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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/617/2016

ATA/1059/2017 du 04.07.2017 sur JTAPI/990/2016 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; TRAVAUX DE CONSTRUCTION ; TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; PLAN D'AFFECTATION CANTONAL ; CONSTATATION DES FAITS ; MOTIVATION DE LA DÉCISION ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION ; PROFIL ; ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
Normes : Cst.29.al2 ; LPA.19 ; LPA.20.al1 ; LCI.4 ; LPA.61.al1.leta ; LPA.61.al2 ; LCI.106.al1 ; LCI.15 ; LCI.3.al3 ; LPMNS.46.al2 ; règlement du plan de site.1 ; règlement du plan du site.3 ; règlement du plan de site.15 ; RCI.3.al3
Parties : PILETTA-ZANIN Stéphane / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC
Résumé : Le recourant souhaite démolir un hangar agricole, un garage et une annexe et construire deux maisons villageoises. La parcelle sur laquelle sont envisagées ces constructions se trouve sur un plan de site. Son règlement, qui date de plus de trente ans, commande qu'en cas de démolition, les reconstructions doivent respecter l'implantation et les gabarits des bâtiments détruits. Toutefois, il ressort du transport sur place que les bâtiments alentours ont certaines caractéristiques qui contreviennent au même règlement. Au vu de ces constats, une certaine souplesse doit également être appliquée par rapport au projet du recourant, lequel s'inscrira de manière harmonieuse dans le village. L'atelier de jardin n'est toutefois pas autorisable car il dépasse la limite des 50 m2 admissibles. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/617/2016-LCI ATA/1059/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juillet 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Stéphane PILETTA-ZANIN

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2016 (JTAPI/990/2016)


EN FAIT

1) Monsieur Stéphane PILETTA-ZANIN est propriétaire des parcelles nos 302, 303, 1’311 et 1’312, feuillet 24, de la commune de Dardagny, situées en zone 4B protégée, dans le périmètre du plan de site n° 27'358, adopté le 16 septembre 1981 par le Conseil d'État. Ce plan est complété par un règlement du 27 février 1980 (ci-après : le règlement).

2) Le 11 mai 2012, le département des constructions et des technologies de l’information, devenu depuis lors le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE ou le département), a accusé réception d'une demande de démolition, ainsi qu'une demande d’autorisation de construire préalable, enregistrées sous les numéros M 6'791-2 et DP 18'448-2, déposées par M. PILETTA-ZANIN, portant sur la démolition d’un hangar agricole, d’un garage et d’une annexe, ainsi que sur la construction subséquente de deux maisons villageoises au 28, chemin de la Côte.

3) Par décision du 30 août 2013, le département a refusé les demandes de démolition et d'autorisation de construire.

Dans le cadre de l'instruction de ces demandes, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) et la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) avaient préavisé défavorablement le projet, respectivement les 25 mars 2013 et 6 août 2013.

4) Par acte du 2 octobre 2013, M. PILETTA-ZANIN a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3178/2013.

5) Par jugement du 30 avril 2015 (JTAPI/525/2015), le TAPI a partiellement admis le recours de M. PILETTA-ZANIN, a annulé la décision du département du 30 août 2013 et renvoyé le dossier au DALE pour nouvelle décision au sens des considérants. La conservation du bâtiment visé par la démolition ne se justifiait pas. Les instances spécialisées devaient dès lors examiner le projet de nouveau bâtiment, ce qu'elles n'avaient pas encore fait s'étant limitées à la problématique de la démolition, respectivement à la conservation du hangar.

6) Par courriel du 13 juillet 2015, l'architecte de M. PILETTA-ZANIN s'est adressé au département pour faire suite à un entretien qui s'était déroulé auprès de ce dernier le 10 juillet précédent. Lors de cette réunion, il lui avait été demandé de déposer huit exemplaires « des mêmes plans qui [avaient] visiblement été égarés par le service des monuments et sites et ce dès lors que selon le jugement du TAPI l'instruction [devait] être poursuivie. Je rappelle qu'après moultes erreurs le département avait rendu sa décision de refus sur la base d'un projet/dossier qui n'était plus d'actualité. (…) je passerai donc avec un premier exemplaire de ces mêmes plans après y avoir apporté les teintes conventionnelles "noir, jaune et rouge" pour toute la partie graphique et dans l'idée d'améliorer la compréhension du dossier pour tous ».

7) Le 16 juillet 2015, M. PILETTA-ZANIN a mis en demeure le département de rendre une décision d’ici au 31 août 2015, date à laquelle commencerait à courir le délai de dix jours à l’échéance duquel il serait en droit de commencer les travaux.

8) Le 20 juillet 2015, par le biais de son mandataire, M. PILETTA-ZANIN a déposé auprès du département la deuxième version du projet de construction. Ces plans portent les nos 100, 101, 102, 103, 110, 120, 121 et 122.

L’instruction de ce projet a notamment donné lieu aux préavis suivants :

- selon le préavis de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 21 juillet 2015, l'intéressé devait produire le cadastral dûment côté. Par ailleurs, le projet nécessitait une dérogation pour distances sur rue et vues droites insuffisantes. Enfin, l'abri de jardin ne devrait pas dépasser les 50 m2 admissibles ;

- selon le préavis de la CMNS, soit pour elle la sous-commission architecture, du 28 juillet 2015, le projet devait être modifié, au motif que l'ensemble du projet ne respectait pas les lois et règlements en vigueur. En effet et par rapport à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), les distances et vues droites avec la parcelle n° 956 étaient insuffisantes, de sorte qu'une dérogation au sens de l'art. 106 LCI était nécessaire. De plus et par rapport au plan de site, le projet se situait à l'emplacement d'un bâtiment ancien voué à la démolition. Le bâtiment en question était considéré comme « intégré » dans le plan de site. À ce titre et au sens de l'art. 3 let. c du règlement, il devait être « en principe maintenu » mais, si tel n'était pas le cas, pouvait « être reconstruit selon [son] implantation et gabarit actuel ». Dans la mesure où le projet offrait une implantation et un gabarit complètement différents de ceux du bâtiment ancien voué à la démolition, la CMNS n'entendait pas entrer en matière quant à l'image globale proposée. Elle refusait ainsi d'octroyer la dérogation prévue par l'art. 106 LCI nécessaire à la faisabilité du projet et rappelait que ladite dérogation n'était accordée qu'à titre exceptionnel, uniquement lorsque son recours permettait une meilleure intégration d'un projet dans un site sensible. Par ailleurs, le raccord existant entre les toitures du bâtiment principal et celui voué à la démolition n'avait pas à être forcément reproduit tel quel (situation actuelle peu heureuse). Enfin, elle demandait des informations complémentaires relatives à l'abri de jardin (absent des plans principaux mais dessiné uniquement sur le plan n° 122, sans coupes ni élévations) ;

- favorable sous conditions de la police du feu du 28 juillet 2015 ;

- favorable sous réserve de la commune du 28 juillet 2015. Le règlement du plan de site et la densité proposée devaient être respectés ;

- favorable sans observations de la direction générale des transports du 3 août 2015 ;

- favorable sous conditions de la direction générale de l'eau du 21 août 2015 ;

- favorable sans observation de la direction de la planification directrice cantonale et régionale du 11 septembre 2015 ;

- favorable sous conditions de la direction générale de la nature et du paysage du 16 septembre 2015 ;

- selon une note de service du SMS du 9 novembre 2015, le service se ralliait sur le fond à la position exprimée par la CMNS dans son préavis du 28 juillet 2015. Quand bien même la démolition du bâtiment était actée, le plan de site prévoyait, en cas de démolition-reconstruction, le respect de l'implantation et du gabarit actuel. Or, le projet prévu dérogeait à cette règle de base. L'atelier de jardin se trouvait de plus dans une zone où aucune construction n'était autorisée. Le SMS recommandait ainsi la demande d'un projet modifié, afin de pouvoir entrer en matière sur la forme et se tenait à disposition pour rencontrer le mandataire afin d'évaluer avec lui le périmètre du projet.

9) Le 28 août 2015, M. PILETTA-ZANIN a écrit au conseiller d'État en charge du département critiquant la position de la CMNS et invitant à délivrer l'autorisation de construire dans les meilleurs délais.

10) Le même jour, M. PILETTA-ZANIN a écrit au département faisant valoir ses différents arguments.

11) Le 23 septembre 2015, M. PILETTA-ZANIN a demandé au département d'organiser une réunion avec la CMNS et la direction de la planification directrice cantonale et régionale, ce dans le but de permettre à toutes les parties d'avoir une vision cohérente de la situation.

12) Le 28 septembre 2015, le conseiller d'État a répondu qu'une décision ne pourrait intervenir que lorsque l'instruction du dossier serait achevée, ce qui n'était pas le cas puisque les compléments demandés par certaines instances de préavis n'avaient pas encore été fournis.

13) Le 20 novembre 2015, le département a indiqué à M. PILETTA-ZANIN que son projet devait être modifié conformément au préavis du DAC du 21 juillet 2015, au préavis de la CMNS du 28 juillet 2015 et au préavis du SMS du 9 novembre 2015. Le département se tenait à disposition pour organiser une conférence de préavis entre les parties. Il invitait l'intéressé à lui remettre un projet et document(s) modifiés en cinq exemplaires dans les meilleurs délais, au plus tard dans les trente jours suivant la réception de la présente. Son attention était attirée sur le fait que la reprise de l'instruction n'interviendrait qu'à réception de l'ensemble des pièces demandées, le délai de réponse à sa demande d’autorisation étant dans l’intervalle suspendu.

14) Par acte du 25 novembre 2015, M. PILETTA-ZANIN a saisi le TAPI d'un recours en concluant à ce que soit constaté le « déni de justice (retard inadmissible) » de l'autorité et à ce qu'il soit ordonné au département de rendre l'autorisation dans les meilleurs délais. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4122/2015.

15) Le 16 décembre 2015, M. PILETTA-ZANIN a écrit au conseiller d'État développant son point de vue et sollicitant une brève réunion où chaque partie pourrait considérer l'ensemble de la situation et déterminer la suite à adopter au dossier.

16) Par décision du 21 janvier 2016, le département a accordé l'autorisation de démolition d'un hangar agricole, d’un garage et d’une annexe (M 6'791-2).

17) Par décision du même jour, le département a refusé de délivrer l'autorisation relative à la DP 18'448-2. Il a repris pour l'essentiel les préavis de la CMNS et du SMS, en précisant qu'aucune suite n'avait été donnée à son courrier du 20 novembre 2015, demandant au mandataire de lui transmettre un projet modifié.

18) Par acte du 22 février 2016, M. PILETTA-ZANIN a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision en concluant principalement à ce qu'il soit dit qu'au vu de la mise en demeure faite en application de l'art. 4 al. 4 LCI, les conséquences juridiques prévues par cette disposition lui étaient définitivement acquises et qu'il était par conséquent en droit de « démarrer et réaliser » sur la base de la demande déposée le 11 mai 2012. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du refus d'autorisation de construire et à ce que cette autorisation lui soit délivrée. À titre préalable, il a conclu à l'apport de l'entier de la procédure A/3178/2013.

Ce recours a été enregistré sou le numéro A/617/2016 constituant la présente cause.

19) Par jugement du 24 mars 2016 (JTAPI/322/2016), le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté dans la cause A/4122/2015. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 23 août 2016 (ATA/716/2016). Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de M. PILETTA-ZANIN contre cet arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 1C_293/2016 du 19 janvier 2016).

20) Le 12 mai 2016, le département a conclu au rejet du recours dans la présente cause.

21) Les 8 juin 2016 et 28 juin 2016, M. PILETTA-ZANIN, respectivement le département, ont répliqué et dupliqué. Dans ce cadre, M. PILETTA-ZANIN a conclu à ce que le DALE soit invité à communiquer l'intégralité des dossiers d'autorisation de construire avec autorisation des dix dernières années et « visant le plan de site obsolète ». Il a également demandé qu'un transport sur place soit ordonné.

22) Par jugement du 29 septembre 2016, dans la présente cause, le TAPI a rejeté le recours de M. PILETTA-ZANIN.

L'apport de la procédure A/3178/2013 n'était pas nécessaire étant donné qu'elle avait opposé les mêmes parties. M. PILETTA-ZANIN disposait ainsi du dossier de la procédure. En outre, la problématique juridique relative à la démolition n'avait actuellement plus de pertinence. Il ne se justifiait pas non plus de donner suite à la conclusion tendant à la production de tous les dossiers d'autorisation relatifs à des autorisations de construire délivrées dans le périmètre du plan de site durant les dix dernières années. Enfin, il n'y avait pas lieu d'organiser un transport sur place.

S'agissant de son argumentation portant sur l'art. 4 al. 4 LCI, le TAPI avait déjà indiqué dans son jugement du 24 mars 2016, opposant les mêmes parties (JTAPI/322/2016), que les conditions d'application de cet article n'étaient pas réalisées en l'espèce. Il n'était donc pas utile d'y revenir, les parties étant renvoyées aux considérants de ce jugement

Quant à sa demande de récusation in corpore de la CMNS, sous l'angle de la bonne foi, il aurait dû demander la récusation de la CMNS avant qu'elle ne se prononce, voire aussitôt après son préavis négatif du 28 juillet 2015. Il n'avait cependant réagi à ce dernier qu'un mois plus tard, par courrier du 28 août 2015 adressé au conseiller d'État en charge du département, et encore, en se contentant de critiquer le point de vue de la CMNS mais sans en demander la récusation. Par conséquent, quand bien même on retiendrait que l'intéressé dirigeait sa demande contre chacun des membres de la CMNS, cette demande serait tardive en tant qu'elle n'avait été présentée qu'au stade de la présente procédure. Au demeurant, le TAPI ne serait pas l'autorité compétente pour prononcer la récusation des membres de la CMNS.

Bien que le plan de site et son règlement ne répondissent plus aux préoccupations actuelles du développement territorial sur certains points particuliers, notamment en ce qui concernait l'indice d'utilisation du sol, en raison de la pression exercée sur le territoire par la pénurie de logements, son obsolescence ne touchait pas celui-ci dans sa totalité. En particulier, le plan directeur communal (ci-après : PDCom), adopté le 30 janvier 2013 par le Conseil d'État ne remettait en cause ni l'objectif général de protection du village de Dardagny, ni même le fait d'attribuer aux bâtiments qui le composaient certaines valeurs particulières ou de les soumettre à des règles différentes. Il était bien évident que le cœur historique du village ne faisait pas l'objet des mêmes préoccupations que ses alentours plus ou moins immédiats et les secteurs susceptibles de favoriser un développement maîtrisé du village. Ceci valait pour le plan de site actuel et rien ne permettait de considérer qu'une telle approche serait abandonnée dans sa version future. Il n'y avait donc pas lieu, même si certaines dispositions du règlement recevaient actuellement une application extensive, de considérer que tout projet de construction pouvait désormais s'affranchir complètement de l'ensemble des dispositions du règlement.

Pour ce qui était du projet litigieux, il avait la particularité de concerner une reconstruction à l'emplacement d'un bâtiment « intégré » selon le plan de site. Une telle opération était soumise à la condition que le bâtiment reconstruit le soit selon la même implantation que le précédent. Le TAPI ne voyait pas pourquoi, surtout dans le cœur historique du village, cette règle devrait être considérée comme obsolète. En particulier, aucune des dispositions du PDCom ne permettait de retenir une telle hypothèse. C'était par conséquent à bon droit que la CMNS et le département avaient refusé d'octroyer la dérogation que le projet litigieux aurait nécessité.

Il importait de souligner que le département, à travers le SMS, était demeuré ouvert au dialogue, et qu'une image modifiée du projet aurait éventuellement pu favoriser l'octroi des autres dérogations nécessaires, en particulier s'agissant des distances et vues droites.

Enfin, l'atelier de jardin indiqué comme tel sur le plan n° 122 avec une surface de 98 m2 outrepassait la limite de 50 m2 fixée par l'art. 3 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) pour les surfaces de peu d'importance. À cela s'ajoutait, comme l'avait relevé la CMNS, que cette construction n'était mentionnée que sur plan, sans coupe ni élévation, ce qui était insuffisant en regard des documents exigés selon l'art. 7 RCI. Pour ces seuls motifs, l'autorisation requise aurait dû être rejetée.

23) Par acte du 2 novembre 2016, M. PILETTA-ZANIN a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité en concluant, préalablement, à l'apport de l'entier de la procédure A/3178/2013, à la production par le département des dossiers d'autorisation des dix dernières années concernant le périmètre du plan de site litigieux, à un transport sur place et à l'audition de Messieurs Marc VAN PAEMEL (architecte du projet), Maurice LOVISA (directeur à l'époque du SMS), Bruno RACALBUTO (historien de l’art au SMS), Jérôme URFER (architecte) et Madame Sabine NEMEC-PIGUET (directrice de l'office du patrimoine et des sites), principalement, à son annulation et cela fait, à ce qu'il soit dit qu'au vu de la mise en demeure faite en application de l'art. 4 al. 4 LCI, les conséquences juridiques prévues par cette disposition lui étaient définitivement acquises et qu'il était par conséquent en droit de procéder à l'exécution de ses plans et démarrer les travaux sur la base de la demande déposée le 11 mai 2012. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du refus d'autorisation de construire et à ce que cette autorisation lui soit délivrée, le tout « sous suite de frais et dépens ».

Le TAPI avait établi les faits de façon manifestement inexacte. Il n'avait pas tenu compte des expertises qui avaient été effectuées dans le cadre de la procédure A/3178/2013 et de la mise en demeure du 16 juillet 2015 relative à la problématique de l'art. 4 al. 4 LCI.

Son droit s'être entendu avait été violé dans la mesure où le TAPI n'avait pas examiné certains des griefs soulevés, notamment le principe de l'égalité dans l'illégalité, la conformité avec la loi et le PDCom, la mauvaise foi du département et de la CMNS, la perte de son dossier et l'absence d'instruction pendant deux ans. De plus, le TAPI n'avait pas procédé aux actes d'instruction nécessaires qui démontraient que le plan de site n'était pas appliqué.

Le TAPI n'avait pas pu procéder à l'examen du principe de l'égalité dans l'illégalité, puisqu'il n'avait pas effectué les actes d'instruction sollicités lesquels auraient permis de démontrer le caractère obsolète du plan de site.

Il faisait référence à une autre demande d'autorisation de construire (DD 107'004/1) et à son dossier pour démontrer que la CMNS ne lui réservait pas le même traitement qu'aux autres requérants. Se référant au dossier de la procédure A/3178/2013, l'intéressé soutenait que le département avait adopté un comportement contradictoire et était de mauvaise foi.

En le renvoyant au JTAPI/322/2016 s'agissant de son grief relatif à l'art. 4 al. 4 LCI, le jugement du TAPI était insuffisamment motivé, alors même que les conditions d'application de cet article étaient réunies.

Le PDCom ne prévoyait pas une obligation de reconstruction sur l'assiette même.

Dans la mesure où toute la partie Est de la parcelle faisait l'objet d'une zone de non construire, il fallait se demander si tant cette zone que son dessin n'impliquaient pas une violation de la garantie du droit à la propriété. Il se trouvait ainsi dans une situation correspondant à une expropriation.

Le dossier démontrait que le SMS n'avait cessé d'agir de mauvaise foi. On ne pouvait considérer que cette instance était ouverte au dialogue.

Au vu de l'ensemble du dossier, des comportements contradictoires du département, de ceux de la CMNS, le TAPI aurait dû s'écarter des préavis et autoriser le projet soumis.

24) Le même jour, M. PILETTA-ZANIN a demandé la récusation de l’un des juges de la chambre administrative.

25) Le 8 novembre 2016, le TAPI a remis son dossier sans formuler d'observations.

26) Le 5 décembre 2016, le département a conclu au rejet du recours.

Les considérations de M. PILETTA-ZANIN étrangères au refus d'autorisation de construire du 21 janvier 2016 (DP 18'448-2) devaient être écartées, soit notamment les nombreux développements ayant trait au prétendu déni de justice.

Dans la mesure où la procédure portait uniquement sur la DP 18'448-2, le TAPI avait pris en compte l'ensemble des faits utiles et nécessaires au jugement de la présente procédure. La problématique des expertises portant sur le hangar avait été traitée dans le cadre de la procédure A/3178/2013 dont le jugement (JTAPI/525/2015 précité) était en force. S'agissant du grief portant sur l'art. 4 al. 4 LCI, le TAPI s'était déjà déterminé sur cette problématique et avait jugé que ses conditions n'étaient pas réalisées (JTAPI/322/2016 précité). En tout état de cause, la seule interprétation de l'art. 4 al. 4 LCI compatible avec le droit fédéral était celle qui consistait à considérer que la possibilité de commencer le chantier en exécution des plans déposés n'avait pas de valeur d'autorisation de construire. Le département restait compétent pour statuer à l'échéance du délai.

Le droit d'être entendu de l'intéressé n'avait pas été violé, dans la mesure où les preuves offertes n'auraient aucunement pu influer sur le jugement à rendre.

La CMNS avait appliqué à raison le plan de site, puisqu'il était toujours en vigueur à ce jour, même si le projet de l'adapter était en cours. M. PILETTA-ZANIN n'avait au demeurant pas démontré que le plan de site n'était plus appliqué de manière systématique et notamment, dans des cas comparables à celui de la présente cause. Quant au PDCom, celui-ci n'était pas directement contraignant pour les particuliers. Il constituait un document d'intention et de coordination qui devait ensuite être concrétisé par l'adoption, notamment, du nouveau plan de site de Dardagny. Même s'il en ressortait que certains points du plan de site actuel ne répondaient plus de manière satisfaisante aux besoins d'aménagement et nécessitaient de ce fait quelques mises à jour et réorientation, cela ne signifiait pas que le plan de site ne doive plus trouver application. Le PDCom ne remettait en cause ni l'objectif général de protection du village de Dardagny, ni même le fait d'attribuer aux bâtiments qui le composaient certaines valeurs particulières. Le PDCom ne se substituait pas au plan de site. Au surplus, toutes les considérations de l'intéressé au sujet des éventuelles incohérences de la CMNS dans le cadre de la procédure A/3178/2013 ou de la DD 107'004 n'avaient pas lieu d'être. La CMNS avait rendu un préavis clair, circonstancié et correct. Elle s'était de plus montrée ouverte au dialogue afin de tenter de trouver une solution avec M. PILETTA-ZANIN qui n'avait pas daigné la rencontrer. Dès lors, il ne pouvait, raisonnablement être retenu que la CMNS aurait commis un abus d'autorité ou fait preuve de mauvaise foi en établissement son préavis du 28 juillet 2015. Le département n'avait ainsi aucune raison de se distancer de ce préavis.

S'agissant de la prétendue expropriation matérielle, ce grief n'avait pas été soulevé par-devant le TAPI, de sorte qu'il était irrecevable. De plus, cette problématique était exorbitante à l'objet du litige. Cela précisé et à titre superfétatoire, l'intéressé ne démontrait pas que les conditions d'application seraient réalisées, ce d'autant moins qu'il ne se voyait pas, par le refus d'autorisation en question, interdit ou restreint de manière particulièrement grave dans son droit de propriété.

27) Le 18 janvier 2017, M. PILETTA-ZANIN a répliqué persistant dans ses conclusions.

Il a repris et développé sa précédente argumentation.

28) Le 10 février 2017, Monsieur Roberto BLANCO domicilié au 24, chemin de la Côte a appuyé le projet de M. PILETTA-ZANIN.

29) Le 20 février 2017, le juge délégué a procédé à un transport au 28, chemin de la Côte sur la parcelle de M. PILETTA-ZANIN en compagnie des parties, de l'architecte de l'intéressé, d'une représentante de la CMNS et du maire de Dardagny.

a. Pour le maire, le projet était conforme au plan de site existant.

b. Selon les constatations du juge délégué, l'impasse descendant vers le 24, chemin de la Côte était longée, à droite, par des bâtiments construits dans les années 90. Le premier (sis au 20, chemin de la Côte) simulait une façade d'ancienne ferme à laquelle était collée une partie résolument contemporaine, ayant peu de style (22, chemin de la Côte).

Au bas de la petite allée, soit au 24, chemin de la Côte, se trouvait une maison contemporaine. Certaines parties de la maison étaient en marbre bancaire. Il s'agissait d'un deuxième front, constructible selon le plan de site.

Le garage en bois existant, en bas à gauche de l'impasse, se trouvait à l'emplacement de la maison C de la maquette présentée par M. PILETTA-ZANIN et son architecte.

De l'autre côté des bâtiments de l'intéressé (28, chemin de la Côte) dans le jardin, on repérait l'arrière du garage en bois, les bâtiments 24, chemin de la Côte et 14, chemin Camille-Corot (qui étaient contigus), lesquels comportaient différents types de tuiles sur leurs toits, des ouvertures en toiture, des fenêtres à encadrement métalliques, le tout assez contemporain.

Depuis le jardin, on repérait la façade pignon de la vieille ferme. À côté d'elle, il y avait une petite tourelle très ancienne (15ème, 16ème ou 17ème siècle selon les participants) dont le toit serait modifié pour reprendre la pente du vieux corps de bâtiment. M. PILETTA-ZANIN a confirmé que cet élément serait conservé, que son toit serait adapté et qu’un nouvel escalier serait réalisé.

À l'extérieur du bâtiment, au 20, chemin de la Côte, M. PILETTA-ZANIN a relevé que la façade disposait d'une immense ouverture allant jusqu'au faîte de la maison. Il y avait un puits de lumière dans le toit. Une ouverture similaire était visible de l'autre côté de la maison.

Au 16, chemin de la Côte, se trouvait une véranda sur le jardin, « digne des catalogues de grande surface », selon le procès-verbal de transport sur place. La porte qui flanquait ce bâtiment était en métal boulonné.

À la hauteur du 459, route du Mandement, on apercevait une villa contemporaine dont la toiture était en tuiles grises et les façades en bardage gris, avec un garage en béton brut (450, route du Mandement). Selon M. PILETTA-ZANIN, aucune exigence de contiguïté n'avait été imposée à ce projet. Les matériaux n'étaient pas traditionnels et la couverture non plus. Sur ce point et selon la représentante de la CMNS, ce bâtiment n'avait pas été édifié suite à une démolition, de sorte que l'art. 15 du plan de site ne trouvait pas application, plus exactement les dérogations envisagées à cet article par rapport aux matériaux avaient été appliquées. Pour M. PILETTA-ZANIN l'autorisation avait été exécutée alors qu'elle était caduque.

Aux 437 et 439, route du Mandement, il y avait des constructions du genre scandinave avec des garages à toiture métallique. Ces bâtiments étaient situés immédiatement à côté du Prieuré, à côté duquel avait été accolée une serre ou un garage en plastique transparent (recte : une véranda en plastique).

Au 440-442, route du Mandement, se trouvaient des bâtiments de type « maison villageoise genevoise ». Il s'agissait de constructions neuves et selon M. PILETTA-ZANIN il y avait un jardin ou un potager antérieurement. Pour ce dernier, cet ensemble de bâtiments avait probablement une densité supérieure au 0,2 prévu par le plan de site.

Enfin, aux 4/4A à 4E, route de la Donzelle, il y avait des villas contemporaines avec des éléments de liaison gris et des terrasses plates habitables. Il y avait des faîtes en verrière et un certain nombre de velux. Depuis ce lieu, on apercevait le Prieuré et l'Orangerie qui le jouxtaient et qui étaient tous les deux, selon la représentante de la CMNS, classés, datant respectivement du 16ème et du 19ème siècle environ. Devant le Prieuré, se situait un petit chalet en rondin, quelque peu hors de propos.

M. PILETTA-ZANIN a attiré l'attention des participants sur les bâtiments édifiés au chemin du Rebiolon dont certains avaient un, voire deux étages en trop. De nombreuses ouvertures en toiture, des « tourelles » en béton et d'autres éléments contemporains avaient été édifiés alors que ces terrains étaient dans le plan de site.

c. La représentante de la CMNS a expliqué que pour cette dernière, la reconstruction du bâtiment à démolir devait être réalisée dans un gabarit identique. Des interventions visant à simplifier la toiture, telles que proposées par l'intéressé étaient admissibles. Le bâtiment dit « bâtiment C » n'avait, à sa connaissance, pas été soumis à la CMNS dans ce dossier. Une construction serait envisageable et devait être travaillée concernant la question des vues droites et des relations avec les autres bâtiments existants, vu leur proximité.

d. Les parties ont convenu que dans le cadre de la demande préalable DP 18'448-2, seul le bâtiment à édifier sur celui dont la démolition avait été autorisée posait problème car la CMNS voulait que le même gabarit soit repris.

30) Par décision du 27 février 2017, aujourd’hui définitive et exécutoire, la délégation de la Cour de justice a rejeté la demande de récusation formée à l’encontre de l’un des juges de la chambre administrative.

31) Le 16 mars 2017, la représentante de la CMNS, le département et M. PILETTA-ZANIN ont formulé leurs observations sur le procès-verbal du transport sur place.

a. La représentante de la CMNS a apporté quelques précisions notamment quant à l'ancien Prieuré et son Orangerie. Tous les deux avaient valeur de classement et dataient respectivement du 17ème et du 19ème siècle.

b. Le département a relevé que l'ensemble des constructions relevées par M. PILETTA-ZANIN, à l'occasion du transport sur place, étaient des constructions nouvelles non visées par l'art. 3 let. c du règlement. Aucun cas de démolition d'un bâtiment intégré situé dans le village historique de Dardagny n'avait pu être relevé par l'intéressé. Les constructions indiquées dans le procès-verbal du transport sur place avaient pu bénéficier de la dérogation de l'art. 15 du règlement s'agissant des matériaux utilisés. Le PDCom ne mentionnait pas les questions relatives au maintien des constructions et à leur implantation comme étant obsolètes. De plus, la propriété de M. PILETTA-ZANIN se trouvait dans le noyau principal du village historique de Dardagny (zone 1) qui était caractérisée par un tissu bâti homogène à teneur du PDCom, alors que les autres exemples apportés par l'intéressé se situaient plutôt dans les zones 2 à 4 du plan de site, caractérisée par un tissu bâti homogène et une implantation plus discontinue. De plus, sa parcelle se trouvait en bordure de rue et comprenait une cour qui méritait une certaine protection, alors que la situation des autres maisons pointées n'était pas semblable. Enfin, la CMNS ne s'était pas montrée totalement opposée à un projet de reconstruction et s'était même déclarée parfaitement ouverte à des discussions afin de trouver une solution.

c. M. PILETTA-ZANIN a noté que, lors de la présentation de la maquette, l'architecte avait précisé que le mur actuel ouest de l'annexe ne respectait plus l'aspect orthogonal traditionnel. Il n'avait fait que suivre les instructions du département pour la communication des plans. Pour le surplus, il insistait sur le fait que son dossier avait été perdu et que les bâtiments adjacents ne respectaient pas le plan de site.

32) Le 23 mars 2017, le juge délégué a approuvé les modifications et précisions apportées par la représentante de la CMNS. Celles de M. PILETTA-ZANIN concernant les propos de l'architecte l'étaient également.

La question de savoir si le « bâtiment C » était ou n'était pas concrètement concerné par la procédure était une question de fond.

Les autres éléments, de même que l'écriture du département, constituaient plus des observations que des remarques au sujet des constatations faites pendant le transport sur place.

Enfin, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite diverses mesures d'instruction, telles que l'apport à la procédure de la cause A/3178/2013, la production par le département des dossiers d'autorisation des dix dernières années concernant le périmètre du plan de site litigieux et l'audition de témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 52 s. ; 141 V 557 consid. 3.1 p. 564 ; 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2016 et 2C_397/2016 du 14 novembre 2016 consid. 4.1 ; 2C_998/2015 du 20 septembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_52/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.1) et de participer à l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017 consid. 6.1). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370). L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst. ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 p. 376 ; 136 I 229 consid. 5.3 p. 236 ; 131 I 153 consid. 3 p. 157). La garantie constitutionnelle précitée n'empêche pas non plus l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2a).

En l'occurrence, le dossier comprend les échanges d'écritures, les plans du projet, ainsi que les préavis des entités qui se sont déterminées sur celui-ci. La chambre de céans a de plus procédé à un transport sur place en date du 20 février 2017, lequel a permis de réunir les derniers éléments susceptibles d'avoir une influence sur le sort du litige.

Par conséquent, il ne sera pas donné suite aux autres mesures d'instruction sollicitées par le recourant.

3) Le recourant soutient que le TAPI a établi les faits de façon manifestement inexacte en n'ayant pas tenu compte des expertises qui avaient été effectuées par le passé.

a. Aux termes de l’art. 19 LPA, l’autorité établit les faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l’art. 20 al. 1 LPA, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties.

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier (ATA/1192/2015 du 3 novembre 2015). Par ailleurs, en procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 p. 197 ; 130 II 482 consid. 3.2 p. 485 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2017 du 19 mai 2017 consid. 2.2.2 ; 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/659/2017 précité consid. 2b ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/659/2017 précité consid. 2b).

b. En l'espèce, force est de constater que les expertises auxquelles fait référence le recourant ont été effectuées dans le cadre de l’autorisation de démolir M 6'791 objet de la procédure A/3178/2013. Ces expertises portaient sur la question de la conservation du hangar. Or, le TAPI a considéré qu'il ne se justifiait pas de le conserver (JTAPI/525/2015 précité). Dans la mesure où cette question a d'ores et déjà été traitée et il ne se justifie pas d'y revenir.

Le grief sera écarté.

c. Quant à la question relative à la mise en demeure du 16 juillet 2015 à propos de l'art. 4 al. 4 LCI, celle-ci a également été traitée par le TAPI dans son jugement (JTAPI/322/2016 précité), comme il le sera précisé ci-dessous. Ce jugement a d'ailleurs été confirmé par la chambre de céans (ATA/716/2016 précité) et le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours du recourant contre cet arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 1C_293/2016 précité).

Le grief est infondé.

4) Le recourant considère que la motivation du TAPI portant sur le grief de l'art. 4 al. 4 LCI est insuffisante et qu'il n'a pas examiné le grief relatif au principe de l'égalité dans l'illégalité.

a. Selon l'art. 4 al. 1 1ère phr. LCI, le délai de réponse à toute demande d’autorisation est de soixante jours à compter de la date d’enregistrement de la demande. L'al. 3 de cette disposition prévoit que lorsque le département demande des pièces ou renseignements complémentaires nécessaires, le délai est suspendu jusqu’à réception des documents. Le requérant en est avisé par écrit.

Enfin, l'al. 4 prévoit que si le requérant n’a pas reçu de réponse dans le délai, il peut aviser le département, par lettre recommandée, qu’il va procéder à l’exécution de ses plans. À défaut de notification de la décision dans un nouveau délai de dix jours à compter de la réception de cet avis, le requérant est en droit de commencer les travaux.

b. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 I 135 consid. 2.1 p. 145 ; 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 136 V 351 consid. 4.2 p. 355 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_418/2016 du 28 février 2017 consid. 2 ; ATA/573/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b). La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).

c. En l'espèce et dans son jugement le TAPI a renvoyé le recourant aux considérants du JTAPI/322/2016 précité.

Même si le procédé n'est pas des plus adéquat, surtout lorsqu'il s'agit d'un renvoi à une autre procédure, la lecture de ce jugement, opposant les mêmes parties, permet de comprendre sans difficulté les motifs pour lesquels le TAPI est arrivé à la conclusion que les conditions de l'art. 4 LCI n'étaient pas réalisées. En effet, le délai de soixante jours prévu par l'art. 4 al. 1 1ère phr. LCI était suspendu compte tenu de l'attente des pièces ou renseignements requis par le département auprès du recourant.

Le grief est mal fondé.

d. S'agissant du grief relatif au principe de l'égalité dans l'illégalité, cette problématique peut, à ce stade, souffrir de rester indécise au vu des développements suivants.

5) Le litige porte sur le refus d’une autorisation de construire en raison de son incompatibilité avec le plan de site et son règlement.

6) Le recourant considère que le département a abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant son projet.

a. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. Aux termes de l’art. 106 al. 1 1ère phr. LCI, dans les zones 4B protégées, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l’implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant.

Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites. Lors de travaux de réfection de façades ou de toitures, la commune et la CMNS sont également consultées (art. 106 al. 1 2ème et 3ème phr. LCI).

Cette disposition est spécialement applicable aux villages protégés et confère un large pouvoir d’appréciation au département compétent. Celui-ci peut fixer lui-même les règles applicables aux constructions dans le but de sauvegarder le caractère d’un village et le site environnant, et déroger aux dispositions ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3.3 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4b).

Ce large pouvoir d’appréciation et de décision implique la possibilité de refuser un projet qui, ne respectant pas ces prescriptions spéciales, porterait une atteinte excessive au caractère d’un village protégé, soit que les bâtiments existants méritent une protection particulière, soit que le projet en lui-même n’est pas satisfaisant du point de vue de l’intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 précité).

c. Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’art. 106 al. 1 LCI, le département dispose d’une grande liberté d’appréciation. Cette disposition renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’art. 15 LCI, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce (ATA/537/2017 précité consid. 4c ; ATA/305/2012 du 15 mai 2012 consid. 7). Cette notion juridique indéterminée laisse donc un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/141/2009 du 24 mars 2009 et les références citées). Un tel excès est réalisé si l’autorité administrative sort du cadre des mesures autorisées par la loi. Il y a abus lorsque l’autorité reste dans le cadre de ces mesures possibles, mais viole un principe constitutionnel, tel que l’égalité de traitement, la proportionnalité ou l’interdiction de l’arbitraire (ATA/537/2017 précité consid. 4c et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 170 n. 512 ).

d. Dans l’application de l’art. 106 LCI, le département doit recueillir notamment le préavis de la CMNS.

Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d’une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/537/2017 précité consid. 4d ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 consid. 6 et les références citées).

La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Selon une jurisprudence constante, en cas de préavis divergents, une prééminence est reconnue à celui de la CMNS lorsque son préavis est requis par la loi, dans la mesure où cette dernière est composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine (art. 46 al. 2 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 20 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/537/2017 précité consid. 4d ; ATA/956/2014 précité et les références ; ATA/670/2012 du 2 octobre 2012 consid. 6, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 consid. 5.2)

e. Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 p. 270 ; 135 I 302 consid. 1.2 p. 305, in arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 précité consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2 ; ATA/246/2016 du 15 mars et les arrêts cités ; ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12b et 12c et les références citées). S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/537/2017 précité consid. 4e ; ATA/246/2016 du 15 mars 2016 ; ATA/778/2014 du 30 septembre 2014 consid. 3c).

f. Le but du règlement est de protéger le caractère architectural du village et à favoriser son développement harmonieux (art. 1). L'art. 3 du règlement distingue cinq types de bâtiments, à savoir ceux qui sont (a) classés, (b) maintenus, (c) intégrés, (d) existants, et enfin (e) les bâtiments nouveaux et les agrandissements. Chacune de ces catégories (sauf les bâtiments classés) fait l'objet de règles propres. À ce titre, les bâtiments intégrés sont en principe maintenus ; sous certaines réserves, ils peuvent cependant être reconstruits selon leur implantation et gabarits actuels. Selon l'art. 15 du règlement, si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général visé, le département peut déroger après consultation de la commune et de la CMNS aux dispositions du règlement.

g. En l'occurrence, il n'est pas contesté que les bâtiments projetés figurent dans la catégorie des bâtiments intégrés au sens de l'art. 3 let. c du règlement, de sorte qu'en application de cet article, une démolition puis une reconstruction est envisageable pour autant que le projet respecte l'implantation et les gabarits actuels.

Il ressort du transport sur place effectué par la chambre de céans le 20 février 2017 que les bâtiments aux alentours ont certaines particularités qui contreviennent au même règlement vieux de plus de trente ans.

Notamment et pour certaines de ces constructions, les matériaux utilisés ne sont pas ceux prévus par le règlement (art. 6 du règlement), le nombre de niveaux habitables est dépassé (art. 13 du règlement), la densité n'a pas été respectée (art. 14 du règlement), l'exigence de contiguïté n'a pas été respectée, ou encore la question de l'intégration au sens de l'art. 11 du règlement par rapport aux constructions de genre scandinave sises 437 et 439, route du Mandement ou encore s'agissant du bâtiment sis 22, chemin de la Côte ayant peu de style.

Le département explique cela par la possibilité d'accorder des dérogations au sens de l'art. 15 du règlement.

Si cette possibilité existe, et a de ce fait été appliquée concernant d'autres projets, on peine à comprendre la rigidité du département vis-à-vis du recourant.

Au vu des constats effectués lors du transport sur place, la chambre de céans a ainsi acquis la conviction qu'une certaine souplesse doit également être appliquée par rapport au projet du recourant, lequel s'inscrira de manière harmonieuse dans le village. Il convient dès lors de lui accorder une dérogation au sens des art. 15 du règlement et 106 LCI.

S'agissant enfin de la problématique relative à l'atelier de jardin indiqué comme tel sur le plan n° 122 avec une surface de 98 m2, celui-ci dépasse effectivement la limite des 50 m2 admissibles prévue par l'art. 3 al. 3 RCI, de sorte qu'en l'état, il ne peut pas être autorisé.

Par conséquent et sous réserve de la problématique de l'atelier de jardin, la décision du 21 janvier 2016 refusant de délivrer l'autorisation relative à la DP 18'448-2 sera annulée.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant.

Le recours sera admis.

Le dossier sera retourné au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants, étant précisé qu'il conviendra de se baser uniquement sur les plans nos 100, 101, 102, 103, 110, 120, 121 et 122 déposés par le recourant le 20 juillet 2015, où d'ailleurs apparaît le « bâtiment C » dont il était question lors du transport sur place le 20 février 2017 et qui a de ce fait été examiné par la CMNS à l'époque (par exemple les plans n° 100, 101, 102 ou 103).

7) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui comparaît en personne et qui n’a pas allégué avoir exposé des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2016 par Monsieur Stéphane PILETTA-ZANIN contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2016 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de refus d'autorisation de construire du 21 janvier 2016 prise par le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie ;

renvoie le dossier au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Stéphane PILETTA-ZANIN, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :