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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11902/2012

AARP/204/2019 du 03.04.2019 sur JTCR/1/2018 ( CRIM ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 02.09.2019, rendu le 30.10.2019, REJETE, 6B_974/2019
Descripteurs : DÉBAT DU TRIBUNAL ; ADMINISTRATION DES PREUVES ; PROCÈS ÉQUITABLE ; PROFIL D'ADN ; ASSASSINAT ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONTRÔLE DE LA DÉTENTION ; INTERNEMENT (DROIT PÉNAL)
Normes : CP.112; CPP.342; CPP.389; CPP.3.al2.letc; Cst.29.al2; CEDH.3; CP.64

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11902/2012AARP/204/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 3 avril 2019

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

A______, actuellement détenu à l'Etablissement de B______ (GE), comparant par Me C______, avocat, ______, rue ______, Genève, ainsi que par Me D______, avocate, ______.

appelants,

contre le jugement JTCR/1/2018 rendu le 22 juin 2018 par le Tribunal criminel,

et

E______, comparant par Me F______, ______, rue ______, Genève,

intimée,

appelante sur appel joint,

ainsi que

G______ agissant également pour le compte de l'enfant H______, et I______, comparant par Me J______, avocat, ______, rue ______, Genève,

K______, comparant par Me L______, avocate, ______, bd.______, Genève,

intimés.


TABLE DES MATIERES

EN FAIT : 4

A. Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) 4

B. Eléments pertinents résultant du dossier de première instance. 12

1. Précision liminaire. 12

2. M______. 13

a. Découverte du corps de la victime et éléments résultant de l'autopsie. 13

b. Premières déclarations des membres de la famille M______ et de témoins. 16

c. Interpellation et premières déclarations du prévenu. 18

d. Actes d'enquête effectués par la police. 20

i. Analyse de la téléphonie. 20

ii. Analyses du tachygraphe du taxi de A______. 22

iii. Images de vidéosurveillance. 23

iv. Autres éléments résultant de l'enquête de police. 24

e. Analyses des prélèvements, notamment analyses ADN.. 25

f. Déclarations ultérieures de G______ et K______. 31

g. Déclarations ultérieures de A______. 33

i.Nouvelle version. 33

ii. Suite des déclarations. 35

h. Déclarations de témoins. 37

3. E______. 39

a. Statut administratif 39

b. Déclarations de la victime alléguée. 39

i. Début de la relation. 42

ii. Contacts avec des tiers. 42

iii. Récit des infractions alléguées. 45

iv. Tentatives de fuite. 46

c. Déclarations de A______. 47

d. Déclarations pertinentes de témoins et certificats médicaux. 49

i. Famille de A______. 49

ii. Connaissances. 51

iii. Assistantes sociales. 52

iv. Médecins. 53

e. Examen physique. 54

f. Images et téléphonie. 55

4.N______. 55

a. Déclarations de la victime alléguée. 55

b. Délarations de A______. 58

c. Déclarations pertinentes de témoins. 59

5. O______. 60

a. Déclarations de la victime alléguée. 60

i. Circonstances de son audition. 60

ii. Début de la relation. 61

iii. Isolement et menaces. 61

iv. Violences physiques. 62

v. Violences sexuelles. 63

vi. Fin de la relation. 63

b. Déclarations de A______. 64

c. Déclarations pertinentes de témoins. 66

d. Renseignements médicaux obtenus des HUG.. 68

6. Eléments communs à plusieurs complexes de fait 68

a. Comportement de A______ à l'égard de ses partenaires. 68

b. Expertises psychiatriques. 69

i. Expertise du Dr P______. 69

ii. Expertise des Drs Q______ et R______. 71

7. Débats de première instance. 73

C. Procédure d'appel. 89

1. Préparation et déroulement de la première audience d'appel 89

a.Réquisitions de preuve. 89

b. Ouverture des débats et réquisitions de preuve. 90

c. Procédure probatoire. 90

d. Récusation d'une juge assesseure et suspension. 95

2. Préparation et déroulement de la seconde audience d'appel 95

a. Fixation de la nouvelle audience et audience préliminaire. 95

b. Instruction des conditions de détention. 96

c. Seconde audience. 96

i. Demande de dessaisissement de la Cour, subsidiairement de suspension jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral (TF) 96

ii. Demande de scission des débats et réquisitions de preuve. 98

iii. Procédure probatoire. 100

iv.Plaidoiries, y compris incident de renvoi au lendemain, et derniers mots du prévenu. 101

D. Situation personnelle du prévenu.. 116

E. Assistance judiciaire. 116

EN DROIT : 117

A. Recevailité. 117

B. Incidents et réquisitions de preuve. 118

1. Requête de dessaisissement 118

2. Scission des débats. 118

3. Réquisitions de preuve. 119

a. Analyse du contenu du bol gastrique de M______. 120

b. "Expertise complémentaire" (audition du médecin légiste) sur la notion de lésions peri mortem et le laps de temps séparant des lésions ante mortem de lésions post mortem.. 120

c. Audition de l'auteur du rapport de la BCI du 6 juin 2018 concernant la console ______ [console de jeu] 121

d. Audition du Dr S______, responsable de l'Unité BL______ du CURML. 122

e. Conclusion sur les réquisitions de preuve. 122

4. Incident de renvoi des plaidoiries au lendemain. 122

C. Culpabilité. 123

1. Infractions reprochées concernant M______. 123

a. Appréciation des preuves et établissement des faits. 123

b. Qualification juridique. 137

c. En conclusion. 140

2. Infractions reprochées à l'appelant concernant N______, O______ et E______. 140

a. Appréciation des preuves et établissement des faits. 140

i.N______. 142

ii. O______. 143

iii. E______. 149

b. Qualification juridique. 154

D. Peine et mesure. 156

1. Peine. 156

2. Mesure. 165

E. Conclusions civiles et frais. 168

F. Assistance judiciaire. 171

DISPOSITIF.. 174

EN FAIT :

A. Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a. Par jugement du 22 juin 2018, dont les motifs seront notifiés aux parties le 17 août suivant, le Tribunal criminel (TCrim) a acquitté A______, ou prononcé un classement, des chefs d'accusation de viol (art. 190 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0] ; points IX.1. et 2. de l'acte d'accusation), de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 CP ; point VII.1.) et violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP ; point XIII.1.) mais l'a reconnu coupable de :

- assassinat (art. 111 et 112 CP), contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP) et actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) au préjudice de M______ (points I, II. et III.) ;

- viols (art. 190 al. 1 CP), contraintes sexuelles (art. 189 al. 1 CP), séquestrations (art. 183 al. 1 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 CP) et menaces (art. 180 al. 1 et 2 CP) au préjudice de E______ (points IV, V, VI, VII.2. et VIII.) ;

- viols (art. 190 al. 1 CP), contraintes sexuelles (art. 189 al. 1 CP) et séquestrations (art. 183 al. 1 CP) au préjudice de O______ (points X, XI, et XII) ;

- violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP ; point XIII. 2.).

A______ s'est vu infliger une peine privative de liberté de 20 ans, sous déduction de 2'128 jours de détention avant jugement, son maintien en détention pour motifs de sûreté étant prononcé par ordonnance séparée, et son internement ordonné.

Il a été condamné à payer, outre l'intégralité des frais de la procédure, s'élevant à CHF 324'669.75, les indemnités pour tort moral suivantes, à :

- K______, CHF 100'000.-, avec intérêts à 5% dès le 24 août 2012 ;

- G______, CHF 100'000.-, avec intérêts à 5% dès le 24 août 2012 ;

- H______, représenté par sa mère, CHF 20'000.-, avec intérêts à 5% dès le 24 août 2012 ;

- I______, CHF 60'000.-, avec intérêts à 5% dès le 24 août 2012 ;

- E______, CHF 40'000.-, avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2012.

b.a. Par annonce du 22 juin 2018 puis déclaration du 5 septembre 2018, A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement de tous les chefs d'accusation à l'exception de celui de violation d'une obligation d'entretien, au prononcé d'une peine raisonnable et assortie du sursis ainsi qu'à l'accueil de ses conclusions en indemnisation, avec suite de frais.

Il présentait d'ores et déjà une réquisition de preuve, requérant qu'il soit procédé à l'analyse du contenu gastrique prélevé dans le corps de M______, se réservant d'en formuler d'autres dans le délai qui lui serait ultérieurement imparti.

b.b. L'annonce d'appel du Ministère public (MP) du 2 juillet 2018 a été suivie, le 28 août 2018, d'une déclaration par laquelle celui-ci conteste l'acquittement du chef de viol sur N______ et l'abandon de la circonstance aggravante de la cruauté pour les viols et les contraintes sexuelles sur E______. Il requiert que la culpabilité de A______ soit admise ou aggravée en conséquence et la peine privative de liberté prononcée à vie.

b.c. E______ a déclaré appel joint, requérant un verdict de culpabilité avec la circonstance aggravante de la cruauté pour les infractions dont elle avait été victime et que le montant en capital de l'indemnité pour tort moral soit porté à CHF 70'000.-.

c. Aux termes de l'acte d'accusation du 27 mars 2018, il est ou était reproché ce qui suit à A______ :

I./II. Alors qu'il entretenait une relation sentimentale avec G______, il s'est rendu, le 23 août 2012 en fin de journée, dans son l'appartement sis au 1er étage de la rue T______, sur la commune de U______ (GE) où il est arrivé à 19h50 et y a trouvé la seconde fille de son amie, M______, alors âgée de 12 ans, qui était rentrée vers 19h30 et s'était changée, portant désormais une jupe en coton beige et un top en coton rose, sur un soutien-gorge rose et un slip blanc.

A______ s'est approché d'elle pour l'étreindre. Profitant de sa force physique supérieure et de son ascendant d'adulte sur elle, il a soulevé sa jupe et baissé sa culotte, avant d'introduire de force son pénis, un ou plusieurs de ses doigts, voire un objet dans le vagin de M______, contre sa volonté. Pour briser la résistance de sa victime, il l'a saisie à la gorge, maintenant constamment une de ses mains au moins sur son cou pour l'empêcher de se soustraire à son emprise.

Il lui a de la sorte causé les lésions génitales suivantes : une dilacération de l'hymen à sept heures d'une profondeur de 0,4 cm, ainsi qu'une congestion importante et une hémorragie de la muqueuse à proximité[1].

III. Dans lesdites circonstances, A______ a continué à exercer intentionnellement une forte pression de sa ou de ses mains autour du cou de M______, qui résistait toujours. Puis, alors qu'elle s'était évanouie sous la compression de ses artères carotides et avait cessé de se débattre, il a poursuivi son étranglement pendant un long moment dans le but de la tuer. Il l'a ainsi étranglée jusqu'à ce qu'elle décède par asphyxie, étant précisé qu'il lui a causé les lésions suivantes, puis la mort : un masque ecchymotique au niveau du visage, de nombreuses plaques parcheminées au niveau du cou et du thorax, des hémorragies en regard de la musculature cervicale et des organes cervicaux.

A______ a agi dans un but particulièrement odieux, puisqu'il a tué M______ par crainte qu'elle ne le dénonce. Le prévenu a abusé sexuellement de la jeune fille qui s'était refusée à lui, avant de la tuer pour l'empêcher d'en parler, en la réduisant à jamais au silence. Il a en outre agi de manière particulièrement odieuse notamment :

- en s'en prenant à une enfant de 12 ans, dans l'incapacité de se défendre et dont il avait la confiance, alors qu'il n'avait jamais eu à souffrir d'elle,

- en l'étranglant pendant plusieurs minutes, soit jusqu'à son décès par asphyxie, ne s'interrompant à aucun moment dans son entreprise funeste, même après l'évanouissement de sa victime,

- en dissimulant le cadavre sous le lit de la chambre parentale, pour gagner du temps et se construire un alibi,

- en positionnant le corps sous le lit de telle façon que la planche transversale repose sur le cou de la jeune fille, pour dissimuler la strangulation et masquer ainsi son forfait,

- en dissimulant le corps, en emportant les clefs de l'appartement, en téléphonant à G______ dans les minutes qui ont suivi pour l'inviter au restaurant, en temporisant pendant toute la soirée au restaurant, en instruisant sa compagne, E______, de ne pas ouvrir si la police venait sonner à leur domicile, en faisant mine de participer aux recherches et en faisant porter les soupçons sur un tiers, en la personne du père de la copine chez qui M______ s'était rendue l'après-midi, agissements qui relèvent d'une extrême froideur.

IV. Erythréenne née en Ethiopie, où elle a grandi, E______ a quitté ______ (Ethiopie) en décembre 2007. Après un long périple, elle est arrivée en Suisse le 29 septembre 2008 pour y demander l'asile. Attribuée au canton de Berne, elle vivait dans un centre pour requérants dans la région de ______ [Berne] depuis plus de deux ans lorsqu'elle a fait la connaissance de A______ en octobre 2010. Après l'avoir contactée par téléphone, il est venu à plusieurs reprises lui rendre visite, souhaitant l'aider et même l'épouser. Rapidement, elle s'est installée chez lui à Genève, y demeurant quasi constamment et ne rentrant qu'occasionnellement au foyer.

Sa demande d'asile refusée, E______ a séjourné pendant deux ou trois mois en France, avant de revenir en Suisse, emménageant à V______ (GE) chez A______ dans son appartement de la route de V ______ (GE).

Pendant toute la durée de la vie commune à Genève, soit de juin 2011 à août 2012, il l'a contrainte par la force physique et la pression psychologique, un nombre indéterminé et indéterminable de fois mais au moins à 200 reprises, à subir l'acte sexuel en la pénétrant vaginalement. Même pendant le mois que la mère de E______ a passé auprès du couple à Genève, A______ l'emmenait dans les toilettes pour abuser d'elle sexuellement. Profitant de son absence de statut et de l'emprise qu'il avait sur elle, notamment sa crainte d'être battue, il la déshabillait et pénétrait son vagin avec son pénis, recourant également à la force physique pour l'empêcher de se soustraire à son emprise et briser ainsi sa résistance, notamment en l'étranglant, en la battant et en l'entravant.

En agissant de la sorte, le prévenu a provoqué chez sa victime une hypertonie du plancher pelvien.

Tout en la violant, il lui a infligé des souffrances inutiles. Régulièrement, il la giflait, voire l'entravait, notamment avec une écharpe, ou l'attachait au radiateur. Parfois, il lui arrivait même de lui serrer fortement le cou avec ses mains, provoquant son évanouissement à l'une ou l'autre reprise. Tout en l'étranglant, il lui était également arrivé de lui dire « dois-je te tuer ou non ? », provoquant la terreur chez sa victime. Lorsque les douleurs devenaient trop fortes, elle lui demandait de s'arrêter, mais il n'en avait cure, même lorsqu'elle était en pleurs. Parfois, à bout, elle le suppliait même, mais il n'écoutait pas.

V. Dans ces circonstances A______ a, un nombre indéterminé et indéterminable de fois, mais au moins à 200 reprises, contraint E______ à lui prodiguer des fellations, l'a pénétrée vaginalement et analement avec un doigt et l'a sodomisée jusqu'à éjaculation. Pour la contraindre à la fellation, il lui tirait la tête par les cheveux pour l'approcher de son sexe et la maintenait dans un état de terreur de par son ascendant sur elle, de sorte qu'elle s'exécutait par peur d'être battue. Pour la sodomie, il n'hésitait pas à la brusquer, voire à la frapper. A quelques reprises, il l'a également contrainte à une double pénétration, lui introduisant un stick déodorant dans le vagin tout en la sodomisant, ainsi que l'inverse.

Tout en forçant E______ à subir de tels actes, A______ lui a infligé des souffrances inutiles. Outre les gifles, entraves et autres strangulations décrites sous chiffre IV. ci-dessus, il lui a, à une reprise alors qu'il était en train de la sodomiser, enfoncé un stylo et mordue dans le dos, laissant des marques toujours visibles[2].

VI. Pour s'assurer que E______ ne puisse s'échapper lorsqu'il sortait pour aller travailler, A______ lui interdisait de sortir seule, conservait sur lui son ancien permis N et l'a, à réitérées reprises pendant la vie commune, soit de juin 2011 à août 2012, d'abord occasionnellement puis systématiquement, enfermée à clef dans l'appartement de la route de V______ (GE). Comme elle ne disposait pas de clef et que les trois fenêtres du logis se trouvaient à plus de trois mètres du sol, elle restait ainsi prisonnière, privée de sa liberté de déplacement[3].

VII.1. Alors que E______ s'était installée dans l'appartement de la route de V______ (GE) et qu'elle ne rentrait qu'occasionnellement au foyer de W______, A______ l'a, le 7 mars 2011, violemment frappée, étant précisé qu'il avait déjà levé la main sur elle auparavant. C'est ainsi qu'il lui a asséné des coups de poing et de pied à la tête et sur le corps, lui causant de la sorte des blessures au visage et aux bras.

Suite à cet épisode de violence, E______ a fui Genève pour se réfugier chez une amie à Bienne, avant de réintégrer le foyer de W______ où A______ est venu la rechercher[4].

VII.2. Pendant toute la durée de la vie commune, soit de juin 2011 à août 2012, A______ a, à réitérées reprises, donné des coups à E______, la giflant, l'étranglant, la mordant, lui tirant les cheveux, ainsi qu'en lui donnant des coups de poing au visage et des coups de pied sur le flanc une fois qu'elle était au sol. D'abord épisodiques, ces coups sont devenus réguliers et finalement quotidiens, sauf quand les enfants du prévenu étaient chez lui pour le week-end.

En frappant sa compagne, le prévenu lui a causé de multiples blessures, comme un oeil "au beurre noir", des saignements au nez et à l'oreille, des éraflures et des griffures, des douleurs au crâne et à la nuque, des enflures aux yeux et au cou, de sorte qu'il lui arrivait de porter des lunettes de soleil ou des pièces de vêtements autour de la tête et du cou pour cacher les marques.

A une reprise, alors qu'il la sodomisait de force (cf. chiffre V. ci-dessus), il lui a enfoncé un stylo en bas du dos, lui a donné des coups d'ongle et l'a mordue au niveau des fesses, laissant des cicatrices encore visibles et des dépigmentations de la fesse droite. A une autre reprise, il l'a frappée avec un objet métallique au genou gauche, lequel présente une cicatrice au niveau de la face antérieure. La saisissant par les cheveux, il lui a également maintenu une fois la tête sous la douche, l'entravant dans sa respiration.

Les violences subies par E______ ont provoqué chez elle, outre les marques toujours visibles sur son corps et un état de faiblesse physique général, un état dépressif lié à un état de stress post-traumatique (troubles du sommeil et de l'appétit, angoisses de mort, engourdissement affectif, indifférence à autrui, anhédonie, flash-backs, tendance à sursauter, sautes d'humeur, anxiété, tension physique) ayant nécessité la mise en place d'un traitement psychiatrique et psychothérapeutique.

VIII. Pendant toute la durée de la vie commune, soit de juin 2011 à août 2012, A______ a, à réitérées reprises, à Genève, menacé E______ de la tuer, de la frapper ou de publier sur internet des images d'un rapport sexuel qu'il avait filmé avec son téléphone portable, si elle venait à le dénoncer, à parler à la police, notamment en rapport avec M______, ou à fuir. Par ses menaces, le prévenu a vivement effrayé sa compagne, celle-ci ayant craint pour son image, son intégrité physique et sa vie.

IX.1. A______ et N______ ont fait connaissance courant 2006 au restaurant éthiopien dans lequel elle travaillait et se sont revus à plusieurs reprises, entretenant des liens amicaux.

Alors qu'ils avaient passé une soirée de l'été 2006 ensemble et bu de l'alcool, il l'a reconduite en voiture chez elle au Foyer X______ à V______ (GE). S'étant arrêté sur le parking devant le foyer, il l'a retenue dans son véhicule en la prenant dans ses bras, puis lui a donné de force des baisers sur tout le corps. Comme des gens passaient dans le parking, il a repris la route pour aller se garer plus loin, au calme, vers le cimetière de V______ (GE).

Bien qu'elle lui eût clairement dit qu'elle ne souhaitait pas entretenir de rapport sexuel avec lui et le repoussait physiquement, il a insisté, remontant sa jupe et écartant son string. Après avoir sorti son sexe du pantalon et renversé le dossier du siège passager avant sur lequel elle se trouvait, il s'est mis sur elle et a introduit son pénis dans son vagin, faisant fi de son refus et utilisant sa force physique supérieure. En brisant ainsi sa résistance, exprimée tant par la parole que par le geste, A______ a pénétré vaginalement N______ contre sa volonté jusqu'à éjaculation.

IX.2. A______ et N______ se sont réconciliés et ont vécu une relation de couple ordinaire, entretenant des rapports sexuels consentis. C'est ainsi qu'elle a emménagé quelques temps plus tard chez lui, dans l'appartement sis [route] de V______ (GE) sur la commune du même nom.

D'avril 2007 à août 2008, alors qu'ils faisaient ménage commun, A______ a, un nombre indéterminé et indéterminable de fois, mais au moins à 50 reprises, contraint N______ à subir l'acte sexuel en la pénétrant vaginalement contre sa volonté, par devant et par derrière, généralement à l'occasion de disputes. Excité sexuellement par les pleurs de sa compagne qu'il injuriait et frappait, il lui déchirait les vêtements et lui écartait de force les bras qu'elle croisait sur la poitrine, ainsi que ses jambes, avant d'introduire son sexe dans son vagin.

Pour la contraindre physiquement, il lui tordait le bras, lui tirait les cheveux ou l'étranglait de la main, voire avec une cravate. Malgré ses supplications et ses tentatives de lui échapper, il l'écoutait d'autant moins que son excitation sexuelle augmentait.

Pour éviter qu'elle finisse par le quitter ou le dénoncer, profitant de son statut précaire de requérante d'asile, il l'insultait, la rabaissait, la battait, la menaçait, la surveillait ou l'enfermait dans l'appartement, de sorte à instaurer un climat de peur, un rapport de soumission et une situation d'isolement dont il a profité pour briser sa résistance.

X. A______ a fait la connaissance de O______ à l'occasion d'un voyage qu'il a effectué en Ethiopie à fin 2002, début 2003. Alors qu'elle lui servait de guide pendant le mois qu'il a passé à ______ (Ethiopie), ils ont rapidement noué une relation intime.

Après le retour du prévenu en Suisse, ils ont gardé contact et concrétisé leur projet de mariage dans l'année qui a suivi. O______ est ainsi arrivée à Genève début février 2004 et ils ont contracté mariage le ______ suivant.

Profitant de l'isolement total de sa nouvelle épouse qui ne connaissait personne en Suisse et ne parlait qu'amharique, le prévenu a rapidement étendu son contrôle sur elle, lui confisquant son passeport après le mariage, ainsi que son permis B. Dépendante financièrement de son mari, menacée et frappée, O______ ne pouvait sortir seule du domicile, A______ l'accompagnant dans tous ses déplacements.

Pour s'assurer que son épouse ne puisse s'échapper en son absence, le prévenu l'a, à réitérées reprises, pendant toute la vie commune, soit de février 2004 à janvier 2007, enfermée à clef dans l'appartement conjugal se situant au 1er étage de l'immeuble sis [route de] V______ (GE), sur la commune de même nom, étant précisé qu'elle ne disposait pas de clef et que les trois fenêtres de l'appartement se trouvaient à plus de trois mètres du sol.

XI. Dès son arrivée à Genève en février 2004 jusqu'à son retour définitif en Ethiopie en janvier 2007, O______ a été contrainte à subir l'acte sexuel à réitérées reprises de la part de A______, principalement dans l'appartement conjugal de la route de V______ (GE).

Profitant de l'isolement absolu de son épouse et de l'emprise totale qu'il avait sur elle, il l'a, un nombre indéterminé et indéterminable de fois mais au moins à 300 reprises, contrainte par la force physique, en la poussant voire en la frappant, à subir l'acte sexuel en la pénétrant vaginalement, généralement après avoir visionné des films pornographiques qui aiguisaient son appétit sexuel.

XII. Dans les circonstances visées sous chiffre XI. ci-dessus, A______ a, un nombre indéterminé et indéterminable de fois mais au moins à 300 reprises, contraint O______ à lui prodiguer des fellations et l'a pénétrée analement avec son pénis, malgré ses refus exprimés oralement. Si elle essayait de résister, il la poussait physiquement jusqu'à ce qu'elle cède, voire l'insultait et la frappait s'il n'était pas satisfait. Il lui tenait également les mains dans le dos tout en la sodomisant pour qu'elle ne puisse pas bouger. Agissant de façon abrupte, il la bousculait pour changer de position et l'obligeait à satisfaire toutes ses envies. A une reprise, il l'a également forcée à pénétrer son vagin avec deux bougies[5].

XIII.1. Du 1er octobre 2005 au 30 novembre 2010, A______ a omis de verser en mains de Y______, à Genève, au titre de contribution à l'entretien de ses filles Z______ (______.2000) et AA______ (______.2002), par mois et d'avance pour chacune d'elle, allocations familiales non comprises, la somme de CHF 750.- jusqu'à cinq ans révolus, CHF 850.- jusqu'à 10 ans révolus et CHF 950.- jusqu'à 15 ans révolus, alors qu'il en avait les moyens ou aurait pu les avoir.

Ces contributions d'entretien avaient été fixées par jugement du Tribunal de première instance du 25 septembre 2003. Elles ont été supprimées à compter du 1er décembre 2010 par jugement du même tribunal du 14 avril 2011.

Mis à part quatre versements de CHF 50.- entre novembre 2011 et février 2012, le prévenu n'a pas honoré ses obligations alimentaires durant toute la période pénale, cumulant ainsi un arriéré total de CHF 104'074.-.

Le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA), mandaté par Y______, a déposé plainte à raison de ces faits le 9 mars 2011[6].

XIII.2. Du 1er octobre 2005 au 31 août 2012, mois de son incarcération, A______ a omis de verser en mains de AB______, à Genève, au titre de contribution à l'entretien de sa fille AC______ (______.1997), par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de CHF 250.-, alors qu'il en avait les moyens ou aurait pu les avoir. Cette contribution d'entretien avait été fixée par jugement de divorce du Tribunal de première instance du 5 avril 2001.

Excepté les pensions pour les mois de novembre 2011 à février 2012 (quatre versements de CHF 250.-), le prévenu n'a pas honoré ses obligations alimentaires durant toute la période pénale, cumulant ainsi un arriéré total de CHF 19'750.-.

Le SCARPA, mandaté par AB______, a déposé plainte à raison de ces faits le 8 mars 2011.

B. Eléments pertinents résultant du dossier de première instance

1. Précision liminaire

L'exposé "en fait" du jugement dont est appel comporte une description précise et détaillée des éléments pertinents de la procédure. Il sera partant repris ci-après en très grande partie (art. 82 al. 4 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 [CPP - RS 312.0]).

2. M______

a. Découverte du corps de la victime et éléments résultant de l'autopsie

a. En août 2012, l'enfant M______, née le ______ 2000 (12 ans), résidait dans un appartement sis au 1er étage de la rue T______, à U______ (Genève), avec sa mère, G______, sa soeur aînée, I______, née le ______ 1998 (14 ans), et son petit frère, H______, né le ______ 2011 (18 mois). Le père, K______, n'habitait plus sur place depuis un an environ, suite à des difficultés conjugales. Depuis plusieurs mois, G______ entretenait une relation intime avec A______.

b.a. Le vendredi 24 août 2012 à 01h58, K______ et G______ ont annoncé à la centrale d'alarme de la police la disparition de M______ et les diffusions d'urgence ont été faites aux patrouilles. A 08h00, l'enfant n'ayant pas été retrouvée, la Brigade des mineurs a été avisée et les mesures de recherches d'urgence ont été mises en place : le domicile de la famille de M______ a été fouillé, une enquête de voisinage réalisée, un chien engagé et des contacts pris avec les amies de M______.

b.b. A 18h40, son corps sans vie a été retrouvé, sous le côté droit du lit matrimonial de la chambre parentale. M______ gisait sur le dos, dans le sens du couchage, le bras gauche légèrement coincé sous son corps et le bras droit écarté, presque perpendiculairement. La planche transversale située du côté de la tête de lit et en supportant le cadre écrasait son cou et son épaule droite. Elle était vêtue d'un débardeur rose, d'un soutien-gorge, d'une culotte et d'une jupe beige présentant d'abondantes traces de sang sur leurs faces postérieures.

b.c. Sur la base d'essais effectués aux fins d'une mise en situation, la police parviendra ultérieurement à la conclusion que le corps de M______ avait dû être glissé sous le lit, qui pesait 50.8 kg (matelas, sommier et cadre compris), depuis le côté gauche et roulé d'une position sur le côté à celle sur le dos, dans laquelle il avait été trouvé. Pour y parvenir, un auteur ayant agi seul avait nécessairement dû utiliser une cale, au niveau du pied du lit, par exemple la poussette retrouvée renversée dans la chambre.

b.d. Suite à la découverte du corps, l'appartement, dont la porte palière ne présentait aucune trace d'effraction, a été évacué et verrouillé jusqu'à l'arrivée de la Brigade de police technique et scientifique (BPTS).

c.a. D'après les rapports d'autopsie du 21 décembre 2012 et du 28 mai 2013 des Drs AD______ et AE______, médecins-légistes, M______, qui pesait 37 kg, était décédée avant le 24 août 2012 à 10h00. Le tableau lésionnel constaté était typique d'une hétéro-agression.

Le corps présentait un masque ecchymotique avec de nombreuses pétéchies au niveau du visage, ainsi que des plaques parcheminées en regard du visage et de la région cervicale, signes compatibles avec une strangulation très vraisemblablement manuelle.

Il avait également été constaté une déchirure de l'hymen localisée à sept heures, dont la morphologie et la localisation étaient évocatrices d'une défloration fraîche, sans qu'il ne soit possible de déterminer le caractère consenti ou non de l'acte sexuel.

Les lésions observées aux niveaux cervical et génital montraient des signes de vitalité. L'épaule droite était le seul endroit présentant des lésions post mortem.

c.b. Devant le MP, le Dr AD______, en présence de sa collègue, a confirmé leurs conclusions. La précision que la strangulation avait été "très vraisemblablement" manuelle provenait d'un surcroît de prudence du fait de la complication liée à la latte en bois du lit sur le cou et l'épaule de la victime. Des plaques parcheminées avaient été constatées au niveau du thorax ; elles avaient pu être causées par un mécanisme de compression, mais pas par la latte en bois du lit, qui n'appuyait pas à cet endroit. Il avait également, été observé plusieurs dermabrasions sur les bras de M______, probablement causées durant l'agression ou peu avant.

Les abondantes traces de sang relevées sur la face postérieure de la jupe avaient en partie été causées par la rupture de l'hymen, avant le décès, mais la plus grande partie s'était probablement écoulée après le décès, selon la loi de la gravité. Cela expliquait qu'aucune traînée de sang n'avait été constatée entre l'endroit, non identifié, où avait eu lieu l'agression sexuelle et le lit sous lequel le corps avait été dissimulé.

La plaie de l'hymen pouvait avoir été provoquée tant avant qu'après la strangulation létale, dans une phase de coma précédant le décès ; les médecins-légistes estimaient qu'elle avait été causée du vivant de M______ mais n'excluaient pas que cela pût avoir été durant la phase d'agonie, le moment précis ne pouvant être estimé. Durant la période peri mortem, soit juste avant et juste après le décès, qui se définit par l'arrêt des fonctions cardiaques, respiratoires et cérébrales, certains phénomènes biologiques continuent en raison de la subsistance d'oxygène dans le sang, telle la réaction biologique tendant à la guérison d'une plaie.

Une lacération de l'hymen consécutive à un premier rapport sexuel se situe typiquement plutôt entre cinq et sept heures, mais il n'était pas possible de déterminer en l'occurrence si la pénétration avait été pénienne, digitale ou par un objet.

Le Dr AD______ a expliqué pour quels motifs il n'avait pas été possible de donner une indication plus précise s'agissant de l'heure du décès.

c.c. Lors des débats de première instance, les médecins-légistes ont confirmé leurs rapports et leurs précédentes déclarations, précisant notamment qu'il n'était pas nécessaire d'utiliser l'extrémité des doigts pour étrangler quelqu'un, de sorte qu'on ne retrouvait pas toujours de l'ADN de la victime sous les ongles de l'auteur.

La défloration de M______ avait eu lieu quelques minutes avant la mort.

Ils n'avaient pas posé de diagnostic de lésions peri mortem.

Ils ne pouvaient pas affirmer, comme soutenu par la police dans un rapport, que le corps de M______ avait été déplacé dans la demi-heure suivant la mort mais bien que lorsque la latte du lit avait été posée sur son cou, la victime était décédée.

Il n'était pas non plus possible de dire après combien de temps une personne étranglée s'évanouissait car il s'agissait d'un mécanisme dynamique. L'élément déterminant était l'homogénéité de la compression des vaisseaux du cou. Dans un cas d'étranglement, si la compression était exercée de façon uniforme pendant assez longtemps, soit quelques secondes, la victime pouvait perdre connaissance après 10 ou 15 secondes. Si l'auteur relâchait ses mains après la perte de connaissance, la victime se réveillait. Il fallait donc plusieurs minutes de compression cervicale pour que la victime décède.

Des lésions irréversibles au cerveau pouvaient intervenir après quatre minutes de manque d'oxygène dû à la pression. Cette durée ne variait pas selon l'âge de la victime.

Il n'avait pas été possible d'établir à quand remontait la dernière absorption de nourriture par M______. Le contenu gastrique avait été prélevé mais pas analysé, dans la mesure où, pour les Drs AD______ et AE______, un tel examen n'apportait pas d'éléments pertinents pour déterminer l'heure du décès. Cette technique n'était pas fiable car la durée de la digestion pouvait varier considérablement d'une personne à l'autre et, pour une même personne, d'un jour à l'autre.

d. Selon les constats de lésions traumatiques effectués, ni K______, ni G______, ni A______ n'ont présenté de lésions pouvant entrer chronologiquement en relation avec les faits.

b. Premières déclarations des membres de la famille de M______ et de témoins

e. Aussitôt après la découverte du corps de M______, ses parents ont été séparés et entendus par la police, de même que I______.

e.a. Selon G______, M______ avait quitté le domicile vers 15h00 le 23 août 2012, pour se rendre chez des amies. Elle-même se trouvait dans l'appartement avec ses deux autres enfants et A______, qu'elle a décrit comme étant un ami de la famille, avant d'admettre, l'audition formellement terminée, qu'il était son ami intime, ce que K______ ignorait. Vers 16h00, A______ les avait emmenés avec son taxi à la pédiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) pour faire examiner H______, et les avait laissés sur place. En partant elle avait laissé un mot sur la porte à l'attention de M______ pour signaler leur absence ce qui devait lui permettre de comprendre qu'une clef du logement était dissimulée, comme d'habitude en pareil cas, dans l'armoire en face de l'ascenseur.

I______, H______ et elle-même étaient sortis des HUG vers 20h00 ou 20h30 ; elle avait téléphoné à A______, comme convenu, et l'avait rejoint, avec les enfants, dans un restaurant éthiopien. Le prévenu les avait ramenés à la maison vers 23h00. A leur arrivée, la porte d'entrée n'était pas verrouillée de l'intérieur, comme cela était toujours le cas lorsque quelqu'un s'y trouvait, et le mot qu'elle avait laissé pour M______ se trouvait sur un meuble, dans l'entrée ; la lumière du salon, la télévision et le ventilateur, qui avait été déplacé du balcon dans le salon, étaient allumés ; quelqu'un semblait avoir dormi sur un matelas dans le salon car il y avait une couverture supplémentaire ainsi qu'un coussin provenant du balcon et le ventilateur était tourné dans cette direction ; le téléphone portable [de la marque] AF______ blanc au numéro d'appel 1______, utilisé par I______ et M______ et qui se trouvait habituellement sur le meuble de l'entrée, était sur le balcon, en charge.

Ils avaient cherché M______ dans l'appartement, en vain, ainsi qu'à l'intérieur et à l'extérieur de l'immeuble. Elle avait demandé à A______ d'aller chercher son amie AG______ et avait contacté son mari qui lui avait dit que M______ n'était pas avec lui. A______, AG______, K______ et elle avaient continué les recherches durant la nuit. La police était arrivée. Par la suite, A______ était rentré chez lui. Celui-ci était la seule personne, en-dehors des membres de la famille, qui possédait une clef de l'appartement de la rue T______ (GE) ; elle la lui avait confiée car elle permettait aussi d'accéder au garage de l'immeuble.

e.b. K______ a corroboré les propos de son épouse. Il avait quitté le domicile familial depuis un an environ, mais était proche de sa femme et de ses enfants et avait conservé une clef de l'appartement familial où il se rendait souvent, avec ou sans avertissement préalable.

Il avait passé la journée du 23 août 2012 à son domicile puis s'était rendu au restaurant AH______ sis ______ (GE), de 20h00 à 01h00 le 24 août 2012. G______ lui avait téléphoné pour lui annoncer la disparition de M______ et il lui avait conseillé d'alerter la police. Il avait ensuite raccompagné un ami à ______ (GE) avant de se rendre à la rue T______ (GE). A______ et AG______ étaient arrivés quelques minutes après lui. Durant la nuit du 23 au 24 août 2012, il s'était reposé quelques heures sur le lit parental.

Il n'avait pas vu M______ depuis deux ou trois semaines.

e.c. Entendue selon le protocole EVIG, I______ a indiqué que lorsqu'elle était sortie, le 23 août 2012 vers 15h00, sa soeur était vêtue d'un short noir et d'un débardeur orange. L'inspectrice s'étonnant de ce que G______ ne soit pas rentrée plus tôt du restaurant, vu son inquiétude, I______ a répondu " Elle appelait en même temps... quelquefois c'est moi qui l'appelais hein ...[...]...j'ai pris le téléphone et j'l'appelle quelquefois ..." sans laisser sonner assez longtemps pour déclencher la Combox, ce qui aurait coûté de l'argent à sa mère (40'330). En rentrant vers 23h00, l'adolescente avait remarqué que la ______ [console de jeu] était allumée, que la poussette de H______, qui se trouvait dans la chambre parentale, était renversée, les roues en l'air, et qu'un soutien-gorge rose appartenant à M______ était posé dessus[7]. I______ pensait que M______ n'avait pas mangé, car rien n'avait bougé dans la cuisine. Durant la nuit qui avait suivi, l'adolescente s'était couchée sur le lit parental, avec son père, pour se reposer de sorte qu'elle a été très affectée en apprenant que la dépouille de sa soeur gisait tout ce temps sous ce même lit. La veille, avant leur départ pour l'hôpital, elle avait aidé sa mère à faire le lit et remarqué qu'il était déboîté, en ce sens que la planche latérale gauche n'était pas accrochée à la tête du lit. Malgré cela, il tenait solidement et ne faisait pas de bruit. Elle l'avait signalé à sa mère qui lui avait répondu avoir remarqué ce problème depuis quelques temps.

Dans le courant du mois, M______ avait été effrayée par un homme qui s'était présenté à leur porte, faisant apparemment de la publicité. Lorsqu'elle lui avait demandé pourquoi elle avait ouvert, sa soeur avait expliqué que c'était parce que le monsieur portait une cravate.

e.d. AI______, père d'une amie de M______, avait vu celle-ci vers 19h20 le 23 août 2012, près du Cycle d'orientation de AJ______ (GE), en compagnie de AK______. Elle portait un short noir et un haut vert.

e.e. Sa fille,AL______, avait également croisé M______, accompagnée de AK______, entre 19h15 et 19h20, au même endroit. Par ailleurs, AL______ s'était connectée sur ______ [réseau social] vers 00h00 le 24 août 2012 et avait vu une mention selon laquelle la victime avait partagé un lien sept heures auparavant.

e.f. La jeune AK______ a confirmé que, le 23 août 2012 vers 15h00 ou 15h30, M______ lui avait rendu visite ; elles avaient passé l'après-midi ensemble et avaient notamment mangé une glace, à l'extérieur, puis regardé une émission de télévision qui se terminait vers 19h10. Ensuite, elles avaient cheminé ensemble et s'étaient séparées vers 19h30 devant le Cycle d'orientation de AJ______ (GE), où elles avaient croisé AL______. M______ lui avait dit qu'elle allait rentrer chez elle et qu'elle n'avait rien de particulier à faire.

c. Interpellation et premières déclarations du prévenu

f. Informé des premiers éléments réunis par la police, le MP a délivré oralement un mandat d'amener à l'encontre de A______ ainsi qu'une ordonnance de perquisition de son domicile sis route de V______ (GE). Sur les lieux, les policiers se sont trouvés confrontés à E______, qui refusait de les laisser entrer. Après avoir forcé l'accès, ils ont attendu l'arrivée de A______. Comme il avait tenté d'appeler E______ à plusieurs reprises, la police a fini par le sommer de se présenter immédiatement à son domicile, ce qu'il a fait.

g.a. Le 25 août 2012, A______ a confirmé à la police qu'il connaissait bien toute la famille de M______. Autrefois, soit plusieurs années plus tôt, K______ avait été son meilleur ami. Depuis sept-huit mois, il entretenait une relation intime avec G______. Il s'entendait bien avec les enfants, qui étaient au courant de cette situation, en particulier avec M______, plus ouverte et moins timide que sa soeur.

G______ lui avait donné une clef permettant d'accéder non seulement à l'appartement mais aussi au parking souterrain, où il pouvait ainsi garer son taxi. Lorsqu'il oubliait la clef, il appelait son amie et elle ou l'une des filles descendait lui ouvrir. Selon lui, encore au moment de son audition, cette clef se trouvait dans une petite boîte sur le côté gauche du volant de son taxi.

Il avait passé la nuit du 22 au 23 août 2012 chez G______, s'était levé vers 15h00 et avait mangé. Il avait entendu I______ dire à sa mère que M______ était sortie voir des amies. Il était parti vers 16h00 avec G______ ainsi que I______ et H______. Il avait entendu les deux premières évoquer un mot à laisser à l'attention de M______. Ils avaient passé un peu plus d'une heure sur deux terrasses de la place AP______ (GE) avant de se rendre à pied aux HUG, aux environs de 18h00. Il était reparti cinq à 10 minutes plus tard.

Il a d'abord affirmé s'être rendu directement au restaurant AM______, sis ______ (GE), avant de rapidement rectifier, en ce sens qu'il avait accepté de déposer gratuitement deux jeunes gens à la rue AQ______ (GE) et était arrivé dans l'établissement précité vers 19h30 ou 20h00.

Peu après, la consultation aux HUG terminée, G______ l'avait appelé, comme convenu ; il avait commandé à manger pour elle et les enfants, et ils étaient arrivés vers 20h30 ou 21h00. Durant la soirée, G______ et I______ avaient essayé d'appeler M______ une dizaine de fois, en vain ; elles étaient un peu inquiètes, la mère demandant même à sa fille si elle avait le numéro d'amies de M______ qu'elle aurait pu contacter.

Vers minuit, ils étaient rentrés à la rue T______ (GE). La porte de l'appartement n'était pas verrouillée et le téléviseur était allumé, sur l'interface d'un jeu vidéo. G______ et I______ avaient cherché M______ dans l'appartement puis I______ était allée voir si sa soeur était chez les voisins de palier. Il y avait eu des recherches à l'extérieur, auxquelles il avait contribué, et G______ avait appelé son époux. Par la suite, il était allé chercher AG______. A son retour, K______ et la police étaient là. Il était choqué et inquiet ; c'était "la panique totale" pour tout le monde. Enfin, après 03h00, il était rentré en taxi à son domicile, sur suggestion d'un policier. Il en était ressorti le 24 août 2012 vers 09h00 et était retourné chez G______. Il avait travaillé de 12h00 à 14h30 puis de la fin de l'après-midi à 02h00 le 25 août 2012. Il était alors rentré chez lui et avait été interpellé par la police.

En réponse à une question de la police, A______ a indiqué que la dernière fois que M______ était montée dans son taxi remontait au mercredi précédent[8]. Ils étaient allés ensemble chercher de l'essence, ce qui avait pris une dizaine de minutes.

Après une suspension, A______ est revenu sur cette sortie, expliquant qu'en rentrant de la sation-service, aux environs de 22h00, il avait un besoin pressant d'uriner, ce qu'il avait mentionné devant l'adolescente. Après s'être garé au sous-sol de l'immeuble, il avait voulu ouvrir la porte d'entrée avec le code, mais avait dû s'y prendre à plusieurs reprises car M______ s'amusait à la refermer avant qu'il ne puisse entrer de sorte qu'il l'avait saisie par le poignet. Elle l'avait ensuite devancé à l'appartement et en avait fermé la porte à clef. Ayant finalement pu entrer, il avait dû courir aux toilettes. Par la suite, sur le balcon, il avait raconté cela à G______ et dit qu'il allait, par jeu, "se venger". Comme M______ lui apportait un verre d'eau, il l'avait saisie par un poignet, l'avait faite tomber sur le matelas, où il était assis avec sa mère, et l'avait bloquée en la maintenant par le dos, avec son coude. Elle était parvenue à se dégager. Plus tard, il avait demandé à G______ de distraire M______ et en avait profité pour verser un peu d'eau dans son dos. L'adolescente n'en avait pas été fâchée et leur avait fait un bisou à tous deux avant d'aller se coucher.

Informé de ce que des prélèvements biologiques avaient été effectués dans l'appartement, il a concédé que son ADN pouvait s'y trouver partout puisqu'il y dormait, ajoutant spontanément que lors de rapports sexuels avec G______, il était arrivé que les pieds du lit se déboîtassent et qu'il dût les réparer.

Confronté aux premières analyses de son téléphone portable, qui le localisaient vers AR______ (GE) à l'heure où il prétendait s'être trouvé au AM______ (GE), A______ n'a pas donné d'explications. Il avait certes dit à G______, en la quittant à l'hôpital, qu'il allait travailler mais ne le pensait pas vraiment, ayant déjà l'intention de se rendre dans ce restaurant.

g.b. Le lendemain, devant le MP, A______ a confirmé ses déclarations, notamment s'agissant de la prise en charge gracieuse, à la sortie de l'hôpital, de deux jeunes gens dont il a fait une description détaillée. Comme il n'était pas en service, il n'avait pas enclenché le taximètre. Par la suite, il a ajouté qu'il s'était encore arrêté dans un pressing de la rue AQ______ (GE), afin de faire de la monnaie. Il avait dû faire la queue, durant une dizaine de minutes, avant de constater, son tour venu, que l'appareil ne fonctionnait pas.

Confronté au fait que le 23 août 2012, à 20h25, son téléphone portable avait activé une borne à AR______ (GE), il a expliqué qu'il pouvait avoir téléphoné en conduisant, tout comme il pouvait avoir eu deux contacts téléphoniques avec G______ ce soir-là. Il était toutefois certain qu'au moment où cette dernière lui avait annoncé qu'elle sortait des HUG, il se trouvait déjà au AM______ (GE).

Le lit parental de l'appartement sis à la rue T______ (GE) s'était déboîté à plusieurs reprises durant les quatre à cinq mois précédant les faits, pour la dernière fois environ deux mois avant le 23 août 2012 ; il l'avait remis en place, avec l'aide de G______, en empoignant le cadre du lit par le dessous. Il dormait toujours du côté gauche ; un mois et demi avant les faits, il avait soulevé le matelas par le milieu, et le 23 août 2012 vers 03h00, après un rapport intime, il avait aidé G______ à changer les draps du lit.

d. Actes d'enquête effectués par la police

i. Analyse de la téléphonie

h.Procédant à l'analyse de la téléphonie pour les journées des 23 et 24 août 2012,la Brigade criminelle (BCrim) a identifié cinq phases en fonction de la localisation des téléphones portables :

- phase 1 : le 23 août 2012 entre 15h26 et 17h05, les téléphones portables de A______ (2______ et 3______ ) et de G______ (4______) étaient localisés près du domicile de la rue T______ (GE) (A 15h26 et à 16h14, durant 42 et 47 secondes, G______ a appelé le téléphone utilisé par ses filles (1______), qui a activé une borne à proximité du domicile familial ;

- phase 2 : le même jour, entre 17h42 et 19h33, les téléphones portables de A______ et de G______ étaient localisés à la rue de U______, à la place AP______ (GE) puis à proximité des HUG. G______ a tenté d'atteindre le raccordement de ses filles à 19h04 ;

- phase 3: peu après, entre 19h37 et 21h05, A______ et G______ ne se trouvaient plus ensemble. De 19h37 à 19h43, A______ a contacté E______. Au début de l'appel, il était près du ______ [numéro], rue de U______, et à la fin de l'appel, il se trouvait à proximité directe du domicile de la rue T______ (GE). Il n'a ni émis, ni reçu de communications jusqu'à 20h25, heure à laquelle il a contacté G______ durant 12 minutes. Il se trouvait à la rue AN______ au début de cette conversation et près de la gare AS______ (GE) à la fin, étant précisé que le trajet de la rue T______ (GE) à la rue AN______ dure sept à huit minutes. Entre 20h44 et à 20h54, G______ était localisée dans la région de AR______ (GE), et à 21h03 près de la gare AS______ (GE). Elle a tenté de joindre le raccordement 1______ à 20h44, sans succès ;

- phase 4 : entre 21h20 et 22h38, G______ et A______ se trouvaient tous deux au AM______ (GE). G______ a tenté de joindre le raccordement 1______ à 21h20 et 21h57; à 22h00, le numéro 3______ utilisé par A______ a également essayé d'atteindre celui de l'appareil des enfants H/I/M______ ;

- phase 5 : le 24 août 2012 à 00h26, G______, qui se trouvait près de son domicile, a contacté le raccordement 1______ ; ce numéro a ensuite été utilisé à de nombreuses reprises, notamment pour appeler K______ et des amies de M______. Entre 01h30 et 02h40, A______ ne se trouvait plus au domicile de la rue T______ (GE).

En conclusion, le téléphone portable de A______ avait été localisé aux abords de la scène du crime de 19h47 à 20h23 le 23 août 2012, soit durant 36 minutes, laps de temps au cours lequel il n'avait ni reçu, ni émis de communication.

i. Selon les rétroactifs de K______ ([numéro de portable] 5______), celui-ci s'était rendu au domicile de son épouse et de ses enfants en mars 2012, le 25 avril 2012 et le 19 juin 2012.

Le 23 août 2012, son téléphone portable s'était connecté pour la première fois à 19h49, à proximité de son propre logement, activant l'antenne située au ______ [numéro] rue AT______ au AU______ (GE). Par la suite, il avait activé des bornes à proximité du restaurant AH______ (GE) entre 20h59 et 21h47. L'appareil avait reçu des appels du raccordement 1______ à 00h58, 01h06, 01h10 et 01h34, étant précisé qu'il se trouvait près du restaurant AH______ lors des trois premiers appels et sur la commune de AV______ (GE) lors du dernier.

j. Le demi-frère du prévenu, AO______ ([numéro de portable] 6______), se trouvait dans le canton de Vaud le 23 août 2012 jusqu'à environ 20h00. A 21h16, son téléphone portable a activé une borne à AW______, et à 21h45 au Parc ______, à l'entrée de Genève, côté quartier des ______ (GE).

ii. Analyses du tachygraphe du taxi de A______

k.a. Selon les informations recueillies, au début de l'enquête puis encore à la demande du TCrim, par la BCrim et auprès du policier chef de groupe spécialisé dans le traitement des tachygraphes au sein de la Brigade recherche et technique (précédemment : Brigade transports et environnement), un tachygraphe comme celui du véhicule du prévenu, lequel n'est pas équipé d'un GPS ou de moyens assimilables, ne permettait pas de déterminer la localisation d'un véhicule, ni de distinguer des déplacements d'amplitude très courte, telles des manoeuvres, notamment de stationnement, pas plus que de déterminer si lors d'arrêts du véhicule, le moteur avait été éteint ou si le contact était au contraire enclenché. En revanche, pour autant que l'appareil fonctionnât et fût manipulé correctement, ce qui avait été le cas en l'occurrence, l'exploitation des données relevées par les disques du tachygraphe permettait de déterminer l'usage qui avait été fait du véhicule, avec une marge d'erreur de plus ou moins 50 m pour le kilométrage des parcours. S'agissant du calcul des heures, le tachygraphe était aussi précis qu'une montre de bonne qualité ; dans le cas d'espèce toutefois, l'heure n'était pas réglée correctement, de sorte qu'après rectification par la police, il fallait tenir compte d'une marge d'incertitude de plus ou moins trois minutes.

k.b. Ainsi, A______ avait effectué neufs trajets entre le 22 et le 24 août 2012, soit

- trajet n° 1 : le 22 août 2012 entre 21h04 et 22h07, 12.8 km en "mode travail";

- trajet n° 2 : le 23 août 2012 entre 01h17 et 01h46, 6.2 km avec une interruption d'environ 7 à 8 minutes ;

- trajet n° 3 : le 23 août 2012 entre 17h12 et 17h23, 2.8 km en "mode pause" ;

- trajet n° 4: le 23 août 2012 entre 19h40 et 19h47, 2.8 km ;

- trajets n° 5 et 6 : le 23 août 2012, 4.2 km entre 20h23 et 20h31 puis 1.3 km entre 20h33 et 20h38 ; il s'agissait en réalité de deux segments d'un seul déplacement, le disque d'enregistrement ayant été changé ;

- trajet n° 7 : entre 23h51 le 23 août 2012 et 00h09 le 24 août 2012, 5.6 km ;

- trajet n° 8 : le 24 août 2012 entre 01h21 et 01h58, 14.6 km ;

- trajet n° 9 : le 24 août 2012 entre 03h18 et 03h34, 9.7 km.

k.c. Croisant les données issues de la téléphonie, notamment celles relatives à la localisation, avec celles du tachygraphe, la police a identifié les parcours suivants, compatibles avec les trajets n° 1 à 9 :

- trajet n° 1 : de la gare AS______ (GE) à la rue T______ (GE), puis aller-retour à la station-service BB______ ;

- trajet n° 2 : aller-retour T______ (GE) à l'avenue AX______ ;

- entre les trajets n° 2 et 3, le taxi est resté immobile, ce qui était cohérent avec le fait que A______ avait passé la nuit au domicile de G______ ;

- trajet n° 3 : de la rue T______ (GE) à la place AP______ (GE) ;

- trajet n° 4 : la distance parcourue, identique à celle du précédent trajet, les bornes activées (boulevard ______ (GE) à 19h37 et rue ______ (GE) à 19h43), ainsi que l'immobilisation du taxi à 19h47 faisaient que ce déplacement pouvait correspondre à un trajet de la place AP______ (GE) à la rue T______ (GE) ;

- entre les trajets n° 4 et 5 : le taxi était resté immobile durant 36 minutes, sans que A______ n'ait reçu ou émis de communication ;

- trajets n° 5 et 6 : déplacement de la rue T______ (GE) à la rue AY______, en passant par le pont des AZ______, la rue AN______ et la place AS______ (GE) ;

- trajet n° 7 : déplacement de la rue AY______ à la rue T______ (GE), étant précisé que bien que la distance parcourue fût identique à celle des trajets n° 5 et 6, ce déplacement avait été plus long de 5 minutes ;

- trajet n° 8 : aller-retour de la rue T______ (GE) à l'avenue BA______ (GE);

- trajet n° 9 : déplacement de la rue T______ (GE) à la route de V______ (GE).

iii. Images de vidéosurveillance

l. Les éléments pertinents suivants peuvent être retenus des extraits de vidéosurveillance versés à la procédure :

- le 22 août 2012 entre 21h55 et 21h57, A______, vêtu d'un t-shirt blanc et d'un jean bleu, stationne son taxi près d'une colonne d'essence de la station-service BB______ proche de la rue T______ (GE) ; une personne de corpulence maigre est assise sur le siège passager ;

- le 23 août 2012 à 20h25, le taxi de A______ apparaît sur le pont des AZ______, circulant en direction de AR______ (GE) ;

- le 23 août 2012 à 20h31, ledit véhicule apparaît sur les images de vidéosurveillance du centre commercial ______ (GE), roulant en direction de la rue ______ (GE) ;

- le 23 août 2012 à 20h30, G______, I______ et H______ montent dans le tram 12 à l'arrêt AP______ et en descendent à l'arrêt BC______ à 20h32. Sur ces deux extraits, G______ est en train de téléphoner.

iv. Autres éléments résultant de l'enquête de police

m. L'enregistrement de H______ aux HUG le 22 août 2012 a eu lieu à 19h32.

n. Sur les six clefs de l'appartement de la famille de M______ remises lors de la signature du bail, il en restait quatre. G______ et K______ en détenaient une chacun, I______ et M______ en partageaient une, et la dernière avait été remise à A______. Cette dernière n'a jamais été retrouvée, notamment pas à son domicile ou dans son taxi, pas davantage que celle des filles.

o. Un rapport de la BCrim du 21 septembre 2012, se référant à un autre rapport, du 7 septembre 2012, de la Brigade de criminalité informatique (BCI) indique que : "'il n'est, en l'état et pour l'heure, pas possible de déterminer les heures de connexions de la console de jeu ______ [..]. Notons qu'il a pu être relevé uniquement que la console indique un temps de jeu cumulé de 01h30 min. le 23.08.2012. Sachant que, selon les déclarations de G______ et de I______, la console de jeu et la télévision à laquelle elle était raccordée étaient allumées au retour de ces dernières le soir du drame, qu'un ventilateur était activé en direction d'un matelas faisant face à la télévision, nous pouvons présumer que M______ s'était installée à cet endroit à son retour."

Selon le rapport précité du 7 septembre 2012 de la BCI, l'analyse de la console avait permis d'identifier un temps de jeu de 1 heure et 20 minutes pour la journée du 23 août 2012 et 4 heures et 54 minutes pour celle du lendemain.

Sur mandat d'acte d'enquêtes du TCrim, la BCI a établi un troisième rapport, le 6 juin 2018, lequel confirme que la console "journalise" uniquement le temps de jeu quotidien, sans horodatage précis.

p. Le frère du prévenu, AO______, également chauffeur de taxi dont les disques du tachygraphe pour la période pertinente avaient été dérobés dans une pochette à l'intérieur de son véhicule, avait, selon le listing communiqué par la centrale à laquelle il était affilié, effectué des courses tout au long de la soirée du 23 août 2012, dès 19h16, moment où il avait été requis de prendre en charge un client à la rue de BD______ (GE), qu'il avait conduit à BE______ (GE). L'appel suivant, à 19h56 concernait une course depuis l'Hôtel BF______ (GE), de même qu'un troisième, à 20h38. A 21h27, AO______ avait été requis de se rendre au n° ______ rue de BD______, pour une course jusqu'à la rue BG______ (GE), puis (demande de 22h20) de nouveau à la rue de BD______, cette fois au n°______, pour une dépose à la rue BH______, à 22h44, à l'Hôtel BF______ (destination non notée), et à 23h01, de nouveau à BE______ pour une dépose à la rue BI______. Selon la police, dès lors que la prise en charge effective du client intervient en règle générale cinq à dix minutes après la demande et qu'il faut ensuite compter la durée du trajet et l'encaissement, AO______ n'avait disposé que de peu de temps entre chacune de ces courses.

e. Analyses des prélèvements, notamment analyses ADN

q.a. Sur mandat de la BPTS, qui avait effectué les prélèvements, le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a procédé à de nombreuses analyses, dont les résultats ont été communiqués au moyen de rapports établis entre le 12 octobre 2012 et le 4 janvier 2016, cosignés par le Dr S______, généticien, responsable de l'Unité de BL______ du CURML, et par BJ______, généticien, responsable opérationnel de ladite unité[9], à l'exception d'un rapport du 8 juillet 2013, sous la plume de BJ______ et de son collègue BK______.

Ainsi, le CURML a d'abord procédé à des analyses dites "classiques" ou "autosomales" de l'ADN et à des analyses sur le chromosome Y, la pertinence de ces dernières tenant à ce qu"il est généralement difficile, voire impossible, de mettre en évidence de faibles quantités d'ADN masculin mélangées à des quantités importantes d'ADN féminin en utilisant des marqueurs STR autosomaux [... car] l'ADN masculin mineur est en quelque sorte masqué par l'ADN féminin majeur. [..] Contrairement à cela, l'établissement d'un profil Y, spécifiquement masculin, n'est aucunement influencé par la présence d'ADN féminin." (40'435).

Puis, dans le second semestre 2015, pour répondre à une demande spécifique de la BPTS, et en l'absence de kit commercial, le CURML a "mis au point une méthode d'analyse du 11 locus Y-STR de type RM (rapid mutating)" qui, du fait de leur particularité de muter rapidement, peuvent permettre de différencier des hommes de la même lignée paternelle (41'565).

q.b. Il peut être retenu ce qui suit des nombreux rapports du CURML :

- aucune trace de sperme n'a été retrouvée, notamment dans les organes génitaux de M______, dans son entrejambe, sur sa poitrine ou sur ses vêtements ;

- aucun profil ADN de tiers n'a été retrouvé sous les ongles des mains de A______ ;

- deux ADN autosomaux inconnus ont été retrouvés, l'un sur la hanche gauche de M______ (T047) et l'autre sur l'avant de sa jupe (P008_T001). Le premier faisait partie d'un profil de mélange et était probablement celui d'une femme ; le second faisait partie d'un mélange extrêmement complexe et la quantité d'ADN inconnu était trop faible pour permettre de déterminer à qui il correspondait ;

- aucun profil ADN Y inconnu n'a été relevé ;

- il n'a pas été possible de différencier le profil ADN Y de K______ de celui de H______ ;

- les analyses effectuées sur les habits portés par A______ (P052, P053 et P054) n'ont rien révélé de particulier ;

- sept prélèvements effectués dans la chambre parentale et ayant réagi au Luminol ont été analysés. Seul l'un d'entre eux (zone ABD T078) a été faiblement positif au test OBTI, les autres (flèches J T079, K T080, L T081, M T082, N T083 et O T084) s'étant révélés négatifs. Un profil ADN correspondant à celui de M______ a été mis en évidence au niveau de la zone ABD (T078) ;

- l'ADN autosomal de A______ n'a été retrouvé que dans son taxi ;

- un prélèvement effectué sur le haut du centre du volant du taxi (T072) a réagi au Luminol et a révélé un profil ADN de mélange correspondant à ceux de M______ et de A______ ;

- un profil ADN Y de mélange correspondant à A______/ses (demi-)frères et à K/H______ a été retrouvé sur le cou de M______ (T022), sur son aisselle et son épaule gauche (T026), sur son poignet droit (T027), sur son poignet gauche (T028), sous les ongles de sa main gauche (T030), sur sa jupe au niveau de la taille (T032), sur sa hanche gauche à même la peau (T047), sur une tache rougeâtre à l'avant de sa jupe (P008_T002), sur la découpe avant de son slip (P007_T007), sur le bord du lavabo de la salle de bains (T087), sur le haut de la planche latérale du lit (zones 2 T011, 4 T013 et 6 T015), sur le matelas de côté (zones 7 T019, 8 T020 et 9 T021), à côté du lit dans la trace de sang (zone ABD T078) et enfin sous le lit, au niveau de la cheville et du genou du corps de M______ (M T082, O T084, L T081) ;

- une trace à l'intérieur du slip de M______, au niveau de l'entrejambe (P007_T003), a mis en évidence un profil ADN Y correspondant uniquement à A______ et ses (demi-)frères ; il s'agissait de la seule trace ne présentant pas de mélange avec le profil Y de K/H______ ;

- un profil ADN Y correspondant à K/H______ seuls, sans mélange, a été mis en évidence à plusieurs endroits sur le corps de M______ ainsi que sur les bords internes gauche et droit plus l'élastique de son slip ;

- un profil ADN Y correspondant à A______ uniquement, à l'exclusion de ses (demi-)frères (mais toujours en mélange avec K/H______), a été mis en évidence sur l'aisselle et l'épaule gauche de M______ (T026), sur sa jupe au niveau de la taille (T032) et sur sa hanche gauche, sur la peau (T047).

q.c. BJ______ a été entendu à plusieurs reprises par le MP, confirmant et explicitant les rapports du CURML.

q.c.a. Les trois types d'analyse ADN effectuées pouvaient être décrits et commentés ainsi :

- l'analyse classique, utilisée dans toutes les affaires, se concentre sur les 22 paires de chromosomes de la chaîne ADN à l'exclusion des chromosomes X et Y. Lorsque l'analyse indique que le profil d'un individu correspond à celui de la trace, il faut encore interpréter ce résultat : soit ladite personne est à l'origine de la trace, soit elle ne l'est pas mais a, par hasard, le même profil que celle à l'origine de la trace, la probabilité que tel puisse être le cas étant quasi-nulle vu la puissance atteinte par les tests de nos jours, sous réserve du cas de jumeaux monozygotes ;

- l'analyse se concentrant sur le chromosome Y permet, comme indiqué dans le rapport précité, de mettre en évidence les informations cachées, dans un mélange de profil, par l'ADN féminin. Ce travail présente ainsi un intérêt certain s'agissant de, cas échéant, exclure un individu ou, au contraire, d'établir qu'il est à l'origine de la trace avec la double réserve que les profils Y sont moins rares que les profils ADN classiques (le taux de vraisemblance n'est ainsi que de 1 /quelques milliers, voire quelques dizaines de milliers contre 1 / 1 milliard pour le profil autosomal) et que tous les hommes de la même lignée paternelle sont concernés.

- la méthode d'analyse des locus Y-STR de type RM n'avait en fait pas été mise au point par le CURML. Elle résultait de publications scientifiques et était validée, dans la mesure où, au niveau international, une méthode devait être revue par des experts avant de pouvoir être publiée. En outre, le CURML l'avait déjà utilisée à des fins de recherche, soit un travail de doctorat, et avait préalablement testé sa sensibilité, jugée bonne. En revanche, il avait fallu commander des réactifs et mettre dans cette mesure la méthode d'analyse au point à l'interne, faute de pouvoir avoir recours aux kits complets existant sur le marché pour les analyses ordinaires. La méthode publiée portait sur 13 locus et non 11, comme analysés en l'occurrence, sauf erreur parce que la doctorante était parvenue à identifier onze réactifs. BJ______ considérait que la méthode utilisée était fiable et avait été mise au point avec le professionnalisme habituel. Il fallait cependant préciser que les résultats n'avaient pas pu être vérifiés deux fois, comme pratiqué d'habitude, faute de matériel ADN en suffisance. Aussi, lorsque la présence d'un allèle (l'allèle 7______) n'avait pas été relevé à deux reprises dans une trace sur le cou de M______, le choix avait été fait de considérer les résultats comme non concluants alors que l'allèle en question était présent chez A______ et l'un seul de ses frères, soit AO______. La problématique avait été semblable pour les prélèvements T027 (poignet droit de la victime) et T030 (sous ses ongles).

q.c.b. BJ______ a confirmé que les traces de sang prélevées avaient mis en évidence un ADN autosomal complet correspondant à celui de M______.

Aucune analyse tendant à mettre en évidence la présence de lubrifiant ou d'autres substances dans les organes génitaux de M______ n'avait été effectuée.

Les traces prélevées dans cette affaire étaient des traces de contact, à savoir de l'ADN déposé à un endroit par le toucher, à la différence de l'ADN provenant de sang, de sperme ou de salive. Il ne pouvait pas expliquer comment de l'ADN de contact avait été déposé à un certain endroit, étant précisé qu'en touchant un objet, on n'y laisse pas forcément de l'ADN en quantité suffisante pour qu'il soit détecté, et que le fait de se laver ou de laver des habits fait disparaître l'ADN, a fortiori s'il s'agit de traces de contact.

La trace sur le haut du centre du volant du taxi, dans laquelle tant le profil ADN autosomal de M______ que celui de A______ avaient été relevés, sous forme de mélange, devait être une trace de sang car elle avait réagi au Luminol. Il pouvait s'agir soit d'un mélange de sang de M______ et de A______, soit du sang de A______ et de l'ADN de contact de M______, soit du sang de M______ et de l'ADN autosomal de contact du prévenu.

Les premières analyses de la trace prélevée sur le poignet gauche de M______ (T028) avaient permis de mettre en évidence un profil ADN Y correspondant à A______ et ses (demi-)frères et à K/H______. Les analyses ultérieures n'avaient pas permis d'affiner ces résultats, faute de matériel suffisant. D'une façon générale, il avait été dans certains cas possible d'exclure l'un des deux (demi-)frères du prévenu, jamais de mettre en évidence exclusivement le profil de l'un d'eux. En revanche, il était exact que seul le profil Y de A______, à l'exclusion de celui de ses (demi-)frères, avait été identifié dans quatre prélèvements (aisselle, épaule et hanche gauche de M______, ainsi que jupe, au niveau de la taille). Dans ces quatre cas, l'exclusion des parents de la lignée paternelle avait pour effet de renforcer clairement la probabilité que le donneur fût le prévenu plutôt qu'une personne non apparentée. Pour BJ______ la probabilité que ces traces aient été laissées par quelqu'un d'autre que le prévenu étaient très faibles.

q.c.c. L'expert a encore été entendu par les premiers juges, confirmant ses rapports et précédentes déclarations.

Il était vrai que le prélèvement effectué à l'intérieur du slip de la victime avait donné lieu à l'établissement du seul profil Y de la lignée masculine de A______. C'était la seule trace présentant ce profil sans mélange. En revanche, sur le bord du même slip était présent l'ADN correspondant à K/H______.

Le fait que seul le profil Y de K/H______ ait été mis en évidence lors des analyses ultérieures du matériel prélevé sur le poignet gauche de M______, alors que les premiers résultats donnaient un mélange avec le profil de A______ et de sa lignée masculine était probablement dû au fait qu'il y avait peu d'ADN de la deuxième personne dans ce mélange et moins de substance lors des secondes analyses, qui n'annulaient dès lors pas les premières.

Les traces T082 et T084 avaient réagi positivement au Luminol mais le test OBTI s'était révélé négatif, de sorte qu'il ne s'agissait probablement pas de sang. Il n'était pas possible de dire à quelle autre substance humaine correspondait le matériel prélevé.

Des mélanges de profils ADN Y correspondant à ceux de K/H______ et de A______ et ses (demi-)frères avaient été retrouvés sur le côté gauche du cadre externe du lit.

S'agissant de l'ADN autosomal, les rapports de vraisemblance étaient d'au moins un milliard, alors que pour le profil ADN Y, ils étaient de l'ordre de 10'000. Le profil ADN Y du prévenu était rare, mais il fallait garder à l'esprit qu'il pouvait correspondre aux autres hommes de sa lignée paternelle.

Plus un contact était récent, plus il y avait de chances de détecter de l'ADN ; pour avoir de l'ADN sous les ongles, il fallait plus qu'un contact fortuit telle une poignée de main. L'ADN pouvait se retrouver sous les ongles tant de manière fortuite que suite à un geste de défense. Le fait qu'aucun ADN de tiers n'avait été retrouvé sous les ongles de A______ signifiait soit qu'il n'était pas l'auteur des faits, soit qu'il l'était mais qu'il s'était lavé les mains dans l'intervalle, étant précisé que le prélèvement avait été fait le 25 août 2012 dès 15h10. L'effet de l'eau conjuguée à un frottement, comme en cas de douche, faisait en principe disparaître les traces d'ADN d'un tiers, à l'exception des traces de sang ou de sperme.

Certains prélèvements effectués sur le corps de M______ n'avaient mis en évidence que le profil Y de K/H______, ce qui pouvait s'expliquer par le fait que H______ - dont M______ s'occupait beaucoup - était un bébé au moment des faits, de sorte qu'il bavait et laissait beaucoup d'ADN. Ce matériel pouvait également être celui de K______.


 

f. Déclarations ultérieures de G______ et K_______

r.a. Réentendue par la police le 27 août 2012, puis au cours de l'instruction par le MP, G______ a confirmé ses précédentes déclarations et fait l'historique de sa relation intime avec A______, dont elle n'avait pas osé parler initialement par peur de la réaction de K______.

Elle a décrit M______ comme une enfant ponctuelle, qui s'excusait si elle avait du retard, qui n'était jamais sortie sans demander l'autorisation ou appelait systématiquement pour obtenir celle de rester dehors plus longtemps et qui ne sortait pas après 20h00 durant les vacances. Par ailleurs, M______ s'occupait beaucoup de H______ et le portait souvent dans ses bras ; H______ était très câlin et s'agrippait tout le temps à elle. M______ portait souvent la jupe beige avec laquelle elle avait été retrouvée, mais uniquement à l'intérieur de l'appartement. Elle ne l'aurait jamais enfilée si elle avait eu l'intention de sortir.

Elle a confirmé que M______ n'avait pas vu K______ durant les deux à trois semaines ayant précédé son décès.

G______ avait remarqué environ deux mois avant les faits que le montant latéral et le pied du lit de sa chambre à coucher s'étaient séparés. Elle avait remboîté les pièces seule, facilement et rapidement, sans l'aide de A______, qui était aux toilettes. En en revenant, il lui avait demandé si elle avait fait le nécessaire et elle avait répondu par l'affirmative. Cela ne s'était pas reproduit avant le 24 août 2012, lorsqu'elle avait constaté que H______ jouait avec les pièces qui s'étaient à nouveau déboîtées.

Elle a confirmé qu'à une reprise, environ trois à quatre semaines avant les faits, A______ avait laissé M______ "toucher le volant" de son taxi en sa présence ; elle avait été d'accord avec cela, car cela faisait plaisir à sa fille ; celle-ci ne lui en avait pas reparlé ultérieurement. M______ lui racontait tout, de sorte qu'il n'était pas envisageable qu'elle ait eu un rendez-vous avec A______ le 23 août 2012 au soir dont elle ne lui aurait pas parlé.

A propos du système d'ouverture du parking de l'immeuble, elle a expliqué qu'un code était nécessaire pour ouvrir la barrière ; il fallait ensuite utiliser une clef ou une télécommande pour ouvrir la porte du garage. A______ n'avait pas la télécommande mais connaissait le code et était en possession de la clef ; ainsi il pouvait entrer tout seul dans le parking et monter jusqu'à l'appartement ; il n'avait besoin que quelqu'un vienne lui ouvrir que lorsqu'il n'avait pas la clef sur lui.

Le mercredi 22 août 2012 au soir, M______ était descendue pour ouvrir le garage à A______, car il lui avait dit avoir oublié la clef et lui avait demandé d'envoyer une des filles pour lui ouvrir. En remontant, M______ s'était cachée près de sa mère qui était sur la véranda. A______ les avait rejointes et avait versé un peu d'eau sur la tête de l'adolescente. A un moment donné, dans la soirée, il avait posé sa main sur l'avant-bras de M______, à peine une seconde, sans la retenir. En revanche, il ne l'avait pas tirée par le poignet et immobilisée sur un matelas avec son coude. Avant d'aller se coucher, M______ avait fait un bisou sur la joue de A______, mais celui-ci ne l'avait ni embrassée, ni étreinte en retour. Excepté cette scène, elle n'avait été témoin d'aucun contact physique entre eux.

L'épisode de la "chamaillerie ludique" relaté par A______ était en réalité survenu trois à quatre semaines avant les faits. A cette occasion, il avait serré assez fortement les poignets de M______ et lui avait fait mal ; après l'avoir relâchée, il s'était rendu aux toilettes puis lui avait renversé un peu d'eau sur la tête. M______ avait été fâchée pendant quelques instants.

Il lui semblait que M______ s'était douchée pour la dernière fois le 22 août 2012 au soir.

Tard dans la soirée, A______ et elle s'étaient absentés une quinzaine de minutes pour aller acheter des bières. Pendant la nuit, ils avaient eu un rapport intime et elle avait dû changer les draps. Elle s'en était occupée seule, A______ l'ayant uniquement aidée à tirer le drap de sous le matelas.

Le lendemain matin, jeudi 23 août 2012, ils avaient eu un nouveau rapport sexuel ; elle s'était réveillée vers 12h00. M______ s'était occupée de H______ durant la matinée et avait quitté l'appartement vers 15h00, vêtue d'un short noir et d'un t-shirt rose recouvert d'un t-shirt vert très échancré ; elle n'avait pas pris le téléphone portable au numéro d'appel 1______ utilisé par les filles et qui faisait aussi office de raccordement du domicile. Avant de quitter l'appartement, M______ s'était rendue dans la salle de bains en mettant son index devant ses lèvres, indiquant qu'elle faisait attention à ne pas réveiller A______.

Ce dernier s'était réveillé vers 15h00 et avait mangé une sauce éthiopienne au poulet avec du pain, qu'elle lui avait apportée dans la chambre.

Elle ne se souvenait pas avoir appelé le raccordement 1______ à 15h26 et à 16h14. En quittant l'appartement vers 16h00, elle avait laissé un petit mot à l'attention de M______, sur lequel il était écrit "on est sortis". A ce moment-là, elle pensait rentrer à la maison directement après la consultation aux HUG.

Après l'enregistrement de H______ aux HUG, A______ s'était rendu aux toilettes avant de partir, disant qu'il allait travailler ; il lui avait demandé de l'appeler quand elle aurait fini. En sortant des HUG, elle lui avait fait un appel en absence ; il l'avait rappelée et lui avait dit qu'il travaillait près de la gare, lui proposant de le rejoindre dans un restaurant éthiopien. Elle avait été surprise car c'était la première fois qu'il l'invitait manger au restaurant le soir, et que d'ordinaire il n'aimait pas être vu dans un restaurant éthiopien avec elle.

Une fois au restaurant, elle s'était inquiétée car M______ ne répondait pas à ses appels et avait dit à A______ qu'elle souhaitait rentrer, mais ce dernier avait essayé de l'en dissuader ; il ne lui avait pas semblé inquiet. Il avait dit ne pas avoir faim et n'avait rien mangé.

Le vendredi 24 août 2012, A______ ne s'était pas rendu dans la chambre parentale. Après avoir apporté des croissants, il s'était étendu sur le matelas du balcon. A un moment donné, alors qu'il était supposé chercher M______ avec AG______, elle l'avait vu assis près de l'école T______ (GE).

Plus tard dans la journée, A______ avait repris contact avec elle et lui avait demandé si la police avait retrouvé M______. Quand elle lui avait dit qu'ils étaient au poste, il avait voulu savoir si elle avait déjà parlé avec quelqu'un et avait semblé inquiet que K______ apprenne leur relation.

r.b. K______a confirmé ses précédentes déclarations. Il connaissait A______ depuis de nombreuses années ; ils avaient été très proches mais avaient perdu contact avec le temps, car le prévenu sortait moins et ne venait donc plus guère au restaurant AH______ (GE).

K______ ne s'était pas rendu à la rue T______ (GE) depuis deux à trois semaines avant les faits. Il y était retourné le 24 août 2012 après 01h00, avait dormi sur le lit parental, sans constater qu'il était déboîté, et était parti vers 11h00.

Il a également attesté de ce que M______ était une enfant très ponctuelle.

g. Déclarations ultérieures de A______

i.Nouvelle version

s. A______ a fait savoir, en date du 29 août 2012, qu'il avait des modifications à apporter à ses déclarations.

s.a. Selon une note du procureur (20'015), l'avocat du prévenu avait expliqué, lors d'un entretien téléphonique, que celui-ci n'avait pas pris gracieusement en charge deux jeunes gens après avoir quitté les HUG mais s'était rendu au parc BM______ où il avait attendu M______. Il l'avait en effet "rapidement vue" vers 16h00 et ils avaient décidé de se retrouver plus tard pour faire un tour en voiture.

s.b. Par télécopie du même jour faisant suite audit entretien (60'002), l'avocat de A______ a exposé que son client, quittant l'hôpital, s'était rendu au parc situé au-dessus du BN______ de U______ et garé sur le parking du Centre universitaire de ______ pour attendre M______, à laquelle il avait promis de la laisser conduire un peu. L'ayant attendue en vain, il était allé dans un restaurant des ______ (quartier de Genève).

s.c. A______ a dès lors nouvellement été entendu par la police, le 30 août 2012, commençant par présenter ses excuses : à l'occasion de ses précédentes dépositions, il avait eu tellement peur qu'il n'avait pas tout dit.

Il n'avait donc pas pris en charge gratuitement deux clients en sortant des HUG, mais s'était rendu directement "vers le parking, vers l'épicerie" car il avait fixé un rendez-vous à M______ pour lui permettre de "toucher le volant" de son taxi. En effet, à cinq ou six reprises durant les mois précédant les faits, il lui avait permis de manipuler le volant depuis le siège passager. Il s'agissait d'une sorte de "secret" entre eux. G______ avait toutefois assisté à la première séance environ trois mois avant les faits. En rentrant de la station-service BB______ le 22 août 2012, M______ avait demandé de pouvoir tenir le volant. Il avait refusé en raison de son besoin pressant d'uriner, mais lui avait proposé de remettre cela au lendemain et lui avait donné rendez-vous devant l'épicerie de la rue T______ (GE). Il avait choisi ce lieu pour éviter de croiser la mère (ignorant alors qu'elle serait à l'hôpital) devant son immeuble. A______ a varié, ou été selon lui mal compris, sur l'heure du rendez-vous donné, disant d'abord, à teneur du procès-verbal, entre "19h00 et 20h00", puis entre "19h30 et 20h00" puis encore qu'il ne savait pas s'il allait arriver à 19h20, 19h30 ou 19h50, et précisant que si G______ et lui ne s'étaient finalement pas rendus aux HUG, cela ne lui aurait pas posé de problème de rester sur une terrasse de la place AP______ (GE) et de ne pas aller au rendez-vous fixé avec M______.

En quittant les HUG, il s'était demandé "j'y vais, j'y vais pas" puis avait décidé de le faire, se disant que la jeune fille allait attendre et qu'après quelques tours sur le parking il l'emmenerait au restaurant faire une surprise à G______ et aux enfants, comme il aimait bien en faire. Il s'était parqué, avait uriné à côté de son taxi bien qu'il l'eût déjà fait aux toilettes de l'hôpital, juste avant de partir, avait attendu 20 à 25 minutes sur place, notamment en écoutant un CD, mais comme M______ n'était pas arrivée, il avait fini par s'en aller, pensant qu'elle était restée chez des amis ou allée faire un "petit jogging", ainsi que cela lui arrivait, vers 20h00. Il n'avait pas été inquiet et n'avait pas mentionné ce rendez-vous manqué lors de la soirée car "tout le monde pensait que M______ était chez une amie. Personne n'a[vait] pensé plus loin."

Après le retour à la maison et le lendemain, il pensait toujours qu'elle était chez des amis, et il ne souhaitait pas "briser leur secret" alors qu'elle pouvait revenir dans la matinée. Il ne savait pas pourquoi il n'en avait pas parlé durant la suite de la journée, alors qu'il avait "beaucoup travaillé dans [s]a tête" puis, à compter de la conduite de la famille à la police, il avait eu très peur, réalisant que quelque chose de sérieux était arrivé, mais il ne s'était néanmoins pas lui-même présenté pour relater ce qu'il savait car il avait plusieurs "petits secrets", notamment sa relation avec G______, ignorée de son époux.

s.d. Le 30 août 2012, la BCrim a conduit A______ à l'endroit où il avait dit avoir garé son taxi en attendant l'arrivée de M______. La place qu'il avait désignée s'avérant trop exiguë pour qu'un homme pût uriner en se cachant derrière la portière ouverte, il a ajouté que le parking était presque vide le 23 août 2012 et qu'il avait ainsi pu se garer à cheval sur la place adjacente.

Un prélèvement a été effectué à l'endroit où A______ a indiqué avoir uriné (T076), mais aucun profil ADN n'a pu être mis en évidence.

Devant le MP, l'inspecteur BO______ confirmera qu'il était impossible de se tenir debout et d'uriner, encore moins avec une portière ouverte, à l'endroit signalé par A______, car il n'y avait que 20 à 30 cm d'espace entre le véhicule et un muret. Confronté à cette impossibilité lors du transport sur place, A______ s'était montré emprunté et avait gardé le silence un instant, avant de dire qu'il s'était en réalité parqué à cheval sur deux places, ce qui lui avait permis d'ouvrir sa portière.

ii. Suite des déclarations

t. Durant la suite de l'instruction préliminaire, A______ a maintenu qu'il n'était pas l'auteur des faits commis à l'encontre de M______, qu'il considérait comme sa propre fille.

De manière générale, il n'allait jamais dans la chambre de M______ et I______, ne participait pas aux tâches ménagères et sa lessive était faite par E______, chez eux. Il y avait régulièrement du linge à sécher dans la salle de bains des G/H/I/M______, mais il n'avait jamais aidé à le plier et à le ranger.

Personne ne l'avait jamais vu laisser M______ "toucher le volant", excepté la première fois ; la plupart du temps, cela s'était passé dans le garage de l'immeuble de la famille G/H/I/M______, sur une dizaine de mètres. Ce n'était pas quelque chose d'important, raison pour laquelle il n'en avait parlé à personne.

Il avait donné rendez-vous à M______ devant l'épicerie pour le jeudi 23 août 2012 plutôt que devant son immeuble, dans l'idée de lui permettre de prendre le volant jusqu'au parking, ce qu'ils avaient fait à quatre ou cinq reprises.

Durant son attente vaine de M______, il avait uriné à côté de son taxi, malgré le fait que tout le quartier aurait pu le voir, car il n'avait "pas le choix". Son projet était alors d'emmener l'adolescente au AM______ (GE) pour en faire la surprise à G______. Il a affirmé qu'en sortant des HUG il avait voulu se rendre directement au restaurant et avait changé d'avis et décidé d'aller chercher M______ pour l'y emmener. Il est aussitôt revenu sur ses dires, affirmant qu'en partant des HUG il avait voulu aller travailler, puis avait changé d'avis et avait eu l'idée d'emmener la famille de G______ au restaurant. Il avait certes rendez-vous avec M______ mais ne s'en était souvenu qu'"à la dernière minute" et avait hésité à s'y rendre ou à aller directement au restaurant, car ce n'était pas un "rendez-vous sérieux". Ultérieurement, le prévenu a encore dit qu'en sortant des HUG, il savait, "au plus profond de lui", qu'il n'irait pas travailler contrairement à ce qu'il avait dit à G______.

Il n'avait pas de raison spéciale d'inviter G______ au AM______ (GE). C'était un restaurant qui venait d'ouvrir et qu'il fréquentait depuis peu de temps.

Comme personne n'était au courant de son rendez-vous avec M______, A______ n'en avait pas parlé. Il n'avait pas été réellement inquiet le 23 août 2012 au soir, G______ et lui s'étant dit qu'elle allait revenir. Ils se l'étaient encore dit après que la police eut été alertée. Il y avait aussi K______ et AG______ de sorte qu'il n'avait pas osé en parler. Tout était allé très vite ; il n'avait vu G______ que le matin et il ne lui en avait pas parlé par téléphone, préférant la voir "en face". Il était vrai que M______ n'avait jamais dormi chez des amis sans l'autorisation de sa mère. Il n'avait réellement paniqué qu'au moment de son interpellation.

S'agissant de l'heure du rendez-vous fixé à M______, il a d'abord dit que c'était 19h00-19h30 puis, lors d'une audience ultérieure, 19h30-20h00. Confronté au fait que M______ n'était pas venue, qu'elle ne lui avait pas téléphoné et qu'il l'avait attendue un certain temps, sans l'appeler, il a persisté à dire qu'il pensait qu'elle était chez des amis et qu'il ne s'était pas posé de questions.

Il ne lui avait pas téléphoné parce qu'il n'avait pas enregistré son numéro dans son téléphone et qu'il ne figurait pas dans son journal d'appels. Il ne s'était pas rendu dans l'appartement pour uriner ou pour voir si M______ s'y trouvait car sa clef se trouvait dans sa veste, à son domicile, et qu'il pensait que M______ n'était pas chez elle. Il ne savait pas où I______ et M______ rangeaient la clef qu'elles se partageaient. En outre, il n'osait pas se rendre dans l'appartement sans prévenir.

Il s'était rendu compte lors de sa première audition à la police qu'il était "coincé" car son téléphone portable avait été localisé vers 20h25 aux alentours de AR______ (GE), raison pour laquelle il avait persisté dans son mensonge relatif aux deux prétendus clients pris en charge gratuitement. Il avait eu peur et était très fatigué. Par la suite, il avait bien réfléchi et avait décidé de dire la vérité.

A______ a également nié avoir mis en garde E______ en prévision d'une possible venue de la police ou lui avoir demandé de s'enfuir par la fenêtre dans cette hypothèse.

Confronté aux résultats des analyses ADN, notamment au profil ADN Y correspondant au sien retrouvé sur le corps de M______, il a formellement contesté que cela pût avoir un rapport avec les faits.

Lorsqu'ils étaient rentrés de la station-service BB______, le 22 août 2012, la jeune fille avait "touché le volant" à l'entrée du garage de l'immeuble, d'où la présence de son ADN sur le volant de son taxi.

Le profil ADN Y correspondant au sien retrouvé sur le poignet gauche et sur le cou de M______ avait dû être déposé lors des contacts physiques qu'ils avaient eus le 22 août 2012 au soir. Il avait en effet tiré M______ contre lui alors qu'elle refermait la porte d'entrée de l'immeuble, l'avait poussée de côté pour entrer dans l'appartement, lui avait versé de l'eau dans le dos, l'avait tirée par la main pour la faire asseoir et s'était ensuite "chamaillé" avec elle.

Il était "impossible" qu'un profil ADN Y correspondant au sien ait été retrouvé sur la jupe de M______, sous les ongles de sa main gauche et sur sa hanche gauche ; il en allait de même d'un profil ADN Y correspondant au sien et à celui de ses frères retrouvé sur le centre intérieur du slip de M______.

Le profil ADN Y correspondant au sien retrouvé à plusieurs endroits du lit parental et de la literie avait dû être déposé lorsqu'il avait aidé G______ à réparer le lit déboité.

Lors de l'audience finale du 7 août 2017, A______ a déclaré avoir consommé du khat le 22 août 2012 au soir, ce qui avait pour effet de lui couper l'appétit, raison pour laquelle il n'avait pas mangé le jeudi 23 août 2012 au AM______ (GE).

h. Déclarations de témoins

u.a. Selon la première déclaration de E______, A______ était rentré de sa soirée de travail le vendredi 24 août 2012 aux alentours de 02h00. Après avoir mangé, regardé la télévision et surfé sur son téléphone portable, ils s'étaient couchés. Il était allé travailler dans la matinée et il ne s'était rien passé d'anormal jusqu'à l'intervention de la police. Elle n'avait pas entendu parler de la disparition de M______.

A compter de son changement de version, lors de sa seconde audition par la police le 31 janvier 2013 (cf. infra B.x.), E______ expliquera qu'à son arrivée, à l'aube, le vendredi 24 août 2012, A______ s'était brièvement reposé puis avait pris une douche et mis ses vêtements de côté, lui demandant de les laver, ce qu'elle n'avait toutefois pas fait. Au moment de repartir, il lui avait ordonné de ne pas ouvrir la porte et, si la police venait, de ne rien dire de négatif sur lui. Dans les heures qui avaient suivi, il l'avait appelée sur son raccordement qui n'avait plus de crédit. Il était également rentré déjeuner et lui avait remis un autre appareil téléphonique, lui disant de lui faire un appel en absence s'il y avait quoi que ce soit. Durant l'après-midi il l'avait contactée à plusieurs reprises et avait notamment évoqué la disparition de M______ en lien avec une possible venue de la police. Le soir, lors d'un appel, il lui avait demandé de ne pas faire de bruit, notamment de ne pas allumer la télévision, d'éteindre la lumière et de se tenir prête à "sauter discrètement" par la fenêtre.

u.b. Pour BP______, serveur au AM______ (GE), A______ était arrivé le 23 août 2012, vers 20h00 pensait-il, et avait réservé une table. Il avait commandé une bière au bar et avait été rejoint vers 20h30 par une femme et deux enfants. Ils avaient commandé de la nourriture, bu quelques bières et lui avaient semblé passer une bonne soirée. Ils avaient quitté l'établissement vers 23h30.

u.c. BQ______ a déclaré avoir pris un verre avec A______ le 23 août 2012 au AM______ (GE), avant que G______, I______ et H______ n'arrivent. Il était parti 15-20 minutes après leur arrivée ; A______ n'avait pas mangé et n'avait semblé ni tendu, ni inquiet. G______ et I______ se faisaient du souci car M______ ne répondait pas à leurs appels ; A______ avait supposé qu'elle était peut-être en train de jouer.

u.d. BR______ avait également vu A______ au AM______ (GE) le 23 août 2012. BQ______, G______, I______ et H______ étaient arrivés par la suite. A______ avait commandé à manger pour G______ avant qu'elle n'arrive mais lui-même n'avait rien mangé, expliquant qu'il n'avait pas faim à cause de la chaleur et qu'il ne mangeait pas le soir. G______ et A______ avaient commencé à s'inquiéter car M______ ne répondait pas à leurs appels. Il a confirmé que A______ avait dit qu'elle jouait peut-être à l'extérieur. Pendant qu'elle mangeait encore, G______ avait dit qu'elle voulait rentrer, mais A______ avait commandé des bières et avait insisté pour qu'elle en boive une, alors même qu'elle n'avait pas fini son soda.

u.e. AG______a d'abord relaté que dans la nuit du 23 au 24 août 2012, A______ semblait très inquiet, comme les autres personnes présentes. Devant le MP, elle retenait toutefois qu'il ne s'était pas montré actif dans les recherches et n'avait rien exprimé de particulier, sinon que cela devait être "le coup d'un blanc". Lorsqu'il était revenu, le 24 août 2012 au matin, et alors qu'il était censé chercher M______ à l'extérieur avec elle, il était resté assis sur un banc puis était retourné à l'appartement avant de quitter les lieux. G______ lui avait expliqué qu'il avait peur de son époux, ce qui avait étonné le témoin sur le moment. A______ avait continué de prendre des nouvelles par téléphone.

u.f. Entendu par la police le 23 novembre 2012,AO______n'a pas su restituer son emploi du temps des 23 et 24 août 2012 ; à ces dates, il venait de commencer à travailler comme chauffeur de taxi et avait des horaires irréguliers.

u.g. Les 23 et 24 août 2012, AO______ avait travaillé comme chauffeur à BS______, en France, de 10h00 à 22h00, et était rentré les deux soirs à son domicile vers 23h00. Il a décrit son demi-frère comme étant bagarreur, impulsif et colérique.

3. E______

a. Statut administratif

v. E______, née en 1988, a déposé une demande d'asile en Suisse le 29 septembre 2008, laquelle a été rejetée par décision du 9 mars 2010 de l'Office fédéral des migrations (ODM). Sur recours, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a confirmé cette décision par arrêt du 20 avril 2011.

Le 20 mai 2011, E______ a été convoquée par l'ODM pour recevoir notification de la décision de renvoi, qu'elle a refusé de signer. Un délai pour quitter la Suisse lui a été imparti au 26 mai 2011. Le 1er juin 2011, elle a été signalée disparue.

Selon un courrier de l'ODM au MP du 6 mars 2014 (20'997), il n'avait pas été possible d'identifier des indices concrets d'un séjour en France de E______. Toutefois, il n'était pas exclu qu'elle eût tenté de demander l'asile dans ce pays et que, si elle n'avait pas dissimulé qu'elle avait vécu en Suisse, elle eût été dissuadée, sans acte formel, de poursuivre une démarche dénuée de toute chance de succès eu égard aux accords de Schengen-Dublin.

Le 14 septembre 2012, la jeune femme a requis le réexamen de sa demande d'asile. Le 21 septembre 2012, lors de son audition par l'ODM, E______ a dit avoir été maltraitée par A______. Par décision du 30 novembre 2012, l'ODM a rejeté sa demande de réexamen, décision confirmée par arrêt du TAF du 12 avril 2013.

E______ a toutefois été autorisée à rester en Suisse pendant la durée de la procédure pénale.

Elle a admis que la perspective de devoir quitter la Suisse lui faisait peur et qu'elle ne voulait pas retourner en Ethiopie, "en raison de problèmes politiques".

b. Déclarations de la victime alléguée

w. Auditionnée une première fois par la police suite à l'interpellation de A______ en lien avec l'homicide de M______, E______ a déclaré avoir connu le prévenu en 2009 et s'être installée chez lui à V______ (GE) en 2010. Ils prévoyaient de se marier prochainement. A______ était très gentil et n'avait jamais été violent avec elle. Ils étaient très amoureux. Ils avaient des relations sexuelles ordinaires, deux à trois fois par semaine ; il ne l'avait jamais contrainte ni ne s'était montré violent durant un rapport sexuel.

x. Vu les déclarations des anciennes compagnes de A______, E______ a été réentendue par la police, sur mandat d'actes d'enquêtes du MP, en date du 31 janvier 2013. A cette occasion, elle a présenté une version radicalement différente et a déposé plainte pénale à l'encontre de A______.

Elle avait menti lors de sa première audition car le 23 août 2012, par téléphone, A______ lui avait ordonné de s'enfuir par la fenêtre si la police sonnait à leur domicile et l'avait menacée de la tuer si elle disait du mal de lui, ce qu'elle avait pris au sérieux. En outre, elle était en situation illégale et pensait qu'il allait être rapidement relaxé, raisons pour lesquelles elle lui avait obéi.

Elle a expliqué être arrivée à ______ [Berne] en novembre 2008 et avoir été mise au bénéfice d'un permis N. En début 2011, A______ l'avait contactée par téléphone, disant qu'il avait entendu parler d'elle et qu'il voulait l'épouser. Ils s'étaient parlé plusieurs fois et s'étaient rencontrés à ______ [Berne], puis il avait insisté pour qu'elle le rejoigne à Genève.

Suite au rejet de sa demande d'asile, l'avocat de A______ lui avait conseillé de partir en France, ce qu'elle avait fait. Elle y était restée durant deux ou trois mois, avant de rentrer et de s'installer définitivement chez lui ; cela s'était passé environ un an avant l'arrestation de A______. Elle n'avait alors plus de permis de séjour et vivait dans la clandestinité.

Jusqu'à son séjour en France, A______ s'était montré très gentil avec elle, mais son comportement s'était modifié dès son retour ; il se fâchait facilement et la battait pour des raisons futiles, lui donnait des coups de poing et de pied, la frappait avec une ceinture ou la traînait par les cheveux. Il la battait quotidiennement, parfois plusieurs fois par jour, sauf lorsque ses filles AC______, Z______ et AA______ étaient présentes.

Elle a d'abord indiqué que le frère de A______ l'avait vue à une reprise avec un oeil au beurre noir, puis a rectifié en ce sens que ce dernier lui avait demandé de mettre des lunettes de soleil, de sorte que son frère n'avait rien vu.

A______ ne la laissait jamais se déplacer seule à l'extérieur et l'enfermait dans l'appartement quand il sortait. Elle passait la plupart de son temps seule au domicile, cuisinant, s'occupant du ménage et restant assise sur le canapé. Elle n'avait de contacts qu'avec les filles de A______. Il n'y avait pas de connexion Internet dans l'appartement ni de numéros enregistrés dans le répertoire du téléphone fixe, dont A______ contrôlait régulièrement le journal d'appels.

Il était devenu violent lors des rapports sexuels qu'il lui imposait. Il la battait lorsqu'elle avait mal et qu'elle lui demandait d'arrêter, de sorte qu'elle n'osait plus rien dire. Il l'avait contrainte à des actes de sodomie et de fellation, pratiques réprouvées dans leur culture. Il l'avait également pénétrée vaginalement avec ses doigts de manière si violente qu'elle en avait souffert.

Il avait entravé ses mains à plusieurs reprises en utilisant une écharpe ou en l'attachant au radiateur, l'avait giflée, lui avait tiré les cheveux et tordu les bras dans le dos. Elle avait beaucoup souffert et s'était même évanouie à plusieurs reprises, lorsqu'il lui avait imposé plusieurs actes sexuels successifs. A cinq ou six reprises, il avait serré ses mains autour de son cou durant l'acte, l'empêchant de respirer et lui disant "dois-je te tuer ou non ?", à tel point qu'elle avait eu l'impression qu'elle allait étouffer. A plusieurs reprises, elle avait eu peur de mourir.

Elle pleurait de douleur pendant et après l'acte. La fréquence des rapports dépendait des désirs de A______, allant parfois jusqu'à trois rapports par jour. Il avait filmé plusieurs fois leurs relations intimes avec son téléphone, mais elle n'avait jamais vu ces vidéos.

Suite à ces nombreux sévices, elle avait eu des douleurs dans le bas du ventre ainsi qu'aux bras, au crâne, à la nuque et au cou. Elle avait parfois encore des douleurs internes et des inflammations au niveau du bas du ventre.

A une reprise, elle avait tenté de s'enfuir mais il l'avait rattrapée. Il avait promis d'arrêter de la battre, mais avait recommencé dès le lendemain. A cette occasion, il lui avait ordonné de se dévêtir, l'avait violemment battue avec les pieds et les poings et l'avait forcée à avoir un rapport sexuel incluant un acte de sodomie, qu'il avait filmé tout en la frappant au visage et en lui tirant les cheveux. Elle avait souvent pensé à s'enfuir et à avertir la police, mais n'avait jamais osé, car A______ l'avait menacée de publier cette vidéo sur Internet ou de la tuer. Elle n'avait jamais envisagé de sauter par une des fenêtres de l'appartement, car elles étaient trop éloignées du sol.

y. E______ a été entendue devant le MP une quinzaine de fois. De manière générale, elle a persisté dans ses déclarations à la police du 31 janvier 2013, ajoutant des détails et en corrigeant d'autres, se contredisant parfois. Il ressort des procès-verbaux de ces audiences qu'elle était extrêmement affectée par ce qu'elle disait avoir subi et que le fait de devoir tout relater de manière détaillée lui demandait énormément d'efforts. E______ a également expliqué certaines contradictions dans ses déclarations par des troubles de mémoire consécutifs aux faits. Il y avait beaucoup de choses dont elle ne se souvenait pas. Elle ne pensait pas avoir été maltraitée par un autre homme que le prévenu, avant son arrivée en Suisse et n'en avait en tout cas pas le souvenir. Elle n'avait alors pas de problèmes physiques ou psychiques de l'ordre de ceux qu'elle vivait désormais et n'avait pas été hospitalisée en Ethiopie ou en Erythrée, pays où elle avait cependant été emprisonnée et, dans ce contexte, soignée pour des saignements de nez provoqués par le soleil.

i. Début de la relation

z.a. E______ a d'abord confirmé avoir connu A______ en fin 2010 ou en début 2011, alors qu'elle vivait à ______ [Berne], ce dernier ayant eu son numéro par BT______, une connaissance commune.

A______ ayant contesté ce propos, elle a concédé qu'elle l'avait rencontré à Genève, où elle était venue rencontrer BT______, qui lui devait de l'argent. A______ était présent dans le café où cette réunion avait eu lieu et avait payé de ses propres deniers une partie de la dette de leur ami commun - E______ contestant avoir entretenu des relations intimes avec ce dernier - , qui ne pouvait s'en acquitter totalement. Deux ou trois mois après cet épisode, A______ lui avait téléphoné à ______ [Berne] et était venu la voir à plusieurs reprises. En début 2011, elle lui avait dit qu'elle ne pouvait plus rester en Suisse et il lui avait proposé de s'installer chez lui, à V______ (GE). Elle y était restée deux à trois mois avant de partir en France, dans la région ______, où elle avait demandé l'asile, résidant d'abord dans un foyer puis chez des Ethiopiens qu'elle avait connus sur place ; les autorités françaises ayant découvert qu'elle avait déposé une demande en Suisse, elle était retournée chez A______ deux à trois mois plus tard. Elle était tombée amoureuse de lui au début de leur relation, car il avait gagné sa confiance.

Il était exact que, avant de connaître A______, elle était déjà venue plusieurs fois à Genève, où elle avait quelques amis et où elle avait travaillé durant quelques semaines auprès d'une famille, à BA______ (GE).

ii. Contacts avec des tiers

z.b. A______ était parti en Ethiopie en été 2011 afin d'organiser le séjour de la mère de E______ en Suisse, disant qu'il allait tuer sa compagne, mais qu'avant elle devait revoir sa mère. Pendant son absence, elle avait vécu chez BU______. Elle n'avait pas osé le quitter durant son séjour en Ethiopie, de peur qu'il ne la retrouve.

Sa mère était venue à Genève et avait vécu avec eux dans l'appartement de V______ (GE) pendant le mois de janvier 2012. A cette époque, AO______ y vivait également une partie de la semaine.

Pendant cette période, A______ avait continué de la battre et de la violer sans que ni sa mère, ni AO______ ne remarquent rien. Il la violait dans les toilettes de l'appartement et la frappait dans la cour intérieure de l'immeuble, durant la nuit. Elle n'avait pas parlé à sa mère du calvaire qu'elle endurait, car, d'une part, A______ l'avait menacée de les tuer toutes les deux si elle parlait, et, d'autre part, elle ne voulait pas la choquer ou l'attrister.

z.c. E______ avait été coiffée à deux reprises à domicile par BV______, qu'elle avait rencontrée chez AG______, où A______ les avait emmenées, sa mère et elle. G______ était d'ailleurs aussi sur place, de même que AO______. La première fois, A______ était présent dans l'appartement, non la seconde, soit quelques jours avant l'arrestation du prévenu, mais même en son absence, elle n'avait pas osé se confier, craignant que A______ ne l'égorge s'il apprenait qu'elle avait dit quelque chose de négatif à son sujet. Ce n'est que lors de trois contacts téléphoniques que les deux femmes avaient eus, après ladite arrestation, que E______ avait pu s'ouvrir de ce qu'elle avait subi, sans toutefois évoquer les "choses honteuses".

z.d. Elle avait rencontré G______, que A______ avait présentée comme la femme d'un ami, à d'autres reprises, chez AG______, où ils avaient d'ailleurs passé la nuit, ou même dans leur appartement de V______ (GE).

z.e. E______ connaissait BU______ et avait d'ailleurs travaillé pour elle au printemps 2012, se chargeant d'accompagner ses enfants à la crèche et l'école ou de les garder à leur domicile le mercredi matin. Elle faisait aussi du ménage. A______ la conduisait chez sa soeur et restait dans l'appartement jusqu'à son retour de l'école, de même que toute la matinée, les mercredis, partant parfois quelques minutes avant le retour de BU______ afin qu'elle ne réalise pas son manège. Il revenait ensuite la chercher. Il lui imposait des relations sexuelles dans le logement puis se reposait tandis qu'elle faisait le ménage. Il lui était cependant aussi arrivé de la laisser seule sur place. Elle ne s'était pas confiée à BU______ par peur, pas plus qu'elle n'avait osé approcher les nombreuses personnes qu'elle croisait en accompagnant les enfants, notamment des enseignants, car A______ la déposait en voiture, quand bien même ce n'était pas nécessaire, et l'attendait sur le parking. De plus, elle avait constamment ses menaces à l'esprit. BU______ la rémunérait CHF 500.-par mois, qu'elle remettait à son frère, dans une enveloppe. Cela était arrivé à trois reprises, sauf erreur.

z.f. Elle ne pouvait se confier à personne de son entourage car toutes ses connaissances appartenaient avant tout au cercle du prévenu. Seul le numéro de A______ était enregistré dans la mémoire du téléphone qu'il lui laissait parfois et elle ne connaissait pas d'autres numéros, pas même celui de sa mère, qu'il composait lorsqu'il lui permettait d'appeler. En revanche, une des filles de A______, Z______, savait qu'il la battait et l'enfermait dans l'appartement. Elle l'avait en effet vue pleurer et connaissait son père.

Un beau-frère de A______, prénommé BW______, venant à l'appartement, l'avait à une reprise vue pleurer alors qu'elle venait d'être battue. Une autre fois, elle avait dû porter des lunettes de soleil en sa présence pour dissimuler ses yeux enflés. BW______ n'avait pas posé de questions.

C'était bien elle qui portait un foulard vert sur la tête et un autre blanc autour du cou sur les images tournées lors de la fête d'anniversaire de Z______, le 4 janvier 2012. Elle ne portait jamais de telles pièces de vêtement et avait dû le faire à cette occasion pour cacher des blessures au cou et à l'oreille faites par A______. Seul l'un des enfants, sauf erreur Z______, l'avait interrogée mais elle n'avait rien dit, par peur.


 

iii. Récit des infractions alléguées

a'.a. Dans un premier temps, il arrivait à A______ d'insulter sa compagne, par des propos très humiliants et dégradants en langue amharique, comme "pauvre fille de pauvre", "prostituée" ou "pute". Puis, il avait commencé à lui donner des coups de poing et des gifles au visage, l'empoigner par les cheveux pour la contraindre à s'agenouiller, en la frappant sur le dos de l'autre main, et la frapper à coups de pied lorsqu'elle était au sol. Un jour, il avait plongé à plusieurs reprises sa tête dans la baignoire, partiellement remplie, et l'y avait maintenue, la frappant lorsqu'il la relevait. Il avait fait cela parce qu'elle avait refusé, dans un grand magasin, d'échanger les étiquettes de prix de deux jeans. Ces faits pouvaient survenir à la moindre contrariété, et ce quasi quotidiennement, sauf les weekends de droit de visite. Il prenait du plaisir à frapper et ne s'arrêtait que lorsqu'il était fatigué.

E______ se souvenait de ce que A______ avait filmé, ou fait semblant de filmer, à deux reprises des rapports anaux, à une semaine d'intervalle environ. Il avait également tiré sa tête par les cheveux afin qu'elle lui prodigue une fellation.

Il avait un stick déodorant qu'il utilisait pour lui imposer des doubles pénétrations, ce à plusieurs occasions. Il l'avait aussi, à plusieurs reprises, saisie par le cou comme pour l'étrangler. D'une façon générale, il n'avait aucun respect pour elle et ne se préoccupait pas de savoir ce qu'elle ressentait ou si elle était d'accord avec ce qu'il faisait. Elle n'osait pas se refuser, de crainte qu'il ne lui fasse davantage de mal ou ne la tue. Si elle disait qu'elle avait mal ou le suppliait d'arrêter, il la frappait ou l'étranglait. Il lui arrivait de lui imposer jusqu'à trois rapports consécutifs.

E______ a souligné qu'à ses yeux, une femme ne pouvait pas avoir des relations sexuelles consenties tout en étant battue de sorte qu'un rapport subi dans de telles circonstances était nécessairement un viol. Elle pensait que pour sa part, A______ tirait plaisir non seulement de l'acte sexuel mais aussi de la voir souffrir.

Les débuts de la relation avaient été paisibles et ils avaient eu des rapports sexuels consentis, qui n'avaient jamais été filmés, elle en était certaine.

Le comportement du prévenu avait changé lorsqu'elle était retournée chez lui après avoir séjourné en France. Il avait commencé par se fâcher pour des futilités, puis s'était mis à lui interdire de regarder la télévision, ce dont il s'assurait en vérifiant si l'appareil était chaud lorsqu'il rentrait à la maison. Les violences physiques et sexuelles avaient suivi. En fait, il lui était arrivé de se montrer violent déjà avant son départ pour la France, mais "pas beaucoup". Elle avait déjà été frappée, insultée et violentée sexuellement au moment où elle avait tenté de s'échapper (infra B.a'.c.).

Suite à cette tentative, il l'avait en quelque sorte emprisonnée dans l'appartement. Il l'y enfermait parfois à clef, y compris durant le séjour de sa mère, ce dont cette dernière n'avait pas été consciente. Cela aussi était allé en crescendo, les épisodes d'enfermement étant rares au début puis quotidiens sur la fin.

Confrontée à la vidéo à caractère pornographique extraite du ______ [téléphone portable] de A______ (cf. infra B.g'.), elle a d'abord dit que celui-ci l'avait forcée à ne pas pleurer, puis, le lendemain, a affirmé qu'il s'agissait d'une troisième vidéo dont elle avait oublié l'existence, filmée lorsque la relation était encore harmonieuse, avant son départ pour la France. Le film avait été enregistré bien avant les deux autres. C'était la première fois qu'il lui avait demandé une fellation, ce qu'elle avait d'abord refusé, tout comme le fait de filmer leurs ébats, puis consenti, pour lui faire plaisir, de crainte qu'il ne se fâche et soit offensé. Dans cette mesure, elle avait déjà subi un début de contrainte. Elle pensait que c'était aussi la première fois qu'il la sodomisait, ce qu'elle n'avait d'ailleurs jamais fait auparavant. En fait, il avait déjà tenté précédemment mais elle avait marqué que cela faisait mal et il avait renoncé. Lors de cette première occurrence, il avait utilisé de la vaseline, ce qu'il n'avait plus fait par la suite, lorsqu'il la forçait. A cette époque, elle pouvait encore refuser si elle ne voulait pas quelque chose même si parfois il ne l'écoutait pas et insistait de sorte qu'elle devait céder.

Elle avait peut-être eu une fausse couche suite à des coups reçus de A______ ou plutôt une pénétration par le stick déodorant, car elle avait eu des saignements anormaux, hors période de menstruation. C'était en ce sens qu'il fallait comprendre ses déclarations à l'ODM selon lesquelles elle avait perdu un enfant après avoir été maltraitée par le prévenu.

iv. Tentatives de fuite

a'.b. E______ a d'abord contesté être retournée à W______, après une dispute née du fait qu'elle avait déversé dans la boîte aux lettres du concierge de la publicité extraite de leur propre case, pensant que c'était ainsi qu'il fallait procéder, d'où une remontrance de l'intéressé au prévenu, et elle n'avait pas souvenir d'avoir évoqué cet incident avec son assistante sociale, comme relaté par A______.

Ce n'est que suite à l'audition de ladite assistante sociale et de ses collègues (infra B.d'.a. à c.), qu'elle s'est remémorée les faits. A______ l'avait frappée au point qu'elle avait eu des marques au visage et sous le genou. Elle avait pris la fuite et avait passé la nuit chez une amie, avant d'aller trouver son assistante sociale à W______, BX______, qui lui avait dit que A______ l'avait appelée à plusieurs reprises pour s'excuser. Elle avait raconté à BX______ qu'il la frappait et l'enfermait, raison pour laquelle elle s'était enfuie. Finalement, il lui avait présenté ses excuses et avait promis de ne plus la frapper. Ils s'étaient réconciliés et elle était retournée vivre chez lui.

Ultérieurement, E______ est encore revenue sur ses déclarations, affirmant que l'incident de la boîte aux lettres et celui de la fuite à W______ étaient des événements distincts et qu'un grand laps de temps s'était écoulé entre les deux, puis, en fin d'instruction, les a de nouveau liés.

a'.c. Fin 2011 ou début 2012 selon une indication, au moment où A______ étudiait pour repasser l'examen de chauffeur de taxi qu'il avait raté[10], E______ avait de nouveau tenté de s'enfuir : elle était sortie de l'appartement sous prétexte d'aller faire des courses, et s'était mise à courir en direction de ______ [magasin], mais A______ s'était douté de quelque chose et l'avait rattrapée, pieds nus, et persuadée de rentrer avec lui, arguant que la police pourrait l'arrêter et la renvoyer dans son pays, et promettant de ne plus la frapper. A leur retour dans l'appartement, il l'avait sodomisée de force tout en filmant la scène avec son ______ [téléphone portable], exigeant qu'elle tourne son visage vers l'objectif et la giflant pour la forcer à cesser de pleurer. Comme elle continuait, il avait enfoncé un stylo dans le dos, et mordue dans le bas du dos. Elle portait toujours les marques de ces blessures. Il lui avait dit qu'il publierait la vidéo sur Internet si elle s'enfuyait à nouveau. En fait, il était possible que la scène ait eu lieu un ou deux jours après la tentative de fuite. A leur retour, A______ l'avait frappée puis ils étaient allés manger dans une pizzeria proche de leur domicile.

a'd. C'était par peur de A______ qu'elle n'avait plus tenté de s'enfuir, même si elle y avait souvent songé, et non parce qu'elle ne savait où aller car elle aurait pu chercher refuge au centre pour requérants de ______ [Vaud], où elle serait allée en confiance.

c. Déclarations de A______

b'. Entendu à plusieurs reprises au Ministère public, A______ a pour l'essentiel contesté les accusations de E______.

Il l'avait connue à Genève, en fin d'année 2010, par le biais de BT______ qui lui avait dit qu'elle était son amie intime. Par la suite, il l'avait aidée à récupérer de l'argent dû par BT______ fournissant de ses deniers une partie de la somme. Après cet épisode, en octobre 2010 environ, ils étaient devenus intimes et avaient vécu ensemble à V______ (GE), sans discontinuer, jusqu'à son arrestation. Ils avaient donc menti à l'assistante sociale de l'époque de E______, BY______, en lui disant qu'elle avait quitté la Suisse pour la France.

Il a confirmé qu'en début 2012, E______ avait travaillé chez BU______. Elle s'y rendait en transports publics et recevait sa rémunération en mains propres. Il a contesté l'avoir surveillée dans ce contexte. Il a d'abord indiqué l'avoir souvent accompagnée jusque dans l'appartement de sa soeur, puis a admis qu'il montait systématiquement dans le logement et y restait ou l'amenait avec les enfants en voiture jusqu'à l'école, la ramenant chez sa soeur pour la demi-journée, avant de revenir encore sur ses déclarations, affirmant qu'il y restait seulement occasionnellement et que E______ se trouvait dès lors souvent seule chez BU______ ou à l'extérieur. Lorsqu'il ne restait pas, il rejoignait ses collègues, sitôt après l'avoir déposée, dans le petit café de la station-service BZ______ du CA______ [Genève] pour y attendre la première course de la journée.

En été 2011, il était effectivement parti en vacances en Ethiopie durant quatre à cinq semaines et avait rencontré la mère de E______.

Il a confirmé que BV______ était venue à deux reprises à son domicile pour coiffer E______. Le premier rendez-vous avait été pris en sa présence, mais il ne se souvenait pas de ce qu'il en était du second. E______ l'avait appelée elle-même - depuis le téléphone du prévenu - pour fixer ces deux rendez-vous.

Il a nié avoir frappé régulièrement E______ et s'est décrit comme quelqu'un de doux et qui aimait plaisanter ; quand il était énervé, il préférait se retirer et ne pas parler.

A sa connaissance, E______ n'avait jamais présenté de blessures ni d'enflures à l'oreille, au cou ou au niveau des yeux, et il n'avait pas constaté de marques dans le bas de son dos ni sur ses fesses, pas plus qu'il ne l'avait vue porter des lunettes de soleil à l'intérieur. Elle portait souvent des vêtements autour du cou, pour des motifs culturels.

Il a contesté lui avoir imposé des relations sexuelles sous la contrainte. Elle n'avait jamais exprimé ni douleur, ni désaccord lorsqu'ils avaient pratiqué la fellation et la sodomie. A une seule reprise, en début 2012, il avait filmé leurs ébats avec son accord. Il ne l'avait pas menacée de diffuser ce film sur Internet. Il a reconnu la vidéo apparemment enregistrée le 16 avril 2011 comme étant la vidéo dont il parlait.

Il ne l'avait pas enfermée dans l'appartement et elle n'avait jamais tenté de s'enfuir, alors même qu'il était souvent absent, y compris lors des nuits entières qu'il passait chez G______.

Il a admis qu'à une reprise, au début du mois de mars 2011, ils s'étaient disputés au sujet de publicités qu'elle avait mises dans la boîte aux lettres de leur concierge, et il l'avait poussée contre un mur. Il s'agissait du seul épisode de violence survenu entre eux. Lorsqu'il avait constaté qu'elle était retournée à W______, il avait contacté BX______ et lui avait dit que E______ avait commis une faute. Il s'était excusé envers elle, l'avait rejointe à ______ [Berne] le soir même et ils étaient rentrés à Genève le lendemain. En revanche, il contestait le récit de CB______, entièrement faux (cf. infra B.c'.j.).

Il pensait que E______ avait inventé tous ces mensonges dans le but de pouvoir rester en Suisse, n'ayant plus la perspective de se marier avec lui. Il voulait pour preuve de ce qu'elle mentait le fait qu'elle avait menacé BT______, en présence de CC______, de déposer plainte pénale contre lui pour viol s'il ne lui rendait pas son argent.

En conclusion, il reconnaissait uniquement une occurrence, soit celle lors de laquelle il avait poussé E______ suite à l'incident de la boîte aux lettres, à l'exclusion de tout autre acte de violence.

d. Déclarations pertinentes de témoins et certificats médicaux

i. Famille de A______

c'.a. Entendu à deux reprises par la police, AO______ a déclaré avoir connu E______ en Suisse en 2011, lors d'un séjour chez son frère. Elle était réservée, timide et parlait peu ; la relation du couple lui avait paru normale. Quand il était revenu en Suisse en janvier 2012, il avait vécu chez A______ pendant environ un mois et demi, avant de réduire sa présence à quelques soirs par semaine. Il était présent quand la mère de E______ avait séjourné dans l'appartement. Il ne savait pas grand-chose au sujet de la compagne de son frère, n'ayant guère échangé avec elle, même s'ils avaient passé de longs moments seuls dans l'appartement. E______ restait parfois seule à la maison ; elle regardait des films, écoutait de la musique et faisait le ménage. Il n'avait pas remarqué de changements dans son comportement, n'avait jamais constaté de blessures sur son corps et ne l'avait pas vue porter un foulard ou des lunettes de soleil à l'intérieur. Lorsqu'il rentrait, E______ lui ouvrait la porte. Quand il était dans l'appartement avec elle, la clef se trouvait dans la serrure, et elle la prenait avec elle lorsqu'elle sortait. Elle sortait parfois seule pour faire des courses, et parfois avec A______. En février et mars 2012, E______ avait travaillé chez BU______. Elle y allait seule en bus, ou en voiture avec A______.

c'.b. BU______ avait connu E______ en été 2011. Cette dernière parlait peu et elles ne s'étaient pas liées d'amitié. Globalement, elles n'avaient quasiment pas eu de conversation. De fin 2011 à avril 2012, E______ s'était chargée d'emmener ses enfants à l'école et à la crèche, mais pas de faire le ménage. Elle venait chez elle seule ou conduite par A______. Elle la rémunérait environ CHF 400.- par mois, remis dans une enveloppe mais en mains propres, et lui achetait parfois des cartes de bus. Elle n'avait plus revu E______ depuis le mois de mai 2012. A une seule reprise, en fin 2011, E______ lui avait dit s'être disputée avec A______, mais elle n'avait jamais remarqué de traces de coups sur son corps ni rien de particulier s'agissant de son habillement, excepté le fait qu'elle portait parfois un foulard sur la tête ou une écharpe autour du cou. Elle n'avait pas eu l'impression que E______ était malheureuse. BU______ ignorait que son frère avait parfois accompagné E______ et ses enfants à l'école en voiture et elle n'avait pas personnellement observé la jeune femme descendre du bus ou y monter.

BU______ avait bien aidé aux démarches en vue du séjour en Suisse de la mère de E______, qu'elle avait rencontrée en août 2011 lors de ses vacances en Ethiopie. Son frère était alors également en Ethiopie ; elle était rentrée avant lui et E______ était venue la chercher à l'aéroport, de même que l'une de ses soeurs. Lors du séjour de la mère, les trois femmes étaient allées un après-midi au centre commercial de ______ (GE).

c'.c. AC______ a relaté qu'après une sortie au cinéma lors du dernier droit de visite, E______ lui avait dit que sa relation avec A______ ne se déroulait pas très bien, qu'il s'énervait souvent et la frappait. Elle en avait "un peu marre". Il cherchait des prétextes "débile[s]" pour se fâcher, tel du gaspillage de nourriture. L'adolescente avait été "étonnée" et en avait parlé à sa mère à son retour à la maison, suggérant qu'il fallait peut-être faire quelque chose. Elle en avait aussi parlé avec Z______, qui lui avait dit qu'elle s'en doutait car leur père s'était déjà énervé contre E______ en sa présence.

c'.d. Z______ ne se souvenait pas de cette conversation avec sa soeur. En revanche, E______ lui avait dit que A______ fermait parfois la porte à clef quand il partait, ne la laissait pas sortir sans lui, s'énervait vite, devenait agressif, la surveillait, notamment au moyen d'un enregistreur dissimulé dans une armoire, et l'avait frappée. Elle avait effectivement constaté quelques "bleus" sur ses joues. Elle en avait parlé à sa mère, qui lui avait posé des questions. Suite à un échange avec sa mère, Z______ avait d'ailleurs demandé à E______ pourquoi elle ne déposait pas plainte et celle-ci avait répondu qu'elle ne pouvait pas sortir et que lorsque les enfants n'étaient pas là, A______ était "agressif" avec elle. Il ne se comportait pas ainsi non plus en présence de AO______.

c'.e. AB______ a confirmé les propos de sa fille AC______.

c'.f. Le beau-frère de A______ (époux de sa soeur aînée CD______), BW______, n'avait guère connu les compagnes de A______ à l'exception de la mère de AC______. En effet, dans la culture éthiopienne, c'était surtout la première épouse que l'on présentait à la famille ; en outre, cela ne se faisait guère de parler avec la femme d'un autre homme. Il n'avait passé que très peu de temps avec A______ et E______ et n'avait à ces occasions rien observé de particulier. Par nature, il baissait les yeux devant une femme de sa communauté de sorte qu'il ne pouvait pas même évaluer son âge. Cela étant, E______ était très "disciplinée", ainsi que cela se faisait dans un couple "à l'éthiopienne".

ii. Connaissances

c'.g. CE______,qui connaissait A______ depuis 1995 ou 1996 et avait été sa petite amie durant quelques mois (cf. infra B.r'.a.), avait entendu des rumeurs, avant l'arrestation de A______, selon lesquelles il frappait et enfermait ses copines, notamment la dernière, venue de Suisse alémanique.

c'.h. BT______[11] était fâché avec A______ qui avait "gâché" sa vie en lui "piquant" E______, sa petite amie. Il était faux qu'il avait été son débiteur et avait été forcé de la rembourser. Tout cela avait été manigancé par A______.

c'.i. CC______, qui avait fait la connaissance de A______ par l'intermédiaire de BT______, a confirmé que ce dernier avait été le débiteur de E______ et que A______ avait fourni une partie de la somme remboursée. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés pour régler cette question, CC______ avait donné un coup de poing à BT______[12]. A l'époque, E______ n'était pas encore la petite amie de A______. BT______ lui avait dit qu'elle était la sienne, mais le témoin en doutait ; à tout le moins, il n'en savait rien. Ce soir-là, il avait hébergé E______ dans sa chambre, lui cédant son lit et dormant sur le sofa. Devant le MP il maintiendra ce propos, précisant qu'elle avait dormi chez sa femme et lui. Bien plus tard, il avait été invité chez A______ et E______, laquelle servait à boire et à manger et participait activement aux discussions. Il ne se souvenait pas l'avoir vue porter de vêtements sur le cou ou la tête et n'avait jamais constaté de blessures sur les parties visibles de son corps.

c'.j. CB______ avait partagé le logement de E______ à W______ durant quelques semaines. Une nuit, alors qu'elle s'y trouvait seule, un homme très agressif et très excité, qu'elle reconnaissait à 80% en la personne de A______, avait violemment frappé à la porte. Il cherchait E______ et avait fouillé tout l'appartement. Elle avait raconté cet événement à l'assistante sociale BX______ le lendemain.

c'.k. BV______ avait rencontré E______ chez AG______, qu'elle coiffait et avait ensuite été à deux reprises la coiffer à son domicile, au printemps-été 2012. Elle n'avait pas souvenir de confidences recueillies à ces occasions, étant précisé que A______ était présent la première fois mais pas la seconde. En revanche, deux ou trois mois après l'arrestation de ce dernier, E______ l'avait appelée, avait évoqué le décès de M______ et lui avait confié que sa relation avec A______ avait été malheureuse. Elle avait beaucoup enduré et souffert. A______ la battait et l'empêchait de sortir seule. Elles avaient encore eu quelques contacts par la suite, lors desquels elle avait donné les mêmes indications. E______ ne lui avait pas parlé explicitement de sévices sexuels, mais cela ne se faisait pas dans leur culture et elle avait bien pensé que les "choses" que E______ disait avoir subies pouvaient englober de tels faits. Le témoin lui avait dit d'être forte, pour l'encourager.

iii. Assistantes sociales

d'.a. Entendue le 28 mars 2014, BX______ a indiqué avoir fait la connaissance de E______ dans le courant du mois de juillet 2009, alors qu'elle travaillait au sein du CF______ (CF______) de W______ [Berne]. Elle lui était apparue comme une personne très timide, discrète, sans énergie, voire toujours triste. Bien qu'un appartement lui ait été attribué à W______, E______ passait beaucoup de temps à Genève, chez son ami A______, et omettait de venir chaque mois percevoir l'aide financière qui lui revenait.

Le 9 mars 2011, A______ lui avait téléphoné, inquiet, parce qu'il s'était disputé avec E______ et que cette dernière avait quitté son appartement en laissant un mot indiquant qu'elle retournait à W______.

Lorsqu'elle avait rendu visite à cette dernière le lendemain, BX______ n'avait trouvé que sa colocataire, CB______, qui lui avait dit avoir été réveillée en pleine nuit par un homme qui cherchait E______ et qui n'était parti qu'après s'être assuré qu'elle ne se trouvait pas dans l'appartement.

Pour sa part, s'étant rendue dans les bureaux du CF______, E______ lui avait expliqué avoir fui Genève et s'être réfugiée chez une amie à ______ [BE], au motif que son compagnon était jaloux, l'enfermait dans l'appartement et la frappait régulièrement depuis cinq mois. Le 7 mars 2011, il l'avait frappée toute la nuit et elle était parvenue à s'enfuir le lendemain, profitant du fait qu'il avait oublié de verrouiller la serrure en partant travailler. Des marques de coups étaient visibles sur son visage et à tout le moins un bras. E______ avait refusé de porter plainte, mais lui avait demandé de parler à A______ et de le prier de la laisser tranquille, car elle ne voulait plus entendre parler de lui.

Lorsque BX______ l'avait eu au téléphone, A______ avait affirmé qu'il n'était pas violent mais que E______ avait fait une "grosse bêtise" et avait demandé à pouvoir lui parler pour lui présenter des excuses.

E______ avait ensuite été transférée dans un appartement à CG______ (BE), avec effet au 1er mai 2011, afin de l'éloigner de son ex-compagnon.

d'.b. BY______ se rappelait avoir entendu, dans le bureau qu'elle partageait avec BX______, E______ se plaindre de violences de la part de son compagnon et exprimer la peur qu'elle avait de lui.

Elle s'était ensuite occupée de E______ dès son transfert à CG______ (BE), mais avait remarqué que cette dernière s'absentait souvent. Lorsqu'elle lui avait remis, le 12 mai 2011, une convocation de l'ODM en vue de son retour en Ethiopie, E______ s'était présentée dans son bureau avec A______. Elle avait ensuite été priée de quitter son appartement avec effet au 1er juin 2011, et comme elle n'avait plus donné de nouvelles, l'assistante sociale avait téléphoné à son compagnon, qui lui avait indiqué que E______ avait quitté la Suisse.

d'.c. CH______ avait fait office d'interprète lors d'un entretien entre sa collègue BX______ et E______. Cette dernière avait raconté que son compagnon, qui résidait à Genève, la battait, l'enfermait dans son appartement et l'empêchait d'avoir des contacts avec l'extérieur.

iv. Médecins

e'.a.a. A teneur d'un certificat médical du 28 octobre 2013 de la Dresse CI______, psychiatre, qui suivait E______ depuis le mois de mars 2013, la patiente présentait des troubles de stress post-traumatiques tels que des perturbations du sommeil, des cauchemars, une hébétude émotionnelle, une forte émotivité, un besoin de s'éloigner des autres, des sautes d'humeur, des sentiments de culpabilité, des états d'angoisse, une tension corporelle, des souvenirs répétés d'évènements désagréables (flash-backs), une sensation d'anhédonie, ainsi que d'apathie envers l'environnement. Elle avait très mal vécu sa confrontation avec le prévenu.

e'.a.b. Il ressort des notes de consultation de la Dresse CI______ que E______ avait indiqué, le 4 juin 2013, avoir l'impression que son vagin était "comme durci" et s'était plainte de troubles de la miction. Le 18 juillet 2013, elle s'était plainte d'indurations au vagin et à l'anus. Sa concentration et sa mémoire ne semblaient pas perturbées ; elle ne montrait pas de signes de délire, de troubles obsessionnels compulsifs, d'illusions sensorielles ou de "troubles du moi".

e'.b. Entendue le 24 septembre 2014, la Dresse CJ______, psychiatre ayant succédé à la Dresse CI______, suivait E______ depuis le 7 mars 2014. La patiente était parfaitement consciente et bien orientée ; sa mémoire, sa concentration et son attention étaient bonnes. Elles avaient eu une vingtaine d'entretiens, y compris téléphoniques, lors desquels E______ lui avait raconté avoir été maltraitée, violée et battue par son ancien compagnon, lequel l'avait également enfermée dans son appartement pendant une année. Elle lui avait montré des cicatrices au mollet droit et au dos, lui avait dit avoir été frappée avec un stylo, avoir eu les mains entravées et avoir été battue dans le dos avec un objet métallique.

E______ avait beaucoup de peine à se réjouir, très peu d'amis et manquait d'appétit. Elle avait également des flash-backs des violences qu'elle avait subies, pleurait très souvent et disait se sentir brisée, n'avoir plus confiance en elle, soit autant d'éléments qui étaient la conséquence d'un trouble de stress post-traumatique, lequel était à mettre en lien avec les faits de maltraitance subis à Genève et non avec son enfance en Afrique. Son état s'était amélioré, mais elle était loin d'être guérie et prenait encore des médicaments.

e'.c. La Dresse CK______, médecin-généraliste, suivait la partie plaignante depuis février 2013 pour des troubles du sommeil, des maux de ventre et des pertes vaginales. La patiente lui avait expliqué avoir été maltraitée, enfermée, torturée et violée - elle avait notamment évoqué plusieurs pénétrations anales, ainsi qu'une pénétration vaginale au moyen d'un déodorant - par un ami, lequel l'avait également filmée avec son téléphone portable et lui avait mis, à une occasion, la tête sous la douche afin de l'empêcher de respirer. Elle avait montré des cicatrices causées par ce dernier sur sa jambe gauche, sa fesse droite et son dos. E______ avait présenté quatre infections de la vessie dans le courant de l'année 2014 et se plaignait régulièrement de douleurs au ventre et au dos.

e'.d. Selon le certificat médical du 20 juin 2013 de la Dresse CL______, gynécologue, E______ avait été vue en consultation les 12 et 20 juin 2013 en raison d'un inconfort génital. La patiente, qui avait relaté avoir régulièrement subi des sévices sexuels, soit en particulier des relations anales imposées de force, présentait une hypertonie du plancher pelvien, correspondant à une tension de la musculature de cette zone, laquelle était à mettre en relation avec les violences subies.

e. Examen physique

f'. A teneur du rapport d'examen physique effectué par le CURML le 24 mars 2014, E______ présentait des cicatrices anciennes de la région paramédiane droite du tiers moyen du dos et de la région scapulaire droite inférieure, ainsi qu'une cicatrice ancienne du genou gauche, lésions chronologiquement compatibles avec les faits dénoncés. Vu le temps écoulé, il n'était pas possible d'être précis quant à leur origine, mais les lésions du dos étaient compatibles avec des coups de stylo ayant entraîné des plaies saignantes et la cicatrice au niveau du genou gauche était compatible avec une lésion provoquée par un objet contondant métallique. Des dépigmentations avaient été constatées sur sa fesse droite qui évoquaient plutôt des lésions dermatologiques, mais il ne pouvait pas être exclu qu'elles aient été provoquées par des morsures ou des coups d'ongle.

f. Images et téléphonie

g'. Un film à caractère pornographique, d'une durée de 14 minutes, mettant en scène le prévenu et E______, tourné apparemment le 16 avril 2011 (41'095), a été extrait du ______ [téléphone portable] de A______. Durant une première partie, E______, à moitié nue, prodigue une fellation à A______ puis elle achève de se dévêtir et il saisit un pot de vaseline, qu'il applique avant de la pénétrer analement. E______ paraît consentante, et même active durant la première partie ; il n'y a aucun signe de contrainte ni de marques de coups visibles. La traduction des quelques propos audibles de l'intéressée ne contredit pas cette impression.

Il n'a pas été trouvé de vidéos de fellation ou sodomie sous la contrainte, que ce soit dans les téléphones portables du prévenu ou sa caméra ______ [marque de l'appareil].

h'. De cet appareil a en revanche été extraite une vidéo datée du 4 janvier 2012, sur laquelle on voit notamment A______, ses filles et BU______ fêter l'anniversaire de Z______. A la minute 12'' E______ apparaît, a proximité d'un service à café posé à même le sol. Elle porte un foulard vert autour de la tête et tient dans ses mains une écharpe blanche enroulée, qu'elle défait. Lorsque l'image revient sur elle, l'écharpe blanche est posée autour de son cou et elle s'affaire à préparer le café. Plus tard dans la journée ou soirée, elle est à table, parmi les autres personnes présentes réunies autour d'un repas. Elle porte toujours le foulard vert sur la tête et le tissu blanc autour du cou.

i'. L'analyse des rétroactifs téléphoniques montre qu'entre le 12 et le 25 août 2012, le seul interlocuteur de E______ ([numéro de portable] 7______) était A______ ([numéro de portable] 8______). Sur cette période, il l'a appelée ou a tenté de l'appeler à 101 reprises. Le téléphone portable de E______ était toujours localisé au domicile de V______ (GE) ou à proximité immédiate.

4.N______

a. Déclarations de la victime alléguée

j'.a.N______ a été entendue par la police le 19 février 2013, à la demande de K______, suite aux déclarations de Y______ (infra B.l'.a.)[13].

Elle avait rencontré A______ lorsqu'elle travaillait au restaurant AH______. Ils avaient habité ensemble dans l'appartement de V______ (GE) dès fin 2006, pendant environ un an et huit mois. Il s'était montré très gentil au début de leur relation, mais après quelques mois, vers mars ou avril 2007, son comportement avait changé : il avait voulu qu'elle devienne "son esclave" et avait commencé à lui imposer sa volonté, exigeant même qu'elle ne mange que lorsqu'il l'autorisait. Si elle résistait, il lui donnait des coups de poing sur tout le corps et des gifles sur le visage. Elle avait eu des hématomes sur les bras et la poitrine mais ne les avait jamais fait constater par un médecin. Un jour, il lui avait tiré les cheveux et les avait brûlés avec un briquet ; il s'en était excusé par la suite. Il l'avait également menacée de lui ôter ses cheveux avec de la crème dépilatoire et de lui jeter de l'acide au visage. Il l'insultait, utilisant des expressions typiquement éthiopiennes, pour la traiter de "fille de pauvres", de boniche.

Il se mettait en colère et la frappait parce qu'il était jaloux ou lorsqu'elle ne lui obéissait pas. Il exigeait d'entendre ses conversations téléphoniques, lui interdisait de répondre à son téléphone en son absence, consultait le journal d'appels de son téléphone et vérifiait ses factures pour s'assurer de son obéissance. Elle n'avait pas le droit de communiquer avec d'autres personnes que lui, devait répondre au téléphone à chaque fois qu'il l'appelait et se rendre disponible en tout temps. Il l'accompagnait partout, notamment sur son lieu de travail. Il lui arrivait de l'enfermer dans l'appartement lorsqu'il était fâché contre elle. En dehors de ces moments, elle avait un double des clefs.

La plupart du temps, ils avaient des rapports sexuels quand il en avait envie. Il était excité lorsqu'il venait de l'insulter et qu'elle pleurait. Il la forçait alors à avoir des relations intimes contre sa volonté, la prenant par les cheveux ou par la gorge, allant presque jusqu'à l'étrangler, la frappant, repoussant ses bras croisés sur sa poitrine et écartant ses jambes pour la pénétrer. Il ne l'écoutait pas, même lorsqu'elle disait qu'elle souffrait, et elle n'avait pas assez de force physique pour se défendre. Il s'excusait toujours après l'acte. Elle n'arrivait pas à quantifier le nombre de rapports forcés, étant précisé qu'ils avaient également des relations sexuelles consenties.

Il l'avait prise par la gorge à une reprise, pour l'empêcher de bouger ; elle avait eu mal mais avait réussi à respirer. A une autre reprise, il avait mis une cravate autour de son cou sans son accord. Il n'avait pas utilisé d'autres objets dans le cadre de ces relations intimes forcées. Il avait voulu la sodomiser plusieurs fois, mais elle avait toujours refusé et il ne l'y avait pas forcée. Il lui avait également demandé à plusieurs reprises de lui prodiguer une fellation, ce qu'elle avait accepté à une occasion. Il avait encore demandé de pouvoir filmer leurs ébats sexuels, mais elle n'était pas d'accord et il y avait renoncé. Il lui était arrivé de lui déchirer ses vêtements.

Il l'avait aussi obligée à regarder des films violents, notamment des scènes de meurtre, de mutilation et de torture. Elle avait souvent voulu mettre fin à leur relation mais il la menaçait de lui jeter de l'acide au visage. En outre, il lui avait affirmé qu'il avait tué quelqu'un en Ethiopie, qu'il s'était rendu dans le logement d'une amie de sa première épouse, CM______, dans l'intention de la tuer en l'étranglant avec une corde, car ladite amie était à l'origine de leur rupture, mais avait dû renoncer à son projet en raison de l'arrivée d'un tiers, et qu'il voulait tuer le mari de cette femme, prénommé CN______, avec lequel il s'était battu[14] Elle avait donc très peur de A______.

Un jour, A______ l'avait emmenée dans un lieu, au quartier des ______ (GE), où un Somalien lui avait prodigué une fellation. Le prévenu souhaitait entretenir une relation sexuelle à trois. Elle lui avait dit qu'elle ne pouvait pas accepter une chose pareille et qu'elle allait le quitter. Ils s'étaient disputés mais elle avait tenu bon, le menaçant de raconter cet épisode à la communauté éthiopienne. Elle avait quitté l'appartement de V______ (GE) dans les heures qui avaient suivi.

Elle n'avait parlé à personne des violences subies de la part de A______.

N______ a par ailleurs affirmé que A______ battait ses enfants, en les frappant avec une chaussure.

j'.b. Devant le MP, N______ a réitéré et confirmé ses précédentes déclarations, si ce n'est qu'elle n'avait plus le souvenir d'avoir eu des hématomes sur la poitrine et les bras, mais bien au niveau du cou, suite à l'épisode de la cravate. A la réflexion, elle avait peut-être bien eu un hématome après avoir reçu un coup de pied dans la poitrine.

Elle avait eu une relation avec un Nigérian avant de rencontrer le prévenu. Elle a relaté que son premier rapport sexuel avec A______ n'avait pas été consenti. Il l'avait raccompagnée chez elle un soir et avait voulu monter mais elle avait refusé. Il l'avait d'abord embrassée de force alors qu'ils étaient dans la voiture, dans le parking puis, comme des personnes passaient, il avait roulé à proximité d'un cimetière et avait recommencé de s'imposer. Elle avait dit qu'elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle et il avait rétorqué qu'il n'était pas nécessaire de faire davantage connaissance pour cela. Tandis qu'elle tentait de le repousser, il avait remonté sa jupe et écarté son string, ouvert son propre pantalon, renversé le siège passager sur lequel elle était assise, utilisé sa salive comme lubrifiant et l'avait pénétrée vaginalement avec son sexe. Il n'y avait certes pas eu de "lutte physique" mais elle n'en avait pas moins clairement marqué une résistance, par le geste et la parole. Après l'acte, il lui avait dit qu'il n'avait pas voulu la forcer et avait présenté des excuses, de sorte qu'ils s'étaient réconciliés. Ils avaient donc continué de se fréquenter, se mettant peu à peu en ménage en ce sens qu'elle s'était installée dans son appartement de V______ (GE). A______ s'était montré très gentil, même s'il imposait des limites à ses contacts avec des amis ou des tiers et l'appelait sans cesse sur son lieu de travail, où il lui demandait parfois même de garder la ligne ouverte afin de pouvoir entendre ses échanges. Elle réprouvait ces exigences mais s'y était pliée, pensant qu'il finirait par y renoncer et parce qu'il lui avait expliqué qu'il avait beaucoup souffert lors de ses précédentes relations. Durant six à sept mois, les rapports sexuels avaient été consentis. Ce n'est qu'à compter du mois de mars ou avril 2007 que des disputes avaient commencé, parce qu'elle n'avait plus voulu se soumettre entièrement à sa volonté. Elle avait commencé par refuser de mettre le haut-parleur lorsqu'elle recevait des appels et à vouloir sortir sans lui. Les violences physiques et sexuelles avaient alors commencé, étant précisé qu'il y avait aussi eu des rapports consentis durant cette seconde période. Elle ne se souvenait pas qu'il lui eût imposé des fellations, pas davantage que des actes de sodomie et elle ne pensait pas qu'il avait filmé leurs ébats tout en ne pouvant l'exclure car il lui arrivait de la menacer en faisant allusion à ce qu'il avait enregistré sur son téléphone portable. Il aimait bien avoir des rapports sexuels après lui avoir fait peur, l'avoir menacée ou l'avoir frappée écartant de force ses jambes et utilisant sa salive comme lubrifiant.N______ avait pu adopter certaines positions ou céder à certains mouvements pour éviter des conflits, par exemple lors de l'épisode précité de la cravate.

En ce qui concerne son statut administratif, N______ avait obtenu un permis provisoire de requérante d'asile à son arrivée en Suisse en 2004 et avait été placée dans un Foyer à V______ (GE). Sa requête d'asile avait été rejetée alors qu'elle était en couple avec A______. Il lui avait promis qu'elle obtiendrait un permis de séjour si elle restait avec lui mais elle n'y avait pas cru et ce n'était pas dans cet espoir qu'elle n'avait pas rompu. Elle travaillait au restaurant AH______ sur appel, en moyenne deux à trois fois par semaine, durant quatre à cinq heures.

j'.c. N______ n'a pas souhaité se porter partie plaignante, disant à la police avoir "mis cette affaire dans les mains de Dieu".

b. Délarations de A______

k'. Entendu par le MP le 12 août 2013, A______ a contesté l'intégralité des actes reprochés par N______.

Il a confirmé avoir fait sa connaissance au restaurant AH______ et avoir vécu avec elle durant une année et quelques mois, en 2007 et 2008. Un soir, il l'avait raccompagnée en voiture dans son Foyer mais n'avait pas pu y entrer en raison de l'heure tardive. Ils s'étaient alors garés sur un parking et avaient eu un rapport sexuel consenti sur la banquette arrière de la voiture. Il était sûr que N______ n'avait pas manifesté d'opposition. Il n'avait pas utilisé de préservatif et elle n'avait pas protesté. Ils avaient ensuite parlé gentiment ensemble, et il l'avait déposée chez elle.

A ses yeux, sa relation avec N______ s'était déroulée de façon normale et harmonieuse, sous réserve de quelques disputes. Elle n'avait pas dégénéré. Ils s'étaient séparés car elle avait organisé leur mariage dans son dos, ce qui l'avait énervé.

Il a contesté l'avoir frappée ; ils avaient peut-être eu un ou deux accrochages, mais jamais d'empoignades physiques. Il a admis l'avoir insultée vers la fin de leur relation. Un jour, il avait pris un briquet et en avait approché la flamme de ses cheveux, en présence de sa fille AC______, mais c'était une plaisanterie et il avait immédiatement éteint le feu qui avait pris.

A une reprise, ils avaient regardé un film d'horreur chez N______, mais ils n'en avaient jamais visionné chez lui et il ne possédait pas de films de ce genre. Il n'était pas jaloux mais voulait éviter "certaines choses qui ne se font pas au sein d'un couple". Il ne l'avait jamais forcée à entretenir des rapports sexuels avec lui ; elle était toujours consentante et ils s'entendaient bien sur ce plan. Il a contesté avoir eu des contacts de nature sexuelle avec un Somalien.

c. Déclarations pertinentes de témoins

l'.a. Y______ avait à une reprise dû aller chercher ses filles chez leur père, à la demande de celui-ci, qui avait expliqué s'être disputé avec N______. Les enfants lui avaient ensuite expliqué que A______ et N______ s'étaient "disputés et bagarrés", soit qu'ils "s'étaient échangés des coups", N______ étant "une femme forte" selon le témoin.

l'.b. Z______ a raconté qu'un jour son père s'était fâché contre N______ et lui avait dit qu'elle était "stupide", ce à quoi elle avait répondu "toi-même". A______, qui n'aimait pas qu'on lui réponde et voulait toujours avoir raison, s'était précipité depuis la salle de bains et avait donné un coup de pied sur le canapé. N______ s'était énervée et était partie.

La jeune fille a par ailleurs mentionné que parfois A______ frappait ses enfants avec une chaussure, sur les fesses, mais "pas fort".

l'.c. AA______ se souvenait d'une dispute entre son père et N______. Ils s'étaient "criés dessus" et son père avait couru dans le salon depuis le corridor, où il mettait ses chaussures, avant de sauter sur la jeune femme, qui était assise sur le canapé.

l'.d. AO______ a rapporté que N______ lui avait dit s'être battue avec A______, sans lui donner plus de détails.

l'.e. N______ avait été suivie par un psychiatre, le Dr CO______, à raison de sept à neuf consultations annuelles de 2005 à 2007, une en 2008 et en 2009, cinq en 2011 et deux en 2012. Au début du suivi, elle présentait une symptomatologie floride de dépression et anxieuse liée à un stress post-traumatique. Elle avait dû fuir son pays après avoir été violée et agressée par ses employeurs, des "dignitaires", laissant sur place sa fillette et sa mère. Lorsqu'il avait été question de son renvoi, elle avait dit "plutôt mourir". Installée dans le foyer X______, elle s'était trouvée isolée mais avait fait des efforts de socialisation. Elle avait noué une relation sentimentale avec un Nigérian qui s'était révélé violent, très jaloux et qui l'empêchait de sortir, exerçant une forme de coercition, soit de pression morale. Elle avait notamment décrit un épisode d'étranglement, qu'elle avait fait constater par certificat médical. Le 9 janvier 2007, elle avait relaté s'être réveillée le lendemain de Noël aux côtés d'un inconnu, Ethiopien et Suisse, marié qui semblait avoir plein de problèmes. Elle s'était mise en colère et avait crié. A cette période il était question d'une consommation excessive d'alcool. Au mois d'août 2007, elle avait évoqué son désir de quitter son ami, qui n'était pas "fiable" et était jaloux, au point qu'il l'avait contrainte de changer de raccordement.

Globalement, la prise en charge avait été extrêmement difficile. Il y avait constamment des éléments nouveaux, très chaotiques ou confus.

Le Dr CO______ a remis à la police divers rapports qu'il avait été amené à rédiger et qui font état, pour certains, de difficultés de N______ à évoquer les évènements traumatiques à l'origine de sa fuite du pays ou de restitution confuse, peu fiable voire contradictoire du déroulement et de l'enchaînement desdits évènements.

5. O______

a. Déclarations de la victime alléguée

i. Circonstances de son audition

m'.a. O______ a pu être entendue, à CP______ (Ethiopie), par voie de commission rogatoire, le 10 mai 2016, après que K______ eut communiqué le numéro de téléphone en Ethiopie de son époux, et que l'interprète qui avait officié lors des auditions de E______ et de N______ l'eut appelée, à la demande de la police.

Etaient présents à CP______, la procureure genevoise et sa greffière, deux inspecteurs de police, l'interprète précitée, une procureure locale ainsi que le directeur de l'Unité de coopération judiciaire éthiopienne, le défenseur d'office de A______ et sa collaboratrice. En revanche, A______ n'avait pu être déplacé, car, selon une note au procès-verbal de la procureure genevoise, il risquait d'être arrêté dans son pays, où il était passible de la peine de mort.

L'audition a commencé à 09h48 et a été interrompue à 15h28 pour permettre à l'avocat du prévenu de téléphoner à son client à la prison de CQ______ (GE). Après s'être entretenu avec lui durant 45 minutes, le conseil du prévenu a interrogé O______ de 16h43 à 18h30.

m'.b. Pour O______, interrogée sur ce qu'elle savait des motifs de son audition, A______ avait tué quelqu'un, information qu'elle avait reçue d'une connaissance croisée à l'église. Cette personne - apparemment un homme, O______ utilisant le pronom "il" -, dont elle ne souhaitait pas donner le nom car elle ne la connaissait guère, lui avait dit qu'elle avait de la chance d'être toujours en vie. L'interprète l'avait appelée et lui avait dit que la police voulait l'entendre comme témoin et que A______ était en prison. Elle avait répondu qu'elle ne pouvait se déplacer, car elle avait des enfants. Elle avait également mentionné qu'elle avait été "victimisée" mais son interlocutrice l'avait interrompue, disant qu'elle ne pouvait faire des déclarations par téléphone. Par la suite, elle avait encore reçu des informations d'une amie de Y______, également croisée par hasard, mais savait uniquement que son ex-époux était détenu. Par ailleurs, elle avait été contactée par une soeur de A______, domiciliée en Ethiopie, qui l'avait suppliée de ne dire que du bien de lui. Les noms de E______ et de K______ ne lui disaient rien.

ii. Début de la relation

m'.c. Elle avait rencontré A______ en Ethiopie où il était venu de Suisse pour la rencontrer. Il lui avait proposé de l'épouser. Ils s'étaient fréquentés durant un mois en Ethiopie, puis il était retourné en Suisse pendant quelques mois et avait effectué les démarches en vue du mariage avant qu'elle ne le rejoigne et n'emménage chez lui. Ils avaient eu des rapports sexuels consentis durant son séjour en Ethiopie. Il était alors gentil. A son arrivée en Suisse, une autre femme vivait dans l'appartement et il l'avait chassée, O______ prenant sa place, sans comprendre cette situation. Le mariage avait été prononcé le _______ 2004. Si elle était amoureuse de A______ lors de son arrivée, elle ne s'était mariée que par peur.

iii. Isolement et menaces

m'.d. A son arrivée, elle ne parlait ni français, ni anglais, de sorte que A______ lui servait d'interprète. Elle ne connaissait personne à Genève. Durant toute la durée de leur relation, elle n'était pratiquement jamais sortie de l'appartement de V______ (GE), sauf en sa compagnie. Il agissait ainsi parce qu'il était jaloux. Lorsqu'il sortait, il fermait la porte à clef sans lui laisser de double. Après le prononcé du mariage, il avait refusé de lui rendre son passeport. Elle avait accepté cette situation, pensant qu'il avait peur qu'elle ne s'enfuie. Il prenait tout l'argent qu'elle recevait de l'aide sociale ; elle n'y avait pas accès.

Il n'y avait pas de téléphone fixe dans l'appartement de V______ (GE). Elle ne pouvait contacter sa famille qu'avec le téléphone portable du prévenu et en sa présence.

A______ l'insultait ("pute", "nique ta mère") et la menaçait de la tuer, de la frapper ou encore de lui faire retirer son permis B. Elle n'avait pas véritablement cru qu'il avait l'intention de la tuer mais bien qu'elle pourrait mourir sous ses coups.

Elle s'était rendue en Ethiopie à quatre reprises entre 2004 et 2006 avec A______ mais même à ces occasions, il était constamment auprès d'elle de sorte qu'elle n'avait pas eu la possibilité de se confier à sa famille. Il l'avait mise en garde à cet égard et elle avait aussi peur que ses proches ne la soutiennent pas et lui disent de se débrouiller, dès lors qu'elle avait fait le choix de partir avec lui.

iv. Violences physiques

m'.e. A______ l'avait battue pendant toute la durée de leur relation, y compris avant le mariage. Il lui donnait des coups de poing et de pied, sans raison, notamment au visage, lui causant parfois des saignements. Il fallait qu'elle présente des excuses afin qu'il cesse, alors même qu'elle ignorait pourquoi elle devait demander pardon. Néanmois, si elle pleurait et lui demandait d'arrêter, il la laissait tranquille. A plusieurs reprises, elle s'était sentie tellement opprimée qu'elle avait quitté l'appartement, mais à son retour, il l'avait frappée de plus belle pour la punir. Les épisodes de violence intervenaient environ deux fois par semaine. Il n'utilisait pas d'objets, ni ne l'attachait ; en revanche, il avait essayé de l'étrangler et il la tenait par le cou lorsqu'il la frappait. Il lui tirait les cheveux, dont des mèches restaient parfois dans ses mains.

AO______ avait vu des marques sur son visage, notamment sur son nez et sa pommette, et avait vu A______ la frapper. Un jour, après qu'elle avait été battue, il était intervenu et l'avait emmenée chez BU______, où elle avait passé deux nuits.

Elle n'avait jamais consulté de médecin suite aux coups reçus et A______ ne la laissait sortir que lorsque les marques avaient disparu. Une trace de coup sur sa pommette droite était toutefois visible sur la photographie de son permis B, marque qui n'apparaissait pas sur la photographie dans le passeport, datant d'avant les faits, selon une note de la procureure.

A une reprise, elle avait réussi à s'enfuir et avait emprunté un téléphone portable pour appeler son cousin CR______, auquel elle avait dit que A______ la frappait. Son cousin était venu la voir depuis l'Allemagne, mais le prévenu avait réussi à le convaincre qu'il ne recommencerait plus. Il lui avait rendu ses papiers d'identité, qu'il avait toutefois repris après le départ de CR______. A______ et elle s'étaient ensuite rendus chez ce cousin du 23 au 27 décembre 2005 lui présenter ses excuses mais il les avait refusées, ne comprenant pas comment elle pouvait continuer de vivre avec un tel homme et n'acceptant pas qu'elle ait changé d'avis après l'avoir appelé à l'aide.

v. Violences sexuelles

m'.f. A______ lui imposait de faire tout ce qu'il voulait sur le plan sexuel, notamment ce qu'il voyait dans des films pornographiques. Si elle refusait ou s'il n'était pas satisfait, il la frappait et l'insultait durant l'acte.

Un jour, il l'avait forcée à insérer deux bougies dans le vagin et elle avait beaucoup souffert. Il lui imposait la sodomie, pratique qu'elle n'acceptait pas mais que lui appréciait. Elle se défendait et le repoussait, mais il lui tenait les deux mains dans le dos pour l'empêcher de bouger. Elle avait fini par se laisser faire, sachant que dans le cas contraire, il la frapperait. Il la forçait également à lui prodiguer des fellations. Il ne faisait pas les choses "avec amour", mais de façon abrupte, par exemple en la poussant pour la faire changer de position. Il utilisait sa force physique pour la forcer à accepter ces relations sexuelles. Cela étant, après l'avoir battue, il ne demandait en principe pas de rapport sexuel et il ne l'avait pas menacée de filmer leurs ébats et de diffuser ces images.

Les rapports sexuels intervenus en Ethiopie avant le mariage n'avaient pas eu lieu sous la contrainte, au contraire de ceux qu'ils avaient eus en Suisse et qui lui avaient tous été imposés dès son arrivée, étant rappelé qu'elle n'avait pas été contente de trouver une autre femme dans l'appartement.

vi. Fin de la relation

m'.g. A un moment donné, elle était tombée enceinte et A______ avait voulu qu'elle avorte, ce qu'elle avait fait le 21 février 2005. O______ a refusé d'indiquer si dans ce contexte elle avait appris qu'elle était porteuse du virus HIV mais a nié que ses "problèmes de couple" fussent liés à un problème de santé.

Vers la fin de leur relation, elle avait demandé à son époux de lui rendre son passeport et il avait fini par accepter. Elle avait également suivi des cours de français auxquels son assistante sociale l'avait inscrite. A ce moment-là, A______ l'avait laissée sortir seule et prendre les transports publics. Ce changement était arrivé grâce à l'intervention de AO______.

Elle avait obtenu un téléphone portable après que sa soeur eut insisté en ce sens auprès du prévenu. Cependant, il gérait le crédit de ce téléphone, de sorte qu'en général elle pouvait uniquement recevoir des appels.

Elle avait finalement réussi à se faire envoyer de l'argent par sa soeur et acheter un billet d'avion pour l'Ethiopie.

Elle n'avait pas de séquelles physiques ou psychologiques des violences subies.

b. Déclarations de A______

n'. Entendu par la police le 2 juin 2016, A______ a refusé de s'exprimer, considérant que ses droits de procédure avaient été violés lors de la commission rogatoire internationale.

A l'occasion d'une seconde déposition en date du 19 septembre 2016, il a contesté l'intégralité des accusations portées à son encontre par O______.

Il a confirmé l'avoir connue en Ethiopie, fin 2002 ou début 2003, par le biais d'une amie. Ils avaient entretenu une relation intime durant un mois, puis il était rentré en Suisse et ils avaient gardé contact. Plus tard, ils avaient évoqué l'idée qu'elle le rejoigne. Il avait entrepris les démarches nécessaires en Suisse et elle était arrivée quelques mois avant la date de leur mariage, qu'ils avaient également célébré en Ethiopie. Il n'était pas en couple à Genève, durant la période qui avait précédé son arrivée.

Tout s'était bien passé durant les premiers mois de vie commune. Ils passaient la plus grande partie de leur temps dans l'appartement de V______ (GE). O______ ne connaissait personne en Suisse mais ils se rendaient ensemble chez BU______ et chez AO______, et elle se promenait parfois seule dans le quartier. Il lui avait présenté des amis mais elle ne les voyait jamais seule.

Il a nié l'avoir enfermée dans l'appartement, affirmant qu'elle disposait d'une clef. Son passeport était rangé dans une armoire et elle pouvait le récupérer en tout temps. Certes, la police avait retrouvé son permis B à la cave, mais il y rangeait les papiers échus, notamment ceux de ses enfants. Il n'y avait pas de téléphone fixe dans l'appartement et il lui avait acheté un téléphone portable quelques mois après son arrivée, pour pouvoir être en contact avec elle lorsqu'il travaillait ; la soeur de O______ n'avait jamais dû intervenir à ce sujet.

Elle avait brièvement travaillé en qualité de nettoyeuse et son salaire lui avait été versé sur son propre compte bancaire. Ils percevaient tous deux l'aide sociale. O______ parlait anglais et s'était entretenue seule avec un médecin à une reprise.

Leurs relations sexuelles étaient tout à fait normales et avaient lieu à l'initiative de l'un comme de l'autre. La fellation était une pratique normale dans leur couple et O______ l'acceptait ; il n'était pas certain d'avoir pratiqué la sodomie avec elle.

Il n'avait jamais vu d'hématomes ou de traces de coups sur son corps.

Elle était tombée enceinte environ une année après le mariage, mais il était trop tôt pour fonder une famille de sorte qu'ils avaient décidé d'interrompre la grossesse. Suite à cet avortement, elle avait appris qu'elle était séropositive. Le soir même, elle avait quitté l'appartement et avait passé deux nuits dans un Foyer. Il l'avait ensuite retrouvée et ils étaient rentrés ensemble au domicile conjugal.

Depuis ce moment, O______ avait brutalement changé de comportement. Elle lui avait rendu la vie impossible, lui reprochant d'avoir eu la chance d'avoir des enfants. Ils s'étaient disputés à plusieurs reprises. Un jour, ils s'étaient battus et elle avait saigné du nez suite à un coup. AO______ l'avait emmenée en voiture chez BU______, où elle était restée durant deux jours puis son frère les avait réconciliés.

Elle avait commencé une trithérapie, début 2005. Ils avaient continué à avoir des rapports intimes, mais il ne se sentait pas libre et devait faire attention. Il s'occupait beaucoup d'elle et estimait avoir fait tout son possible, mais elle était devenue invivable. Il avait compris qu'elle allait partir et avait décidé de ne pas l'en empêcher. Après leur rupture, ils avaient eu un ou deux contacts téléphoniques amicaux. Il avait entrepris une procédure de divorce après lui avoir laissé la possibilité de revenir, notamment pour poursuivre son traitement médical.

n'. Devant le MP, A______ a confirmé que O______ était arrivée à Genève le 2 février 2004, qu'ils s'étaient mariés le ______ 2004 et qu'elle avait quitté le domicile conjugal, à la fin 2006 ou en janvier 2007. Elle avait des contacts réguliers avec sa soeur, qui vivait à ______ (Grande-Bretagne) et son cousin, domicilié en Allemagne.

Ils dépendaient tous deux de l'aide sociale, recevant un montant unique, sur son compte, auquel elle n'avait pas accès. Elle avait cependant travaillé un peu, durant deux semaines, effectuant un remplacement et avait reçu son salaire sur son propre compte, sur lequel elle n'avait pas d'autres avoirs à sa connaissance.

Il ne l'avait jamais contrainte à entretenir des rapports sexuels et ils n'avaient jamais utilisé d'objets durant leurs ébats, notamment pas des bougies. Il n'y avait pas eu de sodomie mais, possiblement, des fellations, soit une pratique qui n'était pas tolérée dans la communauté éthiopienne, ce que tout le monde savait, disait mais faisait néanmoins.

Il admettait l'avoir frappée à une seule reprise et lui avoir causé un saignement au nez, lors d'une dispute survenue après l'annonce de sa séropositivité.

Il était vrai que O______, E______ et N______ disaient la même chose, il n'y avait que le nom qui changeait, ce qu'il ne s'expliquait pas. En fait, il avait une petite idée, en lien avec le fait que l'interprète avait contacté O______ avant son audition.

c. Déclarations pertinentes de témoins

p'.a. Z______ a expliqué que O______ restait à la maison et préparaît à manger. Un jour, son père et elle s'étaient violemment disputés et il avait eu des gestes agressifs. Elle avait vu son père appuyer la tête de O______ contre un mur et lever la main comme pour la gifler.

p'.b. Alors même qu'il avait précédemment uniquement indiqué qu'il connaissait O______ sans donner davantage de détails, AO______ a concédé, réentendu par la police expressément sur les faits relatés par son ex-belle-soeur, qu'un jour, alors qu'il se trouvait chez son frère, il avait vu la jeune femme sortir des toilettes en tenant un mouchoir ensanglanté près de son nez. Il avait compris que les conjoints avaient dû se disputer et "n'était pas resté longtemps". Alors qu'il repassait devant l'immeuble en voiture, O______ l'avait arrêté et était montée dans son véhicule ; elle lui avait dit que A______ l'avait frappée et il lui avait proposé de l'emmener à la police, mais elle avait refusé et lui avait demandé de la déposer aux ______ (GE), près d'une cabine téléphonique et d'un Foyer. Elle était en colère. Il n'avait pas constaté d'autres blessures que son nez qui saignait. Deux jours plus tard, elle lui avait demandé de la raccompagner à V______ (GE), ce qu'il avait fait, sans entrer dans l'appartement. AO______ a contesté avoir emmené O______ chez BU______ ou être intervenu en sa faveur auprès de A______. Il n'avait pas assisté à d'autres scènes, ni constaté de traces de coups sur le corps de O______ alors même qu'il rendait visite à son frère un samedi sur deux. Il l'a décrite comme quelqu'un de souriant, qui communiquait facilement, précisant ne pas avoir eu l'occasion de parler avec elle en aparté.

p'.c. BU______ a affirmé n'avoir rencontré qu'une seule fois O______, après son mariage avec son frère. Elle a contesté l'avoir hébergée durant deux nuits après une dispute avec A______.

p'.d. CS______, une amie de A______ depuis 2004, avait rencontré O______ dans l'appartement de V______ (GE), deux mois après son arrivée en Suisse selon ce que le prévenu lui avait dit. A cette occasion, elle avait remarqué trois taches de couleur bleu-vert, de la grandeur d'une pièce de CHF 5.-, sur le bras droit de O______, qu'elle avait interrogée, A______ s'étant absenté, et qui lui avait dit que celui-ci la frappait. Le témoin soupçonnait le prévenu de s'être absenté pour se rendre chez elle et lui dérober de l'argent. Par la suite, elle avait vu O______ à une reprise dans la rue, suivie par le prévenu qui se cachait derrière un bâtiment. Celui-ci lui avait d'ailleurs confié qu'il imposait à son épouse de rester dans leur appartement car il ne voulait pas qu'elle voie d'autres Ethiopiens.

En 2007, CT______ lui avait dit que A______ frappait toujours O______ et l'enfermait dans son appartement. Par la suite, elle avait appris de celui-ci qu'elle était retournée en Ethiopie.

Le témoin connaissait N______, CU______ et Y______ comme d'anciennes partenaires de A______. Aucune ne s'était plainte de lui.

p'e. BT______ avait fréquenté A______ du temps où il était en couple avec O______. Lors de sa dernière rencontre avec la jeune femme, celle-ci pleurait.

p'.f. K______,qui avait par ailleurs officié en qualité de traducteur le jour du mariage de A______ et O______ et de ce fait assisté à l'esclandre causé par Y______, avait croisé à une reprise O______ dans un centre commercial. Comme elle avait un oeil au beurre noir, il l'avait interpellée et elle lui avait dit que A______ l'avait frappée.

p'.g. CR______, le cousin de O______, a été entendu sur commission rogatoire internationale en Allemagne le 19 décembre 2017. Un jour, sa cousine l'avait contacté depuis une cabine téléphonique à Genève et lui avait dit que A______ la frappait et qu'elle n'avait ni argent, ni téléphone. Il lui avait conseillé de se rendre à la police mais elle avait répondu qu'elle ne pouvait pas car elle ne parlait pas français. Il lui avait alors dit de retourner chez A______ et de lui dire de le contacter, mais elle avait raccroché. Plusieurs semaines plus tard, elle l'avait rappelé depuis une cabine et lui avait dit que A______ ne la frappait plus et qu'elle réfléchissait. Il lui avait conseillé de rentrer en Ethiopie mais elle ne pouvait pas, car elle ne trouvait pas son passeport. Il était donc finalement venu à Genève, au mois d'août 2005, quand bien même A______ l'avait contacté et lui avait parlé de manière très douce et polie. O______ avait un bleu sur le côté droit du front, qu'elle essayait de dissimuler avec ses cheveux. Il avait ordonné à A______ de rendre son passeport à sa cousine, menaçant de le dénoncer à la police ; ce dernier avait répondu qu'il ne l'avait jamais caché, ce que O______ avait confirmé. A______ lui avait demandé de leur laisser une chance et sa cousine lui avait promis qu'ils s'étaient réconciliés, de sorte qu'il avait respecté sa décision.

Il aurait voulu qu'elle rentre en Ethiopie car elle n'était pas en mesure de se défendre, ne maîtrisait pas le français, était isolée et avait peu de contacts avec sa famille et ses amis. En outre, elle lui avait dit que quand ils se disputaient, son époux l'enfermait dans l'appartement.

Après cet événement, O______ ne lui avait plus parlé de ses problèmes et il avait cessé de s'inquiéter.

p'.h. Selon elle, Y______ avait mis fin à sa relation avec le prévenu lorsqu'elle avait appris qu'il avait rencontré une autre femme au cours de son séjour en Ethiopie. Alors que celle-ci, soit O______ était déjà arrivée chez lui, il avait néanmoins proposé à Y______ de retourner vivre avec lui, disant que O______ était là pour déposer une demande d'asile. Or, Y______ avait appris qu'ils allaient se marier. Elle s'était donc rendue à la cérémonie pour mettre la fiancée en garde et avait notamment révélé la proposition que A______ venait de lui faire.

d. Renseignements médicaux obtenus des HUG

q'.a. Il résulte de son dossier auprès des HUG que O______ a subi une interruption volontaire de grossesse le 21 février 2005, expliquant qu'elle ne pouvait affronter une grossesse en l'état, devant s'intégrer à Genève. Il s'agissait d'une décision du couple, l'époux étant présent lors de la consultation pour faire office d'interprète.

Selon les notes manuscrites prises lors d'une consultation ambulatoire du 30 mars 2005 à l'Unité ______, il lui avait été annoncé qu'elle était séropositive puis une discussion avait eu lieu avec le couple.

q'.b. Selon un rapport d'analyses du 23 février 2016, confirmé par courrier des HUG du 15 juin 2017 au MP, A______ est HIV négatif.

6. Eléments communs à plusieurs complexes de fait

a. Comportement de A______ à l'égard de ses partenaires

r'.a. Selon CE______,A______ n'avait pas été fidèle durant leur relation, mais il ne l'avait pas violentée physiquement. Cela étant, lorsqu'il était contrarié, il s'énervait beaucoup, au point de jeter des assiettes par terre ou de sortir en claquant la porte. Ils avaient des rapports sexuels lorsqu'il en avait envie, qu'elle le veuille ou non, à savoir à chaque fois qu'ils se voyaient et jusqu'à trois ou quatre fois par jour. Lors de ces rapports, il lui faisait souvent mal et « en rigolait ». Il avait insisté pour pratiquer la sodomie mais elle avait toujours refusé. Il lui était arrivé de déchirer ses sous-vêtements lorsqu'il voulait avoir un rapport sexuel. CE______ avait entendu des rumeurs, avant l'arrestation de A______, selon lesquelles il frappait et enfermait ses copines, notamment la dernière, venue de Suisse alémanique. Elle avait entendu cela à plusieurs reprises dans la communauté ; il suffisait d'aller au restaurant AH______ pour cela.

r'.b. Selon AB______, le prévenu l'avait frappée au visage à une reprise, alors qu'elle était enceinte de huit mois, lui causant un oeil au beurre noir. Après son accouchement, il avait commencé à fréquenter Y______, et en mars ou avril 1998, il l'avait mise à la porte avec leur fille AC______. Il s'emportait vite, mentait et était très "demandeur" sur le plan des relations sexuelles.

r'.c. Y______ avait observé que AB______ avait un oeil au beurre noir et celle-ci lui avait confié que A______ l'avait frappée.

Sa propre relation avec A______ n'avait pas été heureuse ; ils se disputaient souvent et elle avait quitté le domicile à plusieurs reprises. A______ lui interdisait de sortir et elle ne se sentait pas libre. Il lui arrivait de la réveiller durant la nuit pour qu'elle lui fasse à manger. Il refusait qu'elle ait un téléphone portable, et, à une occasion, il l'avait enfermée à l'intérieur de leur appartement.

Il s'emportait facilement et avait été violent avec elle, notamment un jour où il l'avait frappée au visage et au ventre alors qu'elle était enceinte de deux mois. Il avait essayé à plusieurs autres reprises de la frapper au visage, mais elle ne s'était pas laissé faire. S'agissant des rapports sexuels, il ne respectait pas ses envies ; lorsqu'il souhaitait avoir un rapport intime, il insistait jusqu'à ce qu'elle accepte, l'empêchant de dormir. Il avait une forte libido et voulait avoir des rapports sexuels chaque jour, même lorsqu'elle était enceinte.

Elle était restée avec lui pour le bien de leurs filles et avait insisté pour qu'ils se marient. A______ était parti en Ethiopie pour rassembler les documents nécessaires au mariage, mais y était resté plusieurs mois, sans lui laisser de quoi vivre. Elle avait finalement appris qu'il avait rencontré une autre femme (cf. supra B.p'.h.).

r'.d. CU______avait eu une relation durant plusieurs mois, en 2010, avec A______, alors qu'elle-même était mariée mais séparée. Ils n'avaient jamais vécu ensemble. Elle a décrit A______ comme étant un peu agressif, égoïste et jaloux. Il voulait qu'elle reste tout le temps avec lui, ne la laissait pas sortir seule et contrôlait le journal d'appels de son téléphone portable. Il lui arrivait de crier au point de lui faire peur mais il ne l'avait jamais frappée.

Ils avaient des rapports sexuels hebdomadaires, consentis. Il lui avait demandé si elle appréciait la sodomie, et il n'avait pas insisté suite à sa réponse négative.

b. Expertises psychiatriques

i. Expertise du Dr P______

s'.a. Le Dr P______ a rendu un rapport d'expertise le 16 septembre 2014 et un complément le 27 mars 2017, suite au nouveau complexe de faits relatif à O______, dans lesquels il envisageait deux hypothèses.

Selon la première, si A______ était reconnu comme étant l'auteur des seuls faits du 23 août 2012 au préjudice de M______, il ne se justifierait pas de poser de diagnostic psychiatrique. Sa responsabilité pénale au moment des faits serait entière. Le risque de récidive devrait être considéré comme moyen. Ni une mesure thérapeutique, ni l'internement ne seraient préconisés.

D'après la seconde hypothèse, si A______ était reconnu comme étant l'auteur des faits du 23 août 2012 et des actes reprochés par E______,N______ et O______, le diagnostic serait celui du sadisme sexuel, à savoir un état psychique permanent exprimé à l'égard des victimes N______ et E______[15] ainsi que, "probablement", de M______. Sa responsabilité pénale au moment des faits aurait également été pleine et entière, le sadisme sexuel n'étant pas de nature à altérer les facultés cognitives et le prévenu ayant toujours conservé ses facultés volitives en choisissant ses victimes, le moment des actes et la manière de procéder. Le risque de récidive devrait être considéré comme très élevé. Le sadisme sexuel étant très difficilement soignable, une mesure thérapeutique serait inutile tant que l'expertisé persisterait à ne pas reconnaître les faits. Il y aurait lieu de préconiser un internement.

s'.b. Entendu à deux reprises au Ministère public, le Dr P______ a confirmé ses conclusions et évoqué deux autres hypothèses.

Si seuls les faits concernant les anciennes compagnes de A______ étaient retenus, voire même seulement ceux concernant deux d'entre elles, le diagnostic serait également celui du sadisme sexuel. Sa responsabilité pénale serait pleine et entière et le risque de récidive très élevé. Une mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé serait envisageable si le prévenu venait à reconnaître les faits et à exprimer une volonté de se soigner ; à défaut, l'internement devrait être prononcé.

Si A______ était reconnu coupable des faits survenus le 23 août 2012 et de ceux reprochés par une ou deux de ses anciennes compagnes, mais pas les trois, il faudrait aussi retenir le même diagnostic. Sa responsabilité pénale serait pleine et entière. Le risque de récidive serait élevé à très élevé. L'internement serait préconisé pour des raisons de sécurité publique.

Par sadisme sexuel, il fallait entendre le fait d'éprouver du plaisir sexuel en faisant souffrir sa victime et en l'humiliant. Cela nécessitait une certaine répétition dans les actes. La domination et l'isolement pouvaient entrer dans la définition du sadisme sexuel s'ils étaient associés à des violences sexuelles et étaient sources d'excitation sexuelle chez l'auteur. Il était tout à fait possible qu'un sadique sexuel ait des relations sexuelles "normales" avec certaines femmes en parallèle de ses relations violentes avec d'autres femmes. Cela pouvait s'expliquer par le fait que certaines victimes étaient plus vulnérables, socialement ou psychiquement, aux actes de sadisme sexuel.

Par nature, le sadisme sexuel n'altérait pas systématiquement les facultés volitives et/ou cognitives. C'était d'autant plus vrai pour A______, qui était socialement intégré.

Plus les actes sadiques et sexuels étaient nombreux, plus le risque de récidive était élevé. Il était principalement lié au fait que le sadisme sexuel était très difficilement soignable et que l'expertisé ne reconnaissait pas les faits, rendant impossible la mise en oeuvre d'un traitement.

ii. Expertise des Drs Q______ et R______

t'. Sur réquisition de A______, le TCrim a ordonné au MP de mettre en oeuvre une nouvelle expertise psychiatrique, que ce dernier a confiée aux experts Q______ et R______.

t'.a. A teneur de leur rapport d'expertise du 30 décembre 2017 et de leur complément du 5 février 2018, l'examen clinique de l'expertisé en lien avec les faits relatifs à ses ex-compagnes conduisait à retenir un diagnostic de trouble grave de la personnalité à type psychopathie à haut niveau, avec absence d'empathie affective mais perception manipulatoire des émotions d'autrui marquée par des caractéristiques spécifiques, soit des pulsions sadiques et anales, notamment dans le champ de la sexualité et un degré très élevé de capacité d'organisation de comportement agressifs (investissement important de la représentation psychique "se cacher", stratégies d'évitement des regards sociaux sur ses comportements déviants ; développement de stratégie de recrutement de victimes vulnérables).

Il était cliniquement exact qu'il n'avait pas de pulsions pédophiliques, comme il soutenait avec beaucoup de force, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il n'avait jamais été sexuellement excité par la proximité d'une enfant en prépuberté qui le provoquait ou répondait à ses jeux comme si elle avait son âge. A______ avait spontanément décrit de la façon suivante ses rapports avec M______ : "je la considérais comme ma fille, on se chamaillait, on se taquinait ... elle se cachait tout le temps...C'était plus spécial avec elle, mais les autres enfants, bien sûr, c'était comme mes enfants.".

Sa cotation sur l'échelle de HARE le plaçait nettement du côté de la psychopathie. Ce diagnostic n'était pas incompatible avec celui du Dr P______, mais les experts préféraient parler de "description par les partenaires de traits de personnalité sadiques" plutôt que d'une orientation économique dominante vers le sadisme sexuel. D'ailleurs, le Dr P______ s'était exprimé avec prudence, soulignant que le sadisme sexuel n'était pas nécessairement exclusif.

En l'état, l'expertisé était en grande partie prisonnier de lui-même et dans l'impossibilité de changer sa position de quelque façon que ce soit mais il était possible que, passé l'audience de jugement, et indépendamment de son issue, "les lignes bougent un peu et qu'il soit moins rigide dans ses défenses, acceptant de se remettre en cause dans son comportement général jusqu'à peut-être s'ouvrir à une approche thérapeutique modifiant sérieusement les risques de récidive appréciés sur son absence totale de critique et la disqualification de l'ensemble des témoins [...]. Mais ceci rest [ait] aussi une hypothèse".

En conclusion :

L'appelant ne présentait pas un trouble mental grave au moment des faits, mais bien un trouble de personnalité narcissique à tendance psychopathique. Il possédait pleinement la faculté d'apprécier le caractère illicite des actes reprochés et de se déterminer d'après cette appréciation.

Les actes reprochés étaient en rapport avec sa pathologie de personnalité et il était susceptible de commettre à nouveau des infractions impliquant une relation d'emprise sur autrui ainsi que des actes de violence sexuelle. Il n'y avait aucun traitement efficace envisageable, dans la mesure où il ne présentait pas de souffrance et ne reconnaissait aucun trait de sa personnalité susceptible d'être modifié par une thérapie. Par ailleurs, il n'était pas prêt à se soumettre à un tel traitement, et un traitement ordonné contre sa volonté n'aurait aucune perspective de succès.

Le risque de récidive était à mettre en relation avec les caractéristiques de sa personnalité, les circonstances dans lesquelles les faits avaient été commis et son vécu. Ce risque n'était pas en relation avec un "trouble mental" mais sa manière d'être n'était pas totalement en dehors du champ de la pathologie et restait susceptible de se voir proposer une approche thérapeutique, qu'il refusait en l'état. Il était trop tôt pour affirmer qu'un traitement institutionnel serait très probablement voué à l'échec car il était possible que des changements interviennent dans la position et le fonctionnement constatés au moment du dépôt du premier rapport.

S'agissant de l'internement, il était trop tôt pour affirmer qu'un traitement institutionnel était très probablement voué à l'échec.

t'.b. Entendus au MP les 10 janvier et 8 février 2018, les Drs Q______ et R______ ont confirmé leurs conclusions et longuement répondu aux questions des parties.

Ils ont notamment précisé qu'ils n'avaient pas "formellement" conclu "au niveau de l'internement" parce que la situation n'était pas cliniquement figée mais susceptible d'évoluer, hypothèse qu'ils avaient donc voulu réserver. La question du pronostic était trop incertaine, en raison du déni de culpabilité du prévenu, position qui pouvait changer du fait du procès. Le risque de récidive était relativement élevé, hautement probable, à l'égard d'une compagne, et faible ou assez faible s'agissant de meurtre ou viol d'un enfant. Sur le plan théorique, il existait un traitement susceptible de le réduire, mais il était difficile ou impossible sans un minimum d'adhésion du prévenu qui devait reconnaître une souffrance en lien avec son état ou ce qui s'était passé et non seulement liée à l'incarcération, avec une volonté de changer de mode de fonctionnement. Un tel traitement nécessiterait des années. Un suivi durant cinq ans permettrait d'améliorer le risque de récidive de violence de manière conséquente, mais il était difficile de s'inscrire d'emblée dans une perspective de cette durée. Aucun traitement psychologique ou médical n'était indiqué dans l'état actuel du prévenu. On pourrait en revanche envisager un programme éducatif susceptible de maintenir "une veille technique" et des possibilités d'ouverture.

Les experts ont également confirmé que l'absence de diagnostic de pédophilie n'excluait absolument pas que l'appelant pût être l'agresseur de M______. Celui qui était capable de participer à des jeux taquins avec un enfant, jouant à s'en rapprocher en symétrie, comme s'il avait le même âge, pouvait, sans même s'en rendre compte, glisser vers un état d'excitation qui lui échappe et qui n'était au départ pas organisé dans un désir sexuel. Il ne s'agissait pas vraiment d'une attirance pour l'enfant mais d'un moment où on se trompait sur le jeu et l'excitation du jeu pouvait être la source d'un dérapage brutal. D'ailleurs, le dérapage suite à des jeux d'excitation un petit peu ambigus, sans connotation sexuelle initiale consciente, était l'une des sources les plus courantes de meurtres d'enfants.

7. Débats de première instance

u'.a. La procédure a été communiquée à deux reprises au TCrim, celui-ci ayant renvoyé un premier acte d'accusation au MP afin qu'il effectue certains actes d'instruction supplémentaires, déjà évoqués supra, dans la mesure utile.

u'.b. A l'ouverture des débats, le TCrim a encore accueilli certaines réquisitions de preuve du prévenu ce qui a donné lieu à l'établissement de deux rapports de police du 6 juin 2018 dont le contenu a également déjà été évoqué dans la mesure utile.

v'.a. A______ a, en substance, confirmé ses précédentes déclarations, contestant tous les faits reprochés, à l'exception de la violation d'une obligation d'entretien.

v'.a.a. Il s'était comporté comme un père avec les enfants de G______. Il voyait régulièrement I______ et M______ avant qu'elles aillent se coucher mais ne les avait jamais vues nues. Il n'avait jamais ressenti d'ambiguïté entre M______ et lui et, de manière générale, il n'avait jamais été attiré par les enfants.

K______ était un ami de longue date ; il avait même été son meilleur ami à un certain moment. Il n'était jamais allé à l'appartement de la rue T______ (GE) sans prévenir, par peur de le croiser.

Il avait été choqué d'apprendre la mort de M______ et les circonstances de son décès. Lorsqu'il avait été entendu par la police, il était "complètement perdu" et avait vite compris qu'il était un "coupable idéal", raisons pour lesquelles il avait menti sur certains points. Très rapidement, il avait réalisé que son parcours pourrait être retracé grâce au tachygraphe et avait avoué avoir menti.

Pour entrer dans le garage de l'immeuble de la rue T______ (GE), il fallait faire un code puis utiliser la clef pour ouvrir un portail. Une fois son taxi garé dans le parking, il n'avait pas besoin de repasser par l'extérieur pour monter dans l'appartement.

Le lit parental s'était déboîté à une seule reprise, un ou deux mois avant la disparition de M______, mais il ne se souvenait pas si c'était au niveau de la tête ou du pied. Il avait essayé de le réparer et G______ l'avait aidé. Il n'était jamais allé chercher un objet sous le lit ; il avait seulement récupéré des écouteurs coincés entre le matelas et le lit. Il n'avait pas vu si le lit s'était à nouveau déboîté le 23 ou le 24 août 2012.

A propos du 22 août 2012, il a confirmé qu'à son arrivée devant le garage, M______ l'attendait pour lui donner la clef du parking qu'il n'avait pas prise avec lui. Ils étaient ensuite allés à la station-service BB______ à l'insu de G______. Il avait décidé cela au dernier moment, après avoir vu que l'heure de fermeture était proche.

M______ avait voulu "toucher le volant" mais il avait refusé car il avait besoin d'uriner. Il lui avait alors proposé de la revoir le lendemain, après sa journée de travail, pour ce faire, et lui avait donné rendez-vous devant l'épicerie.

Il avait voulu entrer dans l'immeuble mais M______ avait gardé la clef et l'avait empêché de rentrer. Il avait composé le code mais elle avait refermé la porte. Il l'avait "tirée", d'une main, probablement la droite, avait ouvert la porte et était monté en ascenseur. M______ était arrivée avant lui. Il avait raconté cet épisode à G______ puis avait jeté un peu d'eau dans le dos de M______, sans agressivité. Il l'avait vue pour la dernière fois vers minuit, quand elle était venue lui donner un baiser avant d'aller se coucher.

A ce moment-là, il pensait qu'il irait travailler le lendemain. Il n'avait pas prévu d'aller aux HUG ni d'emmener la famille G/H/I/M______ au restaurant.

Le 23 août 2012, il était resté dans l'appartement jusqu'au départ pour les HUG. Il était parti après l'enregistrement de H______ à 19h32 et après être allé aux toilettes. Il était arrivé à T______ à 19h47 et en était reparti à 20h23.

Il s'était garé sur le parking près de l'épicerie et avait attendu M______, qui n'était pas venue. Il n'était pas pressé et attendait que G______ l'appelle. Il n'avait pas appelé M______ parce qu'il n'avait pas enregistré son numéro et qu'il ne figurait plus dans son journal d'appels, et qu'en outre, il pensait qu'elle était chez des amies. Il n'était pas monté dans l'appartement car d'une part, il n'avait pas la clef, et d'autre part, il ne montait jamais seul en l'absence de G______. Il a confirmé avoir uriné contre un muret, devant des balcons d'où on pouvait le voir, avec la portière ouverte pour se protéger des regards. Il avait aussi écouté un CD dans son taxi, puis en était sorti car il faisait chaud. Son taxi était comme sa deuxième maison ; il lui arrivait de faire une sieste à l'intérieur. Au final, il ne s'était pas inquiété que M______ ne vienne pas au rendez-vous et après 30 minutes environ, il était reparti.

Il a indiqué avoir eu l'idée d'inviter G______ au restaurant et de faire la surprise d'y emmener M______ juste après avoir quitté la pédiatrie. Il ne craignait pas de se rendre avec G______ au AM______ (GE) car c'était un restaurant érythréen qui venait d'ouvrir et qui n'était pas fréquenté par la communauté éthiopienne. Par la suite, il a précisé qu'en sortant des HUG, il ne savait pas encore s'il irait au restaurant avec G______ ou E______. Il était même possible qu'il s'y rende avec les deux. Comme E______ n'était pas disponible, il avait décidé d'y aller avec G______.

A la question de savoir pourquoi il n'était pas allé chercher G______ et ses enfants aux HUG, alors qu'il se trouvait sur le pont des AZ______ quand il lui avait téléphoné pour l'inviter au AM______ (GE), il a répondu qu'elle était sur le chemin du restaurant et que "ce n'[était] pas la première fois qu'elle pren[ait] le tram".

G______ avait mangé et bu des bières au AM______ (GE). Au début, elle était énervée que M______ ne réponde pas à ses appels, mais elle n'avait jamais envisagé de rentrer seule en tram. Lui n'avait rien mangé car il avait consommé du khat, ce qui avait pour effet de lui couper l'appétit. Il n'avait pas osé en parler plus tôt dans la procédure car il s'agissait d'un produit illégal.

Lorsqu'ils étaient rentrés, vers minuit, G______ pleurait et était affolée. Confronté au fait qu'il était surprenant que malgré l'état de cette dernière et vu l'urgence de la situation, il n'ait pas parlé de son rendez-vous avec M______, il a répondu que sur le moment, il n'était pas inquiet et pensait qu'elle était chez une amie ; c'était une enfant responsable et il lui arrivait de faire du jogging seule ou de jouer dans le quartier. En outre, il cherchait à cacher sa relation avec G______, notamment vis-à-vis de K______. Dans la nuit du 23 au 24 août 2012, il n'avait jamais été seul avec G______. Lors de leurs conversations téléphoniques le 24 août 2012, ils n'avaient parlé que du fait qu'il ne fallait pas que leur relation soit découverte.

Il pensait que les traces ayant révélé un profil ADN Y correspondant à un mélange du sien ou de celui de ses frères et de celui de K/H______ sur le cou, sous les ongles de la main gauche, sur l'épaule gauche et la hanche gauche de M______ avaient été déposées lors des contacts physiques qu'ils avaient eus le 22 août 2012, sans se rappeler exactement des endroits où il l'avait touchée.

Il avait vécu dans l'appartement de la famille G/H/I/M______, et il y avait des habits partout, notamment sur le séchoir de la salle de bains, ce qui pouvait expliquer que le même profil ADN Y ait été relevé sur la jupe de M______, qu'il avait pu toucher, bien qu'il ne se souvînt pas de ce vêtement.

Il était également normal que cet ADN se retrouve sur le lit parental puisqu'il y avait dormi et qu'il l'avait remis en place lorsqu'il s'était déboîté.

En ce qui concerne le profil ADN Y correspondant au sien ou à celui de ses frères, sans mélange, retrouvé à l'intérieur du slip de M______ (P007_T003), il n'a pas donné d'autres explications que le fait que des habits étaient éparpillés dans tout l'appartement, qui était en désordre, de sorte qu'il était possible qu'il ait touché ce slip.

Confronté aux traces prélevées sous le lit (L T081 à O T084) qui ont révélé un profil ADN Y de mélange correspondant au sien, il a répondu que cela ne l'étonnait pas que son ADN soit retrouvé dans l'appartement puisqu'il y vivait.

Il rangeait la clef de l'appartement dans une petite boîte à gauche du volant de son taxi ; le 23 août 2012, elle se trouvait dans sa veste à son domicile, et le 24 août 2012 au matin, après l'avoir récupérée, il l'avait remise dans cette boîte.

Il comprenait que G______ fût convaincue de sa culpabilité, dès lors que la police l'avait d'emblée désigné comme le principal suspect, et il compatissait à sa douleur.

v'.a.b. Au début de sa relation avec E______, tout se passait bien. De manière générale, il ne lui avait jamais imposé de relations sexuelles sous la contrainte ni ne l'avait frappée.

A propos de l'épisode de la boîte aux lettres, il a répété que E______ avait mis des publicités dans la case du concierge, ce qui n'était en soi "pas très grave". Elle avait toutefois prétendu n'avoir rien fait et cela l'avait énervé. Il a admis que le fait de qualifier cet épisode de "grosse bêtise" et de réagir en la poussant contre un mur était disproportionné. Il n'avait pas vu qu'elle avait saigné.

Il a contesté s'être rendu dans son appartement de W______ après cet épisode dans le but de la retrouver. Les traces de coups constatées par BX______ sur E______ devaient avoir été causées lorsque cette dernière s'était cognée contre le mur ; il ne l'avait toutefois jamais frappée. Il ne se souvenait pas que BX______ lui ait dit qu'il avait de la chance que E______ ne porte pas plainte et qu'il fallait qu'il prenne contact avec un psychologue.

Il avait su que la demande d'asile de E______ avait été rejetée et qu'un délai lui avait été fixé au 26 mai 2011 pour quitter la Suisse. Il avait dit à BY______ que E______ avait quitté la Suisse, ce qui était un mensonge puisqu'elle avait vécu chez lui pendant tout l'été 2011. Le fait que sa demande d'asile ait été rejetée l'inquiétait beaucoup et ils en parlaient très souvent. Ils faisaient notamment très attention lorsqu'ils sortaient, par peur qu'elle ne se fasse arrêter.

Il était parti pour la dernière fois en Ethiopie entre juin et septembre 2011, durant trois à quatre semaines, période durant laquelle E______ était restée à V______ (GE). Il s'était inscrit à la deuxième session d'examens de chauffeur de taxi depuis Genève.

E______ et lui se téléphonaient souvent, notamment lorsqu'il travaillait. Confronté à l'analyse des rétroactifs, selon laquelle il l'appelait en moyenne sept fois par jour, il a confirmé que c'était possible ; durant ces appels, ils parlaient de banalités, il la tenait au courant de ce qu'il faisait et de l'heure à laquelle il rentrait.

Elle avait bien travaillé chez BU______ pendant trois ou quatre mois, d'environ 06h30 à 09h00 du lundi au vendredi, sauf le mercredi où elle y restait toute la matinée. Elle percevait CHF 400.- ou CHF 500.- par mois en mains propres pour cette activité.

Quand il ne travaillait pas, à savoir environ 65% du temps, il l'emmenait chez BU______ ; le reste du temps, elle s'y rendait en bus. Il a admis qu'il lui arrivait de rester chez sa soeur lorsque E______ travaillait.

Confronté à une image extraite de la vidéo de l'anniversaire de Z______, il a affirmé que E______ se trouvait à l'arrière-plan et ne portait pas de foulard sur la tête. La personne qui portait un foulard vert était une amie. Il a contesté avoir donné des coups à E______ la veille de cet anniversaire, lui provoquant notamment des blessures à l'oreille. A la fin de l'audience de jugement, confronté à la vidéo dont avait été extraite la photo, il a fini par admettre qu'il était possible que la femme au foulard vert soit E______ ; il s'était trompé car l'image était floue.

AO______ avait dormi chez eux quelques nuits par semaine entre janvier et juin 2012 et la mère de E______ avait vécu chez eux une partie des mois de janvier et février 2012. Lorsqu'ils étaient quatre, E______ et sa mère dormaient dans la chambre et AO______ et lui dormaient dans le salon. Durant cette période, il n'avait pas eu de rapports sexuels avec E______. Lorsqu'ils étaient trois, il dormait avec E______ dans la chambre et AO______ dormait seul dans le salon.

Il ne savait pas pourquoi Z______ avait dit qu'elle avait vu des bleus sur les joues de E______ et a souligné que personne d'autre n'avait constaté ces marques.

Il a contesté être à l'origine des lésions énumérées dans le rapport d'examen physique du CURML, notamment les cicatrices sur l'omoplate gauche et à la jonction entre les tiers moyens inférieurs du dos, les taches dépigmentées sur sa fesse droite et la cicatrice sur son genou gauche. Il ne lui avait jamais donné de coup de stylo ni ne l'avait mordue ou griffée. Il ne savait pas à quoi ces lésions étaient dues, mais E______ lui avait dit avoir eu un accident de voiture par le passé.

Confronté aux certificats médicaux versés par divers médecins, il a fait remarquer que E______ n'avait commencé à être suivie qu'après son arrestation. Il n'avait pas pris connaissance des documents médicaux la concernant car "cela ne [l]'intéressait pas. Il s'agissait du cinéma qui avait été organisé par la suite". E______ avait fui l'Ethiopie pour sauver sa vie et tout fait pour rester en Suisse. Il demandait pourquoi elle ne s'était pas échappée s'il lui faisait du mal.

E______ comprenait et parlait quelques mots de français, avait des amis à Genève et sortait parfois seule. Elle avait un permis N auquel il n'avait jamais touché. Ils sortaient très souvent ensemble dans un restaurant turc ainsi qu'au AM______ (GE) et recevaient souvent des amis chez eux.

Dans un premier temps, il a indiqué qu'il voulait attendre d'être divorcé de O______ avant d'éventuellement épouser E______ pour l'aider à obtenir un permis de séjour. Cette dernière n'avait toutefois pas insisté pour qu'il divorce. Puis, il a déclaré qu'il ne voulait pas que E______ apprenne sa relation avec G______ "pour une question de morale", mais qu'il dormait deux à trois nuits par semaine chez cette dernière, qu'il n'était plus amoureux de sa compagne et qu'il voulait la quitter pour G______. Il était toutefois en bons termes avec E______ au moment de son arrestation.

v'.a.c. N______ vivait en Suisse depuis environ deux ans au moment de leur rencontre. Elle ne parlait pas très bien le français mais elle le comprenait. Elle avait des amis et beaucoup de connaissances puisqu'elle travaillait au restaurant AH______ et se rendait souvent au fitness.

Il a contesté lui avoir interdit d'avoir des contacts avec des tiers ou lui avoir demandé des explications sur les appels téléphoniques qu'elle avait. Il lui avait uniquement demandé de ne pas lui raconter tout ce qu'elle entendait sur son lieu de travail, car cela ne l'intéressait pas, ou d'écourter ses conversations téléphoniques lorsqu'ils étaient ensemble, afin qu'ils puissent échanger.

Lorsqu'il avait mis par mégarde le feu dans ses cheveux, il était en train de jouer avec un briquet.

Il ne savait pas pourquoi elle avait inventé ses accusations, mais considérait que la police lui avait posé des questions très précises et orientées. De plus, quand elle buvait et fumait, N______ ne savait plus ce qu'elle faisait. Elle était costaude, soit plus grande et plus lourde que lui. Lorsqu'il avait rompu avec elle, il avait ramené toutes ses affaires dans le foyer où elle vivait avant de s'installer avec lui. En quelque sorte, il l'avait renvoyée.

v'.a.d. Il a répété que les faits reprochés par O______ étaient mensongers. Il pensait que l'interprète, CV______, avait donné des informations à O______ et à son mari lors des premiers contacts téléphoniques qu'elle avait eus avec eux. A la question de savoir pourquoi son ex-épouse inventerait tous ces mensonges, il a répondu qu'elle avait complètement changé depuis qu'elle avait appris sa séropositivité.

Il a confirmé que O______ ne connaissait personne en Suisse à part lui, qu'ils passaient tout leur temps ensemble et qu'elle ne parlait pas le français, malgré le fait qu'elle avait commencé à suivre des cours.

Son passeport était rangé dans une armoire de la chambre à coucher, à laquelle elle pouvait accéder. Elle percevait une aide de l'Hospice général, versée sur leur compte bancaire commun. Ils n'avaient qu'une seule carte bancaire pour ce compte et dans les faits, c'était le plus souvent lui qui retirait l'argent pour les dépenses communes mais son ex-épouse l'avait parfois aussi utilisée en sa présence ou seule.

Il a d'abord affirmé que O______ sortait sans lui, avant d'admettre que la plupart du temps, il l'accompagnait car elle ne connaissait rien. Cependant, il ne l'avait jamais empêchée de sortir ni ne l'avait enfermée ; elle avait une clef de l'appartement.

Il l'avait frappée à une seule reprise, dans le cadre d'une dispute conjugale, ce qu'il regrettait. Il ne l'avait jamais contrainte à entretenir des rapports sexuels et ne se souvenait pas avoir pratiqué la sodomie avec elle. Elle lui avait prodigué des fellations, mais jamais sous la contrainte.

CR______ était venu à Genève dans le but de le réconcilier avec O______. Cette dernière avait déjà appris qu'elle était séropositive ; elle était devenue hystérique et voulait s'enfuir. CR______ lui avait reproché d'être "méchant" avec sa cousine ; il ne lui avait toutefois parlé ni d'agressions sexuelles, ni de coups. CR______ lui avait demandé de rendre son passeport à O______, mais il ne l'avait jamais caché et il se trouvait toujours à la même place dans l'appartement. Il a contesté que CR______ ait pu voir un bleu sur le front de sa cousine.

L'épisode relaté par Z______ selon laquelle il avait appuyé la tête de O______ contre un mur et levé la main comme pour la gifler, correspondait au même événement que celui relaté par AO______ qui avait vu O______ tenir un mouchoir ensanglanté près de son nez.

Il considérait "incroyable" que CS______ ait pu voir des taches bleu-vert sur le bras de O______ alors qu'elle venait d'arriver à Genève. Confronté au fait que cette dernière aurait dit à CS______ qu'il l'avait frappée, il pouvait seulement dire qu'il y avait eu plusieurs disputes. Il a contesté avoir suivi O______ dans la rue.

K______ était un ami de AO______, qu'il avait perdu de vue ; ils n'avaient toutefois jamais été fâchés. Se voyant rappeler que ce témoin avait dit avoir vu O______ à une reprise avec un oeil au beurre noir, le prévenu retenait que selon le témoin, il aurait été présent, ce qui était faux.

Il ne se souvenait pas d'une scène où Y______ avait dû venir chercher Z______ et AA______ parce qu'il était violent avec O______ ; il pensait que cela s'était passé quand il sortait avec N______.

O______ et lui s'étaient rendus ensemble en Ethiopie à quatre reprises, entre trois et quatre semaines à chaque fois, pour voir la famille de son épouse. Il a d'abord déclaré qu'ils passaient tout leur temps ensemble puis a modifié ses déclarations, indiquant qu'elle sortait parfois sans lui, qu'elle ne voulait "pas trop" qu'il sorte et qu'à une reprise, il était parti une semaine seul dans son village natal. Aucun membre de la famille de O______ ne lui avait dit qu'elle se plaignait de lui, et elle ne lui avait jamais dit qu'elle ne souhaitait pas rentrer en Suisse. Elle n'avait jamais voulu partir sans lui en Ethiopie.

v'.a.e. Il a admis avoir frappé AB______ alors qu'elle était enceinte, ainsi que Y______, sans se souvenir si elle était également enceinte à ce moment. Il n'avait pas interdit à Y______ de sortir, mais n'était pas d'accord qu'elle travaille comme danseuse dans un restaurant. Il n'avait jamais refusé qu'elle ait un téléphone portable.

v'.a.f. A______ vivait très mal les accusations dont il était l'objet, en étant gêné notamment dans ses rapports avec les gardiens et avec ses enfants. Il avait le sentiment de porter le costume d'un monstre. En disant cela, il a montré de l'émotion et pleuré.

w'.a. G______ a confirmé ses précédentes déclarations.

A______ n'avait jamais tenté de contrôler sa vie. Elle ne le voyait pas tous les jours, mais il dormait chez elle deux à trois nuits par semaine. Il avait de bons rapports avec I______, M______ et H______. Il ne s'occupait jamais de la lessive ni du rangement des habits chez elle. Lorsqu'il y passait la nuit, il se garait dans le parking souterrain ; s'il n'y dormait pas, il garait sa voiture à l'extérieur, notamment sur le chemin ______ jouxtant leur immeuble, mais elle ne l'avait jamais vu se parquer devant l'épicerie.

De manière générale, M______ n'oubliait jamais un rendez-vous et s'excusait si elle avait du retard. Elle devait rentrer au plus tard à 19h00 pendant l'année scolaire et à 20h00 durant l'été. Elle ne sortait jamais sans autorisation et lui demandait la permission si elle souhaitait rester plus longtemps dehors. Elle prenait une douche environ un jour sur deux et ne faisait pas de jogging. I______ et M______ laissaient parfois "traîner" des habits dans leur chambre, pendant les vacances.

S'agissant du 22 août 2012, elle n'avait pas su que M______ était allée à la station-service BB______ avec A______ ; c'était la police qui le lui avait appris. Elle a confirmé qu'il n'y avait pas eu de "dispute ludique" entre A______ et M______ ce soir-là. Il était entré dans l'appartement après M______ mais il ne s'était pas rendu aux toilettes. A un moment donné, il avait touché le bras gauche de M______ durant une fraction de seconde, et avant qu'elle n'aille se coucher, il lui avait jeté un petit peu d'eau dessus. Elle ne s'était pas fâchée et l'avait embrassé sur la joue avant d'aller dormir. G______ n'avait jamais vu l'épisode raconté par le prévenu, selon lequel il aurait tiré M______ sur un matelas puis l'aurait immobilisée avec son coude. Il arrivait parfois à A______ de consommer du khat, mais elle ne l'avait pas vu le faire le 22 août 2012.

A propos du 23 août 2012, elle a ajouté avoir appelé le téléphone utilisé par ses filles à 15h26 pour informer M______ qu'elle partait ; en entendant le téléphone sonner dans l'appartement, elle avait réalisé que cette dernière ne l'avait pas pris et l'avait laissé à côté de la porte en partant. A______ ne lui avait pas parlé de l'emmener au restaurant le soir même et cette invitation l'avait surprise, car ils auraient pu y rencontrer des gens de leur communauté alors qu'ils ne voulaient pas que leur relation soit connue. Elle avait également été étonnée parce que le AM______ (GE) se trouvait loin de l'hôpital. Avant même de commencer le repas, elle s'était inquiétée car M______ ne répondait pas ; A______ l'avait rassurée en disant qu'elle était une fille intelligente et qu'elle devait simplement les attendre dans l'appartement. Elle avait eu l'impression qu'il essayait de retarder le moment du départ, notamment lorsqu'il lui avait commandé une bière à la fin du repas. Lui-même n'avait rien mangé ; il semblait nerveux et avait les bras croisés.

Elle a confirmé qu'environ un mois avant les faits, A______ avait laissé M______ toucher le volant de son taxi, avec son accord. Elle n'avait pas eu connaissance d'un rendez-vous le 23 août 2012 et M______, dont elle était très proche, lui racontait tout, de sorte qu'elle lui en aurait parlé s'il avait existé.

Le vendredi 24 août 2012, A______ ne s'était pas montré très actif dans les recherches ; à un moment donné, il s'était même reposé sur un matelas.

Après les faits, elle avait déménagé ; depuis la fenêtre de son nouvel appartement, elle voyait le cimetière dans lequel était enterrée M______. H______, qui n'avait qu'un an et demi lorsque sa soeur était décédée, la connaissait à travers des photographies et ce qu'on lui racontait. Elle lui avait toujours dit qu'elle était décédée d'une maladie, mais la semaine précédant l'audience de jugement, elle lui avait expliqué ce qui s'était réellement passé.

w'.b. Confirmant ses précédentes déclarationsI______a relaté que le 23 août 2012 avant de partir aux HUG, alors qu'elle refaisait le lit parental, elle avait remarqué qu'il était branlant, sans toutefois être cassé. Elle avait entendu le téléphone qu'elle partageait avec M______ sonner à 15h26, mais personne n'avait répondu. Elle n'était pas sortie avec ce téléphone ce jour-là.

Alors qu'ils étaient au AM______ (GE), A______ avait dit qu'il allait essayer d'appeler M______ et il l'avait fait, devant elles, mais personne n'avait répondu. Il ne leur avait pas demandé le numéro avant d'appeler.

Elle avait constaté qu'il n'était pas très actif dans les recherches, notamment le 24 août 2012 lorsqu'il s'était couché sur un matelas pour se reposer.

A______ savait parfaitement à quelle heure M______ et elle devaient rentrer le soir et l'avait même réprimandée un soir où elle était arrivée en retard. Par ailleurs, M______ n'avait jamais dit qu'elle faisait ou qu'elle voulait faire du jogging.

A______ ne participait pas aux tâches ménagères et ne s'occupait même pas de son linge, ni de la vaisselle qu'il utilisait. Elle ne l'avait jamais vu mâcher du khat.

M______ et elle avaient seulement 18 mois d'écart. Elles étaient extrêmement proches et dormaient ensemble chaque nuit. Depuis son décès, sa vie avait complètement changé. Elle n'arrivait pas à envisager son avenir. C'était comme si on lui avait "enlevé un bout de [s]on coeur". Leur mère allait très mal, était tout le temps angoissée et avait peur de tout.

w'.c. K______ a ajouté à ses précédentes déclarations que M______ était une jeune fille heureuse, gentille et douée à l'école, que tout le monde appréciait. Elle était obéissante et ponctuelle. Il était très proche d'elle et ils avaient une grande complicité. Il lui arrivait de voir des jeunes filles dans la rue et de penser pendant quelques instants qu'il s'agissait de M______.

Les heures qui avaient suivi la disparition de sa fille avaient été très dures ; le fait d'avoir été considéré comme un suspect potentiel l'avait beaucoup marqué, de même que de ne pas avoir pu voir le corps de son enfant, qui était en trop mauvais état.

La longueur de l'instruction et les dénégations de A______ avaient aussi été très difficiles à supporter. Il avait tenu à assister à toutes les audiences afin de se battre pour sa fille et dans l'espoir d'entendre la vérité.

w'.d. Les premiers juges ont relevé que lors de sa déposition E______ était très affectée, pleurant à plusieurs reprises.

Elle a confirmé ses déclarations, ajoutant que A______ "jouait avec elle" au gré de ses envies.

Confrontée à la note de BX______ du 10 mars 2011 disant qu'elle présentait des traces de coups, elle a dit ne plus se souvenir de la raison pour laquelle A______ l'aurait frappée. Elle ne se souvenait pas de l'épisode de la boîte aux lettres. Elle avait oublié beaucoup de choses et se souvenait seulement de la violence dont A______ avait fait preuve envers elle, de manière générale.

Le rejet de sa demande d'asile ne l'avait pas vraiment inquiétée et elle s'était dit qu'elle allait faire une nouvelle demande. Elle ne se souvenait pas si A______ et elle avaient envisagé de se marier.

Elle se trouvait à côté de A______ lorsqu'il avait appelé BY______ le 7 juin 2011 pour lui dire qu'elle avait quitté la Suisse. Plus tard, elle était partie en France, comme cela avait été prévu avec A______ et son avocat. Elle était partie durant plusieurs semaines mais ne se souvenait pas des dates. Elle avait voyagé en train, seule, avait rencontré des gens sur place qui parlaient sa langue et avait dormi chez eux mais ignorait s'il s'agissait de leur domicile ou d'un "abri". Elle était restée en contact téléphonique avec A______ durant cette période.

Elle avait déjà subi des violences physiques et sexuelles de la part de A______ avant son séjour en France. Elle ne pouvait pas donner de détails car il y avait eu tellement d'actes qu'elle ne savait pas par où commencer. Toutefois, les violences avaient empiré dès son retour, quand elle s'était trouvée sous son contrôle.

A______ était parti en Ethiopie en été 2011, mais elle ne se souvenait pas des dates. Pendant ce temps, elle était restée à Genève.

Elle a confirmé qu'à une période, sa mère et AO______ étaient venus vivre en même temps dans l'appartement de V______ (GE). AO______ vivait également partiellement chez BU______, où il dormait la plupart du temps. Elle dormait parfois avec sa mère dans la chambre à coucher et parfois dans le salon. A______ se présentait bien devant sa mère et devant AO______, et lorsqu'il en avait envie, il la forçait à avoir un rapport sexuel dans la salle de bains.

Elle s'est reconnue sur la vidéo de l'anniversaire de Z______ comme étant la personne qui portait le foulard vert.

Elle avait parlé pour la première fois des sévices subis aux autorités en charge de sa seconde demande d'asile. Plus tard, elle avait accepté d'en parler à la police genevoise.

S'agissant de sa santé physique et psychique, elle a expliqué qu'elle n'était "plus comme avant". Elle se remémorait chaque jour les sévices subis. Les audiences d'instruction avaient été une grande source d'angoisse et elle n'avait plus confiance en elle. Depuis 2013, elle avait été suivie par une dizaine, voire une quinzaine de médecins, psychiatres et psychologues différents, avait eu énormément de rendez-vous médicaux, était souvent malade et prenait beaucoup de médicaments.

Actuellement, elle vivait dans un foyer où des médecins venaient la voir et lui parler, mais elle n'arrivait toujours pas à oublier ce que A______ lui avait fait subir. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il admette la vérité, mais était reconnaissante d'avoir pu lui échapper.

x'. Outre le Dr AD______, accompagné de sa consoeur AE______, et BJ______, dont les dépositions à l'audience de jugement ont déjà été évoquées (supra B.c.c. et B.q.c.c.), le TCrim a, entre autres, entendu les témoins suivants :

x'.a. CW______, criminaliste auprès de la BPTS lors de l'enquête, se souvenait de ce qu'un profil ADN Y correspondant à celui de A______ et de ses frères était apparu sur la trace de sang ABD (T078) et sur des traces prélevées sous le lit conjugal, mais ne pouvait pas dire si ces dernières avaient été prélevées sous le corps de M______, la position de son corps sur le croquis (41'049) étant approximative. Ces traces avaient été découvertes grâce au Luminol. Il était impossible de savoir quand ou comment elles avaient été déposées. La trace à l'origine du prélèvement sur le volant avait réagi positivement au Luminol, mais trop faiblement pour que l'on pût affirmer qu'il s'agissait de sang. Des tests OBTI n'avaient pas été effectués pour le véhicule suite à un oubli dans le mandat donné au CURML qu'il n'avait ensuite pas été possible de corriger après exécution des analyses génétiques. D'une manière générale, sans lien avec l'affaire, il était possible qu'une réaction positive au Luminol ne soit pas confirmée par le test OBTI. Il y avait généralement davantage de résultats négatifs que positifs après un tel test. Le témoin avait été présent lors des prélèvements de pièces dans le véhicule.

Les enquêteurs savaient qu'une clef était recherchée, étant précisé que CW______ ne savait en revanche plus s'il était informé de l'emplacement où elle était censée se trouver, selon A______. Dans un tel cas, la BPTS n'effectuait pas une fouille complète. Il lui semblait que la BCrim avait encore effectué d'autres fouilles de la voiture.

Il lui semblait que c'était lui qui avait à l'époque procédé à des analyses sur les vêtements de A______, soit un jean, un pantacourt blanc et un t-shirt blanc. Il ne devait pas les avoir totalement retournés car si tel avait été le cas, il y aurait des photos. Il avait cependant examiné la partie interne supérieure et la totalité de la partie externe. Comme les analyses de ces vêtements avaient été négatives et qu'il n'était pas certain qu'il s'agissait des vêtements portés par le prévenu le 23 août 2012, seule une mention y avait été consacrée, dans le rapport du mois d'avril 2013. Il n'y avait pas eu de recherches en lien avec la poussière présente sous le lit car, par comparaison, il avait été constaté que les habits ne présentaient pas de taches pouvant correspondre aux détritus ou matériel retrouvés sous le lit, contrairement à ceux portés par la victime.

Les analyses des prélèvements effectués sur la trace trouvée à l'endroit où A______ disait avoir uriné, alors qu'il attendait à proximité de l'épicerie, n'avaient pas donné de résultats exploitables, ce qui ne permettait pas pour autant d'exclure qu'il s'agissait d'urine.

x'.b. CX______ et CY______, inspecteurs à la BCrim, avaient fait appel à CV______, interprète, dès la première audition de E______ parce qu'elle ne faisait pas partie de la communauté éthiopienne genevoise.

S'agissant de O______, ils avaient d'abord obtenu le numéro de téléphone de son mari par le biais de K______ et avaient demandé à CV______ de prendre contact avec elle. Ils n'avaient pas assisté au premier contact téléphonique entre elles, mais CV______ avait reçu des instructions précises sur ce qu'elle devait dire à O______. A ce moment-là, la police n'avait connaissance d'aucun fait précis concernant cette dernière mais savait qu'une ancienne compagne de A______, qu'il avait maltraitée, avait quitté précipitamment Genève pour rentrer en Ethiopie.

Ils avaient participé à la commission rogatoire en Ethiopie, qui avait dû être organisée faute pour l'Etat requis de disposer de la technologie qui aurait permis une vidéoconférence. Les procureurs éthiopiens avaient dû prendre contact avec O______ pour la rassurer car elle ne voulait pas venir témoigner. L'intéressée donnait l'impression d'être forte puis, d'un coup, se mettait à pleurer.

Ils avaient entendu N______ sur la base d'un mandat d'actes d'enquête ayant pour objet l'audition de deux ex-compagnes de A______. Elle avait pleuré à plusieurs reprises. Ils avaient également procédé à l'audition du Dr CO______ et ont confirmé que la personne "méchante" dont lui avait parlé N______ n'était pas A______.

Suite à l'audition d'autres ex-compagnes du prévenu et après avoir appris que E______ avait quitté Genève précipitamment après le 23 août 2012, ils avaient voulu lui poser des questions complémentaires. Ils étaient allés la chercher à Berne et l'avaient conduite à Genève, où son audition était prévue. Dès le début du trajet, elle avait avoué avoir menti lorsqu'elle avait été entendue en août 2012. Ils l'avaient enjointe d'attendre que l'audition commence pour continuer son récit et ne lui avaient plus parlé durant le reste du trajet.

CX______ s'était rendu à l'appartement de la rue T______ (GE) le 24 août 2012 vers 19h00. Il n'avait à ce moment que peu d'informations à disposition et n'avait notamment pas connaissance de l'existence de A______. G______ n'avait admis qu'ils avaient une relation intime qu'après la fin de son audition. Pour sa part, I______ ne l'avait pas du tout mentionné, ce qui les avait tout de suite interpellés.

Ils avaient envisagé d'autres pistes, notamment un drame familial, et avaient mené des investigations sur les membres de la famille, en particulier K______. Il était également ressorti de la vaste enquête de voisinage qu'un couple de jeunes gens de couleur avait été aperçu non loin du n°______, rue T______ (GE) ; cependant, ils n'avaient rien pu en tirer vu les signalements très peu précis. I______ avait également parlé d'un homme qui avait sonné à la porte à une date indéterminée avant les faits.

Ils s'étaient interrogés au sujet des appels de G______ sur le téléphone portable utilisé par les filles à 15h26 et 16h14 et avaient fait le lien avec le fait que celle-là avait expliqué qu'elle pouvait utiliser ce moyen pour parler à ses filles à l'intérieur de l'appartement, pour éviter de crier dans le logement et de réveiller H______.

Ils n'avaient jamais retrouvé la clef que se partageaient M______ et I______ ni celle qui était en possession de A______, notamment pas dans son taxi, fouillé intégralement.

Ils n'avaient pu établir l'endroit exact où s'était trouvé le taxi de A______ entre 19h47 et 20h23 le 23 août 2012 que sur la base de son témoignage, cet endroit étant compatible avec les données issues du tachygraphe.

Il n'avait pas été possible de déterminer si A______ avait utilisé le digicode de l'immeuble le 23 août 2012 au soir.

La réserve "en l'état et pour l'heure" contenue dans le dernier rapport de police au sujet de l'impossibilité de déterminer les heures de connexion de la box ______ [console de jeu] relevait de la précaution scientifique.

En procédant à la mise en situation, les policiers s'étaient rapidement, soit quasi immédiatement, rendus compte des difficultés et du fait qu'il était impossible de glisser un corps sous le lit sans utiliser de cale, telle la poussette retrouvée renversée dans la pièce.

Selon leurs souvenirs, le numéro de téléphone des filles M______ et I______ n'était pas enregistré dans le répertoire de l'appareil de A______ et ne résultait pas de son journal des appels.

x'.c. CZ______avait été le voisin de palier de la famille G/H/I/M______ au n°______, rue T______ (GE). Les deux familles étaient très proches, se connaissant depuis 2000. I______, dont il avait été le répétiteur, et M______ étaient très sages et très obéissantes, la seconde ayant davantage la tête sur les épaules. Elle aidait beaucoup sa mère et s'occupait souvent de H______. Un lien "vraiment important" liait la mère et les deux filles.

Le jour des faits, tout le monde était très inquiet. M______ étant une fille sage et ponctuelle, de sorte que la situation était tout à fait anormale.

x'.d. La Dresse DA______, psychiatre et psychothérapeute, suivait G______ depuis le 13 septembre 2012, à un rythme hebdomadaire.

Elle avait posé un diagnostic de stress post-traumatique. Au début, G______ pleurait beaucoup, était en état de choc, n'arrivait pas à se nourrir et avait perdu beaucoup de poids, se trouvant à la limite de l'hospitalisation pour ce motif.

Vu son histoire, soit le fait qu'elle avait eu ses enfants très jeunes, s'était séparée à plusieurs reprises de son époux et n'avait pas retrouvé à Genève la chaleur familiale d'un clan, comme en Ethiopie, elle était très liée à ses enfants.

G______ s'était demandée à plusieurs reprises pourquoi elle n'était pas morte à la place de M______ ; cela lui arrivait encore. A ses yeux, sa vie était finie ; elle ne survivait que pour I______ et H______. Elle cherchait à comprendre comment ce drame avait pu arriver et ressentait beaucoup de culpabilité. Elle se demandait ce qui s'était passé, combien de temps cela avait duré et si M______ avait souffert. Elle se demandait aussi ce qui se serait passé si A______, dont elle était tombée amoureuse parce qu'il était gentil avec ses enfants, n'était pas entré dans sa vie.

Aujourd'hui, elle était en quelque sorte "amputée". Elle ne voulait plus voir les photographies de M______ et n'en prenait plus de I______ et de H______. Depuis la fenêtre de son nouvel appartement, elle voyait le cimetière dans lequel était enterrée M______ et lui parlait chaque jour.

G______ était devenue très angoissée et avait peur lorsque I______ sortait, à tel point que cette dernière y renonçait. Elle n'arrivait plus à faire confiance aux gens, en particulier aux hommes. Quand elle était chez elle, elle fermait la porte à clé et bloquait la porte avec un meuble, vivant constamment sur le qui-vive.

x'.e. DB______, psychologue, suivait K______ depuis début 2013 à raison d'une fois par mois. Celui-ci était réservé et "faisait face". Il avait tenu à assister à toutes les audiences pour se battre et défendre la mémoire de sa fille. Il avait toujours fait confiance à la justice, malgré le fait qu'il avait été initialement soupçonné. Au début, il disait que tout était fini pour lui ; il était extrêmement triste et affecté. Au fur et à mesure, il avait retrouvé un peu de goût à la vie, et son but était d'être le plus présent possible pour I______ et H______. Le sentiment qui prédominait chez lui était la tristesse plutôt qu'un désir de vengeance. Il aimait beaucoup M______, qu'il décrivait comme une fille joyeuse et pleine de projets. Elle était encore très présente pour lui.

x'.f. DC______ était une amie de K______ depuis plus de quinze ans. Elle l'a décrit comme quelqu'un de calme, réservé et très gentil. Il avait de la difficulté à parler et pleurait beaucoup. Il avait beaucoup de mal à évoquer M______, disant simplement "maintenant elle est morte et ma vie s'est arrêtée". En effet, il avait complètement changé depuis les faits et avait en quelque sorte cessé de vivre.

x'.g. AO______

Le frère du prévenu avait été très choqué lorsqu'il avait pris connaissance des accusations concernant M______. Il était très proche de A______ et était allé le voir en prison environ une fois par semaine depuis son arrestation. Ce dernier avait juré qu'il était innocent ; il disait que son nom avait été sali et se faisait du souci pour ses filles. Quand ils abordaient cette question, il était ému et avait de la peine à s'exprimer. A______ vivait très difficilement sa détention, de même que les membres de sa famille ; les choses se passaient mal avec les gardiens et il y avait beaucoup de pression.

Il a décrit le prévenu comme quelqu'un d'enjoué, de joyeux, aimant faire la fête.

Il avait vécu avec son frère et E______ dans l'appartement de V______ (GE) du mois de janvier 2012 au début du ramadan. Il avait également vu la mère de E______ durant cette période, pendant environ un mois. Il avait dormi dans le salon avec son frère et E______ dans la chambre avec sa mère. Quand elle était partie, il avait dormi dans le salon et A______ avait réintégré la chambre. Pendant cette période, il n'avait pas remarqué de traces de coups sur E______ ni n'avait entendu de bruits de disputes.

Il n'avait pas non plus constaté de traces de coups sur N______.

Il a confirmé avoir vu O______ à une reprise tenant un mouchoir ensanglanté sur son nez et l'avoir conduite jusqu'aux ______ [quartier de Genève]. Il n'avait pas vu ce qui s'était passé mais avait entendu les bruits d'une dispute. Excepté à cette occasion, il n'avait jamais constaté de traces de coups sur elle et elle ne s'était jamais plainte auprès de lui. Il n'avait pas parlé de cet épisode lors de sa première audition à la police car on ne lui avait pas posé de questions à ce sujet.

Il n'avait pas été présent lorsque A______ avait frappé AB______, enceinte, mais, d'une manière générale, il n'avait jamais vu son frère être violent avec les femmes.

y'.a. Les parties plaignantes ont déposé des conclusions civiles.

y'.b. A______ a pris des conclusions en indemnisation, tendant à la couverture du tort moral subi du fait de la détention subie à tort (CHF 425'400.-) et de son dommage économique (CHF 552'000.-). Il a en outre produit un tableau provenant de l'Office cantonal de la détention retraçant son parcours cellulaire.

y'.c. Il a plaidé une violation du principe de célérité, qui n'a pas été retenue par les premiers juges, bien qu'ils aient constaté qu'il n'y avait pas eu d'audience au MP entre le 22 avril 2015 et le 10 mars 2016, puis entre le 10 mai 2016 et le 17 mai 2017. Néanmoins, d'autres actes d'enquête avaient été effectués durant ces périodes, notamment des nouvelles analyses ADN et l'établissement de rapports de police et de rapports du CURML.

C. Procédure d'appel

1. Préparation et déroulement de la première audience d'appel

a.Réquisitions de preuve

a.a. La réquisition de preuve formulée dans la déclaration d'appel a été rejetée par décision présidentielle du 8 octobre 2018.

a.b. Le 14 décembre 2018, la défense a présenté trois nouvelles demandes tendant à

- l'audition de l'auteur du rapport de la BCrim du 6 juin 2018 en vue de "solliciter des éclairages complémentaires se rapportant aux heures d'utilisation de la ______ [console de jeu]" ;

- l'audition du Dr S______, responsable de l'Unité de BL______ du CURML, car "la question de l'ADN et son interprétation" étant au coeur du jugement querellé, "l'éclairage du Dr S______, dans le prolongement de celui de Monsieur BJ______, serait infiniment pertinent aux fins de recueillir sa propre interprétation" ;

- un complément d'expertise en vue de définir "la durée recouverte par la notion de "peri mortem" d'une part et, d'autre part, le temps minimum qui sépare nécessairement les lésions ante mortem de celles survenues post mortem", l'audition des médecins légistes, plus particulièrement le Dr AD______ étant réservée. A l'appui, il était relevé que selon lesdits médecins, toutes les lésions relevées sur le corps de M______ étaient soit ante soit post mortem.

Après interpellation des autres parties, ces réquisitions ont été rejetées par ordonnance motivée du 9 janvier 2019.

b. Ouverture des débats et réquisitions de preuve

b. Les débats ont été ouverts une première fois le 28 janvier 2018.

c. D'entrée de cause, E______ et G______ ont déposé des pièces nouvelles, tandis que la défense a demandé la scission des débats au sens de l'art. 342 al. 1 let. a CPP et a réitéré ses réquisitions de preuve.

La CPAR a refusé d'ordonner la scission des débats et rejeté les réquisitions de preuve, au bénéfice d'une brève motivation orale.

c. Procédure probatoire

d.a. A______ a souligné que le prononcé du verdict par le TCrim, en présence d'un public très hostile, avait été difficile, lui donnant le sentiment d'avoir été jugé non pas par le Tribunal mais par les parties plaignantes. Il en avait ressenti une profonde injustice.

Il ne souhaitait rien ajouter spontanément à ses précédentes déclarations si ce n'est réitérer qu'il n'avait pas tué M______ et l'avait aimée comme sa propre fille.

Le soir du 22 août 2012, après avoir atteint l'entrée du garage, M______ lui ayant ouvert la barrière, il avait décidé de faire demi-tour pour aller prendre de l'essence, comme il était juste avant 22h00. Il avait donc dit à l'enfant de monter dans son taxi. A son sens, il n'aurait pas été plus simple d'attendre le lendemain car il ne savait pas encore s'il allait passer la nuit sur place. Il avait taquiné M______ à leur retour de la station-service et lui avait donné rendez-vous le lendemain, vers 19h30 pour qu'elle puisse toucher le volant de son taxi sur le trajet menant jusqu'au garage de l'immeuble. Il avait fixé comme lieu du rendez-vous l'épicerie afin de lui permettre de faire le trajet depuis ledit commerce. Comme il lui était rappelé qu'il avait déclaré l'avoir fait pour éviter de croiser G______, il a exposé que "tout [était] possible" en raison de la complicité entre M______ et lui. Il ne se souvenait cependant pas avoir dit cela, étant rappelé que le fait qu'il permettait à l'adolescente de "toucher le volant" n'était pas un secret.

Le 23 août 2012, il ne s'était rappelé leur rendez-vous qu'en quittant l'hôpital, où il avait accompagné G______ et les enfants. Initialement, il avait décidé de quitter l'hôpital pour aller passer la soirée au restaurant AM______ (GE), quand bien même il n'avait pas faim. Il ne savait pas pourquoi il avait dit à G______ qu'il allait travailler, si ce n'est que cela n'avait rien à voir avec son rendez-vous avec M______, dont il s'était souvenu alors qu'il se dirigeait vers sa voiture et s'était dit qu'il pourrait aller la chercher et l'emmener au restaurant. Il était arrivé devant l'épicerie avec, approximativement, un quart d'heure de retard. Après l'avoir attendue un certain temps, il avait conclu de son absence qu'elle avait dû rester chez une copine et il était parti. Il ignorait à quelle heure elle était censée rentrer à la maison - il était d'ailleurs inexact qu'il eût précédemment fait des remontrances à l'une ou l'autre fille parce qu'elle était rentrée en retard - et ne pouvait pas savoir qu'elle était en principe ponctuelle. De plus, elle avait l'habitude de faire un petit jogging à cette heure-là. Il n'avait pas pu l'appeler, car il n'avait pas enregistré son nouveau numéro. Celui-ci apparaissait dans son journal d'appels le soir des faits à 22h00 parce qu'il avait été composé par I______, qui s'ennuyait et jouait avec son appareil au restaurant.

Il n'avait pas eu envie de parler à G______ de son rendez-vous manqué avec M______, ni au restaurant, ni à leur arrivée dans l'appartement, étant précisé qu'au AM______ (GE), personne n'était inquiet, la mère étant énervée. Durant les recherches, il avait également préféré garder le silence, craignant que K______ ne le voie parler à G______ et découvre leur liaison, et n'avait pu en parler lors de ses contacts téléphoniques avec G______ parce qu'elle était en compagnie de AG______. La priorité à ce moment-là était de cacher leur relation. Il n'avait par ailleurs jamais évoqué à haute voix l'hypothèse que la disparition de M______ pût être imputable au "coup d'un blanc". Il n'avait été véritablement inquiet que lorsque les communications avaient été coupées, la famille de la victime étant conduite à la police. Il était certes vrai que G______ lui avait dit au téléphone que la police cherchait M______ avec des chiens et qu'à ce moment-là non plus, il n'avait pas mentionné le rendez-vous manqué.

Il était logique qu'un profil ADN correspondant au sien fût retrouvé dans l'appartement, dès lors qu'il y vivait partiellement. Cela était valable aussi pour la trace retrouvée sur la hanche de M______, à même la peau, laquelle était à mettre en relation avec leurs chamailleries de la veille au soir. Celle relevée à l'intérieur de la culotte de M______ s'expliquait par le fait qu'il avait dû toucher le sous-vêtement en question alors qu'il séchait dans la salle de bains.

Il aimait G______ qu'il connaissait depuis 20 ans et se sentait proche de M______, qu'il considérait comme sa propre fille. Le fait d'avoir en sa possession la clef de l'appartement symbolisait l'amour et la confiance que lui et G______ se portaient. Il ne s'était cependant jamais rendu dans l'appartement sans prévenir, de crainte d'être surpris par K______. C'était précisément pour cette raison et parce qu'il pensait M______ chez une amie qu'il n'était pas monté dans l'appartement le jour des faits.

Il avait paniqué lorsqu'il avait appris la mort de M______ et, comprenant que son passage à proximité de l'appartement pouvait l'incriminer, il avait menti à la police. Il n'avait pas de mots pour décrire la mort de M______, qui lui faisait bien sûr mal. Il n'avait jamais été sexuellement attiré par les enfants.

N______ était une femme forte, en ce sens qu'elle était indépendante, bien dans sa peau et savait ce qu'elle se voulait. Il n'était pas l'homme aux côtés duquel elle s'était réveillée au lendemain de Noël 2006.

Il pouvait s'être montré jaloux dans ses relations sentimentales, voire se fâcher, comme tout le monde. Il n'était cependant pas colérique et, sous réserve du fait qu'il avait interdit à Y______ de travailler comme danseuse traditionnelle, il n'avait jamais limité les sorties de ses compagnes.

Il reconnaissait avoir fait preuve de violence, à une seule reprise, à l'encontre de AB______ et de Y______ et avoir poussé, une seule fois, E______ suite à l'incident de la boîte aux lettres. Il lui était également arrivé de donner une fessée à ses enfants avec une "tong".

Les conditions dans lesquelles la commission rogatoire en Ethiopie s'était déroulée n'étaient pas conformes à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ; il avait dû accepter la solution du contact téléphonique avec son avocat parce que celui-ci avait insisté, alors même qu'il n'était pas d'accord. Il ignorait pourquoi son ex-épouse avait agi de la sorte, mais il était sûr à 100% qu'elle n'avait fait que répéter ce que l'interprète lui avait dit de déclarer.

O______, E______ et N______ n'étaient pas censées se connaître et pourtant leurs récits étaient semblables, seuls les noms variant. Il demandait pourquoi tous ces mensonges. Il ne comprenait pas pourquoi AC______ et Z______ avaient toutes deux dit avoir reçu des confidences de E______ et il n'avait pas frappé ses enfants avec une chaussure, si ce n'est une "tong", de sorte qu'il était possible que N______ et Z______ aient évoqué le même geste.

Il n'avait pas poussé la tête de O______ contre le mur comme l'avait raconté sa fille Z______. Ils s'étaient simplement disputés à une occasion lors des fêtes du ramadan. Cet incident correspondait à celui relaté par AO______, lors duquel celui-ci avait constaté que sa femme saignait du nez. Le témoin DD______ qui prétendait avoir vu son ex-épouse avec un oeil "au beurre noir" n'avait rien dit de tel durant trois ans et avait quitté la Suisse peu après son audition. Il avait donc dû vouloir faire plaisir à la famille G/H/I/M_____.

Il a invité la Cour à cesser de tenter de le déstabiliser lorsqu'il lui a été demandé si le cousin de O______ avait également menti, et à s'interroger plutôt sur l'invention du séjour en France de E______, dont elle avait donné quatre versions.

La date du 16 avril 2011 pour l'enregistrement du film à caractère pornographique lui paraissait correcte. E______ et lui en avaient discuté et avaient décidé de se filmer, étant précisé qu'il ne s'agissait pas de la première fois qu'elle lui prodiguait une fellation ou qu'il la pénétrait analement.

A______ a confirmé l'exactitude des propos de BW______ sur les rapports avec les femmes dans la culture éthiopienne tout en précisant que les liens pouvaient être plus étroits dans le cadre intrafamilial. Il était exact qu'il avait pu, rarement, conduire E______ au domicile de sa soeur BU______ lorsqu'elle y travaillait, y rester ou la déposer avec les enfants à l'école. En revanche ils n'avaient jamais eu de rapports sexuels sur place.

Il ne souffrait d'aucun trouble ni atteinte à sa santé mentale, ne partageait pas les conclusions des experts et n'avait pas besoin d'un traitement. Il était néanmoins disposé à continuer le suivi thérapeutique initié peu après les débats de première instance, sur une base hebdomadaire, cela même en cas de libération, au motif qu'il n'était plus la même personne qu'avant sa détention et qu'il avait perdu quelque chose en lui qui ne pourrait pas être réparé.

Il n'avait plus eu de contact avec sa famille depuis le jugement de première instance, à l'exception de son frère AO______ qui était venu lui rendre visite deux fois et sa fille AC______, à une reprise.

d.b. Selon G______, l'épisode de la taquinerie décrit par A______ avait eu lieu plusieurs semaines avant le 22 août 2012. M______ n'avait jamais fait du jogging, ni le soir ni la journée. Depuis leur séparation K______ ne s'était jamais présenté chez elle sans prévenir.

Elle ne vivait plus depuis que sa fille était morte et se sentait responsable, car c'était elle qui avait introduit A______ chez elle. Elle parlait tous les jours à M______ par la fenêtre de son appartement donnant sur le cimetière. Elle était suivie par un psychiatre et vivait très mal la procédure, à l'instar de I______ qui avait été très malade après les débats de première instance. H______ avait également dû être suivi par un psychologue après avoir appris ce qui était réellement arrivé à sa soeur.


 

d. Récusation d'une juge assesseure et suspension

e.a Sur ce, la procédure probatoire a été déclarée close et les parties invitées à plaider.

Le 29 janvier 2019, alors qu'il s'exprimait après les autres parties appelantes, soit le MP et le conseil juridique de E______, le défenseur d'office principal du prévenu s'est interrompu. Il a exposé que la juge assesseure DE______ s'était endormie durant sa plaidoirie, ce qui lui était déjà arrivé dans la matinée, lors du réquisitoire. La défense a requis la récusation de cette magistrate et l'ajournement des débats.

e.b. Ouï les autres parties, lesquelles, à l'exception du MP qui s'en est rapporté, se sont opposées au renvoi des débats, la Cour a prononcé leur ajournement et imparti à la défense un délai de dix jours pour déposer une requête motivée de récusation.

e.c. Par courrier du 30 janvier 2019, DE______ a démissionné de sa charge de juge assesseure.

2. Préparation et déroulement de la seconde audience d'appel

a. Fixation de la nouvelle audience et audience préliminaire

f. Le 31 janvier 2019, la CPAR a adressé aux parties un courrier les informant de dite démission et de ce que l'audience reprendrait le 26 mars 2019. Il était précisé que l'identité du nouveau juge assesseur serait communiquée aussitôt connue.

g. Par lettre du 5 février 2019, il a été annoncé aux parties que la juge assesseure qui allait compléter la composition de la juridiction d'appel, en lieu et place de DE______, était Nehanda MAURON-MUTAMBIRWA.

h.a. Le 22 février2019, la défense a écrit à la présidente de la CPAR lui demandant comment elle envisageait le déroulement de l'audience du 26 mars 2019 et quel en serait le contenu. Dès lors, une audience de comparution du MP et des mandataires a été appointée, d'entente avec les comparants, au 8 mars 2019.

h.b. Lors de dite audience, la défense a annoncé qu'elle soulèverait, à la reprise des débats, des questions incidentes tendant au dessaisissement de la Cour afin de sauvegarder l'égalité des armes et reprenant, à titre subsidiaire, les demandes faites à titre préjudiciel.


 

b. Instruction des conditions de détention

i.a. En parallèle, soit par courriel du 4 mars 2019, la Direction de la prison de CQ______ a été requise de fournir un rapport sur le parcours carcéral de A______, en complétant notamment le document produit par la défense devant le TCrim.

i.b. Selon le rapport du 8 mars 2019, au cours de sa détention à la prison du CQ______ , soit du 27 août 2012 au 11 juillet 2018, l'appelant avait disposé d'une surface inférieure à 4 m2 durant :

(i) 37 nuits consécutives à l'intérieur de la période allant du 2 décembre 2012 au 19 mars 2013 (3.39 m2) ;

(ii) 329 nuits consécutives (= 316 à 3.39 m2 + 13 à 2.54 m2), entre le 21 mars 2013 et le 8 mars 2014 ;

(iii) 167 nuits consécutives entre le 24 avril et le 2 novembre 2014 (3.39 m2) ;

(iv) 65 nuits consécutives entre le 7 novembre 2014 et le 1er avril 2016 (3.39 m2).

25 nuits séparent les périodes (i) et (ii), 85 les périodes (ii) et (iii) et 451 les périodes (iii) et (iv).

Par ailleurs, A______ avait eu un poste de travail en atelier ou comme nettoyeur d'étage du 18 décembre 2012 au 2 novembre 2014, du 22 décembre suivant au 1er avril 2016 et du 28 août 2017 au 11 juillet 2018, avait bénéficié d'une séance de sport d'une heure par semaine du 27 août 2012 au 11 juillet 2018 outre l'accès à la petite salle de gymnastique entre le 7 juillet 2016 et le 11 juillet 2018 (une heure, deux ou trois jours par semaine, de manière cyclique) et avait reçu 203 visites.

c. Seconde audience

i. Demande de dessaisissement de la Cour, subsidiairement de suspension jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral (TF)

j.a. Par courrier déposé le vendredi 22 mars 2019, la défense a requis qu'il soit statué préalablement à la reprise de débats sur sa requête tendant au dessaisissement de la Cour aux fins de sauvegarder l'égalité des armes.

j.b. Il a été rappelé aux avocats de A______, par pli du même jour, qu'ils avaient affirmé, à l'audience du 8 mars 2018, qu'il ne s'agissait pas d'une demande de récusation. Toutefois, à lire leur courrier, la distinction ne paraissait pas évidente de sorte qu'ils étaient invités à indiquer, par retour de courrier, si la défense requérait la récusation des magistrats ayant siégé les 28 et 29 janvier 2019, afin que la procédure de récusation pût, cas échéant, être ouverte.

j.c. Selon télécopie du 25 mars 2019, lesdits défenseurs affirmaient qu'on se trouvait "clairement en marge d'une problématique de prévention au sens de l'art. 56 CPP" La requête de dessaisissement était réitérée et, dans l'hypothèse d'une réponse négative, la suspension de la procédure était sollicitée, afin que l'incident pût être porté devant le TF.

k.a. A l'ouverture des débats, la défense a tout d'abord été priée de lever toute ambiguïté et dire si, oui ou non, elle présentait une demande de récusation. La défense a répondu que tel n'était pas le cas.

k.b. Les parties ont dès lors été acheminées à plaider sur incident de dessaisissement de la Cour, y compris la requête de suspension en cas de décision négative.

k.b.a. Selon les avocats de A______, la situation était inédite. La problématique n'était pas celle de la récusation, car il n'y avait aucune prévention, ni apparence de prévention, de la part de la Cour. La seule analogie possible était celle avec l'art. 334 CPP, qui prescrivait que le tribunal devait se dessaisir s'il parvenait à la conclusion qu'une affaire n'était pas de sa compétence, bien que la question ne relevait en l'occurrence pas non plus de ce registre. L'obstacle tenait d'abord à ce que la Cour avait statué sur les questions préjudicielles à une majorité ou unanimité ignorée des plaideurs, de sorte que la défense ne savait pas si la voix de la nouvelle juge assesseure était susceptible de modifier l'issue sur ce point. On ignorait ensuite comment devrait se dérouler l'audition du prévenu par la Cour dans sa nouvelle composition et quel sort réserver au procès-verbal de la précédente audience. Enfin, les juges siégeant à dite audience avaient, en plein éveil, entendu le réquisitoire du Ministère public et la plaidoirie de la partie plaignante E______. Ils en avaient été imprégnés, fécondés, et avaient pu y réfléchir durant les deux mois écoulés. S'ils étaient amenés à réentendre ces interventions, l'égalité des armes ne serait pas assurée. La situation n'était pas non plus comparable à celle d'un renvoi par le TF, auquel cas la juridiction statuait dans la même composition, car dans une telle hypothèse, le TF donnait des directives et les plaideurs connaissaient la position de la juridiction qui avait déjà statué et pouvaient l'inviter à s'en distancer.

k.b.b. Le MP et les parties plaignantes se sont opposés aux demandes de la défense. Celle tendant au dessaisissement était une requête de récusation, déguisée, parce que tardive.

Le MP ne pensait pas avoir la capacité d'envoûter la Cour, ni de lui imposer son argumentaire par la simple répétition de son réquisitoire. On pouvait d'ailleurs se demander si ce n'était pas la défense qui tirait un avantage de la situation, pour avoir eu deux mois pour préparer sa réponse. Selon la jurisprudence, le principe de l'égalité des armes tendait à consacrer un juste équilibre. Chaque partie devait se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause, sans se trouver dans une position de net désavantage, exigence clairement satisfaite en l'espèce dès lors que la défense aurait amplement l'occasion de plaider lors des débats.

Selon le conseil juridique de G______ et ses enfants, les trois premiers points soulevés à l'appui de l'incident ne relevaient pas de la garantie de l'égalité des armes. Le respect de cette garantie était assuré, s'agissant du dernier argument, par le fait que la défense pourrait plaider, après le réquisitoire et la plaidoirie de la partie plaignante qui avait formé appel joint, aussi longuement qu'elle le souhaiterait.

L'idée d'un nouveau report était intolérable pour les victimes, sentiment évoqué également par les conseils de K______ et E______.

k.c. La Cour a rejeté la demande de dessaisissement de même que celle tendant à la suspension jusqu'à incident tranché par le TF. Elle a consigné au procès-verbal les motifs de sa décision, afin que la défense puisse, si elle s'y estimait fondée, saisir aussitôt la juridiction supérieure.

ii. Demande de scission des débats et réquisitions de preuve

l.a.a. La défense a dès lors réitéré sa demande de scission des débats et ses réquisitions de preuve.

L'avocat principal a renoncé à plaider à l'appui de la demande de scission des débats, l'exercice consistant à réitérer ce qui avait été développé à l'ouverture de la précédente audience lui paraissant aberrant, tout en mentionnant que si elle n'était pas ordonnée dans la présente affaire, la scission ne le serait sans doute jamais.

Sa consoeur espérait pour sa part que les réquisitions de preuve seraient accueillies, car il suffit parfois d'une voix pour rallier toutes les autres. Toutes ces réquisitions tendaient à mieux fixer le moment du décès de M______.

Il avait été procédé au prélèvement du contenu du bol gastriquede la victime pour deux motifs, soit déterminer la présence éventuelle de toxiques et estimer l'heure du décès, puis il n'avait pas été procédé à des analyses dans cette dernière optique soit-disant parce que la démarche n'aurait pas été fiable, ce qui était totalement contradictoire. Au lieu d'anticiper un résultat, il fallait commencer par procéder à l'examen et on saurait ensuite si les résultats étaient utiles, étant rappelé que M______ n'avait rien avalé de l'après-midi hormis une glace aux environs de 15h00 selon son amie AK______, de sorte que si l'analyse indiquait qu'elle avait mangé aux environs de 19h30 ou 20h00, on aurait un élément pertinent. D'ailleurs, on procédait à l'analyse du bol gastrique dans toutes les affaires, cela avait notamment été fait dans un précédent vaudois fameux, remontant à l'année 2012.

L'expertise complémentairerequise était nécessaire aux fins d'identifier quel laps de temps avait pu s'écouler entre la strangulation manuelle de M______ par l'auteur des faits et celle provoquée par le poids de la latte, son corps ayant été déposé sous le lit.

La défense tenait les rapports concernant la ______ [console de jeu] pour "elliptiques". Dès lors que la console était allumée à l'arrivée de I______ et sa mère, il fallait vérifier si le temps de une heure 20 minutes mentionnés par la police devait être décompté à rebours depuis le moment de dite arrivée, étant rappelé qu'il était établi que la console n'avait pas été utilisée plus tôt dans la journée.

Le défense n'élevait aucune contestation contre les résultats des expertises du CURML concernant l'ADN. L'audition du Dr S______ était requise au sujet de l'interprétation qui pouvait être faite de ces résultats ; il s'agissait notamment de lui demander si l'interprétation par les premiers juges avait une valeur absolue. Il était de plus nécessaire que le Dr S______ rappelle à la Cour toute la prudence qu'il fallait avoir dans ce domaine.

l.a.b. Les autres parties s'en sont rapportées sur la scission, le MP soulignant cependant que la question était de la prérogative exclusive de la Cour. Toutes ont conclu au rejet des réquisitions de preuve.

Le Dr AD______ avait expliqué que l'analyse du bol gastrique ne permettait pas d'estimer l'heure d'un décès car le temps de digestion variait considérablement d'un sujet à l'autre et même d'un jour à l'autre pour le même sujet, de sorte que la méthode n'était plus suivie depuis de nombreuses années. On ignorait l'heure de la dernière consommation d'aliments par M______. Contrairement à ce qu'avait plaidé la défense, les prélèvements du contenu du bol gastrique étaient effectués non pas dans l'intention d'établir l'heure du décès, mais, à l'instar de multiples autres prélèvements, parce qu'au moment de la découverte d'un corps, on ignore encore quelle analyse sera en définitive ordonnée.

Comme retenu dans l'ordonnance présidentielle, le laps de temps écoulé entre la rupture de l'hymen de M______ et sa mort était suffisamment documenté. La notion de peri mortem désignait une période proche de la mort, avant et après celle-ci. Elle coïncidait donc partiellement avec ce qui était ante et post mortem sans être un troisième laps de temps.

Tous les intervenants auraient aimé faire parler la console ______ [console de jeu]. Malheureusement, cela était impossible, non pas parce que la police avait été paresseuse, mais parce que l'appareil, qui datait de plus de six ans, n'était pas pourvu d'un système d'horodatage permettant de fractionner le temps de jeu, seule la durée totale par 24 heures étant enregistrée.

Quoi qu'elle en dise, la défense avait bel et bien pour objectif de provoquer une éventuelle contradiction entre le Dr S______ et BJ______ afin de tenter de décrédibiliser un travail qui n'avait jamais été remis en cause avant le renvoi en jugement.

l.b. La Cour a rejeté les requêtes de la défense, au bénéfice d'une brève motivation orale, renvoyant pour le surplus aux considérants du présent arrêt (cf. infra consid. 3. et 4.).

iii. Procédure probatoire

m.a.a. La Cour s'apprêtant à répéter intégralement son interrogatoire, A______ a déclaré qu'il n'entendait pas répondre à ses questions, la démarche étant "à sens unique", pas plus qu'à celles du MP et des parties plaignantes.

En réponse à l'unique question posée par ses avocats, il a confirmé qu'il était d'accord de continuer le suivi psychothérapeutique décrit dans le certificat du 15 mars 2019 produit.

Requis de signer le procès-verbal de cette brève déposition, l'appelant a, en lieu et place, écrit "je suis innocent".

m.a.b. Il résulte du certificat précité que A______ bénéficiait d'une prise en charge depuis le 9 mai 2018. L'alliance thérapeutique était bonne. Depuis le transfert d'établissement, l'objectif du suivi était d'aider le patient à surmonter le procès de première instance, qu'il avait ressenti comme une humiliation, de se préparer aux débats d'appel, susceptibles d'être la source de reviviscences des injustices ressenties, de même que de l'accompagner dans la résolution des tensions avec certains détenus et pour limiter la pression ressentie, s'ajoutant au sentiment d'injustice toujours présent. La continuation du suivi était préconisée, afin de permettre à A______ d'être soutenu et d'élaborer ses différents ressentis.

m.b. G______ a évoqué combien la suspension de l'audience d'appel, le 29 janvier 2019, avait été difficile pour toute la famille. Elle-même en avait été si perturbée qu'elle n'avait pu récupérer son fils, confié à une voisine. Elle était terriblement fatiguée et, plus de six ans après les faits, continuait de faire des cauchemars dans lesquels le prévenu apparaissait.

iv.Plaidoiries, y compris incident de renvoi au lendemain, et derniers mots du prévenu

n.a La procédure probatoire close, les parties ont été acheminées à plaider, étant précisé que quand bien même A______ n'était pas intimé, ses avocats se sont exceptionnellement vus donner l'occasion de s'exprimer une dernière fois à la suite des dupliques des parties plaignantes intimées.

n.b. Au deuxième jour d'audience, un autre incident a été soulevé : alors que le conseil de E______ avait plaidé une heure et le premier avocat de A______ environ quatre heures et dix minutes (hors interruptions), le collège de la défense n'a pas souhaité que la seconde avocate poursuive et, la Cour in corpore l'y invitant néanmoins, a brièvement plaidé une nouvelle violation du principe de l'égalité des armes, motivé par le fait que "tous [étaient] fatigués". Les autres plaideurs s'en sont rapportés.

Après s'être brièvement retirée pour délibérer, la Cour a communiqué que l'audience se poursuivait, chacun de ses membres s'estimant en mesure de suivre la plaidoirie de la défense avec toute l'attention nécessaire.

L'avocate a dès lors plaidé environ deux heures trente, hors deux interruptions de 15 minutes chacune.

o.a. Le MP persiste dans ses conclusions, tout en requérant qu'il soit tenu compte des conditions de détention dans le cadre de la déduction à opérer sur la peine au titre de la privation de liberté subie avant jugement, subsidiairement qu'une indemnité en argent soit exceptionnellement allouée au prévenu, et s'en rapporte à justice en ce qui concerne les prétentions en tort moral de E______.

A______ avait fait quatre victimes dont il était le seul point commun. Avant cela, le récit de CE______ révélait des prémisses de pratiques sexuelles violentes, celui de AB______ un début de violences physiques, de même que celui de Y______, évocateur aussi des manoeuvres d'isolement, annonciatrices des faits de séquestration, ainsi que de son insistance au plan sexuel, qui débouchera sur le viol et la contrainte. Même la violation d'une obligation d'entretien, reconnue, était significative de la personnalité de l'intéressé, qui avait préférer prendre régulièrement des vacances en Ethiopie plutôt que payer les pensions de ses filles. Le mensonge était au coeur du personnage.

Les récits de E______,N______ et O______ étaient frappants par leurs similitudes alors que les trois femmes ne se connaissaient pas. Certes, d'autres compagnes de A______, soit CU______ et G______, n'avaient subi aucune forme de violence, mais leur situation était différente car elles ne vivaient pas avec lui, étaient bien intégrées à Genève et avaient une personnalité plus affirmée.

Le jugement de première instance comportait une exégèse exacte des faits ; il ne restait qu'à rappeler quelques éléments saillants.

A______ prétendait que O______ avait menti à la demande de la famille G/H/I/K______ et que son témoignage avait été pollué par l'interprète, mais elle ne connaissait pas les parties plaignantes et ladite interprète, que le MP avait choisie parce qu'elle ne faisait pas partie de la communauté éthiopienne de Genève, vivant à DH______ [VD], n'avait pas parlé du contenu de sa déposition à venir avec l'ex-épouse, l'interrompant au contraire aussitôt que celle-ci avait évoqué avoir elle-même été victime. Or, la déclaration de O______ était crédible à plusieurs égards. Lorsqu'elle avait été entendue, celle-ci savait que A______ était détenu, mais en lien avec un homicide. Elle ignorait les faits dénoncés par E______ et N______, tout comme leur existence même. Elle n'avait aucun intérêt à l'accuser à tort et son propos était confirmé, s'agissant des coups, par le témoignage de son cousin et de CS______, ainsi que par l'aveu de A______ pour une occurrence. Certes, O______ n'avait pas parlé des violences sexuelles à sa famille, mais cela pouvait s'expliquer, s'agissant d'un sujet intime et parce qu'il était difficile d'avouer l'échec de ce mariage qu'elle avait voulu et pour lequel elle avait tout quitté.

Le raisonnement du TCrim concernant N______ ne pouvait être suivi car cela revenait à exclure qu'une femme qui, à certains moments avait su résister, pût en avoir été incapable à d'autres. N______ avait certes été moins isolée et soumise que les deux autres victimes, mais son discours demeurait crédible, surtout du fait de la similitude avec la narration de celles-ci. A titre d'exemple, il était rappelé qu'elle avait, comme les deux autres, relaté qu'elle ne pouvait pas se nourrir lorsqu'elle avait faim, et était traitée de "boniche", une insulte spécifique à la culture amharique. Elle n'avait pas non plus d'intérêt à mentir et n'avait d'ailleurs pas été entendue à sa demande.

Pour le MP, le témoignage des assistantes sociales soutenait fortement le récit de E______, de même que le dossier médical. Celle-ci avait été prise au piège d'une relation d'emprise, vivant sous la menace et séquestrée. A______ avait déjà enfermé ses deux précédentes victimes, mais dans ce cas, cela était devenu systématique. La cage ne s'était ouverte que grâce à l'arrestation du prévenu. E______ avait alors pris la fuite et il avait fallu à la police des mois pour retrouver sa trace. Les prétendus comploteurs auraient-il été plus rapides ? Le TCrim avait erré en ne retenant pas la circonstance aggravante de la cruauté. Contrairement à ce qu'indiquait le jugement, les épisodes de strangulations étaient clairement décrits, auxquels s'ajoutaient les autres agissements évoqués dans l'acte d'accusation à ce titre. D'ailleurs, cette circonstance aggravante était cohérente avec le diagnostic de sadisme sexuel retenu par l'expert P______ de même que la psychopathie admise par ses confrères français.

L'auteur de l'homicide de M______ était nécessairement un proche, car personne ne l'avait surprise au moment où elle rentrait chez elle, puisqu'elle s'était changée, il n'y avait aucune trace de lutte et le corps avait été dissimulé, ce qu'un tiers inconnu n'avait aucun intérêt à faire, au risque de perdre du temps. Ce tiers inconnu n'aurait pas non plus pris la peine d'emporter la clef de M______, étant rappelé que ni la sienne, ni celle de A______ n'avaient été retrouvées.

Dès sa première audition, A______ avait eu une attitude hautement suspecte. Il n'avait montré aucune émotion en apprenant la mort de l'enfant, ni n'avait posé de question, lui qui disait l'aimer comme sa fille. Il avait cru utile d'évoquer l'épisode de la prétendue chamaillerie avec elle, dont la mère dira pourtant qu'il avait eu lieu plusieurs semaines plus tôt, et prétendu avoir remboîté les pieds du lit alors que G______ l'avait fait seule, car il savait qu'il risquait d'être désigné par les analyses scientifiques. Il n'était qu'un menteur et avait fabulé aussi sur son emploi du temps à sa sortie de l'hôpital, disant d'abord qu'il était allé directement au restaurant, avant d'inventer la prise en charge gracieux de deux jeunes gens puis la halte au distributeur de monnaie, enfin le rendez-vous avec M______ afin de s'adapter aux données de la téléphonie. Cette dernière thèse était cependant si fausse qu'il avait donné moult explications contradictoires. A cela s'ajoutaient l'invitation au restaurant de G______ et des deux autres enfants, dont l'objectif véritable était de se construire un alibi, son comportement plutôt passif lors des recherches ainsi que les instructions données à E______ de ne pas ouvrir la porte à la police.

M______ avait été tuée entre 19h30 et 20h44, heure à laquelle elle n'avait pas répondu à l'appel téléphonique de sa mère et à compter de laquelle elle ne se manifestera plus. Or, le laps de temps de 36 minutes durant lequel le taxi du prévenu s'était trouvé à proximité du domicile de la famille de M______ se situait dans cette tranche horaire et était assez large pour contenir une durée incompressible de 15 minutes environ pour commettre les faits (2' pour aller de la voiture à l'appartement + 5' pour entreprendre M______ et la déflorer au moyen d'un doigt + 4' pour l'étrangler + 2' pour dissimuler son corps sous le lit + 2' pour retourner à la voiture). La victime n'avait pas rendez-vous avec A______ pour "toucher le volant", car elle n'avait pas de raison de manquer ce rendez-vous, étant rappelé qu'elle était rentrée chez elle et s'était changée, mettant des vêtements d'intérieur. Les informations recueillies grâce aux analyses ADN parachevaient le faisceau d'indices, accablant. Se référant aux considérants, tenus pour très complets, du jugement, le MP mettait plus particulièrement en exergue les points suivants : il n'y avait pas de profil de tiers, seul deux profils inconnus mais vraisemblablement féminins ayant été identifiés, sur plus de 200 prélèvements ; le profil de l'appelant était présent en des emplacements particulièrement incriminants, soit sous les ongles de M______, qui s'était pourtant nécessairement lavée les mains depuis son dernier contact avec lui, remontant à presque 24 heures, et à l'intérieur du slip de la jeune fille, étant souligné qu'il ne s'agissait pas d'un mélange. Or, le prévenu ne se rendait jamais dans la chambre des enfants et ne s'occupait pas du linge. Il prétendait avoir pu toucher le slip alors qu'il séchait mais il était revenu dans le logement le 22 août 2012 pour la première fois depuis une semaine et qui irait toucher la partie intérieure d'une culotte d'enfant qui sèche ? Il y avait également le mélange des profils de A______ et de M______ sur le volant.

La circonstance aggravante de l'assassinat était clairement réalisée. Après l'avoir agressée sexuellement, le prévenu s'en était pris de façon odieuse à une gamine de 12 ans dont il n'avait jamais eu à souffrir et qui était la fille de son amie intime et d'un homme dont il avait été très proche. Il avait tenu son cou entre ses mains durant quatre longues minutes, la regardant mourir, alors qu'à tout instant il pouvait relâcher son emprise. Il n'avait sans doute pas prémédité l'homicide mais la froideur dont il avait fait preuve après les faits, afin de se forger un alibi, était celle d'un assassin. L'assassinat entrait en concours avec les autres infractions graves commises au préjudice de M______ et, durant les années précédentes, à celui de trois autres victimes, qui avaient vécu un véritable calvaire. Pour le MP, l'assassinat de M______ justifiait, vu les circonstances, le prononcé de la sanction la plus sévère. Il demandait à la Cour, au cas où elle estimerait que la peine de vingt ans prononcée par les premiers juges était adéquate pour l'assassinat, de faire évoluer la jurisprudence du TF selon laquelle, en cas de concours entre plusieurs infractions, dont une seule est passible d'une peine privative de liberté à vie, le prononcé d'une condamnation à vie ne peut pas se fonder sur le seul principe de l'aggravation. A défaut, le message fait aux victimes serait que les autres infractions que l'assassinat de l'adolescente ne méritaient qu'une peine équivalente à zéro.

Le MP ne contestait pas que A______ avait subi une détention dont les conditions n'avait pas toujours respecté les standards découlant de l'art. 3 CEDH. Il requérait cependant que toute compensation soit octroyée sous forme de déduction à opérer sur la peine, et non de réduction de celle-ci, subsidiairement d'une indemnité en argent, afin de ne pas permettre par ce biais un basculement hors cadre de la peine à vie.

L'expert P______ avait préconisé l'internement, au contraire des seconds experts, pour lesquels le trouble de la personnalité de l'appelant n'était pas une maladie mentale. Cependant, tous avaient retenu un risque de récidive hautement vraisemblable et il ne résultait pas du dossier que ledit risque pourrait, vraisemblablement, être réduit de façon notable, dans les cinq ans, grâce à un traitement. En particulier, pour les experts français, aucun traitement n'était indiqué en l'état et il était difficile de s'inscrire dans cette perspective de cinq ans. Ainsi, les conditions de l'internement étaient réalisées de sorte qu'il appartenait au juge de le prononcer même si les seconds experts ne l'avaient pas préconisé.

o.b. E______, soit pour elle son conseil juridique gratuit, persiste dans ses conclusions, précisant que celle tendant à l'octroi d'une indemnité pour tort moral plus élevée s'entendait indépendamment du sort réservé à la circonstance aggravante de la cruauté.

Cette victime, qui contrairement à tout un chacun ne regrettera jamais ses vingt ans, avait subi un véritable calvaire, aggravé par les heures d'interrogatoire jusqu'à l'écoeurement subies durant la procédure, la défense de l'époque cherchant à alimenter sa théorie du complot fomenté par la famille de M______, subsidiairement le soupçon qu'elle mentait pour améliorer son statut administratif. Or, malgré ces manoeuvres, les faits qu'elle dénonçait étaient soutenus par une multitude d'éléments directs et indirects.

Au chapitre des éléments indirects, il y avait les nombreux témoignages de comportements violents de A______ à l'égard de ses partenaires et même de ses filles. Evoquant ces diverses dépositions, la partie plaignante soulignait que l'appelant mentait lorsqu'il liait la scène évoquée par sa fille Z______ à l'incident des boîtes à lettres qu'il reconnaissait, car cet événement avait eu lieu en 2011 et la scène décrite par la fillette datait du mois de mai ou juin 2012. Il y avait d'ailleurs la convergence forte des récits de E______,N______ et O______, trois femmes qui ne se connaissaient pas et dont le seul point commun était d'avoir été en couple avec le prévenu. L'expertise française était particulièrement intéressante au regard de la méthode choisie, consistant pour leurs auteurs à analyser non pas le dossier mais les réactions de l'expertisé lors de leurs échanges : comment expliquer leurs conclusions lui prêtant des caractéristiques compatibles avec le récit de E______ autrement que par l'authenticité de celui-ci ?

Comme éléments directs, il y avait les dépositions des assistantes sociales et de CB______, l'analyse de son téléphone portable établissant son isolement, les images sur lesquelles E______ apparaissait couverte pour cacher ses blessures. Et puis il y avait l'état de santé de la victime, tel qu'attesté par un classeur entier de documents et l'audition des Dresses CJ______ et CK______. E______ était suivie depuis le mois de février 2013 ; plus de 10 médecins avaient dû intervenir et des certificats ou attestations de neuf d'entre eux avaient été versés à la procédure. Aucun n'avait mis son récit en doute et la longue liste de ses symptômes et affections était particulièrement évocatrice. A cet égard encore, E______ avait fait la preuve de son absence de calcul puisque ce n'était pas à son initiative, mais à celle de la défense (précédente), laquelle cherchait à décrédibiliser la partie plaignante, que ces éléments avaient été réunis.

La seule conclusion qui pouvait être déduite de cette procédure exceptionnelle était que la victime alléguée disait vrai.

o.c. Le collège de la défense de A______conclut, en cas de condamnation pour les faits les plus graves, au prononcé d'une peine qui ne saurait en toute hypothèse dépasser 20 ans et qui devra être réduite pour tenir compte de la détention subie dans des conditions contraires à l'art. 3 CEDH et de la violation du principe de célérité, tout en s'opposant à la mesure d'internement. A titre principal, il conclut à l'acquittement de l'assassinat de M______ ainsi que de la contrainte sexuelle sur elle, à la confirmation de l'acquittement en ce qui concerne les faits reprochés concernant N______ et à l'acquittement de tout reproche concernant E______ et O______ sous réserve de lésions corporelles simples au préjudice de la première.

o.c.a. Le défenseur principal a commencé par évoquer un malaise face aux questions posées par la Cour durant l'interrogatoire du prévenu, lors de la précédente audience, malaise accru suite au rejet de la demande de dessaisissement. Ce malaise expliquait l'attitude de l'appelant, aux yeux duquel le déroulement de la procédure d'appel s'inscrivait dans le prolongement d'une instruction menée uniquement à charge, depuis le début de l'instruction. Il avait donc préféré se taire lors des présents débats et renvoyer la Cour au procès-verbal de son audition du 28 janvier 2019.

Le rôle de la Cour n'était pas de combler coûte que coûte les vides du dossier. Et il fallait rappeler, notamment à l'attention des autres parties, pétries de certitudes, que douter n'était pas honteux. Depuis le début, A______ avait été présumé coupable, parce qu'il était l'amant, qu'il avait la clef et paraissait dépourvu d'émotions, muré qu'il était dans un silence dans lequel il s'était réfugié pour se protéger des autres. Ce n'était pas sur cela qu'on pouvait asseoir une culpabilité.

Au moment de réclamer la perpétuité, le MP n'avait pas eu un mot pour la situation personnelle et l'absence d'antécédents du prévenu. Les agissements attribués à A______ se distinguaient du comportement "hallucinant" des deux auteurs dans l'affaire ayant donné lieu à la jurisprudence relative au concours, et pourtant le MP demandait de la renverser en défaveur du prévenu. Dans la présente affaire, selon les experts français, il s'était passé quelque chose qui était resté inexpliqué. Il n'y avait pas eu de préméditation, ce que le MP ne contestait pas. Même dans l'horreur, il devait y avoir une gradation.

Dans aucun précédent les conditions d'incarcération n'avaient été traitées comme de la détention préventive, à déduire de la peine, et rien ne justifiait d'innover ici.

La CPAR était par conséquent invitée, si elle retenait la culpabilité, à ne pas prononcer une peine supérieure à 20 ans, puis à la réduire, également eu égard à la violation du principe de célérité.

Selon la jurisprudence, l'internement ne pouvait pas être ordonné en l'absence d'une tentative sérieuse mais infructueuse de traitement. L'internement supposait que l'auteur fût inaccessible à un traitement à long terme à compter du jugement, soit du prononcé du présent arrêt. On ne pouvait se fonder sur l'expertise du Dr P______, qui admettait n'avoir rien constaté cliniquement et s'était contenté de poser un diagnostic en fonction des possibles verdicts. Les experts français avaient retenu que l'appelant n'était pour l'instant pas prêt à se soumettre à un traitement mais la situation avait évolué puisque A______ était désormais suivi, à sa demande. Certes, "on [avait] vu de meilleures attestations" que celle produite mais on pouvait néanmoins retenir que l'alliance thérapeutique était bonne et qu'un travail sur les ressentis était préconisé. Il y avait donc un début et il était prématuré de retenir qu'un traitement thérapeutique serait durablement voué à l'échec.

Contrairement à ce qui avait été suggéré, la défense ne soutenait pas que E______ mentait - c'était bien plus complexe - et reconnaissait que le sentiment du prévenu d'être la victime d'un complot ne correspondait pas forcément à la réalité.

Il était vrai que les témoignages évoqués par le MP et E______ confirmaient la réalité des violences physiques subies par celle-ci. A______ avait cru devoir les nier parce qu'il craignait que le moindre aveu ne fût tenu pour la preuve que le reste des accusations de E______ fussent également vraies.

Il restait que E______ et N______ avaient bien un avantage à retirer d'un statut de victimes, eu égard à leur situation en Suisse et leur souhait de ne pas être renvoyées dans leur pays d'origine. On pouvait ainsi identifier non un complot, mais une motivation.

Le 25 août 2012, E______ aurait eu l'occasion d'échapper à son bourreau et ne l'aurait pas saisie ? Lors de son audition du 31 janvier 2013, elle n'avait, durant plus de deux heures, évoqué que des violences physiques. Ce n'est qu'après avoir été informée de ce qu'elle pouvait déposer plainte pénale et qu'un avocat était "en route" qu'elle avait fait allusion à des infractions sexuelles. Il n'y avait eu aucune spontanéité dans ce dévoilement. Comme retenu par le TCrim, l'étranglement n'avait été évoqué que lors de cette première déposition, ce qui ne suffisait pas pour retenir la cruauté. Lors de cette même audition, E______ avait, en réponse à une question, affirmé que A______ n'avait pas recours à des accessoires, n'évoquant donc pas le stick déodorant dont elle parlera plus tard, pas plus qu'elle n'avait parlé du coup de stylo ou de marques encore apparentes sur son corps.

Il était vrai que E______,N______ et O______ ne se connaissaient pas, mais il y avait la rumeur, laquelle disait que A______ empêchait ses compagnes de sortir, les surveillait et les frappait. La rumeur ne parlait pas de contraintes sexuelles ou de viols. La défense contestait cette dernière accusation. Pour le reste, c'était plus compliqué, E______ et N______ ayant pu entendre ladite rumeur.

La première n'avait sans doute pas menti, mais elle avait exagéré et détourné des réalités. Le séjour en France dont elle ne pouvait donner aucun détail était invraisemblable. Elle avait nié avoir été la petite amie de BT______ alors que ce dernier avait confirmé cette affirmation de A______. Elle avait varié au sujet du sort de ses parents, prétendant dans la procédure d'asile qu'ils avaient été assassinés ou qu'elle ignorait s'ils étaient encore en vie alors qu'on savait par la procédure que sa mère était venue lui rendre visite à Genève. Elle avait nié devant le MP avoir été hospitalisée avant d'arriver en Suisse mais avait dit autre chose à l'autorité administrative. On savait donc quelle était sujette à des pertes de souvenirs et à l'exagération ce qui amenait à se demander ce que l'on pouvait conserver de ses déclarations. Il y avait aussi d'importantes variations, notamment sur les ébats filmés, les audiences lors desquelles cette question avait été évoquée montrant qu'elle s'adaptait au fur et à mesure de leur déroulement.

Selon la défense, il était invraisemblable que E______ eût pu être agressée sexuellement alors que sa mère et AO______ logeaient dans l'appartement de V______ (GE), E______ et sa mère dormant dans le même lit, ou frappée à l'extérieur de l'appartement, vu les risques que cela aurait comportés. De même, les deux femmes n'avaient pu être enfermées à clef dans l'appartement, d'autant qu'elles étaient allées toutes les deux dans un centre commercial, ce dont E______ ne s'était pas souvenue. Il était aussi établi que la jeune femme avait joui au moins d'une certaine indépendance, puisqu'elle avait un téléphone portable et se rendait chez BU______, pas toujours accompagnée du prévenu. Elle avait été vue heureuse à certaines manifestations, et apparaissait comme telle sur des images au dossier. E______ avait selon le dossier un oncle à St-Gall. Pourquoi ne l'avait-elle pas contacté pour qu'il vienne à son secours ? Le dossier médical n'établissait pas les violences sexuelles car le rôle d'un thérapeute n'était pas de dire si un patient était crédible ou pas et l'augmentation des symptômes à l'approche d'audiences pouvait aussi être dû à la difficulté de faire face à des confrontations si l'on ment, étant cependant aussitôt précisé qu'il n'était pas soutenu que E______ fût une affabulatrice. L'hypertonie du plancher pelvien n'était pas datée et la victime n'avait pas vu de médecin entre 2009 et 2013, soit en partie avant la période pénale. Il était étonnant qu'elle n'ait guère donné de détails à ses médecins. Pour la Dresse CJ______, le syndrome de stress post-traumatique n'était pas lié à des violences vécues avant l'arrivée en Suisse de sa patiente, mais qu'en savait-elle ? Selon le dossier, E______ était passée d'une prison à l'autre en Erythrée et son parcours n'était que l'écho du destin tragique du pays. Cela pouvait être à l'origine du symptôme. Il était encore relevé que sur les images de l'anniversaire de Z______, E______ apparaissait tantôt couverte, tantôt pas et, en particulier, mettait une écharpe sur la tête au moment de servir le café ce qui correspondait aux déclarations de A______ au sujet d'une tradition.

En conclusion, le dossier permettait de retenir que E______ avait été frappée, lors de l'épisode de mars 2011 reconnu par l'appelant, ainsi qu'à d'autres occasions, car il y avait des témoignages en ce sens, mais pas davantage.

Le récit de N______ était entaché de nombreuses invraisemblances. Elle aurait pardonné après le premier viol ? Subi des coups en rafales qui jamais n'auraient laissé de traces ? A______ lui aurait confié vouloir tuer CN______ et son épouse, l'amie de AB______ ? Elle aurait été violée à plusieurs reprises alors qu'elle était parfaitement capable de résister, comme le démontrait le prétendu épisode de la fellation par un Somalien ? Sans oublier qu'elle n'était pas isolée, puisqu'elle travaillait. Par ailleurs, il résultait dans son cas des attestations médicales qu'elle avait subi des faits traumatisants avant de fuir son pays et elle avait, comme E______, un intérêt à "prendre le train en marche" de la procédure, dans l'espoir de rester en Suisse.

Le MP avait tout entrepris pour recueillir les déclarations de O______ car elle était le "maillon manquant". Pourquoi K______ avait-il contacté l'époux de O______ ? Certes, rien ne démontrait que l'interprète avait manipulé l'ex-épouse de A______ mais rien ne prouvait le contraire non plus, étant rappelé qu'il s'agissait de l'interprète qui avait oeuvré tout au long de la procédure. La police ne savait rien de ce que les deux femmes s'étaient véritablement dit au téléphone. Or, il n'était pas vraisemblable que O______ eût affirmé simultanément qu'elle ne voulait pas être entendue et qu'elle avait été violentée par le prévenu.

Ses déclarations ne concordaient pas avec celles de Y______ qui n'avait pas dit qu'elle aurait été chassée du logement de A______ suite à l'arrivée de O______. AO______ n'avait pas confirmé être intervenu en sa faveur, ni l'avoir emmenée chez sa soeur BU______ après l'épisode du saignement de nez. D'ailleurs, si elle avait fui après cet événement, pourquoi ne l'avait-elle pas fait à d'autres occasions ? Elle avait admis s'être rendue en Ethiopie à quatre reprises durant sa cohabitation avec A______. Pourquoi n'en avait-elle pas profité pour rester ? Les témoins DD______ et CE______ ne pouvaient que confirmer l'existence de traces de coups, pas de violences sexuelles. D'ailleurs, O______ n'avait apparemment évoqué pour la première fois ce type d'infractions qu'à la faveur de son contact avec l'interprète, en 2015. Il n'y avait aucune preuve de séquestration, étant rappelé que l'intéressée avait déclaré avoir par moment détenu la clef de l'appartement, qu'elle sortait pour prendre des cours de français et qu'en définitive, lorsqu'elle avait voulu partir, elle l'avait fait.

En conclusion, l'accusation avait voulu lier les trois volets car, considéré isolément, aucun n'aurait pu être retenu, face aux doutes subsistant, et que la culpabilité de l'appelant sur ce chapitre permettait, aux yeux de MP, d'asseoir celle des faits commis sur M______. C'était une "culpabilité par défaut" qui était recherchée.

Au stade de la réplique, le défenseur d'office de l'appelant a encore notamment évoqué que la théorie des experts au sujet de la pulsion qui se serait superposée à une relation ambiguë avec M______, si elle avait au moins pour mérite de confirmer l'absence de préméditation, n'en était néanmoins qu'une hypothèse.

o.c.b. La seconde avocate de A______ mettait derechef en garde contre la tentation de céder à l'émotion, qui submergeait, nécessairement, face à la mort d'un enfant, ainsi que l'avait fait le MP dans son réquisitoire. Dès la première heure, le prévenu avait été soupçonné, avec, pour conséquence, que la moindre de ses attitudes avait été interprétée négativement. Personne ne s'était par exemple demandé si son apparente imperturbabilité ne provenait en fait pas de ce qu'il était figé dans l'effort de l'interrogatoire de police.

Le MP avait fait abstraction d'éléments manquants importants. Il avait ainsi omis le fait que la relation entre A______ et G______ devait rester inconnue, en particulier de K______. Cette préoccupation expliquait le comportement de A______ durant les recherches. Le réquisitoire ne tenait pas non plus compte des faits qui avaient eu lieu le 22 août 2012 au soir, susceptible d'expliquer la présence de l'ADN de A______ sur le corps de la victime

Le lendemain aux HUG, A______ avait quitté G______ en prolongement d'une journée de fusion. Il avait appelé sa concubine, ce qui était le propre d'un homme menant une double vie, et s'était mis à disposition, se disant qu'il allait emmener G______ au restaurant. Il avait pris la direction de l'appartement de la rue T______ (GE), pour rejoindre M______, comme il le lui avait promis ou laissé entendre, se disant qu'il l'emmènerait au restaurant ensuite. L'enfant n'étant pas venue au rendez-vous, il s'était dit que ce n'était pas grave et était parti.

Le scénario plaidé par l'accusation se heurtait à un premier écueil qui était celui de l'absence de clef. Pourquoi A______ serait-il monté à l'appartement ce jour-là, alors qu'il n'avait pas la clef de l'appartement sur lui ? Et pourquoi cette clef n'avait-elle été retrouvée, alors que A______ avait constamment déclaré qu'il l'avait récupérée dans une poche de sa veste et rangée dans son taxi ?

Un second écueil était celui de l'alibi de A______ : le tragique, pour le prévenu, était qu'il avait un alibi, mais que celui-ci était à proximité immédiate des lieux du crime. C'était pour cela qu'il n'en avait pas parlé tout de suite. Contrairement à ce qui avait été retenu en première instance, son récit était néanmoins plausible. En particulier, il n'y avait rien d'étonnant, pour un chauffeur de taxi, à attendre 36 minutes sans s'impatienter. On ne pouvait rien tirer du fait qu'il n'avait pas eu d'activité téléphonique durant ce laps de temps, dès lors qu'il venait de quitter G______ et la savait occupée, et qu'il avait parlé à E______, autrement dit, il n'avait aucune raison de contacter ses deux interlocutrices habituelles. À quel titre aurait-il appelé M______ parce qu'elle ne s'était pas présentée au rendez-vous, alors qu'il n'était pas son père ? Et de toutes les façons, il ne le pouvait pas puisqu'il n'avait pas enregistré son numéro, étant précisé que pour la défense, l'appel fait depuis le restaurant sur le téléphone des filles I______ et M______ avait été placé par I______ qui avait déclaré lors de sa seconde audition qu'elle avait pris le téléphone à cette fin. A ce stade, il était davantage vraisemblable qu'après avoir vainement attendu M______, A______ s'en fût allé, plutôt qu'il fût monté à l'appartement, pour "y perdre la tête". Il n'avait aucune raison d'être inquiet, pensant M______ chez des copines et sachant qu'elle était une fille responsable. D'ailleurs, au restaurant, G______ n'avait pas non plus été si inquiète que cela. Certes, elle avait tenté d'appeler sa fille, mais elle n'en était pas moins restée, avait consommé et participé aux conversations. Dans cette circonstance, il n'était pas non plus invraisemblable que le prévenu n'ait pas évoqué le rendez-vous manqué. G______ n'avait véritablement paniqué que lorsqu'elle avait eu la confirmation que M______ n'était pas avec son père, à l'arrivée de celui-ci. Or, à partir de ce moment, elle n'était plus seule et vu la nécessité de cacher leur relation, A______ était resté silencieux, ce qui n'était pas une preuve de sa culpabilité.

La seule hypothèse dans laquelle des analyses ADN permettaient d'avoir des certitudes étaient celles de l'exclusion d'un profil. Pour le reste, il fallait toujours identifier le contexte permettant d'expliquer comment un profil ADN s'était trouvé à un endroit donné et donc définir l'activité à l'origine du dépôt. Dans la présente affaire, il n'y avait rien d'extraordinaire à ce qu'un profil pouvant correspondre à celui du prévenu soit retrouvé dans l'appartement, dès lors qu'il y vivait en partie. Il était au contraire surprenant qu'on n'en ait pas trouvé davantage. De même, les traces sur le corps de l'enfant ou ses vêtements pouvaient s'expliquer par les contacts qu'il avait eus la veille, étant rappelé qu'on ne savait pas si elle s'était douchée dans l'intervalle et qu'en tout cas elle avait porté les mêmes habits que la veille durant la journée. On ne saurait, comme l'avait fait la police, reprocher à A______ d'avoir apporté une explication à la présence de son ADN sur le cadre du lit, alors que la question lui était expressément posée. Pour le MP, la trace qui signerait la culpabilité était celle à l'intérieur du slip, mais il était tout à fait soutenable que A______ eût touché cette pièce de vêtement dans le contexte quotidien, le logement n'étant pas particulièrement bien rangé comme cela pouvait être vérifié sur les photographies de la BPTS. D'ailleurs, cette hypothèse aurait pu être vérifiée en faisant des analyses sur d'autres pièces de vêtements de la famille. Ce qui était plus probant, aux yeux de la défense, était l'absence d'ADN de A______ dans les organes génitaux de M______, ses cuisses, les seins ou encore le cou s'agissant d'une victime de strangulation.

Il n'y avait pas de mobile. Pourquoi A______ aurait-il commis un crime de nature sexuelle sur M______, qu'il aimait comme sa fille et alors qu'il était épris de sa mère. Les experts n'avaient pas diagnostiqué de trouble pédophile et personne n'avait témoigné d'une relation équivoque. Après avoir, le matin même, fait deux fois l'amour avec la mère de M______, A______ serait passé à une telle brutalité ?

La chronologie était un élément à décharge, déjà du fait du laps de temps incontournable qui n'était que de 36 minutes. Dans la mesure où, selon l'accusation, l'acte n'était pas prémédité, une fois face à M______, A______ aurait nécessairement échangé quelques mots avec elle avant de se transformer, de l'amant de la mère et quasi père, en monstre. L'agression ne pouvait donc avoir démarré avant 20h00, ce qui ne laissait plus que 23 minutes pour pénétrer la jeune fille, avec un gant vu l'absence d'ADN, et l'étrangler durant trois à cinq minutes puisqu'il y avait eu des pétéchies. Ne restaient guère que cinq minutes pour dissimuler le corps et prendre la fuite. Ce n'était pas possible.

Et puis, il y avait la problématique de la ______ [console de jeu] qui était en marche lorsque G______, ses autres enfants et A______ étaient rentrés, à 23h40. Il fallait donc se demander qui avait bien pu la mettre en marche, une heure et 20 minutes plus tôt.

Comment expliquer aussi l'absence de la moindre trace ou fibre incriminante sur les vêtements de A______, censé avoir eu un contact très étroit avec M______ puis avoir dissimulé le corps sous le lit, où la présence de détritus et de poussière étaient importante ?

Certes, soulever ces questions revenait à laisser irrésolue celle de l'identité de l'auteur, mais il n'incombait pas à la défense d'apporter cette réponse. Convaincues d'entrée de cause qu'il était le meurtrier, les autorités s'étaient abstenues d'explorer d'autres pistes, telle celle de l'homme à la cravate qui avait effrayé M______ quelques semaines plus tôt.

Répliquant, l'avocate de A______ estimait que l'absence de trace ADN de tiers inconnu - sans préjudice de ce qu'on en avait tout de même identifié deux - pouvait s'expliquer par l'usage de gants. Son mandant aurait pris des risques inconsidérés en oubliant le tachygraphe ou en garant son taxi en pleine rue. Et il restait le ______ [console de jeu] : un compte à rebours devait forcément être fait, depuis minuit, ce qui disculpait totalement A______, élément sur lequel l'avocate est encore revenue lorsque la parole lui a été donnée une troisième et dernière fois, après les dupliques, rappelant que I______ avait été surprise que les manettes eussent été sorties ce qui donnait à entendre qu'elles étaient précédemment rangées et que personne n'en avait donc joué de la journée.

o.d. Le conseil de G______ et de ses enfants conclut au rejet de l'appel.

Ses clients, dont il rappelait le calvaire, faisait face à un prévenu au coeur de pierre qui avait d'entrée de cause prétendu avoir aimé M______ comme sa fille sans faire preuve de la moindre émotion ni poser une seule question à l'annonce de sa mort. Pourtant, A______ était capable d'émotion pour avoir pleuré, sur son propre sort. Les experts français avaient été frappés par sa façon d'affronter les événements : il ne se remettait jamais en cause, il avait toujours une bonne excuse, c'étaient les autres qui mentaient. À dires d'experts il avait des capacités intellectuelles normales, et on pouvait même observer une intelligence d'assez bon niveau eu égard à la connaissance du dossier et au sens de la stratégie dont il avait fait preuve. Le leitmotiv de la défense était que la police aurait négligé les pistes et s'était contentée du coupable idéal. En vérité, le travail d'enquête avait été remarquable, aussi large que possible, à tous les niveaux, le TCrim ayant encore veillé à le compléter dans un souci de manifestation de la vérité. Il y avait, il est vrai, des questions qui restaient sans réponse, mais le faisceau d'indices était largement suffisant. Comme exemple de ce que l'enquête avait été particulièrement minutieuse, il était rappelé que plus de 200 analyses ADN avaient été effectuées ce qui était exceptionnel. Seules deux traces de profils inconnus avaient été relevées, tous deux probablement féminins. Cela confirmait que l'auteur n'était pas un inconnu, conclusion qu'imposait déjà le bon sens : un inconnu n'aurait pas pris le risque de suivre M______ à son domicile à une heure où généralement la famille est présente. Un prédateur qui l'aurait observée l'aurait agressée à l'extérieur.

A______ avait conduit G______ aux HUG et lui avait demandé de l'appeler lorsqu'elle en aurait fini. De la sorte, il s'était assuré qu'elle ne rentre pas inopinément. Il lui avait dit qu'il allait travailler, ce qui était un mensonge, tendant aussi à lui créer un alibi, contre-vérité qu'il avait réitérée après les faits, lorsqu'elle l'avait contacté et qu'il lui avait dit qu'il était en train de travailler au lieu de lui proposer d'aller la chercher alors même qu'il était tout près de l'hôpital. Il avait été démasqué par le tachygraphe, car on ne pense pas toujours à tout. La dissimulation du corps répondait au même objectif d'asseoir son alibi car en repoussant le moment de la découverte, il rendait plus difficile l'identification de l'heure de la mort et donc le rapprochement avec les moments où il n'avait pas été avec G______. La sortie au restaurant était totalement illogique si ce n'était pour être vu par un maximum de personnes, le plus loin possible de l'appartement, cette préoccupation prenant le pas sur celle de conserver secrète sa liaison avec la mère de la victime. Au cours de la soirée, c'était d'ailleurs bien lui qui avait appelé M______ depuis son téléphone mobile, ainsi que l'avait déclaré I______ en première instance, ce qui prouvait qu'il connaissait le numéro. Après avoir retardé autant que possible le retour, nonobstant la vive inquiétude de G______, ainsi qu'en témoignaient les déclarations des personnes présentes, il avait continué d'avoir un comportement parfaitement anormal durant la nuit et la journée suivante de recherches désespérées.

Il était vrai qu'un innocent pouvait mentir, mais tout était question de mesure. En l'occurrence, les mensonges étaient tels qu'ils signaient la culpabilité. Le mensonge le plus important était évidemment celui du rendez-vous avec M______. Il était si vrai que celui-ci n'avait jamais existé que le prévenu, après avoir donné les versions des deux clients pris en charge gratuitement puis de la monnaie faite à un automate, avait été incapable de cohérence, variant notamment sur le lieu convenu (le parking de BM______ ou l'épicerie) ou son sérieux, prétendant dans un premier temps qu'il s'agissait d'un véritable rendez-vous pour expliquer pourquoi il avait "borné" à proximité de l'appartement, puis relativisant, sans doute pour expliquer son indifférence face au fait que M______ n'était pas venue. Il était d'ailleurs impossible que le rendez-vous eût été fixé la veille, alors qu'il ignorait quand il finirait de travailler, ni même s'il allait passer la soirée chez les G/H/I/M______ ou à son propre domicile, selon ses dires. De même, M______ en aurait parlé à sa mère, et elle ne serait pas rentrée ni n'aurait mis des vêtements d'intérieur, au lieu de s'y rendre, sachant qu'elle était censée faire quelque chose qu'elle appréciait particulièrement aux dires du prévenu. Il était absurde que A______ soit allé au restaurant seul, alors qu'il disait que son projet était de faire une surprise à G______, en emmenant M______. Il y avait d'autres absurdités : il avait varié sur la position de la voiture alors qu'il urinait prétendument, sans oublier qu'il venait de se soulager aux toilettes des HUG. Et toute la théorie du caractère secret du rendez-vous, déjà mise à mal du fait qu'il affirmait simultanément qu'il voulait emmener la jeune fille au restaurant rejoindre sa mère, était inconsistante face à l'inquiétante disparition de l'adolescente.

Contrairement à ce qui avait été dit à la défense, l'appelant avait largement eu le temps de passer à l'acte, durant les 36 minutes incriminantes.

La culpabilité était ainsi établie sur la base des seuls éléments qui précèdent.

S'y ajoutait la preuve par l'ADN qui n'était pas indispensable, mais un élément supplémentaire. Il était vrai qu'il n'y avait pas d'ADN de A______ dans les parties génitales de M______, mais il n'y en avait pas davantage d'un auteur inconnu. Faisant siens les considérants du jugement, l'avocat de G______ soulignait particulièrement l'importance des traces sur les poignets de la victime, qui avait conduit A______ à déplacer chronologiquement l'épisode de l'empoignade à la veille au soir, épisode intervenu plusieurs semaines plus tôt comme relaté par sa cliente, celle sur le centre intérieur du slip, qui était accablante, celles sous les ongles de la main gauche de M______, alors que non seulement il n'y avait pas eu de contact particulier la veille mais que de surcroît la victime s'était certainement lavée les mains à plusieurs reprises en l'espace de presque 24 heures. Il y avait la trace sur le volant, qui avait provoqué un nouveau mensonge de l'appelant, celui-ci ayant brièvement prétendu que M______ avait "touché" le volant lors de leur sortie à la station-service pour l'expliquer. Enfin, il y avait la trace sur son cou, étant rappelé qu'elle avait été étranglée.

Il n'y avait peut-être pas eu de préméditation à proprement parler, mais A______ pensait rejoindre M______ lorsqu'il avait quitté l'hôpital, d'où son mensonge à G______. Le mobile était, évidemment, de nature sexuelle. Certes, il n'était pas un pédophile, mais il y avait cette relation ambiguë avec la jeune fille, évoquée par les experts qui avaient retenu qu'il avait néanmoins pu être excité par une fillette prépubère qui répondait à son petit jeu de connivence. Une pulsion agressive de nature sexuelle s'était superposée à ce petit jeu et cela avait tout déclenché, les experts ayant souligné que ce type de scénario était la source la plus courante de meurtres d'enfants.

o.e. L'avocate de K______conclut également au rejet de l'appel du prévenu et rappelle les circonstances terribles de la nouvelle de la mort de la fille de son client, celui-ci s'étant assoupi sur le lit alors que sa dépouille gisait au-dessous, et ayant ensuite dû accepter que l'auteur était l'amant de sa femme.

Encore à l'occasion de son interrogatoire en appel, l'appelant avait donné de nombreuses illustrations de sa tendance à mentir, y compris en affirmant qu'il avait fait remettre les deux expertises à sa psychologue, affirmation démentie par l'attestation de la thérapeute. L'expertise française révélait une personnalité terrifiante, un homme aux deux visages, qui ne se dévoilait que lorsque ses victimes étaient seules et démunies face à lui. Son sens inné du secret lui permettait de gérer ces deux univers.

p. Se voyant donner la parole en dernier, A______ a renoncé à la prendre.


 

D. Situation personnelle du prévenu

a. A______ est né en Ethiopie, dont il est ressortissant, en 1976, à une date incertaine. Lui-même issu d'une fratrie nombreuse, il est divorcé et père de trois filles âgées de 21, 19 et 16 ans, issues de deux relations.

Il a été scolarisé en Ethiopie jusqu'à l'âge de 15 ans et est arrivé en Suisse en 1992, où il sera en dernier lieu mis au bénéfice d'un permis d'établissement, avec deux de ses frère et soeur, AO______ et BU______, suite au décès de leur mère dans notre pays, apparemment en lien avec une erreur médicale. Après avoir passé une année en classe d'accueil, deux ans à l'Ecole DG______ et quelques mois au DI_____, il a définitivement interrompu ses études.

Au moment de son arrestation, il exerçait la profession de chauffeur de taxi, activité pour laquelle il percevait entre CHF 5'500.- à CHF 6'000.- par mois. Il avait des dettes à hauteur de CHF 190'000.-, notamment envers le SCARPA.

Il séjournait régulièrement dans son pays et, en Suisse, entretenait des relations étroites avec plusieurs membres de sa famille, notamment ses trois filles. Ces contacts ont été maintenus tout au long de sa détention, comme en atteste le nombre important de visites reçues mais se sont soudainement interrompus après le prononcé du jugement de première instance sous réserve d'une visite de sa fille ainée et de deux de AO______.

b. A teneur de l'attestation de suivi psychothérapeutique du Service de médecine pénitentiaire de B______ (GE) qu'il a produite, A______ n'a jamais sollicité le service médical durant ses six premières années d'incarcération, ni posé le moindre problème en détention. Il a entamé un travail thérapeutique le 9 mai 2018, maintenu après son transfert à B______ (GE), sur une base hebdomadaire.

c. Le casier judiciaire suisse de A______ est vierge.

E. Assistance judiciaire

a. Par courrier du 13 novembre 2018, le défenseur d'office de l'appelant a demandé s'il pouvait être considéré que le soutien à la défense d'une seconde avocate, au bénéfice de l'assistance judiciaire, était autorisé en appel également. Il allait de soit qu'aucune activité ne serait facturée à double (visites à B______ (GE) ou autre) sous réserve de l'audience d'appel. Il lui a été répondu par l'affirmative.

b. Les états de frais des avocats plaidant au bénéfice de l'assistance juridique comptabilisent le temps d'activité suivant, sous des libellés divers :

- pour Me C______, défenseur d'office principal de A______, 60 heures et 35 minutes dont quatre heures et 10 minutes pour la préparation de courriers et divers téléphones ainsi que 10 visites à la prison d'une durée totale, déplacement compris, de 16 heures et 10 minutes ;

- pour Me D______, seconde avocate d'office, 71 heures et 45 minutes, dont 10 heures d'entretiens (six visites à la prison et deux conférences de 30 minutes chacune avec son codéfenseur) ;

- Me J______ conseil juridique gratuit de G______ et I______, 32 heures ;

- Me L______, conseil juridique gratuit de K______, 30 heures ;

- Me F______, conseil juridique gratuit de E______, 26 heures d'activité. Il justifie en outre de frais de traduction par CHF 209.25.

c. Les audiences devant la CPAR ont impliqué sept vacations aller/retour, pour autant de dates d'audience, et ont duré :

- 12 heures et 20 minutes pour les premiers débats d'appel, interrompus suite à la demande de récusation ;

- 30 minutes pour l'audience préliminaire du 8 mars 2019 ;

- 21 heures s'agissant des seconds débats d'appel, étant précisé que Me D______ n'était pas dans la salle le matin du 27 mars 2019 (environ quatre heures d'audience).

EN DROIT :

A. Recevailité

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).


 

B. Incidents et réquisitions de preuve

1. Requête de dessaisissement

2. Il est renvoyé au procès-verbal d'audience du 26 mars 2019 qui consigne la motivation de la décision de la Cour rejetant cet incident de même que la demande subsidiaire de suspension jusqu'à droit jugé par le TF.

2. Scission des débats

3. 3.1. Aux termes de l'art. 342 al. let. 1 CPP, le tribunal peut, d'office ou à la requête du prévenu notamment, décider que, dans un premier temps, il traitera de la question des faits et de celle de la culpabilité, et, dans un deuxième temps, des conséquences d'une déclaration de culpabilité ou d'un acquittement.

La scission repose sur une double préoccupation d'économie de procédure - puisqu'elle permet d'éviter l'examen des conséquences d'une déclaration de culpabilité ou d'acquittement qui n'a pas été rendue - et de protection de la personnalité de l'intéressé ; ce dernier intérêt est toutefois relativement limité, le dossier renfermant déjà, en principe, les informations se rapportant à la situation personnelle du mis en cause. La scission des débats évite surtout au conseil du prévenu le "dilemme du défenseur", contraint de devoir se prononcer sur la peine en cas de déclaration de culpabilité, alors qu'il plaide, en principe, l'acquittement (Y. JEANNERET / A. KUHN (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 4 ad art. 342).

Le Tribunal n'a pas l'obligation de donner suite à la requête qui lui est présentée
(L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n° 2 ad art. 342).

Une scission des débats est également possible en procédure d'appel mais sera cependant d'une importance pratique plus faible qu'en procédure de première instance (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit, n. 6 ad art. 342 et références citées).

3.2. Il faut retenir, avec la doctrine précitée, qu'il n'y a guère de motifs de scinder les débats au stade de l'appel, la situation personnelle du prévenu ayant nécessairement été discutée en première instance ainsi que, en cas de condamnation, dans le jugement entrepris, et les débats étant généralement moins longs, de sorte que les préoccupations de la protection de la personnalité ou de l'économie de la procédure perdent singulièrement en intensité. Tel est encore davantage le cas dans la présente affaire, la vie privée de l'appelant étant en grande partie indissociable des faits qui lui sont reprochés.

De même, en appel,la problématique du "dilemme du défenseur" ne se pose pas sérieusement en cas de contestation d'un verdict de culpabilité, car il n'y a alors vraiment pas de quoi surprendre les juges à ce que la défense, à laquelle il incombe de prévoir toutes les hypothèses, évoque à titre subsidiaire les conséquences d'une confirmation dudit verdict. Ce serait même le contraire qui serait étonnant. En l'espèce, la défense est de surcroît d'autant mieux outillée pour gérer ce supposé dilemme qu'elle est composée de deux avocats, chevronnés, la Cour ayant exceptionnellement accepté, à l'instar du TCrim, la présence d'un second conseil aux côtés du défenseur d'office.

Pour ces motifs, la Cour a rejeté la requête de scission des débats.

3. Réquisitions de preuve

4. 4.1. A teneur de l'art. 389 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (al. 1) ; l'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée
(al. 2) que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (let. a), l'administration des preuves était incomplète (let. b) ou les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (let. c) ; l'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (al. 3).

L'autorité peut notamment refuser des preuves nouvelles qui ne sont pas nécessaires au traitement du recours, en particulier lorsqu'une administration anticipée non arbitraire de la preuve démontre que celle-ci ne sera pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées, lorsque le requérant peut se voir reprocher une faute de procédure ou encore lorsque son comportement contrevient au principe de la bonne foi en procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.3 et 6B_509/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2).

Par ailleurs, selon l'art. 343 al. 3 CPP, applicable aux débats d'appel par le renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, le tribunal réitère l'administration des preuves qui, lors de la procédure préliminaire, ont été administrées en bonne et due forme lorsque la connaissance directe du moyen de preuve apparaît nécessaire au prononcé du jugement. Seules les preuves essentielles et décisives dont la force probante dépend de l'impression qu'elles donnent doivent être répétées devant la cour d'appel en application de l'art. 343 al. 3 CPP. Autrement dit, il s'agit d'apprécier si la connaissance directe du moyen de preuve s'impose ou non. Afin de déterminer quel moyen de preuve doit être réadministré en appel, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation, lequel ne va pas jusqu'à être large (C. DENYS, "La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière d'immédiateté de l'administration des preuves", Forum poenale 2018, p. 405-411, 406).


a. Analyse du contenu du bol gastrique de M______

4.2. Les experts AD______ et AE______ indiquent que la méthode consistant à analyser le bol gastrique d'un cadavre afin de déterminer l'heure de la mort est obsolète et peu fiable, la durée de digestion variant considérablement d'un individu à un autre et même, selon les jours, pour un même individu. La défense n'apporte aucun élément scientifique permettant de remettre en cause les dires des experts et admet elle-même que sa requête est purement exploratoire. La recherche demandée paraît d'ailleurs d'autant moins pertinente que l'on ignore quand la victime a pris son dernier repas, le dossier permettant uniquement de retenir qu'elle a consommé une glace aux environs de 15h00.

b. "Expertise complémentaire" (audition du médecin légiste) sur la notion de lésions peri mortem et le laps de temps séparant des lésions ante mortem de lésions post mortem

4.3. Il résulte du rapport d'autopsie et des déclarations du Dr AD______, en présence de sa coexperte, d'une part que la rupture de l'hymen de la victime est ante mortem et a "eu lieu quelques minutes avant la mort" (PV TCrim, p. 114), voire qu'il n'est pas exclu qu'elle soit intervenue durant l'agonie (50'124), et d'autre part que la mort par strangulation survient en "plusieurs minutes de compression cervicale", quatre minutes de manque d'oxygène suffisant pour provoquer des lésions irréversibles du cerveau, indépendamment de l'âge de la victime (PV TCrim, p. 115).

Les médecins légistes ont confirmé ne pas avoir diagnostiqué de lésions peri mortem (PV TCrim, p. 116) soit, selon leur déclaration devant le MP, "des lésions causées juste avant ou après la mort", étant précisé que celles causées par le poids de la latte de lit sur le corps de la victime sont intervenues post mortem.

Enfin, les experts ont dit ne pas pouvoir affirmer que c'était dans la demi-heure qui avait suivi la mort que le corps avait été déplacé (PV TCrim, p. 116).

Il résulte de ce qui précède que toutes les informations pouvant être recueillies de l'autopsie l'ont été, dont, notamment, que l'agression de M______ a été très brève, une poignée de minutes séparant la pénétration qui a causé la rupture de l'hymen de sa mort, laquelle se définit comme "l'arrêt complet et irréversible de toutes les fonctions du cerveau, y compris celles du tronc cérébral" (art. 9 de la loi fédérale sur la transplantation d'organes, de tissus et de cellules [loi sur la transplantation - RS 810.21], cité dans M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd, Bâle 2017, n. 14 ad Rem. prél aux art. 111 à 120).

En revanche, à dire d'experts, il n'est pas possible de dire combien de temps s'est écoulé entre le décès et la pose de la latte du lit sur le corps, question autour de laquelle tourne la réquisition de preuve.

c. Audition de l'auteur du rapport de la BCI du 6 juin 2018 concernant la console ______ [console de jeu]

4.4.1. Dans sa réquisition du 14 décembre 2018, l'appelant s'était contenté d'expliquer qu'il souhaitait pouvoir obtenir de l'auteur du rapport de police du 6 juin 2018 des éclairages complémentaires sur les heures d'utilisation de l'appareil. Ainsi formulée, la demande ne pouvait que se heurter au rappel qu'il résultait clairement dudit rapport qu'il n'était pas possible de déterminer avec exactitude les heures durant lesquelles la console ______ [console de jeu] de la famille G/H/I/M______ avait été utilisée le 23 juin 2012 et que les seules données à cet égard étaient celles déjà mentionnées dans le rapport du 7 septembre 2012 (40'227 ss).

4.4.2. Au moment de réitérer la réquisition devant la juridiction d'appel, le prévenu l'a précisée, exposant qu'il souhaitait en définitive déterminer si le temps de jeu de une heure et vingt minutes identifié par la BCI pour la journée du 23 août 2012 devait être décompté à rebours, à compter du moment où I______ avait éteint la console, celle-ci étant allumée, sur le jeu ______, de même que le téléviseur, lorsque la famille et l'appelant sont rentrés, aux environs de minuit (étant rappelé que G______ a appelé son époux à 00:26 pour vérifier si M______ n'était pas avec lui).

Toutefois, les rapports de la BCrim et de la BCI évoquent clairement un temps de jeu cumulé par journée, et non un temps d'allumage, étant observé que les inspecteurs étaient pleinement conscients de l'enjeu, le rapport de la BCrim du 21 septembre 2012 soulignant que la console et le téléviseur étaient allumés lorsque G______ et sa fille aînée sont arrivées.

On ne peut donc établir que M______ n'aurait commencé de jouer à la ______ [console de jeu] qu'aux environs de 22h30, ce qui paraît d'autant plus invraisemblable par ailleurs qu'on ne comprend pas pourquoi elle n'aurait pas répondu aux appels de sa mère, ni tenté de l'atteindre de son côté, se trouvant seule à la maison pendant plus de deux heures.

On ne peut pas davantage affirmer qu'elle aurait joué durant une heure et 20 minutes après 19h30, car, contrairement à ce qui a été plaidé, il n'est nullement établi que les enfants H/I/M______ n'ont pas utilisé la console plus tôt ce jour-là - certes, les manettes étaient rangées lors du départ pour les HUG, mais elles pouvaient l'avoir été après une période de jeu, par exemple au cours de la matinée passée devant la télévision -, sans préjudice de ce que l'appareil peut aussi s'être mis automatiquement en veille après avoir été lancé vers 19h30-19h45, M______ étant interrompue dans son jeu.

d. Audition du Dr S______, responsable de l'Unité BL______ du CURML

4.5.1. La motivation à l'appui de cette réquisition a aussi évolué. Dans sa demande du 14 décembre 2018, la défense évoquait un "éclairage complémentaire" susceptible d'être apporté par le Dr S______ aux déclarations de son collègue BJ______, sans autre précision. Or, rien ne permet de supposer que le Dr S______ serait susceptible d'apporter des informations pertinentes différentes ou supplémentaires de celles fournies par son collègue étant rappelé que les deux experts ont cosigné la quasi-totalité des rapports, confirmés par BJ______ au cours de ses nombreuses auditions.

4.5.2. A l'audience, le prévenu expose qu'il serait en définitive question de soumettre au Dr S______ le jugement de première instance afin qu'il se prononce sur l'"interprétation" des résultats des analyses qui y est faite, ici encore sans autre précision. Au-delà de la confusion entre expert et autorité de recours, on ignore quelle question précise et pertinente l'appelant voudrait poser au Dr S______, et d'ailleurs pourquoi il voudrait s'adresser à lui plutôt qu'à BJ______, alors même qu'il proteste de ce que son intention n'est pas de remettre en question les conclusions et déclarations de ce dernier dans la procédure. Pour le surplus, la Cour n'a pas besoin d'être invitée à la prudence, autre motif articulé à l'appui de la réquisition.

e. Conclusion sur les réquisitions de preuve

4.6. Il résulte de ce qui précède qu'aucune des mesures sollicitées n'est susceptible d'apporter des éléments pertinents à l'issue de la cause et/ou de modifier le résultat de celles déjà administrées, de sorte que la Cour les a rejetées à l'audience.

4. Incident de renvoi des plaidoiries au lendemain

5. 5.1. Le droit à un procès équitable est garanti par les art. 3 al. 2 let. c CPP, 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 CEDH. Le principe d'égalité des armes, tel qu'il découle du droit à un procès équitable, exige un "juste équilibre entre les parties" : chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (arrêts de la CourEDH  Avotins c. Lettonie du 23 mai 2016, par. 119;  Yvon c. France du 24 avril 2003, par. 31). Au pénal, ce principe suppose un équilibre non seulement entre le prévenu et le ministère public soutenant l'accusation, mais également entre le prévenu et la partie civile. Cette égalité doit permettre d'assurer un débat contradictoire (arrêts 6B_259/2016 du 21 mars 2017, consid. 4.3.1 ; 6B_194/2009 du 13 juillet 2009 consid. 2.1 et les auteurs cités).

5.2. En l'espèce,chacun des sept juges siégeant, de même que la greffière-juriste délibérante, a estimé qu'il ne s'imposait pas, au second jour d'audience, de renvoyer l'intervention de la seconde avocate de l'appelant au lendemain. Certes il était passé 17h00 et avaient déjà été entendus, au cours de la journée, le conseil juridique gratuit de E______, puis, longuement, le premier représentant de la défense. Pour autant, seuls les membres d'un tribunal sont en mesure de dire, l'importance de leur mission à l'esprit, s'ils se sentent en état de poursuivre ou non les débats, ce qu'ils ont estimé être le cas en l'occurrence, étant observé que la journée avait été entrecoupée de pauses en suffisance et qu'il n'était pas si tard. De surcroît, afin de pleinement rassurer l'intéressée et d'assurer une qualité d'écoute optimale de la CPAR, l'intervention de l'avocate, qui a duré deux heures et demi, a été entrecoupée de deux interruptions d'une quinzaine de minutes.

La juridiction d'appel estime avoir de la sorte pleinement respecté le droit d'être entendu du prévenu de même que le principe d'égalité des armes, étant rappelé que le TF a déjà eu l'occasion de tenir pour admissible un rythme d'audience autrement plus soutenu, qui plus est devant une Cour comprenant un jury populaire, moins rompu à l'exercice que des juges assesseurs (arrêt non publié 6B_703/2011 du 24 février 2012, consid. 3) et qu'il n'est ni nécessaire ni concevable de ménager des débats impliquant plusieurs parties de façon à ce que chacun plaide à la même heure et durant le même laps de temps. L'essentiel est que chaque partie puisse développer sa position et que les juges soient attentifs à chaque plaidoirie, ce qui a été le cas en l'espèce.

Tout au long des débats d'appel, le prévenu a largement eu l'occasion de présenter sa cause dans des conditions qui ne le plaçaient pas dans une situation de net désavantage par rapport à ses adverses parties, bien au contraire. Il l'a également eue au soir du 27 mars 2019, à supposer qu'il faille se concentrer sur ce moment isolé, la Cour étant parfaitement en mesure de l'entendre, comme déjà dit.

C. Culpabilité

1. Infractions reprochées concernant M______

a. Appréciation des preuves et établissement des faits

6. 6.1.1. Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

6.1.2. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

6.1.3. À l'instar des autres moyens de preuve, le juge apprécie librement la force probante d'une expertise - dont celles portant sur l'analyse de profils d'ADN (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd, Bâle 2014, n. 2 ad art. 182 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit, n. 2,7, 10 ad art. 182) -, étant rappelé qu'il ne peut s'écarter des conclusions de l'expert sans motifs sérieux et qu'il doit alors motiver sa décision (ATF 129 I 49 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_787/2009 du 27 novembre 2009 consid. 1.1).

Dans ce domaine particulier, le risque d'un transfert secondaire d'ADN, soit le fait pour un individu "A" de déposer sur un objet l'ADN d'un autre individu "B" avec lequel il a été en contact, par exemple en lui serrant la main, existe mais reste faible selon les recherches en la matière (J. VUILLE, Ce que la justice fait dire à l'ADN [et que l'ADN ne dit pas vraiment] : étude qualitative de l'évaluation de la preuve par ADN dans le système judiciaire pénal suisse, Lausanne 2011, p. 38 ; M. PHIPPS / S. PETRICEVIC, "The tendency of individuals to transfer DNA to handled items", Forensic Science International 2007 (168), p. 166).

La probabilité d'un transfert secondaire d'ADN dépend notamment de la propension de chacun à laisser des traces biologiques (en fonction également de la zone cutanée concernée, de l'âge, des conditions hormonales et des éventuelles maladies cutanées de l'individu, cf. S. ZOPPIS / B. MUCIACCIA / A. D'ALESSIO / E. ZIPARO / C. VECCHIOTTI / A. FILIPPINI, "DNA fingerprinting secondary transfer from different skin areas: Morphological and genetic studies, in Forensic Science International", Genetics 2014 (11), p. 137 ss, p. 143) et des circonstances temporelles du transfert. Ainsi, il se peut, dans des conditions "idéales", soit en présence d'un objet propre et de participants qui se sont lavés les mains, que seul le profil ADN d'un individu qui n'a pas touché l'objet soit mis en évidence sur ledit objet, lorsque tous les contacts ont eu lieu sans délai. Dans un cas d'espèce, cela aurait nécessité que les individus se fussent toruvés ensemble sur la scène du crime. En revanche, un profil de mélange était mis en évidence lorsque trente minutes ou une heure s'étaient écoulées entre le contact humain et le contact avec l'objet. Par conséquent, le réel risque d'un transfert secondaire d'ADN se poserait en pratique davantage lorsqu'un profil de mélange est mis en évidence (A. LOWE / C. MURRAY / J. WHITAKER / G. TULLY / P. GILL, "The propensity of individuals to deposit DNA and secondary transfer of low level DNA from individuals to inert surfaces", Forensic Science International 2002 (129), p. 33).

Aussi, le risque d'erreur existe et doit être pris en compte. Toutefois, le juge ne saurait remettre en cause la valeur probante d'une analyse ADN au seul motif qu'une erreur peut parfois survenir. Il y a lieu, au contraire, de tenir compte de l'ensemble des circonstances, en particulier les coûts induits par des recherches supplémentaires, la célérité de la procédure, la gravité des charges et la présence d'autres éléments de preuves à charge ou à décharge. Il paraît essentiel de procéder à des investigations sur une potentielle erreur d'analyse, par exemple, lorsque l'ADN a permis aux enquêteurs de mettre en cause une personne que rien ne semblait lier aux faits de la cause, habitant à des centaines de kilomètres de l'infraction et inconnue des services de police pour des faits similaires (A. BIEDERMANN / J. VUILLE / F. TARONI, "Apprécier le risque d'erreur lors d'une analyse ADN : de la nécessité d'être concret", PJA 2013, p. 1217 ss, p. 1220 s.).

6.1.4. Le juge doit en particulier se forger une conviction aussi bien sur les premières déclarations du prévenu, respectivement d'un témoin, que sur les nouvelles, valant rétractation, et apprécier les circonstances dans lesquelles l'intéressé a modifié ses déclarations initiales (arrêts du Tribunal fédéral 6B_157/2011 du 20 septembre 2011 consid. 1.2 ; 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.1 et les référence).

Le juge de la cause pénale ne peut pas conclure à la culpabilité du prévenu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence. C'est seulement si les preuves à charge appellent une explication que l'accusé devrait être en mesure de donner, que l'absence de celle-ci peut permettre de conclure, par un simple raisonnement de bon sens, qu'il n'existe aucune explication possible et que l'accusé est coupable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_509/2008 du 29 août 2008 consid. 3.2.2. et 1P.641/2000 du 24 avril 2001 consid. 3 et les références citées).

6.2. Il est établi et incontesté que la jeune M______ a été agressée sexuellement et tuée par strangulation, à son domicile, dans la soirée du 23 août 2012, son corps étant ensuite dissimulé sous le lit de la chambre parentale où il n'a été retrouvé que le lendemain, par la police.

6.3.1. On sait également qu'après avoir passé l'après-midi en compagnie d'une amie, AK______, M______ était rentrée chez elle ce jour-là aux environs de 19h30, s'étant séparée de ladite amie entre 19h20 et 19h30 et ayant été aperçue par deux autres témoins à proximité de son logement, devant le Cycle d'orientation de AJ______ (GE). Elle avait dit à AK______ qu'elle rentrait la maison et n'avait rien de particulier à faire.

6.3.2. En arrivant chez elle, M______ a trouvé le mot que sa mère avait laissé sur la porte à son attention pour lui faire comprendre qu'elle devait prendre la clef dissimulée comme d'habitude en pareil cas dans un meuble sur le palier, et a déposé le billet sur un autre meuble, dans l'entrée de l'appartement, selon l'observation de G______ à son propre retour. Le fait que la porte a été ouverte au moyen de cette clef est au demeurant cohérent avec l'absence de traces d'effraction, étant rappelé que l'appelant n'avait pas la sienne sur lui à teneur du dossier. La victime s'est changée, enfilant une jupe que, selon sa mère, elle ne portait qu'à l'intérieur, a, toujours selon les constatations ultérieures de cette intimée, déplacé un ventilateur, une couverture et un coussin du balcon au salon, et a allumé la télévision ainsi que la ______ [console de jeu], dont les manettes étaient précédemment rangées, aux dires de I______.

Ces éléments, qui témoignent d'une activité paisible d'une certaine durée de la victime à son retour chez elle, tendent à exclure l'hypothèse d'un prédateur inconnu qui aurait suivi M______ et l'aurait surprise au moment où elle ouvrait la porte (cf. aussi infra consid. 6.8.2. et 6.9.6.).

6.3.3. A partir de 20h44, G______ a tenté d'atteindre sa cadette sur le téléphone mobile usuellement utilisé par ses filles et qui se trouvait à la maison, sans obtenir de réponse. De son côté, M______ n'a pas utilisé cet appareil pour communiquer avec sa mère (ou qui que ce soit d'autre).

6.3.4. La défense soutient que l'agression aurait eu lieu plus tard dans la soirée parce que M______ aurait mis en marche la console ______ [console de jeu] une heure et 20 minutes avant le retour de sa famille et du prévenu, aux environs de minuit. Toutefois, comme déjà développé ci-dessus (supra, consid. 4.4.2.), les rapports de la BCrim et de la BCI évoquent clairement un temps de jeu cumulé par journée, et non un temps d'allumage, étant observé que les inspecteurs étaient pleinement conscients de l'enjeu, le rapport de la BCrim du 21 septembre 2012 soulignant que la console et le téléviseur étaient allumés lorsque G______ et sa fille aînée sont arrivées. Aucun élément du dossier ne permet donc de retenir que le mode de calcul proposé par la défense serait correct. On ne peut donc soutenir que M______ aurait commencé de jouer à la ______ [console de jeu] aux environs de 22h30. On ne peut pas davantage affirmer qu'elle aurait joué durant une heure et 20 minutes après 19h30, car, contrairement à ce qui a été plaidé, il n'est nullement établi que les enfants H/I/M______ n'ont pas utilisé la console plus tôt ce jour-là - certes, les manettes étaient rangées lors du départ pour les HUG, mais elles pouvaient l'avoir été après une période de jeu, par exemple au cours de la matinée passée devant la télévision -, sans préjudice de ce que l'appareil peut aussi s'être mis automatiquement en veille, après avoir été lancé vers 19h30-19h45, M______ étant interrompue dans son jeu.

En revanche il reste que l'hypothèse articulée par la défense, outre qu'elle est contredite par les rapports de police précités, n'est pas plus compatible avec le silence de l'adolescente. En conclusion, il ne peut rien être déduit, ni à charge, ni à décharge, de ce que la console était allumée à minuit.

6.3.5. A l'instar du TCRim, la Cour conclut de ce qui précède que les faits se sont déroulés entre 19h30 et les environs de 20h44.

6.4.1. Il est établi et reconnu que durant une partie de cette tranche horaire, soit entre 19h47 et 20h23, le prévenu se trouvait à proximité immédiate des lieux du crime, lui-même situant l'emplacement où il avait garé son taxi quelques mètres plus loin dans la rue T______ (GE), devant l'épicerie.

6.4.2. Selon lui, il se serait garé là pour attendre M______ à laquelle il avait donné rendez-vous la veille, alors qu'ils rentraient de la station-service et que, pressé par le besoin d'uriner, il n'avait pu accéder à la demande de l'adolescente de pouvoir "toucher le volant".

Cette explication ne résiste pas à l'examen, pour de multiples raisons.

6.4.2.1. Il y a tout d'abord les nombreuses incohérences et contradictions de l'appelant, qui privent son, ou plutôt ses, récit(s) de toute crédibilité et fiabilité.

Lors de sa première déposition, l'appelant a prétendu s'être rendu, en sortant des HUG, directement au restaurant AM______ (GE), situé dans le quartier des ______ (GE), soit très loin de la rue T______ (GE), puis a rapidement rectifié, ajoutant l'épisode de la prise en charge gratuite de deux jeunes gens jusqu'à la rue AQ______ (GE), version qu'il a maintenue le lendemain devant le MP, mais enrichie encore d'une halte pour faire de la monnaie.

Ce n'est que quelques jours plus tard que le prévenu a admis la fausseté de ces premières affirmations, étant précisé que l'ébauche de la nouvelle version, telle que transmise par l'avocat du prévenu au MP diverge de celle finalement donnée par ce dernier (selon ce que l'avocat avait apparemment compris, le rendez-vous aurait été pris durant une brève rencontre dans l'après-midi, et le lieu convenu aurait été le parc BM______).

Indépendamment de cette variation, qu'il attribue à un malentendu avec son conseil, l'appelant n'a pas toujours été constant et cohérent, même dans cette nouvelle version. Il a été incapable de préciser l'heure du rendez-vous, évoquant tantôt une fourchette entre 19h00 et 20h00, entre 19h30 et 20h00, ou encore entre 19h00-19h30 - non sans affirmer qu'il aurait pu aussi bien arriver à 19h20, 19h30 ou 19h50 - pour en définitive parler de 19h30 en première instance et en appel. A cet égard, les premiers juges ont à raison observé qu'il n'était en réalité pas possible que le prévenu ait pu la veille des faits donner une heure à M______, fût-elle imprécise, alors que, de son propre aveu, il n'avait à ce moment-là aucune idée de son programme pour les prochaines 24 heures, ignorant en particulier s'il allait passer la nuit chez G______ ou à son propre domicile, s'il allait travailler le lendemain ou non et ne pouvant anticiper qu'il allait accompagner la mère de H______ aux HUG et en partir aux environs de 19h30.

L'appelant a été ambigu sur le motif du choix du lieu du rendez-vous, disant d'abord qu'il s'agissait de ne pas courir le risque de croiser G______ devant son domicile puis qu'il était question de permettre à M______ de "toucher" le volant sur le trajet entre le commerce et le parking de son immeuble, enfin que "tout était possible".

Le prévenu a encore été inconstant et inconsistant sur le caractère secret de ce rendez-vous : à le suivre, bien que G______ eût assisté à la première occurrence d'ébauche de leçon de conduite sans manifester de désapprobation, le fait que l'appelant permettait parfois à M______ de tenir le volant aurait été un secret entre eux, raison pour laquelle il n'avait pas voulu courir le risque de croiser la mère de la victime et n'en avait pas parlé alors que l'enfant était recherchée. Néanmoins, il avait projeté de faire une surprise à G______ en emmenant M______ au restaurant, ce qui aurait nécessairement impliqué que le "secret" fût dévoilé. En appel, il a affirmé que la pratique n'était pas un secret, doutant avoir pu dire qu'il avait voulu éviter de croiser la mère.

En prolongement, il a tour à tour déclaré qu'il avait hésité à aller au rendez-vous, se disant "j'y vais, j'y vais pas" mais avait fini par le faire, voulant éviter que la jeune fille l'attende en vain, et que cela ne lui aurait pas posé de problème de rester sur une terrasse de la place AP______ (GE) et de ne pas aller au rendez-vous fixé avec M______ si G______ et lui avaient renoncé à la consultation aux HUG, au risque de laisser alors l'adolescente dans une telle vaine attente.

6.4.2.2. Au-delà de ces variations intrinsèques, les dires de l'appelant sont, sur certains points, très peu vraisemblables, voire clairement faux au regard des éléments objectifs du dossier.

Il est très peu plausible que M______ n'eût pas parlé de ce rendez-vous avec sa mère, s'il avait existé, dans la mesure où mère et fille étaient très proches, où la première n'aurait rien trouvé à y redire et où il se serait agi, selon le prévenu, d'une activité qui réjouissait la jeune fille. Comme souligné par le TCrim, celle-ci avait d'ailleurs d'autant plus de raisons d'en parler à G______ qu'elle aurait dû l'avertir de ce qu'elle risquait de rentrer après 20h00, heure de son couvre-feu en période de vacances scolaires, et obtenir son autorisation.

Il est établi que l'appelant ne peut, durant sa prétendue attente de l'arrivée de M______, avoir uriné à l'endroit qu'il a désigné à la police, faute de place pour ouvrir la portière du taxi, sans préjudice de l'impossibilité de le faire discrètement, devant les très nombreux balcons des immeubles lui faisant face ou encore du fait qu'il était passé aux toilettes des HUG très peu de temps plus tôt, de sorte que la réalité même d'un besoin physiologique est des plus douteuses. Aussi, un détail qu'il a donné pour étoffer son alibi, requis de dire ce qu'il avait fait durant les 36 minutes pertinentes, est faux.

Il était, à le suivre, en retard à son rendez-vous avec M______, mais n'aurait pris aucune disposition pour l'avertir. Certes, le prévenu prétend qu'il ne connaissait pas le (relativement) nouveau numéro des enfants I/M______, mais cela est faux puisqu'il a tenté d'appeler M______ à 22h00, depuis le restaurant, et que, contrairement à ce qu'il soutient, ce n'est pas I______ qui a composé le numéro. Celle-ci l'a en effet contesté devant le TCrim, se souvenant de ce que c'était lui qui avait tapé ledit numéro, sans avoir besoin d'aide. Contrairement à ce que la défense a soutenu, les déclarations de I______ lors de l'audition EVIG selon lesquelles elle avait "pris le téléphone" et "appelé quelquefois" se référaient à l'appareil de sa mère, dont il fallait éviter de déclencher la Combox, pour ne pas engager des frais. Il faut ici préciser que malgré sa jeunesse à l'époque des faits, les déclarations de I______ sont particulièrement crédibles, la jeune fille ayant remarqué et rapporté de nombreux détails qui se sont avérés corrects (description de la scène présentée par le salon et de celle de la chambre à coucher, avec le soutien-gorge rose de M______ sur la poussette renversée ; déroulement des journées des 23 et 24 août, abstraction fait de l'omission initiale volontaire de la présence de l'appelant, notamment). L'appelant pouvait donc appeler M______ pour lui signifier qu'il était arrivé, s'enquérir des motifs de son retard et/ou au moins la prévenir qu'il avait assez attendu et quittait les lieux. Le prévenu aurait d'ailleurs aussi pu, au pire, monter vérifier ce qu'il en était, dès lors que s'il n'avait pas sur lui la clef de l'appartement, qu'il connaissait le digicode de l'entrée de l'immeuble et que rien ne l'empêchait de sonner à la porte pour voir si M______ était rentrée. La crainte d'une visite impromptue de K______ est un argument de circonstance, l'appelant n'ayant précédemment manifestement pas craint d'être surpris dans le logement, y compris lors de ses moments d'intimité avec G______ ou de sommeil dans le lit conjugal, notamment l'après-midi même des faits, jusqu'à 15h00.

Ne voyant pas M______ arriver, il aurait fini par quitter les lieux, renonçant ainsi à son projet de faire une surprise à G______, et ce sans s'inquiéter de ce qui avait bien pu retenir la jeune fille de 12 ans, qu'il dit avoir aimée comme un père. Conscient de la faiblesse de son propos sur ce dernier point, il a affirmé avoir pensé qu'elle avait pu rester chez une amie, alors que cela n'est pas compatible avec sa ponctualité habituelle et son caractère obéissant, et est allé jusqu'à évoquer l'hypothèse du "petit jogging" dont la victime aurait été coutumière, hypothèse inventée de toutes pièces selon tant de G______ que de I______.

6.4.2.3. Deux derniers éléments majeurs viennent contredire la version du rendez-vous manqué :

D'une part, il est invraisemblable que plutôt que de rejoindre le prévenu, qu'elle appréciait, pour se livrer en sa compagnie à une activité qui la réjouissait selon l'appelant et qu'elle avait elle-même demandée la veille, M______ serait rentrée chez elle, dans l'intention de ne pas ressortir, étant rappelé qu'elle s'est changée, mettant la jupe qu'elle ne portait qu'à l'intérieur. Du reste, elle avait dit à AK______ qu'elle n'avait pas de projets pour la soirée.

D'autre part, il est totalement incompréhensible que l'appelant n'ait à aucun moment signalé avoir eu un rendez-vous avec M______ face à l'inquiétude grandissante de la mère, déjà au restaurant, puis de tous les intervenants au cours des recherches, police comprise. Son explication selon laquelle lui seul serait resté convaincu, envers et contre tous, de ce qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter jusqu'au moment où il a su que la famille avait été menée à l'hôtel de police est totalement absurde et contredite d'ailleurs par sa première déclaration à la police, lors de laquelle il a affirmé que lorsqu'il était revenu sur les lieux avec AG______, il était choqué et inquiet et que tout le monde était paniqué. Celle tenant à la nécessité de préserver le secret sur sa relation avec G______ n'est pas davantage crédible : tout d'abord, il aurait pu trouver le moyen de lui en parler, discrètement ou lors de leurs échanges téléphoniques ; en tout état, à compter du moment où la fillette paraissait en danger, l'importance de fournir toute information utile à son sujet primait toute autre considération ; c'est sans préjudice de ce que l'appelant ne s'était guère préoccupé d'être discret en emmenant G______ au restaurant fréquenté par leur communauté. La seule possible explication à ce silence en de telles circonstances est que ce rendez-vous n'a jamais existé.

6.4.2.4. Force est ainsi de conclure, à l'instar du TCrim, qu'après avoir tenté, par tous les moyens, de dissimuler sa présence à proximité géographique et temporelle immédiate du crime, en faisant croire qu'il travaillait près de la gare puis était au restaurant AM______ (GE), situé aux ______ [quartier de Genève], l'appelant s'est ravisé, conscient que cela ne résisterait pas face aux éléments techniques (analyse de la téléphonie et des relevés tachygraphiques) ; acculé, il a concédé s'être trouvé sur place entre 19h47 et 20h23, imaginant une explication qu'il espérait non incriminante mais dont la fausseté est démontrée. Cette attitude est accablante.

6.5. Le comportement du prévenu après le départ de la rue T______ (GE), tout au long de la soirée et jusqu'à son interpellation se caractérise par des nombreuses apparentes incohérences qui ne prennent un sens que s'il est l'auteur des faits qui ont conduit à la mort de M______ :

6.5.1. Au lieu de proposer à G______ d'aller la chercher, étant rappelé qu'il se trouvait tout près des HUG, il s'est éloigné rapidement en direction du [restaurant] AM______ (GE) tout en l'appelant durant 12 minutes, moyen de se forger un alibi aussi proche que possible de l'heure de la mort. D'ailleurs, l'appelant a menti à G______, prétendant qu'il était en train de travailler, à proximité de la gare, soit un quartier très éloigné de celui de U______.

S'il n'est pas allé chercher G______, l'appelant l'a en revanche invitée, de façon tout à fait inhabituelle, dans ce restaurant éloigné et fréquenté par des personnes de leur communauté, au risque d'éventer le secret qu'ils souhaitaient tous deux entretenir sur leur relation, ce de surcroît alors qu'il n'avait pas faim, si bien que sa consommation se limitera à de la boisson. Cette attitude, en temps ordinaires très surprenante, est en revanche cohérente avec une stratégie consistant à être vu par autant de monde et aussi loin que possible, de l'appartement où gisait le corps, nécessité primant celle de la confidentialité de la liaison amoureuse, tout en retenant G______ et I______ loin dudit logement.

6.5.2. Au restaurant, l'appelant a retardé autant qu'il pouvait le moment du retour au domicile des G/H/I______. BQ______ et BR______ de même que I______ ont confirmé que G______ était inquiète tout au long de la soirée, ce dont témoignent aussi ses appels restés sans réponse, et, qu'alors qu'elle voulait rentrer chez elle, le prévenu avait commandé des bières et avait insisté pour qu'elle en boive une, quand bien même elle n'avait pas fini son soda. G______ a également eu l'impression qu'il essayait de retarder le moment du départ. Cette attitude s'inscrit en prolongement de la stratégie sus-définie ainsi que dans la logique de retarder autant que possible le moment où l'alerte serait donnée, avec pour conséquence plus ou moins immédiate, la découverte du corps et la recherche de l'auteur.

6.5.3. Enfin, alors qu'ils étaient finalement rentrés, G______ découvrant et signalant la disparition de sa fille de sorte que les recherches avaient commencé dans l'affolement général, le prévenu n'était pas inquiet et participait peu, selon le témoignage de AG______, témoignage qui a cependant partiellement varié entre son audition à la police et celle au MP, ce dont il est tenu compte. L'appelant a, au passage, tenté de faire porter les soupçons sur un tiers, en disant que ce devait être "le coup d'un blanc", phrase d'autant plus surprenante qu'elle est incohérente avec sa prétendue conviction que M______ était restée chez une amie de sorte qu'il n'y avait pas de "coup" dont il aurait fallu se préoccuper.

Le 24 août 2012 vers 11h00, comme les recherches étaient toujours en cours et l'inquiétude allant grandissante, le prévenu a somnolé sur un matelas, ce qui a choqué I______, puis, alors qu'il était supposé chercher M______ à l'extérieur avec AG______, il s'est contenté de rester assis sur un banc.

Selon les déclarations constantes de E______, le prévenu lui a ordonné de ne pas ouvrir à la police et de laver ses vêtements. Or, la première de ses consignes a été respectée, la police ayant dû entrer de force dans l'appartement malgré la présence de E______.

Certes, en théorie, le refus d'obtempérer de E______ pourrait s'expliquer par sa propre crainte de la police eu égard à son absence de statut. Il ne s'agit donc que d'un indice, à l'instar des éléments qui viennent d'être évoqués sur la passivité de l'appelant durant les recherches, lesquels relèvent davantage d'impressions des protagonistes, ce qui peut expliquer l'évolution dans la déposition de AG______. Ces indices sont donc faibles, mais pas sans portée aucune, vu leur convergence et leur cohérence avec les autres éléments du dossier.

6.6. Reste à déterminer si l'appelant a pu, durant les 36 minutes incriminantes, commettre les faits qui lui sont reprochés et s'il avait des motifs de le faire.

6.6.1. Ce laps de temps de 36 minutes, sans être très large, est néanmoins suffisant pour commettre les faits étant rappelé d'une part que, certes démuni de clef ce jour-là, l'appelant connaissait le digicode de la porte de l'immeuble alors que M______ n'avait aucune raison de ne pas lui ouvrir celle de l'appartement, et d'autre part que, selon les médecins légistes, la rupture de l'hymen de la victime a "eu lieu quelques minutes avant la mort" (PV TCrim, p. 114), voire durant l'agonie (50'124), et que la mort par strangulation survient en "plusieurs minutes de compression cervicale", quatre minutes de manque d'oxygène suffisant pour provoquer des lésions irréversibles du cerveau, indépendamment de l'âge de la victime. En d'autres termes, l'acte d'ordre sexuel, lequel a pu ne durer que quelques secondes, s'agissant probablement d'une pénétration digitale, et l'homicide ont pu intervenir en quelques minutes. Porter le corps de la victime, qui ne pesait que 37 kg, et le glisser sous le lit, avec l'aide de la poussette utilisée comme cale a également pu se faire très rapidement, comme le démontre la vidéo de la mise en situation par la police. Le parcours entre la voiture - à supposer qu'elle était garée là où l'affirme le prévenu - ne prend pas plus de deux à trois minutes, ce que le prévenu ne conteste pas.

Certes, il n'est pas soutenu par l'accusation, ni retenu par la Cour (infra consid. 6.6.2.), que l'appelant a prémédité son acte, ce qui comporte qu'une interaction entre lui et M______ a dû avoir lieu avant que l'agression ne commence. Cependant, le dérapage a pu survenir très rapidement, d'autant qu'à le suivre, le prévenu et la victime se taquinaient volontiers.

Ainsi, sans qu'une chronologie exacte ne puisse être fixée, l'appelant a pu en 36 minutes se rendre de sa voiture à l'appartement (trois minutes au plus), échanger avec M______ (cinq minutes ?), l'agresser et l'étrangler (dix minutes au plus), porter son corps dans la chambre parentale et le dissimuler sous le lit (cinq à dix minutes), ce qui lui laissait au moins huit minutes pour reprendre contenance, se laver les mains et retourner à sa voiture sans trainer.

6.6.2. Le développement qui précède sur le déclenchement de l'agression est lié à la question des mobiles.

Comme indiqué, la Cour considère qu'il n'est pas établi que l'appelant a prémédité l'agression sexuelle de M______ et, encore moins, son homicide. En revanche, le mensonge fait à G______, au moment de la laisser à l'hôpital, selon lequel l'appelant allait travailler, doublé du fait qu'il s'est directement rendu à la rue T______ (GE), où il n'avait pas rendez-vous avec M______, permet de retenir qu'il a été pris de l'envie de se retrouver seul avec elle, ce qui est cohérent avec le fait qu'il avait avec l'adolescente une relation privilégiée voire non dénuée de toute ambiguïté, comme évoqué par les experts R______ et Q______ (p. 25 du rapport et pp 50'573). Certes, aucun témoin n'a qualifié cette relation d'équivoque mais l'appréciation des experts, fondée sur la propre description faite par l'appelant, est pertinente. On ignore ensuite comment et pourquoi les choses ont dégénéré, mais l'appelant a cédé à une pulsion sexuelle, étant ici encore observé qu'un tel passage à l'acte chez un individu ne présentant pas un trouble de type pédophile n'est pas exclu, comme confirmé par lesdits experts. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'un tel diagnostic ne soit pas posé nonobstant un passage à l'acte relevant de l'art. 187 CP.

En prolongement, il faut retenir que l'appelant a étranglé sa victime pour éviter qu'elle ne le dénonce. Vu l'autre chapitre de l'accusation, on pourrait nourrir le soupçon qu'il a cédé à une pulsion sexuelle et/ou sadique aussi au moment de ce passage à l'acte ultime, mais cette version, qui relève d'un échelon encore plus élevé d'atrocité, doit être écartée au profit de celle la moins défavorable à la défense.

L'appelant avait donc bien un mobile d'agresser sexuellement, puis un autre de tuer.

6.7.1. Toujours au chapitre du déroulement des faits, il est retenu que l'appelant a pénétré le vagin de M______, sans la déshabiller, se contentant d'écarter sa culotte. L'hypothèse la plus plausible et la moins défavorable à la défense est que cette pénétration a été perpétrée au moyen d'un doigt, plutôt que du pénis ou d'un objet.

6.7.2. S'il n'est pas possible d'affirmer, ni d'exclure, avec certitude que l'appelant a serré le cou de M______ déjà au moment où il la déflorait, comme affirmé par l'acte d'accusation, il faut cependant retenir qu'il a au moins exercé une forme de pression physique et/ou psychique suffisante pour passer outre la résistance de M______, étant rappelé qu'il jouissait d'une position d'adulte de référence en sa qualité de compagnon de sa mère depuis plusieurs mois, ainsi que d'ami de la famille de longue date. Rien ne permet en effet de supposer que la victime aurait consenti à l'acte. Cela n'est d'ailleurs pas soutenu et est d'autant plus improbable qu'un consentement - même biaisé s'agissant d'un enfant - aurait permis à M______ d'avoir la vie sauve, son silence pouvant alors être assuré par la persuasion, comme cela est souvent le cas. Un grand déploiement de violence n'était par ailleurs pas indispensable, M______ étant de constitution particulièrement frêle et livrée à son agresseur puisque seule avec lui.

6.8. Parmi les moyens plaidés de part et d'autre, il paraît utile de revenir encore sur les points suivants :

6.8.1. Certes, on ignorece qu'il est advenude la clef de l'appartement utilisée par M______ et de celle du prévenu. Cette double incertitude est cependant sans pertinence, la disparition de la clef de M______ n'étant pas davantage la signature d'un tiers que celle du prévenu, et celle de l'exemplaire du prévenu sans influence sur le déroulement des faits tel que retenu ci-dessus.

6.8.2. En revanche, le MP soutient à raison que la dissimulation du corps de la victime correspond bien davantage à l'hypothèse selon laquelle un proche est l'auteur des faits, plutôt qu'un tiers, homme à la cravate compris, que ce proche ait nourri le projet incertain et/ou confus de revenir sur les lieux pour emporter et faire disparaître le cadavre - ce qui ferait supposer alors que l'appelant aurait pris la clef de la victime dans cette intention, n'ayant pas la sienne sur lui - ou qu'il ait plus pragmatiquement voulu retarder autant que possible le moment de la découverte afin de se forger un alibi. D'ailleurs, l'appelant savait qu'il ne risquait guère d'être surpris par G______, celle-ci étant censée l'appeler une fois la consultation à l'hôpital terminée, ce qu'elle a fait. Pour sa part, un prédateur inconnu aurait pris la fuite aussitôt l'homicide accompli, sans perdre de temps, dans la crainte du retour des autres inévitables, une enfant de 12 ans ne vivant pas seule, occupants du logement, dont il ignorait l'emploi du temps.

6.8.3. L'absence de traces sur les vêtements apparemment portés par l'appelant lors des faits, et dont celui-ci tenait à ce qu'ils fussent lavés selon l'indication de E______ particulièrement crédible s'agissant d'un détail significatif, n'est, pas davantage que la question du temps de jeu sur la ______ [console de jeu], un obstacle insurmontable. On sait que M______ n'a perdu que peu de sang avant de mourir, les médecins légistes ayant exposé que la plus grande partie s'était probablement écoulée après le décès, selon la loi de la gravité ; l'auteur des faits ne s'est nullement lui-même couché sous le lit pour y rouler le corps, de sorte qu'il n'y avait guère de raison que les détritus et la poussière s'y trouvant se déposent sur lui ; de surcroît, rien n'exclut que l'auteur des faits ait enlevé tout ou partie de ses vêtements, s'agissant d'un crime à connotation sexuelle, ou, précisément, pour ne pas les salir en déplaçant le corps.

6.9. Aux éléments qui précèdent, et qui constituent déjà un faisceau d'indices particulièrement fort et probant de ce que le prévenu a bien commis les faits ayant conduit à la mort de M______, s'ajoutent les conclusions qu'il faut tirer des analyses biologiques.

6.9.1. Tout d'abord, il est jugé que l'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il affirme qu'un épisode de taquinerie comportant des contacts physiques avec M______ serait intervenu la veille au soir, à la maison. En effet, G______ a très clairement exclu cette version, dès qu'elle a été évoquée, expliquant que la scène dans l'appartement avait bien eu lieu, mais trois ou quatre semaines auparavant. Or, il n'y a aucune raison de ne pas se fier aux propos de la mère de la victime, qui a toujours été parfaitement cohérente dans son récit des événements et n'avait aucun intérêt à charger son amant - au contraire, il aurait certainement été un soulagement pour elle que le possible meurtrier de sa fille fût un tiers inconnu et non l'homme qu'elle se reproche désormais d'avoir introduit dans son foyer - alors que la propension de l'appelant à mentir a déjà été établie et que son intérêt est évident. Ainsi, dans l'hypothèse la plus favorable à la défense, l'appelant a pu, tout au plus, au retour de la station-service, toucher M______ à une seule reprise, lorsque, selon lui, il l'a "tirée" par le poignet, d'une seule main, pour l'empêcher de fermer la porte entre le garage et l'immeuble, composant le code de l'autre ; plus tard dans la soirée, il a seulement effleuré son avant-bras, comme relaté par G______.

De même, il est exclu que l'appelant ait, que ce soit le 22 août 2012 ou précédemment, aidé G______ à remboîter les pieds du lit, cette dernière l'ayant dénié avec constance.

6.9.2. Cela étant, et comme invoqué par la défense, on ne saurait faire abstraction, au moment d'apprécier les résultats des analyses du matériel biologique, de ce que l'appelant fréquentait très régulièrement le domicile de la famille G/H/I/M______, ayant des interactions avec ses membres, notamment M______, et dormant dans le lit parental, ce qu'il avait encore fait la veille des événements et le jour même, jusqu'à 16h00. Il est ainsi vrai que la présence d'un profil ADN correspondant au sien dans divers endroits de l'appartement n'est pas nécessairement déterminante.

6.9.3. Gardant à l'esprit l'une et l'autre considérations qui précèdent, la Cour retient que certaines des traces relevées ont une portée à charge importante.

Tel est le cas tout d'abord du profil ADN de l'appelant sous les ongles de la main gauche de M______, sur son cou - étant rappelé qu'elle a été étranglée -, son aisselle et son épaule gauche, sa jupe au niveau de la taille ainsi qu'à l'avant, dans une tache rougeâtre, et sa hanche, à même la peau, étant précisé que la Cour exclut que ces traces puissent provenir des deux seuls contacts physiques de la veille, l'un tenu pour possible (en quittant le garage) et l'autre pour avéré (avant-bras brièvement touché en présence de G______), d'autant moins que la victime ne portait pas la jupe la veille au soir et qu'elle s'est certainement lavée au moins les mains, sans doute plus d'une fois, en presque 24 heures.

Lesdites traces révèlent certes toutes un mélange du profil de l'appelant (ou de l'appelant et ses frères) avec celui du petit H______ (le père pouvant être exclu vu son absence de contacts récents avec M______) ; on ne peut donc retenir qu'elles constituent autant de preuves irréfutables, un transfert dont le bambin aurait été le véhicule ne pouvant être écarté, mais il n'en demeure pas moins qu'elles constituent des indices à charge très sérieux, qui se renforcent par leur multiplicité.

Tel est ensuite le cas du profil ADN Y correspondant uniquement à A______ et ses frères retrouvé à l'intérieur du slip de l'enfant. Il ne s'agit toujours pas d'une preuve absolue, l'hypothèse selon laquelle l'appelant aurait pu toucher cette pièce de vêtement dans le cadre de la vie courante, par exemple alors qu'elle se trouvait suspendue à sécher, ne pouvant être totalement exclue ; dite hypothèse est néanmoins très peu plausible, à la limite du théorique, étant rappelé que l'appelant ne s'occupait d'aucune tâche ménagère dans l'appartement, qu'il serait pour le moins curieux qu'il ait saisi cette culotte au niveau de l'entrejambe, qui plus est sur le côté intérieur, et que ce serait vraiment un hasard malheureux qu'il ait précisément été en contact avec le sous-vêtement que M______ portera au moment d'être agressée sexuellement par un tiers alors que de nombreux indices le mettent par ailleurs en cause.

Est également particulièrement significatif le mélange des profils ADN correspondant à l'appelant et à la victime sur le centre du volant du taxi du premier, étant rappelé que rien n'établit que l'adolescente ait "touché" le volant à d'autres reprises que celle à laquelle a assisté G______, plusieurs semaines plus tôt et qu'en tout cas elle ne l'avait pas fait la veille, comme l'a épisodiquement soutenu le prévenu, de façon totalement contradictoire. Or, les chances qu'une telle trace résiste aux frottements immanquablement survenus sur un véhicule destiné à un usage quotidien professionnel paraissent vraiment faibles, contrairement à l'hypothèse d'un transfert par l'appelant au moment où il a repris sa voiture après les faits.

Ainsi, les analyses biologiques ont mis en évidence des indices forts de la culpabilité de l'appelant, qui viennent encore renforcer les autres éléments à charge.

6.9.4. D'autres traces encore ont été relevées dans l'appartement, soit sur la planche latérale du lit parental (zones 2, 4 et 6 en haut, T011, T013, T015), sur le côté du matelas (zones 7, 8 et 9, T019, T020, T021), à côté du lit (zone ABD, T078). Il est considéré qu'elles n'ont pas de portée, car elles pourraient être liées au contexte de la présence fréquente de l'appelant sur place, lequel a notamment pu toucher la planche latérale du lit, même si ce n'était pas pour le remboîter comme il le prétend.

6.9.5. Restentles prélèvements de matériel biologique sous le lit (M T082, O T084, L T081), à hauteur approximative de la cheville et du genou du corps de M______. Ces traces sont certes pour le moins troublantes, mais elles ont révélé un mélange du profil correspondant à l'appelant (ou ses frères) et de celui correspondant aux individus masculins de la lignée G/H/I/M/K______. Faute de pouvoir comprendre la présence de ce mélange à cet endroit peu accessible, la Cour ne le retiendra pas au nombre des éléments à charge.

6.9.6 Le résultat des multiples analyses effectuées est par ailleurs probant dans la mesure où il ne permet aucunement de soutenir la version de l'intervention d'un tiers, version qui paraissait purement théorique déjà du fait qu'un agresseur inconnu ne peut avoir emboîté le pas à M______ (supra consid. 6.3.2.). Il faudrait donc admettre qu'elle a ouvert la porte à un inconnu, qui aurait pris le risque de se présenter à l'heure du dîner sans savoir combien de personnes étaient présentes, et aurait été muni de gants en plein été, aucun ADN d'inconnu masculin n'ayant été identifié, ce qui implique qu'il aurait prémédité son acte.

En prolongement, il est rappelé que les autres hommes adultes dont l'ADN peut correspondre aux profils mis en évidence sur les lieux, soit le père de M______ et les frères de l'appelant, sont hors de cause, ce qui n'est pas contesté par la défense, vu leurs alibi ainsi que, s'agissant des derniers, les explications de BJ______ (supra B.q.c.b in fine).

6.9.7. Le fait, évoqué par la défense, qu'aucun profil ADN de l'appelant non plus n'ait été identifié sur ou dans les organes génitaux de la victime est neutre, aucune conclusion ne pouvant en être déduite. D'ailleurs, le profil d'un tiers n'a pas non plus été relevé ; on ne dépose pas toujours de l'ADN ; il s'agit d'une zone humide et du sang a coulé.

6.10. En conclusion, le dossier présente un faisceau d'indices convergents singulièrement dense et probant conduisant à la conclusion que l'appelant a commis les faits reprochés dans l'acte d'accusation sous ch. I, II. et III. tels que précisés ci-dessus (et abstraction faite, à ce stade du raisonnement, des faits évoqués au titre de la circonstance aggravante de l'assassinat).

b. Qualification juridique

7. 7.1. Il n'est guère contestable, ni contesté, que le fait de pénétrer à l'aide d'un doigt le vagin d'une adolescente de 12 ans, au point de provoquer une rupture de l'hymen, répond à la qualification d'acte d'ordre sexuel avec une enfant au sens de l'art. 187 CP.

7.2. De même, il n'est à raison pas discuté que cette qualification juridique entre en concours idéal avec celle de contrainte sexuelle au sens de l'art. 189 CP, l'appelant ayant en l'espèce nécessairement brisé la résistance de la victime, comme retenu précédemment (supra consid. 6.7.2.).

8. 8.1. En étranglant M______ jusqu'à ce qu'elle meure, l'appelant a, a minima, commis un meurtre, au sens de l'art. 111 CP.

8.2.1. L'assassinat (art. 112 CP) est une forme qualifiée d'homicide intentionnel, qui se distingue du meurtre ordinaire par le fait que l'auteur a tué avec une absence particulière de scrupules. Cette dernière suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte. Les antécédents ou le comportement que l'auteur adopte immédiatement après les faits n'entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils y sont étroitement liés, et permettent de caractériser la personnalité de l'auteur (ATF 142 IV 61 consid. 4.1 p. 65 ; ATF 141 IV 61 consid. 4.1 p. 64 ; ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14 [précisé par l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_480/2016 du 5 août 2016 consid. 1.3.2] ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_503/2018 du 2 août 2018 consid. 2.1; 6B_825/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.1 ; 6B_326/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 ; 6B_1297/2015 du 22 mars 2017 consid. 4.1 et les références ; 6B_1307/2015 du 9 décembre 2016 consid. 2.1 ; 6B_480/2016 du 5 août 2016 consid. 1.3.2).

Pour caractériser l'absence particulière de scrupules, l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux, mais cet énoncé n'est pas exhaustif. L'auteur est animé par des mobiles particulièrement odieux lorsqu'ils apparaissent futiles, notamment lorsqu'il tue pour se venger, pour obtenir une rémunération ou pour voler sa victime (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14 ; ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125 ; ATF 115 IV 187 consid. 2 p. 188), ou encore sans motif apparent, voire pour une broutille (ATF 141 IV 61 consid. 4.2). Son but - qui se recoupe en grande partie avec le mobile - est particulièrement odieux notamment lorsqu'il agit pour éliminer un témoin gênant ou une personne qui l'entrave dans la commission d'une infraction. Enfin, sa façon d'agir est particulièrement odieuse s'il fait preuve de cruauté, en prenant plaisir à faire souffrir ou à tuer sa victime, si son mode d'exécution est atroce ou barbare, notamment lorsque la victime doit endurer des souffrances morales ou physiques particulières (de par leur intensité ou leur durée) et que l'auteur du crime a voulu ou tout au moins accepté d'infliger ces souffrances (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 126) ou s'il agit avec perfidie, en inspirant frauduleusement confiance à la victime pour la tuer ensuite sans qu'elle se méfie (ATF 141 IV 61 consid. 4.1 p. 64 s. ; ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125 s. et les références ; ATF 115 IV 8 consid. Ib p. 14 ; ATF 101 IV 279 consid. 2 p. 282). Il ne s'agit toutefois là que d'exemples destinés à illustrer la notion, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'une de ces hypothèses soit réalisée (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125 s. et les références). L'absence particulière de scrupules peut être admise lorsque d'autres éléments confèrent à l'acte une gravité spécifique (ATF 117 IV 369 consid. 19b p. 393). C'est ainsi que la réflexion et la planification de l'acte peuvent constituer des éléments susceptibles de conduire à retenir une absence particulière de scrupules. Par la froideur dans l'exécution et la maîtrise de soi peuvent constituer des éléments susceptibles de conduire à retenir que l'auteur manifeste également le plus complet mépris de la vie d'autrui et donc à admettre une absence particulière de scrupules (ATF 141 IV 61 consid. 4.1 p. 65 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_654/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.1 ; 6B_825/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.1 ; 6B_326/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 ; 6B_1297/2015 du 22 mars 2017 consid. 4.1 ; 6B_1307/2015 du 9 décembre 2016 consid. 2.1 et les références).

Il n'y a pas d'absence particulière de scrupules, sous réserve de la façon d'agir, lorsque le motif de l'acte est compréhensible et n'est pas d'un égoïsme absolu, notamment lorsqu'il résulte d'une grave situation conflictuelle. Une réaction de souffrance fondée sérieusement sur des motifs objectifs imputables à la victime exclut en général la qualification d'assassinat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 du 27 février 2014 consid. 4.1 et les références).

Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un assassinat, il faut procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes (comportement, manière d'agir de l'auteur) et internes de l'acte (mobile, but, etc.). Il y a assassinat lorsqu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que l'auteur a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang-froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucun compte de la vie d'autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 du 27 février 2014 consid. 4.1 et les références). Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt, pour satisfaire des besoins égoïstes, à sacrifier un être humain dont il n'a pas eu à souffrir. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur, son caractère odieux, se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (ATF 141 IV 61 consid. 4.1 p. 65 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_654/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.1 ; 6B_825/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.1 ; 6B_326/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 ; 6B_1297/2015 du 22 mars 2017 consid. 4.1).

8.2.2. En l'espèce,il ne peut être retenu que l'appelant est allé jusqu'à calculer la façon de disposer le corps de M______ sous le lit, faisant en sorte que la latte détachée du sommier repose sur son cou et soit susceptible de masquer les traces d'étranglement, comme soutenu dans l'acte d'accusation. Il est en en effet possible et même probable que cette circonstance est due au hasard, le but prétendument recherché n'ayant d'ailleurs pas été atteint.

8.2.3. Sous cette seule réserve, il faut pour le surplus admettre avec l'acte d'accusation que la qualification juridique d'assassinat s'applique certainement aux faits, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté au plan juridique :

L'appelant a agi dans un but particulièrement odieux, tuant M______ de crainte qu'elle ne le dénonce ; autrement dit, la jeune fille a payé de sa vie le fait d'avoir été la victime des pulsions sexuelles du prévenu, lequel a ainsi fait preuve d'un égoïsme absolu.

Ce faisant, l'appelant s'en est pris à une enfant de 12 ans, dans l'incapacité de se défendre et dont il avait la confiance, alors qu'il n'avait jamais eu à souffrir d'elle.

Outre le mobile, le mode de tuer a aussi exigé une absence particulière de scrupules, le prévenu ayant durant de longues minutes tenu entre ses mains le cou de l'enfant, qu'il a regardée et sentie mourir sous la pression de ses doigts, alors qu'il aurait pu à tout moment la relâcher.

La froideur de l'appelant après les faits est une autre démonstration de sa maîtrise de lui, de son égoïsme complet et de son absence de scrupules, celui-ci ayant conçu de dissimuler le cadavre sous le lit de la chambre parentale, pour gagner du temps puis, tout au long des 24 heures qui ont suivi, oeuvré avec une froideur et un cynisme extrêmes à se forger un alibi et à retarder aussi longtemps que possible le moment de la découverte du crime, ne fléchissant à aucun moment face à l'inquiétude de la maman au restaurant puis au sentiment d'urgence de tous les protagonistes, police comprise, lors des recherches.

 

c. En conclusion

9. L'appel du prévenu dirigé contre le verdict de culpabilité des chefs d'assassinat, contrainte sexuelle et actes d'ordre sexuel avec un enfant est rejeté et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

2. Infractions reprochées à l'appelant concernant N______, O______ et E______

a. Appréciation des preuves et établissement des faits

10. 10.1. Les principes évoqués supra (consid. 6.1.1, 6.1.2. et 6.1.4) s'appliquent également à ce qui suit.

Il est en outre utile de rappeler que les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (ATF 129 IV 179 consid. 2.4 p. 184 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1).

Les déclarations successives d'un même témoin ne doivent pas nécessairement être écartées du seul fait qu'elles sont contradictoires ; il appartient au juge de retenir, sans arbitraire, la version qui lui paraît la plus convaincante et de motiver les raisons de son choix (arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2013 du 13 juin 2013 consid. 1.2 ; 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 consid. 4.2.3). Dans le cadre du principe de libre appréciation des preuves, rien ne s'oppose non plus à ne retenir qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3 spéc. p. 39).

10.2.1. A titre liminaire, il est souligné qu'on ne saurait faire abstraction de ce que les trois victimes supposées de l'appelant ont fait, comme il le reconnaît d'ailleurs lui-même, un récit très similaire de leur relation avec lui, récit auquel font d'ailleurs écho, sur plusieurs points, les déclarations des autres anciennes partenaires du prévenu et de ses filles. Au-delà d'une proactivité des autorités, qui contraste avec les temps morts de l'instruction, des informations qu'a pu donner K______, et même du poids de la rumeur au sein de la communauté, rien ne permet d'accréditer la thèse d'un complot dont N______, O______ et E______ auraient été les outils, ni d'une entente spontanée entre elles, étant rappelé qu'elles ne se connaissaient pas et vivent en trois lieux distants, et même sur un autre continent s'agissant de la dernière. D'ailleurs, s'ils sont très similaires, les trois récits ne s'en distinguent pas moins par des détails propres au vécu de chacune ce qui accroît leur fiabilité. Cette convergence des récits est donc un indice à charge non négligeable.

10.2.2. Pour sa part, l'appelant a fait la démonstration, dans le cadre des faits concernant M______, de sa capacité à mentir et à s'adapter aux développements du dossier. De plus, il s'est réfugié derrière une stratégie qui le discrédite, consistant à tout nier en bloc si ce n'est concéder quelques violences physiques, tout en se disant victime d'un complot liguant des acteurs aussi éloignés que les parents G/K______, ses trois anciennes compagnes et l'interprète, complot auquel se seraient ajoutés les mensonges ou propos qualifiés d'incompréhensibles de certains témoins (notamment ses propres filles, CS______, CB______, DD______) et la supposée promptitude des autorités à voir en lui le coupable idéal.

10.2.3. Pour autant, on ne saurait se contenter de ces seuls constats et il faut, au contraire, examiner le bienfondé de l'accusation pour chaque victime alléguée et chaque complexe de faits.

i. N______

10.3. La Cour ne partage pas l'analyse du Tribunal criminel selon lequel le récit de N______ ne permettrait pas de retenir qu'elle aurait subi des relations sexuelles sous la contrainte au motif que plusieurs éléments tendent à démontrer qu'elle était capable de résister au prévenu. En effet, les premiers juges ont par ailleurs tenu pour globalement crédible cette même narration. Or, l'intéressée a fait état d'épisodes lors desquels le prévenu aurait utilisé la violence et la force physique, moyens d'annihiler efficacement une résistance, même farouche.

10.4. Ce sont d'autres éléments qui doivent conduire à nourrir un doute sur le bienfondé de l'accusation, doute qui doit profiter à l'accusé au bénéfice d'une application d'autant plus rigoureuse de la présomption d'innocence que l'accusation est grave :

Il y a tout d'abord le fait que l'épisode du premier viol, au demeurant non évoqué lors de l'audition par la police, survenu au cours d'un premier rendez-vous entre les futurs amants, aurait été aussitôt pardonné, ce qui ne se conçoit guère, en dehors de toute relation d'emprise, à ce stade très initial. On peut ainsi se demander si N______ n'a pas manqué de clarté dans son refus ou si elle n'a pas attribué après coup une portée différente à un rapport consenti, fût-ce sur un mode très passif.

Il y a ensuite le fait que cette ancienne compagne du prévenu semble avoir vécu une autre relation toxique peu avant celle qu'elle a nouée avec l'appelant.

Surtout, il y a les déclarations et documents émanant de son psychiatre, lequel n'a pas recueilli de véritables confidences sur les faits attribués à l'appelant, mais expose d'une part que N______ a vécu des événements traumatiques dans son pays, dont des faits de viol, d'autre part qu'elle présente des difficultés à évoquer ces événements, notamment en termes de restitution confuse, peu fiable voire contradictoire de leur déroulement et enchaînement. Dans ces circonstances, il n'est pas possible d'attribuer une crédibilité suffisante aux seules déclarations de N______, en l'absence d'autres éléments du dossier.

Or, si le récit de cette ancienne compagne du prévenu est corroboré par sa convergence avec des déclarations d'autres protagonistes sur certains points (par exemple : l'appelant frappait ses enfants avec une chaussure, ce que Z______ a confirmé, tout en minimisant la force des coups ; N______ devait manger lorsque l'appelant avait faim, ce qui a aussi été relaté par E______), il n'y a pas de témoignages directs, ou indirects tels des constats médicaux, s'agissant d'actes sexuels imposés par l'appelant, étant rappelé qu'en ce qui concerne cette victime supposée, l'acte d'accusation formule uniquement le reproche de viol, à l'instar, logiquement, de l'appel du MP.

10.5. C'est donc par substitution de motifs qu'il est retenu que les faits qualifiés de viols de N______ dans l'acte d'accusation ne sont pas suffisamment établis, ce qui doit conduire au rejet de l'appel du MP et à la confirmation du verdict d'acquittement sur ce point.

ii. O______

10.6.1. La défense paraît, au stade de l'appel, avoir abandonné tout grief relatif à l'absence de confrontation du prévenu avec son ancienne épouse. Il se justifie néanmoins d'aborder cet élément, le prévenu y ayant pour sa part fait allusion lors de son interrogatoire.

10.6.1.1. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 Cst, le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56).

Le droit de participer à l'administration des preuves fait partie du droit constitutionnel d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Pour le prévenu, le droit de poser des questions au témoin découle également des art. 32 al. 2 Cst, 6 § 3 let. d CEDH et 14 § 3 let. e du Pacte ONU II. Le droit consiste à se trouver en présence de la personne et à lui poser ou faire poser des questions. Il n'existe aucun droit, néanmoins, à l'ajournement de l'acte d'instruction (A. KUHN / Y. JEANNERET, op. cit, n. 1 ss ad art. 147 et n. 28 ss ad art. 107).

Lorsque l'administration des preuves se fait par commission rogatoire, le droit de participer des parties est satisfait si celles-ci peuvent adresser des questions à l'autorité étrangère requise, consulter le procès-verbal de l'administration des preuves effectuée par commission rogatoire et poser par écrit des questions complémentaires (art. 148 al. 1 CPP). L'art. 148 al. 1 CPP, lu en corrélation avec l'art. 147 CPP, offre ainsi, à titre de mesure de compensation à l'impossibilité d'entendre ces témoins en audience, la possibilité de participer à l'élaboration du questionnaire puis, cas échéant, de poser des questions complémentaires par écrit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.3.2 et les références). 

Toutefois, même lorsque ces exigences ont été respectées, la possibilité de pouvoir poser des questions complémentaires dans le cadre de la commission rogatoire ne peut, à elle seule, suppléer l'absence d'un témoin à charge décisif à l'audience de jugement, de sorte qu'il faut se demander comment l'inconvénient résultant de l'absence de confrontation au stade du jugement a été compensé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.3.2 et les références).

La CourEDH considère comme éléments susceptibles de rétablir l'équilibre du procès en permettant une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de pareilles preuves, notamment, le fait que les juridictions internes se sont penchées avec prudence sur les déclarations non vérifiées d'un témoin absent, qu'elles ont montré avoir été conscientes de la valeur réduite de ces déclarations, soit qu'elles ont exposé en détail pourquoi elles considéraient que ces déclarations étaient fiables, tout en tenant compte des autres éléments de preuve disponibles. Cas échéant il faut se demander si des instructions ont été données au jury, soit aux membres non professionnels de la cour, quant à la façon d'aborder la déposition d'un témoin absent. Une autre compensation peut résider dans la diffusion en audience d'un enregistrement vidéo de l'interrogatoire au stade de l'enquête. La production au procès d'éléments de preuve venant corroborer la déposition non vérifiée constitue une autre garantie de grand poids, à l'instar de déclarations faites au procès par des personnes auxquelles le témoin absent a rapporté les événements immédiatement après leur survenue, la collecte d'autres preuves, notamment médico-légales ou des expertises relatives aux blessures ou à la crédibilité de la victime. La CourEDH considère aussi comme des facteurs importants la déposition d'un autre témoin rapportant, avec de grandes similitudes, une infraction similaire, pour autant qu'il n'y ait pas collusion et de surcroît si ce témoin a pu être entendu en audience et faire l'objet d'un contre-interrogatoire. De même, la possibilité de poser des questions par écrit au témoin absent et le fait d'avoir donné à l'accusé ou à son avocat la possibilité d'interroger le témoin au stade de l'enquête peuvent compenser le déséquilibre procédural. La défense doit se voir en outre offrir la possibilité de donner sa propre version des faits et de mettre en doute la crédibilité du témoin absent en soulignant toute incohérence ou contradiction avec les déclarations d'autres témoins. Le fait que la défense connaît l'identité du témoin constitue un élément supplémentaire susceptible d'améliorer la situation de la défense en la mettant en mesure d'identifier et d'analyser les motifs que le témoin peut avoir de mentir, et donc de contester la crédibilité de manière effective, même en son absence (arrêt CEDH Schatschaschwili, précité, § 125 ss ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 10.2.2.6.4 et les références ; 6B_862/2015 du 7 novembre 2016 consid. 4.3.3).

10.6.1.2. En l'espèce, le droit à la confrontation au témoin à charge a été respecté lors de l'exécution de la commission rogatoire dans une mesure plus large que celle prévue par l'art. 148 al. 1 CPP, puisque l'avocat de l'appelant a pu assister à l'audition de O______ en Ethiopie et l'interroger personnellement, après une interruption de 45 minutes lors de laquelle ledit conseil et son client ont pu s'entretenir par téléphone et identifier les questions complémentaires à poser.

10.6.1.3. Pour autant, l'appelant n'a pas pu être confronté à son ex-épouse lors de l'audience de jugement, celle-ci ne s'étant pas présentée aux débats, comme cela était prévisible, quand bien même elle avait été convoquée par le biais de l'Office fédéral de la justice, sur réquisition de preuve de l'appelant.

Le handicap qui en découle pour l'appelant - moindre que dans le cas du prévenu qui n'a pas même pu préalablement interroger le témoin lors de la commission rogatoire - est en l'espèce compensé de la façon suivante : la Cour, dans son intégralité, est attentive à cette circonstance et veillera à exposer en détail dans quelle mesure et pourquoi elle tient les déclarations de O______ recueillies en commission rogatoire pour crédibles ou non ; avec prudence, elle ne retiendra que les faits soutenus par d'autres preuves ou indices sérieux présents au dossier ; elle discutera dans toute la mesure utile les arguments de l'appelant, étant rappelé qu'en première instance comme en appel, un large espace lui a été laissé pour développer sa défense, lors de ses interrogatoires ainsi que lors des plaidoiries de sa double défense, laquelle a pu non seulement dupliquer mais aussi plaider une troisième fois, en dernier.

10.6.2. Selon l'un de ces arguments, la déposition de O______ aurait été dictée par l'interprète, lors du contact que les deux femmes ont eu, à la demande de la police.

Il faut d'abord rappeler que, afin d'assurer une meilleure indépendance dans une affaire sensible, le MP a eu la prudence de choisir l'interprète hors la communauté éthiopienne ou érythréenne de Genève, ce qui réduit sensiblement le risque d'interférences.

Il n'est pas possible d'au moins entrevoir un motif que l'interprète aurait pu avoir d'instiguer une fausse déclaration à charge, au risque de s'exposer à une poursuite pénale, ni quel avantage elle aurait pu offrir à O______, afin que celle-ci accepte de se prêter à pareille manoeuvre.

Concrètement, il aurait fallu bien plus qu'un contact téléphonique pour que les deux femmes puissent mettre au point la supposée fausse déposition, vu la densité des déclarations de O______ (infra consid. 10.6.3.) et leur cohérence avec les éléments du dossier. D'ailleurs, l'ex-épouse de l'appelant a incidemment rapporté qu'elle avait spontanément tenté de s'ouvrir à l'interprète de faits subis dans le cadre de sa relation avec l'appelant, mais que celle-ci l'avait aussitôt interrompue, disant qu'elle ne pouvait faire des déclarations par téléphone.

On relèvera enfin que l'appelant s'est contenté de jeter le soupçon sur l'interprète, sans apporter aucun élément concret pour étayer sa thèse.

Dite thèse doit donc être écartée.

10.6.3. Des trois anciennes compagnes et supposées victimes de l'appelant, O______ s'avère être celle qui jouit de la plus grande crédibilité, considérée globalement.

Etant parvenue à le quitter et à retourner dans son pays, elle y a retrouvé son ancien petit ami, qu'elle a épousé et avec lequel elle a eu des enfants et reconstruit sa vie. Les premiers juges ont à cet égard observé avec pertinence que le départ précipité de O______, laquelle renonçait ainsi à des soins que l'on peut qualifier d'optimaux alors qu'elle avait appris sa séropositivité, est révélateur de ce qu'elle avait de bons motifs de fuir son époux. Elle ne paraît pas avoir tissé de liens avec la communauté éthiopienne genevoise ou, à tout le moins, en avoir conservé après son départ au-delà des rencontres évoquées dans sa déposition. Elle ne souhaitait initialement pas déposer, ne s'est pas constituée partie plaignante et n'a donc jamais manifesté la moindre intention de faire valoir des conclusions civiles. Si sa déposition est à charge, elle est néanmoins nuancée (par exemple : le prévenu ne l'avait pas menacée de filmer leurs ébats et diffuser les images ; si elle pleurait et lui demandait d'arrêter, il cessait de la frapper ; elle n'avait pas conservé de séquelles des faits ; malgré les menaces de mort elle n'avait pas pensé qu'il avait véritablement l'intention de la tuer, mais bien qu'elle pourrait mourir sous ses coups). O______ n'a donc apparemment recherché aucun bénéfice secondaire lors de sa déposition, pas même celui de se venger. Sa narration est détaillée, précise et cohérente, insérée contextuellement dans le temps et les lieux. Le témoin s'est avéré crédible même sur les faits qu'elle n'a pas souhaité dévoiler, telle sa séropositivité ou l'identité de la personne qu'elle avait rencontrée à l'église et qui lui avait parlé de l'arrestation du prévenu, puisqu'elle s'est contentée de refuser de répondre à ces questions ou de lever le secret médical, en expliquant sa position, au lieu d'esquiver ou mentir.

10.6.4.1. Comme relevé par le Tribunal criminel, plusieurs témoignages confirment les propos de O______ s'agissant de violences physiques, étant précisé que si l'appelant n'est pas poursuivi du chef de lésions corporelles simples sur son ex-épouse, il est néanmoins important de tester tous les éléments de son récit :

- Z______ a dit avoir vu son père avoir des gestes agressifs envers O______, soit lui appuyer la tête contre un mur et lever la main comme s'il voulait la gifler ;

- CS______ a constaté trois taches bleu-vert sur le bras de l'ex-épouse ;

- AO______ a fini par concéder l'avoir recueillie dans sa voiture alors qu'elle tenait un mouchoir ensanglanté près de son nez après avoir été frappée par le prévenu, et lui avoir proposé de l'amener à la police, ce qu'elle a refusé ;

- DD______ a affirmé l'avoir vue avec un oeil au beurre noir ; O______ lui avait alors confié que le prévenu la frappait ;

- CR______, alerté par un téléphone de sa cousine se plaignant que le prévenu la frappait, a été inquiet au point de venir la voir à Genève depuis l'Allemagne au mois d'août 2005. Elle lui avait parlé de violences physiques et il avait constaté un bleu sur le côté droit de son front, qu'elle essayait de dissimuler avec ses cheveux ;

D'ailleurs, l'appelant reconnaît avoir à une reprise provoqué un saignement de nez de son épouse, affirmant que cela correspondrait tant à ce que Z______ dit avoir vu qu'à l'épisode finalement concédé par AO______.

Il y a enfin la marque visible sur la photo d'identité sur le permis B.

10.6.4.2. S'il est vrai que Y______ n'a pas confirmé avoir été chassée du logement de V______ (GE) ensuite de l'arrivée de O______, elle a néanmoins évoqué une situation pas très éloignée soit que l'appelant lui avait proposé de revenir vivre chez lui nonobstant la présence de O______, ce dont elle avait fait état lors de la cérémonie de mariage. Le témoin DD______ a aussi rapporté que Y______ avait à cette occasion provoqué une sorte de scandale. La perception de la situation par O______ est donc globalement correcte. La divergence dans le récit des deux femmes pourrait d'ailleurs s'expliquer par l'écoulement du temps.

10.6.4.3. Il n'est guère déterminant que AO______ et sa soeur n'aient pas, ou pas totalement, confirmé les déclarations de O______, le dossier démontrant que les compagnes de l'appelant n'avaient guère d'aide ou de soutien à attendre de ses proches, tant BU______ que son frère AO______ ou encore BW______ ayant affiché à tout le moins une indifférence marquée à leur égard. D'ailleurs, l'appelant a lui-même confirmé que AO______ avait emmené son épouse en voiture chez leur soeur, où elle était restée durant deux jours, puis que son frère les avait réconciliés.

10.6.4.4. Les restrictions à la liberté de mouvements de O______ sont soutenues par les témoignages de CS______ (le prévenu contrôlait O______ et lui imposait de rester à la maison, car il ne voulait pas qu'elle voie d'autres Ethiopiens ; elle avait elle-même surpris le prévenu filant son épouse) et de CR______ (le prévenu avait saisi le passeport de sa cousine, laquelle lui avait dit qu'elle ne pouvait pas circuler librement et que, quand elle se disputait avec le prévenu, il l'enfermait dans l'appartement).

Du reste, le comportement contrôlant de l'appelant dans le cadre de ses relations de couple, allant au moins par moment jusqu'à l'enfermement dans le logement, résulte des témoignages de Y______ (il refusait qu'elle ait un téléphone portable, et, à une occasion, il l'avait enfermée à l'intérieur de leur appartement), CU______ (il voulait qu'elle reste tout le temps avec lui, ne la laissait pas sortir seule et contrôlait le journal d'appels de son téléphone portable), outre N______ et E______.

10.6.5. Restent les accusations relatives aux actes sexuels contraints. Sur ce point les déclarations de cette partenaire de l'appelant sont soutenues par leur convergence avec celles de E______ - dont il sera constaté ci-après qu'elles sont véridiques - y compris s'agissant du détail singulier, du recours à des objets, soit, dans son cas, deux bougies introduites dans le vagin. Cette convergence et la forte crédibilité globale de O______ qui contraste avec celle bien plus faible du prévenu (supra consid. 10.2.2.) fondent la conviction, au-delà de tout doute raisonnable, que cet aspect-là également du récit est véridique.

10.6.6. Au-delà de la théorie du complot, la seule réponse de l'appelant consiste à soutenir que son union, jusque-là sereine, se serait subitement dégradée suite à la découverte fortuite que O______ avait contracté le virus HIV, ce dont elle l'avait dans un premier temps tenu pour responsable, avant de jalouser le fait qu'il ne fût en définitive pas lui-même séropositif, et que c'est à cause de cela qu'elle l'aurait quitté, lui-même ayant compris son intention et ne faisant rien pour l'en détourner. Cette explication, déjà guère plausible dans la mesure où elle évoque un comportement erratique, en devient absurde si l'on considère qu'il aurait fallu que O______ eût continué de nourrir une jalousie infondée à l'encontre de son ex-époux durant plus de dix ans, alors qu'elle avait elle-même refait sa vie et fondé sa propre famille, et que sa rancune eût même dû croître, au lieu de s'estomper avec le temps, au point de la conduire à commettre une fausse déclaration. Et encore : ce supposé mobile ne permet pas pour autant d'expliquer comment O______ aurait pu inventer une déclaration fausse mais néanmoins si cohérente avec les éléments du dossier, y compris ceux ignorés d'elle.

10.6.7. Une autre objection de l'appelant tient au fait que O______ n'a pas saisi l'occasion des voyages du couple en Ethiopie pour se confier à sa famille ou refuser de rentrer avec lui. Il s'agit là du seul argument raisonnable articulé à l'encontre de l'accusation, contrebalancé cependant par la réponse du MP selon laquelle cette attitude de O______, qui a dit avoir craint de ne pas être soutenue par sa famille, peut se comprendre s'agissant d'un sujet intime et parce qu'il était difficile d'expliquer l'échec de ce mariage qu'elle avait voulu et pour lequel elle avait tout quitté. Il est aussi observé que, selon O______, l'appelant était très présent à ses côtés, même en Ethiopie, ce qui comporte une certaine forme de pression psychologique susceptible de maintenir le rapport d'emprise. Il s'agit en outre du seul élément opposable à la crédibilité de cette victime, dont la portée est insuffisante eu égard aux éléments qui la soutiennent.

10.6.8. En conclusion, la déclaration de O______ du 10 mai 2016 est tenue pour véridique. Il en résulte que dès son arrivée en Suisse, O______, qui ne parlait ni le français ni l'anglais, n'avait pas de relations sociales propres, s'est trouvée totalement isolée et dépendante de l'appelant à tous égards, y compris du point de vue administratif, son permis de séjour étant lié à leur mariage. Profitant de la vulnérabilité découlant de cette dépendance, l'appelant a assis son emprise en enfermant par moments O______ dans leur logement, en limitant ses contacts téléphoniques, en confisquant son passeport et son permis B ainsi qu'en la frappant, l'insultant ou la menaçant. Il lui a également imposé des rapports sexuels complets, des fellations et, à une reprise, l'introduction de deux bougies dans le vagin.

iii. E______

10.7.1. La Cour partage l'analyse du TCrim selon laquelle la fausseté de la première déclaration de E______, recueillie dans la foulée de l'arrestation du prévenu, ne nuit pas à sa crédibilité ultérieure. En effet, E______ ne pouvait à ce moment avoir aucune certitude sur une éventuelle rapide libération de l'appelant. En tout état, dans l'hypothèse où l'accusation concernant cette partie plaignante serait fondée, il faudrait tenir compte de ce qu'on ne s'affranchit pas si facilement et rapidement d'une emprise subie durant plusieurs mois, générant le sentiment d'être totalement impuissante, sans pouvoir attendre d'aide particulière de tiers, fût-ce la police.

De même, les premiers juges ont à raison relevé que cette partie plaignante avait déclaré de manière constante, tout au long de la procédure, avoir été menacée, séquestrée, frappée, violée et contrainte sexuellement à de très nombreuses reprises au cours de sa relation avec l'appelant et que vu le nombre et la durée de ses auditions, dans des conditions particulièrement difficiles liées à sa détresse et son état psychique, il était inévitable que des variations ou contradictions apparaissent.

10.7.2. Tous les arguments articulés par l'appelant pour discréditer E______ ne sont pas fondés. Par exemple, il n'est pas établi qu'elle aurait nié à tort avoir été la petite amie de BT______, le témoin CC______ en doutant. Ce témoin n'a d'ailleurs pas non plus confirmé que E______ aurait menacé de déposer plainte pénale pour viol contre BT______ comme soutenu par A______.

Cependant, il reste que les déclarations de E______ présentent des contradictions ou incohérences importantes (à titre d'exemple, on peut citer la problématique du sort des parents de la victime alléguée, celle du film pornographique sur lequel, quoi qu'elle en dise, elle ne paraît ni novice ni réticente) de même que des défaillances de mémoire étonnantes (ici, outre de nouveau le film pornographique, on peut évoquer l'épisode du séjour en France à propos duquel E______ est incapable de donner le moindre détail).

En ce qui concerne les oublis, il est toutefois observé que certains en tout cas ne sont pas stratégiques, étant rappelé que E______ n'avait plus souvenir, avant que cela ne lui revienne puis qu'elle ne l'oublie à nouveau, de l'épisode de son retour à W______ [BE], lequel a pourtant amené de nombreux éléments à charge.

10.7.3. Comme soutenu par la défense, on ne saurait pas non plus faire abstraction de ce que la fragilité de la situation de la jeune femme en Suisse induit la possibilité d'un bénéfice secondaire, sous la forme d'une renonciation des autorités, au moins provisoire, à son renvoi. Certes, l'existence d'un tel possible bénéfice ne détruit pas ipso facto ipso jure la crédibilité d'une partie plaignante, dès lors que l'on peut parfaitement poursuivre un intérêt personnel tout en restant dans la vérité et l'authenticité. En revanche, un tel cas de figure oblige à davantage de prudence.

10.7.4. Dans ces circonstances, quand bien même pour sa part le prévenu ne jouit que de peu de crédibilité (supra consid 10.2.2.) et qu'aucun problème ne se pose s'agissant du droit à la confrontation, ne seront retenus que les éléments du récit de la partie plaignante qui sont suffisamment corroborés par d'autres éléments du dossier.

10.8. Il est tout d'abord retenu que E______ s'est trouvée dans une situation de très grande vulnérabilité à l'égard de l'appelant, dès le mois de juin 2011, lorsque celui-ci l'a signalée comme ayant quitté la Suisse, sa demande d'asile ayant été rejetée et le délai pour quitter le pays imparti par l'ODM étant échu, ou, à tout le moins, dès son retour après le bref séjour en France, à supposer qu'il ait eu lieu, à peu près à la même période. A partir de ce moment, elle vivait clandestinement à Genève, où elle dépendait de l'appelant pour se loger et subvenir à tous ses besoins, la seule activité rémunérée qu'elle ait jamais pu dès lors exercer consistant en celle occupée quelques temps chez la soeur du prévenu et encadrée par lui, même si probablement pas aussi constamment que relaté. Sous réserve de la coiffeuse qu'elle verra trois fois, le cercle des fréquentations de E______ était réduit à la famille proche de l'appelant, soit ses filles, son frère, sa soeur et son beau-frère, ce que tend à confirmer l'absence de tous contacts téléphoniques avec des tiers durant la période sous analyse de sa téléphonie.

Si une fenêtre s'est ouverte durant l'été 2011, en raison de l'absence de l'appelant qui passait des vacances en Ethiopie, elle s'est refermée à son retour, soit dans le courant du mois d'août. Certes, l'hiver suivant, la mère de E______ a séjourné à Genève quelques semaines, séjour organisé d'ailleurs par l'appelant, mais cette présence ne pouvait constituer une échappatoire. La mère de E______ était en effet de passage, et tout aussi dépourvue, voire davantage que sa fille, de moyens de réagir face à la situation. Si elle l'avait alertée, E______ n'aurait guère pu que lui causer de la peine.

Précédemment, soit aussi longtemps que la demande d'asile n'avait pas été rejetée, E______ aurait pu avoir recours au réseau d'aide et d'encadrement pour requérants. Le dossier établit d'ailleurs qu'elle a tenté de le faire, lors de l'épisode de "la fuite" à W______ [BE], mais que l'appelant a rapidement retrouvé sa trace et est venu la chercher, la persuadant de revenir avec lui à Genève. A cet égard, le récit de CB______, crédible dès lors qu'il fait écho à celui de BX______, sans préjudice de ce qu'on ne voit pas pourquoi le témoin aurait inventé son récit, en dit long sur la détermination de l'appelant. Ces évènements étaient donc de nature à contribuer à l'emprise sur la partie plaignante.

10.9.1. Dans ce contexte de totale dépendance, elle s'est trouvée en butte au comportement verbalement et physiquement violent de l'appelant, de même qu'à son contrôle de ses faits et gestes allant jusqu'à des épisodes d'enfermement à clef dans l'appartement, même si elle a néanmoins aussi pu sortir par moments, comme relevé par le TCrim (consid. 14), seule ou avec l'appelant, qu'elle accompagnait notamment à certaines occasions familiales ou sociales.

Pour parvenir à ce constat, la Cour ne se fondera pas sur les images de la fête d'anniversaire de Z______ car s'il est vrai que le foulard vert porté tout au long par E______ peut avoir servi à dissimuler une blessure au niveau de l'oreille ou au-dessus, le partie plaignante n'a ceint son cou d'un foulard blanc que dans un deuxième temps, au moment où elle s'apprêtait à servir le café, ce qui pourrait aller dans le sens de la coutume évoquée par le prévenu, même si la réalité de cette pratique n'est par ailleurs pas établie et que l'étoffe blanche était encore présente lors du repas qui a ultérieurement eu lieu.

Les faits sont néanmoins établis par les éléments de preuve suivants :

- les témoignages de BX______, BY______ et CH______, lesquelles ont recueilli les confidences de E______ lors de l'épisode précité de la fuite à W______ [BE], et la première ayant elle-même constaté la présence de trace de coups sur le corps de son assistée ; E______ lui avait en outre indiqué que le prévenu avait oublié de l'enfermer à clef. Ces témoignages sont particulièrement crédibles, leurs auteures n'ayant aucune raison de mentir et s'étant fondées en partie sur des notes prises à l'époque. Leur récit n'est d'ailleurs pas uniquement fondé sur ce que leur assistée leur a dit mais aussi sur ce qu'elles ont vu. Les comportements attribués à l'appelant avaient donc commencé déjà avant l'été 2011 et rien ne permet de supposer qu'ils auraient ensuite cessé ;

- les déclarations de Z______, qui a relaté que E______ lui avait dit que le prévenu fermait parfois la porte à clef quand il partait, ne la laissait pas sortir sans lui, s'énervait vite, devenait agressif, la surveillait et l'avait frappée ; elle avait d'ailleurs constaté quelques bleus sur les joues de E______ ;

- celles de AC______, à laquelle E______ avait confié que sa relation avec son père ne se déroulait pas très bien, qu'il cherchait toujours un prétexte pour s'énerver contre elle et qu'il la frappait, étant rappelé que ses confidences ont eu lieu en été 2012, soit bien après le seul coup expressément reconnu par l'appelant ;

- le fait que trois autres compagnes ont également évoqué avoir été enfermées à clef, soit Y______, pour un épisode, N______ et O______, dont la déclaration est probante ; certes, celle de N______ doit davantage être considérée avec circonspection, pour les motifs retenus précédemment, mais pas sur ce point, puisqu'elle est soutenue par sa convergence avec d'autres ;

- le récit de E______ est encore soutenu par l'examen physique effectué par le CURML le 24 mars 2014, de même que ses déclarations à ses médecins (elle a parlé de violences physiques et rapporté avoir été enfermée à la Dresse CJ______ ; elle a montré des marques encore présentes à la Dresse CK______).

10.9.2.1. Il est partant retenu, au stade de l'établissement des faits, que durant leur relation, l'appelant a frappé E______, la giflant, l'étranglant, lui tirant les cheveux, ainsi qu'en lui donnant des coups de poing au visage et des coups de pied sur le flanc une fois qu'elle était au sol. En frappant sa compagne, le prévenu lui a causé de multiples blessures, comme un oeil "au beurre noir", des saignements au nez et à l'oreille, des éraflures et des griffures, des douleurs au crâne et à la nuque, des enflures aux yeux et au cou. A une reprise il lui a enfoncé un stylo en bas du dos, lui laissant une marque visible. Une autre fois, il l'a frappée avec un objet métallique au genou gauche, lequel présente une cicatrice au niveau de la face antérieure.

D'ailleurs, si le prévenu conteste davantage que l'occurrence, prescrite, à l'origine de la "fuite à W______" [BE], sa défense a retiré en audience la conclusion dirigée contre le verdict de culpabilité du chef de lésions corporelles simples, verdict qui retient l'ensemble de ces faits.

10.9.2.2. Le Tribunal criminel a admis la subsistance d'un doute s'agissant de la confiscation du permis N de E______. Conformément au principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la Cour ne peut donc guère plus connaître que des épisodes d'enfermement à clef dans l'appartement, épisodes qu'elle considère avérés, vu les éléments qui précèdent.

10.10. Outre le fait que le comportement menaçant attribué à l'appelant, s'agissant à tout le moins de menaces de tuer ou de frapper, est globalement cohérent avec le contexte de sa relation avec E______, des agissements identiques ont été décrits par O______, dont le récit a été tenu pour probant. Il est donc également jugé que l'appelant a proféré de telles menaces à l'égard de cette intimée.

La menace de publier sur Internet des images de leurs ébats n'est en revanche pas démontrée.

10.11.1. Il faut admettre avec le TCrim qu'il n'est pas déterminant que la partie plaignante ne se soit pas confiée au sujet des infractions contre la libre détermination en matière sexuelle reprochées au prévenu, que ce soit aux filles de l'appelant ou d'éventuels tiers, notamment la coiffeuse, vu le tabou entourant souvent ce sujet touchant à l'intime et la honte ressentie par les victimes. A juste titre les premiers juges ont relevé que BV______, à laquelle E______ a confié par la suite avoir subi des violences physiques, s'était doutée qu'elle avait également subi des violences sexuelles sans en parler car cela ne se faisait pas dans leur culture (supra B.c'.k.).

9.11.2. Cela étant, E______ a été précise et détaillée dans la description des faits qu'elle dénonçait. Ce récit est très fortement soutenu par sa convergence avec celui de O______.

Comme relevé par le Tribunal criminel, la partie plaignante s'est, certes après l'arrestation de l'appelant, confiée à ses médecins (elle a parlé de viols à la Dresse CI______ ; de viols, de pénétrations anales et de l'usage du stick déodorant à la Dresse CK______ ; de sévices sexuels dont des pénétrations anales à la Dresse CL______) et ceux-ci ont fait des constats et posés des diagnostics hautement compatibles avec ses dires, notamment celui d'hypertonie du plancher pelvien ou d'induration du vagin et de l'anus, ce qui est de sucroît suffisamment singulier pour qu'on imagine mal l'intimée imaginant et simulant de tels symptômes.

10.11.3. Encore au chapitre des constatations médicales, les Dresses CJ______ et CI______ ont posé un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique aux multiples symptômes, de même qu'un état dépressif. La première a ajouté que ce trouble avait été causé par les événements vécus à Genève et non par des événements survenus durant l'enfance en Afrique de sa patiente. Or, bien qu'on ne puisse exclure qu'un tel tableau médical eût pu se présenter du seul fait des violences physiques, verbales et sous forme de contrôle allant jusqu'à l'enferment subies, il reste qu'il est bien plus plausible si la relation pathologique est complétée par des violences sexuelles.

La critique de l'appelant, qui soutient que la conclusion de la Dresse CJ______ quant à la cause du stress post-traumatique pourrait être davantage dictée par le lien thérapeutique que par un constat objectif n'est pas étayée et on ne voit pas pourquoi un médecin traitant ne serait pas en mesure de faire la part des choses entre différentes causes possibles d'un trouble correctement diagnostiqué. D'ailleurs, les symptômes évoqués par les différents médecins sont si nombreux et invalidants que l'appelant n'aurait pas manqué de les constater, s'ils avaient été présents déjà au début de la relation. Or, il n'a jamais rien prétendu de tel.

10.11.4. Sans que cela ne soit une preuve, ni même un indice à charge, on peut néanmoins observer que les agissements attribués à l'appelant ne sont pas incompatibles avec sa personnalité, telle que décrite par les experts.

10.11.5. Comme observé par le TCrim, relève en revanche bien de l'indice à charge le récit des autres partenaires de l'appelant - sous la réserve de G______ - dont il résulte que celui-ci avait une tendance à approcher les femmes de manière abrupte, voire agressive, qu'il pensait avant tout à satisfaire ses propres envies, privilégiant par ailleurs les fellations et pénétrations anales, et avait une approche brutale en matière sexuelle. Pour satisfaire ses pulsions, il n'hésitait pas à insister au point que ses compagnes finissent par céder et se laisser faire. Il a également eu avec elles des comportements très contrôlants et s'est immiscé dans leur vie jusqu'à les isoler. Ce mode de fonctionnement a aussi été mis en évidence par les experts français.

10.11.6. L'adhésion au moins apparente de la partie plaignante au film pornographique (supra consid. 10.7.2.), n'empêche pas que celle-ci a pu à d'autres occasions être contrainte, d'autant moins que le film est antérieur à la période pénale retenue par le TCrim. Il est d'ailleurs fréquent que, dans le domaine dit du "viol conjugal", des rapports consentis interviennent concurremment. De même, il n'est guère déterminant que la partie plaignante puisse avoir paru, par moments, heureuse. D'ailleurs, l'appelant ne peut plus raisonnablement nier que la relation ne l'était pas, lui qui ne conteste plus les lésions corporelles simples. Contrairement à ce que soutient la défense, des occurrences de violences sexuelles ont pu intervenir lors du séjour de la mère de E______, celle-ci ayant relaté que cela avait lieu dans la salle de bains ; comme déjà dit, il n'est pas étonnant que E______ n'ait pas fait comprendre à sa mère ce qui se passait (supra consid. 10.8.).

10.11.7. En conclusion, il est retenu que l'appelant a, à de réitérées reprises, exercé une pression physique, verbale, ainsi que psychique fondée sur la relation d'emprise sur la victime, pour la contraindre à subir contre sa volonté des actes sexuels ainsi que des pénétrations anales, parfois concurremment avec une pénétration de l'autre orifice par un stick déodorant, de même qu'il l'a forcée à lui prodiguer des fellations.

10.12. Le TCrim a réduit l'acte d'accusation, tant en ce qui concerne la période pénale pour l'ensemble des faits vécus par E______, qu'il a située entre août (au lieu de juin) 2011 et août 2012, qu'en ce qui concerne le nombre d'occurrences pour chaque type d'acte, limité à "plusieurs dizaines".

Ce faisant, le TCrim s'est montré prudent et cohérent, prenant comme point de départ le retour de l'appelant de ses vacances d'été 2011. La Cour n'a pas identifié de motifs de réduire davantage dite période pénale - l'appelant n'a d'ailleurs rien articulé à cet égard -. Elle suivra donc les premiers juges sur ce point également.

b. Qualification juridique

11. Il n'est, à raison pas contesté, que les faits tels que retenus ci-dessus sont constitutifs :

- de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), viols (art. 190 al. 1 CP) ainsi que séquestrations (art. 183 al. 1 CP) en ce qui concerne O______ ;

- des mêmes crimes ainsi que de lésions corporelles simples avec l'aggravante du contexte domestique (art. 123 ch. 1 et 2 al. 3. CP) - verdict au demeurant plus visé par l'appel du prévenu - enfin de menaces avec la même circonstance aggravante (art. 180 al. 1 et 2 CP) au préjudice de E______.

12.1. Selon la jurisprudence relative aux art. 189 et 190 CP, la cruauté ne constitue un élément aggravant que si elle excède ce qui est nécessaire pour briser la résistance de la victime et donc pour parvenir à la réalisation de l'infraction ; tel est le cas si l'auteur a recours à des moyens disproportionnés ou dangereux et inflige de cette manière à sa victime des souffrances particulières, qui vont au-delà de ce que la femme doit déjà endurer uniquement en raison du viol. Il s'agit donc de souffrances qui ne sont pas la conséquence inévitable de la commission de l'infraction de base, mais que l'auteur fait subir à sa victime par sadisme ou à tout le moins dans le dessein d'infliger des souffrances particulières (voir ATF 106 IV 367 s. consid. f, relatif à la séquestration, au sens de l'ancien art. 182 CP) ou encore par brutalité ou insensibilité à la douleur d'autrui. Le viol qualifié n'est pas seulement réalisé si l'auteur est un pervers ou un sadique, mais dès que celui-ci fait preuve d'une cruauté qui ne s'impose pas pour parvenir à consommer l'infraction de base.

Aux termes de l'art. 190 al. 3 CP, agit notamment avec cruauté l'auteur qui fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux. De la même façon, celui qui serre fortement le cou de sa victime agit d'une manière qui est non seulement cruelle, mais dangereuse. Il inflige ainsi à la victime des souffrances physiques et psychiques particulières - notamment si celle-ci en vient à craindre pour sa vie - qui ne sont pas nécessaires pour la réalisation de l'infraction de base, de sorte qu'il doit être reconnu coupable de viol aggravé (ATF 119 IV 224 consid. 3).

12.2. Se tenant à la règle qu'elle s'est fixée de ne retenir, dans les déclarations de E______, que ce qui est confirmé par d'autres éléments du dossier, la Cour estime qu'il n'y a pas assez d'éléments pour affirmer que l'appelant l'aurait durant les actes sexuels ou d'ordre sexuel imposés, entravée et étranglée ou giflée, à tout le moins avec une intensité suffisante pour répondre à la définition de la circonstance aggravante de la cruauté. De même, la morsure et le coup de stylo, qui a laissé une marque, évoqués dans l'acte d'accusation, outre que la première n'est pas documentée, constituent des événements trop isolés pour relever de la brutalité ou du sadisme caractérisant dite circonstance aggravante.

13. En conclusion, le verdict de culpabilité pour ce second volet de l'accusation est également confirmé et les appels du prévenu et du MP, de même que l'appel joint de E______, y relatifs sont rejetés.

D. Peine et mesure

1. Peine

14. 14.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s. ; ATF 136 IV 55 consid. 5 p. 57 ss ; ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_798/2017 du 14 mars 2018 consid. 2.1 ; 6B_718/2017 du 17 janvier 2018 coonsid. 3.1 ; 6B_1428/2016 du 3 octobre 2017 consid. 4.1 ; 6B_326/2016 du 22 mars 2017 consid. 4.1).¨

14.1.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. L'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 141 IV 313, consid. 1.1 et 1.1.2).

La jurisprudence exclut que le concours d'infractions fonde à lui seul le prononcé d'une peine privative de liberté à vie si l'infraction passible d'une telle sanction ne justifie pas par elle-même, au vu de la faute commise, le prononcé de cette peine (ATF 132 IV 102 consid. 9.1 p. 105 s. ; arrêt non publié 6B_284/2012 du 29 octobre 2012, consid. 4.1.2).

14.1.3. S'il est vrai qu'un accusé a en principe le droit de se taire et de nier les accusations portées contre lui, des dénégations obstinées en présence de moyens de preuve accablants et des mensonges flagrants et répétés peuvent être significatifs de la personnalité et conduire à admettre, dans le cadre de l'appréciation des preuves, que l'intéressé n'éprouve aucun repentir et n'est pas disposé à remettre ses actes en question (ATF 113 IV 56 consid. 4c p. 57 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2008 du 10 juillet 2008 consid. 1.2).

L'exercice, par le prévenu, de son droit au silence ne saurait justifier une aggravation de la sanction, à moins que l'on puisse déduire une absence de remords et de prise de conscience de sa faute (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1299/2016 du 27 septembre 2017 consid. 2.3.4 ; 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 1).

14.2. Concrétisant le principe de célérité, l'art. 5 CPP impose aux autorités pénales d'engager les procédures pénales sans délai et les mener à terme sans retard injustifié (al. 1), la procédure devant être conduite en priorité lorsqu'un prévenu est placé en détention (al. 2). De même l'incarcération peut être considérée comme disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 ss ; 123 I 268 consid. 3a p. 273 ; 116 Ia 147 consid. 5a p. 147). Il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 ss). Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281 et les arrêts cités).

La célérité particulière à laquelle un détenu a droit dans l'examen de son cas ne doit pas nuire aux efforts des magistrats pour accomplir leur tâche avec un soin voulu (CourEDH Shabani c. Suisse du 5 novembre 2009, § 65, et Pêcheur c. Luxembourg du 11 décembre 2007, § 62).

Une violation du principe de célérité conduit, le plus souvent, à une réduction de peine, parfois à l'exemption de toute peine et en ultima ratio, dans les cas extrêmes, au classement de la procédure (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1). En raison de la nature différente des peines et des mesures, une réduction de peine peut constituer une réparation adéquate de la violation du principe de la célérité, même lorsque le prévenu se trouvait déjà en exécution anticipée d'une mesure (ATF 143 IV 373 consid. 1.4).

L'autorité judiciaire doit mentionner expressément la violation du principe de célérité dans le dispositif du jugement et, le cas échéant, indiquer dans quelle mesure elle a tenu compte de cette violation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.6 ; 6B_790/2017 du 18 décembre 2017 consid. 2.3.2 et les références citées, en particulier ATF 136 I 274 consid. 2.3 p. 278).

Pour déterminer les conséquences adéquates de la violation du principe de la célérité, il convient de prendre en considération la gravité de l'atteinte que le retard dans la procédure a causé au prévenu, la gravité des infractions qui sont reprochées, les intérêts des lésés, la complexité du cas et à qui le retard de procédure doit être imputé (ATF 117 IV 124 consid. 4e p. 129 s.; arrêt 6B_203/2019 du 10 avril 2019, consid. 3.1).

14.3.1. L'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les garanties offertes par cette norme en matière de détention ne sont pas plus étendues que celles contenues dans la Constitution fédérale (ATF 143 I 241 consid. 3.4 p. 246 ; ATF 140 I 125 consid. 3.3 p. 133 ; ATF 118 Ia 64 consid. 2d p. 73). En se référant à la Recommandation Rec (2006) 2 sur les Règles pénitentiaires européennes (ci-après : RPE) édictée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 11 janvier 2006, ainsi qu'au Commentaire de ces règles émanant du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), la jurisprudence a déduit de l'art. 3 CEDH ainsi que des autres normes protégeant la dignité humaine, en droit international et en droit interne, un certain nombre de critères permettant d'évaluer si les conditions concrètes de détention se situent en-deçà ou au-delà du seuil du traitement inhumain ou dégradant.

Un traitement dénoncé comme contraire à l'art. 3 CEDH doit atteindre un niveau d'humiliation ou d'avilissement supérieur à ce qu'emporte habituellement la privation de liberté. La gravité de cette atteinte est jaugée au regard de l'ensemble des données de la cause, considérées globalement, notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 141 I 141 consid. 6.3.4 p. 147 ; ATF 139 I 272 consid. 4 p. 278 ; ATF 123 I 221 consid. II/1c/cc p. 233). Celle-ci est susceptible de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation qui ne le serait pas nécessairement sur une courte période (ATF 141 I 141 consid. 6.3.4 p. 146 s. et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2018 du 27 juillet 2018 consid. 6.2). Sans viser à l'exhaustivité, il s'agit d'apprécier, notamment, si le lieu de détention répond à des exigences minimales quant à l'hygiène (propreté ; accès aux installations de bains et de douche et aux sanitaires ; protection de l'intimité), à la literie, à la nourriture (régime alimentaire ; hygiène de la préparation et de la distribution ; accès à l'eau potable), à l'espace au sol, au volume d'air, à l'éclairage et à l'aération, en tenant compte notamment des conditions climatiques locales et des possibilités d'effectuer des exercices à l'air libre (arrêts du Tribunal fédéral 6B_71/2016 du 5 avril 2017 consid. 5.2 ; 6B_688/2015 du 19 mai 2016 consid. 7.2).

14.3.2. Concernant l'espace au sol à disposition de chaque détenu, il sied, dans la règle, de considérer comme standard minimum une surface disponible estimée à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule (individuelle) ; ces conditions d'hébergement doivent cependant être modulées en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte ; en tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme (ATF 140 I 125 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2018 du 27 juillet 2018 consid. 6.2 ; 6B_456/2015 du 21 mars 2016 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral - s'inspirant également de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (cf. arrêts cités à l'ATF 140 I 125 consid. 3.4 p. 134 s.) - retient le critère de la surface individuelle inférieure à 4 m2 (en dernier lieu : arrêt du Tribunal fédéral 1B_394/2016 du 25 avril 2017 consid. 2.2.1). Dans un arrêt de principe Mursic contre Croatie du 20 octobre 2016 (§ 110 à 115), la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme s'est cependant écartée de cet ordre de grandeur de 4 m2, déduit des normes établies par le CPT : désormais, la Cour retient qu'une surface de 3 m2 au sol par détenu constitue la norme minimale pertinente (arrêt du Tribunal fédéral 1B_325/2017 du 14 novembre 2017 consid. 3.3).

Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs apparaît comme la limite au-delà de laquelle ces conditions de détention ne peuvent plus être tolérées. Ce délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; 1B_152/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; 6B_14/2014 du 7 avril 2015 consid. 5.4.2.1 et 5.4.2.2 ; 1B_387/2014 du 22 décembre 2014 consid. 2.1).

De brèves interruptions d'un à trois jours/une ou deux nuits isolés lors desquelles un détenu bénéficie d'un espace individuel plus grand ne sont pas de nature à interrompre le délai indicatif de trois mois au-delà duquel les conditions de détention ne sont plus tolérables et sont contraires à la dignité humaine. En revanche, il y a lieu d'évaluer des interruptions plus longues dans le cadre d'une appréciation globale qui tienne compte de toute la durée de la détention, de la durée précédant la période d'interruption et des autres conditions concrètes de détention tels que le nombre journalier d'heures passées hors de la cellule, possibilité de travailler, visites, hygiène, installations sanitaires, régime alimentaire, éclairage, aération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_352/2018 du 27 juillet 2018 consid. 6.2 ; 6B_71/2016 du 5 avril 2017 consid. 5.2 ; 1B_84/2016 du 27 juillet 2016 consid. 2.1 ; 6B_688/2015 du 19 mai 2016 consid. 8.3.1 ; 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.5.2 ; 1B_152/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.7).

Dans la constatation du nombre de jours pendant lesquels les conditions de détention ont été illicites, il y a lieu de retrancher les jours durant lesquels les conditions de détention ont été conformes à l'art. 3 CEDH, même si ceux-ci n'ont pas été considérés comme propres à interrompre le délai de trois mois susmentionné (arrêt du Tribunal fédéral 1B_152/2015 précité ; ACPR/695/2016 du 2 novembre 2016).

Par ailleurs, les autres aspects des conditions de la détention doivent être pris en compte (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 140).

Le prévenu qui estime avoir subi, dans le cadre de sa détention avant jugement, un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH dispose d'un droit à ce que les agissements dénoncés fassent l'objet d'une enquête prompte et impartiale (art. 13 CEDH ; ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1) pour en faire, cas échéant, constater l'existence. Si la compétence pour procéder à ce constat est généralement dévolue à l'autorité de contrôle de la détention (ATF 139 IV 41 consid. 3.1 p. 43), le principe de l'économie de la procédure, rappelé par le Tribunal fédéral dans diverses affaires où l'autorité de contrôle était saisie de conclusions constatatoires (arrêts du Tribunal fédéral 1B_56/2014 du 10 avril 2014 consid. 1.3 ; 1B_129/2013 du 26 juin 2013 consid. 2.2 et 2.3 ; 1B_351/2012 du 20 septembre 2012 consid. 2.3), conjugué au fait que de telles conclusions sont nécessairement subsidiaires à celles condamnatoires ou formatrices (arrêt du Tribunal fédéral 1B_129/2013 précité), permettent au juge du fond d'opérer un tel constat, pour autant que ce magistrat, qui sera appelé à statuer sur d'éventuelles conséquences d'une telle violation (arrêts du Tribunal fédéral 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 2.1 et 1B_129/2013 précité), soit déjà saisi du litige ou en passe de l'être.

14.3.3 D'après la jurisprudence de la CourEDH, une réduction de peine en proportion des jours passés dans des conditions inhumaines ou dégradantes peut, sous certaines conditions, constituer un redressement satisfaisant en cas de violation de l'art. 3 CEDH. Selon cette jurisprudence, le nombre de jours passés dans des conditions illicites constitue le facteur le plus important pour apprécier l'étendue du dommage (arrêts CourEDH Neshkov et autres c. Bulgarie du 27 janvier 2015, § 299 ; Ananyev et autres c. Russie du 10 janvier 2012, § 172).

La réduction de peine doit être explicitement octroyée pour réparer la violation de l'art. 3 CEDH et son impact sur le quantum de la peine doit être mesurable (arrêt CourEDH Stella et autres c. Italie du 16 septembre 2014, § 58-60). La CourEDH a jugé qu'une réduction de peine égale à un jour pour chaque période de dix jours de détention incompatible avec l'art. 3 CEDH, tel que le prévoit la loi italienne, constitue un redressement adéquat lors de mauvaises conditions matérielles de détention, dans la mesure où cette réduction était mesurable et explicitement octroyée pour réparer la violation de l'art. 3 CEDH. Le Tribunal fédéral a admis, dans des affaires genevoises, des réductions de peine correspondant approximativement à un tiers du nombre de jours passés dans des conditions de détention illicites (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2016 du 13 décembre 2016 ; 6B_1395/2016 du 27 octobre 2017).

Des réductions de deux à trois mois ont été couramment prononcées dans des cas où le prévenu avait subi entre 136 et 257 jours de détention indignes, non conformes aux exigences minima de l'art. 3 CEDH (AARP/497/2016 du 1er décembre 2016 consid. 2.1.3 ; cf. AARP/308/2016 du 19 juillet 2016 consid. 3.5.3, AARP/251/2016 du 23 juin 2016 consid. 2.3, AARP/226/2016 du 7 mars 2016 consid. 4.2, AARP/403/2015 du 28 septembre 2015 consid. 3.4.2, AARP/223/2015 du 15 mai 2015 consid. 6.4.3, AARP/122/2015 du 20 février 2015 consid. 4.4.3). Plus récemment, la CPAR a accordé des réductions de peine de six et sept mois dans des cas où de telles conditions avaient duré près de 18 mois, respectivement de 20 mois (AARP/451/2016 du 11 novembre 2016 consid. 2.3 et AARP/383/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.3, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1243/2016 du 13 décembre 2016).

Au vu de ce qui précède, la CPAR considère qu'en l'absence de souffrances particulières dûment invoquées et établies, une réduction de l'ordre d'un jour de détention pour chaque période de trois jours passés dans des conditions illicites constitue, en règle générale, une réparation suffisante pour le tort moral subi en raison des mauvaises conditions de détention provoquées par la surpopulation carcérale à la prison de CQ______ .

14.4. Dans sa pratique la plus récente et sans l'expliciter dans les considérants de ses décisions (AARP/198/2017 et AARP/67/2018), la CPAR a opté pour une indemnisation sous forme de déduction à opérer sur la peine qu'elle avait préalablement fixée, de la même façon qu'en matière de déduction de la détention préventive, et non sous celle d'une véritable réduction de la peine.

Le tort subi par un prévenu du fait des conditions de sa détention avant jugement ne relève en effet pas des critères de fixation de la peine à proprement parler. S'il est indiscutable qu'un tel tort doit être réparé, et si une compensation avec la peine, lorsqu'il y en a une, d'une durée suffisante, est une modalité adéquate de réparation, il ne se justifie en revanche pas que le prévenu soit condamné à une peine inférieure à celle qu'il mérite au regard des seuls critères de fixation de la peine, par le jeu de considérations totalement étrangères à l'art. 47 CP, tenant à des manquements de l'autorité. Ce raisonnement, que la CPAR a adopté s'agissant de compenser le tort causé par les conditions de détention, doit pouvoir s'appliquer également en cas de violation du principe de célérité.

14.5. Les infractions dont l'appelant a été reconnu coupable sont passibles d'une peine menace allant d'une peine privative de liberté de trois ans au plus pour la violation d'une obligation d'entretien, les menaces ou encore les lésions corporelles aggravées, à la prison à vie en ce qui concerne l'assassinat, dont la peine plancher est de 10 ans et étant rappelé que les crimes des art. 189 et 190 CP sont également passibles d'une lourde peine, soit une peine privative de liberté de 10 ans au plus.

14.6. La faute de l'appelant, coupable de l'assassinat d'une enfant, de contrainte sexuelle sur celle-ci, ce qui relève également d'une infraction à l'art. 187 CP, de multiples viols, contraintes sexuelles et séquestrations sur deux autres victimes, ainsi que lésions corporelles simples et menaces au préjudice de l'une d'elles, sans oublier la violation d'une obligation d'entretien, est d'une gravité que les termes de "très lourde" peinent à restituer. L'atrocité est d'autant plus grande que M______ avait pleine confiance en son assassin, lequel affirme l'avoir aimée comme sa propre fille, qu'il était l'amant de sa mère - dont la souffrance est partant accrue par le sentiment d'avoir accueilli cet homme dans son foyer - et qu'il avait par le passé été très proche du père de l'adolescente. Celle-ci a payé de sa vie le fait d'avoir été la victime des pulsions sexuelles de l'appelant. Son effroi et son incompréhension doivent avoir été immenses. Il a fallu une grande détermination à l'appelant pour décider de supprimer la vie de la victime dans de telles circonstances et mettre cette décision à exécution, l'étranglant pendant au moins quatre minutes. Faisant preuve de froideur et cynisme extrêmes, il a ensuite caché le corps de l'enfant sous le lit de sa mère, puis passé la soirée avec elle et sa soeur et par la suite feint de participer aux recherches, se préoccupant uniquement, avec une intelligence implacable, de se forger un alibi. Le contexte est également particulièrement lourd en ce qui concerne les deux autres victimes, qui étaient des proies sans défense, totalement livrées à lui, et ont pendant une longue période vécu un véritable calvaire.

Les mobiles procèdent de l'égoïsme le plus absolu, s'agissant d'assouvir, à tout le moins, pulsions sexuelles et sentiment de toute puissance ainsi que d'éliminer un témoin gênant, que le prévenu a impitoyablement étranglé. Sa détermination et son absence d'égards pour des biens juridiques essentiels paraissent sans limites. Comme déjà dit, l'appelant a également fait preuve de froideur et manque du moindre scrupule dans son comportement entre l'assassinat et son arrestation, état d'esprit qui s'est ensuite traduit par le déni et le refus de toute collaboration ou démarche introspective au long de la procédure, jusqu'en appel, la renonciation à contester les lésions corporelles simples à l'égard de E______ paraissant relever d'une concession face à l'évidence.

Dans ce contexte, il s'est en particulier distingué par l'absence totale d'empathie pour ses victimes et leurs proches, allant jusqu'à développer une thèse du complot, parents G/K______, anciennes compagnes, interprète, témoins et autorités se liguant contre lui, et ses seules démonstrations d'émotion étant réservées à son propre sort. Il n'a manifesté aucune intention de se diriger dans la voie de la remise en question et de la prise de conscience. Au contraire, même lorsqu'il s'est résigné, récemment, à avoir recours à une thérapie, ce fut afin de bénéficier d'un soutien face à la procédure de jugement et d'appel, ressenties comme injustes et humiliantes, ou de ses difficultés avec le reste de la population carcérale, nullement dans une démarche d'introspection.

La responsabilité de l'intéressé est entière, à dires d'experts, non contestés sur ce point ; sa situation personnelle ne met en évidence aucun élément susceptible d'expliquer son comportement, étant rappelé qu'il avait une grande famille, des amis, un emploi et un statut administratif.

Néanmoins, l'appelant n'a pas prémédité l'assassinat de M______. Comme retenu précédemment, cet acte odieux et cruel a été perpétré dans le prolongement d'une escalade, l'appelant ayant cédé à une pulsion sexuelle et s'étant de ce fait trouvé confronté à la perspective d'être dénoncé. Compte tenu de cette circonstance, la Cour d'appel estime qu'il n'y a pas lieu d'infliger à l'appelant une peine privative de liberté à vie pour l'assassinat de M______, la quotité de 20 ans fixée en première instance étant plus adéquate.

Par ailleurs, la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire sur le fait qu'une peine privative de liberté à vie ne peut entrer en considération du fait du concours d'infractions, que si dite peine est susceptible de sanctionner plusieurs des infractions en cause. Le MP ne saurait être suivi lorsqu'il soutient qu'appliquer cette jurisprudence reviendrait à signifier aux victimes de l'appelant que les autres actes commis ne méritent qu'une peine égale à zéro. D'une part, il est indiscutable que ces infractions auraient donné lieu, considérées individuellement, au prononcé d'une peine à l'aune de leur gravité. D'autre part, et surtout, aucun message n'est donné aux victimes, parce qu'elles ne sont pas, dans notre ordre juridique, concernées par la peine.

La peine de 20 ans ne peut donc être muée en peine à vie pour tenir compte des autres infractions commises, pourtant graves pour la plupart. Il suffira de préciser que si par impossible il fallait admettre que l'assassinat de M______ méritait une peine inférieure, par exemple une peine de 16 ans, la peine finale serait néanmoins de 20 ans, le principe d'aggravation jouant alors son rôle.

Le jugement du Tribunal criminel est donc confirmé également en ce qui concerne la peine.

14.7.1. La Cour ne suivra en revanche pas les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle le principe de célérité n'aurait pas été violé, le cas restant proche, mais en-deçà, de la limite. Nonobstant la complexité et l'ampleur de la procédure, une durée globale de plus de six ans et demi, caractérisée par des longs moments sans audiences et une succession de procureurs, chacun devant s'approprier le dossier et définir une stratégie d'enquête, n'est pas acceptable au regard de l'art. 5 CPP. L'interruption des premiers débats d'appel, bien qu'il ait en définitive été possible d'en fixer de nouveaux à relativement brève échéance, n'est pas anodine non plus, surtout dans pareil contexte. Cette situation donne donc droit à une réparation pour l'appelant, qu'il faut encore quantifier.

14.7.2. Les faits reprochés étaient incontestablement particulièrement graves et la cause, présentant plusieurs volets, complexe. Le comportement de l'appelant en cours de procédure n'a rien fait pour faciliter la durée de traitement de la cause. Certes, cela est un droit de la défense que de ne pas collaborer ; néanmoins, le prévenu qui s'avère ensuite coupable des faits ne saurait se plaindre des conséquences de la stratégie adoptée ; au contraire des premiers juges, la Cour ne tient cependant pas pour une illustration de ce comportement non collaborant la demande de seconde expertise, demande si justifiée qu'elle a été admise par la Présidente du TCrim, mais bien la requête ultérieure de récusation des experts, laquelle a donné lieu à un arrêt particulièrement sévère du TF (arrêt 1B_261/2018 du 24 octobre 2018). Au regard de l'ensemble de ces circonstances, on peut retenir qu'une durée de l'ordre de cinq ans, procédure d'appel comprise, aurait encore été conforme à l'art. 5 CPP. Le dépassement, au jour du prononcé du dispositif, était donc d'un peu plus d'un an et sept mois environ.

14.7.3. Il peut être présumé que tout prévenu pâtit d'atermoiements le laissant dans l'incertitude quant au sort qui sera le sien à l'issue de la procédure qui se prolonge. Tel est d'autant plus le cas pour les personnes incarcérées à titre provisoire, ce régime de détention étant particulièrement restrictif. Ceci étant, l'appelant n'a pas exposé avoir subi des souffrances particulières induites par la durée de l'instruction de la cause. Dans le contexte de sa détention, il s'est surtout plaint des difficultés liées à l'opprobre manifesté par ses codétenus et les gardiens face aux faits qui lui étaient reprochés. Or, cette situation n'aurait guère été améliorée s'il avait été jugé plus rapidement, ce qui l'aurait fait passer plus vite du statut de suspect à celui de coupable. Paradoxalement, il semble même avoir tiré un bénéfice inattendu de l'attente du jugement, dans la mesure où ce n'est qu'après l'audience de première instance que les siens lui ont apparemment retiré leur confiance, interrompant leurs visites. Dans ces circonstances, une compensation équivalant à un peu moins d'un tiers de la durée excessive de la procédure, soit six mois, paraît adéquate.

14.7.4. S'y ajouteront six autres mois, plus précisément 181 jours, à titre d'indemnisation pour les 543 jours (376 + 167) durant lesquels l'appelant a été détenu dans des conditions non conformes aux standards minimaux de dignité, au sens de l'art. 3 CEDH, étant précisé qu'il ne soutient ni n'établit avoir subi de souffrances particulières en lien avec ces conditions.

14.7.5. Cette année sera déduite de la peine, au même titre que la détention avant jugement, conformément à la pratique récente de la CPAR (AARP/198/2017 et AARP/67/2018 ; supra, consid. 14.4.).

2. Mesure

15. 15.1. Selon l'art. 56 al. 1 CP, une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions (let. a), si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige (let. b) et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 sont remplies (let. c). La mesure prononcée doit respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l'auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP).

Pour ordonner l'une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge doit se fonder sur une expertise. Celle-ci doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et la nature de celles-ci, et sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 CP).

15.1.1. L'internement fondé sur l'art. 64 CP suppose que l'auteur ait commis l'une des infractions énumérées à l'alinéa 1 de cette disposition, à savoir un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une prise d'otage, un incendie, une mise en danger de la vie d'autrui, ou une autre infraction passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins et qu'il ait par-là porté ou voulu porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Cette condition d'atteinte grave portée ou voulue à l'encontre de la victime vaut autant pour les infractions citées dans le catalogue que celles visées par la clause générale de l'art. 64 al. 1 CP (arrêt 6B_313/2010 du 1er octobre 2010 consid. 3.2.1).

15.1.2. Il faut en outre que l'une des conditions alternatives posées à l'art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à savoir que, en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il soit sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre (let. a) ou que, en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction, il soit sérieusement à craindre que l'auteur ne commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art. 59 CP - soit une mesure thérapeutique institutionnelle - apparaisse vouée à l'échec (let. b).

Ainsi, un trouble mental ne constitue plus forcément une condition préalable au prononcé de l'internement, de sorte qu'à certaines conditions déterminées, il est justifié d'ordonner l'internement d'un auteur mentalement sain en raison d'une infraction unique. Cette disposition permet l'internement de délinquants primaires dangereux qui ne présentent pas de trouble au sens de la psychiatrie, mais dont il est sérieusement à craindre, en raison des caractéristiques de leur personnalité, des circonstances dans lesquelles ils ont commis l'infraction et de leur vécu, qu'ils ne commettent d'autres infractions graves du même genre, si on les laisse en liberté. Il incombe au juge d'ordonner l'internement lorsque l'appréciation d'ensemble de ces éléments aboutit à un pronostic si défavorable que le risque d'une récidive apparaisse hautement vraisemblable (ATF 6B_486/2009 du 28 octobre 2009 consid. 6.6).

En revanche, en présence d'un trouble psychiatrique, l'internement fondé sur l'art. 64 al. 1 let. b CP constitue, conformément au principe de proportionnalité, une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP. En tant qu'ultima ratio, en raison de la gravité de l'atteinte à la liberté personnelle qu'il représente (ATF 134 IV 121 consid. 3.4.4 p. 131), l'internement n'entre pas en considération tant que la mesure institutionnelle apparaît utile. Il s'ensuit que pour les auteurs dangereux souffrant d'un grave trouble mental, il y a lieu d'examiner au préalable si une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP, exécutée au besoin dans le cadre offrant une sécurité accrue prévu par l'art. 59 al. 3 CP, apparaît susceptible de les détourner de commettre de nouvelles infractions en rapport avec le trouble. Ce n'est que lorsqu'une mesure institutionnelle apparaît dénuée de chances de succès que l'internement peut être prononcé, s'il est nécessaire. Cette démarche doit permettre d'éviter qu'un auteur soit déclaré a priori "incurable" et interné dans un établissement d'exécution des peines (ATF 134 IV 315 consid. 3.2 et 3.3 p. 320 s. ; 134 IV 121 consid. 3.4.2 p. 130).

Une mesure thérapeutique institutionnelle selon l'art. 59 CP peut être ordonnée en lieu et place d'un internement s'il est suffisamment vraisemblable, au moment de la décision, qu'une telle mesure entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette, en raison de son trouble mental, un crime prévu à l'art. 64 CP. La possibilité vague d'une diminution du risque de récidive ou l'espoir d'une diminution seulement minimale de ce risque ne sont pas suffisants. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'intéressé puisse vraisemblablement bénéficier d'une libération conditionnelle de l'exécution de la mesure en milieu institutionnel dans les cinq ans déjà. Au besoin, il est possible de prolonger la mesure thérapeutique institutionnelle - à plusieurs reprises même - de cinq ans chaque fois (art. 59 al. 4 CP; ATF 134 IV 315 consid. 3.4.1 p. 321). Si l'auteur a commis une infraction au sens de l'art. 64 CP et que la poursuite de la mesure thérapeutique institutionnelle paraît vouée à l'échec après l'écoulement du délai de cinq ans, il sera toujours possible d'ordonner à nouveau un internement (ATF 134 IV 315 consid. 3.7 p. 324).

15.1.3. Par rapport aux autres mesures, l'internement n'intervient qu'en cas de danger qualifié. Il suppose un risque de récidive hautement vraisemblable. Pratiquement, le juge devra admettre un tel risque s'il ne peut guère s'imaginer que l'auteur ne commette pas de nouvelles infractions du même genre. Une supposition, une vague probabilité, une possibilité de récidive ou un danger latent ne suffisent pas (ATF 137 IV 59 consid. 6.3). Le risque de récidive doit concerner des infractions du même genre que celles qui exposent le condamné à l'internement. En d'autres termes, le juge devra tenir compte dans l'émission de son pronostic uniquement du risque de commission d'infractions graves contre l'intégrité psychique, physique ou sexuelle (ATF 137 IV 59 consid. 6.3 ; ATF 135 IV 49 consid. 1.1.2).

15.2. Au nombre des infractions subies par E______ et O______ dont l'appelant a été reconnu coupable, le viol et la contrainte sexuelle sont visés par la liste de l'art. 64 al. 1 CP. L'atteinte à l'intégrité physique et sexuelle de ces victimes revêt en outre la gravité requise pour justifier une mesure d'internement (ATF 137 IV 59 consid. 6.3 ; ATF 135 IV 49 consid. 1.1.2.).

Selon les conclusions de la première expertise psychiatrique, l'appelant souffre d'un trouble mental chronique et récurrent sous la forme d'un sadisme sexuel, dont le traitement institutionnel serait, selon l'expert, voué à l'échec, d'une part, parce qu'il s'agit d'une pathologie très difficilement soignable et, d'autre part, en raison de l'absence de reconnaissance des faits par l'intéressé. Le risque de récidive a ainsi été qualifié de très élevé par le premier expert. Il est vrai que cette expertise n'a qu'une portée limitée, vu la démarche de son auteur, qui, à défaut de pouvoir s'appuyer sur des constatations cliniques, s'est prononcé en fonction d'hypothèses de verdict. Néanmoins, les seconds experts ont précisé que le diagnostic de leur prédécesseur n'était pas incompatible avec leurs propres conclusions.

A teneur de la seconde expertise psychiatrique, l'appelant ne présentait pas de trouble mental grave au moment des faits, mais un trouble grave de la personnalité, de type personnalité narcissique à tendance psychopathique. L'appelant était susceptible de commettre à nouveau des infractions impliquant une relation d'emprise sur autrui et des actes de violence sexuelle, risque qualifié de relativement élevé et hautement probable tout en précisant qu'il était trop tôt pour affirmer qu'un traitement institutionnel serait très probablement voué à l'échec, les experts sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait pas, en l'état, de soin efficace à proposer, dans la mesure où l'expertisé ne présentait pas de souffrance et ne reconnaissait aucun trait de sa personnalité susceptible d'être modifié par une approche thérapeutique. Tout au plus pouvait-on envisager un programme éducatif susceptible de maintenir "une veille technique" et des possibilités d'ouverture. Même en cas d'évolution de la part de l'expertisé impliquant un minimum d'adhésion, il était difficile de s'inscrire dans une perspective de réduction significative du risque de récidive à cinq ans.

Ainsi, bien qu'elles posent un diagnostic différent, les deux expertises convergent en ce sens qu'aucun traitement ne paraît susceptible d'entraîner, dans les cinq ans, une réduction nette du risque de récidive élevé d'infractions portant atteinte à l'intégrité physique, psychique et sexuelle qu'elles retiennent toutes deux.

Certes, l'appelant suit volontairement, depuis le 9 mai 2018, un traitement psychothérapeutique dont il indique qu'il souhaite le poursuivre. Cependant, il résulte clairement de l'attestation de suivi produite que sa demande se limite à celle d'un soutien face à l'accusation dont il continue de se considérer innocent, d'où un sentiment d'injustice. Autrement dit, on se trouve toujours dans la situation où l'appelant ne reconnaît ni les faits, ni aucun trait de personnalité susceptible d'être modifié par une approche thérapeutique, comme il l'a d'ailleurs clairement dit lors de la première audience d'appel, lorsqu'il a exposé qu'il ne souffrait, à son sens, d'aucun trouble mental ou autre atteinte à sa santé mentale, ne partageait pas les conclusions de la première ou de la seconde expertise et estimait ne pas avoir besoin d'un traitement.

Aussi, même à considérer, à l'instar des experts français, que l'appelant ne souffre pas d'un grave trouble mental, les conditions pour prononcer un internement, au sens de l'art. 64 al. 1 let. a CP, sont réalisées, dès lors qu'il présente un grave trouble de la personnalité et qu'il est sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre, cette crainte étant par ailleurs renforcée par l'absence totale de remise en question, malgré plus de six années de procédure.

L'internement ordinaire du prévenu prononcé par les premiers juges doit partant aussi être confirmé.

E. Conclusions civiles et frais

16. 16.1. Conformément à l'art. 49 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations ; RS 220), celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. L'art. 47 CO prévoit également une réparation, notamment en cas de lésions corporelles.

L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites ; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 p. 342). Le juge en adaptera le montant à la gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime ; s'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98 ; ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704 s. ; ATF 129 IV 22 consid. 7.2 p. 36 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.1).

L'atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale ; à défaut, aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante (ATF 128 IV 53 consid. 7a p. 71). Il incombe au prévenu de faire état des circonstances qui font qu'il a ressenti l'atteinte comme étant subjectivement grave. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70 consid. 3a ; ATF 120 II 97 consid. 2b p. 98 ss). La gravité de l'atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l'intensité dépasse l'émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu'elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu'il tolère de petites contrariétés. La fixation du tort moral procède d'une appréciation des circonstances et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1 ; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1, non publié in ATF 142 IV 163 ; ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 705).

En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98 ; ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016, 6B_268/2016, 6B_269/2016 du 15 février 2017 consid. 8.1 ; 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 in limine ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_188/2010 du 4 octobre 2010).

16.2. E______ a été victime d'infractions graves et répétées, comportant des atteintes sérieuses à son intégrité sexuelle et physique ainsi qu'à sa liberté, lesquelles ont eu des séquelles durables et intenses également sur le plan de sa santé mentale. Elle peut donc prétendre à une réparation du tort moral subi, dont l'importance doit refléter adéquatement celle de ses souffrances. Tel est le cas du montant en capital de CHF 40'000.- fixé par les premiers juges, alors que les conclusions sur appel joint sont excessives, compte tenu notamment de ce que la période pénale est d'une année alors qu'il est fréquent dans le cadre d'affaires familiales, que les faits s'étendent sur une durée bien plus longue.

Ainsi, dans un cas assez similaire au présent, la CPAR a récemment alloué à la victime une indemnité pour tort moral de CHF 60'000.-, mais la période pénale était de deux ans (AARP/494/2016 du 9 décembre 2016 consid. 6.1.). Le TF a octroyé, en 1999, une somme de CHF 100'000.- à une victime d'actes d'ordre sexuel. Celle-ci avait subi pendant une dizaine d'années, quasi quotidiennement, des actes sexuels extrêmement graves, et ce de la part de son père. Les conséquences de ces actes étaient sévères. Il existait notamment un risque de dommages permanents sur les plans affectif, intellectuel et professionnel. L'arrêt précise que cette somme était "sans doute le maximum qui puisse être alloué pour ce genre de cas" (ATF 125 III 269 consid. 2c). Dans l'arrêt 6P.94/2006, le Tribunal fédéral a jugé exagérée une indemnité pour tort moral d'un montant identique accordée par la Cour criminelle du canton du Jura à une jeune apprentie ayant subi, pendant cinq ans, des infractions de viols, contraintes sexuelles, contraintes sexuelles avec cruauté et lésions corporelles graves de la part de son maître d'apprentissage. Dans la cause 6S.442/2006 du 23 mars 2007, le Tribunal fédéral a confirmé le montant de CHF 50'000.- octroyé par la juridiction cantonale à chacun des deux enfants victimes de multiples agissements à caractère sexuel de leur père, les circonstances étant d'une gravité exceptionnelle.

La somme de CHF 40'000.- s'inscrit ainsi avec cohérence dans la pratique jurisprudentielle. L'appel joint est rejeté.

17. Vu l'issue de la procédure, l'appelant n'a pas été détenu à tort, de sorte que ses prétentions fondées sur l'art. 429 CPP doivent être rejetées et le jugement confirmé sur ce point également.

18. L'appelant succombe très largement, son sort n'étant amélioré, à l'issue de la procédure, que dans la mesure où une indemnisation, sous forme de déduction sur la peine lui est alloué, eu égard aux violations du principe de la célérité et du respect de la dignité subies. Néanmoins, ledit sort n'est pas non plus péjoré, l'appel du MP et l'appel joint de E______ étant rejetés. Partant, il se justifie de mettre à sa charge trois quarts des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 8'000.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 [RTFMP - E 4 10.03]).

Exceptionnellement, aucun frais ne sera supporté par E______ nonobstant le rejet de son appel joint.

Il n'y a pas lieu de revoir les frais de première instance (art. 428 al. 2 CPP a contrario).

F. Assistance judiciaire

19. 19.1. Selon l'art. 138 al. 1 CPP, le conseil juridique gratuit est indemnisé conformément au tarif des avocats du canton du for du procès. L'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) dispose que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 200.- pour les chefs d'étude, débours inclus.

Seules les heures nécessaires à la défense devant les juridictions cantonales sont retenues et sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ). Il est en particulier exigé de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables, le mandataire d'office devant gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

Le prévenu ou la partie plaignante peuvent au surplus faire valoir des frais et débours liés à la défense de ses intérêts (photocopies et frais de port, frais de traduction ou d'expertise privée), pour autant qu'ils soient attestés et se soient révélés nécessaires (ACPR/244/2017 du 12 avril 2017 consid. 4.3 et ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid. 3.4).

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction d'actes procéduraux simples, courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 100.- pour les chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

19.2. Considérés globalement, les états de frais du défenseur d'office principal du prévenu et des conseils juridiques gratuits des parties plaignantes paraissent répondre aux impératifs d'adéquation, de nécessité et d'efficacité régissant l'assistance judiciaire, eu égard notamment au volume du dossier et à la gravité des enjeux, sous réserve des courriers et téléphones (quatre heures et dix minutes) facturés par Me C______, cette activité étant couverte par le forfait de 10%.

Il y a d'ailleurs une certaine logique à ce que le temps facturé par les trois conseils juridiques gratuits soit à peu près équivalent (une trentaine d'heures chacun) et corresponde à la moitié de celui consacré par le défenseur d'office principal.

19.3. En revanche, il est difficilement compréhensible que les diligences des deux membres du collège de la défense, qui s'étaient engagés à éviter les doublons, correspondent à plus de 130 heures, même en tenant compte très largement du volume et de la complexité du dossier, ainsi que de la gravité des enjeux déjà évoqués, d'autant plus au stade de l'appel, le dossier étant censé avoir été visité et acquis dans son entier en première instance.

Il convient ainsi tout d'abord de retrancher des états de frais deMe D______ les visites à la prison, compte tenu du temps déjà facturé à ce titre par son confrère (16 heures et 10 minutes). Certes, on pourrait concevoir qu'un ou deux entretiens de cette avocate avec le client fussent utiles pour (re-)discuter des volets sur lesquels elle se concentrait, mais dans ce cas, il aurait fallu que les deux conseils s'entendent pour réduire les visites du défenseur d'office principal. L'état de frais est ainsi ramené à 62 heures et 45 minutes ce qui, ajouté au temps de travail de Me C______, demeure excessif. On retiendra en définitive que le triple des heures des conseils juridiques gratuit, soit 90 heures, répond aux impératifs précités, de sorte que le temps alloué à Me D______, hors audiences, est réduit à 30 heures.

En ce qui concerne les audiences, il n'était pas indispensable que les deux défenseurs d'office se rendent à l'audience préliminaire et il sera tenu compte de ce que Me D______ n'a pas assisté à l'intégralité des seconds débats d'appel.

19.3. Aussi, les diligences des avocats seront ainsi taxées :

-          Me C______ : CHF 23'026.26 pour 94 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (18'800.-) + le forfait de 10% (CHF 1'880.-) + les vacations (CHF 700.-) et la TVA au taux de 7,7% (CHF 1'646.26) ;

-          Me D______ : CHF 14'862.60 pour 60 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (12'000.-) + le forfait de 10% (CHF 1'200.-) + les vacations (CHF 600.-) et la TVA au taux de 7,7% (CHF 1'062.60) ;

-          Me J______ : CHF 16'391.94 pour 66 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (13'200.-) + le forfait de 10% (CHF 1'320.-) + les vacations (CHF 700.-) et la TVA au taux de 7,7% (CHF 1'171.94) ;

-          Me L______ : CHF 15'918.06 pour 64 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (12'800.-) + le forfait de 10% (CHF 1'280.-) + les vacations (CHF 700.-) et la TVA au taux de 7,7% (CHF 1'130.06) ;

-          Me F______ : CHF 15'179.55 pour 60 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (12'000.-) + le forfait de 10% (CHF 1'200.-) + les vacations (CHF 700.-) et la TVA au taux de 7,7% (CHF 1'070.30) + les frais de traduction par CHF 209.25.

* * * * *


 

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Statuant sur le siège

Reçoit les appels et appel joint formés par le Ministère public, A______ et E______ contre le jugement JTCR/1/2018 du 22 juin 2018 du Tribunal criminel dans la procédure P/11902/2012.

Rejette l'appel du Ministère public ainsi que l'appel joint de E______ et admet très partiellement l'appel formé par A______.

Annule le jugement dont est appel dans la mesure où il dispose que la peine privative de liberté de 20 ans infligée à A______ s'entend sous déduction de 2'128 jours de détention avant jugement.

Et statuant à nouveau :

Dit que la peine privative de liberté de 20 ans infligée à A______ s'entend sous déduction, au jour du prononcé du présent dispositif, le 3 avril 2019, de 2'413 jours de détention avant jugement (dont 283 jours au régime de l'exécution anticipée de peine), et sous déduction de 180 jours à titre d'indemnisation de la violation du principe de célérité ainsi que 181 jours à titre d'indemnisation de la détention subie dans des conditions contraires à l'art. 3 CEDH.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Condamne A______ aux trois quarts des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 8'000.-.

Laisse le solde de ces frais à la charge de l'Etat.

Statuant le 19 juin 2019

Arrête la rémunération des défenseurs d'office ou conseils juridiques gratuits des parties pour leurs diligences dans la procédure d'appel aux montants suivants (TVA comprise) :

-            CHF 23'026.26 pour Me C______, défenseur d'office principal de A______ ;

-            CHF 14'862.60, pour Me D______, seconde défenseure d'office du prévenu ;

-            CHF 16'391.94, pour Me J______, conseil juridique gratuit de G______, I______ et H______ ;

-            CHF 15'918.06, pour Me L______, conseil juridique gratuit de K______ ;

-            CHF 15'179.55 pour Me F______, conseil juridique gratuit de E______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal criminel, à l'Etablissement fermé de B______ (GE), au Service de l'application des peines et mesures, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service des contraventions.

Siégeant :

Mme Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, présidente ; Mme Verena PEDRAZZINI RIZZI, juge ; M. Jacques DELIEUTRAZ, juge suppléant ; Mme Alexandra HAMDAN, M. Pascal JUNOD, M. Georges ZECCHIN et Mme Nehanda MAURON-MUTAMBIRWA, juges assesseurs ; Mme Lorena HENRY, greffière-juriste.

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).

 


 

P/11902/2012

ÉTAT DE FRAIS

AARP/204/2019

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal criminel :

CHF

324'669.75

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

520.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

390.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

8'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

Condamne A______ à ¾ des frais de procédure d'appel. Laisse le solde à la charge de l'Etat.(Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

8'985.00

Total général (première instance + appel) : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

333'654.75

 



[1] Le TCrim a tenu ces faits pour établis, avec la précision que faute de démonstration de ce que M______ avait été pénétrée vaginalement par le pénis de A______, il fallait au plan juridique retenir une contrainte sexuelle, et non un viol, en concours avec un acte d'ordre sexuel avec une enfant.

[2] Globalement, le TCrim a estimé que les viols et autres actes étaient établis, pour une période allant de la fin du mois d'août 2011 (et non du mois de juin 2011) au mois d'août suivant. Il n'a en revanche pas retenu la circonstance aggravante de la cruauté, faute de "détails supplémentaires et d'éléments objectifs" que les déclarations de E______ concernant la pratique consistant à lui serrer le cou.

[3] Pour le TCrim, s'il n'était pas établi que E______ avait été séquestrée durant des semaines, voire des mois dans l'appartement ou que son permis N avait été confisqué, certains actes de séquestration de moins longue durée étaient néanmoins bien intervenus ; notamment, la vicitme était enfermée à clef dans l'appartement durant la journée ou la soirée, lorsque le prévenu travaillait.

[4] Le TCrim a classé la procédure concernant ces faits, vu la prescription.

[5] Le TCRim a globalement tenu pour avérés les faits décrits dans l'acte d'accusation, précisant cependant que les diverses formes de pénétration sous la contrainte avaient eu lieu "à tout le moins plusieurs dizaines de fois".

[6] Le TCrim a classé la procédure concernant ces faits, vu la prescription.

[7] Ndr : observation corroborée par le cahier photographique établi par la BPTS.

[8] Ndr : soit le 22 août.

[9] http://www.curml.ch/fr/presentation-unite-de-genetique-forensique.

[10] Soit, selon les explications du prévenu résumées par le MP, entre fin avril et juin 2011.

[11] Par ailleurs brièvement mis en prévention du chef de tentative d'entrave à l'action pénale pour avoir, en novembre 2012, ouvert un compte ______ [réseau social] au nom de A______ par le truchement duquel il avait posté un commentaire sous une photo de M______ apparaissant sur un autre compte disant "je ne regrette pas de l'avoir niquée", étant précisé que les faits sont pour l'essentiel admis mais que la procédure a été classée.

[12] Il résulte du dossier que BT______ a déposé plainte pénale à l'encontre de CC______.

[13] Et non à la demande du prévenu, comme mentionné dans le jugement (cf. pièce 60'023).

[14] Il résulte du dossier que, par jugement du 23 mars 2010, produit par A______, CN______ a été reconnu coupable de lésions corporelles simples et de dommages à la propriété à son préjudice, et condamné à lui payer CHF 704.- à titre de dommages-intérêts, CHF 1'000.- en réparation du tort moral et CHF 1'000.- de participation à ses honoraires d'avocat (20'118).

[15] Ndr : c'était avant la déposition de O______.