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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4021/2019

ATA/285/2021 du 02.03.2021 sur JTAPI/710/2020 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.04.2021, rendu le 28.10.2021, REJETE, 1C_204/2021
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;5E ZONE;PERMIS DE CONSTRUIRE;VOISIN;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;POUVOIR D'APPRÉCIATION;ÉQUIPEMENT(CONSTRUCTION)
Normes : Cst.20; LCI.14; LCI.59.al4; LCI.59.al4bis; LAT.19; LAT.22
Parties : SZILAGYI Françoise et autres, DEMARTINES Sylvia, DEMARTINES Jean Jacques, PERRING Catherine, FRIEDHEIM Thomas, FRIEDHEIM Adriana, BOCCO Inès / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, BOS REAL ESTATE SA
Résumé : Rejet d’un recours contre l’autorisation de construire un habitat groupé similaire en hauteur à la construction existante qui sera démolie mais plus massive et d’une expression architecturale différente. Au vu des préavis délivrés pendant l’instruction du dossier, le département n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation. Examen des inconvénients graves (art. 14 LCI) invoqués.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4021/2019-LCI ATA/285/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mars 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Françoise SZILAGYI
Madame Sylvia et Monsieur Jean-Jacques DEMARTINES
Madame Catherine PERRING
Madame Adriana et Monsieur Thomas FRIEDHEIM
Madame Inès BOCCO

représentés par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

BOS REAL ESTATE SA

représentée par Me Julien Pacot, avocat


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2020 (JTAPI/710/2020)


EN FAIT

1) Monsieur August SCHIEFELBUSCH est propriétaire de la parcelle n° 1'501 de la commune de Pregny-Chambésy, d'une surface de 1'713 m2, située au 21, chemin des Cornillons en 5e zone de construction, sur laquelle sont édifiés une villa de 138 m2, un garage d'une surface de 49 m2 ainsi qu'un bâtiment d'une surface de 6 m2.

2) Madame Françoise SZILAGYI est propriétaire de la parcelle n° 1'209, contiguë à la parcelle n° 1'501, à l'adresse 17, chemin des Cornillons, d'une surface de 980 m2 sur laquelle est bâtie une habitation de 119 m2 ainsi qu'un garage de 36 m2. Les parcelles nos 1'248, 1'249, 1'250, et 1'252 sont enclavées dans la parcelle n° 1'993, laquelle jouxte la parcelle n° 1'501. Les propriétaires de ces cinq parcelles sont, respectivement, Monsieur Jean-Jacques DEMARTINES, Mme Catherine PERRING, Madame Adriana et Monsieur Thomas FRIEDHEIM, ainsi que Madame Inès BOCCO. Madame Sylvia DEMARTINES est domiciliée à la même adresse que son mari, M. DEMARTINES, au 23, chemin des Cornillons. Des maisons mitoyennes sont construites sur ces parcelles.

3) a. Le 18 janvier 2018, Bos Real Estate SA a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d'autorisation préalable de construire, contresignée par M. SCHIEFELBUSCH, enregistrée sous DP 18'769 portant sur la construction d'un habitat groupé sur la parcelle n° 1'501.

b. Par décision du 2 octobre 2018, le département a refusé de délivrer l'autorisation préalable de construire DP 18'769.

4) Le 14 février 2019, Bos Real Estate SA a déposé auprès du département, par l'intermédiaire de son mandataire, une demande définitive d'autorisation de construire visant la construction, sur la parcelle n° 1'501, d'un habitat groupé, de deux étages sur rez avec toiture plate, de six logements, de haute performance énergétique, avec un indice d'utilisation du sol de 43,97 %, d'un parking souterrain de dix places voitures et deux places de parking extérieures, d'une pompe à chaleur, et l'abattage d'arbres. Cette demande a été enregistrée sous DD 112'347.

5) Lors de l'instruction de la demande, le département a recueilli divers préavis, tous favorables au projet, avec ou sans conditions, dont notamment ceux :

- du 5 mars 2019, de la commission d'architecture (ci-après : CA) avec une modification, soit une amélioration du dispositif d'entrée, en l'état trop étriqué ;

- du 11 mars 2019, de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), sous conditions et souhaits, soit de replanter des arbres pour un montant de CHF 51'000.- et d'obtenir l'accord du propriétaire pour l'abattage des arbres ;

- du 14 mars 2019, de la commune de Pregny-Chambésy, sous réserve, notamment au niveau du portail d'accès, des canalisations et de la gestion des déchets ;

- du 20 mars 2019, des Chemins de fer fédéraux suisses (ci-après : CFF), sous conditions ;

- du 25 mars 2019, du service de l'air, du bruit et des rayonnements non-ionisants (ci-après : SABRA) sous conditions. Il n'y avait pas de source de bruit à proximité susceptible de générer un dépassement des valeurs limites. L'installation de la pompe à chaleur devait respecter l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41), ainsi que la norme SIA 181 ;

- du 26 mars 2019, de l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) sous la condition que la visibilité au débouché soit garantie selon la norme VSS 640 273 ;

- du 21 mai 2019 de la CA, sans observations, mais sous conditions. La CA était favorable à une dérogation selon l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ;

- du 23 mai 2019, de la commune de Pregny-Chambésy, sous réserve, concernant les canalisations et la gestion des déchets ;

- du 28 mai 2019, du service des préavis et de l'information (ci-après : SPI) de l'office de l'urbanisme sans observations ;

- du 12 juin 2019, de l'OCT, sans observations ;

- du 3 juillet 2019, de la direction des autorisations de construire, avec dérogation à l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ;

- du 26 juillet 2019, de l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau), sous certaines conditions concernant l'évacuation des eaux des biens-fonds.

6) Par décision du 23 septembre 2019, le département a délivré l'autorisation de construire DD 112'347 ainsi que l'autorisation de démolir M 8'407. Ces décisions ont été publiées le même jour dans la feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève.

7) Par acte du 23 octobre 2019, Mme SZILAGYI, Mme et M. DEMARTINES, Mme PERRING, Mme et M. FRIEDHEIM ainsi que Mme BOCCO (ci-après : les voisins) ont formé recours contre l'autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant principalement à son annulation et, préalablement, à la tenue d'une audience de comparution personnelle ainsi que d'un transport sur place.

Tant le préavis de la CA que la décision du département ne motivaient pas l'octroi d'une dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI. Les voisins ne pouvaient dès lors pas se déterminer utilement sur la position de ces deux autorités. C'était d'autant plus problématique que le projet ne différait pas de manière marquante de la demande préalable, refusée par le département au mois d'octobre 2018.

Une augmentation de la densité n'était pas souhaitable du fait du caractère aéré du périmètre ainsi que du nombre et de la diversité de ses espaces verts. Le projet ne remplissait pas plus la condition de la compatibilité avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. Ce dernier était composé de villas familiales de dimension modérée, situées sur des parcelles verdoyantes qui contribuaient à la qualité de vie de ses habitants, et dont certaines jouissaient d'une valeur architecturale et historique. Le projet litigieux était massif et disproportionné, détruisant cette harmonie. Les cinq logements prévus allaient augmenter brutalement le nombre d'habitants et de voitures de manière incompatible avec cette harmonie. L'abattage d'arbres allait avoir un impact sur la biodiversité du quartier et causer des dégâts irréparables aux arbres restants. La construction équivalait à une modification de zone tant elle s'écartait, de par sa taille, des enjeux de densification. Enfin, aucun intérêt public ne justifiait la réalisation du projet, dès lors que, par son standing, il ne répondait pas aux besoins de la population.

Le projet allait entraîner des inconvénients et nuisances graves pour le voisinage, lequel n'avait pas été consulté pendant son élaboration. La construction porterait une atteinte esthétique massive aux voisins en obstruant totalement leur vue, de même qu'à leur sphère privée compte tenu d'un vis-à-vis direct. Leurs villas se trouveraient fortement dévaluées. Des problèmes de sécurité subsistaient. En effet, le terrain était sujet aux inondations. Le gabarit de la construction et du parking souterrain surchargeraient la nappe phréatique. Les voisins seraient exposés à des nuisances sonores et olfactives générées par les travaux, l'arrivée de dizaines de personnes, l'augmentation du trafic, la pollution atmosphérique et la création d'un toit végétalisé destiné aux loisirs. Le préavis du SABRA était erroné sur la question de la source de bruit routier, ferroviaire et aérien, dès lors que la parcelle litigieuse se situait aux abords immédiats de voies ferrées, de l'autoroute et de l'aéroport.

Le projet litigieux n'était pas compatible avec une densification qualitative de la zone 5. Il était également incompatible avec le plan directeur cantonal (ci-après : PDCn 2030) et le plan directeur communal (ci-après : PDCom), équivalant en réalité à une modification de zone. Une partie importante de la commune avait spécifiquement fait l'objet d'une modification de zone à des fins de densification, laquelle ne concernait pas la parcelle en question.

8) Le 24 janvier 2020, le département a conclu au rejet du recours.

Sa décision était suffisamment motivée dès lors que les voisins avaient non seulement pu recourir contre elle, mais également développer leurs arguments en relation avec les bases légales pertinentes. La décision de refus dans le cadre de la demande préalable DP 18'769 était sans influence sur la présente procédure.

Les dispositions légales en matière de gabarit et de distance avaient été respectées, étant noté que le gabarit du bâtiment existant était plus important que celui de l'immeuble projeté. Des atteintes à la vue des voisins n'étaient pas prouvées. S'agissant des risques liés à la nature du terrain, l'OCEau avait préavisé favorablement la demande, sans émettre de réserve. Les nuisances sonores et olfactives alléguées contredisaient la position du SABRA, instance spécialisée en la matière.

Le fait qu'une partie de la commune avait subi un changement de zone en vue d'une densification n'empêchait pas le département de faire application de l'art. 59 al. 4 LCI en zone 5.

9) Le 24 janvier 2020, Bos Real Estate SA a conclu au rejet du recours, répondant point par point à l'argumentation des voisins.

10) Dans leur réplique du 22 mai 2020, les voisins ont relevé que lesimple fait d'interjeter recours ne signifiait pas que la décision attaquée était suffisamment motivée. Il existait en l'espèce un devoir de motivation accru au vu de la quasi identité des projets DP 18'769 et DD 112'347 et du refus de la première.

La volonté du législateur de densifier la zone 5 avait été gelée en raison du manque de coordination et des dérives dans la mise en oeuvre de l'art. 59 al. 4 LCI, dont le projet litigieux était un exemple. L'impact du projet sur la biodiversité du quartier et la qualité de vie de ses habitants ne pouvait être réparé par la plantation de nouveaux arbres, même pour le montant de CHF 51'000.-.

Le vis-à-vis actuel, à savoir une seule fenêtre sur la villa existante face sud, était sans commune mesure avec la construction projetée, à deux étages plus un toit auquel les habitants pourraient accéder.

Les inondations étaient fréquentes dans leur maisons et l'office compétent n'en avait manifestement pas eu connaissance lors de la rédaction de son préavis.

11) Après duplique du département le 19 juin 2020, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 27 août 2020.

Les demandes d'actes d'instruction étaient rejetées et la décision litigieuse ne saurait être annulée en raison d'une motivation insuffisante du préavis de la CA. Le grief d'une violation du droit d'être entendu sous ces deux aspects était rejeté.

Les griefs d'une prétendue violation de l'art. 59 al. 4 LCI, de la perte de vue alléguée, du risque d'imperméabilisation du sol, et des nuisances liées au chantier, puis au trafic, appréhendées sous l'ange de l'art. 14 LCI, étaient rejetés.

Le projet d'habitat groupé de six logements entrait dans l'objectif de densification de la zone 5 fixé par le PDCn 2030, tout en respectant les conditions légales du droit des constructions.

Une autorisation de construire ne pouvait être refusée pour le seul motif qu'elle contreviendrait à un PDCom, étant relevé qu'en l'espèce la commune avait donné son accord au projet.

12) Les voisins ont formé recours contre ce jugement par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 30 septembre 2020. Ils ont conclu préalablement à ce que soient ordonnés un transport sur place, une comparution personnelle des parties et des enquêtes, notamment une expertise géotechnique. Principalement, ils ont conclu à l'annulation du jugement du 27 août 2020 et, partant, de l'autorisation de construire DD 112'347.

Ils avaient invoqué la violation de l'art. 75 LCI dans leur réplique, dans la mesure où la construction litigieuse prévoyait un nombre de logements supérieur au maximum légal et qu'aucune dérogation n'avait été octroyée à cet effet.

Ils revenaient sur chacune des motivations du TAPI pour rejeter leurs griefs, soit sur le gel des dérogations en zone villa, sur une pétition « Stop à l'urbanisation insidieuse de Pregny-Chambésy » lancée récemment et visant notamment à maintenir le caractère villageois de la commune par le refus des habitats groupés et une lettre dans le même sens, adressée au conseil municipal et au conseil administratif à la fin du mois de septembre 2020. Ils avaient pris connaissance d'une annonce publiée sur un site Internet immobilier proposant à l'adresse litigieuse, au 1er étage, un appartement de 300 m² au prix de CHF 3'950'000.-. Enfin, en été 2020, les villas des voisins avaient connu des inondations, vraisemblablement causées par la surcharge de la nappe phréatique. Une telle situation pouvait engendrer un risque d'effondrement de la nappe qui aurait un impact sur l'ensemble du voisinage, de sorte qu'une expertise géotechnique devait être réalisée.

Le TAPI, en refusant les mesures d'instruction sollicitées, avait violé leur droit d'être entendus et procédé à une appréciation anticipée inexacte des preuves. Un transport sur place aurait nécessairement conduit cette instance à constater que le projet litigieux ne s'intégrait aucunement dans le paysage et le quartier. La comparution des parties lui aurait permis d'instruire la question des nuisances sonores et les problématiques relatives aux inondations et à la nature du sol, ce qui l'aurait conduit à des investigations complémentaires par le biais notamment d'une expertise. C'était de manière erronée que le TAPI avait considéré que l'absence de motivation du préavis de la CA ne violait pas le droit d'être entendu. En effet, les voisins se trouvaient dans l'impossibilité d'appréhender les raisons pour lesquelles la CA, après avoir rendu trois préavis négatifs dans le cadre de la DP 18'769, notamment en raison de l'implantation du projet et de l'absence de qualité paysagère, avait soudainement revu sa position, alors même que le projet autorisé portait sur un projet quasiment identique à celui précédemment refusé par le département. Ce vice n'était pas réparable dans la mesure où l'octroi de la dérogation en cause relevait pour partie de l'opportunité et que les instances judiciaires ne disposaient pas en la matière du même pouvoir d'examen que le département. Le TAPI avait enfin gravement violé leur droit d'être entendus en s'abstenant de se déterminer sur leur grief en lien avec l'art. 75 LCI.

Les règles relatives au changement de pratiques administratives prévues aux art. 8 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) avaient été violées. Des suites du gel de la densification de la zone villa prononcée le 28 novembre 2019, ce alors que la procédure était pendante devant le TAPI, la cause aurait dû être tranchée à l'aune des nouvelles règles applicables. Ce gel répondait en effet à un intérêt public majeur et le caractère urgent de la mesure était établi puisqu'elle était entrée en vigueur dès son prononcé. Le TAPI disposait par ailleurs d'un pouvoir d'examen complet en légalité et aurait dû annuler l'autorisation de construire litigieuse, conformément à la nouvelle pratique du département. Désormais, la pratique en la matière était régie par le principe d'une amélioration qualitative des constructions dans cette zone et impliquait partant une motivation accrue des instances spécialisées et autorités lors de l'octroi d'une dérogation à l'indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) applicable, ce qui n'était pas le cas des préavis et de la décision d'autorisation querellée, alors même que le projet en question ne différait que de manière négligeable de celui refusé en octobre 2018. Le TAPI avait justement retenu que le projet querellé était largement plus massif et ne présentait pas les mêmes caractéristiques architecturales que la majorité des villas de la zone, familiales, de dimension modérée, sises sur des parcelles verdoyantes et jouissant d'une valeur architecturale et historiques accrue. Cette instance ne pouvait, partant, exclure un abus du pouvoir d'appréciation du département en se limitant à affirmer d'une manière stérile qu'il existerait une certaine diversité des architectures et implantations. Le projet apparaissait ainsi largement disproportionné et détruirait l'équilibre du quartier, ce que les images de synthèse figurant au dossier permettaient déjà d'établir. S'y ajouterait une densification brutale et disproportionnée du trafic. L'abattage des arbres aurait un impact grave sur la biodiversité existante, ce qui n'était plus tolérable dans le contexte de crise environnementale actuel. Il était probable que les travaux causent des dégâts irréparables aux arbres non visés par la mesure d'abattage, étant relevé que les instances spécialisées ne fournissaient pas de garanties suffisantes à cet égard. Enfin, le projet litigieux ne correspondait à aucun intérêt public, les logements prévus, de par leur standing et leur prix, ne répondant aucunement aux besoins de la population. Les intimés n'avaient aucunement l'intention, ce qui ressortait de l'annonce immobilière susmentionnée, de créer six logements destinés à la population. Il s'agissait vraisemblablement d'une parade pour pouvoir réaliser des logements de luxe à des prix inaccessibles supposant par ailleurs l'octroi d'autorisations au sens de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Or, l'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas pour but de permettre la réalisation d'opérations immobilières juteuses qui précisément s'inscrivaient dans le cadre des dérives que les autorités entendaient désormais éradiquer.

Le terrain devant accueillir le projet litigieux n'était pas pourvu d'un équipement conforme à l'art. 19 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), preuve en était les régulières inondations susmentionnées. La position du TAPI considérant que la perte de vue et d'intimité induite par le projet litigieux ferait partie des inconvénients pratiquement inévitables de l'édification de nouveaux bâtiments était une position insoutenable. Les inconvénients causés aux voisins pouvaient être largement atténués par le redimensionnement du projet et la révision de certaines de ses caractéristiques, soit notamment la présence de grandes baies vitrées sur l'ensemble des façades, de larges balcons sur trois faces et d'un toit affecté aux loisirs des habitants, tous éléments entraînant une atteinte inadmissible à leur sphère privée et une forte dévaluation de leur villa. La question des nuisances sonores et olfactives générées par le chantier, mais également par l'arrivée de dizaines de personnes, respectivement par la création d'un toit végétalisé destiné aux loisirs et par l'augmentation inévitable du trafic, a fortiori de la pollution atmosphérique, devait être instruite, d'autant plus qu'ils avaient d'ores et déjà subi des nuisances durant plusieurs années en raison de la construction des troisième et quatrième voies des CFF. La question des nuisances sonores découlant des voies ferrées, de l'autoroute et de l'aéroport devait également être instruite, au-delà du préavis du SABRA, la situation de la parcelle litigieuse rendant probable un dépassement ponctuel des valeurs limites.

L'octroi d'une dérogation à l'art. 75 LCI impliquait des circonstances particulières non réalisées en l'espèce. Le projet litigieux n'était pas conforme au PDCn2030 puisqu'il n'était pas situé dans un secteur concerné par une modification de zone, respectivement par une densification. Certains secteurs de la commune en revanche connaissaient déjà une importante densification (projets Clos-de-la Fontaine et de la Malvande), de sorte que l'environnement villageois du site prévu pour le projet litigieux devait bénéficier d'une protection, ce qui d'ailleurs correspondait à la volonté des habitants de la commune ressortant de leur pétition afin de faire respecter les principes d'aménagement du territoire.

13) Aux termes de sa réponse du 9 novembre 2020, le département a conclu au rejet du recours.

Il relevait à titre liminaire que la demande préalable d'autorisation de construire n'était en rien liée à la demande définitive faisant l'objet de la présente procédure. Il s'agissait d'objets différents, dont l'instruction pouvait être différenciée, sans que notamment les préavis rendus dans le cadre de la première n'aient à être pris en compte dans celui de la seconde. Pour s'en convaincre, il suffisait notamment de constater que l'IUS proposé, et l'ensemble des éléments y liés, n'étaient pas les mêmes et que Bos Real Estate SA ne s'était pas non plus prévalue de sa demande préalable, ou plus exactement de certains des préavis rendus, lorsqu'elle avait déposé sa demande définitive.

Il a répondu ensuite point par point au recours.

14) Bos Real Estate SA a également conclu au rejet du recours, le 9 novembre 2020, ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Le grief d'une violation du droit d'être entendu, sous tous les aspects dénoncés, devait être rejeté.

Les voisins ne pouvaient pas se prévaloir du gel des dérogations à la densité en zone 5 décrété le 28 septembre 2019, valable uniquement pour les demandes d'autorisation déposées à compter de cette date.

Les arguments développés étaient purement appellatoires.

À la suite au refus de la requête d'autorisation de construire préalable, elle avait mené une phase de pré-consultation auprès de la CA. Elle souhaitait s'assurer de tenir compte des souhaits et craintes de cette instance et modifier son projet de construction en conséquence. Lors de la séance organisée avec la CA, elle avait pu mettre en avant les éléments modifiés par rapport au précédent projet à savoir notamment la réduction du coefficient d'utilisation du sol (de 0,48 % à 0,44 %), l'augmentation de la surface de verdure en conséquence, le retrait de l'ensemble de la construction vers l'amont, côté chemin des Cornillons, et l'optimisation des espaces mutualisés de détente côté est. Elle s'était appliquée à tenir compte des trois remarques principales émises par la CA dans le cadre du dossier de la demande préalable et justifiant son refus d'une dérogation au regard de l'art. 59 al. 4 LCI, soit en lien avec l'implantation du bâtiment, la qualité paysagère et les accès. Ainsi, l'ampleur du bâtiment projeté était désormais réduite de plus d'un mètre en largeur et de plus de 8 m en longueur. Le coefficient d'utilisation du sol avait été réduit, étant relevé que la surface brute de plancher (ci-après : SBP) était de 830 m² dans le projet préalable, contre 764,2 m² dans le projet définitif (soit l'équivalent d'un appartement de trois pièces). Il en résultait une qualité paysagère fortement améliorée. Au vu des modifications substantielles du projet, la CA avait considéré que la dérogation était désormais envisageable, d'où son préavis favorable du 5 mars 2019. Elle peinait à comprendre l'opposition farouche des voisins à son projet dans la mesure où eux-mêmes avaient bénéficié d'une dérogation en termes de densité pour la construction de leurs villas mitoyennes.

Le TAPI avait répondu aux allégations des voisins en retenant que l'existence de nombreux espaces verts et la diversité des essences les composant n'étaient pas des circonstances suffisantes pour démontrer, dans le cas de l'intensification autorisée par l'art. 59 al. 4 LCI, que le projet serait mal conçu et entraînerait des pertes inutiles pour la végétation alentour. Le fait qu'elle aurait, selon les enquêtes menées par les voisins et les supputations qu'ils en déduisaient, l'intention de créer des logements de luxe à des prix inaccessibles, par ailleurs soumis à autorisation LDTR, était parfaitement exorbitant à la présente procédure.

Au vu de l'argumentation développée par les voisins, il semblait qu'ils ne critiquaient pas l'équipement du terrain en termes de voies d'accès, mais plus vraisemblablement en matière de conduites. Or, plusieurs préavis attestaient de l'examen de l'impact du projet de construction sur les sols et de la conformité du système de canalisations prévu avec les règles en la matière.

Le bâtiment prévu était d'une hauteur inférieure d'environ 1 m de la villa existante. Toute éventuelle perte d'intimé résulterait uniquement de la politique de densification de la zone villas et aucune disposition légale ne consacrait le droit à la vue. Aucune violation de l'art. 14 LCI n'était démontrée.

En autorisant le projet, le département, usant de son pouvoir d'appréciation, avait accepté la dérogation prévue à l'art. 75 al. 3 LCI, à tout le moins implicitement.

Les arguments en lien avec la prétendue violation de l'art. 3 LAT en relation avec l'absence de conformité au PDCn 2030 et au PDCom étaient totalement exorbitants au litige.

15) Le 14 janvier 2021, les recourants ont répliqué.

La seule consultation du système d'information du territoire à Genève (SITG) ne permettait pas d'appréhender le climat, la tranquillité et le caractère villageois d'un quartier.

Même si le projet avait fait l'objet de quelques modifications mineures, il demeurait largement similaire à celui refusé et dans ce contexte il incombait à la CA de motiver de manière accrue les changements de circonstances légitimant l'octroi d'un préavis favorable.

Leurs habitations n'avaient pas nécessité de dérogation. Une partie de leurs terrains avait été expropriée lors de la construction de la 3ème voie de la ligne de chemin de fer.

L'expertise géothermique se justifiait d'autant plus que les sondages réalisés sur les terrains aux alentours dans le cadre de forages pour le projet de 3ème voie de la ligne de chemin de fer Lausanne-Genève, indiquaient clairement que le sol était faiblement perméable et humide. L'expertise permettrait d'établir la présence de nappes caractérisées et dans l'hypothèse d'absence de nappe, elle mettrait en lumière les différentes circulations d'eau.

Le changement de pratique lié au gel des dérogations, devait être appliqué immédiatement au projet litigieux.

Le conseil municipal de la commune avait, dans sa session du 8 décembre 2020, voté en faveur du soutien à leur cause s'opposant à la démolition d'une maison et à la construction d'un habitat groupé. Il reconnaissait que le bâtiment prévu péjorerait l'harmonie villageoise du quartier. Le préavis favorable avait été délivré par la volonté d'un conseiller administratif proche des milieux immobiliers.

16) Le 18 janvier 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

17) Par envoi du 12 février 2021, les voisins ont versé copie d'un courrier adressé le même jour à l'OCAN demandant la reconsidération du préavis favorable émis dans le cadre de la DD 113'347.

Un chêne centenaire s'était effondré sur un garage situé à l'entrée du 21, chemin des Cornillons. L'incident était apparemment imputable à la pourriture affectant les racines de l'arbre qui découlait directement de la présence, dans cette zone, d'un sol extrêmement marécageux et instable. Cet incident confirmait le bien-fondé de leurs craintes de dégâts importants à leurs habitats en cas de mise en oeuvre de la construction envisagée laquelle comportait en outre un parking souterrain.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants sollicitent plusieurs actes d'instruction déjà requis en première instance et font valoir une violation de leur droit d'être entendus en raison du refus du TAPI de les avoir ordonnés.

Le transport sur place requis devait permettre de constater que le projet litigieux ne s'intégrait aucunement dans le paysage et que le quartier de Chambésy-dessous se distinguait par son caractère villageois. La comparution des parties visait à instruire les questions des nuisances sonores et relatives aux inondations et à la nature du sol et mener à des investigations complémentaires sous forme d'une expertise géothermique.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1).

b. En l'espèce, de nombreuses pièces ont été produites. À l'instar du TAPI, la chambre de céans considère que le dossier est complet et en état d'être jugé. Il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction formulées, compte tenu de ce qui suit.

Le TAPI a considéré qu'il disposait d'un dossier lui permettant de visualiser le projet litigieux, son futur emplacement, ses dimensions et le périmètre dans lequel il s'insérait. Un transport sur place, ayant pour objet les mêmes éléments d'appréciation, n'apporterait aucune information ou donnée pertinente supplémentaire, de sorte que c'est à juste titre que le TAPI a rejeté cette demande instruction.

Les voisins recourants n'ont pas sollicité du TAPI qu'il ordonne une expertise portant sur les nuisances sonores et les problématiques relatives aux inondations et à la nature du sol - les voisins ne démontrant au demeurant pas que la construction projetée se situerait au-dessus de la nappe phréatique ni ne définissant concrètement quels risques pourraient être encourus - de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir d'une violation du droit d'être entendus sur ce point. Ils ont pu faire valoir leur position sur ces points devant le département, le TAPI, puis la chambre de céans. Ces questions, de nature technique, pour autant que pertinentes dans le cas d'espèce, ne pourraient au demeurant pas être démontrées par une simple audition des parties, comme justement retenu dans le jugement attaqué.

À cela s'ajoute qu'au vu des modifications substantielles entre le projet de construction de la DP 18'769 et celui de la demande définitive DD 112347, la CA a, ensuite de son analyse de la situation, considéré que la dérogation était désormais envisageable, ce que les voisins ont pu comprendre à la lecture du préavis du 5 mars 2019 déjà. Partant, la position du département et plus particulièrement de la CA découle du dossier et était compréhensible pour les voisins, leur permettant ainsi d'orienter leurs recours en toute connaissance de cause.

Enfin, le grief portant sur la prétendue violation de l'art. 75 LCI, articulé par les voisins seulement au stade de la réplique devant le TAPI, en deux lignes et demi seulement, a été évoqué tardivement et doit être considéré de ce fait comme irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_70/2020 du 9 décembre 2020 consid. 2). En outre, il n'est manifestement pas décisif pour l'issue du litige, comme cela sera vu ci-dessous.

En conséquence, le grief de violation du droit d'être entendus devant le TAPI, et par voie de conséquence de mauvais établissement des faits, est infondé, les premiers juges étant habilités à considérer, au vu du dossier en leur possession, que leur opinion ne serait pas modifiée par l'issue des actes d'instruction sollicités.

3) Les recourants font valoir une violation des règles relatives à un changement de pratique administrative. Le gel de la densification de la zone villas du 28 novembre 2019, alors que la procédure était pendante par-devant le TAPI, aurait dû s'appliquer au projet querellé, entraînant l'annulation de l'autorisation de construire.

a. Le 28 novembre 2019, le département a annoncé ne plus accorder, dès cette date, de dérogation pour les projets de densification en zone villas au sens de l'art. 59 al. 4 LCI (gel des dérogations concernant la densité, communiqué de presse du département du 28 novembre 2019) dans l'attente de l'établissement de conditions-cadre pour plus de durabilité au développement de la 5e zone.

Le 1er octobre 2020, le Grand Conseil a adopté une modification de l'art. 59 LCI (PL 12'566) entrée en vigueur le 28 novembre 2020. Le nouveau cadre légal prévoit que la commune dispose d'une période deux ans, soit jusqu'au 31 décembre 2022, pour élaborer sa stratégie de densification de la 5e zone, faisant partie intégrante de son PDCom, en délimitant des périmètres de densification accrue dans lesquels les dérogations de densité trouveront application. Tant que cette stratégie communale n'est pas approuvée par le Conseil d'État, les projets de constructions sollicitant l'application de l'art. 59 al. 4 LCI, déposés avant le 1er janvier 2023, doivent obtenir un préavis favorable de la commune (art. 59 al. 4bis LCI).

b. En l'espèce, l'autorisation de construire litigieuse a été délivrée avant l'adoption du gel des dérogations et c'est en vain que les recourants requièrent son application. D'une part, le gel était prévu pour ne concerner que les autorisations délivrées après le 28 novembre 2019 (ATA/1075/2020 du 27 octobre 2020 consid. 5), et d'autre part, le gel est terminé et la modification de l'art. 59 LCI n'est entrée en vigueur le 28 novembre 2020 que pour les demandes d'autorisation déposées après cette date (art. 156 al. 5 LCI ; ATA/156/2021 du 9 février 2021 consid. 3).

En conséquence, le grief des recourants sera écarté. L'art. 59 al. 4bis LCI ne trouve pas application en l'espèce, comme vu ci-dessus le raisonnement des recourants tombe en tout état à faux, la commune ayant préavisé favorablement le projet.

4) Les recourants font valoir une violation de l'art. 59 al. 4 LCI et un abus du pouvoir d'appréciation.

Selon leur raisonnement, le gel de l'octroi de dérogations en zone villas impliquait le principe d'une amélioration qualitative des constructions et une motivation accrue des instances spécialisées lors de l'octroi d'une dérogation.

Toutefois, ce raisonnement ne peut se fonder sur le gel de la densification, qui n'est plus d'actualité en tant que tel et ne s'applique pas au projet litigieux. En outre, ce gel ne peut avoir eu comme conséquence, concernant les autorisations délivrées avant son application, de modifier l'examen de la compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier tel qu'exigé par l'art. 59 al. 4 LCI.

Le grief des recourants devra donc être examiné en tenant compte de cette conclusion préalable et le grief de violation de l'art. 3 LAT peut être écarté sans examen supplémentaire, car il se fonde également sur le gel de la densification.

5) a. L'art. 59 al. 4 LCI, dans sa teneur jusqu'au 28 novembre 2020, prévoyait que lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance, énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (let. a).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser. Selon l'art. 59 al. 4 let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 5).

c. La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, exigée par l'art. 59 al. 4 LCI, est une clause d'esthétique, analogue à celle contenue à l'art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

d. Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, la première condition imposée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l'opportunité, que la chambre de céans ne peut pas contrôler (art. 61 al. 2 LPA), alors que la seconde relative à la compatibilité du projet pose des critères relatifs à l'esthétique et à l'aménagement du territoire conférant un large pouvoir d'appréciation à l'autorité qui doit s'exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relève non pas de l'opportunité, mais de l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, dont la chambre administrative est habilitée, selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l'excès ou l'abus (arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2 et les références).

e. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 et les références).

6) En l'espèce, le département s'est fondé sur des préavis favorables de la commune et de la CA. La commune n'a émis aucune réserve en ce qui concernait l'intégration de l'habitat groupé dans son environnement bâti, ni fait référence à son PDCom. La CA a constaté que le projet était compact et que l'implantation était cohérente dans son premier préavis. Son second préavis du 21 mai 2019 indique que la commission est favorable à la dérogation de densité, le projet répondant au précédent préavis du 5 mars 2019.

À ces préavis, les recourants opposent un « entassement » qui résulterait de la création des nouveaux logements qui serait « incompatible avec l'harmonie du quartier ». L'équilibre du quartier résulterait notamment des villas familiales de dimensions modérées, sises sur des parcelles verdoyantes. Aucune des constructions situées aux alentours n'aurait, en outre, le « caractère extrêmement massif du projet » et le quartier présenterait un aspect quasi villageois. Ils produisent finalement un courrier daté du 11 décembre 2020, du président du conseil municipal, indiquant que le « conseil municipal reconnaît que le bâtiment prévu péjorera l'harmonie villageoise de ce quartier ».

Or, le législateur a eu conscience de l'évolution du visage des quartiers de villas et a souhaité encourager la réalisation de ces nouvelles formes d'habitat (groupé ou en ordre contigu), lorsqu'il a augmenté les IUS dérogatoires susceptibles d'être appliqués dans cette zone (cf. l'intervention de Monsieur Christophe AUMEUNIER, rapporteur de majorité, lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC 2012/II/A/ p. 1432 ss). Il a considéré cette évolution comme une réponse utile et nécessaire aux problèmes de l'exiguïté du territoire et à la pénurie de logements (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7f ).

En l'espèce, il faut retenir, comme l'a fait le TAPI dans son jugement, que la construction prévue sera d'une hauteur inférieure à 10 m, similaire en hauteur à la construction existante mais plus massive et d'une expression architecturale différente de celles des habitations des recourants. Toutefois, comme le relève le département, certaines constructions situées à proximité immédiate de la parcelle concernée présentent des caractéristiques modernes et des dimensions qui ne peuvent être qualifiées de modérées, dont notamment les bâtiments avec toits plats érigés sur les parcelles nos 1'212, au 19, chemin des Cornillons, d'une surface au sol de 161 m2 et 1'995, au 21A, chemin des Cornillons, d'une surface au sol de 241 m2.

Il appert encore que les constructions existantes sur la parcelle concernée et sur celles des recourants ne bénéficient d'aucune protection particulière et que s'agissant du « caractère villageois » du quartier, la zone de construction concernée n'est pas celle des villages et hameaux de la campagne genevoise (zone 4B), mais la zone 5.

Les recourants ne font ainsi que substituer leur propre appréciation à celle du département sur la question de l'adéquation de la construction avec son environnement bâti.

C'est donc conformément à son pouvoir d'appréciation que le département, se fondant sur les préavis imposés par la loi, a autorisé une dérogation au rapport des surfaces dans le sens de l'art. 59 al. 4 LCI, étant rappelé que les préavis favorables de la CA n'ont, en principe, pas besoin d'être motivés selon une jurisprudence constante de la chambre de céans (ATA/1075/2020 du 27 octobre 2020 consid. 5 et les références citées) et qu'en l'occurrence, la CA a indiqué que l'aspect compact du projet était à relever.

L'opinion du conseil municipal, donnée dans le cadre du recours devant la chambre de céans, qui contredit le préavis de la commune exprimé dans le cadre de l'instruction de la demande en autorisation de construire, n'est pas susceptible de modifier cette constatation, le préavis requis étant, dans le système prévu par l'art. 59 LCI, celui rendu par l'exécutif municipal (art. 48 let. h et 30 al. 1 let. s a contrario de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05).

Il découle de ce qui précède que le département n'a pas excédé ou abusé du pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 59 al. 4 let. a LCI, en délivrant l'autorisation querellée, ce que le TAPI, composé pour partie de spécialistes, a également retenu. Le grief sera donc écarté.

7) Les recourants reprochent au département d'avoir violé l'exigence d'équipement découlant des art. 19 et 22 LAT. Leurs villas connaitraient régulièrement des inondations et un risque d'affaissement de la nappe phréatique serait à craindre. Les préavis étant muets sur cette question, une expertise géotechnique s'imposerait.

a. L'art. 22 LAT prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est notamment délivrée si le terrain est équipé (al. 2 let. b). Selon l'art. 19 al. 1 LAT, un terrain est réputé équipé lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès. Un terrain est réputé équipé au sens de l'art. 19 LAT, lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès et par des conduites auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l'alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l'évacuation des eaux usées.

b. Le préavis rendu par l'OCEau du 26 juillet 2019, après deux demandes de production de pièces complémentaires les 20 mars et 28 mai 2019, permet de constater que la parcelle concernée n'est pas située en zone de danger ni en zone de protection des eaux et que des conditions concernant les raccordements et les évacuations des eaux du bien-fonds ont été fixées, renvoyant aux différentes dispositions applicables de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05).

Le SPI quant à lui a rendu un préavis favorable sans observations, alors que dans le cas de la DP 18'769, il avait mentionné un risque d'imperméabilisation du sol.

Quant au préavis de l'OCAN portant sur l'abattage d'arbres et sur l'obligation de replantation, que les recourants voudraient voir reconsidérée en raison de la chute d'un arbre, on peine à comprendre le lien avec les exigences d'équipement.

À cela s'ajoute que l'argumentation des recourants quant à l'imperméabilisation du terrain tombe à faux puisque, comme l'a retenu le TAPI à juste titre, la parcelle telle qu'elle apparaît sur les photographies aériennes présente actuellement une plus grande surface imperméable que celle prévue par le projet de construction.

Le grief sera donc écarté.

8) Les recourants invoquent une violation de l'art. 14 LCI en raison de l'absence de barrière visuelle pour protéger leur habitation, de la dévaluation de la valeur de leur bien, de l'imperméabilisation liée à la construction, de l'augmentation du trafic et des nuisances sonores, ainsi que de la pollution de l'air, soit autant d'inconvénients graves.

a. L'art. 14 al. 1 LCI dispose que le département peut refuser les autorisations prévues à l'art. 1 lorsqu'une construction ou une installation : peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ; ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu'exige son exploitation ou son utilisation (let. b) ; ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l'égard des voisins ou du public (let. c) ; offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d) ; peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

b. Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part de la constructrice ou du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 11b).

c. En l'espèce, les recourants motivent une violation de l'art. 14 LCI, de façon très générale, notamment par l'existence de nuisances déjà subies en lien avec la construction de la troisième et quatrième voie CFF, ainsi que les nuisances sonores découlant de ces voies ferrées, de l'autoroute et de l'aéroport. Ils reprochent au TAPI de ne pas avoir instruit ces différentes nuisances et d'avoir « balayé » leurs arguments en renvoyant sans autre aux préavis positifs recueillis lors de l'instruction de la demande d'autorisation de construire. Ils mélangent à tort les nuisances subies par le passé avec les nuisances qui seraient provoquées par la construction projetée qui sont les seules dont l'examen est pertinent en l'espèce.

Plusieurs contradictions découlent de l'argumentation des recourants. Ainsi, ils fondent la gravité des inconvénients sur le nombre de logements à construire, impliquant, selon eux, une augmentation importante d'habitants et de véhicules, tout en indiquant ailleurs dans leurs écritures que l'intimée a pour projet de joindre les appartements par deux, réduisant ainsi à trois le nombre de logements. Ces allégations, étayées par des annonces parues dans la presse dont les recourants font grand cas, sont également en contradiction avec le grief de violation de l'art. 75 LCI, lequel prévoit que chaque construction ne peut en principe comporter plus de quatre logements.

Une autre contradiction se trouve dans le fait de souligner les prix « exorbitants » des logements prévus tout en alléguant une perte de valeur de leur bien-fonds. S'agissant de cette perte de valeur, nullement documentée, l'intérêt économique de l'intimée à pouvoir valoriser sa parcelle constructible, doit lui être opposée. En outre, s'agissant d'une question de droit privé, elle est exorbitante au litige. En cela, c'est à juste titre que le TAPI a retenu que la perte de valeur n'était qu'hypothétique.

Quant au prix allégués des futurs logements, dont les recourants retiennent qu'ils sont contraires au but de l'art. 59 al. 4 LCI, il faut retenir que la volonté de densification en 5e zone ne se confond pas avec l'exigence de construction de logements à prix abordables, répondant à un besoin d'intérêt public, telle que prévue dans la zone de développement, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; ATA/1325/2017 du 26 septembre 2017 consid. 7f). Il ne peut en conséquence être fait le grief à la société intimée d'avoir choisi de construire, en 5ème zone, un habitat groupé d'un standing supérieur à celui imposé par la LGZD (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3g).

Par rapport à l'écran d'arbres qui protégerait la parcelle de l'une des recourantes et qui disparaîtrait en raison de l'autorisation d'abattage, force est de constater que d'une part, une obligation de replanter des arbres accompagne l'autorisation délivrée et surtout, que rien n'empêche la recourante concernée de prévoir sur sa parcelle une arborisation ou tout autre écran qui lui permettrait de retrouver une certaine intimité dont elle bénéficiait grâce aux arbres plantés sur une autre parcelle.

Concernant les inondations que subiraient fréquemment leurs habitations, les recourants n'apportent aucun élément permettant d'établir un lien entre la construction prévue et l'accroissement du risque d'inondation dont ils n'établissent au demeurant pas l'origine.

Finalement, il n'est pas possible non plus de suivre les recourants lorsqu'ils retiennent que l'augmentation du trafic, la pollution de l'air et les nuisances sonores liées aux véhicules supplémentaires seraient importantes au point de constituer un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI. En effet, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable au sens de l'art. 14 LCI. De fait, l'accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone, ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI. La chambre administrative a notamment retenu que la construction de trois villas nouvelles ne saurait générer d'inconvénients graves pour le voisinage (ATA/461/2020 précité consid. 11c et les références citées), ou encore que la construction d'un habitat groupé de huit logements ne compromettait pas la desserte par un chemin où un croisement à vue était possible (ATA/638/2020 du 30 juin 2020 consid. 4).

Pour le surplus, sur ces questions, la chambre de céans renvoie au considérants détaillés du jugement du TAPI, qu'il fait siens (JTAPI/710/2020 du 27 août 2020 consid. 14, 15 et 16).

9) En tous points infondés, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à Bos Real Estate SA, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 octobre 2020 par Madame Françoise SZILAGYI, Madame Sylvia et Monsieur Jean-Jacques DEMARTINES, Madame Catherine PERRING, Madame Adriana et Monsieur Thomas FRIEDHEIM et
Madame Inès BOCCO contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame Françoise SZILAGYI, Madame Sylvia et Monsieur Jean-Jacques DEMARTINES, Madame Catherine PERRING, Madame Adriana et Monsieur Thomas FRIEDHEIM et Madame Inès BOCCO ;

alloue une indemnité de CHF 1'500.- à Bos Real Estate SA, à la charge solidaire de Madame Françoise SZILAGYI, Madame Sylvia et Monsieur Jean-Jacques DEMARTINES, Madame Catherine PERRING, Madame Adriana et Monsieur Thomas FRIEDHEIM et Madame Inès BOCCO ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourants, à Me Julien Pacot, avocat de Bos Real Estate SA, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :