait la démolition de la place de jeux créée par Cooplog. L’accès au PLQ était ainsi prévu par trois voies : l’accès actuel au croisement de la route de Drize et la route de Troinex ; le second accès créé par voie dérogatoire et la troisième à venir, depuis la route de Troinex sur la rue de la Tambourine par la parcelle n° 2'902. Ces trois chemins seraient indépendants. Il n’y aurait pas de connexion entre eux. Cette solution permettait d’abandonner l’accès initialement prévu depuis le chemin Vert qui devait passer devant l’école. En lieu et place était prévu un aménagement de type « place publique ».

17. Par acte du 26 mars 2018, Cooplog a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les arrêtés adoptant le PLQ précité et statuant sur son opposition. Elle a conclu à l’annulation de l’arrêté et, cela fait, au renvoi de la cause au Conseil d’État pour qu’il statue en procédant à la modification du PLQ en renonçant à la suppression de l’espace de jeux pour enfants ainsi qu’à la cession à la commune de Carouge des emprises correspondantes situées sur la parcelle n° 2'902. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

a. Le principe de la bonne foi de l’administration avait été violé. L’État avait tout à la fois conclu un contrat de superficie avec elle, allant jusqu’en 2077, alors même qu’il approuvait le PLQ, restreignant ainsi le droit de superficie dont elle bénéficiait.

Par courrier du 22 avril 2015, la direction de la gestion et valorisation du département des finances lui avait indiqué que le projet de PLQ visait à apporter différentes modifications sur la parcelle n° 2'902, soit :

- la suppression de l’espace de jeux pour enfants situé à l’extrême sud-ouest de la parcelle, côté route de Troinex ;

- la création en lieu et place d’un carrefour entre la rue de la Tambourine et la route de Troinex ;

- consécutivement, le prolongement de la rue de la Tambourine ;

- la cession à la commune de Carouge des emprises correspondantes situées sur la parcelle n° 2'902.

Elle avait précisé que ses propositions avaient été élaborées par l’office de l’urbanisme sans que l’office des bâtiments en soit informé. De son point de vue, cela constituait un préjudice avéré du potentiel d’utilisation de la parcelle. Elle comptait intervenir dans ce sens.

S’en étaient ensuivis différents échanges de correspondance, dont notamment une lettre de la commune de Carouge, le 16 mai 2017, adressée à tous les acteurs fonciers concernés et précisant : « Soyez donc assurés que le Conseil administratif n’envisage pas d’expropriation pour obtenir ces cessions, mais qu’il entend mener un dialogue constructif ».

La recourante avait investi CHF 109'913.65 pour l’espace de jeux pour enfants situé sur sa parcelle. Par son attitude contradictoire, l’État violait le principe de la bonne foi.

b. Par ailleurs, la garantie de la propriété était violée. Le PLQ n’était pas justifié par un intérêt public prépondérant et restreignait de manière disproportionnée l’exercice de ses droits de bénéficiaire du droit de superficie. Le Conseil d’État ne démontrait pas que l’intérêt public à la réduction du trafic dans le secteur serait plus important que l’intérêt public à conserver une place de jeux qui profitait quotidiennement aux enfants du quartier. Par ailleurs, une coopérative d’habitation poursuivait par essence un but d’intérêt public, soit celui de créer et de gérer des logements bon marché, répondant à une certaine qualité et offrant un cadre de vie agréable à ses habitants. La construction de la route querellée n’était qu’une des mesures prévues pour diminuer le trafic. La solution consistant à supprimer la place de jeux n’était ainsi pas la seule mesure qui puisse permettre d’atteindre ce but. Par ailleurs, la commune n’entendait pas procéder à des expropriations. Il était patent que l’aménagement prévu ne se réaliserait donc pas. Enfin, le PLQ était contraire au contrat de superficie conclu entre l’État et elle jusqu’en 2077.

18. Le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

19. Cooplog n’a pas souhaité produire de réplique dans le délai qui lui avait été imparti.

20. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 35 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30 ; art. 62 al. 1
let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10).

2. La recourante sollicite un transport sur place.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3).

b. En l'occurrence, le dossier contient de nombreux plans de la situation actuelle et du projet. Par ailleurs le système d'information du territoire genevois (SITG) permet d’avoir accès à toutes les informations nécessaires, y compris des photos aériennes du périmètre concerné.

Le dossier étant complet et la chambre administrative disposant des éléments nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause, il ne sera pas donné suite à la requête de transport sur place.

3. Le recours contre le PLQ litigieux peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA et 35 al. 5 LaLAT). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité des PLQ, qui est examinée au stade de la procédure d'opposition (art. 61 al. 2 LPA, 6 al. 9 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35 et 35 al. 5 LaLAT ; ATA/759/2015 du 28 juillet 2015 ; ATA/692/2015 du 30 juin 2015). La loi confère aux autorités de planification un très grand pouvoir d’appréciation, qui n’est soumis au contrôle juridictionnel qu’en tant qu’il consacre une violation du droit. Les choix liés à la planification du sol sont donc essentiellement politiques et relèvent de l’opportunité, qui n’est revue que par le Conseil d’État lors de la procédure d’opposition (art. 33 al. 3 let. b LAT ; ATA/900/2014 du 18 novembre 2014).

La chambre administrative n'est ainsi pas habilitée à examiner l'opportunité des mesures d'aménagement dont elle a à connaître sur recours (art. 61 al. 2 LPA et 35 LaLAT ; Jean-Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526 ; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10).

4. Les plans d’affectation ont force obligatoire pour chacun. Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d’affectation feront l’objet des adaptations nécessaires (art. 21 LAT).

En l’espèce, la nécessité de la modification du PLQ n’est pas contestée.

5. Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une violation du principe de la bonne foi.

a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1).

Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 in RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 s). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 et les références citées).

La protection de la bonne foi ne s’applique pas si l’intéressé connaissait l’inexactitude de l’indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1. ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 s. n. 571).

b. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATA/1176/2015 du 3 novembre 2015 et les références citées).

De jurisprudence constante, les membres des nouvelles législatures sont liés par les actes de leurs prédécesseurs si ceux-ci se sont engagés à l’égard de l’administré par des promesses ou des décisions concrètes et que les autres conditions d’application du principe de la bonne foi sont remplies (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1; 2C_1023/2011du 10 mai 2012 consid. 5). Les simples changements d’option dans le traitement des dossiers d’aménagement qui font notamment suite à des changements de législature, relèvent de l’opportunité et ne violent pas le principe de la bonne foi au sens de l’art. 9 Cst.

Le principe de la bonne foi n’est en principe pas applicable dans le domaine de la planification territoriale, qui concerne un nombre indéterminé de personnes, auxquelles les intérêts de quelques-uns ne sauraient être opposés (ATA/554/2015 du 2 juin 2015 consid. 9).

c. En l’espèce, conformément à la jurisprudence précitée, la recourante ne peut se prévaloir d’une violation du principe de la bonne foi s’agissant d’un litige portant sur l’adoption d’un PLQ.

De surcroît, la recourante ne saurait se prévaloir d’une violation du principe de la bonne foi ni du principe de la confiance, dès lors qu’elle n’a pas démontré l’existence d’une promesse reçue des autorités compétentes. À aucun moment, elle n’a reçu de garantie quant au fait que le Conseil d’État ne modifierait pas le PLQ n° 28566A-544, adopté le 23 juin 1994.

Par ailleurs, le contrat de superficie lie l’État en sa qualité de propriétaire privé, alors que la modification du PLQ est décidée par le Conseil d’État en sa qualité d’autorité de planification.

Enfin, il n’appartient pas au juge administratif de déterminer, dans le cadre de l’examen de la validité d’un PLQ, la portée des engagements pris en matière civile (ATA/692/2015 du 30 juin 2015 consid. 8 ; ATA/816/2014 du 28 octobre 2014).

Pour ces motifs, ce grief sera écarté.

6. Dans un second grief, la recourante se plaint d’une violation de la garantie de la propriété. Elle allègue qu’aucun intérêt public prépondérant ne justifierait une telle atteinte. Par ailleurs, la mesure serait disproportionnée.

a. Selon l'art. 26 al. 1 Cst., la propriété est garantie. L'art. 26 al. 2 Cst. pose le principe de la pleine indemnisation en cas d'expropriation ou de mesure équivalente. Dans sa fonction individuelle, la garantie de la propriété protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire: celui de conserver sa propriété, d'en jouir et de l'aliéner (ATF 131 I 333 consid. 3.1).

Cette garantie n'est pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité. Ce dernier principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 137 I 167 consid. 3.6).

b. Sous l’angle de l’intérêt public, s’opposent celui de la réduction du trafic et d’une meilleure fluidité de celui-ci au sein du périmètre du PLQ à celui de conserver une place de jeux pour enfants.

Il ressort toutefois du dossier que l’intérêt public à de nouveaux aménagements en termes d’accès est largement partagé. La DGT a ainsi préavisé favorablement la modification du PLQ, par l’intermédiaire de son service spécialisé en la matière, soit le SERMA. De même, le RIE réalisé pour l’adoption du PLQ litigieux démontre la nécessité d’entreprendre des mesures pour modifier les flux de circulation actuels. La commune de Carouge s’est aussi dite favorable au PLQ, issu de longues discussions entre différents partenaires, y compris l’association des habitants du quartier de la Tambourine. Le nouvel accès au périmètre du PLQ est par ailleurs conforme tant aux objectifs du plan directeur cantonal 2030, qu’au PDCom, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas. Ce dernier, dans sa fiche de mesures n° 1 concernant ledit quartier, préconise en effet d’améliorer le rattachement et les liaisons du quartier avec le reste de la commune. Il relève que les études ont mis en évidence les améliorations qui doivent être apportées, dont le réseau d’accès et le taux de stationnement, les mesures proposées résultant d’une concertation notamment avec les habitants. Il en ressort que l’intérêt public à améliorer les accès au périmètre du PLQ et diminuer les problèmes de circulation est largement retenu par tous les intervenants, y compris les habitants, comme nécessaire et important. Il prime en conséquence celui des enfants à conserver cette place de jeux. Le fait que cet espace de jeux ait été construit par une coopérative poursuivant un but d’intérêt public et se trouve sur une parcelle dont ladite coopérative est superficiaire n’est pas de nature à modifier la conclusion qui précède.

La modification du PLQ répond en conséquence à un intérêt public prépondérant par rapport à celui du maintien de la place de jeux.

Certes, s’agissant de la proportionnalité, d’autres mesures pourraient être envisageables. Cela fait toutefois plus de dix ans que les problèmes ont été soulevés par les habitants et que diverses solutions sont discutées. Les études menées et versées au dossier en font état. Le RIE mentionne d’ailleurs que les discussions devaient servir à concrétiser un projet admissible par tous les intervenants malgré des intérêts contradictoires. Le choix fait par le Conseil d’État repose en conséquence sur une étude fouillée des différentes possibilités. Il relève de l’opportunité et ne peut être revu par l’autorité de céans. Pour le surplus, la mesure litigieuse s’inscrit dans le contexte de plusieurs mesures de réaménagement des voies de circulation du périmètre. Elle est nécessaire pour améliorer la circulation dans ledit périmètre et apte à atteindre le but poursuivi. La proportionnalité au sens étroit est aussi respectée, les mesures prévues devant en outre permettre de créer une « place publique » devant l’école primaire, espace de rencontre, sans voitures, de mieux sécuriser le périmètre et de favoriser la mobilité douce, toutes mesures dans l’intérêt des enfants. Enfin, le souhait de la commune de négocier plutôt que d’exproprier ne permet pas d’en déduire que le PLQ ne sera jamais mis en application.

L’atteinte aux droits du superficiaire est en conséquence conforme au droit. Pour le surplus, les considérations de droit civil relatives au droit de superficie ne sont pas de la compétence de la chambre de céans.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. La recourante qui succombe sera astreinte au paiement d’un émolument de CHF 1'500.- (art. 87 al 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2018 par la Société coopérative Cooplog-Chemin Vert contre l’arrêté du Conseil d’État du 21 février 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Société coopérative Cooplog-Chemin Vert, un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat de la recourante ainsi qu'au Conseil d'État, soit pour lui la direction générale de l’urbanisme.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :