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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3394/2017

ATA/7/2019 du 08.01.2019 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.02.2019, rendu le 21.04.2020, REJETE, 1C_104/2019
Descripteurs : PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CLASSEMENT(ZONE) ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.9; Cst.29.al2; Cst.26.al1; Cst.36; LPMNS.4; LPMNS.9.al1; LPMNS.10.al1; LPMNS.12.al1; LPMNS.12.al2; LPMNS.13.al1; LPMNS.14; LPMNS.15.al1; LPMNS.15.al3; LPMNS.15.al4; RPMNS.5.al2.letd; RPMNS.22.al2; RPMNS.22.al3; LAC.48.leth; LAT.9.al2; LaLAT.10.al9
Parties : BAHADOURIAN Gabriel Léo, LAUBER Véronique, PERROT Philippe / MACH Bernard, Jean-Pierre et Olivier, MACH Jean Pierre, CONSEIL D'ETAT, MACH Olivier, PATRIMOINE SUISSE GENÈVE, SECTION CANTONALE DE PATRIMOINE SUISSE
Résumé : En l'espèce, il ressort du texte de loi et en particulier des articles se référant à la notion "d'abords" que le législateur a souhaité laisser à l'autorité compétente une large marge d'appréciation quant à l'étendue du périmètre à protéger. À l'exception de celui de la commune, les préavis recueillis par l'autorité intimée ont tous été favorables au classement. Pour les motifs développés, le Conseil d'État n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant la mesure de protection et en délimitant le périmètre devant être soumis au classement. La décision de classement litigieuse est également compatible avec les libertés constitutionnelles des recourants, en particulier avec la garantie de la propriété, les conditions d'une restriction aux droits de propriété étant toutes réalisées. Cet arrêt n'appuie notamment sur la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites de 1964 (Charte de Venise).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3394/2017-AMENAG ATA/7/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 janvier 2019

 

dans la cause

 

Madame Véronique Solange LAUBER,
représentée par Me Michel Schmidt, avocat

et

Monsieur Philippe PERROT,
représenté par Me Bruno Mégevand, avocat

et

Monsieur Gabriel Léo BAHADOURIAN
représenté par Me Daniel Udry, avocat

contre

Messieurs Bernard, Jean-Pierre et Olivier MACH, appelés en cause
représentés par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

 

 

 

PATRIMOINE SUISSE GENÈVE, appelé en cause

représenté par Me Alain Maunoir, avocat

 

et

 

CONSEIL D’ÉTAT

représenté par Me Nicolas Wisard, avocat



EN FAIT

1.1) a. Madame Véronique Solange LAUBER est propriétaire de la parcelle n 1'427, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy, sur laquelle sont érigés les bâtiments nos 189, 814, 1'064, 1'065, 1'266, à l’adresse 40, route de Pregny et no 71, à l’adresse 42, route de Pregny.

b. Monsieur Philippe PERROT est propriétaire de la parcelle no 1'110, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy.

c. M. PERROT est également propriétaire, au côté de Madame Marie Dominique PERROT, Monsieur Pierre Alain John PERROT et Madame Anne WAGNIERE, de la parcelle no 1'103, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy.

d. Monsieur Gabriel Léo Jean-Pierre BAHADOURIAN est propriétaire de la parcelle no 1'111, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy ainsi que de la parcelle no 1'112, même feuille, même commune, sur laquelle est érigé le bâtiment no 1'074 à l’adresse Route de Pregny 36bis.

e. Messieurs Bernard François MACH, Jean-Pierre Olivier MACH et Olivier Christian MACH sont propriétaires de la parcelle no 1101, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy, sur laquelle sont érigés les bâtiments nos 70, 190 et 815 à l’adresse 38, route de Pregny.

f. Ces parcelles sont issues du domaine PERROT édifié entre 1870 et 1885 à l’emplacement d’une ancienne propriété appartenant à la famille PERROT. À la fin des années 1880, Adolphe PERROT fit appel à l’architecte Jacques Elysée GOSS afin d’y faire bâtir l’actuelle maison de maître et ses dépendances. Construite en brique rouge, cette demeure est communément nommée le château rouge, la maison rouge ou la grande maison.

2.2) Le 16 octobre 1987, les bâtiments nos 70, 190 et 815, sis sur la parcelle n 1'101, et les bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064 et 1'065, sis sur la parcelle n 1'427, ont été inscrits à l’inventaire.

3.3) Par requête du 19 avril 2005, la société d'art public, devenue depuis Patrimoine Suisse Genève (ci-après : PSGe), a sollicité le classement de l’ancienne propriété d’Adolphe PERROT, composée des bâtiments nos 70, 190, 815 (ensemble de la maison de maître), nos 71, 189, 814, 1'064, 1'065, 1'266 (anciennes dépendances) et des parcelles nos 1'101, 1'103, 1'110, 1'111, 1'112, 1'422 et 1'427, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy.

Cette requête était assortie de la demande d’interdiction d’entreprendre quelques travaux pendant la durée de la procédure.

4.4) Par courriers du 26 septembre 2005, le département compétent a ouvert une procédure de classement et interpellé les propriétaires.

5.5) Le 27 octobre 2005 et 27 février 2006, M. PERROT et Mme LAUBER se sont opposés à cette requête.

6.6) Par courrier du 21 mai 2008, le maire de la commune de Pregny-Chambésy a informé le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie
(ci-après : DALE) que le Conseil administratif de celle-ci émettait un préavis défavorable à l’encontre de la procédure de classement. Dès lors que les bâtiments étaient inscrits à l’inventaire et que la volonté des propriétaires était d’assurer la sauvegarde de leurs biens, il n’estimait pas opportun de classer les immeubles.

7.7) Le 30 avril 2009, les consorts MACH se sont déclarés favorables au classement et ont transmis à Madame Sabine NEMEC-PIGUET, directrice de l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS), une notice historique rédigée au mois d’avril 2009 par Madame Babina CHAILLOT CALAME.

Aux termes de cette notice, établie sur mandat des consorts MACH, au vu des propositions du plan directeur communal de Pregny-Chambésy, la protection du domaine ne semblait plus assurée par la seule inscription à l’inventaire des objets bâtis, qui ne prenait pas en considération la composition d’ensemble du domaine avec ses jardins et ses vues, tel qu’il avait été constitué à l’extrême fin du XIXe siècle.

Ce grand domaine avait été édifié entre 1870 et 1885 à l’emplacement d’une ancienne propriété appartenant à la famille PERROT depuis la fin du XVIIIsiècle. La maison de maître et ses dépendances au sud avaient été construites par l’architecte Jacques Elysée GOSS pour Adolphe PERROT. L’état de conservation de cet ensemble régulièrement entretenu et n’ayant subi que de modestes transformations était remarquable.

L’étude attentive du parcellaire avait montré que la périphérie avait été modifiée au cours du XIXe siècle, notamment, la diminution du domaine au sud, lors de la vente d’un terrain en 1834, puis l’agrandissement à l’est avec l’achat entre 1869 et 1887, de bandes de vignes devant les bâtiments et de plusieurs terres en contrebas, le long de la voie ferrée.

En revanche, un périmètre constant avait été observé autour des bâtisses qui avaient par ailleurs été édifiées au même emplacement depuis le XVIIIe siècle. Le domaine reconstruit à la fin du XIXe siècle possédait encore tout son dispositif d’origine : maison de maître, cour, murs, serre et orangerie, entourés des jardins et du parc qui occupaient aujourd’hui le même périmètre bâti qu’au XVIIIe siècle, à l’exception de la grande dépendance édifiée au nord, dans le secteur de l’ancien verger.

Ce périmètre, compris entre l’actuel 40, route de Pregny au nord, le domaine des « ormeaux » au sud, la route de Pregny à l’ouest et l’extrémité des terrasses à l’est devrait servir de base à l’établissement d’une zone de protection. Les différentes études historiques des « grands domaines » avaient en effet montré que l’édification d’une « campagne » traditionnelle sur les rives du lac, que ce soit au XVIIIe ou au XIXe siècle, était une composition dans laquelle on mettait en scène un ensemble de bâtisses dans un écrin de verdure, face à un panorama exceptionnel.

La subdivision parcellaire effectuée en 1960 allait à l’encontre de l’appréhension historique du domaine et de cette notion d’ensemble. Il était en effet difficile de percevoir, autrement que sur des plans, le partage entre la maison, son jardin et son parc qui avaient été aménagés depuis l’origine, pour des questions d’orientation et de vues, à l’est et au sud de la maison principale. Les parcelles nos 1'101, 1'103 et 1'110 constituaient en effet un ensemble indissociable qui méritait d’être préservé dans sa globalité.

Tous les bâtiments du domaine étaient depuis 1987 au bénéfice d’une inscription à l’inventaire qui mettait en évidence la nécessité de protéger cet ensemble ; il serait aujourd’hui souhaitable que soit appliquée une nouvelle mesure de protection élargie, tel un classement avec une assiette délimitée, qui permettrait d’inclure en plus des bâtiments, les jardins, les terrasses et le parc qui faisaient partie intégrante de la composition initiale.

15.8) Le 31 mars 2010, la sous-commission monuments et antiquités
(ci-après : SCMA) de la commission des monuments, de la nature et des sites
(ci-après : CMNS) a préavisé favorablement le classement des parcelles nos 1'101, 1'103, 1'110, 1'111, 1'112, 1'422 et 1'427, comprenant les bâtiments nos 70, 190, 815 (ensemble de la maison de maître) et les bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064, 1'065, 1'266 (anciennes dépendances), ainsi que les aménagements non cadastrés tels que les cheminements, les murs, la serre, le dépotoir, l’orangerie, les jardins aménagés au nord-ouest de la maison de maître et ornés d’un bassin, de même que les « grottes » situées sous l’extrémité est de la terrasse. Seules pouvaient ne pas être incluses dans ce périmètre les parties situées à l’est du domaine à partir de la seconde rupture de pente de la terrasse. La préservation des vues devrait toutefois encore pouvoir être garantie.

La qualité exceptionnelle de ce domaine avait conduit à l’inscription à l’inventaire des bâtiments le 16 octobre 1987. En 1996, la société d’art public avait demandé son classement, mais une année plus tard, après avoir reçu l’assurance de la part de la famille propriétaire que le domaine ne ferait l’objet d’aucune aliénation et que les efforts pour le maintien de la substance de la maison de maître seraient poursuivis, la demande avait été retirée. Cette demande de classement avait été renouvelée en 2005.

La situation parcellaire de ce domaine était, au regard de la préservation des qualités patrimoniales, paysagères et architecturales, incongrue et source de conflits. Par exemple, la villa tournait ses deux façades principales vers le lac et vers Genève, sur un jardin et une prairie longeant la route de Pregny. La division parcellaire coupait le jardin, composante essentielle de la maison, en passant au pied du perron. Cette situation résultait à l’évidence de la division parcellaire opérée dans les années 1960, qui avait pour objectif de préserver les intérêts de chacun des cinq héritiers, mais n’avait pas pris en compte la composition du domaine dont les bâtiments étaient alors, sans doute, voués à la destruction. Les héritiers avaient consenti à l’État de Genève une servitude de non-bâtir, qui avait permis la préservation d’un ensemble exceptionnel. La prise d’un arrêté de classement visant à protéger le domaine dans son ensemble pourrait conduire à revoir la levée partielle ou totale de ladite servitude.

Seule une modification des limites des parcelles nos 1'101, 1'103 et 1'010, qui prendrait en compte l’unité que présentaient les bâtiments et les aménagements paysagers, pourrait permettre de déterminer une aire constructible. Dès lors, la commission invitait les propriétaires à réaliser l’inventaire de l’ensemble des droits à bâtir et à procéder au remaniement parcellaire nécessaire à la pérennité de cet ensemble exceptionnel.

Le préavis précisait que Mme CHAILLOT CALAME ne participait pas à ce point de l’ordre du jour.

9.9) Le 24 novembre 2010, les consorts MACH ont transmis à l’OPS la réflexion sur le domaine PERROT et en particulier sur la parcelle no 1'110, rédigée par Monsieur Christian AMSLER, architecte, le 30 septembre 2010. Elle répondait à une demande de M. Jean-Pierre MACH, soit les répercussions qu’aurait sur le jardin de la villa PERROT l’éventuelle construction sur la parcelle no 1'110 du domaine.

Aux termes de cette étude, l’architecte relevait que le domaine PERROT était non seulement un objet remarquable en lui-même, mais appartenait surtout à un ensemble plus étendu de campagnes qui allait de Chambésy à Pregny, en longeant le Crêt dominant le lac. Or, cet ensemble de propriétés constituait un monument paysager de première importance. La dégradation d’un des domaines aurait des répercussions regrettables sur le complexe pris dans son ensemble.

L’assiette de la parcelle no 1'110 n’entretenait aucun lien avec la morphologie historique du site ni avec sa forme actuelle. Un projet de construction qui utiliserait ce découpage parcellaire comme règle d’implantation s’abstrairait de tout rapport à l’histoire du lieu et ferait courir au patrimoine morphologique du domaine le risque de disparaître.

Si l’aménagement du territoire favorisait aujourd’hui la densification des secteurs construits, c’était pour en protéger d’autres, dont le faible niveau bâti constituait une contrepartie essentielle à l’urbanisation croissante du paysage. La suite des campagnes du crêt de Chambésy appartenait indiscutablement à cette seconde catégorie de secteur dont la nécessité de conservation ne devrait plus échapper à personne.

10.10) Le 12 février 2014, l’OPS a confirmé le souhait de la CMNS qu’un remaniement parcellaire prenant en compte l’unité de l’ensemble soit entrepris, et la nécessité du dépôt d’une demande préalable fixant l’implantation, le gabarit et le volume d’une future construction. Il existait une possibilité de prévoir une aire constructible sur la parcelle no 1'110.

11.11) Le 10 avril 2014, une demande préalable (DP 18'545/1) pour un projet de construction d’une maison individuelle et d’un garage sur la parcelle no 1'110 a été déposée.

12.12) Le 17 juin 2015, l’OPS a établi un compte rendu de la visite du domaine effectuée la veille, en présence de ses représentants, soit notamment Mme  NEMEC-PIGUET, des représentants de la SCMA, des propriétaires et de leurs représentants.

Les buts de la visite étaient de répondre à la demande de classement formulée par PSGe le 19 avril 2005 et définir de manière plus précise les abords à protéger des immeubles dont le classement était demandé.

Un projet de plan des abords protégés serait établi.

13.13) Le 16 juin 2016, le DALE a délivré l’autorisation préalable de construire (DP 18545/2).

14.14) Par acte du 12 juillet 2016, PSGe a fait opposition à cette décision auprès du DALE, lequel l’a transmise au Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le TAPI) le 20 juillet 2016, pour raison de compétence. Ce recours a été déclaré irrecevable par jugement du 26 août 2016, en raison du défaut du paiement de l’avance de frais.

15) Le 24 août 2016, les consorts MACH ont interjeté recours auprès du TAPI contre l’autorisation préalable de construire précitée (DP 18'545/2), concluant à son annulation.

16.16) Le 12 octobre 2016, le projet de plan des abords protégés, soit du périmètre de classement, établi par l’OPS le 15 novembre 2011 et mis à jour en juillet 2015 et mars 2016, a été communiqué aux parties pour observations. Il portait le n 29'888-530.

Y figuraient deux aires d’implantation de construction nouvelle, soit une située sur la parcelle no 1110, l’autre sur la parcelle no 1'112.

17.17) Le 30 novembre 2016, les consorts PERROT se sont opposés au plan n 29'888-530, tel qu’il leur avait été communiqué. Mme LAUBER en a fait de même.

Les consorts MACH s’y sont également opposés. Ils réclamaient notamment la protection intégrale de la parcelle no 1'110 et donc la suppression de l’aire constructible envisagée.

18.18) Le 30 novembre 2016, la CMNS, dans sa composition plénière, a rendu un préavis favorable au classement des bâtiments nos 70, 190, 815 (maison de maître et dépendance) et des bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064-1'065, 1'266 (anciennes dépendances) ainsi qu’au projet de plan fixant les abords des immeubles classés n29'888-530 comprenant les aménagements non cadastrés tels que les cheminements, les murs, la serre, le dépotoir, l’orangerie, les jardins aménagés au nord-ouest de la maison de maître et ornés d’un bassin, de même que les « grottes » situées sous l’extrémité est de la terrasse.

Le 31 mars 2010, la SCMA de la CMNS avait émis un préavis favorable au classement demandé par PSGe. Concernant la question d’une aire constructible, la commission avait remarqué que seule une modification des limites des parcelles nos 1'101, 1'103 et 1'010, qui prendrait en compte l’unité que présentaient les bâtiments et les aménagements paysagers, permettrait de déterminer une telle aire. En conséquence, la commission avait invité les propriétaires à procéder au remaniement parcellaire nécessaire à la pérennité de cet ensemble exceptionnel. Aucune entente n’avait encore été trouvée.

Il était encore précisé que Mme CHAILLOT CALAME ne participait pas à ce point de l’ordre du jour.

19.19) Le 23 décembre 2016, l’ancien propriétaire des parcelles nos 1'111 et 1'112 s’est opposé au plan no 29'888-530.

20.20) Le 22 février 2017, le plan no 29’888-530 a été modifié suite à la consultation des propriétaires concernés. Le plan avec les modifications portait le numéro 29888A-530. Il ne comportait plus les aires d’implantation.

21.21) Le 12 avril 2017, la SCMA de la CMNS a préavisé favorablement le classement des bâtiments nos 70, 190 et 815 et des bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064-1'065, 1'266 (anciennes dépendances) ainsi que le projet de plan fixant le périmètre de classement et les immeubles classés no 29'888A-530 comprenant le parc, les aménagements non cadastrés tels que les cheminements, les murs, la serre, le dépotoir, l’orangerie, les jardins aménagés au nord-ouest de la maison de maître et ornés d’un bassin, de même que les « grottes » situées sous l’extrémité est de la terrasse.

Il était précisé que Mme CHAILLOT CALAME ne participait pas à ce point de l’ordre du jour.

22.22) Par courriel du 28 avril 2017, l’OPS a fait parvenir à l’architecte de M.  BAHADOURIAN le projet de plan no 29'888-530.

Comme indiqué, cet envoi était uniquement à titre d’information, ce plan n’ayant pas été adopté et n’étant pas en force. Concernant le langage architectural à adopter pour un éventuel projet de nouvelle construction sur la parcelle no 1'112, la CMNS n’était pas opposée à un langage contemporain et de qualité.

23.23) Le 2 mai 2017, M. BAHADOURIAN a acquis les parcelles nos 1'111 et 1'112. Selon l’acte de vente, le vendeur avait rendu l’acheteur attentif à la procédure de classement en cours et lui avait remis copie du courrier reçu de l’OPS le 12 octobre 2016 et de son annexe, le plan 29'888-530. Pour préserver les droits du propriétaire actuel, opposition avait été formée le 23 décembre 2016 dans le cadre de la procédure de classement. L’acquéreur reprendrait ladite procédure à son compte.

24.24) Par courrier du 11 mai 2017, le département a interpellé PSGe, en vue de recueillir les observations éventuelles de cette association.

25.25) Le 18 mai 2017, le plan no 29'888A-530 a subi une adaptation, en ce sens qu’il précisait que le bâtiment no 1'074 n’était pas soumis à la mesure de classement.

26.26) Par arrêté du 21 juin 2017, le Conseil d’État a décidé de déclarer monuments classés :

1. - l’intégralité des bâtiments nos 70, 190, 815 (maison de maître, orangerie, dépotoir et serre), sis sur la parcelle no 1'101, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy ;

- les bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064, 1'065, 1'266 (anciennes dépendances) sis sur la parcelle no 1'427, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy ;

- les parcelles ou parties de parcelles nos 1'101, 1'103, 1'110, 1'111, 1'112 et 1'427, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy, délimitées selon le plan no 29'888A-530 fixant le périmètre de classement et les immeubles classés, établi par l’OPS le 15 novembre 2011, mis à jour en juillet 2015 et mars 2016 et modifié en février et mai 2017, annexé à l’arrêté de classement et qui en fait partie intégrante ;

2. - les aménagements non cadastrés, tels que les cheminements, les murs, les jardins aménagés au sud-ouest de la maison de maître et ornés d’un bassin, ainsi que les grottes (voûte en éventail) situées sous l’extrémité est de la terrasse.

Les effets de cette mesure ne s’étendaient aux espaces intérieurs des bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064, 1'065 et 1'266, qu’en tant qu’ils comportaient des éléments qui participaient à la qualité desdits bâtiments.

Les parcelles désignées sous ch. 1 feraient l’objet d’une mention au registre foncier.

De l’avis des milieux spécialisés, en particulier de la CMNS, les terrains présentaient les qualités exceptionnelles d’un ancien domaine aménagé dès la seconde moitié du XIXème siècle par Adolphe PERROT.

Il ressortait de la notice historique réalisée en avril 2009 par Mme  CHAILLOT CALAME que la maison de maître, cadastrée sous no 70 était un bâtiment exceptionnel, tant dans ses décors intérieurs qu’extérieurs, et qu’il présentait un remarquable état de conservation.

Les bâtiments nos 71, 189, 814, 1'064, 1'065 et 1'266 constituaient des dépendances de la maison de maître. Les parcelles nos 1'101, 1'103, 1'110, 1'111, 1'112 et 1'427 formant, avec les bâtiments précités, ce domaine historique, constituaient un véritable parc d’agrément, présentant des aménagements dignes d’intérêt, des qualités paysagères indéniables, ainsi que des parties boisées et des vues remarquables.

Le bâtiment no 1074, sis sur la parcelle no 1'112, avait été édifié dans les années 1960 et il ne se justifiait pas de le rattacher à l’ensemble bâti. Sa mise sous protection n’avait pas été demandée. De même, la parcelle no 1'422 ne présentait pas la même valeur patrimoniale et se trouvait isolée du domaine.

Les motifs allégués par les propriétaires opposés à cette mesure ne reposaient pas sur des éléments propres à infirmer les appréciations portées par les milieux spécialisés qui s’accordaient à souligner le caractère exceptionnel des bâtiments visés ainsi que des terrains qui les supportaient.

Quant au préavis défavorable de la commune de Pregny-Chambésy, il ne saurait être décisif, selon la jurisprudence, dès lors qu’il émanait d’une autorité politique qui ne bénéficiait pas de connaissances techniques particulières en matière d’art, d’architecture et d’histoire.

Une première procédure de classement avait été ouverte puis clôturée en 1997, à la suite du retrait de la requête de PSGe. On ne pouvait en déduire que le Conseil d’État y avait définitivement renoncé. Il ressortait en effet du dossier que la clôture de la première procédure de classement résultait de l’engagement de l’ensemble des anciens copropriétaires à maintenir la substance de la maison de maître et l’intégrité du domaine. Depuis lors, la propriété de certaines parcelles était passée à d’autres propriétaires. Par conséquent, les engagements pris en 1997 avaient perdu de leur actualité.

Il convenait toutefois de limiter l’assiette de classement de l’ancien domaine à un périmètre défini dans le plan no 29'888A-530, annexé à l’arrêté de classement et qui en faisait partie intégrante.

Conformément à la jurisprudence constante, une mesure de classement d’un bien-fonds n’était pas de nature à faire obstacle à tout projet de construction, pour autant que les éléments dignes de protection soient préservés. Ainsi, pour tenir compte des intérêts respectifs des propriétaires ainsi que des potentiels de densification restant à déterminer sur les parcelles ou parties de parcelles incluses dans le périmètre de classement, le plan no 29'888A-530 ne fixait aucune aire libre de construction ni aucune aire d’implantation de nouvelles constructions, tout projet envisagé à l’intérieur du périmètre délimité par le plan précité devant être examiné au cas par cas et dans le respect des contraintes patrimoniales du site. Les intérêts des propriétaires étaient ainsi pris en compte.

Aucun intérêt public ou privé ne pouvait s’opposer au prononcé de la mesure de classement, qui répondait également au principe constitutionnel de la proportionnalité.

27.27) Le 16 août 2017, Mme LAUBER a interjeté recours contre cet arrêté auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à ce qu’il soit ordonné au Conseil d’État, soit pour lui le DALE, de produire toutes les pièces relatives aux demandes de classement successives concernant les parcelles nos 1'101, 1'103, 1'110, 1'111, 1'112, 1'422 et 1'427, ainsi que les bâtiments qui y sont érigés ; un transport sur place ; l’audition des parties, de Monsieur Pierre BAERTSCHI, de Mme CHAILLOT CALAME et du représentant de la CMNS. Elle a conclu principalement à l’annulation de l’arrêté du Conseil d’État, subsidiairement au classement de l’intégralité des bâtiments nos 70, 190 et 815 (maison de maître, orangerie, dépotoir et serre) sis sur la parcelle no 1'101, feuille 17 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy et ses abords immédiats situés sur la même parcelle. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/3394/17.

L’arrêté querellé dérogeait aux plans directeurs cantonal et communal. Ces derniers ne prévoyaient aucune mesure de protection des parcelles et bâtiments qui avaient été classés.

La parcelle no 1'427 et les bâtiments qu’elle comportait ne pourraient être considérés comme des abords immédiats de la parcelle no 1'101 et du château qui s’y trouvait. L’arrêté querellé ordonnait le classement d’un périmètre beaucoup trop large. Il n’existait plus de domaine PERROT depuis près d’un siècle.

Il n’existait aucun intérêt public au classement de la parcelle no 1'427 et de ses bâtiments et ledit classement violait le principe de la proportionnalité. Une mesure moins incisive aurait pu être ordonnée en listant précisément les aménagements intérieurs ou autres devant être spécifiquement classés. Elle ignorait tout des motifs ayant conduit à cette délimitation du périmètre à préserver, ceux-ci n’apparaissaient ni dans les préavis de la CMNS, ni dans l’arrêté querellé.

Le principe de la bonne foi avait été violé, au regard des positions contradictoires successives des autorités au cours de ces dernières années. Après la nouvelle ouverture d’une procédure de classement en 2005, le département avait accepté une demande d’autorisation préalable de construire. Les contradictions entre les différentes prises de positions du département, de l’OPS et de la CMNS renforçaient le pouvoir d’appréciation de la chambre administrative.

28.28) Par acte du 22 août 2017, M. PERROT a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre l’arrêté du Conseil d’État du 21 juin 2017, concluant à son annulation, subsidiairement à son annulation dans la mesure où il comprenait dans le classement les parcelles nos 1'110 et 1'103 de la commune de Pregny-Chambésy, dans leur totalité. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ». La cause a été enregistrée sous le numéro de procédure A/3443/217.

a. Il était propriétaire de la parcelle no 1'110 et propriétaire en commun de la parcelle no 1'103. Il reprochait à l’arrêté d’avoir classé l’intégralité de ces parcelles, alors qu’il n’existait pas d’intérêt public suffisant à une telle mesure et que celle-ci violait le principe de la proportionnalité.

En dépit de sa longue durée, l’instruction de la requête de classement était singulièrement pauvre en éléments objectifs et scientifiques. Le Conseil d’État s’était référé aux notices de Mme CHAILLOT CALAME et M. AMSLER. Or, ces notices avaient été commandées par les consorts MACH, alors que les deux familles avaient un contentieux et étaient encore opposées devant le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) sur la question du droit des consorts MACH à exiger le partage de la copropriété du droit de superficie grevant leur parcelle n 1'101. Mme CHAILLOT CALAME se trouvait dans un conflit d’intérêts et il existait de sérieux doutes sur l’objectivité des prises de position de M. AMSLER. L’existence d’études objectives montrant la nécessité de la protection tant de la maison de maître que des terrains adjacents s’imposait.

Dans l’arrêté querellé, le Conseil d’État rejetait le plan approuvé par la CMNS et suivait au contraire le préavis de la SCMA du 12 avril 2017 favorable au projet de plan no 29'888A-530 établi par l’OPS le 22 février 2017 et auquel était rajouté le « parc ». Or, ce préavis ne saurait fonder l’arrêté de classement litigieux car il ne s’appuyait sur aucun élément susceptible de remettre en cause les options antérieures adoptées par cette même sous-commission.

Dans son préavis, la SCMA n’avait pas indiqué les raisons l’ayant conduite à s’écarter de l’ancien plan no 29'888-530, qui prévoyait une aire d’implantation de construction nouvelle sur la parcelle no 1'110. Pour tout fondement, elle invoquait les informations de la directrice et de la juriste de l’OPS, alors que le dossier laissait clairement apparaître que l’intervention de celles-ci avait eu pour résultat un détournement effectif de l’objectif de la mesure de classement, en faveur de la thèse soutenue par les consorts MACH, soit la protection de la globalité de la parcelle no 1'110 en tant que monument. Dans ses conditions, ce préavis n’était pas impartial.

b. Cet arrêté violait le principe de la proportionnalité. Le but visé étant de protéger les alentours de la maison de maître, la CMNS avait défini, le 30  novembre 2016, une complémentarité entre la maison de maître et le jardin à la française qui la jouxtait sur la partie nord de la parcelle no 1'110, soit un espace visuel de dégagement de 70 mètres par rapport à ce bâtiment. Ces abords, contribuant à donner à celui-ci sa valeur, constituaient un maximum. En revanche, la CMNS avait considéré que la partie sud de cette parcelle, constituée d’un espace vide de construction et de végétation, ne présentait pas un intérêt de valeur égale à celle de la partie nord contenant le jardin à la française.

c. Bien que formant un ensemble historique, l’ancien domaine PERROT était constitué de plusieurs immeubles en mains de propriétaires distincts et, par conséquent, une fine pesée de tous les intérêts publics et privés en présence s’imposait. Visant à protéger les abords des bâtiments, la CMNS avait établi, dans son préavis du 30 novembre 2016, une distinction objective entre les objets présentant un intérêt patrimonial de premier ordre (bâtiments et abords protégés) et les autres, pouvant accueillir de nouvelles constructions. Or, le Conseil d’État n’en avait pas tenu compte.

À l’exception des parcelles nos 1'103 et 1'110 appartenant à M. PERROT, toutes les autres parcelles n’étaient que partiellement comprises dans le périmètre de classement. La parcelle no 1'110 était soumise à des règles aussi strictes que la partie plateau des parcelles nos 1'427 et 1'101 dont le cadre visuel (panorama sur le lac Léman et sur les Alpes) présentait un intérêt à l’évidence très supérieur. La pente « est » de la parcelle no 1'103, constructible, comme le montraient les options d’aménagement prévues par le plan directeur communal, était traitée différemment de la parcelle no 1'422 voisine qui lui était en tous points semblable et qui avait été construite en cours de procédure. L’arrêté de classement consacrait ainsi une inégalité de traitement.

29.29) Par acte du 22 août 2017, M. BAHADOURIAN a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre l’arrêté du Conseil d’État du 21 juin 2017, concluant préalablement à ce qu’il soit dit et constaté que le délai de trois ans prévu par l’art. 13 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) était échu et que l’instruction de la demande préalable en autorisation de construire qu’il avait déposée le 21 août 2017 devait suivre son cours dans le respect des délais prévus par l’art. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), respectivement être délivrée, en tant qu’elle était conforme aux prescriptions de la 5ème zone villa et qu’il soit procéder à un transport sur place ; principalement, à l’annulation de l’arrêté du 21 juin 2017 en tant qu’il prononçait le classement des parcelles nos 1'111 et 1'112, feuille 17, de la commune de Pregny-Chambésy et au renvoi du dossier au Conseil d’État, afin qu’il élabore un nouveau plan de protection des abords du domaine PERROT n’englobant pas lesdits biens-fonds. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens. Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/3452/17.

a. En tant qu’elle respectait les exigences du projet de plan no 29'888-530, de même que les prescriptions régissant la 5ème zone villa, sa demande préalable en autorisation de construire devait être instruite sans retard et délivrée.

L’OPS avait violé le principe de la bonne foi. Avant de conclure la vente à terme du 2 mai 2017, il s’était, par l’intermédiaire de son architecte, enquis auprès de l’OPS de l’état d’avancement de la procédure de classement visant les parcelles nos 1'111 et 1'112, respectivement du potentiel constructible de ces dernières. Par courriel du 28 avril 2017, l’OPS lui avait alors transmis le projet de plan n 29’888-530, soit le même que celui que lui avait donné le vendeur et qui prévoyait une importante « aire d’implantation de construction nouvelle » sur la parcelle no 1'112. Pourtant, l’OPS avait alors déjà conçu un nouveau plan de protection no 29’888A-530, lequel ne réservait plus aucune aire d’implantation pour de nouvelles constructions sur la parcelle en cause. Si l’OPS lui avait communiqué ce projet de plan no 29’888A-530, il ne se serait pas satisfait des incertitudes entourant le futur régime des parcelles nos 1'111 et 1'112 et ne les aurait pas acquises, à tout le moins pas aux même conditions.

b. La mesure de restriction était dénuée de base formelle. Les parcelles nos  1'111 et 1'112 n’abritaient aucun bâtiment ou aménagement, dont la valeur historique, architecturale ou artistique justifierait une mesure de protection. Leur classement n’avait été prononcé qu’au seul motif que les biens-fonds auraient historiquement fait partie du domaine PERROT. Ce faisant, l’autorité avait donné à la notion d‘abords immédiats une portée extensive et grossièrement excédé son pouvoir d’appréciation.

Le classement des parcelles nos 1'111 et 1'112 ne répondait pas à un intérêt public de protection du patrimoine. Les instances compétentes avaient reconnu à plusieurs reprises le manque d’intérêt que représentaient ces parcelles.

Le classement des parcelles nos 1'111 et 1'112 n’était ni apte, ni nécessaire pour atteindre les résultats véritablement escomptés, lesquels visaient à préserver l’ensemble que formaient la maison rouge, son parc et son jardin.

30.30) Par décision du 26 septembre 2017, la chambre administrative a ordonné la jonction des causes nos A/3394/2017, A/3443/2017 et A/3452/2017 sous le n A/3394/2017.

31.31) Le 16 octobre 2017, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause des consorts MACH, ceux-ci étant propriétaires en tout cas de l’une des parcelles concernées.

32.32) Par jugement du 9 novembre 2017, le TAPI a rejeté le recours interjeté par les consorts MACH contre la décision du DALE du 16 juin 2016 par laquelle il avait délivré l’autorisation préalable de construire DP 18'545/2. Cette procédure ayant également été portée devant la chambre administrative, un arrêt est rendu ce jour au terme de celle-ci (ATA/18/2019).

33.33) Dans leurs déterminations du 30 novembre 2017, en réponses aux trois recours déposés, les consorts MACH ont conclu au rejet des recours, soit à la confirmation de l’arrêté de classement du Conseil d’État du 21 juin 2017, subsidiairement à sa confirmation, sous réserve de son point 3, dont les mots « qu’en tant qu’ils comportent des éléments qui participent à la qualité des bâtiments » pouvaient être supprimés. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens. Leurs arguments et les pièces produites seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-après.

34.34) Le 11 décembre 2017, le Conseil d’État a conclu, préalablement, à l’audition des témoins cités dans son mémoire, à un transport sur place et à l’apport de la procédure A/2831/2016 et, principalement, au rejet des recours.

35.35) Par décision du 8 mai 2018, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de PSGe.

36.36) Le 28 mai 2018, le juge délégué a procédé à un transport sur place, en présence des parties et de leurs conseils.

37.37) Le 7 juin 2018, une copie du procès-verbal du transport sur place a été transmise aux parties pour observations.

38.38) Par courrier du 26 juin 2018, la chambre administrative a communiqué aux parties les corrections ou précisions qui seraient apportées, à leur demande, au procès-verbal du transport sur place. Les ajouts étaient inscrits en italique.

a. Les parties s’étaient rendues en premier vers la maison nord, occupée par Monsieur Robin LAUBER, fils de Mme LAUBER. Il s’agissait d’une ancienne bâtisse abritant les garages de calèches, ainsi qu’un pressoir. L’extérieur, en très mauvais état, était couvert d’un bardage en bois. Un escalier avait été créé, donnant sur un petit parking jouxtant la parcelle no 1'773.

Selon Mme NEMEC-PIGUET, directrice générale de l’OPS, représentant le Conseil d’État, le périmètre retenu pour les parcelles classées correspondait aux limites de l’ancien domaine, avec ses éléments paysagers, sa végétation, sa maison principale et ses dépendances, lesquelles étaient nécessaires pour assurer le train de vie du domaine. Le périmètre de classement respectait les limites historiques du domaine.

L’intérieur de ce bâtiment avait été rénové dans les années 1980. Peu d’éléments anciens y subsistaient. Les seuls éléments apparaissant devoir être conservés étaient les fermes principales de la charpente.

b. Les parties s’étaient ensuite rendues au-dessus de la piscine. S’agissant de la limite nord de la zone de protection, Mme NEMEC-PIGUET expliquait qu’elle avait été fixée en prenant le niveau des terrasses inférieures de la parcelle des consorts PERROT et en retenant la même altitude tout le long. Elle n’excluait pas qu’au niveau de la parcelle de Mme LAUBER la limite puisse remonter jusqu’au muret bordant la piscine si des démonstrations par géomètre ou autre étaient faites que cette modification n’influencerait pas les points de vue, surtout depuis la grande maison.

Mme NEMEC-PIGUET expliquait encore pourquoi le bâtiment no 71 était soumis à protection, contrairement à celui de M. BAHADOURIAN, qui avait été construit en 1960 et n’avait pas de lien historique avec le domaine.

c. Les parties s’étaient ensuite rendues au bord de la piscine. Depuis ce point de vue, la possibilité de déplacer la limite de la zone de protection afin de permettre l’éventuelle édification d’une maison dans la pente, ainsi que l’impact que cela pourrait avoir sur la vue depuis la maison rouge, était évoquée. Mme NEMEC-PIGUET précisait qu’il n’était pas possible d’imposer une hauteur maximum à l’extérieur de la zone de protection.

d. Devant la maison de Mme LAUBER, M. BAHADOURIAN a relevé que sa propriété était à peine visible, laquelle était masquée par un groupe d’arbres. M.  LAUBER relevait que la vue sur le lac serait protégée même en édifiant un bâtiment aussi grand que le hêtre pourpre situé sous la piscine.

e. À l’extrémité de la parcelle n° 1'110, M. PERROT a insisté sur le fait que la vue depuis la maison rouge n’était nullement entravée ; celle sur la maison rouge était nettement moins intéressante que depuis l’est de la zone de protection.

39.39) Le 28 juin 2018, PSGe a déposé ses observations après enquêtes.

Le transport sur place avait démontré que les dégagements et les vues, disponibles depuis la maison de maître, mais également en direction de celle-ci, faisaient partie des caractéristiques architecturaux-paysagères essentielles du site en cause. Ainsi, la vision en direction de la maison de maître, depuis l’accès sud à l’ancien domaine, devait être préservée.

40.40) Les 27 et 28 septembre 2018, les propriétaires ont persisté dans leurs conclusions.

41.41) Le Conseil d’État en a fait de même le 15 octobre 2018.

42.42) Le 30 octobre 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) Aux termes de l’art. 13 al. 1 LPMNS, à compter du dépôt de la demande de classement et jusqu'à l'issue définitive de la procédure liée à celle-ci, y compris en cas de recours, mais au maximum pendant un délai de trois ans, le propriétaire ne peut apporter aucun changement à l'état primitif ou à la destination de l'immeuble sans l'autorisation de l'autorité compétente. Le délai de trois ans est interrompu en cas de recours du propriétaire (al. 1).

En l’espèce, les conclusions du recourant BAHADOURIAN quant à la demande préalable no DP 18545/1 relative à un projet de construction sur la parcelle no 1'110 sont exorbitantes au présent litige. Elles sont ainsi irrecevables.

3.3) a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.2.1. ; ATA/1111/2017 du 18 juillet 2017). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2016 du 20 février 2017 consid. 2.2).

b. Il ne sera pas fait droit à la demande de la recourante LAUBER, soit d’ordonner la production complémentaire de toutes les pièces relatives aux demandes de classement successives des parcelles. La chambre de céans est en possession d’un dossier complet, comprenant toutes les pièces pertinentes nécessaires à pouvoir trancher les griefs valablement soulevés dans le délai de recours.

Il a été procédé aux auditions jugées nécessaires lors du transport sur place.

4.4) Conformément à l'art. 4 LPMNS, sont protégés les monuments de l'histoire de l'art ou de l'architecture et les antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui représentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif ainsi que les terrains contenant ces objets ou leurs abords (let. a) ; les immeubles et les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (let. b).

5.5) Pour assurer la protection d'un monument ou d'une antiquité au sens de l'art.  4 LPMNS, le Conseil d’État peut procéder à son classement par voie d'arrêté assorti, au besoin, d'un plan approprié (art. 10 al. 1 LPMNS).

6.6) Lorsqu'une procédure de classement est ouverte en vertu de l'art.  10  LPMNS, le propriétaire est informé personnellement. Il est invité à formuler ses observations (art. 12 al. 1 et 2 LPMNS ; art. 22 al. 2 du règlement général d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre l976 - RPMNS - L 4 05.01).

La commune du lieu de situation est également consultée (art. 14 LPMNS ; art. 22 al. 3 RPMNS). L'autorité compétente pour émettre le préavis est le conseil administratif (art. 48 let. h de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05).

Enfin, le Conseil d’État doit s'entourer du préavis de la CMNS (art. 5 al. 2 let. d RPMNS).

En l’espèce, la procédure ci-dessus a été respectée par l’autorité intimée.

7.7) a. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2016 du 13 mars 2017 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1120/2015 du 26 avril 2017 consid. 6.3.2 ; ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 131 II 627 consid. 6.1.).

b. En l’espèce, les recourants ne peuvent se prévaloir de la violation du principe de la bonne foi.

En effet, il ne peut être reproché ni au Conseil d’État, ni au département, des prises de décisions contradictoires ces dernières années. Ils ont tenu compte du partage des différentes parcelles du domaine, ainsi que de la situation conflictuelle existante. Les propriétaires ont été invités à réaliser l’inventaire des droits à bâtir et à procéder au remaniement parcellaire nécessaire, afin de préserver la pérennité de l’ensemble du domaine qualifié d’exceptionnel. Ces derniers n’ont toutefois pas donné suite à la demande, raison pour laquelle il a été nécessaire de prendre un arrêté de classement, visant à protéger le domaine dans son ensemble.

Quant au projet de plan des abords non constructibles, il a été communiqué aux parties le 12 octobre 2016 pour observations. Il prévoyait deux aires d’implantation de construction nouvelle, une située sur la parcelle no 1'110, l’autre sur la parcelle no 1'112. Les recourants se sont tous opposés à ce projet, y compris les propriétaires des parcelles concernées par les aires d’implantation. Ainsi, les propriétaires savaient que le plan no 29888-530 n’était pas définitif, et aucune garantie quant à l’existence des aires constructibles sur le projet définitif ne leur a été donnée.

S’agissant plus particulièrement du recourant BAHADOURIAN, le courriel de l’OPS adressé à son architecte le 28 avril 2017 indique précisément que le projet de plan n’était transmis qu’à titre d’information, dès lors qu’il n’avait pas été adopté et n’était pas entré en force, ce que le recourant ne conteste pas. Par conséquent, ce courriel et le plan annexé ne sauraient en aucun cas constituer une assurance ou un renseignement erroné, ni même une promesse concrète de l’existence d’une aire d’implantation sur la parcelle qu’il souhaitait acquérir. Le recourant devait ainsi de bonne foi tenir compte du risque lié à cette parcelle, dont la situation juridique n’était pas connue, lorsqu’il en a conclu l’achat, ce d’autant plus que l’acte de vente prévoit expressément que le vendeur a rendu l’acheteur attentif à la procédure de classement en cours et qu’il s’est opposé au plan n29'888-530 le 23 décembre 2016, si bien que l’acquéreur reprenait ladite procédure à son compte.

Enfin, il ne peut être reproché à la CMNS d’avoir opéré une volte-face entre le 30 novembre 2016 et le 12 avril 2017. Elle a tenu compte des remarques formulées par les propriétaires et procédé aux modifications, tel qu’indiqué sur le plan no 29888A-530.

Une violation du principe de la bonne foi doit ainsi être écartée.

8.8) Il convient de vérifier si la mesure de classement litigieuse est justifiée, c’est-à-dire si les bâtiments et les parcelles énumérés dans l’arrêté du 21 juin 2017 sont dignes d’être protégés au sens de l’art. 4 LPMNS. Il y a également lieu d’examiner si, comme le soutiennent les recourants, le Conseil d’État a procédé à une mauvaise application de la notion d’abords immédiats au sens de l’art. 15 al. 4 LPMNS.

a. Un monument au sens de la LPMNS est toujours un ouvrage, fruit d’une activité humaine. Il doit être une œuvre digne de protection du fait de sa signification historique, artistique, scientifique ou culturelle. Il appartient aux historiens, historiens de l’art et autres spécialistes de déterminer si les caractéristiques présentées par le bâtiment le rendent digne de protection, d’après leurs connaissances et leur spécialité. À ce titre, il suffit qu’au moment de sa création, le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères déjà vus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l’abstrait. Un édifice peut également devenir significatif du fait de l’évolution de la situation et d’une rareté qu’il aurait gagnée. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s’en écarter (ATA/434/2018 du 8 mai 2018).

b. Selon la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, élaborée et adoptée à l'échelle internationale en 1964 à Venise à l'occasion du 2ème congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques (ci-après : Charte de Venise), la notion de monument historique comprend tant la création architecturale isolée que le site urbain ou rural qui porte témoignage d'une civilisation particulière, d'une évolution significative ou d'un événement historique. Elle s'étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle (art. 1 charte de Venise).

c. L’art. 4 let. a LPMNS, en tant qu’il prévoit la protection de monuments de l’architecture présentant un intérêt historique, scientifique ou éducatif, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l’autorité comme au juge une latitude d’appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s’appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des œuvres d’art mais qu’elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu’ils sont des témoins caractéristiques d’une époque ou d’un style (Philip VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 25). La jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1). Alors qu’à l’origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elles se sont peu à peu étendues à des immeubles et objets plus modestes, que l’on a qualifiés de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s’ouvrir sur une prise de conscience de l’importance du patrimoine hérité du XIXe siècle et la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/1214/2015 du 11 novembre 2015). Néanmoins, comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d’ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. Pour le classement d'un bâtiment, la jurisprudence prescrit de prendre en considération les aspects culturels, historiques, artistiques et urbanistiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes. Elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d’une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/434/2018 du 8 mai 2018).

9.9) Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 143 I 109 consid. 6 ; 142 II 388 consid. 9.6.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 II 388 consid. 9.6.1 ; ATA/212/2016 du 9 mars 2016). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 141 II 338 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_219/2014 du 23 septembre 2014 consid. 5.2 et les arrêts cités).

S’agissant plus spécialement des travaux préparatoires, bien qu’ils ne soient pas directement déterminants pour l’interprétation et ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d’intérêt et peuvent s’avérer utiles pour dégager le sens d’une norme. En effet, ils révèlent la volonté du législateur, laquelle demeure, avec les jugements de valeur qui la sous-tendent, un élément décisif dont le juge ne saurait faire abstraction même dans le cadre d’une interprétation téléologique (ATF 119 II 183 consid. 4b ; ATA/169/2016 du 23 février 2016). Les travaux préparatoires ne seront toutefois pris en considération que s’ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu’ils ont trouvé expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012 consid. 4 ; ATA/213/2017 du 21 février 2017).

10.10) Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité administrative de première instance suive l'avis de celles-ci (ATA/1371/2018 du 18 décembre 2018 et les références citées).

Si la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/1354/2018 du 18 décembre 2018 et les références citées).

11.11) a. En l’espèce, il ressort de la loi, soit de l’art. 15 al. 4 LPMNS, que le législateur a souhaité laisser la possibilité au Conseil d’État d’interdire de modifier les abords immédiats de l’immeuble, jusqu’à une distance déterminée dans chaque cas. Formulée de manière très générale, cette disposition laisse une large marge d’appréciation au Conseil d’État quant à l’étendue du périmètre qu’il considère devoir être protégé par la mesure de classement.

De même, en adoptant l’art. 4 LPMNS, le législateur a souhaité non seulement protéger les monuments, mais également les terrains contenant ces objets et leurs abords. Une fois encore, le périmètre n’est pas limité, permettant ainsi au Conseil d’État de l’apprécier de cas en cas.

Il ressort également des travaux préparatoires (MGC 2000 12/II, 1690) ayant abouti notamment à la modification de l’art. 1 let. b LMPNS mais également de l’art. 4 LPMNS, que les auteurs ont proposé de se référer au terme d’immeubles qui est plus large que celui de bâtiments puisqu’il recouvre également les abords de celui-ci.

Par conséquent, il ressort du texte de loi et en particulier des articles se référant à la notion d’abord que le législateur a souhaité laisser à l’autorité compétente une large marge d’appréciation quant à l’étendue du périmètre à protéger.

b. En l’espèce, à l’exception de celui de la commune, les préavis recueillis par l’autorité intimée ont tous été favorables au classement.

Les éléments techniques qui ressortent des préavis de la SCMA et de la CMNS ainsi que de la notice historique versée au dossier mettent en évidence un domaine d’exception, situé dans le prolongement de grands domaines de plaisance, tous situés sur un coteau face au lac et au Mont-Blanc.

La maison principale de ce domaine, le château rouge, a été construite par un des plus fameux architectes genevois de l’époque et tous les bâtiments du domaine ont été qualifiés de « très remarquable » et « remarquable » dans le cadre du recensement architectural du canton.

Un périmètre constant a été observé autour des bâtisses depuis le XVIIIe siècle. Il est compris entre l’actuel 40, route de Pregny au nord, le domaine des « ormeaux » au sud, la route de Pregny à l’ouest et l’extrémité des terrasses à l’est. C’est ce périmètre qui a servi de base à l’établissement d’une zone de protection.

Les deux instances ont fait part de leur inquiétude quant à la préservation des qualités patrimoniales paysagères et architecturales du domaine, notamment en raison de la division parcellaire effectuée en 1960 qualifiée d’incongrue et source de conflit entre les propriétaires. Dans sa notice, l’historienne a également fait part de cette préoccupation, cette division allant à l’encontre de l’appréhension historique du domaine et de cette notion d’ensemble. Le jardin de la maison et son parc avaient été aménagés depuis l’origine à l’est et au sud, pour des questions d’orientation et de vues. Ils se situaient sur les parcelles nos 1'101, 1'103 et 1'110. Celles-ci étaient ainsi indissociables et méritaient d’être ainsi préservées.

Il en résulte que les préavis les plus pertinents, en l’espèce ceux de la SCMA et la CMNS, sont favorables au classement des bâtiments et des parcelles sur lesquelles ils sont situés. Ces préavis ont été rendus par des personnes compétentes en la matière et reposent sur une étude approfondie et historique du dossier. Leur teneur est également confirmée par l’étude historique effectuée par une historienne de l’art et par l’analyse d’un architecte.

Le préavis de la commune de Pregny-Chambésy est moins décisif. Émanant d’une autorité politique, il ne saurait être prépondérant aux préavis émis par des commissions composées de spécialistes et dont les explications, rappelées ci-dessus, démontrent qu’une protection fondée sur une inscription à l’inventaire et la volonté des propriétaires est insuffisante.

La délimitation des abords est conforme au droit, le souhait du législateur ayant été de laisser au Conseil d’État une large marge d’appréciation quant aux distances à inclure dans le périmètre de classement.

Pour ces motifs, le Conseil d’État n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant la mesure de protection et en délimitant le périmètre devant être soumis au classement.

12.12) Reste à déterminer si la décision de classement litigieuse est compatible avec les libertés constitutionnelles des recourants, en particulier avec la garantie de la propriété et si cette mesure respecte les principes de l’intérêt public et de la proportionnalité.

a. L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine naturel ou bâti constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst. ; pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit donc reposer sur une base légale, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à  3  Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a et les arrêts cités ; ATA/427/2010 du 22 juin 2010).

b. En principe, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont d'intérêt public et celui-ci prévaut sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 120 Ia 270 consid. 6c ; 119 Ia 305 consid. 4b ).

c. Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis. Sous ce dernier aspect (principe de proportionnalité au sens étroit), une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si, dans la pesée des intérêts en présence, elle produit des effets insupportables pour le propriétaire. Savoir ce qu'il en est ne dépend pas seulement de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée, mais aussi de son caractère nécessaire : plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid.  5e).

d. En d’autres termes, la mesure de protection doit respecter la règle de la nécessité. A cet égard, il sied de relever que le classement est certes la mesure la plus intensive des instruments de protection du patrimoine. Ainsi, en droit genevois, l’immeuble classé ne peut, sans l’autorisation du Conseil d’État, être démoli, faire l’objet de transformations importantes ou d’un changement dans sa destination (art. 15 al. 1 LPMNS). Les simples travaux ordinaires d’entretien et les transformations de peu d’importance peuvent être autorisés par l’autorité compétente, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’un préavis favorable de la part de la CMNS et d’une demande d’autorisation ordinaire au sens de l’art. 3 al.  1  LCI à l’exclusion des procédures accélérées prévues à l’art. 3 al. 7 et 8 de ladite loi (art. 15 al. 3 LPMNS).

13.13) Les effets d’une mise à l’inventaire sur un immeuble sont son maintien ainsi que la préservation de ses éléments dignes d’intérêt (art. 9 al. 1 LPMNS). Dans le cas d’une procédure de classement, le Conseil d’État peut interdire de modifier les abords immédiats de l’immeuble classé (art. 15 al. 4 LPMNS). Cette faculté offerte à l’exécutif cantonal n’existe pas pour la mise à l’inventaire d’un immeuble (art. 11 al. 1 let. a LPMNS ; ATA/521/2017 du 9 mai 2017).

14.14) Chaque recourant reproche à l’arrêté de classement de ne pas être justifié par un intérêt public et d’être disproportionné. Ils souhaitent que leurs parcelles soient exclues du périmètre de protection. Dès lors que chacun est propriétaire de parcelles différentes dont les particularités sont distinctes, leurs griefs seront traités séparément.

a. S’agissant plus particulièrement des parcelles appartenant à la recourante LAUBER, Mme CHAILLOT CALAME a précisé que la seule inscription à l’inventaire des objets bâtis, qui ne prend pas en considération la composition d’ensemble du domaine avec ses jardins et ses vues, n’est pas suffisante pour assurer la protection de ce dernier. Cette appréciation est fondée. En effet, une mise à l’inventaire des bâtiments ne protège par leurs abords immédiats. De plus, les bâtiments sur sa propriété doivent être soumis au classement, contrairement au bâtiment no 1074 construit en 1960 seulement et dénué de lien historique avec le domaine. La limite nord de la zone de protection a été fixée en prenant le niveau des terrasses inférieures de la parcelle des consorts PERROT et en retenant la même altitude tout le long. Quant à la suggestion de déplacer la zone de protection afin de permettre la construction d’une maison dans la pente, elle est problématique en raison de l’impossibilité d’imposer une hauteur maximum à l’extérieur de la zone de protection. Il est ainsi justifié, d’intérêt public et conforme au principe de la proportionnalité d’inclure les parcelles de la recourante LAUBER à l’intérieur du périmètre de protection.

b. Le recourant PERROT reproche également à l’arrêté d’avoir classé l’intégralité de ses parcelles, mais également d’avoir été prononcé sans fondement objectif ou scientifique suffisant.

Toutefois, le Conseil d’État ne s’est pas fondé uniquement sur les notices historiques commandées par les consorts MACH et le recourant n’avance aucun élément objectif permettant de douter de l’impartialité des commissions, se contentant de substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité. De plus, chaque préavis rendu précise expressément que Mme CHAILLOT CALAME n’a pas participé à leur établissement. Enfin, les avis de tous les professionnels consultés, à chaque étape du dossier, sont concordants.

Le recourant procède de la même manière, soit en substituant son appréciation à celle de l’autorité, en lui faisant grief d’avoir violé le principe de l’égalité de traitement. Selon le recourant, sa parcelle est soumise à des règles aussi strictes que celles imposées aux parcelles nos 1'427 et 1'101, qui présentent un intérêt supérieur. Le dossier de la procédure relève pourtant à de nombreuses reprises l’importance particulière de la parcelle no 1'110, directement liée à la demeure principale du domaine, soit le château rouge, puisqu’elle en abrite notamment les jardins aménagés ornés d’un bassin. De même, la parcelle no 1'103 devait être préservée, la maison de maître étant orientée dans la direction de ces parcelles et les vues étant remarquables. Ces deux parcelles faisaient partie intégrante du parc d’agrément du château rouge. L’architecte, M. AMSLER, a encore précisé que l’assiette de la parcelle no 1'110 n’entretient aucun lien avec la morphologie historique du site, ni avec sa forme actuelle, si bien qu’un projet de construction qui utiliserait ce découpage parcellaire comme règle d’implantation s’abstrairait de tout rapport à l’histoire du lieu et ferait courir au patrimoine morphologique du domaine le risque de disparaître. Par conséquent, la chambre de céans constate que c’est à bon droit que l’autorité a inclus ces deux parcelles dans le périmètre de classement, qu’aucune restriction particulière n’a été imposée au recourant, et que le principe d’égalité de traitement a été respecté.

c. Enfin, le même raisonnement s’impose à l’égard des parcelles du recourant BAHADOURIAN, dès lors qu’elles font historiquement partie du domaine PERROT. Elles ont également un important rôle à jouer dans la protection des vues depuis et sur le domaine principal. Inclure les parcelles de M.  BAHADOURIAN dans le périmètre de classement est justifié par l’intérêt public de préserver le domaine. De plus, l’autorité a exclu le bâtiment no 1'074 de la mesure de protection, si bien que ce dernier pourra être démoli. Cette mesure respecte ainsi le principe de la proportionnalité, étant encore précisée que si, en raison de la mesure, une éventuelle construction sur ces parcelles se verra soumise à des conditions ou restrictions particulières, la délivrance d’une autorisation de construire reste possible.

d. En effet, l’arrêté attaqué précise que le plan no 29'888A-530 ne fixe aucune aire libre de construction ni aucune aire d’implantation de nouvelles constructions afin de tenir compte des intérêts respectifs des propriétaires, ainsi que des potentiels de densification restant à déterminer sur les parcelles ou parties de parcelles incluses dans le périmètre de classement. Ainsi, tout projet de construction n’est pas d’emblée exclu à l’intérieur du périmètre délimité par le plan, mais devra être examiné au cas par cas et dans le respect des contraintes patrimoniales du site.

Les intérêts des propriétaires ont ainsi été pris en compte.

e. En conclusion, les conditions d’une restriction aux droits de propriété sont toutes réalisées. L’arrêté attaqué est conforme au droit et sera par conséquent confirmé.

15.15) Il est encore fait grief à l’autorité intimée d’avoir prononcé un arrêté de classement, alors que les plans directeurs cantonaux et communaux ne prévoyaient pas une telle restriction sur les terrains des recourants. Il sera rappelé que les plans directeurs cantonaux et communaux définissent des minima et qu’ils peuvent faire l’objet de réexamens et d’adaptations (art. 9 al. 2 LAT et 10 al.  9 LaLAT). Ils ne sauraient ainsi servir de fondement pour exclure toute future mesure de protection.

16.16) En tous points infondés, les recours seront rejetés. Les recourants, qui succombent intégralement, seront astreints au paiement d’un émolument de CHF 1'000.- chacun (art. 87 al. 1 LPA). Les frais de taxi du transport sur place d’un montant de CHF 32.70 doivent être partagés entre la présente procédure et celle ouverte suite au recours des consorts MACH (A/2831/2016), si bien que CHF 16.35 seront également mis à leur charge, conjointement et solidairement. Une indemnité de procédure de CHF  1'000.-, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, sera allouée aux consorts MACH, dès lors qu'ils y ont conclu et qu’ils ont dû recourir aux services d’un avocat. PSGe n’a pas conclu à une telle indemnité et n’a pas eu besoin de recourir à un conseil externe, si bien qu’aucune indemnité de ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 16 et 22 août 2017, respectivement par Madame Véronique Solange LAUBER, Monsieur Philippe PERROT et Monsieur  Gabriel Léo BAHADOURIAN contre l’arrêté du 21 juin 2017 du Conseil d’État ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Véronique Solange LAUBER :

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Philippe PERROT ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Gabriel Léo BAHADOURIAN ;

met les frais de taxi du transport sur place d’un montant de CHF 16.35 à la charge de Madame Véronique Solange LAUBER, Monsieur Philippe PERROT et Monsieur Gabriel Léo BAHADOURIAN, pris solidairement ;

alloue à Messieurs Bernard, Jean-Pierre et Olivier MACH, solidairement entre eux, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de Madame Véronique Solange LAUBER, Monsieur Philippe PERROT et Monsieur Gabriel Léo BAHADOURIAN, pris solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à Patrimoine Suisse Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Schmidt, Me Bruno Mégevand et Me Daniel Udry, avocats des recourants, à Me Lucien Lazzarotto, avocat des appelés en cause, à Me Alain Maunoir, avocat de Patrimoine Suisse Genève, appelé en cause, et à Me Nicolas Wisard, avocat du Conseil d’État.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :