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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8625/2014

AARP/251/2016 (3) du 23.06.2016 sur AARP/124/2015 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : RÉGIME DE LA DÉTENTION ; GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE ; FIXATION DE LA PEINE
Normes : CEDH.3; CPP.135; CPP.428
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8625/2014AARP/251/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 juin 2016

 

Entre

A______, comparant par Me X______, avocate, 1204 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/120/2014 rendu le 13 octobre 2014 par le Tribunal correctionnel, recourant contre l'arrêt AARP/124/2015 rendu le 4 février 2015 par la Chambre pénale d'appel et de révision, suite à l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2015 rendu le 21 mars 2016,

 

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Les faits encore pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon un rapport du 22 avril 2014, la police a procédé ce jour-là à l'arrestation à Genève de A______, né le ______ 1985, ressortissant albanais, dans le cadre d'une enquête sur une filière de trafiquants d'héroïne. Depuis lors, A______ a été détenu à la prison de Champ-Dollon puis, dès le 6 septembre 2015, à l'établissement fermé de La Brenaz.

b. Par jugement du Tribunal correctionnel du 13 octobre 2014, A______ a été reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) pour s'être livré à un important trafic d'héroïne à Genève durant les mois de février à avril 2014, portant sur plusieurs kilos de cette drogue, et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 175 jours de détention subie avant jugement.

c. Par arrêt du 4 février 2015, la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) a rejeté l'appel formé par A______ et admis celui du Ministère public
(ci-après : MP), condamnant A______ à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 289 jours de détention subie avant jugement.

d. Selon un rapport de la Direction de la prison de Champ-Dollon du 13 janvier 2015, A______ avait passé sa première nuit de détention dans une cellule individuelle de type C1, non équipée d'une douche, d'une surface nette de 10.18 m2, occupée par trois détenus, lui permettant de disposer d'une surface individuelle
nette de 3.39 m2, puis 265 nuits dans une cellule triple de type C3, équipée
d'une douche, d'une surface nette de 23.92 m2, occupée par cinq (21 nuits) ou six (244 nuits) détenus, lui permettant de disposer d'une surface individuelle nette de 3.99 et 4.78 m2.

Le 2 mai 2014, A______ s'était inscrit sur la liste d'attente pour obtenir une place de travail au sein de la prison. Deux mois plus tard, il avait refusé son transfert à l'aile EST de l'établissement, obligatoire pour pouvoir travailler. Son nom avait alors été radié de la liste d'attente. Dès le 2 novembre 2014, il avait fonctionné dans son unité comme nettoyeur de table, puis d'étage à partir du 22 décembre 2014, cette dernière occupation lui permettant de sortir de sa cellule tous les jours durant 04h30.

Se fondant sur ces éléments, la CPAR a rejeté les conclusions en réduction de peine prises par A______, pour violation de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), retenant que celui-ci n'avait été détenu qu'une nuit en disposant d'une surface de 3.39 m2 et 244 nuits dans une cellule en disposant d'une surface de
3.99 m2, que son refus d'être transféré à l'aile EST de la prison, ce qui lui aurait permis de disposer d'une surface plus importante, pouvait lui être opposé, et que son activité de nettoyeur lui avait permis de sortir de sa cellule, de sorte que ses conditions de détention n'avaient pas été illicites.

e. Dans un arrêt 6B_456/2015 du 21 mars 2016, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en matière pénale formé par A______, retenu que celui-ci avait été détenu dans des conditions illicites durant 136 jours consécutivement, dans la période allant du 23 avril au 9 septembre 2014, ne disposant que de 3.39 m2 (une nuit) puis de 3.69 m2 du 24 avril au 9 septembre 2014, en tenant compte de la surface de la douche dans le calcul de la surface nette de la cellule triple de type C3, qui était de 22.18 m2, et non de 23.92 m2 comme indiqué par erreur dans le rapport de la prison du 13 janvier 2015, renvoyé la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle détermine les conséquences de la violation de l'art. 3 CEDH sur la peine infligée à A______ et rejeté le recours pour le surplus.

Il n'y avait en particulier pas lieu de considérer que le seul transfert de A______ dans une cellule de l'aile EST de la prison aurait pu rendre son traitement acceptable au regard de l'art. 3 CEDH. Enfin, A______ avait commencé à exercer une activité au sein de l'établissement en novembre 2014, soit postérieurement à la période durant laquelle l'illicéité de ses conditions de détention a été retenue.

f. Par courrier du 6 avril 2016, la CPAR a ouvert une procédure écrite avec l'accord des parties.

g. Dans ses écritures du 17 mai 2016, A______ conclut à une réduction de peine d'au moins cinq mois, se fondant sur l'arrêt AARP/522/2014 rendu par la CPAR le
27 novembre 2014, aux termes duquel une réduction de peine de six mois (peine réduite à cinq ans) avait été accordée à une personne détenue 157 jours consécutivement dans une cellule en disposant d'un espace individuel de 3.83 m2.

h. Par courrier du 20 mai 2016, le MP conclut à une réduction de peine n'excédant pas un mois.

i. Dans sa réplique du 2 juin 2016, A______ relève que le MP ne motive pas ses conclusions et persiste à considérer que la réduction de peine sollicitée est adéquate et équitable.

j. Me X______, défenseur d'office de A______, a déposé un état de frais du 2 juin 2016, comprenant 5h15 (03h00 pour deux visites à la prison, 01h00 d'étude de dossier et 01h15 de rédaction d'une réplique) au tarif d'avocat collaborateur et 9h45 (05h30 pour cinq visites à la prison, 04h15 d'étude de dossier et de rédaction d'une demande d'exécution anticipée de peine et de conclusions motivées) au tarif d'avocat stagiaire pour l'activité exercée depuis le 3 février 2015, à l'exclusion des prestations fournies devant le Tribunal fédéral.

k. Par courriers du 6 juin 2016, reçus le lendemain, la CPAR a informé les parties que la cause serait retenue à juger sous dix jours. Aucune duplique n'a été déposée.

EN DROIT :

1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, qui voit sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a été déjà jugé définitivement par le Tribunal fédéral. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis (même implicitement) par ce dernier. L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2 ; 133 III 201 consid. 4.2 ; 131 III 91 consid. 5.2 et les arrêts cités ; TF 6B_643/2009 consid. 2.1 ; TF 4A_158/2009, consid. 3.3 et les références citées ; B. CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n. 27 ad art. 107 LTF).

2. 2.1. Le Tribunal fédéral a examiné dans des arrêts récents à quelles conditions, en particulier en cas de surpopulation carcérale, il fallait admettre qu'une détention constituait un traitement inhumain ou dégradant prohibé par l'art. 3 CEDH (ATF 141 I 141 ; 140 I 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_335/2013 du 26 février 2014).

Pour le Tribunal fédéral, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus – chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier – est une condition de détention difficile ; elle n'est cependant pas constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH et ne représente pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_14/2014 du 7 avril 2015 consid. 5.4.2.1 non reproduit in ATF 141 I 141).

En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 m2 – restreinte encore par le mobilier – peut constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue période et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention. Il faut dès lors considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la détention provisoire ou pour des motifs de
sûreté ; cf. art. 227 al. 7 CPP) apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées. Ce délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 140).

Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que "l'effet cumulé de l'espace individuel inférieur à 3,83 m2, le nombre de 157 jours consécutifs passés dans ces conditions de détention difficiles et surtout le confinement en cellule 23h00 sur 24h00 ont rendu la détention subie pendant cette période comme étant incompatible avec le niveau inévitable de souffrance inhérent à toute mesure de privation de liberté. Un tel mode de détention a ainsi procuré au recourant, sur la durée, une détresse ou une épreuve qui dépasse le minimum de gravité requis, ce qui s'apparente alors à un traitement dégradant. Ces conditions de détention ne satisfont ainsi pas aux exigences de respect de la dignité humaine et de la vie privée" (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 140).

Le Tribunal fédéral a abouti à une conclusion identique pour un détenu qui avait passé 89 jours consécutifs dans des conditions de détention dans une cellule dont la surface à disposition était également de 3.83 m2 (arrêt 1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3).

Des périodes de 7 ou 12 nuits sont susceptibles d'interrompre la période de détention contraire aux standards minimaux. Par contre, les périodes très brèves d'une nuit isolée ne sont pas à prendre en considération (arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2015 du 19 mai 2016 consid. 8.3.1 et les références citées).

2.2. Selon le Tribunal fédéral, la constatation simplement déclaratoire d'une illicéité, assortie d'une condamnation de l'Etat aux dépens, constitue une forme de réparation au moins partielle de la violation (ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85). Comme cela ressort aussi de l'ATF 140 I 246, les critères posés par le Tribunal fédéral dans l'ATF 140 I 125 excluent toutefois de qualifier de "peu d'importance" une violation de
l'art. 3 CEDH, puisqu'elle n'est admise qu'en cas de dépassement d'un certain seuil de gravité. Ainsi, compte tenu de l'importance du bien juridique protégé par l'art. 3 CEDH, à savoir la dignité humaine, il apparaîtrait peu adéquat de juger satisfaisante une réparation de ce type, à tout le moins comme mode exclusif de réparation.

Une réduction de peine, que la CPAR a admise à plusieurs reprises (voir par exemple AARP/566/2014 du 7 octobre 2014 consid. 6.4.3 et AARP/223/2015 du 15 mai 2015 consid. 4.4), en appliquant par analogie les principes déduits d'une violation du principe de célérité, peut constituer une autre forme de réparation. Elle n'apparaît toutefois pas appropriée lorsque l'intéressé ne se trouve plus en détention et n'a donc pas de solde de peine à subir. Ainsi, dans cette hypothèse, seule une indemnisation entre en ligne de compte. Il s'agit d'un mode de réparation expressément prévu par le CPP, fondé sur l'art. 431 al. 1 CPP, lequel prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral. Pour définir les types de dommages susceptibles d'être indemnisés en application de l'art. 431 CPP, il y a lieu d'opérer un rapprochement avec l'art. 429 CPP, ces dispositions instituant toutes deux une responsabilité de l'État du chef d'agissements, illicites dans le premier cas et injustifiés dans le second. Mais contrairement à l'art. 429 CPP, qui traite de l'indemnité due pour le prononcé de mesures en soi légitimes mais qui se révèlent ultérieurement injustifiées en raison de l'acquittement du prévenu, l'art. 431 CPP reconnaît le droit à une réparation indépendante de l'issue de la poursuite pénale, la mesure, ou les modalités de son exécution, étant elle(s)-même(s) illicite(s) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2013 du 12 décembre 2013 consid. 2.3, paru in SJ 2014 I
p. 218).

Sur un plan théorique, deux options sont envisageables pour chiffrer la quotité du tort moral. La première consiste à fixer une indemnité d'ordre général et global, sans se référer au nombre de jours pendant lesquels la détention a été jugée illicite. La seconde consiste à chiffrer l'indemnisation en tenant précisément compte de ce quota, situation qui prévaut actuellement pour l'art. 429 al. 1 let. c CPP. Cette dernière alternative a le mérite de fournir une base de calcul concrète et de prendre en considération la souffrance qu'a effectivement subie le détenu, nécessairement influée par le nombre de jours concernés.

Il n'en reste pas moins que, dans l'hypothèse d'une violation du principe de célérité, la réduction d'une peine s'opère en équité, en regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, sans imputation mathématique, sur celle-ci, du nombre de jours de retard concernés. Il devrait donc en aller de même dans le cas où une violation de l'art. 3 CEDH est constatée et appelle réparation.

Dans des arrêts AARP/122/2015 du 20 février 2015 consid. 4.4.3, AARP/223/2015 du 15 mai 2015 consid. 6.4.3 et AARP/403/2015 du 28 septembre 2015 consid. 3.4.2, la CPAR a accordé des réductions de peine de deux mois en réparation de conditions de détention illicites ayant duré six à sept mois.

2.3. En l'espèce, il est acquis aux débats que l'appelant a été détenu durant 136 jours consécutivement en ne bénéficiant que d'une surface individuelle nette de 3.69 m2 et étant confiné 23h00 sur 24h00 dans sa cellule, conditions que le Tribunal fédéral a qualifiées d'illicites, puisque contraires aux règles de l'art. 3 CEDH.

Sur le principe, l'appelant est donc fondé à obtenir une réduction de sa peine.

S'agissant de la quotité de cette réduction, l'appelant a exclusivement fondé ses conclusions sur une décision isolée de la CPAR du 27 novembre 2014. Dans plusieurs décisions plus récentes, citées ci-dessus, la juridiction d'appel a accordé des réductions de peine de deux mois, les périodes de détention dans des conditions illicites étant plus longues et les surfaces nettes disponibles à peu près comparables, en prenant en considération la déduction de la surface des douches.

En conséquence, une réduction de deux mois de la peine de cinq ans infligée à l'appelant est adéquate et équitable, portant ainsi cette peine à quatre ans et dix mois.

3. Les frais de la procédure postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral du 21 mars 2016 seront laissés à la charge de l'Etat (art. 428 CPP).

4. 4.1. Les frais imputables à la défense d'office ou à l'assistance juridique gratuite pour la partie plaignante sont des débours (art. 422 al. 2 let. a CPP) qui constituent des frais de procédure (art. 422 al. 1 CPP) et doivent, conformément à l'art. 421 al. 1 CPP, être fixés par l'autorité pénale dans la décision finale au plus tard (ATF 139 IV 199 consid. 5.1 p. 201-202). La juridiction d'appel est partant compétente, au sens de l'art. 135 al. 2 CPP, pour statuer sur l'activité postérieure à sa saisine.

4.2.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du
28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 65.- (let. a) ; collaborateur CHF 125.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement – l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'entrant pas en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_486/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4 et 6B_638/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.7) – l'équivalent de la TVA est versé en sus.

4.2.2. A teneur de la jurisprudence, est décisif pour fixer la rémunération de l'avocat, le nombre d'heures nécessaires pour assurer la défense d'office du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2007 du 19 novembre 2007 consid. 4). Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu ainsi que de la responsabilité assumée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2 et les références citées). Toutefois, si, comme à Genève, la réglementation prévoit un tarif réduit, celui-ci s'applique sans égard à l'issue du procès (ATF 139 IV 261 consid. 2 p. 261 ss). L'autorité judiciaire doit prendre en compte la liste de frais présentée et motiver au moins brièvement les postes sur lesquels elle n'entend pas confirmer les montants ou les durées y figurant (arrêts du Tribunal fédéral 6B_675/2015 du 2 mars 2016 consid. 2.1 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 3.1 et 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3 et les références citées). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2 p. 126-127 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_675/2015 précité consid. 3.1 et 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3 ; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.2.3).

Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement de son mandant par un avocat expérimenté. En outre, seules sont prises en compte
les opérations directement liées à la procédure pénale, l'avocat devant ainsi veiller
au respect du principe de proportionnalité (R. HAUSER / E. SCHWERI /
K. HARTMANN, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., Bâle 2005, n. 5 ad § 109). On exige de sa part qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et
qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues
ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER /
B. CHAPPUIS (éds), Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Il faut toutefois tenir compte de ce que le défenseur se doit d'examiner toute opération qui pourrait être utile à son client. Partant, le reproche d'avoir entrepris des démarches superflues doit être fait avec retenue et l'avocat bénéficie d'une certaine marge d'appréciation pour arrêter ses honoraires. Une intervention du juge ne se justifie que s'il existe une disproportion entre la valeur des services rendus et la rémunération (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.2.2 ; décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.8 du 21 juillet 2015 consid. 5.3 et les références citées).

A l'instar de la jurisprudence précitée, l'art 16. al. 2 RAJ prescrit également que seules les heures nécessaires à la défense devant les juridictions cantonales sont retenues et sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

4.2.3. Reprenant l'activité de taxation suite à l'entrée en vigueur du CPP, la CPAR a maintenu dans son principe l'ancienne pratique selon laquelle l'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure était forfaitairement majorée de 20% jusqu'à 30h00 d'activité, 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30h00, pour couvrir les démarches diverses, telles que la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Cette pratique s'explique par un souci de simplification et de rationalisation, l'expérience enseignant qu'un taux de 20% jusqu'à 30h00 de travail dans un même dossier, 10% au-delà, permet de couvrir les prestations n'entrant pas dans les postes de la procédure et répondant à l'exigence de nécessité et d'adéquation.

Dans une ordonnance du 3 août 2015 (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.35 du 3 août 2015 consid. 5.3), le Tribunal pénal fédéral a certes considéré que l'activité déployée avant la saisine de la juridiction d'appel n'entrait pas en considération pour la détermination du taux forfaitaire à appliquer aux diligences prestées en deuxième instance. Cette décision ne tient cependant pas compte de deux éléments. D'une part, la CPAR ne fait que s'inspirer, en les adaptant, faisant de la sorte usage de ses prérogatives de juge, des directives du Service de l'assistance juridique antérieures à l'adoption du CPP, lesquelles n'ont pas force de loi ni de règlement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5). D'autre part, en tout état, la pratique a toujours été de faire masse de toutes les heures consacrées par le même avocat au même dossier, étant rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du CPP, la taxation avait lieu à la fin de la procédure cantonale, par le prononcé d'une décision unique. Aussi la CPAR continue-t-elle de tenir compte de l'ensemble de l'activité pour arrêter la majoration forfaitaire à 10 ou 20%, estimant que le fait qu'une décision de taxation intervienne séparément pour l'activité antérieure à sa saisine n'a pas de pertinence, cette circonstance n'ayant aucune influence sur la quantité de travail effectué par l'avocat en deuxième instance.

4.2.4. Selon l'art. 17 RAJ, l'état de frais doit détailler, par rubrique, les activités donnant lieu à indemnisation, avec indication du temps consacré, et les justificatifs doivent être joints.

4.3. En l'occurrence, l'état de frais de Me X______ est conforme aux principes exposés ci-dessus.

L'indemnité sera arrêtée à CHF 1'532.50, majoration forfaitaire de 10% et TVA au taux de 8% comprises.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Annule l'arrêt AARP/124/2015 rendu le 4 février 2015 par la Chambre pénale d'appel et de révision dans la cause P/8625/2014, en tant qu'il condamne A______ à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 289 jours de détention subie avant jugement.

Et statuant à nouveau :

Condamne A______ à une peine privative de liberté de quatre ans et dix mois, sous déduction de 794 jours de détention subie avant jugement.

En tant que de besoin, confirme pour le surplus l'arrêt attaqué.

Laisse les frais de la procédure postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral du 21 mars 2016
à la charge de l'Etat.

Arrête à CHF 1'532.50, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me X______, défenseur d'office de A______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Service de l'application des peines et mesures, à l'établissement fermé de La Brenaz, à l'Office fédéral de la police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant :

Monsieur Pierre MARQUIS, président ; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Madame Yvette NICOLET, juges.

 

La greffière :

Christine BENDER

 

Le président :

Pierre MARQUIS

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP ; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP et art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).