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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/69/2008

AARP/295/2015 du 12.07.2015 sur JTCR/3/2014 ( CRIM ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 14.09.2015, rendu le 12.07.2017, ADMIS/PARTIEL, 6B_947/2015
Normes : CP.111 CP.112

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/69/2008AARP/295/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 12 juillet 2015

Entre

A______, domicilié ______, ______ (GE), actuellement détenu à la Prison de Champ-Dollon, chemin de Champ-Dollon 22, 1241 Puplinge, comparant par Me _______, avocat, _______, _______, _______, 1211 Genève 3,

appelant,

intimé sur appel joint,

contre le jugement JTCR/3/2014 rendu le 6 juin 2014 par le Tribunal criminel,

Et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé,

appelant joint,

B______, p.a. Me _______, avocate, KEPPELER & Ass., rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 360, 1211 Genève 17, comparant par celle-ci,

intimée,

ainsi qu'entre

_______, ____________, rue ________, ________, 1211 Genève 3, comparant en personne,

appelant,

contre la décision DTCR/4/2015 rendue par la Présidente du Tribunal criminel,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


TABLE DES MATIERES

 

EN FAIT p. 6

A.    OBJET DES APPELS p. 6

B.     FAITS PERTINENTS RESULTANT DU DOSSIER SOUMIS A LA COUR p. 10

1. Certains protagonistes p. 10

a. Prévenu p. 10

b. Autres protagonistes p. 10

2. Opérations officielles Pavo Real et Gavilán p. 11

c. Plan Pavo Real p. 11

d. Mise en œuvre du plan Pavo Real selon la version officielle p. 14

e. Plan Gavilán p. 18

f. Mise en œuvre du plan Gavilán à l'encontre du fugitif C______ p. 18

g. Mise en œuvre du plan Gavilán à l'encontre de D______

et de E______ p. 20

3. Enquêtes au Guatemala au sujet d'exécutions extra-judiciaires lors de

l'opération Pavo Real p. 21

h. Par le Ministère public p. 21

i. Par le bureau du PDH p. 21

j. Par la COPREDEH p. 25

k. Par la CICIG p. 26

4. Ouverture de la présente procédure p. 27

5. Preuves recueilles concernant l'opération Pavo Real jusqu'au prononcé

du jugement de première instance p. 27

m. Preuves non testimoniales p. 27

m.a. Rapport du 22 octobre 2010 de F______ p. 27

m.b. Rapport du 5 novembre 2010 de G______ p. 29

m.c. Lots de photographies p. 31

m.d. Film "Assaut Est" p. 32

m.e. Rapport du 6 mai 2014 de la BPTS reconstituant la chronologie p. 34

m.f. Rapports au sujet d'un échange de tir p. 35

m.g. Audition filmée de H______ par TRIAL p. 36

m.h. Faits dénoncés par le Système pénitentiaire à l'encontre

de I______ et réciproquement p. 36

n. Preuves testimoniales p. 36

n.a. J______ p. 36

n.b. K______ p. 37

n.c. H______ p. 40

n.d. L______ p. 43

n.e. M______ p. 44

n.f. N______ p. 46

n.g. O______ p. 46

n.h. P______ p. 47

n.i. Q______ p. 48

n.j. R______ p. 48

n.k. S______ p. 49

n.l. T______ p. 49

n.m. U______ p. 50

n.n. V______ p. 52

n.o. W______ p. 53

n.p. X______ p. 54

n.q. Y______ p. 54

n.r. Z______ p. 55

n.s. AA______ p. 57

n.t. BB______ p. 59

n.u. CC______ p. 59

n.v. DD______ p. 64

n.w. EE______ p. 65

n.x. FF______ p. 69

n.y. GG______ p. 69

n.z. HH______ p. 71

n.a'. II______ p. 72

n.b'. I______ p. 73

n.c'. JJ______ p. 80

n.d'. KK______ p. 80

n.e'. LL______ p. 81

n.f'. MM______ p. 82

n.g'. NN______ p. 82

n.h'. OO______ p. 83

n.i'. PP______ p. 87

n.j'. QQ______ p. 88

n.k'. RR______ p. 91

n.l'. F______ p. 92

6. Preuves recueillies concernant les trois décès de l'opération Gavilán jusqu'au jugement de première instance p. 94

o. Mort d'C______ p. 94

o.a. Déposition de SS______ p. 94

o.b. Déposition de TT______ p. 95

o.c. Déposition de UU______ p. 97

o.d. Film "Entrevista C______" p. 98

o.e. Rapport du 22 octobre 2010 de F______ p. 98

p. Mort de E______ et de

D______ p. 99

p.a. Déposition d'VV______ p. 99

p.b. Déposition de WW______ p. 99

p.c. Dépositions d'XX______ p. 99

p.d. Dépositions de YY______ p. 100

p.e. Rapport du 22 octobre 2010 de F______ p. 101

q. Autres dépositions pertinentes p. 101

q.a. Dépositions de ZZ______ p. 101

q.b. Dépositions de AAA______ p. 102

q.c. Film "fuga reos parte 4" p. 103

q.d. Dépositions de BBB______ p. 103

q.e. Dépositions de QQ______ p. 105

7. Dépositions d'autres protagonistes mis en cause

dans l'une ou l'autre opération et état des procédures les concernant p. 107

r. CCC______ p. 107

s. DDD______ p. 113

t. EEE______ p. 114

u. FFF______ p. 116

v. La procédure au Guatemala contre GGG______ et consorts p. 117

8. Témoin de moralité p. 119

w. HHH______ p. 119

9. Déclarations du prévenu p. 119

10. Déroulement de la présente procédure jusqu'au prononcé

du jugement de première instance p. 129

C. DEROULEMENT DE LA PROCEDURE D'APPEL p. 136

D. SITUATION PERSONNELLE p. 156

EN DROIT p. 157

1. RECEVABILITE p. 157

2. QUALITE DE PARTIE PLAIGNANTE DE B______ p. 157

3. AUTRES QUESTIONS PREJUDICIELLES SOULEVEES A L'OUVERTURE

DES DEBATS D'APPEL p. 158

3.1. Admissibilité de la déclaration d'appel motivée p. 158

3.2. Renvoi de l'acte d'accusation p. 159

3.3. Réquisitions de preuve rejetées dans le cadre de la direction de la procédure p. 160

4. APPEL PRINCIPAL (OPERATION PAVO REAL) p. 169

4.1. Compétence p. 169

4.2. Normes et principes plus particulièrement pertinents p. 169

4.3. Identité des victimes ou supposées telles p. 173

4.4. Morts consécutives à un affrontement avec les forces de l'ordre ? p. 174

4.5. Exécution sommaire ? p. 178

4.6. Critiques de la défense à l'égard des éléments du dossier et grief de

violation de ses droits p. 185

4.7. Implication de l'appelant p. 189

5. APPEL JOINT (OPERATION GAVILÁN) p. 199

5.1. Exécutions sommaires d'C______,

D______ et E______ p. 199

5.2. Implication de l'intimé sur appel joint p. 203

6. PEINE p. 206

7. ACCESSOIRES p. 210

7.1. Prétentions selon 429 CPP p. 210

7.2. Prétentions civiles p. 210

7.3. Frais p. 210

8. COUVERTURE DES DILIGENCES DES DEFENSEUR

D'OFFICE / CONSEIL JURIDIQUE GRATUIT p. 210

8.1. Normes et principes applicables p. 210

8.2. Appel du défenseur d'office (activité jusqu'au prononcé du jugement) p. 212

8.3. Indemnisation des prestations liées à la procédure d'appel p. 215

DISPOSITIFS p. 219

 

 

 

 

 


 

EN FAIT :

A. OBJET DES APPELS

a. Par courrier déposé le 11 juin 2014, A______ (ci-après : A______, le prévenu ou encore l'appelant), entreprend le jugement du Tribunal criminel (ci-après : TCrim) du 6 juin 2014, dont les motifs ont été notifiés le 8 septembre 2014, par lequel il a été acquitté des chefs d'accusation d'assassinat (art. 112 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]) visés sous ch. II.2 et III.3 de l'acte d'accusation, mais reconnu coupable de cette même infraction pour les chefs visés sous ch. I.1 de l'acte d'accusation, condamné à la peine privative de liberté à vie, sous déduction de la détention subie avant jugement, son maintien en détention pour des motifs de sûreté étant ordonné par décision séparée, ainsi qu'à payer à B______ (ci-après : B______ ou la partie plaignante), à titre d'indemnisation pour le tort moral, la somme de CHF 30'000.-, plus intérêts à 5 % dès le 25 septembre 2006, frais de la procédure à sa charge.

b.a. Le 29 septembre 2014, A______ a déposé au greffe de la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR, la Cour ou encore la Chambre de céans), au titre de la déclaration d'appel prévue à l'art. 399 al. 3 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), un mémoire de 115 pages concluant, sur le fond, à son acquittement ainsi qu'à l'octroi de ses conclusions en indemnisation.

b.b. Selon cette même écriture, A______ concluait, préjudiciellement, au renvoi de l'acte d'accusation au Ministère public (ci-après : le MP) afin qu'il le complète, à très bref délai, s'agissant des chefs d'accusation dont il avait été retenu coupable, et à ce qu'il soit constaté que B______ n'avait pas la qualité de partie plaignante. Au titre de réquisitions de preuve, il produisait un bordereau de six pièces, requérait un transport sur place et la confrontation avec sept détenus, subsidiairement qu'une nouvelle commission rogatoire soit décernée, l'audition, lors des débats d'appel, de plusieurs protagonistes et la production de l'enregistrement de l'entretien de B______ avec l'un d'eux, le journaliste III______.

c. Par courrier du 3 octobre 2014, notifié le 6 octobre suivant, le MP s'est vu conférer la faculté de proposer la non-entrée en matière sur l'appel d'A______ et/ou de déclarer appel joint, conformément à l'art. 400 al. 3 CPP. Aux termes d'un acte expédié par messagerie sécurisée le lundi 27 octobre 2014 à 17:32 (heure suisse), selon la quittance d'expédition IncaMail ultérieurement produite, il déclare appel joint, concluant à ce que l'appelant soit reconnu coupable des chefs d'accusation dont il a été acquitté par les premiers juges et à la confirmation du jugement pour le surplus.

d.a. Le 16 février 2015, Me _______ a saisi la Chambre pénale de recours (ci-après : la CPR) – laquelle l'a transmis à la CPAR comme étant de sa compétence - d'un recours contre la décision non datée DCTR/4/2015, notifiée le 5 février 2015, de la Présidente du Tribunal criminel arrêtant à CHF 227'048,35 (TVA ainsi que frais de déplacement et de traduction compris) l'indemnité du défenseur d'office d'A______, pour la procédure antérieure à la notification du jugement motivé.

d.b. Me _______ conclut à ce que ladite indemnité soit portée à CHF 314'688,25, requérant à titre préalable la communication d'un "préavis" du Service de l'assistance juridique du "28 janvier 2015".

e. Par acte d'accusation du 10 janvier 2014, il est reproché ce qui suit à A______ :

e.a. Le prévenu a exercé la fonction de directeur général de la Policenationale civile guatémaltèque (ci-après : la PNC) du 22 juillet 2004 au 28 (recte : 26) mars 2007. Son supérieur direct était FFF______ (ci-après : FFF______), Ministre de l'intérieur, et il avait notamment sous ses ordres CCC______ (ci-après : CCC______), sous-directeur nommé par lui, GGG______, chef de la Division des enquêtes criminelles, et les frères JJJa______ (ci-après : JJJa______) et JJJb______ (ci-après : JJJb______), conseillers en sécurité dépendant de la sous-direction d'investigation criminelle. FFF______ avait notamment sous ses ordres KKK______ (ci-après : KKK______), conseiller en sécurité, alors que le directeur du Système pénitentiaire était EEE______ (ci-après : EEE______), dont le second était DDD______ (ci-après : DDD______).

Entre janvier et septembre 2006, parallèlement à un plan officiel intitulé Pavo Real visant à la reprise du contrôle effectif de la prison guatémaltèque "Ferme de réhabilitation de Pavón", les plus hautes autorités policières, pénitentiaires et politiques ont secrètement décidé et planifié l'élimination physique des 25 prisonniers les plus influents incarcérés dans ledit centre de détention, lors d'une opération prévue le 25 septembre 2006, selon une liste dressée par I______. A______ a pris part activement à la décision d'éliminer les 25 détenus et à la planification de sa mise en œuvre, notamment lors de réunions avec FFF______ et CCC______.

Le 25 septembre 2006, les deux plans ont été exécutés. L'intervention a principalement été menée par la PNC, sous le commandement d'A______, avec l'appui de l'armée, plus de 2'000 personnes y participant. Le prévenu est arrivé sur place, lourdement armé, vers 04:00 et s'est réuni notamment avec CCC______, FFF______, GGG______, LLL______ (ci-après : LLL______), conseiller d'EEE______, et d'autres individus cagoulés. Il a été décidé que la prison serait mise sous le contrôle de la PNC, elle-même placée sous la direction d'A______, qui avait ainsi la maîtrise de la situation.

Vers 06:00, le prévenu a donné l'ordre à un groupe d'individus lourdement armés, cagoulés et portant des uniformes de type "SWAT" (ndlr : "Special Weapons and Tactics Team"), composé notamment de CCC______, son frère MMM______ ou ______ (ci-après : MMM______), GGG______, les frères JJJ______, LLL______ et KKK______, de pénétrer dans le centre de détention. Ces hommes se sont dirigés en tirant des coups de feu vers l'endroit où résidait le détenu NNN______ (ci-après : NNN______ ou ______), puis vers différents secteurs de la prison où ils ont identifié et mis à part certains prisonniers figurant sur la liste précitée, soit : OOO______ (ci-après : OOO______), NNN______, PPP______ (ci-après : PPP______), QQQ______ (ci-après : QQQ______), RRR______ (ci-après : RRR______ ou RRR______), SSS______ (ci-après : SSS______ ou ______) et TTT______ (ci-après : TTT______). Ces hommes, totalement maîtrisés et n'opposant aucune résistance, ont été emmenés de force à l'endroit où vivait NNN______, où ils ont été tués par des projectiles d'arme à feu tirés par les membres du groupe précité, selon le plan et les instructions décidés par A______ ou qu'il avait contribué à décider, à l'exception de SSS______, lequel a été tué directement par A______.

Tout au long de l'opération, A______ était en contact direct et permanent avec le groupe armé, qu'il instruisait ou qui, à tout le moins, agissait sous sa supervision et son contrôle. Il était présent lorsque NNN______ a été ramené dans sa maison et exécuté ; il a assisté au fait que certains des détenus, notamment OOO______, ont été séparés du reste de la population carcérale ; il a été informé de l'arrestation de TTT______.

A la suite de ces exécutions, et sous la supervision du prévenu, il a encore été procédé à des manipulations des scènes de crime afin de faire croire à un affrontement armé entre les forces de l'ordre et les détenus.

e.b. Le 22 octobre 2005, 19 prisonniers se sont évadés du centre pénitentiaire guatémaltèque El Infiernito. A______ et la Direction du Ministère de l'intérieur ont conçu le plan "Gavilán", dirigé par la Direction générale de la PNC, visant à la recherche et la capture des évadés par des groupes d'agents de la PNC. Un plan parallèle a en outre été élaboré et décidé par A______ et les plus hautes autorités du Ministère de l'intérieur, selon lequel les évadés capturés seraient exécutés plutôt que remis aux autorités pénitentiaires. Un groupe constitué notamment de membres de la PNC, de GGG______ et KKK______, était chargé de tuer les évadés repris. A______ était régulièrement informé de l'avancement des opérations.

e.b.a. Le 3 novembre 2005, C______ (ci-après : C______), a été capturé par le groupe 3, commandé par UU______, dans une habitation de la commune de Morales, département d'Izabal, et a été transféré sur ordre de GGG______ au kilomètre 136,5 de la route qui mène à Guatemala City dans le secteur de Rio Hondo, département de Zacapa. KKK______, GGG______ et deux agents de la PNC, UUU______ et VVV______, y ont rejoint le groupe précité. Vers 14:00, sur instruction de GGG______, C______ a été placé sur le siège passager d'un véhicule Mitsubishi Lancer où il a été tué, au moyen d'une arme emballée dans un T-shirt, d'une balle dans la tête tirée par UUU______, qui avait pris place sur le siège arrière. Par la suite, une mise en scène a été effectuée, pour faire croire à un affrontement entre le détenu et les forces de l'ordre, une arme étant notamment placée entre les jambes du cadavre et des coups de feu tirés sur le cadavre et le véhicule.

e.b.b. Le 1er décembre 2005, deux des détenus évadés le 22 octobre 2005, soit D______ et E______, ont été localisés à l'aube au lieu-dit Las Cuevas, dans le département de Santa Rosa, et une équipe formée par des membres de la PNC et dirigée par GGG______ s'est rendue sur place, neutralisant et maîtrisant les deux fugitifs, qui ne s'étaient pas opposés. Quelques instants plus tard, sur ordre et avec l'aval d'A______, ils ont été exécutés, par les membres de la PNC et/ou GGG______ et KKK______, essuyant 12, respectivement quatre coups de feu.

e.c. A______ a agi dans le mépris le plus complet de la vie humaine et avec une absence de scrupules particulière pour avoir :

- exécuté ou fait exécuter de sang-froid et de manière particulièrement odieuse des détenus maîtrisés, sans défense, dans le but de les éliminer purement et simplement, de montrer sa force et d'intimider les autres prisonniers, puis procédé ou fait procéder à des manipulations des scènes de crimes afin de faire croire à un affrontement armé ;

- planifié l'exécution des trois détenus évadés, maîtrisés et n'opposant aucune résistance, dans le but de les éliminer purement et simplement, sans doute à titre de punition ou pour dissuader d'autres détenus de tenter de s'évader, et fait procéder à la manipulation de l'une des scènes de crime afin de faire croire à un affrontement.

 

B. FAITS PERTINENTS RESULTANT DU DOSSIER SOUMIS A LA COUR

1. Certains protagonistes

a. Prévenu

a.a. A______, double national guatémaltèque et suisse, a occupé le poste de directeur général de la PNC, soit le niveau hiérarchique le plus élevé de la police du Guatemala, du 22 juillet 2004 au 26 mars 2007. Peu après, il a quitté le pays pour s'installer à Genève avec sa famille.

b. Autres protagonistes

b.a. Parmi les membres importants d'autorités guatémaltèques ou individus gravitant autour de ceux-ci, évoqués dans la présente procédure, il y a notamment :

b.a.a. au sein du gouvernement,

Ø  Oscar BERGER, Président de la République du Guatemala de janvier 2004 à janvier 2008, et son Vice-président, Eduardo STEIN ;

Ø  FFF______, Ministre de l'intérieur ou "Ministro de gobernación", désigné par Oscar BERGER le 22 juillet 2004 (201'649), dont dépendaient la PNC et le Système pénitentiaire national ;

Ø  KKK______, conseiller de FFF______ dans le domaine de la lutte contre les enlèvements et du crime organisé, selon, notamment, les dires du prévenu (dossier TCrim, A33), employé de longue date au sein du Ministère de l'intérieur (210'045, trad. 210'108). Il a été tué en 2007 ;

b.a.b. au sein de la PNC,

- VaV______, lequel occupait le deuxième poste dans la hiérarchie de la PNC, soit celui de directeur adjoint ;

- le Dr CCC______, gynécologue, nommé par son ami d'enfance, A______, était l'un des huit sous-directeurs généraux de la PNC, d'abord à la tête de la Division de la santé policière, dès le 1er août 2005 (201'688), puis de celle de la Division des enquêtes criminelles, dès le 13 janvier 2006 jusqu'au 16 mars 2007 (201'696). Il a quitté le Guatemala au printemps 2007, pour se réfugier en Autriche où il a obtenu l'asile ;

- GGG______, lequel a travaillé de nombreuses années au sein de la PNC, dont il a été un officier au sein de la Division des enquêtes criminelles ;

- A______ a eu pour conseillers, de mi-2005 à fin 2006 / début 2007, les frères JJJb______ et JJJa______, qui lui avaient été recommandés par KKK______, selon ses dires en vue de la restructuration de la sous-Division d'investigations criminelles (dossier TCrim, A34) ; une attestation du 19 mars 2007 confirme que les deux hommes ont travaillé ad honores pour la PNC. Ils ont tous deux péri de mort violente en 2007, à teneur du dossier ;

b.a.c. au sein du Système pénitentiaire,

- EEE______, directeur général, depuis le 7 novembre 2005 (201'744) ;

- DDD______, chef assesseur en matière de sécurité au sein du Système pénitentiaire du 1er mai 2006 au 15 novembre 2007, selon ses déclarations à l'audience de jugement ;

- I______, conseiller en sécurité au sein dudit Système du 1er juillet 2006 au 16 octobre 2006, date de sa démission (450'109, trad. 450'131 et 201'754) ;

b.a.d. au sein du Ministère public,

- WWW______, procureur général, et XXX______, procureur chef de la section en charge des délits contre la vie.

2. Opérations officielles Pavo Real et Gavilán

c. Plan Pavo Real

c.a. La Granja modelo de rehabilitación penal Pavón est un établissement carcéral sis dans la commune de Frajanes, au Guatemala.

A l'époque des faits, la prison comptait 1'800 détenus et les autorités en avaient depuis longtemps perdu le contrôle, à l'instar d'autres établissements de détention. Celle-là était dirigée par un Comité d'ordre et de discipline (ci-après : COD), présidé par TTT______ et composé de détenus influents qui s'adonnaient depuis l'établissement lui-même à des activités criminelles relevant notamment du trafic de stupéfiants, d'extorsions et d'enlèvements.

c.b. Une vue aérienne en a été produite par le témoin QQ______ lors d'une audience par devant le MP en date du 4 mars 2013 et utilisée aux fins d'illustration tout au long de la procédure :

 

Légende:

-          en haut à droite, marquée par une lettre A (couchée) manuscrite en noir, l'entrée principale ;

-          au centre, entourés en noir, le toit de l'église catholique et le terrain multisports ;

-          entre ces deux cercles, en vert, la "sextavenida" ;

-          plus à gauche, entourée de rose, la zone dite des ateliers ;

-          en dessous, légèrement sur la gauche, entourée de noir, la "maison de NNN______" ;

-          en dessous, légèrement sur la gauche, l'entrée B (lettre majuscule B à l'envers) pratiquée dans le grillage ;

-          à l'extrémité gauche, l'ouverture C pratiquée dans le grillage, utilisée pour le transfert des détenus à Pavòncito.

c.c.a. Sous l'égide de la Direction générale du Système pénitentiaire, un plan intitulé "Plan des opérations "Pavoreal 2006"" a été établi (200'973, trad. 450'755) en vue de la reprise du contrôle sur l'établissement.

c.c.b. A teneur de ce plan, les institutions appelées à intervenir étaient, outre le Système pénitentiaire, la PNC, le Ministère de la défense nationale, le Ministère public et le bureau du Procureur des droits de l'homme (Procurador de los derechos humanos ; ci-après : PDH).

Le commandement de l'opération incombait au directeur général du Système pénitentiaire. Cette institution devait procéder à la réorganisation et fournir les moyens "acoustiques, visuels et sonores" pour instruire les détenus, son directeur adjoint était chargé de la coordination et sa Direction de la sécurité, du contrôle direct de l'exécution du plan, tandis que l'unité d'élite des gardiens devait assurer la protection des détenus et les transférer au centre de contrôle d'identité installé dans l'établissement voisin de Pavoncito.

Le plan prévoyait trois phases. La première, dite de positionnement, contrôle et transfert, prévoyait qu'après la sécurisation du périmètre de la prison par la PNC et l'armée, le signal du début de l'opération serait donné par l'explosion de quatre charges. A 05:30, le directeur du Système pénitentiaire, ou son attaché de presse, devait appeler les détenus à se rassembler, de manière pacifique, sur la place principale de la prison. A 07:30, des véhicules blindés devaient ouvrir des brèches aux extrémités du bâtiment principal, tandis que des hélicoptères survoleraient la zone où les détenus devaient se réunir. A 07:40 puis 07:50, quatre groupes d'élite des gardiens de prison, chacun renforcé par cinq agents de la PNC, devaient prendre position pour surveiller et contrôler les détenus, puis les faire sortir un à un après un contrôle d'identité. Les détenus devaient alors être remis aux agents de la PNC en vue de leur transfert à Pavoncito. La seconde phase du plan était celle de la fouille de la prison, vidée de ses occupants, par les employés du Système pénitentiaire, leur sécurité étant assurée par des agents de la PNC. Enfin, la troisième phase consistait en la réorganisation du centre de détention de Pavón.

Selon les points 6 et ss du plan, la PNC devait apporter le soutien, tel que demandé par la Direction générale du Système pénitentiaire, pour prendre le contrôle du périmètre et en interdire l'accès, assister les gardiens lors du recensement général des détenus, assurer la sécurité des détenus, veiller à ce que les soins nécessaires soient dispensés à d'éventuels blessés, voire organiser leur évacuation, et établir un périmètre de sécurité en cas de mort d'homme. 20 agents devaient renforcer le groupe d'élite des gardiens de prison et dix policiers des forces régulières devaient être postés aux points de contrôle. Des unités canines devaient également intervenir, pour la recherche de drogue ou objets interdits.

En cas d'utilisation d'armes à feu par les détenus, les gardiens de prison, les agents de la PNC et le personnel militaire étaient autorisés à faire usage des moyens nécessaires, y compris de leurs propres armes, dans les limites de la légalité. A tout moment, les droits de l'homme et les lois nationales en vigueur devaient être respectés.

c.d. Le 24 septembre 2006, YYY______, en charge du commissariat no 13 du District central de la PNC, a émis un ordre de service intitulé "Soutien au Système pénitentiaire dans le contrôle, l'inspection, et le replacement de détenus du Centre de Réinstauration Constitutionnelle Pavón" (200'987, trad. 450'807s). Cet ordre détaillait l'affectation des forces de l'ordre, notamment celles de la PNC, en vue de la mise en œuvre du plan, dans le respect du cadre juridique, notamment des droits de l'homme, ce qui devait être rappelé par les officiers à leurs subalternes. YYY______ revêtait le rôle de coordinateur et inspecteur général de l'opération et son sous-commissaire, ZZZ______, celui d'"agent responsable". Le personnel de la PNC ne devait pas porter d'armes à feu, exception faite, dans chaque équipe, d'un "noyau de personnes de réserve" pouvant faire face à une éventuelle attaque armée de la part des détenus (200'992, trad. 450'817), le recours aux armes n'étant admis qu'en cas de nécessité, dans le respect des principes d'opportunité et de proportionnalité (200'993s, trad. 450'820). Tous les employés de la PNC étaient tenus de porter leur uniforme, y compris ceux qui n'en portaient usuellement pas, afin de permettre l'identification de leur unité (200'992, trad. 450'817).

c.e. Divers documents étaient annexés à l'ordre de service, dont un croquis du centre pénitentiaire et un tableau énumérant les responsables des diverses équipes de la PNC appelées à intervenir. Les noms de A______, CCC______ ou encore GGG______ ne sont pas évoqués.

Il convient de souligner que sur le croquis, deux points d'entrée sont prévus : un correspondant au point désigné par un A sur la vue aérienne, soit la porte principale, et un à la hauteur de l'entrée B sur ladite vue aérienne. Une 3ème entrée/sortie au point C n'était alors pas envisagée (201'011).

c.f. Parmi les pièces transmises par les autorités guatémaltèques avec le plan Pavo Real et l'ordre de service précité, figurent également divers documents concernant la prison et son organisation, qui pourraient, au vu de leur contenu, avoir été établis ou réunis en vue de l'opération. Certains de ces documents mentionnent les noms des membres les plus importants du COD, l'emplacement de leurs habitations et leurs activités (201'136 ss, notamment 144, 148, 149, 166, 170, 178 ss).

d. Mise en œuvre du plan Pavo Real selon la version officielle

d.a. A teneur d'une attestation manuscrite, le bureau de commandement du centre pénitentiaire a été confié le 25 septembre 2006 à 04:35 à FF______, de la PNC (201'091 ; cf. infra n.x.)

d.b. Dans un rapport du 15 novembre 2006, la Direction générale du Système pénitentiaire a affirmé, d'une part, ne posséder aucune copie du plan de l'opération, celle-ci ayant été coordonnée au niveau des Ministères de l'intérieur et de la défense, d'autre part, qu'aucune de ses unités n'était intervenue lors de l'opération, le "soutien" ayant été fourni par la PNC et l'armée (201'314, trad. dossier TCrim, F472).

d.c. Selon deux rapports du 25 septembre 2006 du sous-commissaire AAAA______, officier de garde du commissariat no 13, à A______ (201'034 ss, trad. F-279 ss), et de l'officier BBBB______ au Ministère public (201'053 ss, trad. F–263 ss), le même jour, à 06:00, 1'980 agents de la PNC, commandés par YYY______, les commissaires CCCC______ et DDDD______, le sous-commissaire ZZZ______, chef du commissariat no 13, 1'200 militaires, un groupe de sécurité du Système pénitentiaire et XXX______ à la tête d'un groupe d'agents et auxiliaires du Ministère public, s'étaient mobilisés en vue de l'exécution de l'ordre de service précité. Ils avaient pénétré dans le centre pénitentiaire après avoir coupé l'électricité et le grillage métallique pour "accéder à la partie Nord et orientale afin de prendre les prisonniers par surprise".

Constatant la présence des forces de sécurité, ceux-ci avaient actionné des armes à feu. Lors d'un échange de coup de feu, le détenu EEEE______ avait été touché au pied de sorte qu'il avait dû être transféré aux urgences de l'Hôpital Roosevelt, où il avait été admis, sous bonne garde. En outre, sept détenus avaient trouvé la mort.

A 10:34, des représentants de l'agence no 20 des Délits contre la vie du Ministère public s'étaient présentés dans le secteur de "Las Champas" et avaient établi des procès-verbaux relatifs aux cadavres, trouvés dans une habitation de deux étages (ndlr : la maison de NNN______), de :

- SSS______, se trouvant au premier niveau, portant un t-shirt jaune, qui détenait dans la poche droite de son pantalon une grenade à fragmentation, alors que deux cartouches de calibre indéterminé se trouvaient à côté de lui ;

- un homme non encore identifié (ndlr : PPP______), découvert au premier niveau à proximité du passage menant au second étage, qui tenait dans sa main gauche une grenade à fragmentation ;

- à l'étage, NNN______, gisant sur un fusil d'assaut raccourci, dont le magasin contenait onze cartouches, un poignard à ses côtés.

A 10:51, dans le même secteur, des représentants de l'agence no 6 des Délits contre la vie du Ministère public avaient dressé les procès-verbaux concernant les corps sans vie de :

-          un homme non encore identifié (ndlr : RRR______), trouvé dans un "abri de bambou", une grenade à fragmentation dans la main droite ;

-          au même endroit, TTT______, gisait à proximité d'un fusil d'assaut raccourci de calibre 5.53 mm, à proximité de 15 douilles et huit cartouches de calibre indéterminé, étant précisé qu'un pistolet automatique de calibre 3.80 mm ainsi que deux magasins tubulaires, contenant respectivement cinq et onze cartouches du même calibre, étaient dissimulés dans un trou, hors de l'abri.

A 11:20, une troisième équipe du Ministère public, soit celle de l'agence no 4, avait dressé, dans le secteur des ateliers, des procès-verbaux au sujet de :

-          FFFF______(recte : OOO______), découvert dans la cour d'une maison, et qui tenait dans sa main droite une grenade à fragmentation ;

-          un homme non encore identifié (ndlr : QQQ______) tenant dans sa main droite une grenade à fragmentation.

De nombreux documents, photographies et croquis établis par les équipes du Ministère public figurent au dossier (201'789 ss étant observé que la première de ces pièces mentionne comme heure d'arrivée celle de 09:30 environ, suite à un appel intervenu une heure plus tôt).

d.d. A teneur des rapports d'autopsie :

- le corps de RRR______ présentait deux blessures par arme à feu, l'une correspondant à un orifice d'entrée localisé en la fourchette sternale avec sortie sur la quatrième cervicale et l'autre à un orifice d'entrée à hauteur du cinquième espace intercostal antérieur droit avec sortie au sixième para vertébral gauche (dorsal), avec trajectoire antéro-postérieure. L'homme avait par ailleurs des écorchures sur les poignets. La mort avait été causée par une blessure produite par un projectile d'arme à feu en région thoraco-abdominale et un choc hypovolémique (200'689, trad. 450'740 ; 200'712).

- TTT______ présentait les lésions suivantes, causées par projectiles d'arme à feu : un orifice d'entrée sur le côté droit du menton droit avec sortie du côté gauche ; trois orifices d'entrée localisés dans l'hémothorax gauche et sortie dans la région dorsale postérieure (thorax) ; un orifice d'entrée localisé au neuvième espace intercostal (ligne moyenne droite) avec sortie à la septième dorsale droite. La mort était due à des blessures produites par projectiles d'arme à feu dans la région thoraco-abdominale et un choc hypovolémique (200'690, trad. 450'741 ; 200'724).

- QQQ______ avait subi les blessures suivantes, causées par projectiles d'arme à feu : trois orifices d'entrée au niveau du pectoral gauche, avec sortie en région scapulaire gauche ; une entrée au bord costal gauche et sortie en région scapulaire gauche ; une entrée en épigastre et une autre sur le flanc gauche avec sortie en fosse rénale gauche ; un faucillon en crête iliaque gauche ; une entrée par devant le lobe de l'oreille droite et sortie en région pariétale gauche. La mort avait été causée par une perforation cérébrale lors du passage d'un projectile d'arme à feu (200'692, trad. 450'743 ; 200'735).

- Sur le cadavre de OOO______ ont été relevés deux orifices d'entrée au thorax droit avec sortie au niveau du thorax gauche ; un orifice d'entrée en ligne axillaire antérieure au quatrième espace intercostal, sans orifice de sortie ; un orifice d’entrée au thorax droit au cinquième espace intercostal, avec zone de contusion et épanchement au thorax côté droit au quatrième espace intercostal, ligne médiane antérieure au septième espace intercostal droit, et orifice de sortie au sixième espace intercostal gauche (avec une trajectoire de droite à gauche) ; un orifice d'entrée en épigastre avec orifice de sortie au dos droit (trajectoire d'avant en arrière, de droite à gauche) ; un orifice d'entrée au niveau du bord antérolatéral au tiers milieu du bras droit avec sortie au bord interne et au tiers milieu du bras droit. Le rapport mentionne également une excoriation par effleurement en tiers moyen fessier droit, une excoriation par effleurement en face antérieure bras gauche, et une ecchymose violacée au cou côté gauche. La mort avait été causée par des blessures perforantes produites par projectile d'arme à feu dans la région du thorax et de l'abdomen, par perforation cardiaque, pulmonaire et hépatique (200'694 s, trad. 450'745 s ; 200'762).

- SSS______ avait été touché par des projectiles d'arme à feu causant les marques suivantes : un orifice d'entrée dans la région scapulaire droite à la hauteur de la deuxième dorsale, avec sortie au bord supérieur, postérieur de l'épaule droite ; orifice d'entrée au thorax antérieur sillon gauche au quatrième espace intercostal, avec tatouage au thorax et au visage du côté gauche, et sortie dans la région lombaire gauche à la hauteur de la troisième lombaire (trajectoire du haut vers le bas, de l'avant vers l'arrière, et de droite à gauche, sur le côté gauche) ; orifice d'entrée au poignet gauche au dos côté cubital et sortie en face antérieure côté cubital. Il était mort en raison des blessures produites par projectiles d'arme à feu dans la région thoraco-abdominale et d'un choc hypovolémique (200'697, trad. 450'748 ; 200'778). Un courrier du 25 janvier 2007 du médecin-légiste au Ministère public du Guatemala ajoute que ce cadavre présentait un sillon d'excoriation de trois millimètres de grosseur autour des deux poignets, avec signes de vitalité (200'698, trad. 450'749).

- PPP______ présentait les lésions par balles suivantes : un orifice d'entrée dans la région claviculaire droite avec sortie au niveau de l'épaule droite; un orifice d'entrée au deuxième espace intercostal antérieur, le projectile ayant ensuite parcouru la colonne cervicale et passé à travers la base du crâne, avec sortie au milieu des pariétaux (trajectoire du bas vers le haut) ; orifice d'entrée au troisième espace intercostal antérieur droit et sortie à la quatrième dorsale gauche (trajectoire de l'avant vers l'arrière) ; orifice d'entrée au-dessus de l'ombilic, sans orifice de sortie ; orifice d'entrée sur la face externe du bras droit avec sortie sur la face interne. Les coups de feu reçus dans le crâne, le thorax et l'abdomen, ainsi qu'un choc hypovolémique étaient à l'origine de la mort.

- Le corps de NNN______ avait également essuyé des coups de feu, d'où un orifice d'entrée au cou antérieur gauche avec sortie au cou postérieur gauche ; orifice d'entrée en région supra claviculaire droite avec sortie en région scapulaire droite ; orifice d'entrée et sortie au niveau du thorax antérieur droit ; orifice d'entrée au niveau de l'hémothorax antérieur droit avec sortie au dos droit ; une blessure contuse par passage de projectile en avant-bras et main droite (face antérieure). La mort était consécutive à la perforation jugulaire gauche et aux blessures perforantes au cou, au thorax et au membre supérieur droit (200'701, trad. 450'752 ; 200'803).

d.e. Le 19 octobre 2006, la Municipalité de Frajanes a émis sept certificats de décès (200'810 ss) et les cadavres ont été restitués à leurs familles ou proches (200'693 ss).

d.f. Selon les conclusions du rapport du 14 décembre 2006 sur l'analyse balistique effectuée par GGGG______, employé du Département de technique scientifique au sein du Ministère public guatémaltèque, l'arme trouvée sous le corps de NNN______ était dépourvue de chien et n'était donc pas en état de fonctionner, contrairement au fusil retrouvé à côté du corps de TTT______. Celui-ci et quatre autres armes de calibre 5,56 x 45 mm ou 7,62 x 39 mm avaient été utilisés sur les lieux où des douilles avaient été retrouvées, soit à proximité des cadavres gisant dans la maison ou sous le couvert adjacent (200'958 ss, trad. 451'228 ss).

e. Plan Gavilán

Le 22 octobre 2005, 19 détenus se sont évadés du centre pénitentiaire guatémaltèque El Infiernito, semble-t-il aux termes d'un plan préparé longuement et avec la complicité de gardiens (200'370). Le jour-même, VaV______, à l'époque sous-directeur général des opérations de la PNC, a émis un ordre de service no 116-2005, intitulé "opération Gavilán", en vue de la recherche des fugitifs. Le commandement général en était confié à la Direction générale de la PNC, tandis que la supervision des enquêtes incombait au chef de la Division des enquêtes criminelles. Il était rappelé que les agents de la PNC devaient respecter les principes et dispositions légaux pertinents, notamment les droits de l'homme, les principes d'opportunité et de proportionnalité ; en particulier l'usage d'armes à feu, n'était autorisé qu'en cas de légitime défense, d'état de nécessité et de l'exercice justifié d'un droit.

f. Mise en œuvre du plan Gavilán à l'encontre du fugitif C______

f.a. Selon le rapport du 3 novembre 2005 de HHHH______, enquêteur, et SS______, chef de délégation auprès du Service des enquêtes criminelles de la PNC (200'276 ss, trad. 450'361 ss), l'opératrice de garde avait été informée le jour-même de ce qu'un cadavre se trouvait dans une voiture, signalée comme volée, à hauteur du kilomètre 136,5 de la route menant à Rio Hondo dans le département de Zacapa. Les auteurs du rapport s'étaient rendus sur place et avaient constaté qu'un véhicule Mitsubishi Lancer était encastré contre un mur et présentait divers impacts de balles. Le cadavre se trouvait sur le siège avant, côté passager ; il présentait des blessures par arme à feu sur différentes parties du corps et tenait, entre ses jambes, un fusil d'assaut avec son chargeur, lequel contenait trois cartouches de même calibre. Quatre douilles, probablement de même calibre, se trouvaient sur le siège arrière droit. Parmi les personnes présentes sur les lieux, figuraient notamment GGG______, le sous-commissaire UUU______, et l'enquêteur TT______. GGG______ avait déclaré que l'enquête en cours et des informations confidentielles avaient permis de déterminer qu'à l'aube ou dans l'après-midi du jour en question, des individus lourdement armés, parmi lesquels l'un des fugitifs d'El Infiernito, C______, passeraient à cet endroit à bord d'un véhicule gris porteur de plaques d'immatriculation P-904CFM. Un dispositif de surveillance avait été mis en place à la hauteur du kilomètre 136,5 et le véhicule avait été repéré à 14:00. Ses deux occupants n'avaient pas obéi à l'ordre de s'arrêter et avaient ouvert le feu sur les policiers. Un échange de tirs s'en était suivi lors duquel C______ avait trouvé la mort tandis que le conducteur du véhicule était parvenu à prendre la fuite, tirant à droite et à gauche, après que le véhicule se fut encastré contre un mur. Le cadavre de C______ avait été transporté à la morgue de l'hôpital départemental de Zacapa.

f.b. SS______ est le signataire d'un second document, daté du 23 novembre 2005 (200'279) visant à compléter le précédent, en ce sens que, alors qu'ils circulaient en voiture, GGG______ et six agents avaient appris par radio la présence du cadavre de C______ au km 136,5, raison pour laquelle ils s'étaient rendus sur les lieux.

f.c. Au chapitre des documents officiels, le dossier contient notamment encore un recueil de photographies du cadavre (200'282, récemment produit à nouveau par la défense [dossier d'appel, annexe à la pièce 113]) un rapport d'autopsie du 8 novembre 2005 (200'368, également produit récemment par la défense et traduit à sa demande [dossier d'appel, 122C]) ainsi qu'un acte du lendemain (dossier d'appel, 122 A), un rapport d'analyse balistique (200'365) et la première page d'un acte du 8 novembre 2005 du Ministère de l'intérieur autorisant la remise d'une récompense de GTQ 50'000.- à la personne qui avait rendu possible la localisation du fugitif, lequel avait été abattu alors qu'il s'opposait à son arrestation (200'364).

Selon le rapport d'autopsie et le document du lendemain, le corps de C______ présentait une dizaine de blessures par balle, concentrées sur le côté gauche du corps, dont notamment une lésion au niveau de l'œil gauche, avec sortie au niveau occipital et une au niveau intra-claviculaire avec sortie sur le cou, du côté gauche.

g. Mise en œuvre du plan Gavilán à l'encontre de D______ et de E______

g.a. A teneur du rapport du 1er décembre 2005 de VV______, chef du poste auxiliaire de la PNC à Oratorio Santa Rosa, les cadavres de deux évadés d'El Infiernito, D______ et E______ avaient été découverts le même jour à 12:30 sur un terrain de basketball de la commune (200'420 ss, trad. 450'542 ss). L'heure des décès n'avait pas pu être établie, mais la mort avait été causée par des projectiles d'arme à feu. Le sous-commissaire UUU______ avait informé VV______ qu'alors qu'il enquêtait, à la tête d'un groupe de dix hommes, au sujet de l'évasion, il avait appris qu'une fusillade avait eu lieu dans une région montagneuse de la juridiction au bord d'une rivière. Ils s'étaient rendus sur place et avaient trouvé les deux cadavres, que la population locale voulait brûler s'agissant de fugitifs, ce qui représentait un danger. De ce fait, et vu aussi les difficultés d'accès, UUU______ et ses hommes avaient décidé de faire transporter les corps à Oratorio Santa Rosa, étant précisé que l'un des cadavres tenait dans la main droite un pistolet de calibre 38 mm.

g.b. Aux termes d'un second rapport du 5 décembre 2005 de XX______, de la Division des enquêtes criminelles de la PNC, son équipe avait obtenu d'un informateur, IIII______, des renseignements détaillés sur la localisation des évadés D______ et de E______. Accompagnée de l'informateur, elle s'était rendue sur place et avait pu constater la présence des fugitifs, dont l'un était armé d'un revolver de calibre 38 mm, qui se cachaient dans une grotte située au bord d'une rivière. Afin d'organiser l'interpellation des deux hommes, XX______ avait notamment pris contact, par téléphone, avec KKK______ et il avait été convenu de constituer deux équipes séparées, comprenant YY______ et GGG______. Le 1er décembre 2005 vers 02:30, les deux groupes s'étaient dirigés vers la grotte et avaient ordonné aux détenus de se rendre. D______ et E______ avaient tiré avec leur revolver en direction des agents, qui avaient été contraints de les abattre. Aucun policier n'avait été blessé. L'opération avait pris fin à 03:15. Partant, XX______ suggérait de payer la récompense convenue à l'informateur (200'453 ss, trad. 450551 ss),

g.c. Dite récompense fût élargie, selon décision du Ministère de l'intérieur du 14 décembre 2005 et quittance du même jour (200'444 ss).

g.d. Selon les rapports d'autopsie du 1er décembre 2005 (200'497/8, trad. 450'556/7),

- D______ présentait onze lésions causées par des projectiles d'arme à feu, soit trois dans le crâne, deux dans le thorax, une dans l'abdomen et cinq dans les extrémités ;

- tandis que le corps de E______ présentait cinq lésions causées par balles, soit notamment deux dans le crâne et deux dans l'abdomen, la cinquième n'étant pas décrite.

g.e. Le dossier contient aussi un recueil de photographies des corps (200'427 ss).

3. Enquêtes au Guatemala au sujet d'exécutions extra-judiciaires lors de l'opération Pavo Real

h. Par le Ministère public

h. Suite à l'intervention du Ministère public sur place, le jour-même des faits, des dossiers photographiques et des croquis ont été établis (201'795 ss, 201'812 ss, 201'841 ss ; 201'792, 201'809 et 201'837 s ; dossier d'appel, annexes à la pièce 113). Par la suite, le Ministère public a ordonné les autopsies (supra d.d.) ainsi que l'analyse balistique (supra d.f.) et a procédé à certaines auditions.

i. Par le bureau du PDH

i.a. Le PDH est désigné par le Congrès du Guatemala et ne dépend d'aucun organisme, institution ou fonctionnaire. Il a pour mission constitutionnelle de veiller au respect des droits de l'homme, exerçant à cette fin une surveillance sur les activités de l'Etat et enquêtant ensuite de plaintes ou de soupçons crédibles. En particulier, en cas de prononcé du régime d'exception, il agit d'office ou à la demande d'une partie en vue de garantir le respect des droits fondamentaux dont l'exercice n'aurait pas été expressément restreint (500'635 ss, trad. 451'094 ss ; 450'885).

i.b. Au mois de décembre 2006, le PDH a émis un rapport sous forme de présentation power point intitulé "Etat de droit ou impunité ? Evènements survenus dans la Granja Modelo de Rehabilitacion Pavón le 25 septembre 2006" (500'551 ss, trad. 451'035).

Selon ce rapport, le principe de l'intervention en vue de la reprise du contrôle au sein de la prison devait être salué mais une enquête avait néanmoins été faite, durant près de trois mois, dès lors que les membres du bureau du PDH s'étaient vu interdire l'accès à la prison durant l'opération, contrairement à la loi. Ayant vainement demandé le plan officiel de l'opération des diverses autorités concernées, le bureau du PDH était cependant parvenu à se procurer un document intitulé "Restauration 2006".

Les rapports d'autopsie indiquaient que les sept victimes étaient mortes des suites de blessures par balles, d'un calibre non déterminé ; dans trois cas la mort était due au choc hypovolémique, ce qui signifiait qu'on avait laissé les victimes agoniser en se vidant de leur sang. Les blessures étaient concentrées sur le haut du corps. Un témoin avait vu des détenus pris de convulsions quelques instants avant leur mort. Trois cadavres présentaient des lésions compatibles avec des mouvements de défense. Un rapport signalait des écorchures au poignet ; des proches d'un autre détenu avaient signalé les mêmes marques qui n'étaient pas mentionnées dans le rapport d'autopsie. Ces marques étaient visibles sur les photographies de deux corps. Le cadavre de SSS______ présentait un "tatouage sur la poitrine et le visage" révélateur d'un coup de feu tiré à bout portant et OOO______ avait essuyé cinq coups de feu entre le deuxième et le septième espace intercostal, ce qui était incompatible avec la thèse d'un affrontement armé. Les rapports d'autopsie n'évoquaient pas l'heure estimée du décès. Plusieurs cadavres avaient des ecchymoses sur l'abdomen et les jambes donnant à penser que les détenus concernés avaient été battus avant de mourir.

Les fenêtres de la maison, à l'intérieur de laquelle trois corps avaient été retrouvés, avaient chacune reçu un coup de feu et il n'y avait aucun dégât tels ceux généralement causés par un affrontement. L'absence de blessés du côté des forces de l'ordre remettait également en cause la thèse de l'affrontement armé.

L'épouse du détenu SSS______, lequel n'appartenait pas au COD et était en conflit avec lui, avait cru reconnaître son époux sur des images montrant un détenu marchant, dans une file de prisonniers maîtrisés, eu égard à sa coupe de cheveux particulière. Elle avait relaté qu'ils étaient au téléphone lorsque l'assaut avait été donné et que son mari lui avait dit qu'il ne pouvait plus lui parler car on leur tirait dessus. Selon elle, le corps de SSS______ présentait des ecchymoses, des esquilles (soit les traces du tatouage provoqué par le coup de feu à bout portant) sur le visage et ses mains étaient violettes là où elles avaient été liées. Le rapport médico-légal ne contenait pas la description des bleus et des marques sur les poignets remarqués par l'épouse. Le rapport mentionnait la congestion du cerveau et du cervelet sans donner d'explications à ce sujet, alors que cela ne pouvait qu'être le résultat d'un coup ou d'une blessure à la tête. Des codétenus de SSS______ avaient dit à son épouse que celui-ci avait été sorti de la file parce qu'il riait ce qui avait irrité un policier qui lui avait dit qu'il allait lui enlever ce rire et avait ordonné qu'on l'emmène. Selon les images, la PNC avait maîtrisé SSS______, l'avait soumis à des traitements cruels avant de le séparer des autres prisonniers et finalement de le mettre à mort. Il s'agissait donc d'une exécution extrajudiciaire.

Un témoin avait rapporté qu'on avait fait exploser des pétards durant les exécutions et un autre avait vu des forces de l'ordre placer des armes et des grenades dans les mains des détenus mourants.

Un élément se retrouvant dans tous les témoignages était que des civils encagoulés identifiaient les prisonniers qui étaient extraits des files. Une liste de 25 à 30 noms était évoquée, ainsi que des photographies. Le détenu NNN______ avait été admis à Pavoncito en donnant un faux nom, selon cinq témoins. Il avait été amené à quitter cet établissement par la ruse, car on lui avait dit que son avocate l'attendait. Il avait confié son blouson à un détenu qui l'avait par la suite remis au juge de paix de Frajanes. Tous les détenus affirmaient également que les forces de l'ordre étaient entrées en tirant alors qu'eux-mêmes n'opposaient aucune résistance. Dès 06:20, le contrôle de la prison était passé aux forces de l'ordre. Il n'y avait pas d'armes à feu de gros calibre à l'intérieur, mais uniquement une quinzaine de 9 mm.

Selon deux témoignages confidentiels, des fonctionnaires du Système pénitentiaire avaient négocié avec TTT______, président du COD, un accord garantissant le respect de la vie des membres du COD au cours de l'opération contre une somme d'argent qui avait été transportée dans un meuble et payée à l'extérieur de la prison.

A teneur des témoignages des détenus, l'établissement pénitentiaire avait été encerclé aux alentours de 04:00 et une quarantaine de prisonniers s'étaient réunis dans la maison de NNN______. De nombreux témoins avaient entendu une conversation téléphonique entre ce dernier et les autorités de la prison, NNN______ demandant aux forces de sécurité d'attendre la levée du jour pour entrer, de crainte que les autres détenus ne profitent de l'obscurité pour "leur faire du mal". Une patrouille munie d'un mégaphone avait circulé, mais uniquement sur un quart du périmètre de la prison, aux alentours de 05:30 en demandant aux détenus de se réunir sur la place civique (ndlr : entre l'église catholique et le terrain multisports). Un des détenus se trouvant dans les cuisines avait affirmé ne pas avoir entendu l'appel et avoir été blessé d'une balle par un homme en uniforme portant une cagoule. Vers 06:00, les forces de sécurité étaient entrées en tirant dans la zone située près du terrain de football, à proximité de la maison de NNN______. Selon des détenus proches de TTT______, celui-ci les avait enjoints de se rendre pacifiquement.

Vers 05:00, des représentants de bureau du PDH s'étaient présentés à la prison et avaient été empêchés d'entrer par des agents de la PNC qui disaient avoir reçu des ordres en ce sens de leurs supérieurs. Le Président de la Comisión Presidencial Coordinadora de la Política del Ejecutivo en Materia de Derechos Humanos (COPREDEH) qui avait pu entrer, avait refusé son soutien aux émissaires du PDH, qui n'avaient finalement pu pénétrer l'enceinte qu'après le transfert des prisonniers à Pavoncito.

Le rapport relève toute une série de lacunes affectant les rapports d'autopsie et des manquements aux règles, notamment en matière de protection des cadavres durant leur transport, ainsi que l'absence d'analyses scientifiques.

Le Ministère public avait détaché une équipe spéciale de 26 procureurs pour la perquisition de la prison et pour assurer, cas échéant, la sauvegarde de scènes de crime et la levée de corps. Cependant, aucun dispositif n'avait été mis en place afin de préserver les lieux et empêcher la présence de tiers. Le transfert des cadavres de Pavón jusqu'à la morgue avait été effectué par des agents de la PNC, dans des conditions ne respectant pas le principe de la conservation et de la sécurité des preuves, les cadavres n'étant pas placés dans des sacs funéraires scellés. Les mains des victimes n'avaient pas été protégées, alors même que ces dernières étaient soupçonnées d'avoir tiré des coups de feu contre les forces de sécurité, et aucun test en ce sens n'avait été effectué sur les lieux par les techniciens.

Les conclusions du PDH étaient que les autorités de la PNC, le Ministère public, la Direction du Ministère de l'intérieur, de la Défense nationale et de la COPREDEH, soit les institutions ayant participé à l'opération, avaient violé les règles de droit constitutionnel en empêchant le bureau du PDH de procéder à la surveillance de l'exécution de l'opération. La thèse de l'affrontement était peu plausible, eu égard aux témoignages, preuves médico-légales et images réunis. Lors de l'opération, la PNC ainsi que les membres d'autres corps de sécurité de l'Etat avaient eu la maîtrise des sept détenus qui avaient trouvé la mort. Des indices démontraient que les prisonniers ainsi exécutés avaient été soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants. Le travail effectué par le Service médico-légal ne répondait pas aux exigences techniques définies par le protocole de l'ONU sur la prévention des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et les moyens d'enquête sur ces exécutions. Le travail réalisé par le Ministère public était également déficient et mettait en péril la qualité de l'enquête criminelle. Cette institution devait désormais désigner un procureur spécial afin de garantir une enquête autonome et objective.

i.c. Après annulation, par la Cour constitutionnelle saisie de recours, de plusieurs décisions du PDH, celui-ci a finalement émis une résolution motivée du 29 mars 2010 (201'210 ss, 450'857 ss trad. 450'879 ss, et 500'175). Reprenant les éléments qui précèdent, cet acte indique notamment que l'enquête du bureau du PDH avait comporté l'audition de 60 personnes, dont 39 sous garantie de confidentialité. En vue de l'opération, l'état d'exception avait été promulgué dans la municipalité de Frajanes, selon décret 3-2006. Le détenu qui avait été blessé par balle, parce qu'il n'avait pas entendu la sommation de se rendre, était EEEE______. Selon les déclarations des détenus et d'autres témoins, un groupe d'agents des forces spéciales, portant des passe-montagnes, était en possession d'une liste de détenus et de quelques photographies, afin de les localiser et de les mettre à l'écart. À l'exception de NNN______, qui était parvenu à échapper au contrôle en donnant un nom d'emprunt, mais qui avait ensuite été ramené de Pavoncito sous prétexte d'un entretien avec son avocate, les six détenus qui avaient trouvé la mort avaient été écartés des files et placés sous la surveillance de ces agents. La scène du crime avait été maquillée, des grenades étant placées sur les cadavres afin de faire croire à une résistance armée. Après les faits, des détenus et des membres de leur famille avaient été l'objet de pressions afin qu'ils ne révèlent pas la vérité. La femme et le fils du détenu JJJJ______ avaient été victimes d'un attentat.

Aux termes de la résolution, le PDH déclarait que les autorités de l'État avaient violé l'état de droit et la loi, ce qui avait conduit à de graves violations des droits l'homme, soit le droit à la vie, à l'intégrité et à la dignité des sept détenus morts durant l'opération, lesquels avaient subi des traitements cruels, inhumains et dégradants ; le PDH et son équipe avaient été empêchés d'accéder aux installations carcérales pendant l'opération, en violation de la Constitution et de la loi ; le PDH recommandait également l'ouverture d'une enquête à l'encontre des fonctionnaires et agents publics ainsi que la désignation d'un Procureur spécial.

i.d. Par ailleurs, un juge de paix intervenant dans le contexte de l'habeas corpus, a, le 14 novembre 2006, procédé à plusieurs auditions de détenus. JJJJ______ lui avait dit craindre qu'on lui "fasse du mal" en cas de transfert et affirmait qu'alors qu'il avait lui-même été mis à nu, une personne portant un passe-montagnes avait fait sortir TTT______ de la file de détenus (cf. aussi, au sujet de cet individu, infra m.h.). Selon lui, aucun des hommes exécutés n'avait exercé de résistance. Un autre prisonnier, KKKK______, avait affirmé avoir appris de GGG______ qu'il était le sixième sur une liste de 25 membres du COD à éliminer (201'289 s, trad. 451'235 s).

j. Par la COPREDEH

j. La COPREDEH (http://www.copredeh.gob.gt), institution relevant du pouvoir exécutif, a été interpellée par le PDH le 28 novembre 2006. En réponse à cette interpellation, elle a rendu un rapport le 5 décembre 2006, dont il résulte que son Président et quatre fonctionnaires s'étaient rendus à Pavón le jour des faits et avaient été autorisés à pénétrer dans l'enceinte, après qu'il eut été établi qu'il n'y avait plus de risques liés aux échanges de tirs entre les forces de police et les détenus. Selon les informations recueillies auprès du personnel de la prison et des autorités intervenues lors de l'opération, des détenus avaient apparemment résisté, utilisant des armes de gros calibre. Le Ministère public n'avait cependant donné aucun renseignement de sorte que la COPREDEH n'avait pu déterminer "les causes" et "les circonstances" des faits. Le Président de la COPREDEH considérait, sur la base des observations faites et des informations auxquelles il avait eu accès, que le respect des droits de l'homme avait été garanti par diverses mesures. La COPREDEH n'avait notamment pas eu connaissance de ce que des prisonniers auraient été menacés, agressés ou auraient subi des humiliations de quelque nature que ce soit (201'330, trad. dossier d'appel, 86.4).

k. Par la CICIG

k.a. A la demande du gouvernement guatémaltèque, l'Organisation des Nations Unies et la République du Guatemala ont conclu, le 12 décembre 2006, une convention portant création de la Commission Internationale Contre l'Impunité au Guatemala (ci-après : CICIG), dont la mission était de soutenir le Guatemala dans la démarche visant à démasquer et démanteler les groupes de sécurité illégaux et des organisations clandestines de sécurité, soit des groupes, liés directement ou indirectement à des agents de l'Etat, qui commettaient en toute impunité des actes illicites portant atteinte au plein exercice des droits civils et politiques. Parmi ceux-ci figurait en particulier le droit à la vie, que le Guatemala s'était engagé, par divers traités internationaux, à protéger.

Afin d'accomplir sa mission, la CICIG s'est vue attribuer notamment la compétence de conduire ses propres enquêtes et, à cette fin, de mettre en place et de superviser une équipe d'enquêteurs professionnels, locaux ou étrangers, qualifiés.

Ultérieurement, une section spéciale a été créée au sein du Ministère public, affectée à l'instruction des dossiers sélectionnés d'un commun accord, la collaboration entre les deux institutions étant jusque-là défaillante.

k.b. Un rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a été publié le 19 février 2007 par le Rapporteur spécial des Nations Unies, Philip ALSTON, faisant suite à sa mission sur place du 21 au 25 août 2006 (100'388 ss), soit un mois seulement avant les événements de Pavón, selon lequel des actes de nettoyage social étaient pratiqués par les forces de la PNC, plus particulièrement la Division des enquêtes criminelles (100'396, n. 19), le rapport précisant aussi que ces agissements ne faisaient par ailleurs pas l'objet d'enquêtes sérieuses (100'395, n. 17).

Se fondant, d'une part, sur ce rapport et, d'autre part, sur l'enquête du bureau du PDH, la CICIG a débuté, dans le courant de l'année 2008, une enquête sur les décès des détenus de Pavón et des évadés d'El Infiernito.

k.c. La CICIG est parvenue à la conclusion qu'A______ avait appartenu, notamment avec FFF______, KKK______, EEE______, DDD______, CCC______ et GGG______, à une structure clandestine qui commettait systématiquement des actes criminels, dont des exécutions extrajudiciaires, à l'instar de ce qui était arrivé lors des opérations Pavón et Gavilán (200'092 ss).

k.d. Les autorités judiciaires guatémaltèques ont émis, le 6 août 2010, dix-huit mandats d'arrêt, dont l'un à l'encontre d'A______ (202'053 ss et 202'062), lequel résidait désormais à Genève.

4. Ouverture de la présente procédure

l.a. Le 20 juillet 2007, la Communauté genevoise d'action syndicale, le Syndicat Uniterre, l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture (ACAT), Track Impunity Always (TRIAL) et l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) ont saisi le Ministère public du canton de Soleure, soit le canton d'origine d'A______, d'une plainte pénale dirigée à son encontre. Le Ministère public soleurois a alors interpellé son homologue de Genève en vue de la fixation du for. Le domicile à Genève de l'intéressé ayant été établi, le MP genevois a accepté sa compétence, d'où l'ouverture de la présente procédure.

l.b. Par ailleurs, les autorités guatémaltèques ont fait parvenir à la Suisse une demande d'entraide concernant A______, le 13 janvier 2009, indiquant qu'elles lui reprochaient d'avoir appartenu à une organisation criminelle et, notamment, d'avoir effectué "des actes de nettoyage social" et des assassinats, détourné des trafics de drogue et s'être livré à des actes de blanchiment liés à ceux-ci.

l.c. De très nombreux éléments recueillis au Guatemala ont été rassemblés et versés au dossier de la présente procédure. S'y ajoutent les preuves recueillies et administrées par les autorités genevoises ou versées par les parties.

5. Preuves recueillies concernant l'opération Pavo Real jusqu'au prononcé du jugement de première instance

m. Preuves non testimoniales

Au chapitre des éléments de preuve non testimoniale et non encore évoqués, on mentionnera plus particulièrement les pièces suivantes du dossier.

m.a. La CICIG a mis en œuvre la Dre F______ aux fins de déterminer si les rapports d'autopsie et les documents de travail y relatifs étaient conformes aux protocoles internationaux en vigueur, quelles avaient été l'importance du respect desdits protocoles et leur répercussion sur l'enquête, si les corps avaient été manipulés de manière adéquate, quels étaient les aspects pertinents concernant les lésions, la distance des coups de feu et trajectoires, enfin relever tout autre point considéré pertinent.

Selon le rapport du 22 octobre 2010 (201'935 ss, trad. 451'171 ss), la manipulation des corps sur les lieux où ils avaient été trouvés n'avait pas été conforme aux standards internationaux applicables. Les procès-verbaux de levée de corps ne contenaient ni renseignements relatifs aux circonstances dans lesquelles s'étaient produits les faits, ni données sur l'aspect et la position des cadavres lors de la procédure. Les phénomènes cadavériques, les vêtements, les blessures et les lésions n'étaient pas non plus décrits. Sur la base des photographies examinées, F______ retenait qu'il y avait eu une grande manipulation des corps et des habits pendant ce processus, ce qui, de manière générale, avait des répercussions directes sur la possibilité de trouver et de récupérer des preuves tels des résidus de coups de feu et des éléments de type balistique. Le déroulement des autopsies n'avait pas non plus été conforme aux standards applicables. En particulier, les lésions avaient été décrites de manière insuffisante et les preuves n'avaient pas été préservées. L'absence de ces informations rendait difficile l'interprétation et l'analyse des blessures. La manipulation des vêtements était par ailleurs totalement inadéquate et ne correspondait pas aux standards internationaux.

F______ a mis en évidence les éléments suivants, pour chacun des défunts :

-          l'excoriation "par frottement" présente sur la fesse droite du corps de OOO______ pouvait être due à un passage ou à un frottement de projectile d'arme à feu sans pénétration, lequel pouvait se produire en cas de passage tangentiel du projectile sur le corps ;

-          les orifices de sortie sur le corps de RRR______ présentaient les caractéristiques typiques de "pseudo anneau de contusion", lesquels apparaissent lorsque la surface du corps, par laquelle sort le projectile, se trouve appuyée sur une surface dure. Des érosions linéaires rougeâtres et des abrasions superficielles étaient visibles sur le côté gauche de la région du front (photographie en pièce 202'310). Les sillons de pression de couleur rouge-violacée présents sur les poignets étaient compatibles avec des schémas d'attachement des deux poignets et "cohérents avec le fait que la victime n'avait pas pu se défendre" ;

-          s'agissant de QQQ______, F______ relevait neuf plaies causées par des projectiles d'arme à feu, sept localisées dans le tronc (thorax et abdomen), une dans la région maxillaire droite et une dans l'avant-bras gauche. Des blessures en forme d'anneaux de contusion avaient également été observées ;

-          un "pseudo anneau de contusion" était présent dans la région scapulaire du cadavre de NNN______ ;

-          des résidus de coups de feu étaient présents sur le thorax nu et le visage de SSS______ alors que sur les photographies le défunt portait un t-shirt. Ces résidus de coups de feu, de type tatouage, indiquaient que le tir sur le thorax avait été effectué à courte distance. Vu les résidus de coups de feu sur le dos de la main gauche de ce détenu, SSS______ avait pu, dans le but de se protéger, placer son avant-bras devant sa poitrine et son visage. Les lésions de type sillon de pression de couleur rouge-violacé, localisées sur les deux poignets, pouvaient correspondre à des blessures produites par mécanismes de serrage ou d'attachement ;

-          TTT______ avait reçu au moins sept impacts par projectile d'arme à feu. Des lésions sur le bras gauche et la région pectorale gauche, non décrites dans le rapport d'autopsie officiel, étaient cependant visibles sur certaines photographies (pièces 202'365 et 202'366). Pour l'auteur, la lésion dans le bras gauche était par ailleurs en relation avec une nouvelle entrée du projectile dans la partie gauche du thorax, ce qui pouvait signifier que, au moment de l'impact, le bras était levé et plié, "comme en position de défense". D'autres lésions traumatiques, soit notamment des irritations cutanées sur l'épaule droite, résultaient de mécanismes contondants et n'avaient pas été décrites dans le rapport officiel (cf. photographies en pièces 202'353 et 202'363).

Sur les 40 impacts par projectiles d'arme à feu recensés sur les sept corps, 30 se situaient sur le thorax ou l'abdomen supérieur – soit 75 % du total des impacts – alors qu'aucun n'était localisé sur les jambes. 28 des 40 impacts avaient une trajectoire anatomique antéro-postérieure. Ces éléments relatifs à l'emplacement et à la trajectoire des lésions, conjugués à la présence de traces de type tatouage dans un des cas, ne correspondaient pas au schéma de lésions habituellement observé dans les cas d'affrontements armés et/ou de combats. En outre, les lésions avec schéma d'attaches avaient été observées sur les poignets de deux détenus, ce qui était compatible avec une impossibilité, pour la victime, de se défendre.

m.b. La CICIG a soumis les rapports d'autopsie et autres documents pertinents à un second spécialiste, G______, aux fins de déterminer la dynamique des faits et la possible position des victimes lors de chaque décès. G______ a rendu un rapport du 5 novembre 2010 (450'894 ss, trad. 450'906 ss), aux conclusions similaires à celles de F______, mais soulignant également ce qui suit :

-          l'un des deux impacts dans la région thoracique de RRR______ était de type coup de grâce, soit un coup tiré sur une personne déjà gravement blessée afin qu'elle meure rapidement. Les lésions présentes sur les poignets étaient des excoriations de type perimortem, soit étaient intervenues temporellement dans la période encadrant la mort. Il existait de fortes probabilités que ces lésions avaient été causées par des "chaînes de sécurité", ce qui signifiait que le défunt avait les mains attachées avant sa mort. Comme F______, G______ relevait que l'un des orifices de sortie présentait les caractéristiques d'un anneau de contusion ;

-          le corps de TTT______ présentait cinq plaies provoquées par des projectiles d'arme à feu, ainsi qu'une excoriation sur l'épaule droite, de type post-mortem, laquelle laissait supposer que le corps avait été traîné. La trajectoire balistique, de même que les caractéristiques des plaies, pouvaient indiquer qu'un tireur unique avait fait feu, dans une seule position. Par ailleurs, la concentration de trois projectiles de grande vitesse sur une surface d'environ 10 cm de diamètre n'était pas fréquente dans un affrontement : elle supposait en effet une grande expertise du tireur ou, à défaut, un tir à "bout portant" sur une région vitale du corps. La position des douilles à proximité du cadavre indiquait que les tirs étaient partis du même endroit, soit à deux mètres du lieu où se trouvait le corps du détenu et que les tirs ne provenaient pas de l'extérieur, dans la mesure où les armes automatiques ou semi-automatiques n'expulsaient pas de douilles à plus de trois mètres sur le côté droit du tireur, fait objectif dont on pouvait déduire la position des armes au moment des tirs ;

-          la trajectoire et les caractéristiques des huit plaies par balles infligées à QQQ______ indiquaient qu'un tireur unique avait fait feu, dans une seule position. L'une des plaies présentait également les signes d'un coup de grâce. Comme dans le cas de TTT______, trois impacts d'arme à feu étaient concentrés sur une surface d'environ 10 cm de diamètre ;

-          la trajectoire balistique ainsi que les caractéristiques des blessures suggéraient que OOO______ se trouvait couché sur le côté gauche au moment de recevoir les impacts de projectiles. Cette position, qui ne correspondait pas au modèle habituel de lésions constatées lors d'affrontements, et la concentration des impacts d'arme à feu, indiquaient qu'un tireur unique avait fait feu, "à bout portant". L'excoriation présente sur le fessier droit, de type post-mortem, présentait les caractéristiques d'une plaie due au fait que le corps avait été traîné ;

-          il existait des éléments objectifs permettant de conclure que les plaies par projectiles de SSS______ avaient été causées à bout portant, soit à moins d'un mètre du corps, puisque l'on remarquait un tatouage sur le thorax, le visage et l'avant-bras gauche du défunt. Les plaies d'entrée et de sortie sur le bras droit de SSS______ correspondaient à des lésions de type défensif. La trajectoire suivie par les projectiles indiquait en outre qu'un tireur unique s'était trouvé sur le côté droit et au-dessus du défunt. Les lésions observées sur les poignets du détenu étaient des excoriations de type perimortem probablement causées par des "chaînes de sécurité ou des attaches", ce qui signifiait que la victime avait les mains attachées avant ou pendant sa mort ;

-          les plaies par arme à feu situées sur l'avant-bras droit de PPP______ étaient de type défensif. Les plaies d'entrée et de sortie sur le bras coïncidaient avec la trajectoire de l'un des projectiles ayant causé une plaie au thorax, laquelle présentait elle-même les caractéristiques d'un coup de grâce ;

-          les plaies sur la main droite de NNN______, dues à une arme à feu, étaient de type défensif. Les orifices d'entrée sur la paume de la main droite et de sortie sur l'avant-bras droit coïncidaient avec la trajectoire de l'un des projectiles ayant causé une plaie au thorax. L'orifice de sortie situé dans la région scapulaire présentait les caractéristiques d'un anneau de contusion.

Pour G______, les sept corps présentaient des lésions dans les zones vitales, causées par des projectiles à grande vitesse tirés d'une même position. Dans certains cas, plusieurs impacts étaient par ailleurs concentrés sur de petites surfaces du corps. Or, les organes vitaux n'occupaient que 20% de la surface du corps d'un homme debout, de sorte qu'un impact de projectile tiré sans précision dans le cadre d'un affrontement armé n'avait qu'une relativement faible probabilité d'entraîner une conséquence fatale. De même, il était peu probable que survienne, dans le cadre d'un affrontement à distance, une concentration d'impacts sur une petite surface, ce d'autant plus que la logique voulait que des insurgés ne demeurent pas dans une position statique pendant un échange de tirs. Il était en outre constant, dans une situation d'affrontement, que l'on recense des morts et/ou des blessés des deux côtés. Aussi, le scénario le plus probable était que les impacts observés sur les corps des détenus provenaient de tirs à bout portant essuyés alors que les intéressés avaient été maîtrisés. La quantité d'impacts de projectiles observés sur chaque corps, tirés pour la plupart d'une même position avec une trajectoire antéro-postérieure, indiquait clairement que l'objectif avait été de donner la mort, et non de soumettre l'adversaire.

m.c. Le dossier contient trois classeurs (B.6.1, B.6.2 et B.6.3) intitulés "Photos extraites du rapport de la CICIG" contenant :

m.c.a. des photographies prises au cours de l'opération Pavón numérotées P10500148 à 251 (classeur B.6.1). Elles documentent les préparatifs de l'assaut, devant le grillage d'enceinte (P1050148 à 173), la recherche et la capture des premiers détenus, mis à nu (P1050174 à 208), l'arrivée d'un effectif important, comprenant un char et A______, à la hauteur de la propriété de NNN______ (P1050209 à 217), un groupe d'hommes cagoulés et armés, comprenant CCC______ (P1050220 et 221), des groupes de détenus encadrés par les forces de l'ordre, dont l'un croisant A______ (P1050222 à 225), A______ avec d'autres protagonistes, dont CCC______ et FFF______ (P1050226 à 228), les détenus rassemblés sur le terrain multisports (P10502279 à 232), une file de prisonniers cheminant au milieu d'agents et d'autres représentants des forces de l'ordre ou supposés tels, dont PPP______ observé par un homme portant un gilet avec l'inscription "Police" et un individu au visage recouvert, portant casque et lunettes protectrices bleues, qui paraît le pointer du doigt (P1050233), ou encore CCC______ ou FFF______ lors de la conférence de presse (P1050246 à 251).

D'autres clichés de cette série sont des prises de vue de la propriété de NNN______ après l'assaut, notamment la P1050234 sur laquelle figure la porte d'entrée, fermée et intacte, à côté d'une fenêtre dont chacun des 12 carreaux est brisé en son milieu, et les clichés P1050236 à 245 présentant des cadavres, dont l'un (ndlr : PPP______) gisant sur un tas de vêtements jetés au sol (notamment P1050242) ;

m.c.b. d'autres lots de photographies prises à Pavón lors de la journée du 25 septembre 2006 (classeur B.6.2), dont certaines également de deux cadavres sous la toiture attenante à la maison NNN______, soit ceux attribués à TTT______ (DSCC058817 à 19 et 21) et à RRR______ (DSC08522 à 824) ; on peut y observer que la maison est dans un grand désordre, des objets, matelas renversés et vêtements jonchant le sol, et qu'aucune mesure n'a été prise pour assurer la sauvegarde d'éventuelles preuves (91 et 98). Il y a également la fenêtre dont chaque carreau est brisé précisément en son milieu (DSC05828 à 30), étant précisé que des trous sur le mur apparaissent toutefois également sur une image (DSC05829) ; sur la photographie DSC05772, A______ se tient sur la butte devant la maison de NNN______, à laquelle il tourne le dos, tandis que derrière lui, l'homme portant le gilet marqué "Police" monte vers celle-ci ;

m.c.c. des photographies d'autopsie de six des sept morts (classeur B.6.3).

m.c.d. La défense a versé à la procédure deux expertises privées selon lesquelles les photographies P1050192 (TTT______ parmi d'autres détenus contraints de se dévêtir dans le secteur des ateliers) et P1050233 (PPP______ cheminant dans une file de prisonniers maîtrisés) pouvaient avoir fait l'objet de retouches (706'040 ss et 706'053 ss ; 706'057 ss).

m.c.e. La partie plaignante a produit une expertise privée parvenant à la conclusion inverse (dossier TCrim, F510 ss).

m.d. Semble-t-il à l'appui de l'une de ses demandes de récusation à l'encontre du Procureur instruisant la procédure, et sans que l'on sache comment il s'était procuré cette pièce, ni qui en étai(en)t le ou les auteur(s), A______ a encore produit un disque DVD (704'006), sur lequel étaient inscrits les mots "Assaut Est", contenant un film de 24 minutes et 18 secondes, reproduisant certains moments de l'intervention, en "plusieurs séquences d'enregistrement vidéo discontinues, assemblées les unes après les autres" selon les termes de la Brigade de police technique et scientifique (BPTS ; dossier TCrim, F382).

Ce film commence alors que le jour n'est pas encore levé. La personne qui tient la caméra longe dans un véhicule l'enceinte de la prison, alors que des quolibets et sifflements émanant des prisonniers, dont on devine la silhouette dans l'obscurité, se font entendre. La caméra s'arrête à un point où une ouverture est en voie d'être faite dans le grillage, semble-t-il à l'entrée B. Plusieurs hommes en tenue sombre, lourdement armés, portant une cagoule ainsi qu'un ruban bleu clair, se préparent à intervenir.

A la minute 04'54'', alors qu'il fait moins sombre, l'opération commence. Des hommes pénètrent dans l'enceinte et s'abritent derrière un mouvement de terrain. Un homme en jeans et blouson, le visage couvert, est visible au premier plan, encore à l'extérieur de la clôture. A la minute 05'30'', le commando reprend son avancée vers la maison de NNN______ et des tirs suivis se font entendre ; à la minute 06'00'', il y a encore des tirs, mais moins fournis. A 06'15'', les hommes filmés sont arrivés à la hauteur d'une bâtisse. Les premiers prisonniers, nus, encadrés par des agents les dirigeant sans doute vers Pavoncito, font leur apparition à 06'44''. Durant les minutes qui suivent, on continue d'entendre, par moments, des bruits dont certains pourraient être assimilés à des coups de feu.

A 08'23'' le cameraman se trouve au début de la rue des ateliers, alors que des coups retentissent encore. Par la suite un prisonnier, nu, court, les mains en l'air, dans sa direction et est emmené. Les membres du commando, toujours armés, dont l'un au moins ne paraît pas porter un bas d'uniforme, arpentent les lieux désertés, visiblement à la recherche de détenus. Plus loin, le cameraman approche des prisonniers en train de se dévêtir, sous la surveillance d'agents et d'hommes du commando. A l'autre extrémité du plan, la silhouette du détenu ultérieurement identifié comme étant TTT______, poussé par des hommes en noir, fait son apparition à la minute 09'53''. Ce protagoniste court, au milieu d'un groupe de prisonniers nus ou presque, et, à la minute 10'04''-05'', un membre du commando, portant casque et lunettes, fait un geste de la main au-dessus de sa tête, le désignant. TTT______ et les autres détenus sont ensuite contraints de se coucher et de se dévêtir, dans la mesure où ce n'est déjà fait. Dès la minute 10'18'', TTT______ est l'objet de l'attention soutenue de deux hommes, dont l'un, se tenant au-dessus de lui, le filme. Cette scène se déroule peu après celle apparaissant sur le cliché P1050190. Une multitude d'agents arrive de sorte que les détenus à terre ne sont plus visibles (cf. photographie P1050191). Après une coupure, la camera est de nouveau sur le groupe, mais filmé sous un autre angle, et la scène, sans être identique, correspond au moment du cliché P1050192. Peu à peu, des prisonniers, les mains liées dans le dos sont emmenés par les agents, sous la surveillance du commando, dont un homme qui paraît être CCC______. TTT______ n'est plus visible. A la minute 11'54'', après une nouvelle coupure, on voit CCC______ affairé à ouvrir une porte avec une pince hydraulique.

Suivent divers plans puis le cameraman se trouve à la hauteur de la propriété de NNN______, devant laquelle passe une colonne d'hommes des forces de l'ordre (dès 13'12''). À la minute 13'28'' des coups retentissent et un agent portant un brassard orange s'arrête, visiblement interloqué, et se tourne dans la direction de leur provenance, soit la propriété de NNN______. Les autres poursuivent leur chemin. A la minute 13'57'', A______ rejoint CCC______ et d'autres individus cagoulés devant ladite propriété. On n'observe pas d'échange particulier entre eux, si ce n'est qu'une voix appelle "GGG______" et que CCC______ puis le prévenu se déplacent vers un homme masqué.

De la minute 14'35'' à la minute 15'23'', après un nouveau changement complet de plan, on voit une file de détenus, encadrés par des agents de la PNC, avançant jusqu'à un point où ils sont fouillés et requis de décliner leur identité à des hommes du commando armé. La scène est semblable à celle apparaissant sur le cliché P1050233 (PPP______ dans la file).

Les moments suivants méritent encore d'être évoqués :

-          des hommes susceptibles d'avoir appartenu au commando quittent le terrain multisports, où les détenus sont placés en file indienne (16'00'') ;

-          dans la propriété de NNN______, la caméra reprend les fenêtres dont chaque carreau est brisé exactement au centre (16'32''), puis les cadavres de TTT______ (17'36''), RRR______ (17'50''), SSS______ (18'00) et PPP______ (18'10'') - étant précisé qu'un grand désordre règne à l'intérieur de la maison -, d'autres carreaux cassés (18'25'') ou encore deux trous dans une citerne qui coule (18'35'').

m.e. Conformément à la mission, confiée par le TCrim, d'établir une chronologie des événements sur la base des supports photographiques et vidéo susmentionnés, ainsi que de "faire toute remarque utile à la manifestation de la vérité", la BPTS a délivré un rapport du 6 mai 2014 ne formulant aucune remarque au sujet des photographies et définissant la séquence temporelle suivante (dossier TCrim, F303 ss) :

-          à 06:30, on s'affaire devant l'enceinte de la prison (P1050155) ;

-          à 06:47, un détenu nu est transféré (P150174) ;

-          de 07:02 à 07:04, capture de TTT______ (P1050188 à P1050192) ;

-          de 07:11 à 07'12'', CCC______ et EE______ tentent d'ouvrir une porte avec une pince hydraulique (P1050205 et P1050207) ;

-          à 07:38, A______ se trouve sur la butte devant la maison de NNN______, derrière lui, l'homme au gilet "Police" s'éloigne (DSC05772) ;

-          à 07:40, arrivée d'A______ à la maison de NNN______ (P1050214/215) ;

-          de 07:41 à 07:43, réunion entre A______, CCC______, GGG______ et KKK______ devant la propriété de NNN______ (P1050216/217 et DSC05775) ;

-          à 08:00, A______ croise un groupe de détenus en cours de transfert (P1050222) ;

-          de 08:02 à 08:35, réunion entre A______, CCC______ et FFF______ près de la place centrale (P1050226 à 228 et DSC05784/794 à 797) ;

-          à 08:43, PPP______ dans la file de détenus (P1050233) ;

-          à 10:03 et à 10:04, cadavre de TTT______ (P1050236 et DSC05817 à 819) ;

-          de 10:04 à 10:07, cadavre de RRR______ (P1050238/239 et DSC05822/824) ;

-          de 10:08 à 10:09, cadavres de SSS______ et PPP______ (photographies P1050240-244) ;

-          à 10:48, CCC______ lors de la conférence de presse (P1050246).

m.f.a Dans le cadre de la procédure pénale autrichienne dirigée contre CCC______, un expert en balistique a été mis en œuvre. Le procès-verbal de son audition par la Cour d'assises de Ried im Innkreis (dossier TCrim, F402 ss) a été versé à la présente procédure. JJJJJJ______ y expose avoir travaillé sur un CD comportant deux vidéos. Pour lui, les éclairs apparaissant sur ces images étaient des lueurs de bouche provoquées par des tirs allant dans la direction de celui qui filmait, d'où un danger immédiat. Il y avait de fortes probabilités que l'une de ces lueurs de bouche provînt d'un tir effectué depuis l'intérieur de la maison, dès lors qu'on voyait relativement bien le bâtiment. Une autre lueur de bouche était très prononcée, ce qui conduisait JJJJJJ______ à estimer que le coup avait été tiré en direction de la police. Deux autres lueurs allaient clairement en direction de la personne qui filmait et il supposait qu'il en était allé de même pour deux autres coups encore, sans pouvoir en être certain.

m.f.b. La Présidente du TCrim a dès lors requis la BPTS de visionner le film "Assaut Est", plus particulièrement les minutes 5'30'' à 5'39'', et de prendre connaissance du procès-verbal d'audition de JJJJJJ______ afin de faire toute observation scientifique pertinente relative aux tirs. Selon le rapport de la BPTS (dossier TCrim, F381 ss), un grand nombre de détonations et sept flashs étaient audibles, respectivement visibles, sur la scène allant de la minute 5'33'' à la minute 5'43''. Toutefois, en raison de la qualité de la vidéo, la nature de ces détonations et des flashs ne pouvait être déterminée scientifiquement. Il n’était ainsi pas possible de confirmer ou d’exclure que ces éléments, qui étaient compatibles avec des tirs au moyen d'armes à feu, en fussent effectivement.

m.g. Avant de déposer devant le MP puis le TCrim, un ancien détenu de la prison de Pavón, H______, a été interviewé par l'association TRIAL, laquelle a fait parvenir au Procureur le support vidéo ainsi que la transcription de cet entretien (605'010 et 605'011 ss).

m.h. Parmi les pièces communiquées par le Guatemala figurent également la plainte déposée le 7 octobre 2006 par le sous-directeur du Système pénitentiaire à l'encontre de I______, reprochant à ce dernier d'avoir extorqué des sommes du détenu JJJJ______, une lettre dudit détenu à EEE______ du 12 octobre 2006 se rapportant semble-t-il à ces faits, un courrier du 18 octobre 2006 par lequel le PDH déclare ouvrir une instruction suite à la dénonciation par I______ de violations des droits humains par le Système pénitentiaire pour avoir exercé des menaces à l'encontre du détenu JJJJ______ afin qu'il l'accuse à tort, et requiert le directeur général de la PNC de prendre des mesures de protection de l'intéressé, ainsi qu'une communication similaire consécutive à des menaces de mort contre I______ (201'078 ss, 201'082 s, 201'757, 201'761/762, 201'758 ; trad. dossier d'appel, 122D à H, 451'243).

n. Preuves testimoniales

n.a. Pour faciliter la compréhension de la cause et l'appréciation de la crédibilité des diverses dépositions, eu égard notamment à d'éventuelles contradictions, les déclarations de tous les témoins entendus au sujet de l'opération Pavo Real seront résumées ici, à la suite, pour chacun des déposants, l'une de l'autre,

sous réserve de celles des autres protagonistes dont l'implication a été évoquée, ainsi que celles de l'appelant lui-même, lesquelles seront rapportées plus loin (infra 7 et 9).

Détenus de la prison de Pavón

n.a.a. Devant le Ministère public spécial pour la CICIG (450'684 ss), J______ a admis avoir appartenu au COD. Au début de l'intervention, la police était entrée en tirant. Il se trouvait vers l'église. Il avait été confondu avec TTT______, parce qu'il portait un chapeau, et mis à l'écart puis emmené à Pavoncito avec les autres détenus. Selon les rumeurs, TTT______ avait alors déjà été pris. Aux environs de 09:00, il avait vu SSS______ assis devant le portail des ateliers ; celui-ci avait été mis à l'écart. Vers 10:00, alors qu'il entrait à Pavoncito, J______ avait vu NNN______ en sortir. Ce dernier avait donné son écharpe à un autre détenu, disant que son avocate était venue le chercher pour le déplacer dans un autre secteur. Pour lui, le coupable de la mort de NNN______ était EEE______, car il n'avait pas reçu les GTQ 50'000.- par semaine qu'il avait demandés.

J______ a identifié TTT______ sur les photographies P1050188 et 189, ainsi que son cadavre (P1050236) et celui de SSS______ (P1050240).

n.a.b. Sur commission rogatoire, le témoin a confirmé sa précédente déclaration. Il avait vu NNN______ emmené de Pavoncito aux environs de 06:00 conduit par, à son souvenir, six personnes vêtues d'uniformes tachetés ou de camouflage. Les détenus n'avaient pas opposé de résistance aux forces de l'ordre, ne possédant que des frondes qu'ils n'avaient pas utilisées. Il avait effectivement aussi vu SSS______ assis, qui pleurait, parmi d'autres détenus capturés, et, sur la place civique, OOO______, avec trois mallettes, - c'était apparemment "pour ça" qu'il avait été tué - ainsi que QQQ______.

n.b.a. Selon la déposition en avance de preuve devant un juge guatémaltèque, le 29 juillet 2010 (450'214 ss) de K______, les détenus savaient depuis la veille qu'une intervention se préparait et craignaient qu'elle ne fût violente. L'opération avait commencé par une détonation, à l'aube, vers 5:00-5:30, alors que l'électricité avait été coupée depuis environ une heure. Les détenus avaient été rassemblés sur la place civique, devant le terrain de football de l'église catholique. Des agents vêtus de noir et de passe-montagnes avaient sorti ceux qui s'étaient cachés dans l'église, dont NNN______ et U______ (U______), qu'il avait vus être conduits en direction de la maison de TTT______. Il y avait eu ensuite le bruit d'un hélicoptère et FFF______, A______ et EEE______ étaient venus devant l'église. Il y avait aussi le procureur XXX______ et un autre homme, peut-être KKK______. Les détenus avaient été menés en file jusqu'à proximité du terrain de football, où des brèches avaient été pratiquées et où des policiers relevaient leurs identité et les prenaient en photographie. U______ s'y trouvait, placé à l'écart. Lorsqu'il avait décliné son nom, K______ avait constaté qu'il était porté sur une liste d'environ 25 noms qu'un policier avait dans un cartable et sur laquelle figuraient aussi ceux de NNN______ et de OOO______. Il avait alors été placé à côté de U______ qui lui avait dit qu'ils allaient être tués. Ils étaient ainsi restés sous le soleil quatre ou cinq heures depuis 11:00. Ils avaient vu un pick up blanc s'arrêter, d'où étaient descendus trois hommes vêtus de noir, sans identification, et le visage recouvert. L'un d'eux s'était adressé à lui, lui disant qu'il allait mourir, et avait relevé son passe-montagnes de sorte qu'il avait reconnu GGG______. Une trentaine de minutes plus tard, un autre homme, toujours sans insigne particulier, leur avait demandé ce qu'ils faisaient là, puis avait interpellé ses collègues et leur avait finalement dit de réintégrer la file en direction de Pavoncito. Avant cela, ils avaient également entendu qu'on allumait des pétards, et, en arrière-fond, des coups de feu. A Pavoncito, un autre détenu leur avait dit qu'on les cherchait pour les tuer et qu'il y avait eu une confusion avec lui. Un ancien camarade d'études, le capitaine LLLL______ lui avait aussi dit que les frères JJJ______ avaient un classeur dans lequel il y avait sa photographie et qu'ils risquaient de venir le tuer. Aussi, il s'était fait appeler ______ et avait renoncé aux visites pendant près d'un an.

K______ a notamment identifié TTT______, vivant, sur photographie (P1050188, 189, 190 et 192 alors qu'il enlève son slip, 200), puis mort (P1050236), ainsi que RRR______ (P1050238, 39) et SSS______ (P1250240), CCC______ (P1050202, 205, 206), le tank passant devant la maison de NNN______ (P1050211), puis A______ (P1050214, 215, 216, 217).

n.b.b. Lors de son audition devant le MP (500'389 ss, 500'400 ss), K______ a confirmé la déclaration qui précède.

Sa maison, devant laquelle il se trouvait aux environs de 06:00, au début de l'opération, était à une extrémité du secteur des ateliers, à l'opposé de celle de NNN______, sise au fond du même secteur. Les détenus, venant dudit fond, avaient parcouru tout le chemin des ateliers, étaient passés devant sa maison et avaient pris la direction de la place civique, i.e. le terrain multisports, où ils s'étaient presque tous regroupés, lui compris. Il s'y trouvait environ 20 minutes après la détonation initiale. A______, FFF______, EEE______, le procureur XXX______, KKK______ et deux militaires s'étaient placés en face de l'église catholique. Les militaires portaient des tenues de camouflage. Ils n'étaient pas ceux apparaissant sur la photographie DSC05784 ; l'un d'eux était présent, de dos, sur la photographie DSC05795.

K______ avait vu, devant l'église, des policiers détenant NNN______, dont les mains étaient libres, et qui avait été emmené vers la droite, soit en direction des locaux administratifs, au-delà desquels se trouvait la maison de TTT______.

Les détenus avaient été conduits l'un après l'autre vers l'église catholique où ils avaient été fouillés et menottés avec des bandes en plastique, en présence des personnalités précitées, puis conduits jusqu'à l'entrée du chemin des ateliers d'où, pour sa part, il avait dû poursuivre jusqu'au terrain de football, à l'ouverture C pratiquée dans la clôture. A cet endroit, la PNC avait installé un poste de contrôle dans deux camionnettes blanches. Les détenus, répartis en trois files, devaient décliner leurs noms à un policier en uniforme, qui contrôlait. Lorsqu'il s'était annoncé, un policier lui avait montré qu'il se trouvait sur une liste partiellement dactylographiée, où son nom était inscrit à la main, parmi 25 autres noms, numérotés de 1 à 25. Il se souvenait avoir également vu les noms de OOO______, MMMM______, NNN______, TTT______ et NNNN______. Les classeurs contenaient une liste de noms et des photographies. Les policiers contrôlaient d'abord si le nom était sur la liste et, à défaut, vérifiaient si le visage du détenu correspondait à la photographie pour s'assurer qu'il n'avait pas donné une fausse identité. On lui avait alors enlevé les menottes qui le retenaient à un autre détenu et mis à l'écart, lui expliquant qu'il devait être transféré à une autre prison. Il s'était ainsi retrouvé à côté de U______ (U______) et tous deux étaient restés debout durant quatre heures.

Dans ce contexte, ils avaient vu arriver de l'extérieur deux pick up à quatre portes. Quatre personnes étaient descendues de chaque véhicule, vêtues de noir, un bandeau rouge au bras pour seul signe distinctif, le visage recouvert d'une cagoule et armées de fusils. Deux de ces hommes figuraient sur la photographie 992 (prise devant l'entrée principale A). Ils étaient entrés par l'ouverture dans la clôture et s'étaient approchés. GGG______, enlevant sa cagoule, lui avait dit qu'il le tenait. Il devait être entre 09:00 et 10:30. Il fallait lire sa déclaration devant le bureau du PDH comme indiquant qu'il avait été retenu environ quatre heures, avant 11:00 et non après. K______ avait très peur pour sa famille car il savait que GGG______, A______ et FFF______ faisaient partie d'une bande criminelle. Les huit hommes s'étaient ensuite éloignés en courant. 30 à 45 minutes plus tard, il avait entendu des pétards et des coups de feu, puis un officier de l'armée s'était approché, demandant ce que U______ et lui faisaient là. Il avait ordonné leur transfert à Pavoncito. Le militaire avait dit au policier tenant le classeur de ne se mêler de rien car il ne savait pas ce qui venait de se passer "là-haut".

Pendant qu'ils étaient à l'écart, U______ lui avait relaté que plus tôt dans la matinée, il avait été conduit à la maison de NNN______ où il avait entendu ce dernier crier avant que des coups de feu ne retentissent. U______ avait pu s'en tirer en donnant un faux nom. Lui-même avait cru mourir.

Après 11:00, il avait encore dû attendre environ trois heures à l'entrée de Pavoncito.

Le témoin a reconnu le cadavre de TTT______ sur la photographie DSC05817 (scène identique à celle de la P1050236), la maison de NNN______ (DSC05835), le portail d'entrée (DSC05836), devant lequel se tient A______ (P1050215), ce dernier et CCC______ en face de la maison, devant un autre bâtiment, les cadavres d'RRR______ (P1050239 et DSC00043), OOO______ (DSC00093 mais aussi DSC00141), SSS______ (DSC008) et NNN______ (DSC00021).

K______ avait toujours peur pour lui-même et les siens. Il n'avait jamais été protégé, déménageait régulièrement et il faudrait tenir A______, FFF______, CCC______, GGG______ et EEE______ pour responsables s'il lui arrivait quelque chose.

n.c.a. H______, ressortissant français, détenu à Pavón du 29 janvier 1992 au 14 novembre 2007, a été entendu à trois reprises contradictoirement par le MP (500'017 ss, 500'128 ss et 500'146 ss).

Selon ses premières déclarations, le 25 septembre 2006, différents corps des forces de l'ordre avaient commencé à arriver aux alentours de la prison dès 02:00 de sorte que l'alerte avait été donnée au moyen de la cloche de l'église. Vers 05:00-05:30, trois ouvertures avaient été pratiquées dans la clôture. Les forces de l'ordre avaient pénétré dans l'enceinte avec une violence exceptionnelle. Des tireurs d'élite faisaient feu en direction de la maison de NNN______, que le témoin et d'autres détenus venaient de quitter, se dirigeant vers l'église. Il y avait aussi eu des coups de canon de type obus. Les forces de l'ordre tiraient à tout va depuis les trois passages par lesquels elles étaient entrées. Alors qu'ils s'étaient regroupés, vers 05:50, au point de ralliement, les détenus, dont aucun n'était armé, s'étaient trouvés pris en tenaille. Ils avaient entendu des coups de feu et des cris. La scène était horrible. Il y avait également eu du gaz lacrymogène. Un officier muni d'un porte-voix avait ensuite expliqué qu'il n'y avait rien à craindre et qu'il s'agissait d'une fouille. H______ était en peine de dire quelle heure il était – peut-être 09:00 – tant ils étaient sous stress et choqués. EEE______, FFF______ et A______ ainsi que des agents en tenue noire, dont une vingtaine portait un passe-montagnes, étaient sur le parvis de l'église. Les détenus avaient été contraints de défiler devant eux, H______ venant le dernier. Précédemment, il avait été choqué de voir un policer demander à des détenus, apparemment d'origine étrangère, de décliner leur identité.

Suivant la file de détenus, il était parvenu à la hauteur des ateliers, où il avait vu QQQ______, SSS______ et deux autres détenus, assis. Il avait été placé entre les deux premiers alors que la colonne des détenus poursuivait son chemin en direction du bas de la prison. Lui-même et ses quatre compagnons avaient été menés l'un après l'autre "à l'abattoir" par des agents de la PNC qui, à "la moitié du chemin des ateliers" les avaient remis aux policiers portant passe-montagnes pour être conduits à la maison de NNN______. Le premier avait été l'un des deux autres détenus, qui ressemblait à NNN______ ; il avait été suivi de QQQ______, de l'autre détenu, puis de SSS______, lui-même venant le dernier. Dans l'atelier de menuiserie, il avait vu le corps de TTT______, qui ne tenait aucune arme et avait été "rhabillé" étant précisé qu'il l'avait vu nu auparavant. Il se trouvait alors à six ou sept mètres du cadavre. A ce moment, il avait vu, à quatre ou cinq mètres, A______ sortir une arme "rangée dans la cuisse" et mettre une balle - à son souvenir - dans la tête de SSS______, mais il ne pouvait dire exactement à quels endroits du corps elle était entrée et ressortie. Les deux hommes étaient debout, à moins d'un mètre l'un de l'autre, SSS______ étant plus petit que le prévenu. Il portait un haut noir et blanc avec un col en V, un pantalon noir et des tennis ce qui ne correspondait pas à l'habillement – jaune sauf erreur – que son cadavre portait sur les photographies ultérieurement publiées par la presse. Au même moment, H______ avait entendu des cris venant de l'intérieur de la maison. D'autres "chefs de la police" étaient présents, ce qui ne semblait pas préoccuper A______. L'un de ces hommes avait dit "non, pas celui-là" en le désignant, car ils avaient peur de "représailles diplomatiques" vu sa nationalité. Il avait été roué de coups, au point qu'il avait eu deux côtes et un coude fracturés, puis replacé parmi les autres détenus, avec l'instruction de se taire et de remercier Dieu qui l'avait sauvé. Il devait être environ 16:00.

Le témoin avait bien l'impression que durant toute la journée, certains détenus étaient recherchés, mais les prisonniers étaient si nombreux qu'il était facile de donner une fausse identité. C'était ainsi que NNN______ avait pu échapper à un premier contrôle mais par la suite, on était venu le demander à Pavoncito avec le prétexte que son avocat le cherchait. Il l'avait croisé au moment de partir lui-même pour Pavoncito.

H______ était venu témoigner parce qu'il attendait que justice soit faite. Il ne l'avait fait plus tôt parce qu'il ignorait l'existence de la procédure. Lorsqu'il avait eu vent d'un appel à témoin, il avait écrit un courrier "à Berne", ayant trouvé l'adresse de la justice helvétique sur internet, et avait reçu une réponse en allemand, qu'il n'avait pas comprise, ni conservée. En mai ou juin 2012, il avait été approché par Me IIIIII______, pour le compte de l'association TRIAL.

n.c.b. A l'occasion de sa deuxième audition, H______ a indiqué que c'était lui qui avait contacté TRIAL, suite à un appel à témoin en allemand, sur internet, effectué par diverses associations de défense des droits de l'homme après l'arrestation en Espagne de FFF______. Ce devait être en septembre ou octobre 2009. Il avait alors pris langue avec un organisme de justice à Berne qui lui avait répondu, en allemand, par courriel. Il avait ensuite contacté Amnesty International qui l'avait redirigé vers TRIAL. Enfin, Me IIIIII______ s'était manifesté, durant le premier semestre 2012.

A l'endroit où il s'était retrouvé avec QQQ______ et SSS______, il y avait un petit muret et un petit talus. Ils avaient les mains attachées dans le dos et étaient assis, ayant été projetés au sol. Initialement, il y avait davantage de détenus le long du muret mais ils avaient été relâchés et avaient pu descendre rejoindre le reste des prisonniers. D'après ce qu'il avait lu dans la presse, il y avait cependant eu un décès parmi ces détenus relâchés, car le nom de l'un de ces hommes, dont il ne se souvenait plus, avait été mentionné au nombre des morts. Il avait été malmené à coups de pied, poing et matraque tout le long du chemin jusqu'à la maison de NNN______. Il ne savait plus s'il avait été conduit en dernier, avec SSS______ ou après PPP______ et avant QQQ______.

Il avait vu TTT______, maîtrisé, à moitié nu selon son souvenir, plus tôt, alors que lui-même se trouvait sur le terrain multisports. Celui-ci était avec d'autres membres du COD qui étaient emmenés sur le terre-plein sis à côté de l'église.

A______ et SSS______ se trouvaient près de la maison de NNN______, à l'extérieur de celle-ci, au moment du coup de feu. Lui-même était à environ huit ou dix mètres du bâtiment et A______ ainsi que des membres des forces de l'ordre étaient entre lui et la maison.

n.c.c. Entendu une troisième fois par le MP, H______ a dit avoir pu visionner l'enregistrement de son audition par TRIAL, sans faire de commentaire à cet égard. Il avait observé des détenus emmenés en direction de la maison de NNN______ sans pouvoir affirmer qu'ils avaient été conduits jusqu'à ladite maison, celle-ci n'étant pas visible depuis le lieu où il se trouvait. Il en avait revu certains par la suite. Alors qu'il se rendait de Pavón à Pavoncito, H______ avait entendu des coups de feu et des cris. OOO______ ne faisait pas partie du groupe de huit détenus, comprenant H______, QQQ______ et SSS______, conduits en direction de ladite maison depuis les ateliers. Durant sa détention, il n'avait jamais vu de détenu en possession d'armes à feu, mais il était notoire que TTT______ avait un petit revolver. Le jour des faits, SSS______ portait un haut de survêtement bleu et blanc avec un col en V.

Quatre jours plus tard, un médecin avait constaté que le témoin avait le coude cassé et deux côtes endommagées. Il ne souffrait en revanche pas de séquelles consécutives à l'inhalation de gaz lacrymogène, n'en ayant respiré qu'en petite quantité.

n.c.d. Devant le TCrim, H______ a désigné, sur la vue aérienne agrandie, les différents points évoqués dans son récit et a décrit le trajet qu'il avait effectué depuis le début de l'opération. Il avait vu OOO______ sur la place, le terrain de sport, où les détenus avaient été regroupés, à proximité de l'église. OOO______ avait été séparé des autres détenus et avait emprunté les escaliers, avec des agents, puis le témoin ne l'avait pas revu. Au niveau des ateliers (soit à proximité de la scène visible à la minute 14'35''40 du film "Assaut Est"), il avait été mis à l'écart par des hommes cagoulés et des militaires, avec SSS______, qui portait un survêtement bleu marine ou noir et blanc avec un dessin – et non un col – en V sur le torse, blanc ou noir, QQQ______, RRR______ et d'autres détenus. Il ne se souvenait pas de la présence de PPP______. Ils avaient été conduits l'un après l'autre à l'abattoir, dans un ordre dont il ne se souvenait pas, d'abord par des soldats de la PNC puis, à mi-chemin, par des hommes encagoulés. TTT______, nu ou presque, avait été emmené au début de l'intervention, alors que les détenus étaient regroupés vers l'église. H______ identifiait TTT______ sur les photographies P1050188 à 192, la scène se déroulant dans la rue des ateliers. Cependant, il avait bien le souvenir de l'avoir vu maîtrisé à proximité de l'église. Lorsqu'il avait vu A______ tirer sur SSS______, H______ était devant la maison apparaissant sur la photographie P1050217. Le prévenu était sous les arbres visibles sur la photographie 18b du chargé TCrim, légèrement plus à droite, lui semblait-il. La photographie 17 était celle qui montrait le mieux l'endroit où ces événements avaient eu lieu. A ce moment, SSS______ était torse nu. Tout s'était déroulé très vite et le témoin avait été conduit devant l'atelier de menuiserie, soit à l'endroit apparaissant sur les photographies 201816 et 201817, où il avait vu le corps de TTT______. Des officiers de l'armée étaient présents, à l'intérieur et à l'extérieur du périmètre ; il n'avait pas vu EEE______ ou FFF______. Des militaires, des hommes cagoulés et des hommes de la police étaient également présents plus tôt, lorsqu'il avait vu A______ tuer SSS______. H______ a encore confirmé avoir croisé NNN______ lors de son transfert vers Pavoncito. Il lui semblait que l'individu qu'il reconnaissait sur photographie, et dont il lui était indiqué qu'il s'appelait S______, se trouvait avec lui et les autres détenus, dont SSS______, qui avaient été mis à l'écart vers un muret avant d'être conduits à la maison de NNN______. Il ne pouvait donner de repères horaires et, partant, confirmer que la scène de l'homicide avait eu lieu vers 16:00. Il réitérait qu'il pensait devoir son salut au fait qu'il était étranger.

n.d.a. Pour L______, entendu en présence du Ministère public spécial pour la CICIG (450'869 ss), quelques jours avant le 25 septembre 2006, TTT______ avait réuni les détenus qui "avaient des affaires" à la prison et leur avait dit qu'EEE______ demandait GTQ 250'000.- pour ne pas effectuer une perquisition. Il avait été décidé de réunir cette somme et le témoin avait participé, versant GTQ 1'000.-. Toutefois, il avait en définitive été opté pour l'acquisition de planches et EEE______ n'avait rien reçu. Selon ce que TTT______ avait dit au témoin, celui-là avait ensuite eu un entretien téléphonique avec EEE______ lors duquel chacun avait voulu faire comprendre à l'autre qui était le chef. Le matin même de l'intervention, TTT______ avait dit aux détenus, réunis au portail des désespérés, avoir reçu un autre appel d'EEE______ vers 05:40 lui demandant s'il avait réfléchi. TTT______ avait répondu par la négative ; il ne voyait d'ailleurs pas comment il aurait pu remettre l'argent alors que la PNC entourait déjà la prison.

A 06:00, il y avait eu une détonation. L______ avait couru et un agent lui avait ordonné de s'arrêter puis, comme il n'obtempérait pas, avait fait feu. Les "chefs" de la PNC donnaient des ordres aux agents qui se trouvaient sur le terrain de football et il avait reconnu, près de l'église, EEE______ et un homme grand, gros, blanc, avec une barbe, qui tenait une liste. Cet homme avait ordonné aux détenus de former une file. OOO______ se trouvait devant le témoin. Il tenait à la main une mallette contenant de l'argent et des bijoux. Un policier avec un mégaphone demandait le nom des détenus et l'homme gros, blanc, avec la barbe, contrôlait sa liste et cochait des noms. Les mains des détenus étaient attachées avec un lien en plastique avant qu'ils ne soient conduits vers l'église. Au portail des ateliers, il avait aperçu "le Colombien, QQQ______, SSS______" et entendu qu'on cherchait deux autres détenus. OOO______ avait été mis de côté et conduit vers la partie supérieure des ateliers, là où le témoin avait par la suite entendu dire qu'il avait été tué. Au niveau de la partie basse des ateliers, les détenus avaient été déshabillés et étaient restés près de la barrière qui entoure Pavón. A 09:00 des employés de l'"Institut des droits de l'homme" et du MP avaient demandé qu'on leur donne des vêtements et les avaient amenés à Pavoncito. Il avait appris que NNN______ avait été convaincu de sortir dudit établissement parce qu'on lui avait dit que son avocate le cherchait.

Le témoin a identifié sur photographie A______ (P1050214) comme étant l'homme avec la barbe, TTT______ vivant (P1050188 et 192) puis mort (P1050236) soulignant la variation vestimentaire, ainsi que les cadavres de RRR______ (P1050239) et SSS______ (P1050240) qu'il a cette fois désigné correctement par le surnom de SSS______. Il a aussi reconnu CCC______ (P1050248).

n.d.b. Entendu par le MP par voie de commission rogatoire (220'345 ss), L______ a confirmé sa précédente déclaration. Il n'avait vu aucun détenu opposer une résistance. Une trentaine d'entre eux se trouvaient entre lui et OOO______, plus avant dans la file. Il avait vu SSS______, OOO______, un Colombien, soit QQQ______, et RRR______ être mis à l'écart. OOO______ était à côté d'EEE______ et d'A______ lorsqu'il avait vu ce dernier la liste à la main. Il ne connaissait pas CCC______. Des fusées avaient été brûlées pour masquer le bruit des coups de feu lorsque les hommes mis à l'écart avaient été tués.

n.e.a. Devant le juge guatémaltèque (450'191 ss), M______ (surnommé M______) s'est lui-même désigné comme l'ancien bras-droit de NNN______, ayant vécu dans sa maison et s'étant "occupé" de lui. U______ était également un proche. NNN______ savait depuis trois mois que la perquisition allait avoir lieu. EEE______ et TTT______ avaient été en contact au sujet d'un paiement de GTQ 100'000.- pour éviter l'intervention, mais cela n'avait pas abouti. Par ailleurs, EEE______ et NNN______ avaient eu un différend deux mois plus tôt, le premier ayant, lors d'une visite effectuée à la suite de sa récente nomination, vu la maison du second et l'ayant menacé de l'en priver, ce à quoi NNN______ avait vivement réagi. NNN______ semblait savoir qu'il risquait sa vie et que TTT______ était également recherché. NNN______ avait en outre laissé entendre que certaines personnes ne voulaient pas qu'il fût libéré, étant rappelé qu'il était en fin de peine. NNN______ ne faisait pas partie du COD, mais il était très important et donnait un coup de main lorsque le COD le lui demandait.

Avant le début de l'opération, les détenus avaient demandé l'intervention du bureau du PDH mais les représentants de cette institution n'avaient pas pu entrer. Les prisonniers avaient d'ailleurs espéré que ce fussent eux qui arrivaient en hélicoptère alors que c'étaient EEE______ et A______. Les forces de l'ordre étaient entrées, vers 06:00, du côté de la maison de NNN______. Les détenus, auxquels NNN______ avait dit de ne pas opposer de résistance, étaient sortis et avaient couru. Certains avaient été déshabillés. Ils avaient formé une file. Des policiers, portant capuche et lourdement armés, avaient une liste et saisissaient certaines personnes. A l'arrière de l'église (P1050224), M______ avait vu NNN______ être emmené. Il était arrivé de même à OOO______, qui se trouvait sur le terrain multisports et avait été poursuivi (P1050229).

Arrivant à Pavoncito, le témoin avait ensuite revu NNN______ à l'entrée. Il se trouvait dans un pick up blanc et avait crié. NNN______ avait été embarqué par des gens portant des pantalons civils et un haut d'uniforme qui l'avaient fait sortir de la prison en prétextant une visite de son avocate. Ensuite, ils étaient entrés dans le complexe de Pavón par l'entrée pratiquée en-dessous de la maison de NNN______. M______ avait ultérieurement su que sept personnes avaient été tuées dans cette maison alors que les autres détenus étaient en rang en vue de leur transfert. On avait brûlé deux ou trois mitraillettes, sans doute pour masquer le bruit des coups de feu.

M______ a également évoqué la présence des frères JJJ______, GGG______ et KKK______ sans qu'il ne résulte clairement de la déposition s'il avait lui-même vu ces individus.

Il a reconnu TTT______ vivant (P1050188 et 189) puis mort (P1050236), se disant surpris qu'il fût "venu mourir" dans la menuiserie derrière la maison de NNN______, car l'endroit était fermé par des portes verrouillées. Il a également reconnu les corps sans vie d'RRR______ (P0150238) et de SSS______ (P1050240).

n.e.b. M______, entretemps décédé, n'a pas pu être entendu à l'occasion de l'exécution de la commission rogatoire (220'316).

n.f. Dans les locaux de l'unité spéciale du Ministère public pour la CICIG (450'630 ss), N______ a indiqué avoir été réveillé, le jour de l'opération, vers 04:00, par les cloches de l'église. A 06:00, une patrouille radio avait annoncé aux détenus qu'ils devaient se rendre à la grande place. A 06:20, la lumière s'était éteinte. Moins d'une heure et demie plus tard, les prisonniers avaient été emmenés de la grande place au terrain de foot où ils avaient dû se mettre en file indienne. Des policiers mettaient des menottes à certains détenus et des liens en plastique à d'autres. Il avait vu SSS______, ainsi qu'un jeune homme, lequel était interrogé par un individu avec un téléphone portable et d'autres, qui regardaient des photographies, comme s'ils cherchaient quelqu'un. Il avait aussi remarqué OOO______. Par la suite, arrivé à la grande place, vers 08:30, alors que tout était calme, il avait observé le Ministre de la défense, FFF______, ainsi qu'EEE______ et A______, qui n'étaient là que pour voir, pas pour donner des ordres.

Il avait été conduit avec quelques compagnons à "l'hôpital" où DDD______ les avait rejoints. Il leur avait demandé de lui donner des renseignements, disant que ses informateurs étaient morts, ainsi que NNN______, RRR______ et SSS______. Ils étaient restés plusieurs jours à l'hôpital, alors que tous les autres détenus étaient à Pavoncito.

Pendant la perquisition, on avait entendu des bombes et des rafales de tir ; des coups de feu avaient retenti du côté de la maison de NNN______, vers 09:00, soit après qu'il eut vu les autorités.

SSS______ portait une veste ouatée rouge, qu'il n'avait plus sur la photographie de son cadavre (P1050240). N______ a identifié TTT______ vivant, sur la photographie P1050188, puis mort (P1050236). L'individu au téléphone portable qui interrogeait un jeune détenu était vêtu comme ceux sur la photographie P1050208 (ndlr : sur laquelle apparaissent trois hommes en civil, cagoulés et armés). Il a aussi reconnu RRR______ (P1050240).

n.g. O______, aux termes de sa déposition devant le Ministère public spécial pour la CICIG (459'692 ss), s'était trouvé en face de l'église au début de l'intervention, en compagnie notamment de OOO______. Les détenus avaient été regroupés sur le terrain de football afin d'être conduits vers la partie basse du complexe. Alors qu'ils allaient dans cette direction, FFF______, EEE______ et CCC______ étaient descendus d'un hélicoptère et des hommes vêtus de noir, portant lunettes et fortement armés, étaient également arrivés. Il y avait parmi eux deux hommes aux yeux clairs qui restaient ensemble et détenaient une liste. Après avoir parlé avec EEE______ et FFF______, les deux individus avaient cherché OOO______. Ils l'avaient emmené une première fois, avaient pris ses avoirs, puis les lui avaient rendus et l'avaient ramené parmi les détenus. OOO______ avait alors distribué ses biens. Alors que les prisonniers étaient placés par paires, OOO______ avait été appelé par FFF______. Ils avaient eu un échange puis le détenu était retourné encore une fois dans le groupe.

O______ avait ensuite été emmené. Au niveau des ateliers, il avait vu SSS______, assis près d'un arbre, puis, plus loin, un jeune homme appelé ______, et plus loin encore OOO______ et OOOO______. Il avait dû longtemps attendre à une vingtaine de mètres. Il y avait des bruits de pétards, comme pour une fête.

A Pavoncito, les détenus avaient appris que TTT______ et RRR______ étaient morts. Ils n'avaient dès lors pas répondu lorsque des gardiens étaient venus cherchant certains d'entre eux.

Au moment de quitter Pavón, il n'avait pas vu K______. Par la suite, OOOO______ lui avait dit avoir été conduit avec OOO______ à la maison de NNN______. A l'intérieur, on lui avait demandé pourquoi il était là et il avait répondu que c'était parce qu'il était attaché à OOO______. A______ ou FFF______ avait donné l'ordre de lui enlever les menottes et lui avait dit de retourner aux ateliers.

Ce témoin a identifié TTT______ vivant (P1050189) puis mort (P105'0236) ainsi que le cadavre de SSS______ (P1050240). La porte qu'on tentait d'ouvrir sur le cliché P1050206 était celle du magasin "El Gato" (ndlr : le chat).

n.h.a. PPPP______ a déposé le 26 mai 2010 devant le Ministère public spécial pour la CICG (450'680 s). Alors qu'il se trouvait devant la maison de TTT______, ce détenu avait vu un tank entrer par le portail des désespérés et entendu une détonation et plusieurs coups de feu. Des policiers encagoulés avaient demandé aux prisonniers, à plat ventre près de l'église, où étaient TTT______ et RRR______. A______ était près d'eux et P______ avait entendu, sur le radio-émetteur de l'appelant, quelqu'un lui dire "Monsieur le directeur, nous avons déjà TTT______". Il était alors près de 07:00. Une demi-heure après, les mains des détenus avaient été attachées avec des liens en plastique et ils avaient été emmenés en file en direction des ateliers. Les policiers encagoulés demandaient où était OOO______. Des agents avaient confondu K______ avec RRR______ mais l'un d'entre eux, qui avait "paraît-il" des photographies, avait vu que ce n'était pas lui et l'intéressé avait été replacé dans la file. Arrivé à Pavoncito, il lui avait été rapporté comment NNN______ était tombé dans le piège de la prétendue visite de son avocate.

Aucun détenu ne s'était opposé à l'opération en sa présence.

Le témoin a identifié TTT______ vivant sur les clichés P1050188 et 192, puis mort sur la P1050236, ainsi que les cadavres de RRR______ et de SSS______ (P1050239 et P1050240).

n.h.b. P______ a confirmé sa déclaration sur commission rogatoire (220'342 ss). A______ portait son émetteur radio à l'épaule gauche. Apprenant que TTT______ avait été pris, il avait dit "emmenez-le". La scène s'était déroulée sur l'un des côtés de l'église. Alors que ce détenu se trouvait dans une file, des agents munis d'une liste de noms lui avaient demandé, ainsi qu'à d'autres, son identité.

n.i.a A l'occasion de son audition par les autorités du Guatemala (450'686 ss), Q______ a concédé avoir appartenu au service d'ordre du COD. Les détenus savaient depuis la veille que la perquisition allait avoir lieu. Dès minuit environ, ils étaient regroupés au portail des désespérés. A 03:00 ou 04:00, TTT______ avait parlé aux autorités avec le mégaphone, disant qu'il n'y aurait pas de résistance et demandant que l'intervention soit pacifique. A 05:30, la police avait commencé de s'agiter et ils avaient compris que l'opération allait débuter. Tout à coup, l'un des deux tanks présents avait renversé le portail et on avait commencé de leur tirer dessus. Ils avaient alors fui vers le terrain de football, puis les ateliers où ils avaient été interceptés par un groupe qui venait en sens inverse, en tirant, de sorte qu'ils avaient dû rebrousser chemin. Des policiers encagoulés les avaient contraints de se déshabiller. Ensuite, ils avaient été conduits vers la "niche du chat". Il était à peu près 10:30. TTT______ était avec eux, contraint de rester à terre.

Le témoin avait été conduit à Pavoncito où il avait été rejoint, beaucoup plus tard, par NNN______. Après un moment, un gardien était venu chercher ce dernier, lui disant que son avocate l'appelait.

Q______ a identifié TTT______ sur les photographies P1050189, 190 et 192 puis son cadavre sur la P1050236. Il a précisé que lui-même apparaissait aussi sur la P1050190.

n.i.b. Q______ a refusé de répondre aux questions posées par voie de commission rogatoire, disant craindre des représailles à son encontre ou à l'encontre de sa famille (220'356).

n.j. R______ a déclaré le 6 mai 2013 au Ministère public spécial pour la CICIG (450'675 ss) avoir vu TTT______ et d'autres détenus se diriger vers les ateliers. Alors qu'RRR______ et lui-même avaient été rassemblés avec d'autres détenus devant l'église, des agents de la PNC leur avaient attaché les mains dans le dos avec du plastique. CCC______, portant une veste verte et un casque, était arrivé, accompagné d'un policier mort depuis lors et avait dit de RRR______ qu'il était "à lui". Celui-ci avait alors été emmené. R______ avait encore entendu CCC______ demander à RRR______ de lui donner "la maison des drogues". Il était près de 10:00. A l'entrée des ateliers, l'un des frères JJJ______, portant un casque et un uniforme noir, interrogeait les détenus. Il y avait également GGG______, encagoulé, que le témoin connaissait pour avoir précédemment travaillé avec lui. GGG______ lui avait fait un signe en mettant son doigt sur la bouche et R______ avait alors donné une fausse identité. Il avait vu que des personnes étaient mises à l'écart, dont un détenu prénommé ______ et SSS______.

Le témoin a identifié les cadavres de TTT______ (P1050236), RRR______ (P1050239) et SSS______ (P1050240), tout comme il a reconnu sur certaines photographies A______, FFF______ et CCC______.

n.k. Pour S______ entendu par un juge (450'011), l'intervention avait débuté au lever du jour, soit aux environs de 05:00-05:30, certains détenus étant aussitôt emmenés à Pavoncito alors que d'autres, dont le témoin et OOO______, qui était l'un de ses amis, étaient réunis sur le terrain de babyfoot. A______, FFF______ et EEE______ étaient présents, devant l'église. OOO______ avait été fouillé et séparé du groupe puis ramené. Il se trouvait devant le témoin dans la file se dirigeant vers Pavoncito lorsque, à la hauteur des ateliers, il avait été de nouveau écarté par des policiers portant cagoule, qui lui avaient enlevé les menottes et l'avaient mis avec SSS______ qui était déjà de côté. En arrivant à Pavoncito, vers 16:00, S______ avait entendu dire que NNN______ avait été sorti dudit établissement et que TTT______, QQQ______, SSS______, et OOO______ avaient été tués. S______ a encore identifié TTT______ sur la photographie P1050229.

n.l.a. Le Ministère public spécial pour la CICIG a recueilli, le 26 mai 2010, la déposition de T______ (450'082 ss), lequel se trouvait au portail des désespérés vers 05:00, le jour de l'intervention, en compagnie de divers détenus dont TTT______, OOO______ et P______. Il avait entendu TTT______ dire au téléphone que les détenus n'allaient pas opposer de résistance et qu'il ne fallait pas les agresser. Au début de l'intervention, comme un tank tirait sur la maison de NNN______, les prisonniers s'étaient mis à courir vers le terrain de football. Au niveau du secteur des ateliers, près de l'enseigne "El Gato", des policiers encagoulés avaient attrapé TTT______, l'un d'eux ayant dit "c'est celui-ci". Ils avaient un appareil sur lequel ils comparaient les photographies avec les visages des détenus ; ceux ainsi repérés étaient mis de côté. Pour sa part, le témoin avait rapidement été transféré à Pavoncito, où on lui avait appris que TTT______ était mort. Il avait aussi entendu dire qu'EEE______ avait demandé à TTT______ GTQ 50'000.-/mois pour renoncer à la perquisition. Ce jour-là, il n'avait pas vu en vie d'autres détenus ayant ensuite trouvé la mort que TTT______ et OOO______, comme relaté.

T______ a notamment identifié sur photographie EEE______, précisant le reconnaître pour l'avoir vu à des réunions au sujet de la prise de contrôle de la prison, TTT______ vivant (P1050188 et 192) puis mort (P1050236), ainsi que le cadavre de SSS______ (P1050240). Lui-même se trouvait, en sous-vêtement, sur la photographie P1050198.

n.l.b. Interrogé par le MP par voie de commission rogatoire (220'349 ss), T______ a confirmé la susdite déposition. Il savait qu'EEE______ était venu à la prison parler avec TTT______ mais n'avait pas assisté à cette rencontre. Les policiers encagoulés avaient demandé qui était TTT______ et l'un des détenus l'avait désigné. A la question "avez-vous quelque chose à ajouter", T______ a dit, contrairement à sa précédente déclaration à ce sujet, avoir également vu en vie NNN______, à l'entrée de Pavoncito, ainsi que QQQ______, RRR______ et SSS______.

n.m.a U______ (dit U______) a fait une première déclaration devant le bureau du PDH, quatre jours après l'opération Pavo Real (450'321). Il craignait alors de subir le même sort que ses sept camarades qui avaient apparemment été exécutés. Il avait vu tirer, lors de l'intervention, des individus armés, dont certains avaient le visage recouvert. NNN______ avait été sorti de sa maison et envoyé à Pavoncito, de même que lui-même, TTT______, SSS______, OOO______, QQQ______, RRR______ et PPP______. Plus tard, soit entre 06:30 et 08:00, des pétards avaient été allumés, comme pour masquer des coups de feu. Lui-même avait failli être renvoyé à Pavón, mais était parvenu à l'éviter. Des membres d'un groupe d'élite vêtus de façon particulière et le visage masqué avaient conduit un pick up blanc et noir et "avaient suivi les ordres donnés". Ils avaient aussi tiré.

n.m.b. Auditionné par un juge guatémaltèque (450'030 ss), U______ a exposé que le 22 septembre 2006 aux environs de 18:30, NNN______ avait reçu un appel téléphonique lui annonçant l'intervention à Pavón et qu'il était prévu de le tuer ainsi que TTT______. NNN______ n'avait pas cru à la réalité de la menace, mais bien que l'opération allait avoir lieu et avait demandé à ses codétenus de ne pas opposer de résistance. Il avait encore eu plusieurs contacts en ce sens avec son interlocuteur. Lorsque l'assaut avait été donné, U______ avait quitté la maison de NNN______, avec lui, pour se diriger vers la place civique. Ils avaient été rattrapés par les policiers. L'un d'eux avait frappé NNN______. A______ et KKK______ étaient arrivés et avaient observé la scène quelques secondes, puis NNN______ avait été emmené. 30 à 45 minutes plus tard, U______ et d'autres avaient été conduits en direction de Pavoncito. Alors qu'il s'approchait de l'ouverture dans le grillage, il avait entendu "qu'ils étaient en train de chauffer les mitraillettes et on confondait ça avec des détonations d'armes à feu". Il avait vu passer un petit pick up dans lequel se trouvait NNN______. Des policiers vérifiaient l'identité des détenus et lorsque U______ avait décliné la sienne, il avait été constaté qu'il se trouvait sur une liste, "un papier". Il avait donc été mis à l'écart puis emmené à la maison de NNN______, en passant par "le bord du terrain" où il avait vu que le pick up était parqué et où NNN______ se trouvait toujours. Il l'avait reconnu à sa chemise blanche et son jeans noir. La maison était encerclée d'hommes encagoulés, vêtus d'un uniforme noir et portant un armement sophistiqué. On lui avait dit d'attendre et il s'était approché d'une fenêtre d'où il avait vu A______ empruntant l'escalier, suivi de NNN______, KKK______ et GGG______, lequel portait une cagoule. Alors que le groupe était sorti de son champ de vision, ayant rejoint l'étage, il avait entendu A______ insulter NNN______ et ce dernier crier sous les coups. A ce moment, un homme était sorti de la maison et lui avait demandé ce qu'il faisait là et quel était son nom. Il avait eu la présence d'esprit de donner une fausse identité et l'homme avait donné l'ordre de le ramener dans la queue. Il se trouvait à environ 30 mètres de la maison lorsqu'il avait entendu des coups de feu. K______ avait été extrait de la file des prisonniers et avait été placé à ses côtés. U______ lui avait dit de prier car leur heure était peut-être venue. Ils avaient toutefois été amenés à Pavoncito. Par la suite, il avait appris que NNN______ avait été conduit à Pavoncito mais en avait été sorti, sous le prétexte d'une visite de son avocate. Pendant plusieurs jours, il n'avait parlé à personne de ce qu'il avait vu, se disant qu'il avait échappé de peu à la mort et que Frajanes était en état de siège.

U______ a identifié TTT______, vivant, sur les photographies P150188, 189, 192, CCC______ encagoulé (P1050202, 206 et 207), A______ devant le portail de la maison de NNN______ (P1050214, 215, 216, 217 - sur laquelle il identifiait également CCC______ -), le cadavre de RRR______, vu sa taille (P1050238), et celui de SSS______ (P1050'241). Il a précisé que lors des faits, NNN______ avait les cheveux plus longs que d'habitude, ainsi que la barbe, les ayant laissé pousser depuis trois mois.

n.m.c. Lors de son audition sur commission rogatoire (220'304 ss), U______ a dit confirmer sa déclaration devant le bureau du PDH. Les détenus n'avaient pas résisté, ce qui aurait au demeurant été impossible vu la disparité des forces. Les agents publics avaient tiré lorsqu'ils étaient entrés, du côté de la maison de NNN______. Il avait vu écarter NNN______ puis QQQ______, RRR______, SSS______ et OOO______. Leurs noms figuraient sur une liste. Lui-même avait également été mis à l'écart, au moment de passer par l'ouverture menant à Pavoncito. Il avait bien observé A______ dans la maison de NNN______, montant l'escalier, suivi du détenu, les mains menottées dans le dos, puis KKK______ et GGG______. Auparavant, il avait vu NNN______ descendre d'un pick up et passer par la même ouverture. Lorsqu'il se trouvait à Pavoncito, il avait entendu qu'un agent avait appelé NNN______, disant que son avocate était présente. Il avait observé que certains représentants des forces de l'ordre portaient un uniforme et un équipement spécial. Il s'agissait de personnes qui donnaient des ordres. Il y avait aussi des agents particuliers dont le visage était encagoulé. Il souhaitait que justice soit faite.

n.n.a. Aux termes de la déposition en avance de preuve de V______ (450'614 ss), les détenus savaient dès la veille aux alentours de 23:00 qu'une fouille allait avoir lieu. V______ était descendu vers le portail des désespérés où il avait vu qu'un blindé était entré. Dans la nuit, vers 02:00, TTT______, vêtu d'une chemise beige, avait entamé des pourparlers téléphoniques avec EEE______, lequel disait que ce serait difficile de rattraper le coup, les détenus ayant raté l'occasion de le faire lorsqu'elle leur avait été donnée. A 06:00, l'opération avait commencé par une explosion et plusieurs coups de feu. V______ et d'autres étaient partis en direction des ateliers où ils avaient trouvé NNN______ en compagnie d'une cinquantaine d'hommes auxquels il avait dit de ne pas résister et de se rendre à la place. Des rumeurs couraient au sujet de TTT______, selon lesquelles il avait été capturé ou tué par un franc-tireur ou avait été passé à tabac. Ce groupe de détenus était arrivé sur la place civique et le terrain multisports vers 06:15-30. Le témoin était allé s'asseoir sur un banc, à environ six mètres de OOO______. Il avait vu passer un groupe de policiers encagoulés qui s'étaient rendus dans l'église, en avaient extrait RRR______ et l'avaient emmené par la Sextavenida en direction de l'infirmerie. Vers 07:30, on avait entendu un hélicoptère, puis EEE______, FFF______ et A______ étaient apparus, flanqués d'hommes armés. EEE______ avait chuchoté quelque chose à FFF______ qui avait fait signe à OOO______ de s'approcher. Celui-ci avait remis à O______ (sic) un attaché-case contenant sans doute de l'argent et des bijoux, demandant qu'on prévienne sa famille s'il lui arrivait quelque chose. Deux policiers encagoulés et équipés de gilets l'avaient emmené.

Lors de la fouille qui avait suivi, V______ avait été conduit vers l'église et menotté. A la hauteur des ateliers, un homme armé jusqu'aux dents, aux yeux bleus, portant des pantalons de commando, des grandes lunettes et une cagoule, lui avait demandé son nom et s'il faisait partie du COD. On l'avait emmené dans un atelier et de nouveau interrogé. Il avait vu SSS______ à genoux. Après avoir répondu à plusieurs questions, il avait pu réintégrer la file des prisonniers et l'un d'eux lui avait expliqué qu'on l'avait pris pour le vice-président du COD. Vers 10:30, des coups de feu et des bruits de fusées avaient retenti.

A Pavoncito, des hommes d'un "groupe d'élite du Système pénitentiaire" cherchaient certains détenus, mais comme le bruit courait que plusieurs hommes avaient été emmenés, dont NNN______, il n'avait pas été répondu à leurs questions. Ils avaient ensuite appris que TTT______, OOO______, RRR______, QQQ______, SSS______ et un autre avaient été tués et que les deux premiers, ainsi que NNN______ étaient armés, mais c'était faux.

V______ a identifié TTT______ vivant sur les photographies P105188, 189 et 190) puis mort (P1050236), ainsi que le cadavre de RRR______ (P1050238) et celui de SSS______ (P1050240).

n.n.b. V______ a confirmé sa déclaration précédente lors de son audition sur commission rogatoire (220'330 ss). Lorsqu'il avait vu A______ dans la zone séparant la place civique du terrain multisports, celui-ci tenait une liste.

n.o. W______ était, selon ses propres déclarations au Ministère public spécial pour la CICIG (450'612 s), le plombier du COD. Les détenus avaient été avertis par une sirène, aux environs de 02:00-03:00, de ce qu'une perquisition allait avoir lieu. La lumière avait été éteinte vers 06:10, les grillages avaient été sectionnés et la police avait fait irruption. Il avait entendu une forte détonation et avait couru vers la place devant le parvis de l'église mais TTT______ lui avait dit de se rendre dans la zone des ateliers. Alors qu'ils étaient arrivés dans cette zone, des policiers encagoulés les avaient attrapés. Ils avaient demandé à TTT______ de donner son identité et les avaient sommés de se dévêtir. Ces individus avaient dit à TTT______ que c'était lui qu'ils cherchaient et l'avaient laissé dans le secteur alors que les autres détenus étaient redirigés vers le parvis de l'église. Il se trouvait dans la zone du parvis et du "papi-foot", lorsqu'un hélicoptère s'était posé, dans lequel avaient pris place EEE______ et FFF______, ainsi que trois autres personnes. W______ était en train de parler avec OOO______ qui portait deux sacs à dos dont l'un, rouge, était plein de bijoux et l'autre, noir, plein d'argent. EEE______ avait désigné OOO______ et ordonné qu'on l'emmène. Les autres détenus avaient été placés en file. Des policiers en civil leur demandaient leurs noms et en écartaient certains, qui étaient menottés et se mettaient à pleurer. Comme il finissait de faire la queue, il avait entendu la rumeur selon laquelle NNN______, TTT______ et les autres détenus mis à l'écart avaient été tués, des fusées étant lancées pour masquer les détonations. Lorsqu'il était arrivé à Pavoncito, des gardiens disaient qu'on avait menti à NNN______ en lui affirmant que son avocate/une juge/une greffière était venue pour lui. Au début de l'intervention, il avait entendu plusieurs coups de feu mais aucun détenu n'avait opposé de résistance.

Sur photographie, le témoin a reconnu TTT______ vivant (P1050188, 189 et 190 où il a identifié également d'autres détenus) puis mort (P1050236).

n.p.a. X______ a pour sa part été auditionné par les autorités du Guatemala le 26 mai 2010 (450'678). Il était le détenu apparaissant nu sur la photographie P1050188, aux côtés de TTT______, tenant une botte à la main, puis encore sur la P1050190, étendu sur un pullover vert, alors que TTT______ de dos, a les pantalons au niveau des genoux.

Ce prisonnier se trouvait avec TTT______ et d'autres au portail des désespérés avant le début de l'opération. Après un coup de canon, TTT______ avait dit par mégaphone à la police qu'il n'y aurait pas de résistance et que les prisonniers n'étaient pas armés. Suivant les instructions de TTT______, ils s'étaient rendus en direction des ateliers et avaient été interceptés par des policiers qui avaient tiré dans leur direction et leur avaient ordonné de se coucher. Alors que TTT______ s'apprêtait à enlever ses bottes, un policier lui avait dit que c'était lui qu'il cherchait et lui avait donné un fort coup sur la tête. TTT______ était tombé à terre. Il avait été demandé à X______ s'il faisait partie du COD et, suite à sa réponse négative, il avait été conduit, nu, au secteur trois de Pavoncito où il avait retrouvé NNN______. Il était 07:00-30. Une demi-heure plus tard, on était venu chercher ce dernier pour le conduire au secteur dix-huit. Encore une trentaine de minutes plus tard, de nouveaux prisonniers étaient arrivés, disant que NNN______ avait été tué.

Le témoin avait entendu des tirs, ainsi qu'une explosion, à divers moments ; il n'y avait eu aucune résistance.

n.p.b. Sur commission rogatoire, X______ (220'337 ss) a confirmé au MP la susdite déclaration, précisant que le policier qui avait interpellé TTT______ portait une cagoule et que NNN______ avait été invité à se rendre au secteur dix-huit parce que son avocat s'y trouvait.

Agents de la PNC

n.q.a. Y______ (450'169 ss), entendu le 22 juillet 2010 devant un juge au Guatemala, faisait partie de l'équipe d'agents affectés à la sécurité de CCC______, sous les ordres de EE______. Le jour des faits, il avait pris place dans une "voiture balai" avec Z______, son chef et le chauffeur, afin de suivre le véhicule que conduisait CCC______. Ils s'étaient arrêtés dans une station essence située avant Muxbal, où CCC______ était entré dans un magasin puis s'était entretenu avec un "tas de gens". Ils s'étaient ensuite rendus à Pavón, où des caisses avaient été descendues du "pick-up balai", ainsi qu'un sac à dos vert de la camionnette de CCC______. EE______ lui avait donné pour mission d'accompagner le frère de CCC______, MMM______, lequel portait des vêtements de type commando, avec un gilet, un casque et un passe-montagnes, et de transporter le sac à dos. Aux pieds d'une guérite, MMM______ avait sorti une longue arme du sac et s'était installé dans la tour, d'où il communiquait, par téléphone ou radio. Le témoin l'avait notamment entendu dire "il est là à droite" ou "il a bougé". Alors que des personnes avaient pénétré dans la prison, des coups de feu s'étaient fait entendre, dont certains avaient peut-être été tirés par MMM______, et le témoin s'était protégé en se couchant au sol. Il avait également entendu des personnes dire "qu'ils étaient en train de tirer de l'intérieur vers l'extérieur". Peu après, il avait vu un "tas de gens nus, mi-nus en bas". MMM______ et lui-même étaient entrés dans la prison et avaient rejoint une maison où ils avaient retrouvé Z______ et EE______. Il était resté avec ces derniers à l'extérieur de la clôture. Il avait vu CCC______, le commissaire GGG______ et les frères JJJ______ sortir de la maison après que des coups de feu provenant de l'intérieur eurent retenti. Il avait également observé que MMM______ était dans la maison, portant le fusil. De nombreuses autres personnes, qu'il ne connaissait pas, se trouvaient dans la propriété. Environ trente minutes après les coups de feu, il y avait eu une réunion à laquelle EEE______, FFF______ et A______, qui venaient d'arriver, avaient également participé "à l'intérieur de l'extérieur du périmètre de la clôture de la maison".

n.q.b. Y______ a confirmé ses dires lors de son audition dans la présente procédure, par voie de commission rogatoire (220'310 ss). Il n'avait vu A______ que devant Pavón, lors d'une réunion avec EEE______, CCC______, son frère et des gradés militaires, mais pas directement dans la maison de NNN______. Quelques minutes après être arrivé à proximité de cette construction, il avait bien entendu des coups de feu tirés depuis l'intérieur de la maison. Il n'avait vu que CCC______ et le commissaire GGG______ sortir de la bâtisse. Ils étaient porteurs d'armes de poing et de fusils. Il ne se souvenait pas y avoir vu entrer MMM______.

n.r.a. Z______ (déposition devant le juge guatémaltèque ; 450'234 ss) avait bien, avec les autres membres de l'escorte de l'intéressé, suivi CCC______ jusqu'à la station-service Shell de Muxbal, où il y avait A______ ainsi que beaucoup de personnes, dont plusieurs "vêtues en policier mais avec les bonnets". De cet endroit, ils étaient allés à la prison de Pavón. Entre 05:30 et 06:00, il avait pris position, avec CCC______ et ses collègues, au niveau de l'une des tours du centre pénitentiaire. MMM______ s'y trouvait aussi. Après l'ouverture des clôtures, un groupe était entré dans l'enceinte pénitentiaire, composé d'hommes portant l'uniforme de la police nationale, "genre commando", et d'autres en civil, mais qui tous avaient des passe-montagnes. Ils tiraient au moyen de leurs armes à feu. Il avait reconnu le commissaire GGG______ parmi eux. Il était entré à son tour avec CCC______, EE______ et d'autres collègues. Ils avaient entendu des détonations de tous les côtés et s'étaient jetés à terre. Les tirs s'atténuant, ils s'étaient rendus vers une "maison luxueuse". Sur place, le témoin avait vu le même groupe d'hommes armés, dont GGG______, entrer dans la maison. Des détonations s'étaient fait entendre et les hommes en étaient ressortis. Le témoin, ainsi que d'autres collègues d'autres commissariats, étaient entrés à leur tour. Ils avaient fouillé la maison à la recherche de détenus. Il s'était rendu dans des "espèces de poulaillers" où il avait vu une personne à terre dont il ne savait si elle était en vie ou non, couchée sur le dos, tenant un fusil entre les mains. Son groupe avait ensuite continué son chemin le long d'une ruelle, accompagnant CCC______ dans la fouille d'habitations, au moyen d'un écarteur hydraulique. Ils s'étaient rendus dans la cour principale, où il avait vu le ministre FFF______, EEE______ et A______ s'entretenir avec CCC______. Ils étaient retournés dans la propriété "luxueuse" où MMM______ et le policier assurant sa protection, Y______, se trouvaient déjà. CCC______ était entré dans la maison et leur avait donné l'ordre de rester dehors. Il avait vu une voiture cabine blanche avec un "espèce de fourgon de fourrière de couleur bleue" arriver vers la clôture. Une personne barbue à la peau bronzée claire, accompagnée de JJJb______, en était descendue et les deux hommes étaient entrés dans la maison. Un commissaire, dont le nom lui échappait, sommait ses collègues de sortir rapidement de la maison. Il avait entendu un des membres du "groupe" dire "ils emmènent NNN______". Après un certain moment, CCC______ était sorti de la maison et, alors qu'ils marchaient en direction de leur véhicule, à environ cinq mètres de la maison, ils avaient entendu des coups de feu. CCC______ s'était retourné rapidement, mais n'avait eu aucune autre réaction. Cinq minutes plus tard, il avait vu sortir "le reste du groupe qui était dedans ; c'était GGG______…". Ils s'étaient rendus vers l'entrée principale de Pavón, où se tenaient A______, EEE______ et l'ex-ministre FFF______.

n.r.b. Z______ a confirmé la déclaration qui précède lors de son audition par le MP, à Genève (500'506 ss). Lors de la réunion à laquelle avait participé CCC______ la veille de l'opération, il avait attendu à l'extérieur, avec EE______ et Y______. Ils étaient arrivés à Pavón à proximité du point A, avaient marché jusqu'à une tour située au point B, en longeant la prison et passant notamment par le secteur C. MMM______ était déjà présent au point B. EE______, CCC______ et lui-même étaient entrés dans la prison derrière le groupe de tireurs armés. Ils avaient accédé à la maison en montant par un chemin en pente et étaient arrivés sur les lieux à la hauteur d'un portail. Les hommes qui les précédaient, dont GGG______, étaient entrés par la porte grillagée, et le témoin avait entendu des coups de feu. Tout de suite après les détonations, les individus étaient ressortis de la propriété par la même porte. CCC______, qui était resté à l'extérieur avec EE______, avait ordonné au témoin d'entrer pour fouiller la propriété, comme le faisaient d'autres policiers. Z______ avait vu une personne couchée sur le dos avec un fusil à la main, gisant à l'extérieur d'une "champa", soit "une construction avec quatre poteaux en bois et des lamelles qui servent de toit". Il a identifié cette personne comme étant celle figurant sur le cliché P1050236 (ndlr : TTT______). Néanmoins, le lieu visible sur la photographie n'était pas celui où il avait vu cette personne. Il ne savait pas si elle était morte mais elle ne bougeait pas. Il avait continué à fouiller les champas, avec des collègues de la PNC. Il avait passé en tout un quart d'heure dans la propriété, sans jamais entrer dans la maison. Il avait ensuite fouillé des maisons préalablement ouvertes au moyen d'un écarteur hydraulique, avec CCC______ et EE______, puis, aux alentours de 08:00 et 09:00, il s'était rendu avec les précités dans la cour principale, où CCC______, A______, FFF______ et EEE______ avaient eu une discussion. Après 30 minutes, ils étaient repartis vers la maison de luxe, dans laquelle CCC______ était entré, après avoir ordonné au témoin, ainsi qu'à EE______ et Y______de rester devant la porte en métal et d'en bloquer l'accès. Depuis cet endroit, vers 10:00-10:30, Z______ avait vu un pick up s'arrêter au point B. JJJb______, vêtu de noir et portant une cagoule remontée jusqu'au bas du front, ainsi qu'une personne portant un pantalon court, qu'il a identifiée sur le cliché DSC00021 du dossier "Necropsia 3137-2006" (ndlr : cadavre de NNN______), étaient descendus de la banquette arrière du véhicule, du côté conducteur. JJJb______ tenait NNN______ par le bras. Ils étaient entrés dans la propriété en passant devant eux, puis dans la maison croisant CCC______ qui en sortait. Ce dernier avait rejoint le témoin et les autres, en leur disant que l'opération était terminée. Il avait entendu de nombreux policiers dire "on amène NNN______". Repartant sur le chemin, sur lequel il y avait beaucoup de policiers, pour se rendre au point B, à environ cinq mètres de la propriété, ils avaient entendu des détonations.

n.s.a. L'inspecteur AA______ a été entendu par le Ministère public spécial pour la CICIG le 10 septembre 2010 (451'008 ss). Le jour de l'opération Pavo Real, il faisait partie des agents munis d'un brassard bleu qui étaient entrés, uniquement armés de bâtons, dans le complexe carcéral à l'endroit où l'on entendait des coups de feu. A 150 mètres environ de ce point d'entrée se trouvait une maison appartenant à un détenu. Etaient d'abord entrés des hommes armés, portant un passe-montagnes, puis son groupe. Les détonations avaient cessé et les détenus avaient commencé à sortir. Entre 06:30 et 07:00, il avait vu deux de ces personnages au passe-montagnes emmenant un des détenus qui par la suite avait trouvé la mort, et dont il avait entendu dire qu'il était colombien. Le détenu était menotté et marchait sans opposer de résistance. On l'avait fait entrer dans une maison et, environ trois minutes plus tard, des détonations avaient retenti. Avant que l'intéressé n'entre dans la maison, il avait vu qu'il y avait deux cadavres à l'intérieur ; l'un d'eux avait une grenade à la main et un fusil se trouvait à côté de l'autre. Il avait également observé la présence de CCC______, la tête recouverte d'une capuche. AA______ l'a reconnu sur photographie, relevant la façon dont il portait un passe-montagnes et signalant qu'il tenait un fusil identique à ceux dont étaient munis les autres hommes encagoulés.

n.s.b. Auditionné par le MP par voie de commission rogatoire (22'319 ss), le témoin a confirmé sa précédente déclaration. Il avait bien entendu des détonations mais ne pouvait confirmer qu'il avait réellement été fait usage d'armes à feu dès lors que ses collègues et lui s'étaient jetés à terre, pour se protéger. Le lendemain des faits, il avait appris que l'homme qu'il avait vu passer était un Colombien barbu.

n.s.c. AA______ a également déposé devant les autorités autrichiennes, dans le cadre de la procédure dirigée contre CCC______ (dossier TCrim, F555 ss). Lorsque les hommes cagoulés et armés étaient entrés, des détonations avaient retenti et il avait été dit qu'elles provenaient de l'intérieur. L'un de ces hommes avait aussi parlé d'une grenade. Du point où il se trouvait, le témoin n'avait vu tirer que les hommes de ce commando, ne pouvant observer ce que les détenus faisaient car il s'était caché dans le lit d'une rivière. Lorsque les coups de feu avaient cessé, les intervenants non armés étaient sortis de leurs abris et les détenus étaient également apparus. AA______ et ses collègues avaient entendu dire "dans le groupe" qu'il y avait eu des morts dans la maison de style canadien. Deux cadavres se trouvaient effectivement à l'intérieur, un fusil et une grenade à côté d'eux, qu'il avait pu apercevoir sans être autorisé à entrer. Les cadavres gisaient dans une pièce à l'intérieur de la maison, aussitôt après l'entrée principale. CCC______ s'y trouvait également ; il avait soulevé sa cagoule. Alors qu'il s'éloignait, AA______ avait vu deux individus masqués conduire un homme, les mains dans le dos, comme si elles étaient entravées, à l'intérieur de la maison. Il avait entendu dire qu'il s'agissait du Colombien. Trois minutes plus tard, il avait entendu trois ou quatre détonations. Le témoin ne s'est pas souvenu d'avoir vu les scènes reproduites sur les photographies P1050234 ss.

n.s.d. AA______ a encore témoigné à l'audience de jugement. Il était toujours en poste au sein de la PNC. Le 25 septembre 2006, il avait pénétré dans l'enceinte par l'entrée B, derrière quatre ou cinq individus portant jeans, chemises et cagoules - sans qu'il ne se souvienne de gilets pare-balles - et munis d'armes longues. Ces hommes étaient montés en haut d'une pente, puis s'étaient mis à tirer. Une personne, qui n'était pas un détenu, mais se trouvait devant ces hommes, avait crié "grenade". Il n'avait pas vu d'autres personnes tirer. Les gens non armés s'étaient couchés pendant quelques minutes. Puis les tirs avaient cessé et les prisonniers avaient commencé de sortir, en se déshabillant. AA______ et ses collègues leur avaient fait franchir le grillage. Il était ensuite remonté jusqu'à la maison et avait entendu des policiers dire qu'il y avait des prisonniers armés à l'intérieur. Il s'était approché. Tout était silencieux. Il avait vu deux morts, à travers la porte en bois, en face du portail, qui était en effet ouverte. Il avait le souvenir qu'ils gisaient sur le ventre. Il y avait des armes. La scène correspondait à celle illustrée sur les photographies P1050240 à 244 (ndlr : cadavres de SSS______ et PPP______). Une seule personne était présente, soit CCC______, qui ne l'avait pas vu sur le pas de la porte. Le témoin était parti, allant à la recherche d'autres détenus, puis était revenu en arrière et avait vu l'homme menotté conduit par deux individus encagoulés. Cet homme était torse nu, avait une barbe et n'était pas maltraité, mais il ne pouvait dire s'il avait des blessures sur le visage ou le torse, n'ayant pas été attentif. Il avait entendu le groupe de policiers dire que c'était le Colombien. Le lendemain, il avait vu la photographie de son cadavre dans les journaux. Environ cinq minutes plus tard, alors qu'il s'éloignait et venait de franchir le grillage, il avait entendu trois ou quatre coups de feu.

Depuis le début du procès au Guatemala, ou plutôt depuis le début de l'enquête, il avait peur, n'étant qu'un simple policier. Il était honnête et aimait que les choses se passent correctement, ce qui n'avait pas été le cas, selon ses critères, le jour de l'opération Pavo Real.

n.t. A lire la déposition de BB______ du 21 octobre 2010 devant le Ministère public spécial pour la CICG (451'005 ss), cet agent de la PNC avait été convoqué la veille de la prise de Pavón à une réunion à laquelle étaient notamment présents A______, le commissaire QQQQ______ et CCC______. Ce dernier lui avait donné pour mission de coordonner, lors de l'opération, les agents chargés de la prise de photographies des détenus se trouvant à Pavón. Au cours de l'opération, alors qu'il se trouvait au poste où les détenus étaient enregistrés, photographiés et dactyloscopiés avant leur passage à Pavoncito, il avait reçu un appel téléphonique de CCC______ lui demandant si, parmi les détenus déplacés, se trouvait un dénommé NNN______. Après s'être renseigné, il avait appris que le précité était effectivement à Pavoncito. Ce jour-là, il avait vu des personnes arborant un uniforme de type commando dépourvu de l'insigne de la police nationale.

n.u.a. CC______ a tout d'abord déposé sous couvert d'anonymat devant le Ministère public spécial pour la CICIG (450'722 ss). Lors de l'opération de Pavón, le 25 septembre 2006, son rôle était de sortir les détenus de la prison et de les remettre à ses collègues en vue de leur transfert à Pavoncito. Une quinzaine d'hommes cagoulés et armés étaient entrés en premier dans l'enceinte, tout en tirant à droite et à gauche. CC______, ainsi que ses collègues, avaient suivi. Certains prisonniers se rendaient. Conformément aux ordres, ils avaient rassemblé les détenus à l'intérieur de la clôture, près de Pavoncito, pour les remettre à leurs collègues se trouvant de l'autre côté. Le groupe d'hommes cagoulés s'était présenté avec une liste de noms de prisonniers et avait commencé d'en extraire certains pour les emmener "dans la maison de type canadien", où "on entendait des coups de feu".

Poursuivant sa mission avec ses collègues, il avait emprunté la Sextavenida (recte : la rue des ateliers) et avait vu que les cagoulés avaient encerclé la maison du Colombien et barraient l'accès à d'autres agents de la PNC. Pouvant voir à "l'intérieur", il avait constaté la présence de KKK______, CCC______ et EEE______. Les hommes cagoulés avaient amené un détenu aux mains liées dans le dos et tenant une bible. Ils l'avaient fait entrer dans le périmètre de la propriété, vers la porte principale. Il avait entendu une rafale ; il avait vu l'homme "tomber par terre" mais pas "quand ils [avaient] tiré sur lui". Le témoin a identifié cette personne sur la photographie P1050238, représentant RRR______. Il avait également observé les cagoulés faire entrer cinq prisonniers au total "dans la maison" du Colombien, et "on continuait à entendre d'autres rafales". Cela avait eu lieu vers 08:00.

Il avait vu, "au fond de la maison", un prisonnier habillé d'un pantalon en toile, d'un blouson bleu clair à manches longues et de bottes, étendu par terre, un fusil à ses côtés, et l'a identifié sur la photographie DSC05817, représentant TTT______. Deux procureurs étaient présents et lui avaient demandé s'il allait "activer la procédure". A______ et FFF______ s'étaient présentés et étaient entrés "dans la maison". Il avait ensuite quitté ce lieu, mais continuait à entendre d'autres coups de feu.

Par la suite, il avait vu un prisonnier barbu, les mains attachées dans le dos, qui avait été violemment frappé, emmené par deux cagoulés. Il lui semblait que ces derniers l'avaient fait descendre d'un pick up noir de marque Frontier. Il les avait vus entrer dans le périmètre de la maison du Colombien et, deux minutes plus tard, entendu des coups de feu d'une arme probablement automatique.

Les prisonniers ne s'étaient jamais opposés à l'intervention et n'avaient pas tiré avec des armes à feu. Les cagoulés avaient empêché l'accès aux procureurs des droits de l'homme et de toute entité qui veillerait sur les droits des prisonniers.

CC______ avait peur pour sa vie, raison pour laquelle il n'avait pas dénoncé les faits le 25 septembre 2006 déjà, sachant que ceux qui avaient organisé l'opération étaient au pouvoir. Il tenait néanmoins à dire la vérité.

n.u.b. Devant le MP genevois, le témoin a confirmé ses premières déclarations sous couvert d'anonymat, tout en précisant avoir par moments utilisé la première personne du pluriel alors qu'il ne parlait en fait que de lui-même et soulignant qu'il était extrêmement nerveux lors de ladite audition.

Il travaillait à la PNC depuis 1996. Lors de l'opération de Pavón, il faisait partie du groupe orange chargé de déplacer les prisonniers jusqu'au lieu de passage vers Pavoncito, désigné par une croix rouge sur la vue aérienne. Au début de l'opération, il était assigné à côté du terrain de foot inondé, d'où il pouvait voir "la maison du Colombien". Au début de l'opération, lorsque les hommes vêtus de noir et portant cagoule étaient arrivés en tirant à proximité de la propriété, des détonations se faisaient entendre. Il avait vu des étincelles, qui selon lui provenaient des tirs des hommes encagoulés. Il n'y avait pas eu de tir dans sa direction ; d'ailleurs, il ne s'était pas couché pour se protéger et ses collègues non plus. Les hommes cagoulés tiraient vers la maison et pas sur les détenus qui se rendaient de sorte qu'aucun n'avait été blessé.

Il était passé devant la propriété qui était entourée par le groupe d'homme habillés en noir. En empruntant le chemin menant à Pavoncito, il avait croisé des prisonniers nus qui étaient regroupés à proximité du point C. Les personnes vêtues de noir, tenant une liste à la main d'une taille de feuille A4, appelaient certains prisonniers par leur nom et leur attachaient les mains dans leur dos avec des liens en plastique.

Sur ordre du commissaire général, ses collègues et lui s'étaient rendus à la Sextavenida (recte : la rue des ateliers) pour surveiller les affaires des prisonniers. Ils s'étaient postés à environ cinq mètres les uns des autres, de sorte qu'il s'était retrouvé devant le portail de la propriété de NNN______, visible sur la photographie P1050215. A ce moment-là, il n'y avait pas d'agents autour de la maison, ceux-ci étant arrivés après. Le témoin avait vu un des hommes habillés en noir amener un prisonnier, qui avait les mains attachées dans le dos, jusque dans la propriété ; il avait entendu des détonations et pensait qu'il s'agissait de coups de feu. Un deuxième prisonnier avait été conduit. Il était gros, avec une coupe type "champignon". Il portait une chemise jaune, ses mains étaient attachées, et il tenait une bible.

Suite à cela, il avait vu FFF______, A______ et EEE______, qui tenait des béquilles, entrer dans la propriété. Il y avait également CCC______, lequel était sans doute déjà là avant leur arrivée, ainsi que GGG______ et KKK______.

Suite à une autre détonation, CC______ était entré dans la propriété et avait vu le premier prisonnier, en sang, possiblement mort, à l'extérieur de la maison. Il y avait un fusil noir appuyé contre le muret à côté de lui. Le deuxième prisonnier gisait également là, couvert de sang. Ils se trouvaient tous deux sous une sorte de toit à lamelles. Le premier prisonnier était celui figurant sur la photographie DSC05817 (ndlr : TTT______) et le second celui figurant sur le cliché P1050240 (ndlr : SSS______), étant précisé qu'il l'avait vu à l'extérieur de la maison couché par terre, et non pas à l'intérieur comme sur la photographie. Il n'était pas seul à ce moment-là, deux hommes portant des gilets du Ministère public étaient sur les lieux, à côté du premier cadavre, et lui avaient demandé s'il allait procéder à la levée de corps, ce à quoi il avait répondu par la négative. Lorsque les "chefs précités" l'avaient vu proche des corps, les auxiliaires du MP étaient déjà partis, l'un d'eux avait dit "sortez-le".

Il avait quitté les lieux et avait croisé trois autres prisonniers, mains liées dans le dos, emmenés par les cagoulés sur la Sextavenida (recte, la rue des ateliers) puis dans la propriété du Colombien. Il avait poursuivi son chemin en direction du point C et avait encore entendu des détonations, soit des coups de feu selon lui.

Au point C, du ravitaillement avait été apporté et le témoin avait mangé un sandwich, pour son petit déjeuner. A ce moment-là, depuis le bord de la route, il avait vu un prisonnier barbu à l'arrière d'un pick up qui se dirigeait en direction du point B. Le témoin pensait que l'homme avait été frappé vu la présence de tâches de sang sur sa joue. Depuis l'endroit où il se trouvait, il avait pu observer les hommes cagoulés l'emmener en le tenant par les bras en direction de la maison du Colombien. Environ 10 minutes plus tard, il avait entendu des détonations. Le détenu était celui figurant sur la photographie DSC00021 du dossier "Necropsia 3137-2006" (ndlr : NNN______) et les marques sur la joue du cadavre correspondaient à celles qu'il avait vues.

Durant toute l'opération, aucun détenu n'avait opposé de résistance.

CC______ percevait comme particulièrement cynique le fait de s'être vu remettre un diplôme pour sa participation à l'opération, alors qu'il n'était pas d'accord avec ce qui s'était passé ce jour-là. Enfin, il demandait une aide, soit économique soit eu égard à sa résidence, car il craignait pour sa vie et celle de ses proches.

n.u.c. A l'audience de jugement, CC______ éprouvait encore de la peur, mais voulait déposer car il n'aimait pas l'injustice. Il a confirmé ses deux précédentes déclarations.

Le jour de l'opération, lui et ses collègues étaient arrivés par le Nord et avaient contourné la prison, à pied, par l'Ouest pour arriver au point B vers 06:00. L'entrée dans la prison s'était déroulée de la façon déjà décrite. Aucun détenu n'avait usé d'objets ou d'armes contre les policiers. La photographie P1050185 correspondait au moment où les détenus se rendaient. Après être entré, il s'était dirigé vers la maison du Colombien, qui était encerclée par les hommes cagoulés et habillés en noir, dont certains portaient un insigne, et qui en limitaient l'accès. Ayant continué son parcours à la recherche des prisonniers, le témoin était arrivé près d'une lagune (ndlr : le terrain de foot, inondé le jour des faits) où il y avait une entrée. A cet endroit, il avait vu des groupes de prisonniers et son attention avait été attirée par les personnes vêtues de noir et portant des cagoules qui tenaient une feuille entre leurs mains. Il était ensuite remonté vers le Nord en longeant l'enceinte pour revenir par la rue des ateliers vers la maison de NNN______. C'est à cet endroit qu'il s'était arrêté puis était reparti par la rue des ateliers, en direction de Pavoncito. Il avait mangé son sandwich et était ensuite allé à Pavoncito.

Lorsqu'il s'était rendu pour la deuxième fois vers la maison de NNN______, il avait vu deux prisonniers emmenés par les hommes cagoulés dans la propriété. A ce moment-là, il était devant le portail visible sur le cliché P1050215 et pouvait voir à travers le grillage. Les prisonniers étaient entrés dans la propriété par l'entrée principale où il y avait un grand portail, qu'il a reconnu sur la photographie 17 du chargé du Tribunal criminel (F452), et s'étaient ensuite dirigés à gauche sur quelques mètres, le témoin n'avait pas pu les suivre plus loin du regard. L'un des détenus était gros avec une coupe de cheveux en forme de "champignon", il tenait une bible dans ses mains. Il l'a reconnu, sans nul doute, sur la photographie P1050240 représentant SSS______. Le deuxième détenu était mince et portait des moustaches. Il s'agissait avec certitude de la personne visible sur le cliché P1050236, soit TTT______, ainsi que sur la pièce 202'353 (DSC00056 du dossier "Necropsia 3132-2006"). Ayant entendu des tirs, il avait pénétré dans la propriété et avait vu deux cadavres. Il s'était rendu dans la "cour en terre" figurant sur la photographie 7 agrandie du chargé du Tribunal criminel (F440). Le corps, dont on lui avait dit qu'il s'agissait de TTT______, se trouvait au point B, soit au même endroit que celui visible sur le cliché P1050236 (202'145). Il avait vu l'autre dépouille, à l'extérieur, ce qui ne correspondait pas à l'environnement visible sur le cliché P1050240 (202'149) (ndlr : SSS______ gisant dans la pièce principale de la maison de NNN______). Il confirmait n'avoir pas vu les tireurs ou entendu les tirs.

Lorsqu'il était retourné devant le portail, après avoir vu les deux corps sans vie, ses chefs lui avaient demandé de partir. Peu de temps après, il avait remarqué, toujours depuis son poste, trois autres prisonniers emmenés dans le périmètre de la maison par la porte principale.

Sur la pièce 500'260 (cadavre de NNN______), il reconnaissait le visage de l'homme qu'il avait vu passer dans un pick up lorsqu'il mangeait son sandwich.

Il avait vu A______ lorsqu'il était près du portail de la maison de NNN______, désignant sa propre position sur la photographie no 7 du chargé du Tribunal criminel (pièce F440) par un rond rouge et celle du prévenu par un rond accompagné de la lettre C. Une distance de 10 mètres les séparait. C'était avant la scène visible à la minute 14'07'' du film "Assaut Est" (ndlr : montée d'A______ avec plusieurs autres personnes vers la maison de NNN______) ; il était passé "dans le sens contraire". A aucun moment il n'avait vu A______ entrer "dans" la maison du Colombien. Il avait également vu arriver FFF______ vers ladite maison avant cette scène, ainsi qu'EEE______, mais à un moment dont il ne se souvenait pas. GGG______ était présent dans la propriété de la maison de NNN______ lorsque les deux premiers détenus étaient arrivés. Il était armé, habillé en noir et portait une cagoule qu'il avait un peu relevée de sorte que le témoin avait pu le reconnaitre. FFF______ et A______ n'étaient pas arrivés ensemble à la maison de NNN______, contrairement à ce qu'il avait déclaré précédemment. Il ne connaissait pas KKK______.

n.v.a. DD______, tout d'abord entendu par le Ministère public spécial pour la CICIG (450'704 ss), appartenait pour sa part à la sécurité d'A______. L'escorte de l'appelant était allée le chercher à son domicile le 25 septembre 2006 à 03:00. Se rendant à Pavón, le groupe d'hommes s'était arrêté à une station-service, où A______ avait eu une réunion avec CCC______, EE______ et les frères JJJ______. Une autre réunion avait ensuite eu lieu devant l'entrée principale de la prison, entre les mêmes protagonistes, ainsi que KKK______ et EEE______. A______ et ses gardes du corps avaient pénétré dans l'enceinte par la porte principale et s'étaient dirigés vers la maison de NNN______, devant la clôture de laquelle se trouvaient des individus portant cagoule. A______ s'était entretenu avec CCC______ et KKK______ durant environ une demi-heure, puis il s'était rendu au terrain multisports où se trouvait peut-être GGG______, le témoin n'étant pas sûr de son souvenir. Des policiers interrogeaient les prisonniers, afin de s'assurer qu'ils n'emportent rien à Pavoncito. A______ s'était encore rendu à l'entrée de Pavoncito. Le témoin n'avait pas entendu de coups de feu, ni vu de cadavres ou d'armes détenues par les prisonniers. Il avait par moment perdu A______ de vue mais son escorte était toujours avec lui. Il ne l'avait pas vu entrer dans une maison. Sur les photographies, il a identifié A______, CCC______, EE______, KKK______, EEE______ ainsi que les frères JJJ______, notamment JJJa______ (P1050161).

n.v.b. Devant les premiers juges (A100 ss), le témoin a confirmé sa précédente déclaration, dont il avait d'ailleurs une copie avec lui. La réunion à la station d'essence était une réunion des comités d'escorte. Il y avait aussi le groupe de GGG______. A______ avait discuté avec CCC______ et GGG______. L'homme portant casque et lunettes sur la photographie P1050190 était JJJa______. Il s'agissait probablement du même homme que sur la P1050189. DD______ réitérait ne pas avoir entendu de tirs lors de l'opération. Les hommes qui s'étaient couchés l'avaient fait parce que des détenus avaient lancé des projectiles dans leur direction. C'était lorsqu'ils se trouvaient à proximité de la maison de NNN______ qu'A______ avait, par moments, été hors de sa vue. DD______ pouvait entendre les communications que son chef HH______ recevait par radio jusqu'à environ 7 m de distance. MMM______ était présent à Pavón ce jour-là, habillé en commando. Après avoir pensé que l'homme portant le gilet "Police" sur certaines photographies était JJJa______, le témoin a réfléchi et est parvenu à la conclusion qu'il s'agissait de MMM______. A______ avait souvent utilisé un téléphone portable durant l'opération.

Ayant déposé au procès de GGG______, DD______ avait peur pour sa famille et lui-même. A______ et CCC______ avaient fait des bonnes choses, mais aussi des mauvaises, au sujet desquelles il avait eu l'honneur de déposer devant le TCrim. Sans accuser quelqu'un en particulier, il pensait que des ordres d'assassiner des prisonniers avaient été donnés ce jour-là.

n.w.a. Entendu en avance de preuve par un juge local, EE______, agent de la PNC à la retraite, a commencé par expliquer qu'il n'avait pas dénoncé plus tôt les faits par crainte des représailles, évoquant même un danger de mort.

Au moment de l'opération Pavón, il était le chef du groupe assurant la sécurité de CCC______. Le 22 septembre 2006, il l'avait accompagné à la résidence de FFF______ où devait se tenir à 16:00 une séance de coordination d'une importante opération. A______ était présent. Il y avait aussi la sécurité du Président, celle du Procureur général, EEE______ et KKK______. Ils étaient repartis vers 22:00 pour se rendre au domicile de MMM______ où son frère était resté jusqu'à minuit environ. De retour chez CCC______, AA______ avait dû aller chercher un sac dans la camionnette de ce dernier. Le témoin y avait vu des fusils. Le jour de l'opération, il était allé chercher CCC______ à son domicile à 03:00, selon les instructions reçues. MMM______, muni d'un fusil à lunette télescopique, et les frères JJJ______ étaient arrivés. Ils étaient vêtus de noir et portaient des cagoules. Une réunion avait eu lieu devant la prison, à laquelle GGG______ et A______ avaient participé. Ils avaient ensuite rejoint une tour de garde dans laquelle CCC______ et son frère étaient montés. Ils avaient effectué des observations, au moyen du fusil à lunette télescopique de MMM______. L'armée était arrivée avec un char. Il y avait les frères JJJ______, GGG______ et "l'équipe" de ceux qui travaillaient pour KKK______.

A 06:00, l'ordre d'entrer avait été donné et le char avait fait tomber le grillage avant de rester coincé. Ils avaient été les premiers à entrer, avec leurs cagoules, dont EE______ a précisé qu'elles avaient été achetées dans une armurerie quelques temps auparavant, par CCC______, et avaient entrepris de remonter la pente en direction de la maison de NNN______. Les gens de KKK______ et de GGG______ s'étaient jetés à terre et mis à tirer. EE______ n'avait pas entendu de tirs provenant de la maison de NNN______. Les hommes de KKK______ étaient entrés dans ce bâtiment tandis que les prisonniers sortaient des baraques, les mains en l'air. Ils n'avaient pas opposé de résistance. Ils avaient dû se déshabiller. Un deuxième groupe d'hommes des forces de l'ordre était arrivé, parmi lesquels se trouvaient JJJa______ et JJJb______, ce dernier équipé d'une caméra. Il avait dit à un policier de lui remettre un prisonnier et s'était exclamé à l'attention de CCC______, occupé à ouvrir un entrepôt avec un outil spécial, que TTT______ avait bien failli leur filer entre les doigts. Le témoin avait remarqué que TTT______, dont les mains avaient été attachées avec un lien en plastique, portait une grosse chaîne et une médaille en or. CCC______ et le témoin avaient poursuivi leur chemin puis les frères JJJ______ étaient revenus et CCC______ leur avait dit qu'il fallait rechercher le Colombien qui était introuvable. Au niveau des ateliers, les prisonniers formaient deux files d'où les frères JJJ______ avaient extrait un "gros basané".

CCC______ était ensuite retourné à la maison de NNN______ où se trouvaient GGG______ et l'équipe de KKK______. Le dénommé VVV______ avait fait sortir de la maison un détenu pas très grand, moustachu, tout habillé, et l'avait emmené derrière la maison. VVV______ était revenu seul et avait dit à GGG______, en présence de KKK______ et CCC______, qu'il lui avait laissé TTT______. EE______ avait réalisé qu'il n'avait pas reconnu le détenu observé précédemment, parce que ce n'était pas la même chose de voir un homme nu ou habillé, mais il avait effectivement vu la chaîne avec la médaille, à travers le col entrouvert de la chemise. GGG______ s'était rendu à l'endroit où VVV______ disait avoir laissé TTT______. Des coups de feu avaient retenti, puis GGG______ était revenu, disant que l'homme n'était pas encore tout à fait mort et que ce n'était sans doute pas encore son heure. Il était ensuite reparti, il y avait encore eu des coups de feu et GGG______ était revenu et avait annoncé que c'était bon. CCC______ lui avait donné une tape dans le dos et les deux hommes avaient ri. CCC______ s'était rendu à son tour dans ce hangar, disant à EE______ de ne pas le suivre. Par la suite, CCC______ était entré dans la maison de NNN______, puis en était sorti et avait demandé au témoin de quitter la propriété, lui disant que deux personnes du Ministère public allaient venir. EE______ avait entendu des coups de feu venant de la maison. Par la suite, il avait dû voir si RRRR______, un homme de GGG______, arrivait. Lorsqu'il était venu, cet homme portait un sac à dos et avait dit qu'il pensait qu'il "y a[vait] assez". Il était entré dans la maison. Peu après, CCC______ était venu, accompagné de deux fonctionnaires du Ministère public dépourvus de gilets officiels. Ils étaient entrés dans la propriété. A______ était aussi arrivé ainsi que d'autres officiels, y compris par hélicoptère.

EE______ n'avait pas vu de représentants des forces de l'ordre tenant des documents.

Après l'opération, les frères JJJ______ et MMM______ étaient partis dans le véhicule de CCC______.

Selon ce témoin, les frères JJJ______ participaient à des séances en présence d'autres chefs dans le bureau d'A______, auquel ils accédaient par une seconde porte, également empruntée par le directeur de la PNC. Les deux hommes entretenaient une relation de confiance tant avec CCC______ qu'A______. Pour le témoin, CCC______ se faisait conseiller par KKK______ car lui-même n'y connaissait rien au travail de la police. GGG______ rencontrait également souvent CCC______, mais il n'avait pas confiance en lui, en raison de son manque de compétences.

Le témoin a identifié divers protagonistes sur photographie, dont lui-même (P1050160), JJJa______ (P1050161), TTT______ (P1050188 et 192 - le témoin soulignant que sa chaîne brillait -) avec JJJa______ (P1050189 et 190). JJJb______ apparaissait aussi sur plusieurs images (P1050189, 190, 191, 200), CCC______ et lui-même ouvrant le dépôt (P1050205), MMM______ avec le fusil à lunette télescopique (P1050233 [ndlr : soit la photographie sur laquelle apparaît PPP______]) puis en compagnie de JJJa______ (992), A______ et, sur la même photographie mais partant dans la direction opposée MMM______ revêtu du gilet "Police" (DSC05772), et le cadavre de TTT______ (DSC05821).

n.w.b. EE______ a également été entendu par le MP à Genève (500'359 ss ; 500'372 ss), devant lequel il a confirmé la déclaration précitée.

Il était resté auprès de CCC______, dont il assurait la sécurité, tout au long de la journée, sous la seule réserve du moment où on lui avait demandé de quitter la propriété de NNN______. Z______ était tout le temps avec lui, sauf quand il était allé chercher la pince pour forcer les cadenas, dans un pick up au point B, et lors du moment où un prisonnier avait été extrait d'une file. Toutefois, il n'était jamais très proche, car il portait cette grosse pince. MMM______ était bien présent, déjà lors du rendez-vous au domicile de son frère, à 03:00, vêtu de la même façon que sur la photographie P1050233, soit notamment avec le gilet portant l'inscription "Police", et muni d'un fusil. Cet accoutrement ne correspondait pas à un uniforme officiel. Il avait vu A______, CCC______, KKK______, GGG______ et EEE______ discuter autour d'une carte, devant l'entrée principale de la prison, avant le début de l'intervention, mais il n'avait pas entendu ce qu'ils disaient, KKK______ ne souhaitant pas qu'il s'approchât. Ensuite, CCC______ et lui avaient pris un véhicule jusqu'à l'extrémité Ouest du complexe (niveau où la sortie C avait été ouverte dans le grillage) et étaient remontés à pied jusqu'au point d'où l'assaut avait été donné, aux pieds de la maison de NNN______. Se trouvaient à cet endroit, outre CCC______ et sa sécurité, dont Z______, les hommes de KKK______, ceux de GGG______ et les frères JJJ______, ainsi que des soldats et des policiers qui encerclaient le complexe. MMM______ était également parmi eux lors de la montée. Les tirs avaient duré une quinzaine de minutes et il avait dû s'écouler environ 30 minutes entre le début de l'opération et le moment où le témoin avait vu les prisonniers dévêtus. Après avoir été contraint de se déshabiller et avoir eu les mains attachées dans le dos, TTT______ avait été soulevé et emmené par JJJb______ en direction de la maison de NNN______, tandis que les autres prisonniers étaient conduits à l'ouverture B, sans que le témoin ne puisse dire s'ils étaient passés par ce point. Par la suite, les prisonniers qui avaient été placés dans des files avaient été menés vers la sortie C. Il reconnaissait JJJb______, casqué et filmant, sur les images P10501191 et 192 ainsi que, sur cette dernière, TTT______. JJJb______, portant un fusil UZI, était aussi sur la P1050200. CCC______ était l'homme au premier plan sur la P1050202. C'était par un appel téléphonique que ce dernier avait été informé de ce que NNN______ n'était pas dans la maison. CCC______ avait alors fait un autre appel et ordonné qu'on le recherche, précisant que le temps à disposition arrivait à sa fin. A ce moment, les frères JJJ______ étaient arrivés et JJJa______ avait sorti de la file un homme gros, au teint basané. Il ne s'agissait pas de l'homme mort apparaissant sur la photographie DSC0008, mais bien celui sur la P1050240, soit SSS______, le témoin le reconnaissant à sa chemise jaune. Il ne se souvenait pas si JJJb______ était présent alors que tel était le cas de CCC______. Z______ n'était pas là, étant rappelé que ses déplacements étaient rendus difficiles par la grosse pince qu'il transportait.

EE______ avait suivi CCC______ dans la propriété de NNN______, retrouvant, derrière la maison, KKK______ et GGG______. Le témoin avait entendu des bruits et des lamentations dans la maison. TTT______ avait été amené dans la galera, soit un endroit avec un toit à lamelles.

Par la suite, c'était KKK______ qui l'avait fait sortir de la propriété, ainsi que Z______. A______ était arrivé à ce moment-là et avait passé le portail en compagnie de KKK______. Depuis le portail, CCC______ lui avait demandé d'aller voir si BB______ arrivait et de lui demander s'il apportait "suffisamment" ce à quoi l'intéressé avait répondu qu'il espérait que oui. CCC______ lui avait également dit que l'opération était bien ficelée car deux hommes du Ministère public allaient venir "préparer la scène du crime". En revenant avec BB______, EE______ avait vu à travers le grillage qu'A______ était à l'intérieur de la propriété et s'apprêtait à entrer dans la maison.

Pour ce témoin, A______ et CCC______ travaillaient en accord l'un avec l'autre lors de l'opération. D'ailleurs, lorsque CCC______ était passé de la Direction de la santé à celle des enquêtes criminelles, il lui avait demandé les motifs de ce changement et CCC______ avait répondu qu'A______ et lui étaient presque frères, que son fils appelait le directeur de la PNC "oncle" et que le bras droit d'Adolf HITLER aussi était médecin.

Il avait été difficile pour EE______ de prendre la décision de témoigner. Il aurait dû dénoncer aussitôt les faits mais avait eu peur pour sa vie ; après avoir déposé, il avait dû quitter le pays avec sa famille. Il avait été suivi à plusieurs reprises. Répondant à une question de la défense, il a indiqué n'avoir subi aucune pression de la CICIG.

L'audition de EE______ a été émaillée d'incidents. Notamment, lors de la signature du procès-verbal, le premier jour, A______ a pris des nouvelles du témoin et de sa famille, demandant s'ils étaient tous ensemble, ce que le témoin a ressenti comme une menace. Selon l'interprète, le prévenu aurait également demandé au témoin si c'était ainsi qu'il avait été éduqué, mais A______ a contesté ce dernier propos et a ironisé, le lendemain matin, sur le fait qu'il devait se départir de ses bonnes manières.

n.x.a. A teneur de sa déposition au Ministère public spécial pour la CICIG le 14 février 2011 (451'001 ss), FF______ chef de poste, avait assisté le 24 septembre 2006 pendant la nuit, à une réunion à l'académie de la PNC en présence d'un effectif d'environ 250 agents de police, conduite par la Direction de Pavón et les officiers supérieurs de la PNC – dont A______ – au sujet de l'opération dans la prison prévue le lendemain. Sur place le jour de l'opération, vers 04:00 - 05:00, le commissaire SSSS______ lui avait ordonné de signer un reçu dressé par un agent pénitentiaire aux termes duquel le bureau de commandement sis à l'entrée principale de la prison de Pavón ainsi qu'un ordinateur lui étaient confiés. Peu après, il avait entendu des coups de feu et des explosions et s'était mis à plat ventre pour se protéger. Il avait vu sortir un ou deux détenu(s) blessé(s) par balle.

n.x.b. Dans le cadre de l'exécution de la commission rogatoire genevoise (220'358 ss), ce témoin a confirmé sa précédente déclaration, si ce n'est qu'il n'était plus certain qu'A______ avait participé à la réunion sus-évoquée. L'ordre de signer le document attestant de la réception du bureau du commandement et de l'ordinateur lui avait été donné "au hasard" lorsqu'il était "en formation en dehors de la prison", alors que "ce n'était pas prévu".

n.y.a. GG______ a d'abord déposé devant un juge au Guatemala (450'056 ss), le 4 novembre 2010. En septembre 2006, il était affecté à la Division des enquêtes sur les explosifs et armes à feu de la PNC. Le 24 septembre 2006 à 16:00 environ, il lui avait été annoncé, ainsi qu'à ses collègues, qu'ils allaient participer à une opération et il leur avait été demandé de déposer leurs armes. Sur place, au dernier moment, ils avaient été instruits d'attraper les prisonniers, les mettre à nu, leur passer des menottes en plastique et les rassembler en vue de leur transfert à Pavoncito. Il était entré au niveau du passage entre les deux prisons, après avoir entendu plusieurs détonations d'armes à feu, de sorte que ses collègues et lui s'étaient couchés, ignorant la direction des tirs, et après avoir tenté en vain de pousser le tank qui était resté coincé. A l'intérieur du complexe, il avait observé de loin sur le côté droit, des gens portant un uniforme de type commando de couleur sombre, soit des bottes militaires, un casque et des lunettes, sans insigne, qui entraient et tiraient. Après avoir fouillé des détenus, il était monté vers le secteur des ateliers par le chemin en terre et avait vu les mêmes individus à l'uniforme de type commando emmenant trois prisonniers, nus.

Dans la zone des ateliers, son attention avait été attirée par un prisonnier qui rigolait d'un air moqueur et dont la bouche brillait, peut-être du fait d'une fausse dent. Il portait des bottes noires, une chemise, un pantalon et sur la tête une cagoule enfoncée à moitié, ne couvrant que son cuir chevelu. Il était conduit par les hommes du commando portant notamment casque et lunettes. GG______ s'était ensuite rendu vers une église, où les détenus étaient fouillés. A______ était présent, accompagné de sa sécurité. A midi, il avait reçu un appel de son chef d'unité lui ordonnant de se rendre au secteur des baraques parce que des engins explosifs y avaient été localisés. Il s'était exécuté et arrivé à l'endroit indiqué, en compagnie de ses collègues, il avait vu ce même détenu au rire moqueur gisant mort, portant des vêtements différents mais les mêmes bottes. Il s'agissait de l'homme apparaissant sur la pièce 201'826 (nldr : TTT______). Il était couché au fond d'un local fait de planches, face à une maison de type canadienne. Un fusil d'assaut de couleur sombre était appuyé contre la paroi. Se voyant présenter la photographie n° 10 figurant en pièce 201'816, GG______ a indiqué que le corps gisait "plus au fond que là où il y avait l'endroit plein de sang et le fusil d'assaut". Pour lui, il n'y avait pas d'indices d'un affrontement armé entre la police et les détenus, mais il avait constaté la présence de multiples orifices, qu'il présumait causés par des projectiles d'arme à feu, dans les vitres de la maison.

Aucune mesure n'avait été prise pour sécuriser la scène et des représentants du Ministère public des délits contre la vie étaient présents, ainsi que des agents de la PNC et un major de l'armée, TTTT______, qui lui avait remis deux grenades à fragmentation, en parfait état de marche. On lui avait dit que ces engins explosifs avaient été retrouvés sur les différents morts. Un rapport avait été dressé et une expertise avait été faite puis envoyée au procureur du Ministère public.

Sur présentation des photographies du corps de RRR______ tenant une grenade dans la main, GG______ a indiqué "je suppose qu'elle a été placée comme ça", car la position de la grenade n'était pas habituelle selon son expérience. Si le détenteur avait voulu faire détonner l'engin, il aurait placé le levier de l'autre côté. En effet, lors du retrait de la goupille, ce qui était déjà difficile avec la grenade dans cette position, le levier de sécurité poussait l'engin vers l'avant, ce qui pouvait provoquer sa chute à proximité de la personne qui l'actionnait. Selon son expérience, une grenade ne s'empoignait pas de cette façon.

Après avoir travaillé cinq ans au sein de l'unité des explosifs, il avait été transféré, prétendument pour sa protection, après avoir dénoncé des anomalies, notamment des vols et des pertes d'armes, soit des grenades à fragmentation, semblables à celles retrouvées lors de l'opération Pavo Real, et des bâtons de dynamite. Aucune suite n'avait été donnée à l'enquête et il avait été fait en sorte que l'on croie que c'était lui qui inventait des incidents. Suite à ce transfert, il avait perdu sa spécialisation et subi une diminution de salaire alors que des officiers ayant commis des exactions avaient été récompensés.

n.y.b. Entendu par le MP à Genève (500'330 ss), GG______ a confirmé sa précédente déposition, réitérant avoir vu le 25 septembre 2006 lors de l'opération de Pavón, TTT______ d'abord vivant puis mort, et l'identifiant sur la photographie DSC05818. Il l'avait aperçu dans une petite ruelle, vivant, maîtrisé et emmené par des personnes armées de fusils, portant un uniforme noir qui n'était pas celui de la PNC, une cagoule, et un casque. Lorsqu'il l'avait revu ensuite, la scène était celle de la photographie DSC05818.

n.z. HH______, selon sa déposition au Ministère public spécial pour la CICIG (450'247 ss), était le chef du groupe de six hommes chargés d'assurer la sécurité d'A______. Le 24 septembre 2006, A______ leur avait expliqué qu'ils allaient l'accompagner sur une mission dangereuse à Pavón, lors de laquelle il pouvait y avoir des morts, tant parmi les détenus, ceux-ci étant armés, que parmi les policiers. Sur place, se trouvaient, devant la porte principale, FFF______, EEE______, CCC______ – qui donnait des directives –, un haut commandant de l'armée, des personnes portant les gilets avec l'inscription "droits de l'homme" et des membres du Ministère public. A______ ne faisait qu'observer le déroulement des opérations, qui avaient commencé vers 05:50. Trois groupes avaient été mis en place, un à la porte principale, dont A______ et ses gardes faisaient partie, les deux autres à gauche et à droite du terrain de football. Les détenus avaient dressé des barricades à chaque porte. Comme personne n'avait le courage d'entrer, A______ et ses hommes s'étaient avancés les premiers, les autres suivant l'exemple. Au même moment, un "tas de détenus [étaient] sortis en courant". Vers 06:30, des coups de feu s'étaient faits entendre "vers le côté gauche au fond de la prison". Suite à l'assaut, les prisonniers avaient été rassemblés sur un terrain de sport. Vers 08:00, ils avaient accompagné A______ à une maison où il y avait eu un affrontement et des morts. A leur arrivée, CCC______ avait reçu A______ et lui avait dit que l'opération avait été "difficile", mais qu'on ne déplorait de pertes que du côté des prisonniers. Les deux s'accordaient à dire que l'opération avait été un "succès". Leur discussion avait duré environ 30 minutes. Sur les lieux se trouvaient également GGG______ et les frères JJJ______, qui portaient des passe-montagnes, ainsi que des inconnus. A______ avait observé la maison, sans que le témoin ne se souvienne s'il y était entré ou non, précisant que "c'était comme s'il ne voulait pas trop pénétrer sur la scène".

Agents ou assesseurs du Système pénitentiaire

n.a'.a. II______ a exposé le 18 février 2011, devant le Ministère public spécial pour la CICIG (450'608 ss), qu'il était, lors de l'opération Pavo Real, chef de l'unité d'élite du Système pénitentiaire, son supérieur hiérarchique direct étant I______. Ses collègues et lui avaient été réveillés à la caserne à 02:30 par ce dernier, lequel leur avait indiqué qu'une fouille allait avoir lieu, à laquelle ils devaient participer, sans cagoule et sans arme. S'étant rendus à Pavón, ils avaient été informés par EEE______ que l'opération allait être menée par l'armée et la PNC, celui-ci s'assurant de ce qu'ils n'étaient pas armés. I______ lui avait ordonné de constituer trois groupes et l'avait instruit de se rendre à Pavoncito, afin d'y établir un périmètre de sécurité et de s'assurer que personne ne quitte les lieux. L'opération avait commencé par des explosions, suivies de rafales de tirs. Par la suite, il avait constaté la présence de nombreux gardiens assis sur un banc près de l'entrée de Pavoncito. Ceux-ci avaient justifié leur inactivité par le fait que la police avait pris les rênes de l'opération. "Alors que le soleil était déjà haut dans le ciel", il avait été requis de prendre, sur l'appareil téléphonique de l'étage, une communication de I______, lequel lui avait demandé de rechercher un groupe de détenus qui n'avaient pas été fichés par la PNC. II______ était donc parti "avec la liste" de huit à dix détenus dictée par son supérieur puis il avait reçu un nouvel appel de ce dernier lui demandant de rechercher uniquement NNN______. Le subordonné que le témoin avait chargé de cette mission était revenu flanqué d'un détenu portant des santiags, un jeans et une chemise à fleurs, lequel avait confirmé être NNN______. II______ en avait informé I______, qui lui avait demandé de conduire le détenu, sous bonne escorte, à l'entrée de Pavón. Le transport avait eu lieu au moyen d'une camionnette grise. II______ avait d'abord cherché I______ à l'infirmerie, puis, selon des nouvelles instructions, à l'entrée pratiquée dans le grillage où il l'avait trouvé, accompagné de plusieurs policiers, équipés de harnais et de bérets. Il lui avait remis le détenu puis était retourné à son poste. Il ne savait pas quelle heure il était alors mais le soleil commençait de se coucher.

n.a'.b. II______ est l'un des témoins entendus lors du procès en Autriche de CCC______ (dossier TCrim, F605 ss). A cette occasion il a précisé qu'il avait demandé à un collègue de rechercher NNN______, ne pouvant entrer lui-même dans l'établissement de Pavoncito parce qu'il ne portait pas son uniforme. Le pick up au moyen duquel il avait conduit le détenu à I______ était blanc. Les policiers avec lesquels ce dernier l'avait attendu portaient leur uniforme et pas de cagoule, mais bien des bérets. Ils avaient ôté les menottes du détenu. Il s'était dans un premier temps rendu à l'entrée principale avec le détenu, car I______ ne lui avait pas indiqué exactement où ils devaient se rendre. Ne voyant pas son supérieur, il s'était alors rendu à l'ouverture dans la clôture et l'y avait trouvé. Dès lors qu'il avait constaté que d'autres détenus avaient dû être renvoyés à la prison parce qu'ils n'avaient pas été enregistrés, l'instruction reçue au sujet de NNN______ ne l'avait pas surpris. Ce dernier portait une chemise, un jeans et des bottes de cow-boy, mais en aucun cas un pantalon court et clair. II______ n'avait pas entendu parler d'une liste de détenus recherchés et n'avait pas évoqué une liste lors de sa précédente déclaration, contrairement à ce qui était protocolé. Il n'avait pas non plus connaissance de pressions exercées sur des témoins et n'avait lui-même rien subi de tel.

Il était venu à l'audience accompagné par un collaborateur de la CICIG, tous frais pris en charge par cette organisation.

n.b'.a. I______ a d'abord déposé en avance de preuve (450'131 ss). Cet officier de l'armée avait été engagé le 1er juillet 2006 au sein du Système pénitentiaire, en qualité de conseiller en sécurité. Il avait notamment reçu pour mission de mener une enquête en vue d'une importante opération, soit une perquisition à la prison de Pavón. Durant un peu plus d'un mois, il avait réuni des données grâce à deux informateurs au sein de l'établissement. Lui-même et un officier de l'armée le secondant, le major UUUU______, avaient pris contact avec les membres du COD et déterminé qu'il n'y avait que sept armes légères dans la prison. Sur instruction, il avait élaboré le plan de l'opération, qu'il avait soumis à son supérieur direct, le colonel DDD______. Après quelques modifications, le document avait été communiqué à EEE______ puis à FFF______ et au Président BERGER. Le plan comportait trois phases, soit celui du déploiement des forces, destiné à convaincre les détenus de ce que toute opposition était illusoire, celui du transfert des prisonniers à Pavoncito, par deux groupes de la PNC chargés de ficher les détenus, et celui de la perquisition à proprement parler, laquelle aurait dû être effectuée par le personnel du Système pénitentiaire, afin d'éviter des abus de la PNC, comme cela était déjà arrivé par le passé.

Sur instruction de DDD______, I______ avait aussi dressé la liste des 25 détenus les plus puissants de Pavón, comprenant notamment les membres du COD, et d'autres, comme OOO______, en vue de leur transfert à la prison El Infiernito, et une autre liste de 25 détenus de ce dernier établissement qui auraient mérité, par leur bonne conduite, d'être envoyés en échange à Pavón. Le 23 septembre 2006, après la réunion précitée, il avait dû se rendre à une autre séance dans les locaux de la PNC.

Il y avait eu diverses séances, auxquelles avaient notamment participé FFF______, A______, CCC______, GGG______, ainsi qu'EEE______ et DDD______. Lors de l'une d'elles, il avait été décidé d'interdire l'accès aux médias et au bureau du PDH.

Le 23 ou le 24 septembre 2006, il avait appris de ses informateurs que le COD était au courant du projet. NNN______ avait dit qu'il tuerait ou ferait tuer EEE______ s'il subissait un préjudice du fait de l'opération.

Toujours le 24 septembre, dans l'après-midi, il avait été convoqué à une séance à la Direction générale de la police à laquelle avaient participé CCC______, les frères JJJ______ ou à tout le moins l'un d'eux, le commissaire VVVV______, GGG______ et LLL______, sur l'ordinateur duquel il lui avait été demandé d'identifier des détenus. Il était parvenu à désigner quatre ou cinq d'entre eux, dont TTT______, OOO______ ainsi que le vice-président du COD.

I______ avait reçu l'ordre de se trouver à Pavón à 02:00. Sur place, il avait observé l'arrivée en trombe de deux camionnettes transportant huit individus vêtus de noir, portant cagoule, casque et munis d'armes, genre SWAT, qui n'appartenaient ni à la PNC ni à la Garde pénitentiaire. Trois d'entre eux, soit CCC______, GGG______ et LLL______ s'étaient entretenus avec FFF______, A______ et EEE______. Entre 04:00 et 05:00, DDD______ l'avait informé d'un changement de plan, la prison devant être placée sous le contrôle de la PNC et les gardiens regroupés dans leur dortoir. I______ avait donné par écrit les ordres nécessaires afin que l'officier de la PNC désigné à cette fin reçoive formellement le contrôle de la prison. Vers 05:00, DDD______ avait reçu un appel et avait expliqué à son interlocuteur qu'il s'agissait d'une perquisition et qu'il devait regrouper "ses" gens aux abords du terrain de football, sans crainte. Après avoir raccroché, DDD______ avait dit à EEE______ qu'il avait parlé à NNN______. Après un nouvel appel de ce dernier, DDD______ avait précisé qu'ils étaient déjà 500 à s'être réunis au lieu indiqué. Alors qu'EEE______ refusait d'informer les prisonniers par haut-parleur, comme prévu dans le plan, I______ avait entendu des coups de feu. Accompagné d'un gardien affecté à sa sécurité, il s'était rendu en direction des tirs, se faisant transporter dans un pick up qui s'y rendait également, et était arrivé à l'ouverture sous la maison de NNN______. Le groupe d'individus aperçu plus tôt était en train d'entrer dans l'enceinte en faisant feu. Il y avait des centaines de policiers, couchés, et l'un d'eux avait dit qu'on voyait des coups de feu en provenance de l'intérieur de la prison. I______ avait regardé et avait vu des éclairs, des coups de feu, de sorte qu'il avait riposté. Plusieurs policiers s'étaient alors rués sur lui et lui avaient arraché son fusil AK-47, lui donnant des coups de pieds. Il n'avait récupéré cette arme que trois jours plus tard car elle avait été remise au Système pénitentiaire. Il avait ensuite vu des détenus nus, maîtrisés par les agents de la PNC, se rendant en direction de Pavoncito. On entendait encore des coups de feu. Il s'était lui-même rendu en direction de ce second établissement, croisant le commissaire VVVV______ qui se plaignait de ce que l'intervention avait commencé plus tôt que prévu, avait mis de l'ordre dans les opérations relatives à l'arrivée des détenus, les plaçant trois par trois, puis était retourné à Pavón. Les hommes du commando étaient encore en train de tirer en direction de la maison de NNN______, qu'ils avaient encerclée, puis les tirs avaient cessé.

Lorsqu'il était arrivé à la hauteur de la propriété, un officier de l'armée ne l'avait laissé entrer que seul, sans le garde qui l'accompagnait. Dans un hangar, il avait vu le cadavre de TTT______, avec un fusil et, plus loin, celui de RRR______, dont le surnom RRR______ était gravé sur le ceinturon et qui était un garde du corps du premier. Il était entré dans la maison et avait vu deux hommes gisant à terre, encore vivants car ils gémissaient. A la hauteur de la table de la salle à manger, un des individus encagoulés était en train de sortir une grenade d'un sac à dos. I______ était ressorti et était tombé sur CCC______, GGG______ et LLL______, lesquels lui avaient dit en plaisantant que la fête avait été joyeuse. Il s'était dirigé vers le terrain de basketball, et avait croisé EEE______ et le colonel WWWW______, ce dernier l'informant qu'il y avait eu cinq morts. Avant 10:00, il avait reçu un appel téléphonique du commissaire VVVV______ qui recherchait NNN______, celui-ci n'apparaissant pas dans ses fichiers. I______ avait dit qu'il allait vérifier et avait contacté un garde qui se trouvait à Pavoncito, appelé XXXX______, lequel avait confirmé que NNN______ avait été transféré, de sorte qu'il avait relayé l'information au commissaire VVVV______. Par la suite, il avait entendu des pétards et avait appris de LLL______ que NNN______ figurait parmi les morts. Surpris, il avait vérifié l'information auprès de DDD______. Comme il s'était exclamé qu'il s'agissait d'un assassinat, son interlocuteur avait rétorqué que l'homme devait mourir parce qu'il avait menacé EEE______, puis avait précisé qu'il n'avait pas à craindre d'être compromis car le Président, le Ministre de l'intérieur, le directeur de la police et le Ministère public étaient au courant.

Quelques jours après les faits, une clef USB contenant les données enregistrées lors de l'opération lui avait été remise afin qu'il la transmette au commissaire VVVV______. Il s'était exécuté mais avait effectué une copie et pu constater que NNN______ était bien parvenu à entrer à Pavoncito, sous un nom d'emprunt dont il ne se souvenait pas.

Par la suite, I______ avait été accusé à tort d'avoir commis des indélicatesses au préjudice des visiteurs de détenus et avait appris d'un prisonnier que DDD______ et LLL______, ainsi qu'un troisième intervenant, lui avaient demandé de l'accuser d'avoir voulu lui extorquer de l'argent. La rumeur avait été lancée qu'il avait été licencié, alors qu'il avait démissionné et il avait fini par dénoncer la situation au PDH.

Sur photographie, I______ a identifié les cadavres de TTT______ et de RRR______ gisant dans le hangar devant lequel il fallait passer pour accéder à la maison de NNN______ et les corps des deux blessés qu'il avait vus gémissant à l'intérieur de celle-ci. Observant la photographie DSC05836, il a précisé que les hommes du groupe armé avaient nécessairement dû faire le tour de la propriété pour emprunter la seule porte d'accès, ce qui aurait laissé assez de temps à des personnes se trouvant à l'intérieur de s'échapper. Il a également reconnu TTT______ vivant et maîtrisé.

En conclusion, pour le témoin, il y avait eu un autre plan que celui qu'il avait élaboré, visant à l'exécution des 25 détenus répertoriés sur la liste qu'on lui avait demandé d'établir. L'intervention du groupe armé ne faisait pas partie du plan original et, comme par hasard, ce groupe avait pénétré dans l'enceinte précisément à proximité du prétendu foyer rebelle. Le second plan n'avait pas été mené jusqu'au bout, peut-être par manque de temps, seuls sept détenus ayant été tués, dont certains par erreur, soit QQQ______ et, peut-être, SSS______ (le témoin ne se souvenant plus avec certitude s'il figurait sur la liste ou non), parce qu'ils ressemblaient, avec leur crâne rasé, aux véritables cibles.

n.b'.b. I______ a confirmé sa précédente déclaration lors de son audition contradictoire devant le MP (500'309 ss), précisant qu'A______ n'était pas présent lorsqu'il avait dû identifier des détenus sur l'ordinateur de LLL______. Outre QQQ______ et SSS______, il n'était plus certain non plus que RRR______ figurât sur la liste de 25 détenus. Lors de son enquête préalable, il avait été en contact avec six détenus, soit les deux informateurs et des membres du COD, dont TTT______, ainsi qu'avec NNN______. Lorsqu'EEE______ avait refusé de faire l'appel par haut-parleur et qu'il avait entendu des coups de feu, il se trouvait à l'entrée principale. Il était allé en pick up jusqu'à l'ouverture B, où un tank était resté bloqué dans les barbelés. Parmi les hommes encagoulés se trouvaient LLL______, qui ne faisait pas partie de la PNC mais du Système pénitentiaire, et l'homme, visible sur la photographie DSC05772, portant un gilet avec la mention "Police", au lieu de "Policia" en espagnol, ce qui n'était pas une inscription officielle au Guatemala et était même illégal.

Sa première impression avait été celle d'un affrontement entre un groupe de détenus s'opposant à la perquisition et la police. Il y avait eu des étincelles dans un arbre à proximité de la maison de NNN______ et il avait supposé qu'elles étaient provoquées par des tirs des détenus contre la police. Il avait donc saisi son arme et tiré en direction de l'arbre, alors qu'il se trouvait encore à l'extérieur du complexe, juste avant la clôture. Les policiers non armés - il y en avait une vingtaine dans un périmètre de 50 mètres et de nombreux autres tout autour - qui l'entouraient s'étaient alors jetés sur lui pour le désarmer. Il n'avait réalisé que beaucoup plus tard qu'en fait il n'y avait pas eu d'affrontement.

Il avait vu les deux personnes blessées à l'intérieur de la maison et l'individu sortant une grenade d'un sac à dos à travers une vitre ou la porte entrouverte – il ne savait plus – et avait renoncé à entrer pour ce motif, trouvant cela suspect. C'est à ce moment qu'il avait réalisé que sa première impression d'un affrontement était fausse.

Quittant les lieux, il avait croisé CCC______, GGG______ et LLL______ à une trentaine de mètres, à l'intersection entre deux chemins.

Il pensait avoir confirmé au commissaire VVVV______ que NNN______ se trouvait à Pavoncito vers 08:30, mais il était difficile de donner des indications horaires sur ces évènements, car ils avaient été nombreux et qu'il ne pensait pas à regarder sa montre. Eprouvant des doutes, il avait rappelé son contact à Pavoncito, soit II______, l'informant qu'on allait venir prendre les données de NNN______ et lui demander de prendre des précautions afin que personne ne quitte les lieux, y compris l'intéressé. Il avait donc été choqué d'apprendre la mort de NNN______. Quand il en avait parlé avec DDD______, celui-ci lui avait dit qu'il ne fallait pas s'inquiéter parce que les chefs étaient au courant, sans mentionner de nom. C'était lui qui en avait déduit qu'EEE______, FFF______, A______, CCC______, GGG______ et LLL______ étaient au courant.

Après cette conversation, il était retourné vers la propriété de NNN______ pour voir s'il y avait des cadavres supplémentaires mais n'était pas entré, estimant que la scène du crime avait été contaminée, notamment par l'homme qu'il avait précédemment vu entre les deux blessés. Il n'avait pas tenté de prêter secours à ces derniers parce qu'il avait craint pour sa propre vie, imaginant que l'homme avait tiré sur eux et pourrait s'en prendre à lui également.

Pour lui, A______ savait nécessairement qui était NNN______, lequel était très connu, tout comme TTT______. Une enquête était d'ailleurs en cours sur les activités de NNN______.

Il y avait eu au total cinq réunions avant l'opération, dont deux en présence d'A______. La liste de 25 détenus n'avait été évoquée que lors de la dernière, à laquelle le prévenu n'était pas présent. La liste était alors sur la table, pendant qu'il regardait les photographies sur l'ordinateur, dont celles de TTT______ et NNN______. Il ne détenait plus cette liste, l'ayant remise à DDD______, sans en conserver de copie.

En aucun cas II______ ne lui avait remis NNN______. Lorsqu'il avait appris la mort de ce détenu, il avait appelé le précité, lui demandant pourquoi il avait désobéi à ses ordres et celui-ci lui avait répondu qu'il avait agi selon les instructions de FFF______.

Le plan tel qu'il l'avait élaboré avait bien été modifié au dernier moment. Ce plan ne prévoyait pas un assaut, mais il s'était néanmoins muni d'un fusil qu'il était allé chercher à l'armurerie du Système pénitentiaire, en raison des risques possibles. Il était censé diriger le groupe, non armé, qui allait procéder à la fouille mais celui-ci avait été confiné dans le dortoir par EEE______.

Le gardien, armé, qui l'avait accompagné durant l'essentiel de la journée, s'appelait ______. Ce dernier n'avait pas pu accéder à la propriété de NNN______, car le passage en était filtré, notamment par le colonel YYYY______.

I______ réitérait avoir été l'objet de menaces et d'intimidations après sa dénonciation des faits. Outre les agissements mentionnés lors de sa précédente déclaration, il avait appris qu'un soldat disait avoir été engagé pour le tuer.

n.b'.c. Ce témoin a également été entendu devant la Cour d'assises autrichienne (dossier d'appel, 108bis). Il avait désormais le souvenir précis d'avoir présenté le plan qu'il avait élaboré en présence notamment de FFF______, A______ et son directeur adjoint, GGG______, ainsi qu'EEE______, dans les locaux de la PNC. C'était ce dernier qui lui avait demandé d'établir la liste. La séance lors de laquelle il avait été décidé d'écarter le bureau du PDH avait quant à elle eu lieu dans les locaux du Ministère de l'intérieur. FFF______, EEE______, A______ et CCC______ étaient présents. Lorsque la liste et les photographies, lesquelles avaient été projetées sur un mur, avaient été examinées, il y avait bien CCC______, GGG______, LLL______, les frères JJJ______, ainsi que le commissaire VVVV______. Lors de l'assaut, il avait eu l'impression que des coups de feu étaient tirés par la police et que d'autres provenaient de l'intérieur, mais c'était très confus. Il était, l'après-midi même et encore le lendemain, retourné vers l'arbre d'où semblaient provenir les tirs, pour résoudre cette "énigme", et avait vu qu'il y avait, derrière, un transformateur, ce qui pouvait être une explication. Il avait lui-même, ainsi que des policiers, tiré en direction de l'arbre d'où il lui semblait que venaient les éclairs. Lorsqu'il avait quitté la maison de NNN______, il s'était rendu au terrain multisports où il avait vu DDD______, EEE______, A______ et FFF______. I______ ne savait pas quel rôle KKK______ avait eu dans l'opération et il pensait que c'était CCC______ qui donnait les ordres au groupe d'hommes cagoulés, sur instruction d'A______.

n.b'.d. I______ a encore déposé devant les premiers juges (A137), réitérant ses précédentes déclarations. A______ avait assisté à trois réunions préparatoires ; il n'était pas présent à la dernière, tout comme DDD______ et KKK______. En revanche, il semblait au témoin que GGG______ en était. Lorsqu'il avait vu, depuis l'entrée B, des étincelles provenant de l'intérieur des arbres, il avait pensé qu'un homme s'y trouvait et tirait depuis là. Des policiers lui avaient dit qu'on leur tirait dessus et qu'il devait tirer mais lorsqu'il l'avait fait, d'autres policiers l'avaient mis à terre pour l'arrêter. Il y avait alors déjà un déploiement de policiers en direction de la maison de NNN______. Il avait entendu des coups de feu pendant les 15 à 20 minutes durant lesquelles il était resté sur place. Il s'était ensuite rendu au point C, où il avait rencontré le commissaire VVVV______, puis à la maison de NNN______ passant devant le portail principal puis par la porte apparaissant sur la pièce 7 du chargé du TCrim. Le témoin a désigné sur cette photographie l'endroit où il s'était arrêté et d'où il avait observé les cadavres de TTT______ et de RRR______. Il s'était éloigné, en direction de l'église catholique et du terrain de basketball. Lorsqu'il était revenu, il avait observé les deux blessés. Il s'agissait bien des scènes apparaissant sur les photographies P1050240 à 244, mais il était "assez certain" qu'il n'y avait pas tout ce désordre, étant précisé qu'il n'avait pas été attentif aux détails. Le premier homme était vivant, car il respirait et gémissait ; il n'était pas sûr pour le second. Il avait dû s'écouler entre 30 et 45 minutes entre le moment où il avait vu les deux cadavres et celui où il avait vu les deux derniers corps. L'homme apparaissant tout à droite sur la photographie P105233 pourrait être l'individu qu'il avait vu sortir une grenade d'un sac. Toutes les fois qu'il avait vu le colonel YYYY______ (soit l'officier sans couvre-chef apparaissant sur la photographie P1050215), celui-ci était avec A______, sauf au moment où le premier filtrait l'accès à la maison de NNN______. Il avait alors pensé qu'A______ se trouvait à l'intérieur et avait posté là le colonel YYYY______.

Le détenu JJJJ______ était l'un des hommes qui devaient être tués mais avait échappé à ce sort ; FFFF______également. A son sens, le projet de tuer les 25 détenus n'avait pas abouti parce que ceux qui y avaient participé avaient perdu le contrôle de la prison en pénétrant violemment dans les lieux et en sortant les détenus de façon chaotique.

II______ lui avait dit, en présence de DDD______, qu'il avait obéi à un ordre direct de FFF______ en laissant NNN______ sortir de Pavoncito.

Il avait renoncé à la protection de l'Etat, sachant que la police était impliquée et ne faisant pas confiance au Ministère public. Il avait d'ailleurs appris du bureau du PDH que KKK______ cherchait à connaître son adresse. L'aide et la protection étaient en définitive venues de la CICIG, à partir d'octobre 2008.

Après l'assaut, il était allé explorer les lieux pour voir d'où les tirs avaient pu venir. Il n'en avait trouvé aucune trace, notamment de douilles. En revanche, il avait constaté la présence d'un transformateur et s'était demandé si les étincelles avaient été provoquées par un tir sur celui-ci.

n.c'. Entendu le 4 février 2011 (450'897) JJ______ et ses collègues avaient été désarmés par des agents de la PNC, avant le début de l'opération, puis avaient été maintenus confinés durant toute la matinée à l'entrée du centre pour les visiteurs de la prison, aussi par des policiers. Ayant travaillé deux ans à Pavón, il n'avait jamais constaté que des détenus possédaient des armes à feu. A sa connaissance, ils ne détenaient que des bâtons et des machettes.

Militaires

n.d'.a. KK______ a fait une première déclaration devant le Ministère public spécial pour la CICIG, selon laquelle il avait été l'officier responsable lors de l'opération, la mission confiée à une brigade de l'armée dotée d'un effectif de 1'100 personnes étant d'assurer la sécurité du périmètre et les destructions. Il était arrivé sur place à 03:00 en même temps qu'A______, FFF______, EEE______ et NNNNN, inspecteur général de la PNC. La PNC était entrée vers 06:00 ou 07:00, lorsque l'ordre en avait été donné, suivie par les soldats. Lui-même était entré par le Nord, en compagnie d'A______. Ils avaient entendu des rafales de tirs et s'étaient rendus au centre de la prison où les personnes incarcérées se rassemblaient pour être menottées, recensées et transférées à Pavoncito. Durant l'opération, il avait donc accompagné A______. Il n'y avait pas eu d'échange de tirs là où il se trouvait mais on avait entendu quelques coups de feu dans la partie "de devant" et au Sud. Il n'avait pas vu les cadavres car le périmètre était bouclé par le Ministère public lorsqu'A______ et lui-même étaient arrivés dans la partie Sud.

n.d'.b. Cet officier a également été entendu par le Tribunal criminel (A172 ss), devant lequel il a confirmé sa précédente déclaration. A______ et lui, ainsi qu'EEE______ et FFF______, étaient au poste de commandement, à 300 mètres de l'enceinte, lorsqu'ils avaient entendu des tirs au niveau de la partie Sud. A______ et lui étaient alors entrés, au Nord, par la porte principale, et s'étaient dirigés vers la "partie administrative", mais avaient été retenus par un char qui était bloqué. Il devait être environ 07:30. Ils s'étaient rendus à l'église catholique, s'arrêtant 25 à 30 minutes à mi-chemin. Vers 09:00-09:30, un hélicoptère était arrivé, où le Président du Guatemala avait peut-être pris place. A______ et lui étaient ensuite retournés à l'entrée principale. Environ une heure plus tard, soit vers 11:00 – le témoin précisant cependant qu'il ne se souvenait plus bien des heures, ni de la disposition des lieux – le Président était arrivé en hélicoptère.

KK______ n'avait pas de souvenir précis du portail ou de la maison figurant sur des photographies qui lui étaient soumises, pas plus que de la scène de la minute 15'25'' de la vidéo "Assaut Est", sur laquelle il se reconnaissait, ainsi qu'A______, FFF______ et le colonel YYYY______ et, peut-être, CCC______. Il n'avait pas entendu de coups de feu après cette scène, ni d'une façon générale après 06:30. Il croyait, sans en être certain, que cette scène se déroulait au Nord, près de l'entrée principale.

Le témoin s'était trouvé avec A______ et d'autres jusqu'à leur arrivée à proximité de l'église. Ensuite, "ils" avaient intégré le groupe du Ministre de la défense puis du Président. Il avait toujours été avec A______ jusqu'à l'arrivée du Ministre de la Défense, tout en ayant un minimum de contacts, chacun se limitant à superviser son personnel. Il n'avait pas entendu un message radio annonçant à A______ la capture de TTT______, ni des coups de feu à proximité. Il ne l'avait pas vu utiliser son arme au cours de l'opération, n'avait pas observé des hommes cagoulés et munis d'une liste mettre des prisonniers à l'écart ou un détenu parler avec A______, FFF______ et EEE______ avant d'être emmené. Le colonel YYYY______, soit son subordonné direct, qui avait la responsabilité d'un commando de 800 à 1000 personnes, était en général avec lui mais avait pu s'absenter à certains moments. Il ne l'avait pas vu interdire l'accès à une maison.

KK______ ne savait pas si un détenu avait été blessé. En revanche, il avait bien reçu un rapport mentionnant que sept détenus avaient trouvé la mort. Ces informations avaient été recueillies auprès des médias, faute d'autre source. Il n'avait donc pas appris le jour-même qu'il y avait eu des morts.

n.e'. Devant le Ministère public spécial pour la CICIG, le capitaine-adjoint LL______ (450'998 ss) a expliqué qu'il avait pris place, dans l'une des quatre tanquetas (ndlr : petits tanks), soit celle qui était intervenue à l'entrée principale. Il avait assisté à une réunion la veille de l'opération, en présence de fonctionnaires du Système pénitentiaire et de Ministère de l'intérieur, lors de laquelle des photographies de TTT______ et de ses adjoints avaient été montrées, avec la consigne de faire attention à eux. A______, entouré de beaucoup de monde, et FFF______, étaient là. Lors de l'assaut, il avait entendu des coups de feu provenant de la zone où se trouvait la maison de NNN______. Par la suite, alors qu'il parcourait Pavón, il était accompagné du colonel YYYY______ qui veillait à ce que la troupe ne touchât à rien.

Vers midi, il s'était rendu vers la maison du Colombien mais il y avait un cordon de sécurité. Alors qu'il parcourait les lieux à pied, il avait vu un groupe de policiers portant casques et cagoules face à une longue file de détenus. Les policiers consultaient des feuilles et avaient fait sortir de la file quelques détenus. LL______ avait entendu que les policiers recherchaient les membres du COD. Le surlendemain, en lisant la presse, il avait reconnu le cadavre d'un homme avec une tignasse qu'il avait précédemment vu être extrait de la file.

Juge de paix

n.f'. MM______, entendu devant le Ministère public spécial pour la CICIG le 26 mai 2010, avait eu, en sa qualité de juge de paix dans la Commune de Frajanes, des compétences en matière d'habeas corpus à Pavón.

Quelques jours avant les événements, des prisonniers avaient exprimé des craintes pour leur vie, ayant appris qu'une perquisition allait avoir lieu. Le jour des faits, le témoin s'était rendu sur place entre 08:00 et 09:00, alors que "l'ordre avait été rétabli". Il avait ainsi constaté que TTT______, qui avait présenté une requête, était décédé. Un autre requérant, ZZZZ______, lui avait dit savoir qu'il se trouvait sur la liste des personnes qui devaient être exécutées ce jour-là, mais était parvenu à ne pas être identifié.

Les jours suivants, les prisonniers avaient présenté plusieurs requêtes faisant état de violences subies. Selon eux, les événements ne s'étaient pas déroulés comme cela avait été dit à l'opinion publique ; il y avait eu des exécutions extra-judiciaires, les morts, sélectionnés parmi les premiers détenus à s'être rendus, n'ayant jamais opposé de résistance. NNN______ avait été transféré à Pavoncito et des personnes portant des cagoules étaient venues le chercher, selon les déclarations des détenus AAAAA______, BBBBB______ et U______, qui avaient remis en guise de preuve la veste de NNN______. Cette pièce de vêtement avait été inventoriée et envoyée à l'entrepôt judiciaire no 2. Le prisonnier CCCCC______ supposait avoir figuré sur la liste des détenus à exécuter mais ne recevait plus de menaces depuis la visite du juge de paix.

Disant avoir de l'expérience en matière de levée de corps, le témoin considérait que la scène qu'il avait observée était "dantesque", certaines choses semblant avoir été manipulées. Il n'y avait aucun indice d'un affrontement depuis l'intérieur de la maison de NNN______ vers l'extérieur. Il a identifié TTT______ vivant (P1050188 et 189) et mort (P1050236), expliquant l'avoir connu, puisqu'il devait s'adresser à lui pour pouvoir pénétrer dans l'enceinte de la prison.

Représentants du bureau du PDH et de la CICIG

n.g'. Aux termes de sa déposition devant le Ministère public spécial pour la CICIG (450'991 ss), NN______, avocat et notaire, travaillait pour une unité du bureau du PDH s'occupant des détenus. Le 25 septembre 2006, un appel avait été reçu aux environs de 04:30, suite auquel il s'était rendu avec son adjoint, décédé dans l'intervalle, à Pavón. Les deux hommes portaient des gilets du bureau du PDH, mais la PNC leur avait interdit l'accès à la prison, au motif que des ordres avaient été donnés par des supérieurs. Comme des représentants de la COPREDEH et des journalistes étaient pour leur part autorisés à entrer, ils avaient enlevé leurs gilets et les avaient suivis. Ils avaient été interceptés un peu plus loin et avaient vu passer DDDDD______, de la COPREDEH, auquel ils avaient demandé d'intervenir, mais celui-ci avait répondu que seul EEE______ pourrait les autoriser à entrer.

Quelques jours après, ils étaient allés à Pavoncito mais les agents de la COPREDEH ne les avaient pas laissés seuls avec les détenus de sorte que ceux-ci n'étaient pas parvenus à leur expliquer ce qui s'était réellement passé.

n.h'.a. Selon sa déposition devant un juge au Guatemala (210'053 ss) OO______ était un ancien policier espagnol et avait travaillé comme enquêteur au sein de la CICIG de mars 2008 à juin 2010. La CICIG avait constaté que des dossiers étaient "ankylosés" au sein du Ministère public, en ce sens qu'il n'avait été fait aucun rapprochement entre eux et qu'ils étaient restés sans suite. Tel était le cas des affaires de la reprise de Pavón et celle des évadés d'El Infiernito.

Les témoignages convergeaient pour indiquer qu'un groupe s'était créé au sein même de la structure étatique s'adonnant à des activités criminelles, soit notamment des exécutions extrajudiciaires, des extorsions, des enlèvements ou encore du trafic de drogue volée aux criminels. Ce groupe avait atteint le sommet du Ministère de l'intérieur et de la PNC et était appuyé par le Ministère public, dont certains représentants maquillaient les scènes de crime, altéraient les preuves et bloquaient les enquêtes. Le groupe était dirigé par FFF______. Son second ou conseiller était KKK______, qui disposait d'un commando d'hommes appelés les "Riberitas". Il y avait une autre cellule sous la férule de GGG______. A______ et CCC______ étaient les derniers responsables à avoir rejoint cette structure. CCC______ avait sa propre cellule. Les deux hommes étaient assistés des frères JJJ______, d'anciens conseillers en sécurité, qui avaient à leur tour constitué un groupe. Chacun des trois groupes principaux, comprenant une dizaine d'hommes, menait ses propres opérations.

Lorsque la décision politique avait été prise de restaurer l'autorité au sein de la prison de Pavón, le numéro trois du Système pénitentiaire, le colonel I______, s'était vu confier la mission d'élaborer un plan. Il s'était exécuté, avait requis le soutien de la PNC, pris des contacts au sein de la prison ainsi qu'avec l'épouse d'un détenu pour identifier les prisonniers exerçant des responsabilités, obtenu leurs photographies et leurs noms. Quelques jours avant l'intervention, il avait été convoqué à une réunion en présence d'A______, CCC______, GGG______ et leurs conseillers qui lui avaient demandé un liste des 25 à 30 détenus les plus importants, afin de les séparer de leur garde et de les répartir après leur transfert à Pavoncito. Il lui avait été demandé de les montrer sur photographie. Le but véritable était de confier à un commando la tâche d'interpeller ces personnes, de leur extorquer, sous la torture, informations et argent, puis de les exécuter. De nombreux détenus avaient confirmé qu'un commando de huit à dix hommes encagoulés sélectionnait certains prisonniers durant l'opération. Ces hommes apparaissaient d'ailleurs sur des photographies. Parmi eux se trouvaient CCC______, son frère MMM______ et GGG______.

Les détenus n'avaient aucune intention de résister à l'assaut, n'étant pas armés, au-delà de sept pistolets. Ils savaient que l'opération était planifiée car EEE______ leur avait proposé de la faire annuler, contre des versements hebdomadaires ou mensuels, mais ils avaient refusé. Cet épisode était curieux car EEE______ avait tout intérêt à ce que l'opération ait lieu, dès lors qu'il s'apprêtait à lancer sa campagne en vue de l'élection présidentielle, et que de toute façon il n'avait pas le pouvoir d'arrêter les choses. Peut-être avait-il voulu doubler les détenus en leur extorquant de l'argent sans véritable contrepartie.

Le commando s'était dirigé vers la maison de NNN______, pensant y trouver drogue et argent. Certains témoins avaient dit qu'A______ était présent, dans cette maison, lorsque NNN______ avait été torturé puis tué. Précédemment, celui-ci avait été transféré à Pavoncito, ayant été "raté" par le commando mais il avait néanmoins été repris par ruse, car on lui avait fait dire que son avocate l'attendait.

L'enquête avait connu un tournant important lorsque des photographies avaient été remises à la CICIG sur lesquelles figurait TTT______ vivant en train d'être maîtrisé, contraint de se déshabiller et menotté. Des détenus s'étaient également reconnus sur certaines photographies, ce qui les validait. La CICIG ne savait pas exactement qui avait pris ces photographies. Il était possible qu'elles fussent tirées d'un enregistrement vidéo car les frères JJJ______, qui apparaissaient sur certaines d'entre elles, avaient la manie de tout filmer, peut-être pour vendre ces images ou alors pour se protéger. La CICIG avait contacté des personnes à la police qui avaient remis ce matériel, probablement sans en connaître le contenu.

La scène du crime avait été maquillée par le Ministère public. Un témoin, sauf erreur I______, avait entendu FFF______ dire "allez, les Riberitas, dépêchez-vous parce que le MP va bientôt entrer". Parmi les sept morts, deux avaient été tués par erreur car ils ne figuraient pas sur la liste des 25 détenus les plus importants. Ainsi, SSS______ ou RRR______ ou peut-être QQQ______ avait été pris pour le cuisinier de NNN______, surnommé NNN______.

Le bureau du PDH avait établi un rapport très étoffé de toutes les erreurs commises dans la sécurisation de la scène du crime, le transport des cadavres, les autopsies et les premiers actes d'enquête. Il y avait eu des manipulations grossières : le fusil d'assaut retrouvé dans les bras d'un cadavre n'était pas en état de marche, les douilles jonchant le sol ne correspondaient pas aux armes portées par les cadavres.

Le Colonel I______ avait dû changer de travail et reçu des menaces, non pas en raison de son témoignage mais parce qu'il n'avait pas suivi la position de l'administration pénitentiaire.

S'agissant du Ministère public, l'enquête de la CICIG s'était concentrée sur XXX______, qui était le chef de la section des délits contre la vie. Selon un détenu, XXX______ avait mis la main sur une valise pleine d'argent ayant appartenu à OOO______.

n.h'.b. OO______ a été appelé à confirmer ses déclarations devant le MP (500'433 ss). L'information initiale au sujet de la structure criminelle décrite précédemment provenait de EEEEE______, un membre de la PNC. Ces dires avaient été vérifiés grâce à près de 200 entretiens. Les activités criminelles de ce groupe étaient couvertes par le Procureur général WWW______ et par le Procureur en chef de la section des délits contre la vie, XXX______. Ce dernier avait notamment maquillé la scène du crime après l'assassinat de KKK______. Il n'avait en revanche pas encore pu être démontré que FFF______ couvrait les actes d'obstruction des deux procureurs.

OO______ a réitéré les explications données précédemment au sujet du fonctionnement de la structure, précisant qu'A______ et CCC______ n'étaient nullement des professionnels de la police. Le premier avait été nommé par FFF______ pour lequel il avait travaillé à la municipalité de Guatemala City. Ces deux hommes avaient créé leur propre groupe dans l'organisation, surnommé "los elefantes demoledores". La structure possédait trois lieux où elle procédait à des actes de torture et d'élimination. La présence à ces endroits de GGG______, KKK______ et CCC______ avait été établie par certains témoignages, pas celle d'A______, ce qui ne signifiait pas encore qu'il n'était pas informé. Il y avait une procédure d'initiation, qui avait été appliquée à CCC______, qui comportait que l'initié participe directement à des homicides ou faits de torture. C'était une façon de s'assurer du silence des intervenants. Ces informations avaient été données par des membres de la structure, laquelle avait abouti à une guerre interne après une dernière affaire (affaire Parlacen), ce qui expliquait peut-être le départ précipité du Guatemala d'A______ et de CCC______ afin de sauver leur vie. OO______ avait personnellement auditionné environ cinq de ces témoins, dont les déclarations, détaillées et concordantes, étaient très crédibles. L'identité de ces hommes était protégée. En tout, une centaine d'auditions avait été consacrée à la structure et à son fonctionnement. Il avait été établi ainsi que le groupe de CCC______ agissait avec l'accord et l'autorisation d'A______.

OO______ a également confirmé ses précédentes déclarations au sujet de l'opération Pavón. NNN______, qui possédait son propre laboratoire au sein de la prison, était un trafiquant si influent que GGG______ lui vendait la drogue volée par son équipe. NNN______ était très connu pour toute personne s'intéressant un minimum aux trafiquants ou à la police. Au début de son enquête, la CICIG avait constaté que le dossier "dormait" au Ministère public. Elle s'était appuyée sur les rapports du PDH, établis trois mois après les faits, et de l'INACIF, service d'investigation forensique en charge notamment des analyses balistiques et autres tâches relevant généralement de la police scientifique, selon lesquels il n'y avait pas eu d'affrontement armé, contrairement à la thèse officielle. La CICIG avait auditionné les cinq ou six commissaires en charge chacun d'environ 200 à 300 policiers. Ils avaient entendu des coups de feu mais aucun de leurs hommes n'avait tiré. Dès lors, la CICIG avait recherché des témoins directs, éparpillés dans différentes prisons du pays. La plupart des témoignages étaient concordants sur le fait qu'un groupe d'hommes encagoulés tenait une liste avec des photographies. Lorsqu'un détenu était identifié comme faisant partie de la liste, il était écarté de ses camarades. A cours de son enquête, OO______ n'avait relevé aucun indice sérieux soutenant la thèse de l'affrontement armé. Les mobiles possibles de ces exécutions extrajudiciaires étaient de mettre la main sur l'argent généré par les activités délictueuses des détenus ou de servir d'exemple, afin que nul n'ignore qui dirigeait au Guatemala. Une autre hypothèse, plus improbable, était qu'un narcotrafiquant ennemi de NNN______ avait commandité son assassinat.

Les entretiens entre les témoins et la CICIG étaient informels et couverts par une garantie de confidentialité. Il appartenait ensuite aux déclarants de décider s'ils voulaient déposer formellement devant le Ministère public. OO______ prenait néanmoins des notes, afin de pouvoir notamment identifier d'éventuelles incohérences entre les dépositions. Il ne se souvenait plus si I______ avait dit avoir lui-même tiré ou non lors de l'intervention du groupe armé.

OO______ avait établi un rapport sur son enquête, qu'il a remis au MP et qui a été versé à la procédure (500'446).

n.h'.c. Devant le TCrim (A81 ss), le témoin a confirmé ses précédentes déclarations ainsi que le rapport précité. Pour lui il était clair que le commando n'avait pu agir à Pavón sans l'aval d'A______. Il n'y avait pas de rapport mentionnant le nom des policiers qui auraient tiré dans le contexte d'un affrontement armé, et les armes utilisées, comme cela aurait dû être normalement le cas. FFFFF______ était l'épouse d'un détenu qui avait servi d'informateur lors de l'établissement de la liste des détenus les plus importants. Elle avait été tuée alors qu'elle rendait visite à son mari. OO______ avait jugé crédibles les déclarations de M______ et de U______.

Les frères JJJ______ avaient été assassinés, semble-t-il par le groupe de GGG______ ou celui de KKK______, avant que ce dernier ne périsse à son tour, apparemment à la demande d'un narcotrafiquant.

n.i'. PP______, entendu par le MP (500'092 ss), avait été directeur du bureau du PDH et avait mené des enquêtes d'octobre 2002 à octobre 2007.

Le droit guatémaltèque imposait l'ouverture d'une enquête lorsque l'état d'exception était décrété, ce qui avait été fait en prévision de l'opération du 25 septembre 2006. Le matin de l'intervention, GGGGG______, responsable, au sein du bureau du PDH, du secteur des détenus, avait reçu des appels de prisonniers lui demandant de venir car une opération allait avoir lieu. Une équipe avait donc été envoyée sur place, laquelle avait été empêchée de pénétrer dans l'enceinte et même de s'en approcher par des membres de la PNC qui disaient avoir reçu des ordres de leurs supérieurs. Le bureau du PDH avait donc demandé le lendemain un rapport des opérations au Ministère de l'intérieur, au Ministère de la défense et au Ministère public, au directeur du système carcéral et au service de médecine légale. Il n'avait jamais reçu officiellement le plan de l'opération mais bien les rapports de médecine légale et des vidéos du système carcéral. Le bureau avait procédé à environ 60 auditions de détenus, parents de détenus et d'une trentaine de membres de la PNC et de gardiens qui avaient accepté de témoigner de manière confidentielle. Le bureau du PDH avait aussi obtenu de cette source le plan de l'opération et des indications selon lesquelles les renseignements obtenus par infiltration au sein de la prison avant l'intervention signalaient la présence de 15 armes à feu de 9 mm. Les détenus avaient indiqué que des personnes vêtues de passe-montagnes et d'uniformes sans identification détenaient une liste et appelaient certains prisonniers qui étaient mis à l'écart. NNN______ était parvenu à échapper au contrôle, en donnant une fausse identité, et avait ainsi été transféré à Pavoncito, mais il avait été ultérieurement reconnu et ramené à Pavón. Il avait donné son survêtement à un camarade qui l'avait remis à la police.

Sur la base de cette enquête, le bureau du PDH avait établi un rapport dont les conclusions étaient les suivantes : il n'y avait pas eu de résistance lors de l'opération ; les sept morts avaient été sortis de la file des détenus en attente de transfert à Pavoncito ; leurs cadavres portaient des marques aux poignets établissant qu'ils avaient été menottés ; l'un d'entre eux avait reçu un coup de feu tiré à une distance de 0-50 cm ; un témoin avait vu des membres des forces de sécurité placer des armes et des grenades dans les mains des corps ; un autre avait entendu des feux d'artifice retentir durant les exécutions ; les scènes de crime étaient dans un grand désordre, des policiers ayant notamment marché sur des traces de sang ; les impacts sur le thorax et la tête, ainsi que les lésions de défense présentées par deux cadavres contredisaient la thèse de l'affrontement armé ; rien n'avait été fait selon les règles de l'art s'agissant de préserver les scènes de crime et les rapports des médecins légistes ne satisfaisaient pas non plus les standards en la matière. En outre, la veuve de SSS______ pensait avoir reconnu, sur une vidéo, son époux n'opposant aucune résistance.

Le rapport du PDH avait été présenté au Ministère public, lequel avait ouvert une enquête et fait émettre 19 mandats d'arrêts internationaux. EEE______ avait été jugé et acquitté.

n.j'.a. QQ______ a exposé, à l'occasion de son audition contradictoire par le MP, qu'il travaillait depuis 2008 auprès de la CICIG en qualité de coordinateur. A ce titre, il avait enquêté sur différentes personnalités, dont A______ et les autres individus soupçonnés d'actes illicites dans le cadre des affaires Pavón et Gavilán, avec une interruption entre octobre 2008 et décembre 2009, période durant laquelle il avait été affecté à d'autres cas. Suite au départ de HHHHH______, enquêtrice auprès de la CICIG, il avait repris l'enquête sur ces affaires, préalablement identifiées par elle comme "très solides".

Les premières conclusions selon lesquelles des exécutions extrajudiciaires avaient été commises lors de l'intervention à Pavón remontaient à décembre 2006 et étaient celles du PDH.

Le 22 juillet 2008, OO______ et lui-même avaient reçu des informations confidentielles d'un homme se faisant appeler ______, mais dont l'identité était connue du bureau du PDH, relatives à une structure parallèle chargée de nettoyage social, soit d'éliminer des délinquants. Cette structure était composée de FFF______, A______, CCC______, KKK______, IIIIII______, VVV______ ainsi que UUU______.

Au début, la collaboration avec le Ministère public était mauvaise. La CICIG ne recevait les documents qu'elle demandait qu'au compte-gouttes et les procureurs disaient devoir en référer à XXX______. Un Ministère public spécial détaché auprès de la CICIG avait ensuite été créé et la situation s'était améliorée.

Certains témoins avaient dû bénéficier de mesures de protection et avaient subi des menaces ou des représailles. Ainsi, I______ avait demandé la protection du PDH mais A______ avait été requis d'assurer sa sécurité. Apprenant cela, il avait dû déménager. Il avait ensuite été dénoncé par EEE______ pour avoir pratiqué des extorsions au préjudice de détenus. EE______ avait reçu des appels anonymes. D'autres personnes avaient refusé de témoigner.

Les photographies P10500148 ss avaient été remises à l'enquêteur de la CICIG JJJJJ______ par un informateur qui ne voulait pas témoigner, craignant pour sa vie. Selon cette personne, le lendemain de l'opération, les frères JJJ______ s'étaient rendus à l'unité audiovisuelle de la PNC pour emporter tout le matériel enregistré durant l'opération Pavón. Ces photographies avaient été prises avant l'arrivée du Ministère public car la scène du crime n'était pas sécurisée. Certains corps gisaient sur des tas de vêtements ce qui indiquait qu'ils étaient tombés après que les lieux eurent été fouillés. Par ailleurs, il y avait des différences entre certaines photographies remises par l'informateur et celles du Ministère public. Ainsi le cadavre de RRR______ avait la main droite fermée sur la photographie de l'informateur (P1050239) et ouverte, tenant une grenade, sur celle du Ministère public. Le tatouage formé par les traces de sang sur le visage et le torse de ce même corps n'apparaissait pas sur le t-shirt dont il était revêtu ce qui signifiait que le vêtement avait dû lui être enfilé après sa mort. Des impacts sur les fenêtres indiquaient des coups précis au centre de chaque carreau et la porte d'entrée était intacte, ce qui ne correspondait pas à une scène d'affrontement armé.

Les autopsies effectuées sur les corps des victimes de Pavón étaient défaillantes. La CICIG avait pu établir que certains éléments figuraient néanmoins dans les brouillons du médecin sans avoir été reportés dans les documents finaux, soit les lésions aux poignets antérieures au décès ou les lésions sur les corps démontrant que ceux-ci avaient été tirés à terre alors qu'ils ne portaient pas de vêtements.

QQ______ avait participé à toutes les auditions sous l'égide de la CICIG sous réserve, peut-être, de deux d'entre elles.

KKK______ avait péri dans un guet-apens, alors qu'il était en train d'achever un rapport sur ses activités après avoir été démis de son poste d'assesseur du Ministre de l'intérieur. Le procureur XXX______ avait manipulé la scène du crime, les documents apparaissant sur les premières photographies ayant disparu après son intervention sur place.

HHHHH______ avait dû démissionner après avoir eu un entretien avec CCC______ en Autriche lors duquel celui-ci avait laissé entendre qu'A______ était impliqué et s'était dit disposé à tout raconter pour autant qu'une immunité lui soit octroyée. Il avait été reproché à HHHHH______ de ne pas avoir remis son rapport à la CICIG alors qu'elle disait l'avoir fait. Un mandat d'arrêt avait été émis à son encontre. Elle travaillait désormais comme procureure au Costa Rica, son pays d'origine.

Pour la CICIG, les forces de l'ordre avaient ouvert la clôture de Pavón à 06:00 et étaient entrées par les points A, B et C. A______ avait emprunté l'entrée A alors que CCC______, GGG______ et leurs hommes cagoulés étaient passés par le point B, proche de la maison de NNN______. Au point C, d'autres membres de la PNC, le visage découvert, étaient entrés "normalement" et avaient mis en place un poste de contrôle des détenus. Le groupe dirigé par CCC______ et GGG______ était monté jusqu'à la maison de NNN______, tirant en direction des arbres. Ils avaient touché un transformateur d'où des étincelles avaient été projetées en direction du témoin I______, qui avait cru qu'on lui tirait dessus. TTT______ avait été intercepté vers 06:10 et emmené dans la maison de NNN______. Jusqu'à 10:00 environ, des prisonniers étaient conduits dans cette maison où retentissaient des coups de feu. Des gardes du corps filtraient l'accès à la propriété mais il y avait du désordre, et beaucoup de monde. Selon le registre, le Ministère public était arrivé à 10:34. A______ devait être passé devant la maison de NNN______ entre 06:30 et 07:30. Il s'était entretenu à cet endroit avec CCC______, EEE______, FFF______ et un militaire, comme cela apparaissait sur les photographies remises par l'informateur. Le dernier détenu tué était NNN______, probablement entre 08:30 et 09:30.

QQ______ soulignait aussi que le plan officiel prévoyait que les fonctionnaires du Système pénitentiaire auraient dû pénétrer dans la prison et que seules certaines personnes mentionnées dans le document étaient censées être armées. Le plan avait ensuite changé, la perquisition étant confiée à la PNC. A______, GGG______, FFF______, KKK______, CCC______, son frère, vêtu d'un gilet portant l'inscription "Police" en anglais, ou encore les frères JJJ______ étaient intervenus, munis d'armes non enregistrées. Le Vice-président STEIN avait décrété l'état d'exception, ce qui comportait, juridiquement, que la PDH aurait dû être présente, et non la COPREDEH, qui dépendait de l'exécutif. Ses représentants étaient restés à l'extérieur car on leur avait dit qu'il y avait du danger.

n.j'.b. Lors de sa comparution devant le Tribunal de Ried im Innkreis (dossier TCrim, F213 ss), QQ______ a surtout été interrogé au sujet du fonctionnement de la CICIG et des reproches de pressions exercées sur des témoins, dont il a contesté le bienfondé. Il a également contesté les conclusions de l'expert autrichien A. HERTWIG MENNE au sujet d'une défense armée opposée par les prévenus de Pavón, conclusions contredites, selon lui, par celles d'un expert chilien. Une défense armée aurait nécessairement causé des blessés ou même des morts dans les rangs des forces de l'ordre car la maison de NNN______ se trouvait sur une colline que la police avait dû gravir à découvert. D'ailleurs, les policiers que l'on apercevait sur certaines images se couchant pour s'abriter d'éventuels tirs étaient ceux, en retrait, qui ne savaient pas ce qui se passait, alors que les membres du groupe armé qui avaient pénétré les premiers dans l'enceinte, en tirant, n'avaient jamais fait mine de se jeter au sol. Trois cadavres avaient été découverts à l'intérieur de la maison ; toutefois les portes n'en avaient pas été forcées, ce qui aurait nécessairement dû être le cas lors d'une irruption en un lieu où des insurgés armés s'étaient réfugiés. Vu la position des cartouches sur le sol, les dix coups tirés au moyen du fusil retrouvé à proximité du cadavre de TTT______ l'avaient été contre un mur. On n'avait retrouvé que deux armes à feu dans la maison, soit ledit fusil et une arme hors d'usage avec le cadavre de NNN______, à l'étage.

n.j'.c. A l'audience de jugement (A91 ss), QQ______ a confirmé ses précédentes déclarations, précisant qu'il n'était pas d'accord avec le verdict rendu en Autriche.

Le conflit entre HHHHH______ et son supérieur KKKKK______ avait éclaté lorsque celui-ci avait refusé de donner suite à la demande de CCC______. En effet, la CICIG était d'accord d'octroyer des grâces ou des peines réduites à certains intervenants, en échange de leur collaboration, mais CCC______ avait eu un rôle trop important pour que cela fût envisageable. HHHHH______ avait alors dit de son supérieur qu'il ne voulait pas faire avancer l'enquête.

QQ______ a désigné divers protagonistes sur les photographies ou autres images au dossier. Les deux seuls détenus qu'il avait identifiés, vivants et maîtrisés, puis morts, étaient TTT______ et PPP______. Il était vrai que l'épouse de SSS______ avait dit reconnaître son mari maîtrisé sur vidéo, mais il n'était lui-même pas absolument certain que ce fut la même personne. Selon lui, il n'y avait pas de Procureurs présents à l'intérieur de la prison lorsque les victimes avaient trouvé la mort. Il n'avait pas connaissance de ce qu'il y avait eu des blessés.

n.k'. Le MP a aussi entendu RR______ (500'540 ss), laquelle avait travaillé au sein du PDH en qualité de responsable de l'unité "études et analyses" ainsi que de conseillère du Procureur. A ce titre, elle avait participé à l'élaboration de plusieurs rapports dont celui relatif à l'opération Pavón. Sans être elle-même intervenue sur le terrain, elle avait été responsable de l'équipe effectuant l'enquête ainsi que de la rédaction finale et de la présentation du rapport.

Le PDH avait imposé comme règle que chaque rapport devait être présenté aux autorités concernées avant la présentation publique puis la résolution finale. Dès lors, le rapport relatif à l'opération Pavón avait été présenté lors d'une séance au Ministère de l'intérieur à laquelle étaient notamment présents FFF______ et A______. Celui-ci avait écouté attentivement, sans faire de commentaires, étant précisé que dans le cadre de ses résolutions, le PDH pouvait uniquement constater des violations des droits humains et en identifier les individus ou institutions responsables, mais pas des infractions pénales précises qui devaient être dénoncées au Ministère public en vue de poursuites.

Des détenus et des proches des défunts avaient été l'objet d'intimidations dans les jours suivant l'opération afin qu'ils renoncent à répondre aux visiteurs de bureau du PDH. Certains d'entre eux en avaient parlé, pour d'aucuns sous garantie d'anonymat.

Selon RR______, à la différence du pénal, il fallait en matière de droits humains partir du présupposé que les faits dénoncés étaient véridiques. Ceci étant, beaucoup de déclarations étaient convergentes et concordantes, ce qui allait dans le sens de la crédibilité.

Le bureau du PDH avait demandé en vain le plan de l'opération. Il l'avait en définitive obtenu par une source dont RR______ ne pouvait révéler l'identité.

Médecin légiste mise en œuvre par la CICIG

n.l'.a. L'auteure du rapport d'expertise du 22 octobre 2010 (pièce 201'935 ; trad. 451'171) évoqué supra (m.a.) a tout d'abord été interrogée par le MP (500'672 ss) sur sa formation et son parcours professionnel. Médecin colombien spécialisée en médecine pathologique forensique, au bénéfice d'une formation en droit pénal et ayant été responsable de la médecine légale pour la Mission des Nations Unies au Kosovo, F______ avait été engagée par la CICIG en tant que consultante internationale. Le Ministère public l'avait mandatée au milieu de l'année 2010 pour analyser les rapports d'autopsie effectués au Guatemala dans les affaires "Las Cuevas" et "Pavón", ainsi que les documents retrouvés sur place et sur les victimes. Elle devait notamment déterminer si les standards internationaux en matière de réalisation d'autopsie avaient été respectés. Elle confirmait son rapport, rédigé entre les 18 et 22 octobre 2010 après une analyse durant trois mois de la documentation fournie par la CICIG.

Au vu des traces de poudre retrouvées sur le thorax et sur le poignet gauche de SSS______, le ou les tirs avaient été portés à courte distance, soit à moins d'un mètre s'il était question d'une arme à haute vitesse, et de 10 à 60 cm s'il s'agissait d'une arme à basse vitesse. Il n'était pas possible de déterminer par lequel de ces deux types d'armes la victime avait été touchée, le descriptif des lésions n'étant pas suffisamment précis et le type de balles utilisées n'était pas indiqué dans le rapport d'autopsie. Il était possible que la plaie par balle observée sur la partie antérieure du poignet de la victime ait été causée par le même projectile que celui à l'origine de la blessure au thorax, auquel cas la victime pouvait avoir levé les bras devant sa poitrine au moment du tir. On ne pouvait cependant affirmer que cette lésion au poignet relevait d'un réflexe d'autodéfense.

Les résidus de tirs retrouvés sur SSS______ étaient situés sur des zones du corps habituellement recouvertes par des vêtements. Partant, la victime n'avait pas de vêtement sur le thorax au moment fatal. Vu également les marques sur ses poignets, F______ pensait que SSS______ avait été entravé.

Une balle était entrée dans la partie postérieure du coude de TTT______, sortie dans la région axillaire et avait (re)pénétré dans son corps, phénomène qui pouvait s'expliquer par le fait que la victime avait les bras croisés. L'experte avait émis cette hypothèse en raison des caractéristiques des lésions, de l'analyse anatomique et de sa propre expérience.

Le fait qu'une balle reste logée dans un corps ne donnait à lui seul pas d'indication quant à la distance du tir. Cette donnée ne pouvait être utile que couplée avec d'autres informations. Une balle pouvait rester logée dans un corps même lors d'un tir à bout portant. Cela dépendait du type d'arme, de la munition, de la qualité de celle-ci, du corps et des éléments interposés entre le corps et la balle.

D'une façon générale, la documentation avait permis à l'experte de déterminer que trois genres d'armes avaient été utilisés, soit deux armes à haute vitesse (5,56 mm et 7,62 mm) et une arme à basse vitesse (9 mm). Le type de trajectoire, l'absence de lésions sur les membres inférieurs, ainsi que la présence de résidus de tirs sur l'une des victimes, ne concordaient pas avec le schéma des blessures observées habituellement lors de victimes d'affrontement armé ou de mort au combat.

n.l'.b Devant le TCrim, F______ a derechef confirmé les conclusions de son rapport du 22 octobre 2010. Elle avait été contactée par la CICIG en raison de son expérience professionnelle dans l'analyse de telles affaires. Elle s'était exclusivement appuyée sur les documents fournis par le Ministère public du Guatemala. Les informations contenues dans les rapports d'autopsie effectués par le Service de médecine légale du Guatemala étaient très limitées, ce pour les trois cas (Las Cuevas, Zapaca et Pavón), et ne remplissaient pas les critères d'examen d'autopsie dans les cas de morts violentes, notamment ceux issus du protocole du Minnesota. Elle n'était pas au courant du contenu du rapport de G______ du 5 novembre 2010.

Les lésions sur les poignets visibles sur les photographies DSC00039 (RRR______) et DSC00012 (SSS______) du dossier "Necropsia 3131-2006" avaient été provoquées du vivant des victimes. Elles étaient en rapport, en cohérence, avec les liens en plastique utilisés pour attacher les mains des détenus, qui étaient visibles sur la photographie P1050195.

Les traces de poudre sur le visage et le thorax de SSS______ indiquaient une courte distance de tir, évaluée à 60 cm pour des armes à basse vitesse. La présence de tels résidus était cohérente avec le fait que les blessures aient été provoquées lorsque SSS______ avait la peau nue. Sur le cliché DSC00007 du dossier "Necropsia 3135-2006" (SSS______), les marques de forme punctiforme de couleur violacée, localisées principalement sur le côté gauche supérieur du thorax et sur le côté gauche du visage, étaient caractéristiques de résidus de tirs. Sur présentation de la pièce 500'727, elle a confirmé que la balle était légèrement entrée dans l'omoplate de SSS______, l'avait effleurée pour ressortir dans le dos. Il n'était pas possible de dater les marques sur les poignets de SSS______, mais elles étaient récentes.

Les caractéristiques de la lésion visible sur la photographie DSC00066 du dossier "Necropsia 3132-2006" (TTT______) montraient des signes de vitalité, la victime ayant peut-être été trainée lorsqu'il y avait encore une réaction vitale.

La plaie visible sur le cliché DSC00019 du dossier "Necropsia 3137-2006" (NNN______) montrait des caractéristiques de passage ou de frôlement d'un projectile sur la zone touchée de façon tangentielle.

Les blessures des corps de Pavón ne correspondaient pas à ce que l'on peut habituellement voir en cas d'affrontement, en raison de leur localisation, de la trajectoire et des résidus de tir ; dans certains cas, les marques aux poignets confortaient également cette thèse. La grande majorité des tirs avaient été effectués de face et avaient touché des surfaces vitales, soit le cœur, le thorax et la tête. En général, la distribution des tirs en cas d'affrontement ne présentait pas un "patron spécifique", c'est-à-dire que les blessures touchaient différents endroits du corps et dans des trajectoires différentes. Sur certains détenus, elle avait observé des lésions dans les bras qui étaient compatibles avec des réactions de défense. Sur la base des documents en sa possession, elle n'avait pu dire si les victimes avaient, ou non, tiré au moyen d'armes à feu.

Invitée par le TCrim à le faire, sur demande du prévenu, F______ n'avait pu apporter à l'audience les supports photographiques sur lesquels elle avait travaillé, faute de les posséder.

6. Preuves recueillies concernant les trois décès de l'opération Gavilán jusqu'au jugement de première instance

o. Mort d'C______

o.a. Selon sa déposition devant le Ministère public spécial pour la CICIG (450'343 ss) SS______, ancien chef de la Section des investigations criminelles de Zacapa désormais affecté au commissariat 24 de la PNC, avait reçu, le 3 novembre 2005, un appel du sous-commissaire RRRR______, alias RRRR______, qui lui avait ordonné de se rendre immédiatement au croisement de Rio Hondo, Zacapa, car une personne décédée, identifiée comme étant un fugitif, s'y trouvait.

Sur place, de nombreuses unités de police étaient déjà présentes, dont le juge de Rio Hondo, le commissaire GGG______, portant une cagoule, les sous-commissaires UUU______ et LLLLL______, KKK______ et plusieurs autres personnes également recouvertes de cagoules qui surveillaient la scène. Un cadavre se trouvait dans une voiture encastrée dans un mur. Ses collègues et lui avaient consigné la déclaration de GGG______ selon laquelle celui-ci avait reçu des informations annonçant le passage à cet endroit d'un fugitif, dans une voiture dont le signalement avait été communiqué. Une "opération" avait donc été organisée. Lorsque le véhicule était arrivé, ils s'étaient aperçus que le fugitif était accompagné d'une autre personne, dès lors qu'on leur tirait dessus de droite et gauche. Les policiers avaient riposté et le fugitif C______ était mort dans le véhicule encastré, alors que l'autre occupant avait pris la fuite.

L'affaire, attribuée à l'enquêteur HHHH______, avait fait l'objet d'un rapport du 3 novembre 2005, que le témoin avait par la suite remis au Ministère public de Zacapa et au Tribunal. Les informations fournies par GGG______ n'avaient pas été vérifiées, car ce dernier avait affirmé dire la vérité et que le contenu du rapport devait correspondre à cette version. SS______ et ses collègues n'avaient jamais été convoqués pour mener une quelconque enquête ou pour confirmer l'exactitude du rapport.

Le témoin avait signé le rapport du 3 novembre 2005 et la communication du 23 novembre 2005 (cf. supra f.b.). Ce premier document ne faisait que reproduire les informations fournies par GGG______. Quant au second document, le témoin a exposé que, trois jours après les faits, GGG______ lui avait reproché, énervé, d'avoir envoyé le rapport du 3 novembre 2005. Il lui avait dicté le contenu de la communication, lui avait ordonné de la signer et de la remettre au Ministère public. SS______ s'était exécuté par crainte, GGG______ et d'autres personnes ayant beaucoup de pouvoir. Il avait également eu peur de perdre son travail. En témoignant, il avait peur pour sa vie, car "ils" étaient toujours au pouvoir.

Le témoin a encore souligné que son équipe n'avait pas été intégrée à l'opération, alors même que celle-ci avait eu lieu dans sa juridiction.

o.b. L'agent de la PNC TT______ a déposé devant un juge guatémaltèque (450'457 ss). Il avait participé à une réunion consécutive à l'évasion de plusieurs détenus de la prison d'El Infiernito en présence de FFF______ et divers hauts cadres, notamment A______ et GGG______. Des instructions avaient été données et des groupes de trois à quatre enquêteurs avaient été constitués, entre lesquels les évadés à retrouver avaient été repartis. Le témoin avait été placé dans le groupe sous l'autorité de UU______, avec pour mission de retrouver C______.

Un informateur, qui affirmait savoir où C______ se trouvait, avait été entendu, au Ministère de l'intérieur, en présence de KKK______. L'homme avait fourni les renseignements en sa possession contre une somme d'argent et le fugitif avait été localisé. UU______ avait dit qu'il fallait entrer dans la maison où l'homme se cachait, sans obtenir préalablement de mandat, parce que tel était l'ordre "de là-bas, parce qu'on ne sait pas ce qu'ils vont nous faire si on ne suit pas cet ordre". De nuit, ils avaient capturé le fugitif dans une maison et l'avaient emmené en voiture à Rio Hondo, Zacapa, sur instruction de GGG______, où ils étaient arrivés vers 03:30-04:00. Sur place, KKK______ et UUU______, accompagnés notamment de GGG______, étaient arrivés. Vers 04:30-05:00, UUU______ avait rejoint l'équipe du témoin dans la camionnette pour interroger C______, l'agent MMMMM______ prenant des notes. Le témoin, en possession d'une caméra vidéo, avait discrètement filmé une partie de l'interrogatoire puis avait dû s'interrompre, sur ordre de GGG______ qui l'avait surpris, mais avait recommencé ensuite. Vers 05:00 - 06:00, il avait entendu GGG______ au téléphone dire "à vos ordres, à vos ordres Monsieur le Ministre". KKK______, qui avait effectué plusieurs allers-retours, était revenu peu après 14:00, accompagné de l'unité anti-enlèvement, dont UUU______ et VVV______, surnommé ______, au volant d'une voiture Mitsubishi Lancer de couleur beige. VVV______, qui avait préalablement chaussé C______ de tennis apportées par UUU______, l'avait fait monter sur le siège passager du véhicule. Ce dernier s'était installé à l'arrière, derrière le siège passager, muni d'un pistolet recouvert d'une chemise de plage. VVV______ était monté à la place du conducteur. Le témoin avait entendu des détonations, alors qu'il se trouvait à environ cinq mètres. Le véhicule avait ensuite roulé sur quelques cinq mètres, puis les deux agents étaient descendus. GGG______ avait alors commencé à crier "attrapez-le, il va là-bas, tirez-lui dessus" et des agents avaient tiré sur le véhicule. VVV______ avait ensuite déposé un fusil sur les jambes du défunt. Au préalable, la route avait été bloquée.

GGG______ avait demandé à TT______ d'indiquer dans le dossier qu'ils avaient eu connaissance du passage d'un véhicule à cet endroit et qu'ils avaient préparé une opération pour l'intercepter, mais que les occupants dudit véhicule n'avaient pas répondu à l'ordre de s'arrêter, ce qui avait déclenché des échanges de tir. Plus tard, GGG______ avait ordonné de présenter une autre version selon laquelle lorsqu'ils étaient arrivés sur les lieux, le fugitif était déjà mort, car tout avait été organisé en ce sens avec le parquet du Ministère public de Zacapa. Ses collègues et lui avaient procédé à la capture du fugitif de manière illégale parce que tels étaient les ordres et ils avaient peur des actions éventuelles de leurs chefs, notamment de perdre leur emploi. Il n'avait pas déposé plainte car il n'avait pas confiance dans les institutions et pensait que sa famille et lui étaient en danger.

o.c. Selon sa déclaration en avance de preuve (450'424 ss), UU______, officier de la PNC, avait participé à une réunion, le lendemain ou le surlendemain de l'évasion, en présence de FFF______, qui avait promis des récompenses, KKK______, GGG______, CCC______ ainsi que A______, ce dernier prenant la parole pour motiver ses troupes. Des groupes avaient été constitués, auxquels des détenus à capturer avaient été attribués. Le témoin, commandant une équipe de trois agents, dont TT______, s'était vu notamment confier la recherche de C______.

Sur les indications d'un informateur, soit un oncle de C______, intéressé par la récompense de GTQ 50'000.-, le témoin et son équipe avaient repéré la maison où se cachait le fugitif. UU______ avait contacté GGG______ en vue des démarches pour l'obtention d'un mandat judiciaire autorisant la visite domiciliaire mais celui-ci lui avait ordonné de procéder sans mandat. Le témoin avait parlé de cette conversation à TT______ et au second de GGG______, lequel lui avait conseillé de suivre les ordres de ce dernier, car il risquait de se faire tuer s'il n'obtempérait pas, ajoutant "va savoir ce qu'ils vont faire de [C______]". Craignant pour sa vie, UU______ avait donc obéi. GGG______ avait coordonné l'opération. Le 3 novembre 2005, peu après minuit, le témoin et ses coéquipiers étaient entrés dans la maison et avaient capturé le fugitif dans son lit ; il n'avait opposé aucune résistance. Ils avaient quitté les lieux vers 00:10 – 00:15, pour se rendre, selon les ordres de GGG______, qui avait parlé d'un "plan B", au carrefour de Rio Hondo. Alors qu'ils étaient en route, GGG______ l'avait contacté pour lui demander de placer du papier journal entre les poignets du prisonnier et les menottes. Vers 03:30, GGG______ était arrivé au lieu de rendez-vous accompagné de l'unité de la lutte contre les enlèvements, soit notamment UUU______ et MMMMM______. GGG______ avait ordonné que les menottes soient retirées des mains du fugitif et celui-ci avait été interrogé. UUU______ posait les questions, TT______ filmait l'audition et MMMMM______ prenait des notes. Constatant la présence de la caméra, GGG______ avait sommé TT______ de l'éteindre. KKK______, VVV______, surnommé ______, et deux membres du Ministère de l'intérieur étaient arrivés sur place à environ 04:30-05:00. Vers 10:30, le fugitif avait demandé au témoin "c'est vrai qu'on va me tuer". Constatant qu'C______ était pieds nus, GGG______ avait ordonné que des chaussures lui soient fournies, ce qui avait été fait. Vers 15:00, VVV______ avait amené une voiture du type Mitsubishi Lancer sur les lieux. A ce moment-là, GGG______ avait mis sa cagoule et s'était saisi de son fusil. Il avait ordonné à certains agents présents de placer d'autres véhicules en travers de la route, et de ne laisser passer aucune voiture. UUU______ et VVV______ avaient placé le fugitif sur le siège du passager avant de la Mitsubishi tandis qu'VVV______ prenait place au volant. UUU______ avait pris un pistolet, qu'il avait enveloppé dans un chiffon, une chemise de plage, et était entré à l'arrière du véhicule. Ils avaient roulé quinze mètres pour ensuite percuter un mur et le témoin avait entendu un coup de feu. Les deux agents, qui portaient une cagoule, étaient sortis du véhicule. VVV______ avait laissé la porte côté conducteur ouverte puis ils avaient criblé la voiture de balles. L'un d'eux avait placé un fusil AK 47 près du corps de C______. GGG______ avait fait un rapport selon lequel la voiture, dont on soupçonnait qu'elle était conduite par des "cambrioleurs de banque" avait tiré nonobstant les injonctions des forces de l'ordre, d'où leur riposte. Par la suite, l'informateur avait demandé sa récompense puis GGG______ avait exigé que l'on présente une version différente, soit que l'homme était déjà mort lors de l'arrivée des agents. UU______ avait alors déclaré qu'à son arrivée, GGG______ était déjà sur place, et qu'C______ était mort. UU______ a encore affirmé avoir entendu, suite à l'exécution du fugitif, KKK______ parler au téléphone, disant à son interlocuteur : "Oui Monsieur le Ministre".

UU______ avait toujours peur de GGG______ et estimait être en danger. Il n'avait pas dénoncé les faits au Ministère public car il n'avait pas confiance en cette institution, ni dans les autres autorités. Il avait dit à TT______ de garder précieusement la vidéo, pensant qu'elle pourrait servir un jour à prouver leur innocence. Il témoignait pour rendre justice, pour que ces personnes n'agissent plus ainsi en toute impunité.

o.d. TT______ a remis un DVD sur lequel figure la séquence qu'il avait filmée. Il a précisé qu'il ne fallait pas se fier à la date et l'heure apparaissant sur la vidéo, l'appareil n'ayant pas été correctement programmé. L'enregistrement avait bel et bien été effectué vers 04:30-05:00 le jour des faits.

La scène filmée se déroule à l'intérieur d'un véhicule où un homme, pieds et torse nus, les mains liées derrière le dos, est assis sur une banquette arrière, et répond à des questions au sujet de l'évasion posée par une personne hors champ. Le visage de l'individu interrogé est peu visible car celui-ci est penché en avant (200'389).

o.e. La mission confiée à F______ s'étendait aux morts de Zacapa et Las Cuevas. S'agissant du premier, le rapport du 22 octobre 2010 (202'013 ss) évoque des manquements, tant s'agissant de la sauvegarde et de la manipulation de la scène, du cadavre et des autres preuves que de l'autopsie. En particulier, la description des lésions était insuffisante et les photographies à disposition ne permettaient pas de déterminer si les plaies par balle correspondaient à des orifices d'entrée ou de sortie, ce que l'intéressée a confirmé devant le TCrim, précisant que l'on pouvait uniquement retenir que la blessure au visage et celle à l'arrière de la tête provenaient du même tir (A159/160 ainsi que 165).

p. Mort de E______ et de D______

p.a. Aux termes de sa déposition devant le Ministère public spécial pour la CICIG (450'536 ss), VV______, officier de la PNC, était chef du poste auxiliaire de la commune d'Oratorio au moment des faits. Le 1er décembre 2005, deux cadavres avaient été découverts sur le terrain de basketball d'une école. Le juge de paix avait voulu obtenir un récit complet des évènements, dans la mesure où il apparaissait que les cadavres avaient été transportés sur le terrain de sport après avoir été exécutés, ce qui était également l'avis du témoin, puis le magistrat s'était ravisé, semble-t-il suite à un appel téléphonique, et il avait été procédé à la levée des corps, qui étaient attachés et emballés dans des draps. VV______ avait ensuite téléphoné aux "Opérations du commissariat 32" pour les informer de ces faits. Des témoins avaient raconté à VV______ qu'un hélicoptère était arrivé, qu'il n'avait pas atterri, et que deux paquets avaient été lancés depuis l'appareil.

Il avait bien rédigé le rapport du 1er décembre 2005 (cf. supra g.a.) mais ne se souvenait pas de son contenu, dans la mesure où il s'était fondé sur celui écrit par UUU______, qui lui avait demandé de s'y conformer.

p.b. WW______ a été entendu le 29 octobre 2010 par le Ministère public spécial pour la CICIG. Cet agriculteur de Santa Maria Ixhuatan avait vu, cinq ans plus tôt, vers 03:00, plusieurs personnes armées, dont certaines étaient cagoulées et en uniforme de policier, faire irruption à son domicile. Elles lui avaient demandé où se trouvaient des fugitifs et l'avaient frappé avant de l'emmener en direction des grottes d'El Salto. Après avoir fourni une autre version, dictée, selon ses explications ultérieures, par la peur des conséquences pour sa famille et lui-même, WW______ a expliqué avoir vu dans les grottes que les deux fugitifs avaient été capturés par la police. Des agents lui avaient dit de se retourner, ce qu'il avait fait, et "ils" avaient tiré. Le témoin avait entendu les fugitifs se plaindre et dire "aïe aïe". Les policiers lui avaient dit de s'en aller, le menaçant de le frapper. Il était alors retourné chez lui. Il avait vu deux hélicoptères voler au-dessus du hameau, un bleu avec des bandes blanches et un jaune.

p.c.a. Entendu par avance de preuve (450'551 ss) XX______ a confirmé son rapport du 5 décembre 2005 (cf. supra g.b.) s'agissant de la prise de contact avec l'informateur et de la localisation des fugitifs, ajoutant uniquement que ceux-ci avaient été également en possession d'une machette.

La suite de son récit était en revanche différente car à l'époque, au vu de la gravité de la situation et craignant pour sa sécurité, il avait décidé de ne pas relater les faits réels, faisant en sorte que sa description de la capture soit identique à "la leur".

En réalité, il avait informé son supérieur YY______ de la localisation de fugitifs. Ce dernier avait transmis l'information à GGG______ et avait informé le témoin qu'un groupe spécial avait été mis sur pied par les "supérieurs" afin de capturer les fugitifs et que le coordinateur de l'intervention serait KKK______. XX______ avait eu quelques contacts téléphoniques avec GGG______, lui communiquant les informations en sa possession.

L'opération avait débuté le jeudi 1er décembre 2005 à 00:00, deux groupes ayant été constitués afin d'éviter la fuite des fugitifs. Dans son groupe, il y avait notamment GGG______, des membres du Ministère de l'intérieur, portant des équipements de genre commando, et des membres de la Division d'investigation criminelle ; dans l'autre groupe il y avait notamment YY______ et, selon ce qui lui avait été indiqué, CCC______. GGG______ avait déclaré à ce moment qu'il se chargeait de l'opération sur ordre de "ses supérieurs" et que "pour des raisons de hiérarchie" il devait prendre le commandement. Ce dernier avait ordonné d'aller chercher les deux villageois qui avaient ravitaillé les évadés et l'un d'eux avait dû se joindre à l'expédition.

Le témoin et son groupe étaient arrivés les premiers aux abords du lieu où se trouvaient les évadés. Ils avaient allumé les lampes de poche et annoncé en criant qu'il s'agissait de la police. Les deux hommes dormaient ; l'un d'eux avait essayé de s'emparer d'un revolver, mais y avait renoncé sous la menace des armes pointées sur lui. Un des hommes de GGG______ les avait menottés. Alors qu'ils attendaient le second groupe, GGG______ avait dit à XX______ que "ces deux-là ne vont pas partir parce que nous avons des ordres supérieurs et c'est pour cela que nous continuons à attendre". De sa propre initiative, mais avec le consentement de GGG______, le témoin s'était éloigné avec l'informateur et le villageois, tandis que le reste du groupe était demeuré sur place, notamment UUU______ qui s'était "joint au groupe du Ministère de l'intérieur". Alors qu'ils se dirigeaient vers le village, ils avaient entendu des coups de feu qui "venai[en]t du groupe qui était resté là-bas aux ordres du commissaire GGG______". Le témoin était plus tard retourné sur le lieu de la capture des fugitifs et avait constaté qu'ils étaient morts. Un hélicoptère, dans lequel KKK______ avait pris place, avait servi au transport des cadavres vers la morgue.

Cette intervention avait été l'expérience la plus désagréable de sa carrière.

p.c.b. XX______ a confirmé la susdite déclaration lors de son audition par le MP, par voie de commission rogatoire (220'288).

p.d.a. Selon son récit devant le Ministère public spécial pour la CICIG, YY______ était lors des faits le chef de la police du commissariat de la Villa Nueva. En octobre ou novembre 2005, grâce à un informateur, deux de ses agents, dont XX______, avaient localisé deux fugitifs dans la zone de Cuilapa Santa Rosa. Il avait transmis l'information aux responsables du plan Gavilán, soit KKK______, qui avait préparé une opération. Sur les ordres de ce dernier, il avait retrouvé, avec son équipe, KKK______ et une quarantaine d'hommes, dont CCC______, GGG______ et UUU______. Vers 22:00, deux groupes avaient été formés pour se rendre par deux chemins différents aux grottes forgées le long de la rivière. Le témoin était en charge du second groupe, comprenant notamment CCC______, UUU______ et VVV______. Vers 03:00, alors qu'ils se trouvaient à environ 500 mètres des grottes, il avait entendu des détonations, des rafales d'armes longues. Par sécurité et en raison de l'absence de communication entre les équipes, il avait ordonné de stopper la marche. UUU______ et ses agents ne l'avaient pas écouté et avaient poursuivi. Vers 05:30, il s'était rendu avec son groupe sur place où il y avait déjà l'autre équipe, notamment GGG______, VVV______, et UUU______ avec ses hommes. Il avait vu deux cadavres touchés par des balles d'arme à feu, l'un d'eux tenait un revolver, l'autre une machette. Empruntant le téléphone du témoin vers 09:00, GGG______ avait appelé KKK______ et A______. Vers 11:00, un hélicoptère jaune était arrivé sur les lieux, transportant notamment KKK______ et un journaliste, et était reparti, emportant les corps, "soi-disant" vers la morgue.

Le témoin avait dû rédiger un rapport et l'avait complété des photographies qu'il avait prises (200'461), dont il a fourni copie sur CD lors de son audition.

p.d.b. Sur commission rogatoire genevoise (220'294 ss), YY______ a confirmé ses premières déclarations, précisant que CCC______ avait respecté son ordre d'interrompre la marche lorsque les coups de feu avaient retenti.

p.e. S'agissant des morts de Las Cuevas, le rapport du 22 octobre 2010 de F______ (201'919 ss, trad. 450'933), ultérieurement confirmé par son auteure devant les autorités genevoises, évoque une manipulation excessive et non conforme des corps et le fait que les procédures d'autopsie ne répondaient pas aux standards internationaux. Au vu des photographies de E______ prises sur le lieu de sa mort, la lésion dans la région frontale du côté gauche présentait des caractéristiques de bordures éclatées, ce qui pouvait correspondre à des résidus de coup de feu, type enfumage/suie, indication d'un coup de feu "à contact".

q. Autres dépositions pertinentes

q.a.a. Le 5 juillet 2011, le détenu ZZ______ a déclaré devant le Ministère public spécial pour la CICIG (451'016) qu'interceptés, suite à leur évasion d'El Infiernito, lors d'un contrôle, AAA______ et lui avaient été conduits au commissariat de Patulul puis à celui d'Escuintla, où ils avaient été frappés par des policiers, en présence de FFF______, A______, CCC______ et GGG______, lesquels leur avaient dit qu'ils allaient les tuer. Alors qu'il avait été séparé de son compagnon d'infortune, ZZ______ avait été torturé avec des fils électriques et frappé à coups de poings et de pieds, ainsi qu'avec des crosses. Il avait été asphyxié avec un sac et subi un simulacre d'exécution, un pistolet déchargé étant placé dans sa bouche et un coup tiré à blanc. FFF______ et A______ avaient personnellement participé à ces actes, tout en donnant des ordres. Il pensait avoir eu la vie sauve parce que la famille de AAA______ s'était présentée au commissariat.

q.a.b. ZZ______ a confirmé la susdite déclaration lors de son audition par le MP, via commission rogatoire (220'301).

q.b.a. Déposant également le 5 juillet 2011 devant le Ministère public spécial pour la CICIG (451'013), AAA______ a relaté avoir été capturé, en compagnie du détenu précité, quelques heures après leur évasion. Ils avaient été conduits à la prison de Patulul puis au commissariat d'Escuintla. Dans la salle d'interrogatoire du commissariat, il y avait A______, FFF______, GGG______ et des policiers. Le témoin y avait été torturé, afin qu'il donne des informations sur la localisation des autres évadés. Il était assis par terre, ses pieds et ses mains étaient entravés, il avait été frappé avec des armes, des coups de poings et de pieds. Une cagoule en nylon avait été placée sur sa tête et celle-ci tirée en arrière. GGG______ et deux autres policiers lui avaient fait subir des sévices au niveau des testicules. A______ lui avait enlevé la cagoule, jeté de l'eau sur sa tête et branché des fils électriques. FFF______ lui avait mis un pied sur le cou et pressait, GGG______ avait mis un pistolet dans sa bouche. Il avait été torturé une première fois pendant deux heures, puis une seconde fois, avant que ses proches, accompagnés de médias et d'une commission des droits de l'homme, n'arrivent. Par la suite, GGG______ était venu le voir pour le menacer de mort.

Sur photographie, le détenu a reconnu UU______ et MMM______ comme ayant fait partie des personnes présentes dans la pièce où il avait été torturé.

q.b.b. Sur commission rogatoire genevoise (220'298), AAA______ se souvenait de ce que GGG______ l'avait personnellement torturé, A______ et FFF______ étant présents. Il "n'a[vait] pas connu" MMM______. Se voyant demander s'il avait quelque chose à ajouter, AAA______ a indiqué qu'il collaborait déjà avec la justice et demandait de la CICIG une aide économique pour sa famille ainsi que d'être transféré hors d'un établissement pénitentiaire, craignant pour sa vie.

q.c. En prévision des débats d'appel, la défense a produit un enregistrement intitulé "fuga reos parte 4". Selon elle, il s'agissait de la conférence de presse donnée par FFF______ suite à l'arrestation de ZZ______ et de AAA______, lesquels étaient visibles avec deux autres détenus et ne présentaient "pas la moindre trace de coup sur le visage" (dossier TCrim, F389.1 s).

Durant les premières minutes de cet enregistrement (dossier TCrim, F389.3), apparaissent quatre détenus, assis les mains liées dans le dos, face à la presse, étant précisé que la qualité de la vidéo est mauvaise, notamment faute de lumière, de sorte qu'il est difficile d'affirmer ou infirmer la présence de marques sur les quatre hommes. Après cette scène, devant un bâtiment qui doit être le commissariat d'Escuintla, apparaît FFF______, flanqué d'A______, le premier donnant conférence de presse.

q.d.a. Aux termes de sa déposition devant le MP (500'424 ss) BBB______, policier espagnol, avait travaillé au sein de la CICIG du 7 janvier 2010 au 6 janvier 2011, en qualité d'officier enquêteur international. Il avait principalement travaillé sur l'affaire des 19 évadés de la prison El Infiernito, notamment les cas Rio Hondo et Las Cuevas.

BBB______ avait entendu plusieurs témoins au sujet de la mort de C______ et constaté des divergences profondes entre ces témoignages et la position officielle du Ministère public du Guatemala. Il avait visionné le film de l'interrogatoire du défunt et était "formel et affirmatif" quant au fait que c'était bien lui qui apparaissait, vivant et maîtrisé, dans une voiture de police en train d'être interrogé par le groupe de GGG______. Selon son enquête, C______ s'était réfugié dans une maison à Morales. Un parent de sa logeuse en avait eu connaissance et, intéressé par la récompense, avait transmis l'information au Ministère de l'intérieur. C______ avait été arrêté vers minuit. GGG______ avait demandé à l'équipe qui l'avait capturé de l'emmener au kilomètre 136, sur la route reliant Guatemala City à Zacapa, ce que les policiers avaient fait. Sur place, C______ avait été remis à GGG______ et son équipe, qui l'avaient pris en charge dans un véhicule pour l'interroger. A ce moment-là, KKK______ et sa secrétaire étaient arrivés, puis repartis pour ensuite revenir, suivis d'une voiture Mitsubishi Lancer, conduite par VVV______, et volée la veille. Ils avaient placé l'évadé sur le siège passager de la Mitsubishi Lancer, VVV______ s'installant sur le siège conducteur et UUU______ sur la banquette arrière. Ce dernier avait recouvert son arme d'un t-shirt et tiré à bout-portant dans la tête de C______. Après cela, VVV______, toujours au volant, avait simulé un accident, en projetant le véhicule sur un talus. Ils avaient sorti le corps d'C______ du véhicule et l'avaient jeté à terre sur le dos, plaçant une arme longue entre ses jambes. Ensuite les policiers avaient tiré sur le véhicule pour faire croire à un affrontement.

Le Ministère de l'intérieur avait été informé par un habitant du village de Los Amates que D______ et E______ s'étaient réfugiés dans une espèce de petite caverne située sous un rocher de la rivière proche. Le commissaire XX______ avait été chargé de les localiser, ce qu'il avait fait, avisant GGG______. Le 1er décembre 2005, une opération avait été mise en place avec deux équipes menées l'une par GGG______, l'autre par KKK______. Elles avaient remonté la rivière en suivant deux tracés différents. L'équipe de GGG______, accompagnée d'un certain "IIII______", soit l'informateur, était arrivée la première à la cachette des fugitifs, lesquels dormaient. Des chiens ayant aboyé, l'équipe de GGG______ avait tiré sur les fugitifs. Une fois ceux-ci morts, ils avaient placé un revolver dans la main d'un des cadavres et une machette dans celle de l'autre. Il n'y avait eu aucun affrontement entre les forces de l'ordre et les fugitifs, lesquels dormaient et n'étaient pas armés. CCC______ et FFF______ étaient arrivés en hélicoptère, ils avaient enlevé et amené les cadavres à Oratorio, pour les abandonner sur un terrain de basketball.

Des enquêteurs spéciaux avaient étudié les relevés de trafic téléphonique et reconstitué les communications échangées lors des deux opérations. Pour cette raison, BBB______ pouvait affirmer que les 3 novembre et 1er décembre 2005, A______ était en contact régulier avec GGG______. Il n'avait aucun doute quant au fait que FFF______ et A______ étaient au courant de l'opération menée contre C______. Les policiers avaient informé A______, FFF______ et GGG______ de l'arrestation et le témoin était formel quant au fait que lorsque GGG______ était sur place, il était constamment au téléphone avec A______, lequel "était donc informé presque en direct de ce qui se passait".

Lors de l'affaire Las Cuevas, XX______ rapportait à GGG______ qui informait à son tour et de manière directe FFF______, A______ et CCC______.

q.d.b. Réentendu lors des débats de première instance (A75 ss), BBB______ a réitéré ses précédentes explications.

Dès le début de son enquête pour la CICIG, il avait étudié la structure étatique parallèle en place au Guatemala, dont FFF______, A______, CCC______ et KKK______ étaient les chefs.

A______ avait participé à l'élaboration du plan Gavilán. Selon les témoignages de personnes qui étaient également présentes lors des réunions qui avaient eu lieu dans le cadre de ce plan, auxquelles A______ et GGG______ avaient pris part, il était clair que les fugitifs devaient être capturés et abattus. GGG______ était responsable de la partie police, KKK______ était assesseur de FFF______, et les frères JJJ______ faisaient partie d'un commando spécial de la police qui exécutait des personnes. Ces derniers étaient sous les ordres d'A______ et de FFF______.

D'après les protocoles de police, les responsables devaient être informés de ce qui se passait de manière permanente, c'est pourquoi le témoin affirmait que GGG______ devait avertir A______, précisant que GGG______ était "quelqu'un qui suivait les ordres à la lettre". Il pouvait également affirmer que GGG______ informait A______, car il avait effectué un travail d'investigation auprès de la compagnie TELEFONICA. Avec l'aide d'un collaborateur de ladite compagnie de téléphonie, il avait pu prendre connaissance, pendant une heure à une heure et demi, des relevés téléphoniques des raccordements de GGG______ et A______, sur écran, mais non en version papier. Il avait identifié ces numéros lors de son enquête, ayant reçu de la sous-direction de la PNC une liste des numéros de ses hauts responsables. Sur les listings, figuraient les numéros appelants et appelés, la date, l'heure et la durée de la communication. Il avait ainsi constaté plusieurs appels téléphoniques émis par le raccordement de GGG______ à celui d'A______, et vice-versa, le 3 novembre 2005 de 03:00 jusqu'à 14:00-15:00. Le témoin croyait savoir que ces relevés avaient été demandés ensuite par le Ministère public à la compagnie de téléphone, mais à ce moment-là, ils avaient disparu.

Son expérience d'enquêteur permettait à BBB______ d'affirmer que compte tenu du nombre de balles tirées et de la localisation des blessures sur les victimes E______ et D______, les coups avaient été tirés pour tuer et non pour soumettre. Sur d'autres photographies, on pouvait observer des traces montrant que les cadavres avaient été tirés à terre.

La photographie sous pièce 500'272, représentant la scène de crime, était un montage postérieur à la mort des fugitifs ; cela se déduisait notamment du fait que l'un des cadavres avait deux doigts sur la gâchette de l'arme, ce qui n'était pas réaliste. L'arme avait été placée ainsi après la mort.

Il n'y avait pas de couverture téléphonique à l'endroit des faits, de sorte qu'A______ n'avait été contacté qu'une fois que l'équipe d'intervention était remontée. Le témoin savait que les relevés téléphoniques relatifs à cette affaire figuraient au dossier mais ne les avait jamais vus.

Sur les 19 évadés d'El Infiernito, neuf avaient été repris vivants et sept étaient morts lors d'affrontements.

q.e. A l'occasion de ses comparutions devant le MP puis le TCrim, QQ______ s'est également exprimé sur ses conclusions concernant le volet Gavilán.

UU______ et TT______ avaient été appelés au Ministère de l'intérieur trois jours après les évasions, soit le 22 octobre 2005 sauf erreur, où ils avaient rencontré FFF______, A______, KKK______, CCC______ et GGG______. Le Ministère public n'avait pas participé à la levée du corps de C______, de sorte qu'il n'y avait pas eu de rapport balistique et d'analyse des trajectoires. L'informateur qui avait révélé le lieu où cet évadé se cachait avait reçu la récompense, ce qui n'était pas compatible avec la version du contrôle fortuit.

Il pouvait être déduit des éléments suivants que C______ avait été exécuté sommairement : la vidéo de son interrogatoire dans un véhicule, l'existence de deux rapports contradictoires officiels sur les circonstances de son décès, les témoignages de UU______ et de TT______, le fait que le prétendu conducteur de la voiture n'avait jamais été recherché, le fait que le cadavre présentait plusieurs blessures sur le côté gauche, ce qui n'aurait pas été possible si le conducteur de la voiture s'était trouvé à ses côtés et les défauts du rapport d'autopsie. QQ______ retenait qu'A______ était impliqué car celui-ci avait participé à la conférence de presse lors de laquelle il avait été annoncé que le prisonnier avait été intercepté par hasard alors que quelques jours plus tard l'informateur qui avait communiqué l'endroit où il se cachait avait perçu la récompense promise. En outre, il lui avait été rapporté que BBB______ avait vu, apparemment sur écran, un relevé d'appels téléphoniques établissant l'existence de contacts le 3 novembre 2005 entre A______ et GGG______, qui menait l'opération sur place, et UU______ avait entendu ce dernier s'adresser à une personne en l'appelant "Monsieur le Ministre".

QQ______ était parvenu à la même conclusion au sujet des décès de E______ et de D______ au regard des témoignages recueillis, des rapports d'autopsie et des photographies. Dans ce cas également il y avait eu des rapports officiels, au nombre de trois, contradictoires. L'hélicoptère qui avait déplacé les corps avait été loué la veille avec pour mission d'aller chercher une patrouille qui se serait perdue, circonstance qu'on ne pouvait connaître à l'avance. Les personnes présentes sur les lieux étaient GGG______, UUU______, VVV______, dit ______, KKK______ et CCC______. Le témoin n'avait pas de preuves directes de l'implication d'A______ dans ce cas.

 

 

 

7. Dépositions d'autres protagonistes mis en cause dans l'une ou l'autre opération et état des procédures les concernant

r. CCC______

r.a. S'étant installé en Autriche, où il avait requis et obtenu l'asile, CCC______ a été poursuivi dans ce pays et auditionné à plusieurs reprises, dans le cadre de l'instruction autrichienne, d'une demande d'extradition guatémaltèque, par les autorités compétentes en matière d'asile puis à l'audience de jugement. Ses déclarations peuvent être résumées ainsi :

Il avait quitté le Guatemala le 3 mars 2007, sa vie étant en danger du fait du mandat d'arrêt lancé à son encontre. Deux conseillers de la police avec lesquels il avait travaillé avaient été assassinés depuis lors. Le Ministre de l'intérieur FFF______ avait un conseiller spécial, aux pouvoirs illimités, dont la fonction non officielle était de commettre des assassinats. Il s'agissait de KKK______. Il avait fait éliminer, par un groupe de la police et d'autres personnes qui travaillaient pour lui, de nombreux délinquants mais aussi des innocents. Les trois évadés d'El Infiernito avaient été assassinés sur ordre de FFF______ et de KKK______, selon un plan visant à donner l'apparence que CCC______ était impliqué. Officiellement, il s'agissait d'une opération de police. Le même schéma avait été suivi pour l'opération Pavón. CCC______ n'avait rien à voir avec l'assassinat ou exécution sans procès des sept victimes. Le coupable était KKK______. Les accusations de la CICIG et du Ministère public à son encontre provenaient de sources diverses liées à FFF______. A______ était un témoin à décharge.

Le plan de reprise de contrôle de Pavón avait été élaboré par l'administration pénitentiaire, la police et l'armée étant uniquement requises de prêter main forte. Il était certes présent mais n'avait rien à voir avec l'exécution. Il avait entendu des détonations et KKK______ ou des policiers en uniforme avaient dit qu'ils allaient voir. En fait, KKK______ avait affirmé que des prisonniers armés avaient tiré sur la police et étaient morts. Il ne pouvait confirmer que les armes présentes sur les corps avaient été amenées après le décès. Il existait un enregistrement vidéo très important, effectué par un collaborateur d'A______, qui était la seule preuve de la présence de KKK______. Ce dernier était certes décédé, mais d'autres personnes voulaient tuer CCC______, notamment GGG______. Il lui avait fait savoir qu'il avait identifié l'un des principaux témoins dans le cas Pavón et qu'il allait le tuer, ainsi que sa famille.

CCC______ a réitéré devant le Bureau fédéral autrichien des requérants d'asile que le responsable de tout était KKK______, lui-même n'ayant aucun lien avec les exécutions hors procès ; un complot avait été fomenté à son encontre parce que la mise en cause de KKK______ aboutirait nécessairement à celle de FFF______. Il avait eu un contact avec trois représentants de la CICIG, en août 2009, et leur avait expliqué comment le crime organisé fonctionnait au Guatemala. A leur retour, ces trois personnes avaient été licenciées et il avait compris que l'institution était sous l'influence de FFF______. Il avait bénévolement prêté son concours à son ami d'enfance, A______, dans le cadre de la réforme du système de santé de la police, qu'il avait restructuré, puis FFF______ l'avait nommé sous-directeur de la police pour la santé. Le 13 janvier 2006, il était devenu sous-directeur de la police criminelle car il fallait introduire de nouvelles méthodes d'enquête tels le profilage ADN ou les recherches balistiques pour lesquelles ses connaissances médicales étaient indispensables. Contrairement à ce qu'avait déclaré Z______, il n'avait pas eu une entrevue avec son frère avant l'opération Pavón. EE______ avait menti, ce qui pouvait se déduire des contradictions dans ses déclarations, ou entre ses déclarations et celles de Z______, et du fait qu'il avait affirmé reconnaître OOOOO______ sur certaines photographies alors que celui-ci avait été libéré de toute poursuite, ayant pu établir qu'il se trouvait à l'étranger le jour des faits. Le chef de l'armée KK______, I______ et son garde du corps avaient tous trois déclaré que des détenus avaient tiré depuis l'intérieur de la prison.

Le plan Pavo Real, élaboré par l'administration des prisons, l'armée et la sous-direction de la sécurité publique, avait été présenté, une semaine avant la date de l'intervention, lors d'une séance de la Direction générale de la police, en présence de FFF______, EEE______, A______ et les huit sous-directeurs. Une nouvelle réunion avait eu lieu deux jours plus tard, lors de laquelle il avait indiqué qu'il ne pouvait mettre à disposition autant d'effectifs que demandé puis il avait encore participé à une séance de répartition des effectifs et des tâches. A l'origine, son rôle était d'être présent et de résoudre les problèmes de personnel ou d'équipement pouvant surgir, et ce n'était que sur place qu'A______ l'avait instruit de se joindre au groupe engagé, dont il n'était pas le chef, quand bien même il avait le rang hiérarchique le plus élevé. Il avait appris à la dernière minute qu'il y avait un changement dans le plan, en ce sens que les forces du Système pénitentiaire ne devaient pas participer à "l'engagement", mais être regroupées dans une "zone spécifique". Les policiers de rang inférieur ne devaient pas être armés, contrairement aux gradés tels que lui. Lorsque, selon les instructions d'A______, il s'était joint au groupe au Nord, il avait constaté la présence de KKK______ avec une dizaine d'hommes cagoulés, dont ______ et VVV______. A cette époque, il n'avait déjà plus confiance en KKK______, ayant déterminé que des "cercles officieux" l'entourant comprenaient des personnes qui avaient commis des actes illégaux. Il n'était pas entré avec KKK______ et son groupe et pensait qu'il était passé par une autre entrée. Il avait observé les opérations d'ouverture du grillage et, vers 06:00-06:05, les hommes de KKK______ étaient entrés. Lui-même et les différents groupes de la police avaient suivi, deux ou trois minutes plus tard. Il était à environ 50-80 mètres des hommes de KKK______. Ceux-ci avaient déjà entouré la maison de NNN______ et lui-même avait franchi cinq ou six mètres, lorsqu'on lui avait tiré dessus et il s'était jeté à terre, restant ainsi pendant les 15 à 20 minutes d'un échange de tirs provenant d'une part de ladite maison et, d'autre part, des hommes de KKK______ ainsi que de ceux qui se trouvaient derrière lui. CCC______ et ses gardes du corps n'avaient pas fait usage de leur arme.

S'étant relevé, il avait atteint la maison, sans entrer. Derrière le portail, un homme de KKK______ lui avait dit que tout était sous contrôle. Il était alors entre 06:30 et 06:35. Des policiers étaient entrés et avaient dit qu'il y avait des morts, ce qui était l'une des raisons pour lesquelles il ne voulait pas rester sur place. Il était certes le directeur général des enquêtes criminelles, mais il ne voulait pas avoir affaire avec les agissements de KKK______. Il était resté 10 à 15 minutes sur place. Une trentaine de mètres plus loin, il avait vu un groupe de détenus au sol, ordonné à d'autres de se coucher et poursuivi son chemin. Les scènes figurant sur les images P1050188 et 189 n'étaient pas des photographies mais des extraits de film. Il avait instruit les policiers de s'y prendre à deux pour conduire chaque détenu, prenant la direction parce que le chef présent n'avait pas les qualités nécessaires. L'évacuation avait pris 20 à 30 minutes. Entre 07:00 et 07:15, il avait participé à l'ouverture des portes, alors qu'il n'y avait presque plus de détenus. C'était à ce moment qu'il avait retrouvé A______, avec lequel il n'avait jusque-là pas pu communiquer par radio parce que celle-ci ne marchait pas. Ils s'étaient rendus ensemble à la maison de NNN______ où KKK______ avait expliqué au directeur de la PNC que tout était sous contrôle et qu'il y avait eu sept morts. A______ était parti pour Pavoncito, où il voulait vérifier la situation et lui-même était retourné "dans la rue". Il y avait bien eu une résistance armée opposée par un groupe de prisonniers. Les hommes de KKK______, dont VVV______ qu'il avait vu derrière la porte de la maison de NNN______, étaient partout ; ils apparaissaient notamment sur les images P105050161, 186 et 194. Il reconnaissait en outre l'un ou l'autre des frères JJJ______, conseillers d'A______, sur les images P1050161, 190, 191, 197 et 200. Il avait entendu à plusieurs reprises parler du NNN______ ce jour-là. Il estimait qu'il y avait un risque de manipulation car le dossier contenait des photographies prises dans des zones où ne s'étaient pas rendues les personnes munies d'appareils de prise de vue.

CCC______ a encore identifié plusieurs scènes et individus apparaissant sur le dossier photographique P10500148 ss. L'homme portant un gilet "Police" et celui se tenant à ses côtés (bandeau bleu, arme et jeans) sur la P1050233 étaient des hommes de KKK______. Il ignorait quelle avait été la fonction des frères JJJ______ lors de l'opération mais se souvenait que JJJb______ filmait. Il les avait vus avec KKK______ et ses hommes et avait eu l'impression qu'ils collaboraient. GGG______ avait aussi participé à l'opération et était entré dans le complexe avec le groupe de KKK______. Son frère MMM______ n'était pas présent. Celui-ci n'avait rien à voir avec la police et n'avait jamais travaillé pour elle. Il n'était pas surprenant qu'il n'y ait pas eu de blessés parmi les forces de l'ordre, celles-ci ayant profité de l'effet de surprise, et étant formées et équipées spécialement. L'homme se tenant à côté de JJJa______ sur les photographies P1050233 et 992 ne pouvait être son frère car celui-ci mesurait 20 centimètres de plus que JJJa______. La déposition de Y______ s'expliquait par un malentendu : ce témoin avait cru que l'homme qu'il avait assisté durant l'opération était son frère parce qu'il avait reçu de EE______ pour instruction de le protéger. Z______ avait été victime de la même méprise, ayant entendu l'ordre. S'étant vu demander qui pouvait être l'individu accompagné par Y______, CCC______ a estimé que celui-ci mentait, tout comme EE______, tous deux ayant subi une forte pression du Ministère public. Il n'avait pas confiance en KKK______ mais ne pouvait émettre des suppositions sur ce que celui-ci avait fait dans la maison de NNN______, étant par ailleurs confirmé que des prisonniers avaient bien opposé une résistance. Il avait appelé BB______ pour savoir si l'un des morts était NNN______. L'information était en effet recherchée en vue de la conférence de presse. Le commissaire lui avait répondu que le nom de ce détenu ne figurait pas dans la liste des personnes transférées. Le fait que BB______ avait toutefois déclaré avoir appris que NNN______ avait été transféré pouvait s'expliquer par le caractère commun de ce patronyme.

r.b. CCC______ a également été entendu en Autriche par le MP, par voie de commission rogatoire (205'347 ss). Il n'avait pas eu rendez-vous avec A______ à la station d'essence sur la route menant à Pavón, mais avec le chauffeur de son ami, qui devait lui indiquer le chemin. Arrivé au poste de commandement, il avait retrouvé FFF______, A______, KKK______, EEE______, le colonel KK______, parmi d'autres personnalités. A______ lui avait demandé d'aller "de l'autre côté". Il était avec la deuxième équipe d'intervention, composée de policiers et de civils vêtus de noir. Il y avait aussi des militaires. Pour sauvegarder la sécurité de son frère, il ne pouvait dire qui faisait partie de cette équipe, en particulier si tel était le cas de GGG______. Il y avait bien les frères JJJ______ mais pas son frère MMM______, lequel n'avait pas participé à l'opération. Il y avait effectivement les personnes apparaissant sur la photographie P1050208, mais il ne pouvait identifier l'homme portant le gilet "Police", son visage n'étant pas visible. Vu la présence de KKK______, il n'était pas surpris par celle de personnes ne portant pas l'uniforme officiel de la police. Il ne savait pas si A______ était au courant ; logiquement, il aurait dû s'en douter, s'il avait vu KKK______. Lors de l'entrée dans l'enceinte, il y avait eu des coups de feu et la distance était grande jusqu'à la maison de NNN______. On avait tiré sur lui depuis un arbre. Il s'était mis à couvert. Il avait retrouvé A______ entre 07:00 et 07:20, soit peu de temps après les coups de feu, dans le deuxième tiers de la rue des ateliers, à environ 60 mètres de la maison de NNN______ et l'avait informé de ce que des coups de feu avaient retenti dans le secteur où se trouvait KKK______. Lui-même ne savait pas encore ce qui s'était passé et il incombait à ce dernier de présenter un compte-rendu au prévenu. A______ et lui s'étaient rendus ensemble jusqu'à l'entrée de la propriété de NNN______ où ils s'étaient tenus, avec leurs gardes du corps et KKK______, sans entrer. KKK______ avait dit qu'il était responsable et assumerait cette responsabilité devant les procureurs. Les hommes encagoulés sur la photographie P1050212 étaient les hommes de KKK______. Il n'avait pas compris que les victimes avaient été exécutées ; c'était une information que le bureau du PDH avait fait circuler, pour des considérations politiques. Il n'avait pas vu une liste de détenus et n'en avait pas entendu parler avant l'opération. Il s'était bien rendu à une réunion, la veille, dont l'objet était d'identifier les détenus devant être transférés à Pavoncito. Il était presque toujours armé comme il l'avait été lors de l'opération et la cagoule faisait partie de l'équipement. Ses gardes et lui-même l'avaient portée par mesure de sécurité. Les instructions données par A______ étaient de se rendre de l'autre côté de l'établissement, de le tenir informé et de prendre, au besoin, les décisions nécessaires étant rappelé que le plan était établi et que chacun savait ce qu'il avait à faire. En aucun cas celui-ci ne lui avait donné l'ordre de tuer. CCC______ n'avait pas été témoin d'un homicide. Il avait uniquement constaté qu'une fusillade avait eu lieu, à l'aube, devant la maison de NNN______ et qu'il était lui-même visé par des tirs. Il y avait eu de gros flashs sous un arbre.

De crainte pour sa sécurité, il ne pouvait dire s'il avait rédigé un rapport suite à son enquête au sujet de KKK______. Lorsqu'il avait évoqué des exécutions ou homicides, il n'avait fait que répondre aux questions posées. Les premiers rapports de médecine légale n'évoquaient rien de tel.

r.c. A teneur de sa déposition lors des débats de première instance (A187 ss), CCC______ avait bien rencontré trois représentants de la CICIG, soit HHHHH______, PPPPP______ et QQQQQ______, mais ceux-ci ne lui avaient pas proposé une mesure de clémence ou d'impunité en échange de sa déposition. Il avait accepté de leur parler car il n'avait rien à cacher. Ses déclarations selon lesquelles FFF______ était son ennemi s'expliquaient par le fait qu'il avait perdu confiance. Il était vrai qu'il y avait eu au Guatemala des exécutions extrajudiciaires, comme il y en avait toujours eu. En revanche, il était inexact que de telles exactions commises en 2005-2006 étaient imputables au "groupe KKK______". Tout au plus certains policiers en relation avec KKK______ pouvaient être impliqués. Ses déclarations n'avaient pas toujours été ténorisées correctement. Il y avait eu des problèmes de traduction. Il confirmait que les frères JJJ______ étaient des consultants d'A______ tout en collaborant avec KKK______, et que GGG______ était un subordonné, pas direct, de celui-là ainsi que de lui-même. La présence des frères JJJ______ lors de l'opération Pavón s'expliquait par le fait que celle-ci s'inscrivait aussi dans le contexte de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Il ne se souvenait pas avoir déclaré qu'il avait appris peu avant le début de l'opération qu'il y avait eu un changement de plan. Les tirs duraient encore lorsqu'il était arrivé à la maison de NNN______. Il ne s'y était pas arrêté mais avait reconnu GGG______ dans le groupe cagoulé qui s'y trouvait. Les frères JJJ______ étaient passés à côté de la maison et avaient continué dans la rue des ateliers. Après avoir assisté aux scènes figurant sur les images P1050190, 191 et 192, il avait ouvert des portes (P1050205, 206 et 207). A ce moment, les coups de feu avaient cessé, un tank était passé et il avait été informé qu'A______ marchait derrière l'engin. Il y avait des rumeurs selon lesquelles il y avait eu des morts. Il était donc revenu en direction de la maison de NNN______, où il avait vu A______. Etaient aussi présents KKK______ et GGG______, la sécurité d'A______ et des militaires, dont un colonel important. GGG______ lui avait fait rapport, étant de soutien à KKK______. A aucun moment CCC______ n'avait franchi le portail de la propriété. Il y avait eu un affrontement armé ; ceci étant, il ne pouvait dire si les sept victimes avaient été assassinées, n'étant pas témoin des faits. Les trois gardes du corps qui avaient affirmé que son frère se trouvait sur les lieux avaient beaucoup de raisons d'en vouloir à CCC______. Le Ministère public n'était pas entré dans l'enceinte à 10:34 mais plus tôt, les rapports mentionnant cette heure ne devant pas être pris en considération dès lors que le procureur XXX______, un irresponsable, avait été poursuivi pour avoir manipulé la scène du crime. Le second procureur était le "représentant légal" des narcotrafiquants.

Fin 2006, avec l'aval d'A______, il avait ouvert une enquête contre KKK______. Il s'agissait d'une enquête "top secret" dont il ne pouvait parler, pour sauvegarder sa sécurité et celle de ses proches.

Il avait encore le sentiment que FFF______ était "contre [lui]". Il pensait qu'une procédure légitime de la police avait été utilisée aux fins d'une action incorrecte.

r.d. En ce qui concerne le plan Gavilán, CCC______ a en substance indiqué qu'il n'avait pas participé à l'élaboration du plan, préparé par KKK______ sur demande de FFF______. Toutes les données passaient par KKK______, notamment au sujet des récompenses versées aux informateurs. Officiellement, KKK______ avait pour mission de ramener les fugitifs, mais selon CCC______, "ils" avaient fait tuer beaucoup d'évadés en faisant croire que ces derniers avaient opposé de la résistance. KKK______ avait fait exécuter les trois prisonniers sans procédure pénale ; ayant beaucoup de pouvoir, il pouvait faire ce genre de choses.

CCC______ n'avait pas assassiné les trois fugitifs, ni donné d'ordre dans ce sens. Il n'avait aucun lien avec ces trois décès, pour plusieurs raisons. Ces morts étaient survenues en 2005, à cette époque, il était encore sous-directeur de la santé de la police. C'était KKK______ qui était responsable de tout. En outre, les évadés avaient été tués respectivement à 200 km et 80 km de la capitale, lieu où il se trouvait lors des exécutions. Dans le cas Las Cuevas, CCC______ ne s'était rendu sur place qu'environ une heure après l'incident, au cas où des policiers auraient été blessés lors de l'engagement. Sur place, on lui avait dit qu'aucun policier n'avait été blessé et que les deux prisonniers étaient morts. Il était alors à proximité de la grotte, mais pas sur les lieux mêmes, de sorte qu'il n'avait pas vu les détenus morts.

Il pensait que le plan de KKK______ et FFF______ consistait à "donner aux faits l'apparence [qu'il avait] quelque chose à voir avec tout cela" et le fait qu'on lui ait demandé de se rendre sur place était un élément de la conspiration montée contre lui.

CCC______ et d'autres avaient reçu comme instruction du Ministère de l'intérieur de soutenir KKK______ dans "toute la mesure du possible". CCC______ avait mené des enquêtes contre ce dernier, raison pour laquelle il avait dû quitter le pays.

r.e. CCC______ a été acquitté par jugement non motivé de la Cour d'assises de Ried im Innkreis du 10 octobre 2013 (205'478 ss). A la demande de la Présidente du TCrim, elle-même sollicitée par la défense, le Président de la Cour d'assises a précisé que les jurés avaient "retenu par écrit" les motifs suivants "témoignage contradictoire ; décharge concernant l'expertise du coup tiré ; le témoin Z______ ne fait pas preuve de participation active" (classeur TCrim F297 s).

s. DDD______

Ce protagoniste a déposé pour la première fois devant le Tribunal criminel (A179 ss). Il avait été conseiller rattaché au Système pénitentiaire du 1er mai 2006 au 15 novembre 2007. Il avait ensuite participé aux deux campagnes présidentielles d'EEE______ puis été visé par une procédure pénale au Guatemala, la CICIG lui reprochant d'être membre d'une organisation criminelle dirigée par FFF______. Il avait été acquitté.

L'opération Pavo Real avait été planifiée par son collègue I______, auquel il n'avait pas demandé d'établir une liste de détenus. Il n'avait d'ailleurs jamais vu une telle liste. I______ était un témoin protégé de la CICIG, dont il percevait un salaire et qui l'avait installé à l'étranger, sous une nouvelle identité. La CICIG, pourtant censée aider à régler la situation, avait nui au système judiciaire guatémaltèque, en modifiant illégalement les procédures. D'emblée, elle avait été mue par des objectifs politiques, dans l'intérêt du gouvernement en place, raison pour laquelle aucune des procédures qu'elle avait initiée n'avait abouti. Il y avait d'ailleurs eu des scandales liés à des faux témoignages comme cela avait été démontré dans l'ouvrage co-écrit par DDD______ et EEE______ concernant les cinq dépositions différentes de U______. Un juge, soit MM______, avait été contraint de modifier un acte judiciaire.

Il y avait bien eu un affrontement armé au cours de l'opération. Cela se déduisait de la déposition de I______ qui n'avait d'ailleurs restitué que huit cartouches utiles sur les 180 qu'il avait retirées de l'arsenal. Le témoin avait observé l'évacuation d'un blessé, ce qui pouvait correspondre à la scène de la photographie 97 (202'176) et une vidéo avait été diffusée dans les médias.

La garde pénitentiaire n'avait pas participé à l'opération, son rôle étant de fournir un appui au Ministère public. En fait, la PNC, l'armée et le Système pénitentiaire avaient chacun une fonction nécessaire à la bonne exécution de l'opération. Aucun officier n'avait été investi du rôle de diriger ou coordonner. Il n'y avait pas de chef mais plusieurs membres du commandement. Lui-même devait être au poste de commandement, avec pour tâche de "faire des rapports si nécessaire" mais il était resté dix heures à ne rien faire. Le Ministère public était entré aussitôt qu'il lui avait été indiqué qu'il y avait des morts, ce qui devait être entre 07:00 et 07:30, voire même avant.

DDD______ n'avait pas eu accès aux photographies de la procédure genevoise mais pouvait dire que celles versées au dossier guatémaltèque étaient truquées, ce qui avait été démontré, puisque sur une photographie, un détenu qui serait mort au cours de l'opération, avait un bras à la place d'une jambe.

t. EEE______

Déposant devant le MP (500'462 ss), l'ancien directeur du Système pénitentiaire a expliqué que les responsables de l'opération Pavo Real étaient énumérés dans le plan publié en p. 502 ss de l'ouvrage qu'il avait consacré à l'affaire le concernant. Il s'agissait de FFF______, RRRRR______, Ministre de la défense, le chef de l'Etat-major de la défense, SSSSS______, A______ et lui-même. Il y avait bien eu une réunion du commandement central vers 04:00 mais KKK______, CCC______ et GGG______ n'étaient pas présents, pas plus que LLL______. A sa connaissance, MMM______ n'était pas à Pavón le 25 septembre 2006.

Lors de réunions préparatoires, il n'avait pas été question de détenus en particulier mais uniquement du contrôle de la prison. I______ avait élaboré une farce, suite à l'intervention du PDH, et était devenu un collaborateur de la CICIG. Dans ce contexte, il avait parlé d'une prétendue liste de détenus à exécuter, laquelle n'avait jamais existé, comme cela avait été établi lors de son procès. Pour lui, les sept détenus était morts lors d'un affrontement avec les forces de l'ordre. Il ne savait pas si les photographies P1050188 ss avaient été prises le 25 septembre 2006 et observait que leur authenticité n'avait pas été démontrée par voie d'expertise.

A son sens, les personnes apparaissant sur les photographies P1050187, 208 et 233 appartenaient à la PNC. Il ne savait pas pourquoi l'inscription "Police" sur le gilet de la photographie P1050233 était en anglais. Peut-être s'agissait-il d'un don, étant précisé que les forces anti-émeutes disposaient de casques et boucliers avec une telle mention, offerts par les Etats-Unis.

Peu avant le début de l'intervention, EEE______ avait constaté que des membres du Système pénitentiaire étaient armés alors que cela n'était pas prévu, leur tâche étant de procéder à la perquisition, après le transfert des prisonniers, avec le Ministère public. Il leur avait donc donné l'ordre de rendre leurs armes. I______ avait contrevenu à cette instruction et avait pris illégalement deux fusils du dépôt. Au début de l'opération, I______ était à ses côtés, à l'entrée principale, distante de 1,5 km du lieu où les forces de l'ordre étaient entrées. Il ne pouvait donc les avoir suivis, comme il le prétendait. Par ailleurs, I______ n'avait pas tiré trois fois, comme il l'avait déclaré au procès d'EEE______, mais 81 fois. Un rapport balistique de la CICIG avait établi que des armes de calibre 7,62 avaient été utilisées mais on n'avait pas poussé les recherches pour déterminer s'il s'agissait des armes dérobées par I______. Le plan Pavo Real avait été respecté, sauf par le précité, qui était entré dans la prison en tirant des coups de feu et en abandonnant les fonctions qu'il s'était lui-même attribuées, avec pour conséquence un retard dans l'enregistrement des photographies et empreintes digitales des détenus.

EEE______ devait être présent au poste de commandement et coordonner les activités du Service pénitentiaire durant la perquisition et l'enregistrement des détenus. Il y était donc resté jusqu'au moment où la prison avait été sous contrôle ; il était ensuite entré, avec les autres membres du commandement, pour se rendre à la place centrale. L'ordre d'intervenir avait été donné à 07:00 par FFF______.

EEE______ avait d'abord appris qu'un détenu, EEEE______, avait été blessé. L'intéressé avait été admis à l'hôpital à 07:44. Le poste de commandement avait ensuite appris par radio qu'il y avait eu des morts. Le Procureur avait ordonné aux membres du Ministère public de se rendre sur les lieux pour protéger la scène de l'affrontement et procéder à la levée des corps. Il s'était lui-même rendu sur place, plus tard. Les corps y étaient encore.

Les gardes du corps de CCC______ avaient menti car ils avaient déclaré que le président BERGER avait participé à une réunion le vendredi précédant l'opération alors qu'il était à Miami ce jour-là.

Dans le cadre des manipulations par la CICIG, il lui avait été proposé de bénéficier du statut de collaborateur efficace, à l'instar d'autres témoins. En contrepartie, on lui avait promis le prononcé d'une peine de cinq ans qui serait ensuite commuée en peine pécuniaire, ce qui lui aurait permis de se réfugier en Italie, avec sa famille et de percevoir une somme d'argent importante, mais il avait refusé. En vérité, la CICIG ne voulait pas savoir ce qu'il avait véritablement à dire, attendant de lui qu'il confirme la version manipulée. La procédure dirigée contre lui s'était soldée par un acquittement, devenu définitif le 31 août 2012.

Il avait pris la direction du Système pénitentiaire le 7 novembre 2005, soit après les 19 évasions de la prison d'El Infiernito. Deux évadés avaient été retrouvés morts avant son entrée en fonction et deux autres étaient décédés après celle-ci. Le père de l'un des évadés l'avait contacté et ils s'étaient rencontrés dans un centre commercial où le détenu s'était rendu. EEE______ avait accompagné les deux hommes au commissariat, le père voulant s'assurer qu'il n'arrive rien à son fils.

u. FFF______

u.a. Sur commission rogatoire du MP, les autorités judiciaires espagnoles ont communiqué le procès-verbal d'audition en qualité de prévenu de l'ancien Ministre de l'intérieur en date du 16 décembre 2010.

La PNC et le Système pénitentiaire dépendaient bien de son Ministère et il était à l'origine de la nomination d'A______ et d'EEE______. KKK______ avait été un conseiller de la police au sein du Ministère durant de nombreuses années, y compris durant son mandat. Il avait des contacts avec lui alors qu'il n'en avait pas avec GGG______, lequel rapportait tout au directeur des opérations et au directeur de la police. Il n'y avait jamais eu d'action ou d'ordre illégaux au Ministère de l'intérieur, au sein duquel aucune structure parallèle n'avait été créée. Il ne savait pas si KKK______ avait participé à l'opération Pavón alors que tel avait dû être le cas de GGG______.

L'opération Pavón s'était inscrite dans le contexte d'un plan intégral de sécurité élaboré par un Cabinet d'Etat composé du Président et du Vice-président de la République, lui-même, le Ministre de la défense et le Procureur général. Le plan en avait été établi par le Système pénitentiaire, peut-être avec l'assistance du Ministère public, dès lors qu'il avait impliqué une activité de renseignement via des contacts avec les détenus. Le Cabinet de sécurité avait arrêté la date de l'intervention. Il était inexact qu'une liste de détenus avait été établie. Tous les prisonniers devaient être transférés à Pavoncito et il n'y avait pas de dispositions particulières à prendre pour certains d'entre eux. Tout au plus était-il prévu d'attribuer des cellules individuelles aux membres du COD, pour le dissoudre. Il y avait donc une liste des 15 ou 16 membres du COD. Le risque d'une résistance violente, qui aurait même pu s'étendre à d'autres établissements, avait été pris en considération, étant précisé qu'il y avait dans la prison des armes et un COD composé de plus de 200 personnes à l'attitude agressive et belligérante. Eu égard à cette situation et au nombre d'intervenants de part et d'autre, le nombre de sept morts était bien inférieur à ce qui avait été envisagé. L'intervention avait bénéficié d'un effet de surprise.

FFF______ avait démissionné quelques mois avant la fin du mandat présidentiel, afin d'appuyer la campagne électorale d'un candidat à la Vice-présidence. Le Vice-président STEIN et lui-même avaient œuvré en vue de la mise en place de la CICIG à laquelle il avait fait savoir qu'il se tenait à disposition. Il lui avait toujours été dit qu'il n'y avait absolument rien contre lui, de sorte qu'il était serein. En été 2010, il s'était rendu en Espagne pour des raisons personnelles et avait abruptement décidé de ne pas rentrer au Guatemala, ayant découvert que des accusations avaient été lancées à son encontre au sujet desquelles ses avocats ne parvenaient pas à obtenir d'éclaircissements.

Selon lui, la CICIG et le Ministère public voulaient, grâce à l'enquête, remonter jusqu'au Président BERGER et au Vice-président STEIN.

FFF______ n'avait pas personnellement suivi la mise en œuvre du plan Gavilán, car cela relevait de l'opérationnel, soit de la police. Il n'avait d'ailleurs aucun contact direct avec GGG______ et ne savait pas si des récompenses avaient été versées à des informateurs. Il avait uniquement été tenu informé des évènements au fur et à mesure qu'ils intervenaient.

u.b. A connaissance de la CPAR, FFF______ est actuellement toujours détenu en Espagne, en attente de jugement.

v. La procédure au Guatemala contre GGG______ et consorts

v.a. Au Guatemala, le "Tribunal primero de sentencia penal, narcoactividad y delitos contra El ambiente grupo B por proceso de mayor riesgo" a prononcé le 8 août 2013, un jugement, rectifié le 19 août suivant, dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de UUU______, VVV______, MMM______ et GGG______ ainsi que d'autres protagonistes (002'308 ss).

v.a.a. Selon ledit jugement, il avait été décidé, parallèlement au plan visant à la capture des évadés d'El Infiernito, que les fugitifs repris seraient exécutés extrajudiciairement. C______ avait ainsi été tué par UUU______, dans le véhicule Mitsubishi Lancer où on lui avait fait prendre place alors qu'VVV______ occupait le siège conducteur. Il sied ici de préciser que le tribunal de première instance du Guatemala a retenu que le ou les coups(s) tiré(s) depuis le siège arrière pouvai(en)t correspondre aux blessures présentes au niveau de la clavicule gauche avec sortie – selon ledit Tribunal – dans le cou. D______ et E______ avaient été exécutés par des agents de la PNC alors qu'ils avaient été arrêtés et maîtrisés par GGG______. Au mois de juin 2006, FFF______, A______, CCC______, EEE______ et d'autres avaient élaboré le plan Pavo Real dont une partie consistait à identifier les détenus exerçant des fonctions dirigeantes au sein du COD. Avec l'accord des précités, un groupe comprenant GGG______ et, notamment les frères CCC______ MMM______ et JJJ______, avait pénétré dans la prison de Pavón, identifié et mis à part les détenus énumérés sur une liste de prisonniers à exécuter, séparant ainsi du reste de la population carcérale les sept victimes, avant que celles-ci ne soient mises à mort dans la maison où vivait NNN______ ou à proximité de celle-ci.

v.a.b. GGG______ a été reconnu coupable d'exécutions extrajudiciaires au préjudice de C______, D______, E______, TTT______, NNN______, PPP______ et SSS______ et condamné à une peine de prison ferme de 33 ans et trois mois. Sa culpabilité n'a pas été retenue pour les trois autres morts de Pavón en l'absence de preuve l'impliquant directement dans ces trois exécutions.

v.a.c. UUU______ et VVV______ ont été reconnus coupables de l'exécution extrajudiciaire de C______ et tous deux condamnés à une peine ferme de 25 ans. Ils ont en revanche été acquittés s'agissant des deux autres évadés d'El Infiernito, car l'acte d'accusation indiquait que les tirs avaient été effectués par des agents non identifiés, ce qui ne permettait pas de retenir la responsabilité du premier, et que le dossier n'établissait pas si le second avait appartenu au groupe qui avait arrêté et exécuté les fugitifs ou à celui qui était arrivé sur place après leur mort.

v.a.d. MMM______ a été reconnu coupable d'infractions en relation avec la détention d'armes et condamné à une peine de prison ferme de 10 ans, ainsi qu'à une peine de prison de cinq ans commuable en peine pécuniaire. Il a été acquitté de l'infraction de meurtre et d'association illicite pour les faits de Pavón pour des motifs de technique juridique soit que, bien que son appartenance au commando qui avait recherché et capturé les victimes fût établie, l'acte d'accusation ne comportait pas les "éléments requis permettant de déterminer l'existence du délit de meurtre" ; on ne pouvait pas plus retenir à son encontre l'infraction d'association illicite car cela aurait comporté qu'il avait intégré l'association composée notamment de FFF______, A______, CCC______, DDD______ et EEE______ le jour-même des faits.

v.b. Ledit jugement a d'abord été annulé, par arrêt du 25 février 2014 de la "Corte de apelaciones del ramo penal de proceso de mayor riesgo y de extincion de dominio" laquelle a renvoyé la cause en première instance, mais à des magistrats différents, pour nouvelle décision (dossier TCrim, F53 ss).

v.c. Cette même Cour a toutefois ensuite confirmé le jugement du 8 août 2013, par arrêt du 15 janvier 2015 (dossier d'appel, 85bis).

 

8. Témoin de moralité

w. La défense a requis l'audition, lors des débats de première instance, d'un témoin de moralité, en la personne d'un ancien maire de Guatemala City (législature 2000 à 2004), HHH______ (dossier TCrim, A262 ss), lequel connaissait très bien A______, comme ami et comme secrétaire général de son parti politique. Le prévenu était un homme habité de sentiments nobles avec des valeurs et des principes fondamentaux. Il "était incapable de faire du mal à qui que ce soit et encore moins de tuer quelqu'un". Le père d'A______ était un diplomate de carrière, un homme honorable actif dans le commerce international, représentant de l'OMC pour le Guatemala à Genève.

A______ avait fait de la politique au moins depuis ses 20 ans et avait été un membre dévoué des pompiers municipaux de Guatemala City. Il avait travaillé pour le témoin en qualité de chargé des relations publiques, puis de chef de campagne ; il avait été son assistant personnel pendant son mandat.

Idéaliste, A______ avait accepté de devenir le directeur de la PNC dans le but de faire avancer les choses, alors que ce poste était compliqué et dangereux. HHH______ avait pu observer, par le truchement des médias, la façon dont A______ avait lutté contre la corruption au sein de la police, s'attelant à une tâche énorme. Tout représentant du pouvoir judiciaire ou de la police qui affrontait le crime organisé s'exposait à un danger pour sa vie. HHH______ se souvenait notamment d'une tentative d'attentat contre les enfants A______ en 2006.

9. Déclarations du prévenu

x.a. A______ a été entendu à plusieurs reprises par le MP, la première fois en date du 19 avril 2011.

x.a.a. Il avait occupé le poste de directeur général de la PNC du 22 juillet 2004 au 28 mars 2007. Informé de ce qu'une commission rogatoire allait être envoyée au Guatemala, le prévenu a demandé que celle-ci soit étendue à l'établissement de l'état de son patrimoine afin d'établir qu'il n'était pas corrompu. Il était attaqué pour avoir fait face à l'armée, au Congrès, aux narcotrafiquants et autres criminels ainsi qu'aux grandes familles qui détenaient le pouvoir économique et contrôlaient notamment les médias. Durant son activité, il avait d'ailleurs été visé par des menaces de mort et des attentats. Il s'était exposé à l'inimitié des journalistes, pour avoir mis fin, lors de son entrée en fonction, aux privilèges dont ils jouissaient, tels que bons d'essence de la police, accès aux cafétérias ou informations confidentielles. En 2006, dans les jours qui avaient suivi sa dénonciation au Ministère public de certains hommes d'affaires de mèche avec les narcotrafiquants qui corrompaient la police, un article avait été publié selon lequel il avait une liste de sept personnes à exécuter, dont un ancien directeur de la PNC et la Vice-Procureur des droits de l'homme. Il avait déposé plainte pénale mais celle-ci était restée au fond d'un tiroir. Fin 2006, ayant découvert l'existence d'un projet d'enlèvement de son fils, il avait été contraint de faire exfiltrer sa famille vers la Suisse, avec l'aide des Etats-Unis.

Il considérait peu fiables les vidéos de l'opération Pavón ainsi que les photographies produites par la CICIG, auxquelles on pouvait faire dire n'importe quoi, en inversant l'ordre dans lequel elles avaient été prises. Il avait appris comment certains détenus avaient perdu la vie par un rapport du conseiller du Ministère de l'intérieur, vers la fin de l'opération, soit 06:45, alors qu'il faisait le tour des installations et arrivait dans le secteur dudit conseiller. Celui-ci l'avait informé que des détenus avaient opposé résistance et qu'il y avait eu des coups de feu. A______ avait bien entendu des tirs. Il n'avait appris que l'on parlait d'exécutions qu'un mois plus tard, par le rapport du PDH. Il n'avait rien à voir avec le plan Gavilán, lequel avait été planifié par l'un des conseillers du Ministère de l'intérieur.

x.a.b. Il n'était entré dans l'enceinte de Pavón qu'après les forces de l'ordre. Il portait sur lui plusieurs armes mais ne les avait pas utilisées.

x.a.c. Il avait été nommé à la tête de la PNC le jour de la désignation de FFF______ en qualité de Ministre de l'intérieur. Celui-ci lui avait au préalable fait savoir qu'il le souhaitait à ce poste, quand bien même il n'appartenait pas au parti politique au pouvoir, en raison de son excellent parcours et de sa jeunesse.

L'organigramme de la PNC était le suivant : le subordonné direct du directeur général était le directeur adjoint ; il y avait cinq secrétariats et l'état-major de la police, soit huit sous-directeurs, chargés respectivement de quatre services internes (finance et logistique, formation, santé, ressources humaines) et de quatre services externes, soit sécurité publique, enquêtes criminelles, services spéciaux, et prévention de la délinquance. Sous réserve du cas particulier de la sous-direction de la sécurité publique, la hiérarchie interne à chaque sous-direction comportait les échelons de chef des opérations, chef de Division, chef d'unité et enfin chef de section. A______ avait nommé son ami CCC______, gynécologue de formation, à la tête des enquêtes criminelles, parce qu'il avait une grande confiance en lui, que c'était un médecin reconnu et que les méthodes d'investigation en médecine légale étaient très proches de celle de l'investigation policière. Il lui avait demandé de procéder à une évaluation du service en vue de sa modernisation et d'établir une feuille de route afin d'éradiquer la corruption, sachant qu'il était incorruptible. CCC______ s'occupait du volet administratif, n'étant pas formé pour l'exécutif sur le terrain.

Il était vrai que des membres des forces de l'ordre avaient commis des actions hors la loi, mais il n'y avait pas participé. Au contraire, il avait mis en œuvre les mesures nécessaires afin d'élucider ces affaires. C'était notamment grâce à l'enquête menée par lui-même et CCC______ qu'avaient pu être interpellés les quatre policiers qui avaient assassiné trois députés salvadoriens (ndlr : affaire Parlacen). Ces hommes avaient ensuite été tués à leur tour durant leur détention, semble-t-il par des prisonniers. Suite à cette affaire, le Président, lui-même sous pression du Congrès car il s'agissait d'une année électorale, lui avait demandé de démissionner, ce qu'il avait fait.

x.a.d. La décision de reprendre le contrôle du service pénitentiaire avait été prise, début 2005, par le Cabinet de sécurité nationale, composé de diverses personnalités, à commencer par le Président et dont le directeur de la PNC faisait également partie. Le directeur du Système pénitentiaire avait alors été chargé d'élaborer un plan pour reprendre le contrôle sur l'ensemble des prisons du pays. Trois à six mois avant le 25 septembre 2006, EEE______ avait présenté audit Cabinet une liste des établissements prioritaires qui comprenait notamment celui de Pavón. Par la suite, soit environ quatre semaines avant l'intervention à Pavón, EEE______ avait exposé les grandes lignes de chaque opération et leur date. A______ avait alors rencontré le directeur-adjoint VaV______ et les principaux sous-directeurs, chargeant le premier de réunir les entités qui devaient participer à l'opération. Trois jours avant celle-ci, VaV______ lui avait soumis le plan d'exécution en compagnie du sous-directeur de la sécurité publique TTTTT______. Ce plan avait été préparé par toutes les institutions concernées, soit, outre la PNC, le Ministère public, le Service pénitentiaire, l'armée et la COPREDEH. C'est ce jour-là que l'opération avait été baptisée "Pavo Real". Il avait estimé que le plan était correct et qu'il pourrait être appliqué pour les autres centres de détention, étant précisé qu'il n'y avait pas eu de morts mais bien quelques blessés lors de ces autres interventions et qu'A______ avait participé à deux d'entre elles. En ce qui concernait la PNC, 1'500 policiers devaient être mobilisés, les diverses sous-directions ayant un rôle déterminé. A______ ne savait pas quel était exactement celui de la sous-direction des enquêtes criminelles, mais il était question d'investiguer sur des séquestres de personnes ou des vols de véhicules ainsi que des saisies des biens et d'obtenir aussi des informations sur des personnes se trouvant sans raison valable dans la prison, telles des prostituées ou des détenus ayant achevé de purger leur peine. La direction des opérations était confiée au chef du commissariat local. Des forces spéciales étaient intervenues, tant de la PNC que, selon les uniformes qu'il avait pu voir, du Système pénitentiaire et de l'armée.

A______, pour sa part, n'avait pas de rôle spécifique. A l'instar du Ministre de l'intérieur, des sous-directeurs et du Ministre de la défense, sa présence avait été requise par le service de communication de la présidence. Il était en effet important de marquer l'importance de l'opération, raison pour laquelle le Président s'était d'ailleurs lui-même déplacé. Il y avait un centre de commandement où était installé le chef du commissariat avec ses hommes ainsi que les équipes d'autres institutions chargées de centraliser l'information et de donner des instructions.

x.a.e. Le 24 septembre 2006 une réunion interinstitutionnelle avait eu lieu entre 19:00 et 21:00 dans les bureaux de FFF______, à laquelle avaient notamment participé le Vice-président, le Ministre de la défense, le Procureur général, EEE______ et A______. Le secrétaire privé du Président était sauf erreur également présent.

Le prévenu, selon sa propre décision, avait quitté son domicile le matin des faits aux environs de 04:00, dans sa voiture de fonction, suivi d'un véhicule occupé par son service de sécurité, pour arriver sur place une vingtaine de minutes plus tard. FFF______ était déjà présent, ainsi que divers autres protagonistes dont CCC______. Il avait fait le tour de la prison avec le colonel SSSSS______ puis A______ avait décidé d'accompagner le groupe d'intervention qui devait pénétrer par le Nord s'agissant du point où des poches de résistances étaient prévisibles, compte tenu d'expériences passées. L'autre point sensible était sis au Sud, soit sur le chemin par lequel les détenus devaient être transférés à Pavoncito. Le chef de la police du district central y avait été placé. CCC______ pour sa part était chargé de superviser l'entrée Est.

Lorsque le signal avait été donné, A______ était entré avec le colonel SSSSS______, l'autre colonel, un photographe et des gardes du corps, soit huit à dix personnes. Il avait fallu forcer un passage, en l'absence de clefs ; ils avaient ensuite vérifié des bureaux et inspecté diverses installations tout en suivant le chemin central jusqu'à l'église. Ils s'étaient dirigés vers un blindé qui avait un problème puis jusqu'à l'entrée Sud où le prévenu avait observé que les détenus étaient fichés et photographiés avant d'être transférés. Il était environ 06:50. Son groupe avait ensuite suivi le chemin longeant la clôture jusqu'à l'entrée Est où se trouvait un autre blindé ayant rencontré un problème puis était monté en direction de constructions de type favelas et avait trouvé des policiers, photographes et cameramen, gardiens et représentants du Ministère de l'intérieur. Il avait alors été informé, aux environs de 07:10, par KKK______, de ce qu'il y avait eu un affrontement avec des détenus à deux ou trois points du secteur Est. Il était entré dans une maison blanche à deux étages, par le garage, et avait, à travers la porte, constaté la présence de policiers qui gardaient un ou deux cadavre(s). Il avait supposé que les policiers attendaient le Ministère public et n'était lui-même pas entré pour ne pas contaminer la scène, à laquelle un juge de paix avait, sauf erreur, déjà eu accès. Il avait quitté le garage et s'était approché d'une installation de type poulailler où gisait un autre cadavre, également gardé par des policiers. Ils étaient partis et CCC______ s'était joint à son groupe, lui montrant un troisième endroit où des coups de feu avaient été échangés mais où il lui semblait qu'il n'y avait pas eu de décès. Tout au long de ces déplacements, A______ avait été accompagné par les deux colonels, les photographes et ses cinq gardes du corps. Toujours escorté de la sorte, il s'était ensuite rendu à l'entrée Nord, où il avait retrouvé FFF______ et EEE______, le Procureur général et divers autres officiels, dont la COPREDEH. Il avait participé à une fouille de tous les bâtiments – ce devait être entre 07:00 et 08:00 – puis était redescendu à la maison de NNN______. Après 45 à 60 minutes, son groupe avait quitté la prison. Le Ministre de la défense était arrivé en hélicoptère et tous s'étaient réunis au Centre de commandement. Le Président était arrivé entre 11:00 et midi. Par la suite, le chef du commissariat no 13 lui avait confirmé que sept détenus étaient décédés, sans communiquer leur identité. A______ avait quitté les lieux vers 15:00 ou 15:30, sa présence n'étant plus nécessaire.

Le lendemain, il avait appris par le rapport quotidien l'identité des sept détenus morts lors de l'opération. Deux jours plus tard, FFF______ lui avait demandé les rapports détaillés de l'opération, chaque service devant faire suivre son compte-rendu au Ministère public. A______ avait chargé son directeur adjoint de lui transmettre les documents, étant précisé que ledit directeur adjoint était resté lors de l'opération au centre de gestion de crise pour prendre les décisions qui n'incombaient pas aux responsables de l'opérationnel, ainsi que cela se faisait dans toutes les actions d'envergure.

Pour sa part A______ avait assumé la responsabilité de la police, tant au niveau politique, en ce sens qu'il aurait subi les conséquences d'un échec, qu'au plan de la supervision des opérations, mais pas de responsabilité opérationnelle. Initialement, l'action avait été très bien accueillie, mais par la suite, après le changement de gouvernement intervenu en 2008, sauf erreur, il s'était trouvé confronté à une véritable persécution. Deux mois après les faits, il avait appris lors d'une réunion au Ministère de l'intérieur que le PDH avait ouvert une enquête. L'avocat responsable des droits de l'homme au sein du Ministère avait cependant indiqué que les personnes visées étaient celles qui étaient arrivées les premières sur les lieux et qu'il n'y avait pas d'enquêtes sur eux ("nous"). Ce n'était donc qu'en 2010 qu'il avait appris, par les médias, qu'il était impliqué et il avait spontanément pris contact avec le Procureur général à Genève, se mettant à disposition.

Tous les policiers intervenant le 25 septembre 2006 étaient censés porter leur uniforme et seuls ceux appartenant aux deux unités des forces spéciales étaient autorisés à couvrir leur visage.

Il avait été surpris de constater la présence de KKK______, dès lors qu'il n'était pas prévu que la section anti-enlèvement participe à l'opération. Il avait alors supposé que la participation de ce dernier était due à des dénonciations d'enlèvement gérées depuis la prison.

x.a.f. A______ connaissait les frères JJJ______ pour les avoir rencontrés lors d'une visite au Ministère de l'intérieur puis par la suite, au travers de CCC______. Il lui semblait avoir vu JJJa______ à Pavón le 25 septembre 2006. Les deux hommes n'appartenaient officiellement à aucun service du gouvernement mais étaient engagés régulièrement auprès de la sous-direction des investigations criminelles et accompagnaient constamment CCC______, notamment en vue d'une réorganisation. Ils étaient considérés comme des délateurs par les autres membres du personnel et avaient beaucoup d'ennemis.

Lorsque l'opération avait été lancée, il y avait eu une longue séquence de coups de feu, raison pour laquelle, à l'endroit où il se trouvait, au Nord, les forces de l'ordre s'étaient couchées à terre, ne pouvant déterminer d'où provenaient des tirs.

x.a.g. KKK______ avait exercé durant dix ans la fonction de conseiller du Ministère de l'intérieur, en charge des dossiers liés aux enlèvements et s'occupait également d'autres enquêtes. A______ l'avait rencontré en 1995 ou 1996, lors de l'enlèvement de l'un de ses proches et ils avaient été régulièrement en contact suite à son entrée en fonction à la tête de la PNC. KKK______ n'avait cependant participé à aucune réunion préparatoire de l'opération Pavo Real. Le prévenu n'avait pas connaissance de ce que KKK______ ait pu être mêlé à des exécutions extrajudiciaires et n'avait jamais reçu d'indication de la part de CCC______ concernant une implication de KKK______ dans des exécutions extrajudiciaires à Pavón. Le MP faisant référence aux déclarations de CCC______ sur ce point, A______ a confirmé avoir autorisé ce dernier à initier une enquête contre KKK______ et des membres de son équipe soupçonnés d'avoir commis des actes illégaux. Il était question de liens entre les membres de l'unité de KKK______ et des fonctionnaires de police ayant commis des crimes.

S'il était exact que les détenus avaient été enregistrés lors de leur transfert à Pavón, il n'avait en revanche jamais été question d'une liste restreinte et il n'avait vu aucun représentant des forces de l'ordre en possession d'une telle liste.

x.a.h. A______ contestait les faits qui lui étaient attribués par UUUUU______ et ZZ______. Il avait appris par un appel de FFF______ que certains des détenus qui s'étaient évadés le jour-même avaient été repris. Alors qu'il se rendait à la Prison d'El Infiernito, il avait appris que FFF______ se rendait au commissariat d'Escuintla et il l'avait donc retrouvé là-bas. FFF______ avait à ce moment déjà donné une conférence de presse et les journalistes l'avaient suivi sur place. Diverses autres personnalités étaient présentes, ainsi que du personnel du PDH et ce n'est que plus tard dans la journée que les deux détenus avaient été conduits audit commissariat. Un juge de paix avait aussi annoncé sa venue et avait demandé qu'on l'attende.

Lors des discussions au commissariat, il avait été question de précédentes évasions et du plan élaboré à l'époque de sorte qu'il avait été demandé au sous-directeur des opérations de le reprendre pour en élaborer un nouveau, ce qui avait été fait le dimanche (ndlr : le 23 octobre 2005). Le lundi (ndlr : soit le 24 octobre 2005), il y avait eu une réunion à la Direction de la police en présence de FFF______, de son Vice-ministre, VVVVV______, de KKK______, chargé de réunir et analyser les informations, de GGG______, qui devait coordonner les groupes d'investigation, du chef de district et de son supérieur hiérarchique direct, VaV______, à l'époque sous-directeur des opérations, lequel devait s'occuper de la partie administrative. GGG______ devait en référer tant à VAV______, lequel devait à son tour répercuter tant à A______, qu'à KKK______. Plus précisément, GGG______ devait en référer à KKK______ s'agissant de tout ce qui avait trait à l'opérationnel. Les opérations de la PNC étaient coordonnées par TTTTT______, la voie de service étant LOPEZ - VAV______ - directeur adjoint - A______. Ce dernier n'avait aucun rôle décisionnel dans la mesure où les personnes principalement en charge étaient celles déjà intervenues lors de la précédente évasion de 2001. La répartition des rôles qui précède avait été proposée par KKK______ eu égard à l'expérience acquise par ses collaborateurs suite à cette première évasion, et avait été acceptée par FFF______. Les équipes de recherches étaient essentiellement constituées d'agents de la section des investigations criminelles de la PNC.

Revenant à l'opération Pavo Real, A______ se disait fort surpris de la déclaration d'P______ selon laquelle celui-ci avait entendu sur l'émetteur portable du prévenu qu'on lui annonçait la capture de TTT______ ; au moment évoqué par le témoin, il était en effet entouré de plus d'une cinquantaine de personnes et ledit témoin d'une centaine de détenus et il était le seul à affirmer pareille chose, sans compter que les propos qu'il rapportait ne correspondaient pas à la structure de communication mise en place (identification de la personne faisant l'annonce, confirmation de sa bonne réception et indication qu'il n'y a rien d'autre à transmettre avant la fin de la conversation ainsi qu'une référence au destinataire de l'information par son nom de code soit, le jour des faits, "ORO" suivi d'un chiffre).

x.b. A l'audience de jugement, persistant pour l'essentiel dans ses précédentes déclarations, A______ a indiqué, s'agissant de la voie hiérarchique, qu'il avait le pouvoir, tout comme FFF______, de sauter des échelons pour donner des ordres à un subordonné qui n'était pas en lien immédiat avec lui, par exemple à GGG______, qui était le subordonné de CCC______, mais qu'inversement, l'information devait suivre la voie de service pour remonter jusqu'à lui. Il ne pouvait se prononcer sur les déclarations de CCC______ concernant KKK______, dont les résultats étaient, en apparence à tout le moins, excellents. Le conseiller de FFF______ lui avait bien recommandé les frères JJJ______, étant précisé que, précédemment, ceux-ci avaient été recommandés à KKK______ par un groupe entraîné par le gouvernement américain. GGG______ était actif depuis une vingtaine d'années au sein de la PNC lors de l'arrivée du prévenu et travaillait souvent avec KKK______. A______ le voyait une fois par mois, voire plus si nécessaire. A sa connaissance, la participation de KKK______ et GGG______ à la mise en œuvre du plan Gavilán avait été décidée par VVVVV______. Il n'y était pour sa part pas opposé. La personne pieds et torse nus s'exprimant sur la vidéo sous pièce 200'389 parlait bien de l'évasion d'El Infiernito. Il n'avait pas lancé d'enquête sur cette affaire, car cela était du ressort du Ministère public. S'il avait été avisé de la commission d'actes illégaux, il aurait cependant saisi le bureau des affaires internes.

A______ considérait être entré dans une structure déjà fermée et ne pas être responsable des actes irréguliers commis avant et après sa prise de fonction.

Le prévenu n'était pas présent lors du décès des évadés E______ et D______ et n'avait pas été informé des événements qui avaient conduit à leur localisation. Il n'avait reçu rapport de toute l'intervention qu'après celle-ci ; il n'avait alors pas cherché à obtenir plus d'informations, notamment à déterminer quels étaient les policiers sur place, n'étant pas en charge de la coordination générale. Il lui suffisait d'avoir les informations de base, afin de pouvoir répondre aux médias au besoin. Ce n'était ainsi qu'en lisant le dossier de la présente procédure qu'il avait appris la présence à Las Cuevas de GGG______, UUU______ et VVV______. S'il avait vu le rapport d'autopsie, il aurait probablement ouvert une enquête.

A______ a par ailleurs souligné que la fonction de chef de la police nationale guatémaltèque ne pouvait être comparée à celle de chef d'une police cantonale. Il ne pouvait être personnellement tenu informé avant, pendant et après toute intervention policière, ni se souvenir de toutes les informations qu'il avait reçues, étant notamment rappelé qu'il y avait au Guatemala 4'000 à 5'000 meurtres par année, sans compter les accidents, le trafic de stupéfiants, etc.

Il s'était bien arrêté à la station Shell en se rendant à Pavón. Il y avait retrouvé CCC______ qui l'avait appelé, lui disant qu'il ne se souvenait plus de la route à suivre. Il s'était donc arrêté à la station-service, sans descendre de son véhicule, afin que CCC______ puisse le suivre.

Il n'était pas exact que peu avant le début de l'opération, il avait été décidé de ne pas appliquer le plan officiel en ce sens que l'opération serait menée par la PNC plutôt que le Système pénitentiaire ; à supposer qu'il y aurait eu des modifications, il appartiendrait au chef de district et au chef du commissariat no 13 d'en répondre. En fait, il était exact qu'une partie de la garde pénitentiaire avait été écartée, ce afin d'éviter des problèmes de corruption et que l'intervention de la PNC avait été plus importante que prévu initialement. Il était toutefois inexact de dire qu'aucun membre du Système pénitentiaire n'était intervenu ; il y avait en particulier eu I______. A______ avait bien donné pour instruction à CCC______ de se rendre du côté Est de la prison, ce qui ne lui paraissait pas contradictoire avec son affirmation selon laquelle il était censé avoir un rôle de représentation durant l'opération. Il avait bien observé la présence d'un groupe d'individus cagoulés et qui ne portaient pas d'uniforme ; il ne savait pas exactement qui ils étaient. Le seul homme en uniforme et cagoulé qu'il avait reconnu était CCC______. Il s'était écoulé environ une heure et 20 minutes entre le moment où il avait instruit le sous-directeur des enquêtes criminelles d'aller superviser les opérations du côté Est, et celui où ils s'étaient retrouvés devant la maison de NNN______, son subordonné et ami lui faisant rapport. A son souvenir, ils n'avaient dans l'intervalle pas eu de contacts téléphoniques ou par radio. A______ avait bien observé, alors qu'il se trouvait près de l'église, des détenus au sol être relevés et placés dans des files mais il n'avait vu aucune mise à l'écart. Il ne pensait notamment pas avoir été présent alors que l'on mettait à l'écart OOO______, qu'il ne connaissait d'ailleurs pas, et il avait conservé de la distance avec les détenus, dont il avait cependant pu être plus proche, soit à cinq ou dix mètres lors de ses déplacements. A ce moment-là, il était avec le commandant de l'armée, pas encore avec EEE______ et FFF______. Ce n'était que lors de son deuxième parcours, après être passé par la maison de NNN______, que ces derniers, ainsi que d'autres officiels, avaient été à ses côtés. Après avoir quitté l'église, il s'était rendu au côté Ouest, avait eu une conversation avec VVVV______, puis s'était rendu à la maison de NNN______ où il était arrivé après environ 45 minutes. Il avait alors reçu rapport de CCC______ et de KKK______, ce dernier l'informant de ce qu'il y avait eu une confrontation et des morts, sans lui en préciser le nombre, ni même à quel camp ils appartenaient. Il était passé par la maison de NNN______ sans que ce ne fût une destination particulière, mais parce que c'était sur le chemin menant aux ateliers depuis les entrées Ouest et Est qu'il était allé vérifier. Après cela, il n'était plus revenu à la maison de NNN______ de la journée. Il était uniquement repassé par les ateliers, aux environs de midi.

Il n'avait donné aucun ordre tendant à exclure les émissaires du PDH et n'avait appris cela que par la procédure.

Il n'avait su qu'après les faits quel avait été le rôle des frères JJJ______, soit qu'ils avaient filmé les actions de la police et avaient participé à la fouille de certains prisonniers. Ils avaient agi de leur propre initiative, en vue d'une présentation de leur audit.

Selon ce que ce dernier lui avait rapporté, CCC______ était entré derrière un groupe des forces spéciales. Son ami ne faisait pas partie du commando, dont il ne savait pas qui le commandait et qui le composait. Certes, le plan prévoyait que tous les intervenants devaient être identifiables, mais malheureusement, le Guatemala n'avait pas assez de ressources pour fournir autant de gilets que nécessaire. On avait ainsi utilisé des gilets anciens, des neufs et ceux donnés par des pays amis. Il ignorait si l'identité des membres du commando et celle des personnes qui avaient tiré sur les sept détenus morts avaient été communiquées au Ministère public ; il était parti de l'idée qu'à défaut, le Ministère public aurait recherché cette information.

Lui-même n'avait posé aucune question à CCC______ et KKK______ lorsqu'il avait appris qu'il y avait eu des morts, ne serait-ce que pour renseigner utilement le Ministre de l'intérieur voire la présidence, parce qu'il appartenait à CCC______ de le faire, depuis le poste de commandement, en sa qualité de "chef qui était là".

A______ ne pouvait dire s'il fallait attribuer au hasard le fait que KKK______ et GGG______ avaient participé aux trois opérations incriminées, soulignant que les deux hommes étaient en place bien avant son arrivée et qu'il y avait une "dynamique de travail" entre eux. GGG______ était son subordonné et le but, à terme, était bien de le remplacer, parce qu'il ne donnait pas satisfaction.

Il n'avait reçu que des rapports préliminaires sur ces affaires, raison pour laquelle il n'avait pas été surpris de ne pas voir apparaître les noms des policiers ayant tiré. D'ailleurs, il recevait quotidiennement des rapports et n'avait que les informations générales sur les divers incidents intervenant quotidiennement dans le pays.

Il avait "reçu" le poste de directeur de la PNC d'un homme qui, comme lui, n'avait pas fait carrière dans la police. Tous deux dépendaient du directeur adjoint et des autres directeurs, qui avaient le plus grand poids dans la gestion opérationnelle de la police et qui n'avaient pas été entendus au cours de la procédure, ni au Guatemala non plus. Pourtant, dans le contexte de la procédure, on lui faisait assumer seul le poids de cette responsabilité. Après deux ans de détention, il se demandait s'il avait valu la peine qu'il s'expose et expose les siens à tant de risques et menaces, outre les ennuis de santé liés au stress, par idéalisme, par désir d'améliorer les choses dans son pays. Il n'avait ni tué, ni ordonné ou planifié que l'on tue qui que ce soit.

10. Déroulement de la présente procédure jusqu'au prononcé du jugement de première instance

y. Devant le MP

y.a. Le 12 août 2010, A______ s'est spontanément adressé au MP, indiquant avoir appris, par le truchement des médias, qu'une notification de poursuite pénale à son encontre aurait été faite auprès d'Interpol et précisant qu'alors même qu'il contestait les faits reprochés, il se tenait à disposition des autorités suisses, n'ayant aucune intention de se soustraire à elles (701'025).

y.b. Après avoir entendu une première fois l'intéressé, le 19 avril 2011, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, le MP a décerné une commission rogatoire internationale tendant à l'obtention du rapport de synthèse de l'enquête effectuée au Guatemala et de tous les éléments de preuve, à charge et à décharge, relatifs à l'implication d'A______ dans les opérations Pavo Real et Gavilán (200'001 ss).

Dans sa réponse transmise le 21 septembre 2011 (200'039), le Ministère public spécial pour la CICIG a communiqué une quantité importante de pièces.

y.c. A______ a été interpellé le 31 août 2012, mis en prévention puis placé en détention provisoire (400'006 ; 801'005 et 801'018 ss).

y.d.a.a. B______ a déposé plainte pénale par courrier du 26 février 2013, dénonçant la mort de son fils OOO______ lors de l'opération menée dans la prison de Pavón (100'768 ss).

y.d.a.b. Par le truchement de son conseil, au bénéfice d'une procuration signée le 26 février 2013, B______ sollicitait des mesures de protection au sens des art. 149 et 150 CPP, en particulier la garantie de son anonymat, estimant que sa vie et son intégrité corporelle seraient gravement menacées si son nom apparaissait dans la procédure et était porté à la connaissance d'A______. Il n'a pas été donné suite à cette demande.

y.d.b. Sur contestation par A______ de ce que l'identité de B______ fût établie, le MP a admis la validité de sa constitution en qualité de partie plaignante par ordonnance du 27 mai 2013, confirmée par la CPR le 30 juillet 2013 (ACPR/363/2013).

y.e. Le MP a procédé aux auditions résumées précédemment, soit dans son cabinet, en présence des parties, soit sur commissions rogatoires adressées respectivement en Autriche et en Espagne le 7 novembre 2012, ainsi qu'au Guatemala le 2 août 2013.

Il est observé, en ce qui concerne cette dernière commission rogatoire, qu'A______ avait refusé, par courriers des 22 et 30 juillet 2013, de communiquer la liste des questions qu'il souhaitait faire poser aux témoins à entendre par cette voie, pas plus qu'il n'a requis que d'autres témoins que ceux évoqués dans le projet du MP soient également entendus. Au retour de la commission rogatoire, il n'a pas davantage requis de pouvoir poser des questions complémentaires.

y.f. A______ a produit de nombreuses pièces mais n'a formulé que trois réquisitions de preuve, expliquant lors d'une audience, qu'il présenterait les autres devant le juge du fond dès lors qu'il estimait que le Procureur en charge du dossier devait être récusé (500'747). Sur les trois réquisitions de preuve néanmoins formulées, deux ont été admises (audition d'EEE______ et commission rogatoire en Autriche en vue d'obtenir la motivation de l'arrêt d'acquittement de CCC______), alors que l'audition en qualité de témoin de Me IIIIII______ a été refusée, à plusieurs reprises.

y.g. Par ailleurs, A______ a entrepris les démarches procédurales suivantes :

- entre le 31 août 2012 et le 10 janvier 2014, il a formé cinq demandes de récusation à l'égard du procureur, qui ont toutes été rejetées par la CPR puis le Tribunal fédéral (arrêts 1B_685/2012 du 10 janvier 2013 ; 1B_86/2013 du 19 avril 2013 ; 1B_205/2013 du 9 août 2013 (3ème et 4ème demande) ; 1B_321/2013 du 30 octobre 2013) ;

- le 12 décembre 2012, il a déposé une plainte pénale contre H______ (704'021) pour dénonciation calomnieuse et faux témoignage, laquelle a été l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière le 24 novembre 2014. La CPR ayant jugé irrecevable le recours interjeté par le plaignant (ACPR/68/2015), la cause a été portée devant le Tribunal fédéral lequel l'a, par arrêt du 12 juin 2015, retournée à l'autorité cantonale, retenant que celle-ci avait dénié pour un motif non pertinent la qualité pour recourir à A______ ;

- lors de l'audience du 7 mars 2013, A______ a déposé une plainte pénale pour faux témoignage contre EE______ (500'387) ; la procédure P/4744/2013 y consécutive est actuellement suspendue.

y.h. Le MP a prononcé le classement partiel de la procédure (224'999/225'011), pour deux complexes de faits, dont celui relatif aux sévices évoqués par AAA______ et ZZ______, la prescription étant atteinte (225'015ss).

z. Devant le TCrim

z.a.a. Par décision du 23 janvier 2014, le Tribunal criminel a refusé la demande d'A______ tendant au renvoi de l'acte d'accusation déposé le 10 janvier précédent.

z.a.b. Au titre de la direction de la procédure, la Présidente du TCrim a :

- ordonné d'office l'audition de sept témoins (H______, CC______, I______, Z______, DD______, EE______, AA______) ;

- admis neuf des réquisitions de preuve d'A______ (audition de CCC______, DDD______, HH______, SSSSS______, VaV______, JJJJJJ______, HHH______, XXXXX______, YYYYY______), et rejeté les autres (audition de EEE______, OOOOO______, Oscar BERGER, Eduardo STEIN, NNNNN______, ZZZZZ______, AAAAAA______, BBBBBB______, IIIIII______, PPP______, U______, CCCCCC______, gardiens de la prison de Champ-Dollon et transport sur place) ;

- accepté les trois auditions de témoins sollicitées par B______ et le MP (F______, BBB______, OO______) ;

- adressé deux demandes d'entraide au Guatemala et en Autriche ;

- délivré les mandats d'actes d'enquête à la BPTS évoqués supra (m.e. et m.f.b.) ;

- tenu deux audiences préliminaires les 25 mars et 16 avril 2014 ;

- établi et communiqué aux parties un chargé de photographies extraites de la procédure qu'elle envisageait de soumettre aux témoins (F425 ss) ;

- rejeté la demande d'audition en qualité de témoin d'III______, requise la veille de l'ouverture des débats par la défense, laquelle se prévalait d'un article publié sous la plume de ce journaliste dans le numéro 20 de l'hebdomadaire "L'Illustré" qualifiant la plainte pénale déposée par B______ de "fantôme". Celle-ci n'était "au courant de rien" concernant la procédure genevoise contre A______, ne savait pas être représentée par une avocate en Suisse et apprenait qu'elle avait déposé une plainte pénale à Genève contre A______ "qu'elle n'a[vait] pourtant jamais accusé de la mort de son fils". Des personnes lui avaient fait signer des papiers – elle reconnaissait notamment sa signature sur la procuration en faveur de Me _______ – en lui promettant une indemnisation, mais elle ne les avait pas lus. La CICIG lui avait promis qu'elle allait venir en Suisse, ce qu'elle était prête à faire, pour autant "que ça ne fasse du mal à personne", car étant témoin de Jéhovah, elle ne pouvait pas agir "contre [s]on prochain". Elle soupçonnait le "directeur des prisons" du Guatemala d'être responsable de la mort de son fils plutôt qu'A______.

z.a.c. Le MP a produit un avis de l'Institut suisse de droit comparé du 11 avril 2014, selon lequel le droit guatémaltèque connaît les infractions de meurtre (art. 123 du Code pénal guatémaltèque ; CPG), d'assassinat (art. 132 CPG) et d'exécution extrajudiciaire (art. 132bis CPG). Les peines privatives de liberté consacrées par le CPG sont respectivement de 15 à 40 ans, 25 à 50 ans et 25 à 30 ans, étant précisé que la peine de mort est également possible en cas d'assassinat ou d'exécution extrajudiciaire.

z.b.a. A l'ouverture des débats, le TCrim a rejeté les questions préjudicielles soulevées par A______ par lesquelles celui-ci contestait la qualité de partie plaignante de B______ et réitérait la requête d'audition d'III______, ainsi que celle concernant Oscar BERGER et EEE______, enfin demandait la production de toute la correspondance électronique échangée entre le MP, la CICIG, EUROJUSTE et "toute personne de contact".

z.b.b. Le 19 mai 2014, la défense a derechef soulevé un incident relatif à la validité de la constitution de partie plaignante, sollicitant une nouvelle fois l'audition d'III______, ainsi que le dépôt de l'enregistrement complet de l'entretien entre le journaliste précité et B______ au Guatemala, dont était issue la vidéo postée sur Youtube intitulée "A______, la mère d'une victime parle", préalablement visionnée par le TCrim à l'audience.

En substance, on y voit B______, interrogée vraisemblablement à son domicile, le 26 avril 2014, par le journaliste précité accompagné d'un interprète, déclarant ne pas connaître d'_______. La signature sur la procuration était bien la sienne. Elle se souvenait de deux avocates prénommées Erenia et Eva, mais il était vrai aussi qu'avec l'âge, on oublie tout. Il lui avait été expliqué qu'il était question d'obtenir une indemnisation et que d'autres proches de victimes étaient aussi recherchés, étant rappelé qu'"ils étaient sept". Elle n'avait pas souvenir d'avoir signé le document en langue française qui lui était présenté comme étant une dénonciation d'A______ mais elle ne contestait pas cette signature non plus. Des documents lui avaient été soumis en fin de réunion, alors qu'elle allait partir, et elle ne les avait pas lus. Elle ignorait quel pouvait avoir été le rôle d'A______ dans l'exécution de son fils ; elle avait toujours pensé que le responsable en était EEE______, parce qu'il était le directeur de la prison et parce que son fils lui avait parlé d'une réunion qui avait eu lieu avant l'intervention.

L'incident a été rejeté par le TCrim.

z.c. Le 19 mai 2014, le conseil juridique gratuit de la partie plaignante a informé le TCrim que sa cliente venait de recevoir la visite de deux hommes se réclamant d'A______ qui voulaient l'emmener à Guatemala City avec son passeport pour qu'elle se rende immédiatement en Suisse. Le lendemain, ledit conseil a indiqué avoir appris que sa cliente et ses proches étaient l'objet de pressions tenant à la convaincre de venir en Suisse retirer sa plainte. Le visage et l'identité de B______ étaient désormais connus au Guatemala, ce qui posait un problème de sécurité.

z.d. EE______, Z______, HH______ et JJJJJJ______ n'ont en définitive pas pu être entendus. La défense a renoncé, pendant les débats, à la comparution d'XXXXX______ et de YYYYY______.

z.e. A______ a déposé des conclusions en indemnisation tendant à la réparation de son tort moral et de celui de sa famille, ainsi qu'à la couverture des frais et honoraires de Me _______ et à la prise en charge de l'activité de l'Etude de Me BAIER non couverte par l'assistance juridique cantonale.

z.f. B______ concluait, sur le plan civil, à la condamnation d'A______ au versement de CHF 40'000.- avec intérêts 5% du 25 septembre 2006 au titre de réparation du tort moral subi suite au décès de son fils, de CHF 15'000.- pour son tort moral "propre", ainsi qu'en tous les dépens d'instance.

a'. Défense d'office/gratuite des parties

a'.a. Le 15 octobre 2012, Mes _______ et _______, tous deux déjà constitués, ont requis leur désignation en qualité de défenseurs d'office d'A______. Par ordonnance du 5 novembre 2012 (800'026), le MP a admis la requête, avec effet au 1er septembre 2012, s'agissant de Me _______, et l'a rejetée en ce qui concernait Me _______, considérant que le dossier ne présentait pas de difficulté telle qu'il se justifiât de nommer exceptionnellement deux défenseurs et retenant que le prévenu avait dit souhaiter être en priorité défendu par celui-là. Cette décision a été confirmée, avec cette réserve que la date du début de la défense d'office a été avancée d'un jour, par arrêts de la Cour de justice ACPR/1/2013 du 3 janvier 2013 puis du Tribunal fédéral 1B_46/2013 du 12 mars 2013. Me _______ a néanmoins continué de prester aux côtés de son confrère.

a'.b. Le 14 mars 2013, Me _______ a été désignée conseil juridique gratuit de B______ avec effet au 1er mars précédent (804'006). A compter du 28 mars 2014, elle a été secondée de son associé, Me _______.

a'.c. Selon les états de frais produits, l'activité déployée par Me _______ entre le 31 août 2012 et le 4 septembre 2014 s'élevait à 1337 heures et 15 minutes (recte : 1347 heures et 25 minutes), auxquelles s'ajoutaient 160 heures effectuées par la stagiaire, ainsi réparties :

du 31 août 2012 au 10 janvier 2014

- poste "conférences", 109 heures et 20 minutes consacrées à des entretiens avec M_______, XXXXX______ et A______ ;

- poste "actes de procédure", 459 heures et 30 minutes dédiées à la consultation et à l'examen du dossier, à la rédaction d'écritures, et à des recherches juridiques ;

- poste "préparation d'audiences", 63 heures et 20 minutes pour la préparation des audiences, notamment des plaidoiries, qui se sont tenues par-devant le MP et le Tribunal des mesures de contraintes (ci-après : TMC) ;

- poste "audiences", 183 heures consacrées à l'assistance lors des audiences par-devant le MP, le TMC et le Ministère public de Ried im Innkreis, y compris le temps nécessaire au déplacement en Autriche ;

du 13 janvier au 4 septembre 2014

- poste "conférences", 37 heures consacrées à des entretiens avec Me _______, XXXXX______ et A______ ;

- poste "actes de procédure et préparation à (sic) l'audience de jugement" (13 janvier au 14 mai 2014), 169 heures et 30 minutes dédiées à la consultation et à l'examen du dossier, à la rédaction d'écritures, et à la préparation de l'audience de jugement ;

- poste "audiences" (15 mai au 3 juin 2014), 151 heures et 45 minutes de présence lors de l'audience de jugement ;

- et encore six heures pour la présence lors de l'audience de lecture du dispositif et l'examen ultérieur du dossier (4 juin au 4 septembre 2014) ;

recours au Tribunal fédéral

-168 et 160 heures effectuées respectivement par le chef d'étude et sa stagiaire.

a'.d. Au terme d'observations du 13 octobre 2014, le MP concluait à une réduction de 130 heures et 50 minutes pour l'activité déployée durant l'instruction.

a'.e. Dans la décision querellée, la Présidente du TCrim a en substance retenu ce qui suit :

pour la période allant du 31 août 2012 au 10 janvier 2014

- le poste "conférences" devait être réduit de 47 heures et 40 minutes. Les entretiens avec Me _______ ne pouvaient être pris en considération, la nomination d'office de ce dernier ayant été refusée et la cause ne revêtant pas une complexité juridique qui justifiât que le défenseur d'office consulte un confrère (réduction de 17 heures). Les heures consacrées aux entretiens avec XXXXX______ dépassaient la quotité admissible, notamment aux fins d'expliquer les enjeux procéduraux à la famille, et n'étaient pas nécessaires pour assurer la défense du prévenu (réduction de 10 heures). Les entretiens à la prison de Champ-Dollon avec A______ ne pouvaient pas être indemnisés dans leur totalité au vu de la pratique autorisant une visite par mois, sauf si des motifs particuliers ou des audiences le justifient (réduction de 20 heures et 40 minutes) ;

- le poste "actes de procédure" a été amputé de 86 heures. Pour cinq actes de procédure effectués par-devant la CPR, l'activité facturée était trop importante faute de complexité (observations du 17 septembre 2012 à réduction de sept heures ; réplique du 27 septembre 2012 à réduction de 10 heures) disproportionnée (recours et réplique des 10 et 20 décembre 2012 à réduction de 52 heures) ou encore consistait en la simple reprise de précédentes écritures (réplique du 16 avril 2013 à réduction de 17 heures) ;

- 17 heures et 50 minutes ont été extournées pour le poste "audiences", celle du 12 juin 2013 n'ayant duré que 20 minutes (réduction d'une heure et 50 minutes) et le temps de déplacement jusqu'à Ried im Innkreis n'appelant pas à indemnisation, dès lors que rien n'empêchait l'avocat de travailler durant le trajet (réduction de 16 heures) ;

pour la période allant du 13 janvier au 4 septembre 2014

- 19 heures et 15 minutes devaient être déduites du poste "conférences" relatif aux entretiens avec Me _______, XXXXX______ et A______, pour les mêmes motifs que précédemment ;

- la préparation de l'audience (13 janvier 2014 au 14 mai 2014) a été amputée de 49 heures et 30 minutes, l'activité facturée étant disproportionnée dans la mesure où le défenseur d'office connaissait déjà parfaitement la procédure, pour avoir assisté son client depuis son arrestation en août 2012, et qu'aucune question juridique complexe ne se posait ;

- 31 heures et 45 minutes devaient être écartées du poste "audience de jugement" (15 mai 2014 au 3 juin 2014), la préparation de l'audience et de la plaidoirie n'exigeant pas une activité aussi importante. La facturation de 9 heures par jour pour la période du 27 mai au 3 juin 2014 était excessive, dans la mesure où le TCrim avait en réalité siégé 21 heures au total.

Enfin, la note d'honoraires du 27 mai 2014 concernant l'activité relative à divers recours au Tribunal fédéral, soit 168 heures de chef d'étude et 160 heures de stagiaire, n'était pas couverte par l'assistance judiciaire cantonale.

La quotité de l'indemnité était ainsi arrêtée à CHF 220'354.25 (927 heures et 25 minutes d'activité rémunérée au tarif horaire de CHF 200.- [CHF 185'483,35] + 10% de forfait courriers/téléphones [CHF 18'548,35] + 8% de TVA [CHF 16'322,55]). A cela s'ajoutaient les frais de déplacement et de traduction de CHF 6'694.10 au total, de sorte que l'indemnité finale s'élevait à CHF 227'048,35.

Après déduction des acomptes (CHF 50'000.- versés le 16 janvier 2013 ; CHF 50'000.- versés le 3 mai 2013 ; CHF 50'000.- versés le 25 mars 2014 ; CHF 66'694,10 versés le 2 juillet 2014), le solde dû au défenseur d'office était de CHF 10'354,25.

C. DEROULEMENT DE LA PROCEDURE D'APPEL

a.a. Le 17 novembre 2014, A______ a présenté une nouvelle demande de récusation visant le Procureur menant l'accusation au sein du MP, laquelle fut déclarée irrecevable par arrêt de la CPAR du 2 février 2015 (ACPR/67/2015), confirmé par le Tribunal fédéral le 27 avril 2015 (1B_72/2015). Le recours en matière pénale paraissant d'emblée voué à l'échec, la demande d'assistance juridique dont il était assorti a également été écartée.

a.b. Ouï les parties, la juge de la CPAR saisie de la direction de la procédure (ci-après : la Présidente de la CPAR) a, selon ordonnance motivée du 18 décembre 2014, admis l'incident soulevé par le MP et écarté de la procédure les pages 2 à 103 de la déclaration d'appel, réservé aux débats d'appel la contestation de la qualité de partie plaignante de B______, rejeté le double incident d'A______ tendant au renvoi de l'acte d'accusation, versé au dossier les pièces produites jusque-là en appel par les parties, rejeté les autres réquisitions de preuve, ordonné l'instruction de la cause par voie de procédure orale, fixé aux parties des délais en vue du dépôt de leurs conclusions en indemnisation ainsi que des états de frais de leur défenseur d'office/conseil juridique gratuit, annoncé la composition de la CPAR en ce qui concernait les magistrats titulaires et la greffière-juriste, enfin informé les parties de ce que l'identité des juges assesseurs serait communiquée aussitôt connue.

a.c. Le 29 décembre 2014, A______, faisant état de sa grave préoccupation et incompréhension à la lecture de l'ordonnance précitée, a interpellé la Présidente de la CPAR, lui demandant de motiver de manière plus détaillée le rejet des réquisitions de preuve présentées et s'étonnant de ce que l'essentiel de la motivation figurant dans la déclaration d'appel avait été écarté du dossier. Par lettre du 7 janvier 2015, la Présidente a indiqué verser au dossier la lettre du 29 décembre 2014, rappelant que l'intéressé aurait tout loisir de faire valoir ses griefs contre l'ordonnance préparatoire de la direction de la procédure, lors des débats, devant la juridiction d'appel in corpore.

Sur ce, le prévenu a requis la récusation de cette magistrate, au terme d'une requête du 12 janvier 2015, rejetée le 17 février suivant par arrêt AARP/90/2015, confirmé par le Tribunal fédéral le 21 avril 2015 (1B_91/2014). Le Tribunal fédéral a notamment laissé ouverte la question de savoir si le droit d'être entendu de l'appelant avait été violé du fait que la motivation contenue dans la déclaration d'appel avait été écartée de la procédure, estimant qu'il n'y avait en tout cas pas là matière à récusation, sans préjudice de ce que l'éventuelle violation du droit d'être entendu pouvait encore être réparée.

a.d. Aux termes d'un courrier du 13 janvier 2015, A______ a présenté des réquisitions de preuve supplémentaires, demandant l'audition de DDDDDD______, soit le cameraman qui l'avait suivi tout au long de la journée du 25 septembre 2005, dont il venait de "retrouver" le nom, ainsi que d'un ancien détenu, EEEEEE______, qui n'était pas incarcéré à Pavón lors des faits mais avait ultérieurement recueilli des informations au sujet de H______, et demandant la mise en œuvre d'une expertise judiciaire par la BPTS tendant à ce qu'il soit "garanti" à la Cour que les photographies P1050192, P1050233 ainsi que DSC00055 à 58 du dossier Necropsia 3132-2006 n'avaient été l'objet d'aucune retouche infographique ; à l'appui de cette dernière conclusion, il produisait une "étude" de ces photographies par une orthodontiste de la place.

a.e. Une audience préliminaire a été tenue le 15 janvier 2015, en vue de fixer la date et la durée des débats d'appel ainsi que les autres questions d'organisation qui pourraient se poser. Compte tenu des indications données par les parties, la date des débats a été arrêtée au 4 mai 2015, la défense marquant toutefois que cette échéance lui paraissait très éloignée.

a.f. La date et la durée approximative des débats désormais connues, il a été possible de compléter la composition de la CPAR appelée à siéger, les parties étant informées selon courrier du 27 janvier 2015 de l'identité des quatre juges assesseurs, dont Isabelle AUBERT et Marie SAULNIER-BLOCH.

a.g. La CPAR a rejeté l'incident de tardiveté de l'appel joint selon ordonnance du 2 février 2015.

a.h.a. Le 17 février 2015, les parties furent informées, tout comme d'autres plaideurs dans des affaires également concernées, de ce qu'il était apparu, lors d'un contrôle par le Pouvoir judiciaire de la situation des juges assesseurs et juges suppléants, que la juge assesseure Isabelle AUBERT ne remplissait plus depuis le 1er avril 2014 les conditions d'éligibilité, ayant atteint la limite d'âge.

a.h.b. Aux termes d'un courrier du 20 février 2015, la Présidente de la CPAR a, notamment, annoncé que la juge assesseure précitée était remplacée par le juge assesseur Roland-Daniel SCHNEEBELI.

Le 27 février suivant, A______ a requis la récusation de ce juge assesseur, au motif qu'il siégeait au comité du Fonds Mécénat des Services Industriels de Genève, lequel avait octroyé des subventions à TRIAL et à l'OMCT durant l'exercice 2014. Roland-Daniel SCHNEEBELI ayant indiqué qu'il s'était abstenu lors du vote sur les subventions litigieuses, la CPAR a rejeté la demande de récusation par arrêt du 19 mars 2015 (AARP/144/2015), confirmé par le Tribunal fédéral le 27 mai 2015 (1B_159/2015), sans que l'assistance juridique ne soit octroyée par la Haute Cour, le recours paraissant d'emblée voué à l'échec.

a.i. Ouï les parties, les réquisitions de preuve présentées par A______ le 13 janvier 2015 ont été rejetées par ordonnance présidentielle motivée du 26 février 2015, laquelle soulignait, entre autre, que la défense n'avait pas communiqué les coordonnées des deux témoins cités ou toute autre indication utile, de sorte qu'il était même douteux que leur audition fût matériellement possible.

a.j. Un nouveau changement est intervenu dans la composition de la CPAR, Marie SAULNIER BLOCH étant remplacée par la juge assesseure Monika SOMMER, ce qui fut porté à la connaissance des parties par courrier du 24 mars 2015. A la demande d'A______, les motifs en ont été explicités par lettre du 7 avril 2015 : Marie SAULNIER BLOCH avait informé la CPAR de ce qu'elle était devenue membre de TRIAL, de sorte qu'il avait aussitôt été décidé de la remplacer.

a.k. Par la même occasion, la Présidente de la CPAR a rejeté la demande d'audition en qualité de témoin de DDDDD______ présentée par A______ le 31 mars 2015, celle-ci étant tardive et pas utile dans la mesure où la juridiction d'appel disposait du rapport de la COPREDEH évoqué par l'appelant à l'appui de sa demande.

a.l. Toujours selon ce courrier du 7 avril 2015, les parties étaient requises d'indiquer si elles souhaitaient que la question jugée par ordonnance du 2 février 2015 fût soumise à la nouvelle composition de la juridiction d'appel.

A______ ayant répondu par l'affirmative, la juridiction d'appel, dans sa nouvelle composition, a rendu une ordonnance motivée du 20 avril 2015, écartant l'incident d'irrecevabilité de l'appel joint du MP.

a.m. A______ a encore:

- requis la Présidente de la CPAR d'interpeller le Procureur sur la question des donations qu'il avait éventuellement consenties à TRIAL et de l'inviter à effectuer des recherches dans ses comptes jusqu'à la constitution de l'association en 2002, ce que la juge précitée a refusé de faire, motif pris de ce que ni la CPAR, ni sa Présidente n'étaient l'autorité compétente pour connaître d'une demande de récusation à l'encontre du MP selon l'art. 59 al. 1 let. b CPP (dossier d'appel, 89 et 95) ;

- demandé s'il était exact que la signature manuscrite apposée sur l'ordonnance de refus de mise en liberté du 9 février 2015 était celle de la juge Verena PEDRAZZINI RIZZI ; celle-ci a fourni les indications requises par courrier du 15 avril 2015 qui n'a pas suscité de réaction (dossier d'appel, 88 et 89).

a.n. Dans le délai imparti, A______ a déposé des conclusions en indemnisation au sens de l'art. 429 CPP, reprenant les conclusions prises en première instance et actualisant ses prétentions s'agissant du tort moral et des honoraires de Me _______ pour intégrer la détention préventive et l'activité de son défenseur privé subie, respectivement déployée, depuis le prononcé du jugement.

a.o. Tout au long de la phase de préparation des débats, les parties ont communiqué à la juridiction d'appel d'autres pièces encore que celles déjà discutées dans le présent arrêt, et/ou ont requis qu'il soit procédé à des traductions. Ont ainsi, notamment, été versés au dossier de la CPAR :

- un article paru dans le quotidien "Le Courrier" le 7 novembre 2014 relatant que le Conseil suisse de la presse avait admis une plainte contre le journaliste III______ - lequel "s'en tamponn[ait]" -, lui reprochant d'avoir dévoilé l'identité, la photographie et des indications précises sur le lieu de résidence de B______ (pièce 20bis) ;

- un dvd portant enregistrement de l'audition en vidéoconférence de EE______ par, selon l'indication donnée, le Ministère public autrichien, ainsi qu'une transcription anonyme et sa traduction libre. Il en résultait que le témoin était, durant cette audition, assis à côté de QQ______ et qu'alors que celui-là était interrogé sur une divergence entre ses déclarations et celle de CC______, QQ______ avait chuchoté ou marmonné quelque chose (on entend mal) signifiant que le témoin ne se souvenait pas ; celui-ci n'avait cependant pas suivi la supposée suggestion puisqu'il avait répondu qu'il ne lui appartenait de se déterminer sur la déposition d'autrui (annexes à la pièce 90) ;

- un dvd de l'audition de FFFFFF______par, semble-t-il, un juge ou procureur espagnol, sa transcription anonyme – dont la CPAR a pu vérifier, vu la brièveté et la bonne qualité, qu'elle correspondait bien à la bande son - et une traduction libre (annexes à la pièce 94 et pièce 102bis) lors de laquelle cet agent ayant assuré la sécurité de FFF______ a déclaré qu'il avait accompagné le Ministre de l'intérieur tout au long de sa présence à Pavón le 25 septembre 2006, à tout le moins lorsque celui-ci était à découvert ("en campo abierto"), qu'on avait entendu des coups de feu au début de l'opération, durant quatre ou cinq minutes, mais plus par la suite, que le Ministre n'avait pas donné d'instruction à ce sujet, qu'il était allé à l'endroit où des hommes étaient tombés vers 09:00, le procureur XXX______ étant notamment présent ainsi qu'A______, et qu'il n'avait pas entendu le Ministre tenant des propos incriminants ;

- un enregistrement de 54'48'' et la transcription anonyme d'un extrait de celui-ci (minutes 6'50'' à 25'10'' selon les indications données ; annexes à la pièce 101) posté sur Youtube le 13 avril 2015. A teneur des explications fournies par A______, qui a produit ces pièces, il s'agirait d'un enregistrement effectué à l'intérieur de la Prison de Pavón, à une date inconnue, par K______, d'une rencontre avec des agents de la CICIG et du Ministère public du Guatemala. On voit sur cet enregistrement l'homme désigné comme étant K______ installer dans une pièce une caméra cachée puis accueillir trois personnes. Tous quatre prennent place à une table, K______ dos à la caméra ; ses trois interlocuteurs sont partiellement dans la pénombre et suffisamment éloignés de l'objectif pour qu'il soit difficile de déterminer qui parle à quel moment ; le son est mauvais à cause de la musique se faisant entendre durant une partie de l'entretien suivie d'une pluie soutenue. Selon la traduction de la transcription (pièce 109bis, p. 3), K______ fait référence aux informations qu'il a déjà données, l'entretien portant sur l'aide ultérieure qu'il pourrait apporter à ses interlocuteurs qui tenteraient d'obtenir que sa bonne collaboration soit prise en considération favorablement ;

- un lot de pièces sur lesquelles la défense disait avoir pu "mettre la main" alors qu'elles avaient été dissimulées par la CICIG, soit des documents décrivant les douilles et les armes retrouvées dans la maison de NNN______, des documents évoquant l'arrivée du Ministère public à la prison de Pavón à 09:30, suite à un appel reçu une heure plus tôt, et des fiches mentionnant que des empreintes digitales avaient été prises sur les cadavres, le rapport d'autopsie d'C______ et une note décrivant ses blessures (annexes à la pièce 113) ;

- l'enregistrement de l'interview de B______ par III______ communiqué par ce dernier ainsi qu'une transcription anonyme (annexes à la pièce 121) ; cette version, plus complète mais pas intégrale puisqu'il manque le début et la fin de l'entretien, se distingue de celle postée sur Youtube principalement du fait que l'on voit B______ affirmer que son fils n'est pas mort au cours d'un affrontement mais a bien été exécuté ; elle mime la scène, sa colère et sa douleur étant évidentes. Nonobstant les questions du journaliste en ce sens, la mère de OOO______ ne confirme pas regretter d'avoir signé la procuration et la plainte, tout en précisant qu'en raison de ses convictions religieuses, elle ne peut "proceder en mal de nadie".

a.p.a. Il faut encore mentionner que, le 26 janvier 2015, A______ a demandé sa mise en liberté, au moyen d'une écriture de 105 pages, se prévalant d'une part d'une violation du principe de célérité (argumentation non numérotée, développée sur un peu moins de la moitié de la p. 2 et quatre lignes de la p. 3), d'autre part de l'insuffisance des charges pesant contre lui, déduite de critiques formulées à l'encontre du jugement du première instance aux pages 3 à 105 de la demande de mise en liberté, dont le texte, numérotation marginale comprise, était, sous réserve de quelques variations, identique à celui de la déclaration d'appel.

a.p.b. Par ordonnance du 6 février 2015, Yvette NICOLET, juge au sein de la CPAR, a rejeté cette demande, tout en écartant de la procédure les pages 3 à 105 de l'écriture de l'appelant, motif pris de l'abus de droit, comme soutenu par le MP.

a.p.c. Le Tribunal fédéral (arrêt 1B_75/2015 du 7 avril 2015) a annulé la décision précitée, estimant que la magistrate saisie de la demande de mise en liberté aurait dû examiner les arguments développés dans le mémoire déposé par le prévenu pour contester l'existence de charges suffisantes justifiant la détention au lieu de se contenter de renvoyer à des précédentes décisions de la CPR et du Tribunal fédéral.

a.p.d. La demande de mise en liberté complète fut dès lors réintégrée à la procédure.

a.p.e. Par ordonnance du 17 avril 2015, les conclusions d'A______ tendant à sa libération immédiate ont été derechef rejetées, aux termes d'un examen des arguments développés à l'appui.

a.p.f. La requête en récusation d'Yvette NICOLET formée par A______ à réception de l'arrêt précité du Tribunal fédéral a été rejetée par la CPAR par arrêt du 30 avril 2015 (AARP/210/2015), lequel a été porté au Tribunal fédéral par le récusant. L'arrêt n'a pas encore été rendu.

b.a. Par ordonnance du 2 mars 2015, la CPAR a rejeté la conclusion préalable de Me _______ tendant à la communication d'un "préavis" du Service de l'assistance juridique soit, imaginait-on, le document intitulé "projet d'indemnisation du défenseur d'office" daté du 30 janvier 2015, et a décidé d'instruire l'appel du défenseur d'office par la voie écrite.

b.b. Invité à produire un mémoire d'appel relatif à la décision d'indemnisation entreprise, Me _______ persiste dans ses conclusions, par acte du 26 mars 2015.

Selon les informations reçues oralement d'une collaboratrice du Service de l'assistance juridique, la cause avait fait l'objet d'un "préavis favorable" du "28 janvier 2015" admettant le taux de 20% au titre du forfait courriers/téléphones. M_______ estimait avoir le droit de prendre connaissance de ce "préavis" ou correspondance au sens de l'art. 25 al. 2 de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD ; A 2 08), ainsi qu'en vertu du droit d'être entendu.

De manière générale, l'ensemble de l'activité décrite dans les états de frais avait été nécessaire. Le Tribunal fédéral avait implicitement admis sa collaboration avec Me _______, dans la mesure où ils avaient toujours tous deux été nommés d'office à l'occasion des différents recours en matière pénale formés pour le compte d'A______, étant toutefois précisé qu'ils avaient dû partager "une seule assistance juridique".

Les entretiens avec XXXXX______ étaient nécessaires en raison de l'éloignement géographique, temporel et culturel de la cause, ainsi que des traductions à effectuer, des recherches de documents à produire, des adresses de témoins à trouver et aux fins de connaître l'évolution des différentes procédures menées dans d'autres pays.

Me _______, à l'occasion des recours et réplique devant la CPR des 10 et 20 décembre 2012, avait construit "l'ossature de la Défense", ce qui expliquait l'importance des heures de travail comptabilisées au regard de ces écritures.

Si sa connaissance du dossier était bonne, la préparation de l'audience de jugement avait néanmoins requis l'analyse de plusieurs documents, parfois volumineux, intégrés et/ou traduits au fur et à mesure de la procédure. La préparation des questions aux témoins avait exigé des heures de travail. Il lui avait aussi fallu du temps pour prendre connaissance du dossier, s'assurer qu'il était complet, et l'analyser.

Le défenseur d'office avait de lui-même limité la facturation pour de nombreux postes, de sorte que les heures portées au compteur étaient "réalisées, dépassées et nécessitées". Elles ne lui avaient d'ailleurs "presque pas permis de prendre connaissance du dossier" Gavilán.

La majoration forfaitaire de 20% était légitime vu l'ampleur de l'affaire et le nombre d'intervenants. A l'appui, Me _______ produisait un relevé du temps effectif passé sur le dossier en plus de l'activité facturée, soit 223 heures et 30 minutes (recte : 25 minutes) – 139 heures et 45 minutes affectées à des courriers/téléphones et 83 heures et 40 minutes pour des vacations –, ce qui correspondait précisément à 20%.

Pour le surplus, Me _______ refusait de fournir d'autres précisions sur son activité, de crainte de violer son secret professionnel.

La privation de revenu de près de CHF 90'000.-, en sus du partage pour moitié de ses honoraires d'office avec Me _______, mettait en péril son activité professionnelle.

b.c. Par courrier du 30 mars 2013, la Présidente de la CPAR a rappelé que le document du Service de l'assistance juridique auquel Me _______ demandait l'accès était un document interne, comme déjà indiqué dans l'ordonnance susmentionnée, de sorte que cette dernière décision était maintenue.

b.d. Selon sa détermination du 1er avril 2015, la Présidente du TCrim s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et conclut à la confirmation de sa décision.

b.e. Par courriers des 26 février et 20 avril 2015, le Ministère public, qui ne présente pas de demande de non-entrée en matière, ni ne forme appel joint, conclut à la confirmation de la décision querellée.

Les conférences avec Me _______ ne pouvaient pas être prises en charge, eu égard au refus du Tribunal fédéral de nommer un second avocat d'office. La défense aurait pu et dû demander des traductions et des actes d'enquêtes, au lieu d'avoir recours aux services d'XXXXX______. Les heures facturées pour le recours du 10 décembre 2012 et la réplique subséquente étaient largement disproportionnées. Dans le cadre de la préparation de l'audience de jugement, la prise de connaissance de documents non versés à la procédure ne pouvait pas être facturée. La diminution du forfait de 20 à 10% était prévue par le règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) et justifiée. S'agissant des 223 heures et 30 minutes alléguées dans un second temps, une bonne partie de l'activité mentionnée n'était pas prouvée, étant précisé que la correspondance avec le prévenu avait été très faible durant l'instruction. De plus, les vacations à Champ-Dollon étaient comprises dans le forfait, et celles au Ministère public n'étaient pas prises en charge par l'assistance juridique.

b.f. Par courriers du 24 avril 2015, auxquels elles n'ont pas réagi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

c.a.a. Selon les états de frais produits par Me _______, l'activité déployée par lui-même entre le 5 septembre 2014 et le 12 mai 2015 s'élevait à 574 heures et 45 minutes (recte : 573 heures et 45 minutes), ainsi qu'à 160 heures effectuées par la stagiaire, soit :

- poste "conférences", entretiens avec A______ et XXXXX______, et Me _______, durant, respectivement, 24 heures et 5 minutes, trois heures et 30 minutes et 16 heures (total de 43 heures et 35 minutes) ;

- poste "actes de procédure", sept heures et 30 minutes consacrées à la lecture du jugement, 156 heures affectées à la rédaction de la déclaration d'appel du 29 septembre 2014, 63 heures et 30 minutes pour la rédaction de diverses écritures (sixième demande de récusation du Procureur [huit heures], détermination à la CPAR du 20 novembre 2014 [12 heures], demande de récusation de la Présidente de la CPAR du 12 janvier 2015 [deux heures], "écriture" à la CPAR du 13 janvier 2015 (sept heures), demande de mise en liberté – reprenant le contenu de la déclaration d'appel – du 23 janvier 2015 [12 heures s'ajoutant aux 156 comptabilisées pour la déclaration d'appel], détermination – avec examen préalable du dossier – du 4 février 2015 [recte : 2 février 2015] à la CPAR [11 heures], réplique du 5 février 2015 [trois heures et 30 minutes], détermination – avec examen préalable du dossier – du 6 février 2015 à la CPAR [cinq heures], demande de récusation d'un juge assesseur du 27 février 2015 [une heure], réquisitions de preuve – avec examen préalable du dossier – du 31 mars 2015 [deux heures]), et encore 72 heures et 25 minutes d'examen du dossier ;

- poste "préparation d'audiences", 12 heures et 30 minutes pour la préparation de l'audience d'appel ;

- poste "audiences" : 17 heures et 45 minutes de présence lors des audiences préparatoire et d'appel ;

- poste "recours TF", 200 heures et 30 minutes, ainsi que 160 heures effectuées par la stagiaire, pour la rédaction d'écritures à l'attention du Tribunal fédéral.

c.a.b. Par ordonnance OARP/112/2015 du 7 avril 2015, la Présidente de la CPAR a octroyé à Me _______ une avance sur honoraires de CHF 15'000.-.

c.b.a. Selon l'état de frais déposé par Me _______ daté du 23 janvier 2015, l'activité déployée par elle-même, entre le 5 septembre 2014 et le 12 mai 2015, s'étendait sur 74 heures et 35 minutes, auxquelles il convient d'ajouter la durée des débats d'appel – 20 heures et cinq minutes –, de sorte que l'activité totale s'élevait à 94 heures et 40 minutes. Ses collaboratrice et stagiaire avaient également travaillé sur le dossier, effectuant respectivement une heure et 15 minutes, et six heures. Une majoration de 20% devait être ajoutée.

c.b.b. Dans le détail, Me _______ a facturé l'activité suivante :

- quatre heures affectées à la consultation et à l'examen du dossier, auxquelles s'ajoutent sept heures et 15 minutes effectuées également à ces fins par ses collaboratrice et stagiaire ;

- quatre heures et 50 minutes dédiées à l'examen d'actes de procédure ;

- quatre heures et 10 minutes employées à la rédaction d'actes de procédure et à des recherches juridiques ;

- 61 heures et 35 minutes consacrées à la préparation de l'audience d'appel.

Le temps consacré par Me _______ au dossier était de huit heures et 20 minutes.

d.a.a. A l'ouverture des débats, interpellé sur ses éventuelles questions préjudicielles, le MP a indiqué qu'il ne s'opposait pas à ce que la déclaration d'appel fût réintégrée dans sa totalité à la procédure.

d.a.b. A______ a annoncé qu'il :

- maintenait la question préjudicielle concernant la qualité de partie plaignante de B______ et demandait que celle-ci fût plaidée et tranchée préalablement aux autres questions préjudicielles ;

- concluait à ce que la Cour donne suite aux réquisitions de preuve et requêtes formulées dans la déclaration d'appel, la réponse à l'appel joint et dans le courrier demandant l'audition de DDDDD______, soit le renvoi de l'acte d'accusation, la demande d'expertise de photographies par la BPTS, le transport sur place et la confrontation avec certains détenus ainsi que l'audition, à Genève, de ZZZZZ______, TTTTT______, VaV______, le colonel YYYY______, DDDDDD______ et EEEEEE______. Il demandait aussi que les pages de la déclaration d'appel écartées de la procédure y soient réintégrées.

A______ a en outre déposé un chargé de pièces complémentaires.

d.b.a. Selon la défense, acheminée à plaider la première question préjudicielle préalablement à toute autre, conformément à sa demande, on pouvait voir sur le film portant enregistrement de son interview combien B______ avait été ravie d'être au centre de l'attention, ne manifestant aucune opposition, ce qui se comprenait, la fraude étant considérable. La justice et les propres avocats de l'intéressée avaient été victimes d'une immense escroquerie, qu'il fallait maintenant avoir le courage de reconnaître.

d.b.b. Pour le MP, les tentatives d'A______ d'écarter la partie plaignante relevaient des manœuvres classiques de diversion des dictatures et milieux mafieux, étant rappelé que jamais au cours de l'instruction préliminaire l'audition de la partie plaignante n'avait été requise. Sur le film de son interview, B______ ne niait pas avoir signé la plainte ou ne prétendait pas l'avoir fait sous la pression ; elle disait simplement avoir mauvaise mémoire, à cause de son âge. Certes, elle expliquait ne pas savoir quel était le rôle d'A______, mais c'était la tâche des autorités, non des victimes, d'instruire les faits et désigner les coupables. III______, qui avait été sanctionné pour cela par son autorité de surveillance, avait mis la partie plaignante en danger, alors que celle-ci avait demandé de bénéficier de la couverture d'anonymat - demande à laquelle le MP avait eu tort de ne pas donner suite, pensant pouvoir se fier à la loyauté des parties -. Selon les règles de procédure, les avocats parlaient pour leurs clients, non les journalistes.

d.b.c. Les défenseurs de B______ rappelaient que celle-ci avait reçu la visite d'émissaires du prévenu à l'instant même où l'incident était plaidé devant les juges de première instance ce qui démontrait combien elle avait été mise en danger par la démarche d'III______, lequel n'agissait pas avec indépendance et avait au contraire été en "mission commandée". Tout ce que l'on pouvait déduire du film produit à la veille des débats d'appel – qui n'était pas complet, le début et la fin de l'entretien manquant -, c'était que malgré toutes les pressions subies, l'intéressée ne se rétractait pas, que sa religion lui interdisait de proférer des accusations si elles étaient infondées, enfin que cette mère était très affectée par la mort de son fils, dont elle pensait qu'il avait été exécuté et non qu'il était mort durant un combat.

B______ savait parfaitement qu'elle était partie à la procédure pénale et défendue par Me _______ ; elle s'était entretenue avec son avocate devant Me _______. La réalité de leurs contacts pouvait également être vérifiée par le visionnement d'une émission de la télévision locale Léman Bleu ("replay" 18'338). Néanmoins, pour couper court à toute discussion, une lettre était produite, par laquelle la mère de OOO______ confirmait les pouvoirs de son conseil juridique gratuit de la représenter dans la procédure dirigée contre A______, précisant que les règles essentielles de la procédure et les droits rattachés à la qualité de partie plaignante lui avaient été expliqués (dossier d'appel, 123).

d.b.d. Selon sa réplique, A______ invitait la CPAR à visionner le film de l'interview si ce n'était déjà fait, et niait toute valeur juridique à la pièce produite à l'audience.

d.b.e. Après en avoir délibéré, la CPAR a rejeté la question préjudicielle, au bénéfice d'une brève motivation orale, renvoyant pour le surplus aux considérants du présent arrêt.

d.c.a. En ce qui concerne les autres questions préjudicielles, A______ considérait qu'il fallait déduire de l'arrêt du Tribunal fédéral du 21 avril 2015 que la déclaration d'appel complète devait être versée à la procédure, conclusion qui s'imposait au demeurant, vu le changement de position du MP. Pour le surplus, la défense a renvoyé aux développements contenus dans ses requêtes écrites, qu'elle a brièvement évoqués. Le chargé complémentaire produit comportait notamment, en réponse aux objections faites sur les compétences de l'orthodontiste qui avait observé des photographies du cadavre de TTT______, un rapport allant dans le même sens.

d.c.b. La pièce précitée est un rapport en langue allemande datant du 5 mai 2014 du GGGGGG______ de l'institut ______ concluant à l'existence de plusieurs éléments permettant de penser que la personne apparaissant sur les photographies DSC00099 et DSC 00055 à 57/59 (TTT______ à la morgue) n'était pas la même que celle apparaissant sur un cliché du cadavre de TTT______ dans la propriété de NNN______.

d.c.c. Selon le MP, la décision d'écarter le véritable mémoire que constituait la déclaration d'appel était juste. Par souci de pragmatisme, il était cependant plus simple de verser cette écriture au dossier, la présente affaire ne constituant pas la bonne occasion de tester cette question de principe.

Pendant deux ans, la défense n'avait requis – sous la seule réserve de l'audition de MIIIIII______ – l'administration d'aucune preuve, allant jusqu'à reprocher au MP de faire durer artificiellement l'instruction et, partant, la détention préventive, par des actes d'instruction inutiles, ou refusant de répondre aux questions concernant le volet Gavilán. Puis, à la veille du procès de première instance ou d'appel, A______ avait soudainement requis toute sorte d'actes, qui plus est dépourvus de pertinence et sans fournir les éléments nécessaires, tels que les adresses ou prénom des témoins à entendre, tout en se plaignant de la violation du principe de célérité. Il s'était également mis à distiller des pièces, mais taisait comment il se les était procurées.

Pour le surplus, le MP a également repris les développements contenus dans ses précédentes déterminations écrites.

d.c.d. La partie plaignante a développé des arguments comparables, soulignant à son tour que le prévenu s'était mis à verser, au compte-goutte, des pièces à la procédure, au demeurant en leur donnant une portée qu'elles n'avaient pas. Ainsi, les documents émanant du Ministère public guatémaltèque, prétendument cachés aux autorités genevoises par la CICIG, établissaient que les victimes de Pavón avaient été dactyloscopiées, ce qui contredisait la thèse du prétendu doute sur l'identité des cadavres.

d.c.e. Aux termes de sa réplique, la défense s'est dite scandalisée à l'idée qu'on lui reproche de produire des pièces à décharge. Elle n'avait pas présenté de réquisitions de preuve devant le MP parce qu'elle n'avait eu de cesse de demander la récusation du procureur. A______ avait certes, durant un temps, refusé de répondre à des questions, pour le même motif, mais il avait ensuite coopéré et c'était le MP qui n'avait guère eu de questions à lui poser sur Gavilán, n'ayant pour ainsi dire pas instruit ce volet.

d.c.f. La CPAR a rejeté les questions préjudicielles du prévenu, sauf celle relative à la déclaration d'appel, qui a été réintégrée à la procédure dans sa version complète. Comme le précédent, le dispositif de cette seconde décision, porté au procès-verbal de l'audience, a été brièvement explicité oralement, les parties étant pour le surplus renvoyées à la motivation du présent arrêt.

d.d. Répondant aux questions de la Présidente, A______ relevait que selon le plan Pavo Real, chaque entité intervenante avait un rôle. Il appartenait à la PNC et à l'armée d'agir au moment de l'entrée ; ce nonobstant, certains gardes du Système pénitentiaire, dont I______ étaient également intervenus. Ultérieurement, des agents dudit Système avaient été découverts en train d'effectuer des fouilles hors la présence du Ministère public, raison pour laquelle ils avaient été écartés, seul un corps d'élite étant autorisé à rester. Comme dans toute opération, il y avait eu des imprévus, qui avaient nécessité la prise de décisions, par le chef du commissariat no 13.

Trois ou quatre sous-directeurs de la PNC avaient été présents, ainsi que l'inspecteur général, dont le rang était équivalent à celui des sous-directeurs. A 04:00, CCC______ était au centre de commandement, afin de superviser les équipes de sa Division. A un moment, il avait été décidé que les chefs soient présents aux côtés de leurs hommes pour l'entrée. A______ était donc allé à l'entrée A, le chef de district à l'entrée C, où se trouvait également un commissaire des enquêtes criminelles. Le hasard avait ainsi fait qu'il ne restait plus que l'entrée B pour CCC______, étant précisé qu'a priori ce point semblait le moins susceptible de présenter des risques, encore que tout endroit de la prison pouvait être le lieu de difficultés. Des hommes cagoulés, armés et portant des uniformes non officiels se trouvaient à toutes les entrées. A______ ne contestait pas que KKK______, GGG______, les frères JJJ______ et VVV______ étaient à l'entrée B ; la présence de MMM______ n'avait en revanche jamais été établie. C'était la malchance – la "mala suerte" – qui avait fait que CCC______ se soit trouvé précisément avec ce groupe-là, et le prévenu ne pouvait expliquer comment il se faisait que ce soit aussi ce groupe-là qui, contrairement aux prévisions, était tombé sur la seule poche de résistance.

A______ s'était effectivement rendu au commissariat d'Escuintla le 22 octobre 2005, ayant été informé que deux fugitifs et deux détenus qui avaient prêté main forte à l'évasion d'El Infiernito allaient y être conduits. FFF______, TTTTT______, VVVVV______, ZZZZZ______, KKK______, GGG______ et CCC______ étaient également allés là-bas, le dernier s'y arrêtant au retour d'une opération. Il y avait encore le chef du district Sud, le chef du commissariat et toute son équipe. L'appelant et plusieurs des précités avaient ensuite participé à la réunion, quelques jours plus tard, lors de laquelle l'opération Gavilán avait été présentée aux équipes. CCC______ n'était pas présent, n'étant nullement concerné eu égard à ses fonctions à l'époque, qui avaient trait à la santé au sein de la police. A______ n'était d'ailleurs pas certain que son ami eût dit qu'il s'était rendu à Las Cuevas après l'échange de coups de feu, pour vérifier qu'aucun agent n'était blessé. Pour lui, il s'était uniquement rendu au village d'où les équipes de recherche étaient parties.

Le prévenu ne pouvait se prononcer sur les déclarations de CCC______ en Autriche selon lesquelles les dix victimes avaient été exécutées, les responsables en étant FFF______ et KKK______. En effet, contrairement à son bras droit, il n'avait pas fait d'enquêtes et n'avait pas de preuves. Il avait certes une opinion, mais il ne pouvait la livrer sans mettre en danger sa famille, KKK______ ayant été un homme très influent, protégé non seulement par les personnes au pouvoir au Guatemala mais aussi par des agences aux Etats-Unis.

A______ a refusé de répondre aux questions de l'accusation, dans la mesure où il n'était pas autorisé par la Cour à interroger d'abord lui-même le Procureur, mettant toujours en doute son impartialité.

Son interrogatoire s'est ainsi achevé, ses avocats et la partie plaignante n'ayant pas non plus de questions à lui poser.

d.e. Persistant dans toutes ses conclusions tendant à la confirmation du jugement, sinon à sa réforme concernant les ch. II.2. et III.3. de l'acte d'accusation, le MP estime que l'on ne pouvait croire une seule seconde qu'alors que les autorités les plus importantes du pays se trouvaient à Pavón à des fins de communication, l'ami d'enfance du prévenu, son subordonné GGG______, ses proches conseillers JJJ______, ou encore le conseiller du Ministre de l'intérieur se soient retrouvés pour pénétrer ensemble dans la prison, tirer et tuer, sans qu'A______ n'y ait consenti. La culpabilité de l'intéressé aurait pu être retenue sur la seule base de sa fonction hiérarchique, étant rappelé aussi qu'il n'avait fait diligenter aucune enquête digne de ce nom après les faits, pas plus qu'il n'avait réagi lorsque les conclusions du PDH évoquant des exécutions sommaires lui avaient été présentées, en décembre 2006.

Le MP a repris divers éléments à charge évoqués dans le jugement entrepris, qu'il faisait sien, et a discuté les critiques développées dans la déclaration d'appel. L'arrêt autrichien acquittant CCC______ n'empêchait pas d'admettre incidemment l'implication de cet homme, le principe de l'autorité de la chose jugée interdisant uniquement des nouvelles poursuites pour les mêmes faits à l'encontre de l'intéressé. Les pièces nouvelles produites par l'appelant n'apportaient rien à sa cause.

Le TCrim avait correctement établi les faits et apprécié les preuves à charge concernant l'opération Gavilán, errant uniquement en ce qu'il avait estimé qu'un léger doute subsistait du fait que les relevés téléphoniques évoqués par le témoin BBB______ n'avaient pu être versés au dossier. Or, en l'absence de ces preuves, rien n'empêchait de se fonder sur le témoignage de l'intéressé qui était un témoin direct en ce qu'il avait dit avoir vu les relevés.

Les actes commis étaient des crimes d'Etat, soit les crimes les plus graves dans la mesure où ils déstabilisaient la société tout entière et non seulement les individus touchés et leurs proches. Celui qui acceptait des responsabilités telles celles occupées par le prévenu s'engageait à montrer l'exemple, à l'égard de tous, y compris les délinquants. Seule la peine la plus grave pouvait donc entrer en considération.

d.f.a. Le défenseur privé d'A______ souhaitait revenir sur quelques énormités du réquisitoire du MP, lequel, pour l'essentiel, tenait à la prétendue culpabilité de CCC______, pourtant au bénéfice d'une décision d'acquittement - de même que son frère d'ailleurs -. Le réquisitoire n'avait ainsi pas ou guère évoqué les trois témoins-clef de l'accusation, soit H______, CC______ et U______, reconnaissant implicitement que leur témoignage ne valait rien. Les gardes du corps de CCC______ avaient fait des dépositions lamentables et contradictoires avec leur mission de le protéger, ce qui impliquait qu'ils demeurassent à ses côtés. Ceux d'A______, en revanche, avaient correctement tenu ce rôle et, partant, pu confirmer que celui-ci n'avait été présent lors d'aucune exécution.

A______ n'avait jamais soutenu que les sept victimes étaient mortes lors d'une confrontation, mais expliqué que c'était ce qu'on lui avait dit. Or, il n'avait aucune raison de douter de cette version. Il était en revanche établi que des éléments démontrant l'existence d'un affrontement armé avaient été occultés par la CICIG. On ne pouvait davantage reprocher au directeur général de la police de ne pas avoir mené d'enquête après les faits, celle-ci étant du ressort du MP, lequel était présent déjà à 08:00, sur la place centrale. En définitive, l'argument principal de l'accusation était que le prévenu avait été le chef, mais on ne voyait pas pourquoi il devrait répondre des agissements de tous ses agents, de ceux du Système pénitentiaire, des soldats, ou encore des hommes de KKK______, lequel n'appartenait pas à la PNC. D'ailleurs, le dossier ne permettait pas de lui attribuer des mobiles relevant du nettoyage social. Davantage qu'un policier, il avait été un homme politique, qui avait instauré les dimanches sans voiture, œuvré afin que la communauté juive de Guatemala City puisse ériger un monument perpétuant la mémoire de la Shoah, et avait été appelé à la tête de la PNC pour faire des réformes et lutter contre la corruption.

Il avait certes formellement appointé les frères JJJ______, parce que le pouvoir de nommer des conseils externes lui revenait, mais ceux-ci avaient travaillé avec KKK______.

Le MP n'avait consacré que dix minutes de son réquisitoire à l'opération Gavilán. L'accusation reposait sur des relevés téléphoniques prétendument vus par un témoin ; or, la défense avait pu établir que celui-ci avait menti. En effet, elle avait produit dans son chargé complémentaire des pièces démontrant qu'en sa qualité de cadre de la PNC, A______ avait un abonnement de téléphonie mobile auprès d'une autre compagnie que celle dont BBB______ disait avoir observé les relevés rétroactifs.

d.f.b. Le défenseur d'office du prévenu a tout d'abord évoqué les prétentions en indemnisation de son protégé, soulignant l'importance de la souffrance de ce mari et père, ainsi que celle de sa famille. Il n'était pas "un pénaliste" mais avait assumé ce mandat parce qu'il était profondément convaincu de ce qu'A______ était victime d'une injustice.

Le MP estimait que l'on pouvait condamner sur la seule base de la position hiérarchique de l'intéressé mais il aurait fallu, bien au contraire, déterminer qui avait tiré, quand et en vertu de quel ordre. Le dossier était plein de trous ; il manquait notamment les dépositions des prévenus dans la procédure guatémaltèque, ou le t-shirt jaune de SSS______. Le Ministère public au Guatemala avait mené une "fausse" enquête et des pièces avaient été retirées du dossier remis aux autorités suisses, comme la défense avait pu l'établir juste avant les débats d'appel.

Contrairement aux témoins de l'accusation, l'appelant avait été globalement constant dans ses déclarations, alors même qu'il avait été interrogé plus d'une vingtaine de fois.

"GGG______ et KKK______ [avaient] tué ces gens, c'[était] une évidence", mais le prévenu n'y était pour rien. Il n'était pas plus coupable que d'autres personnes présentes sur les lieux, par exemple le cameraman ou le témoin Z______. Aujourd'hui, on savait que le "méchant" était KKK______, mais à l'époque le prévenu l'ignorait de sorte qu'il n'avait pas de raison de douter de la réalité de l'affrontement lorsque celui-là le lui avait rapporté. D'ailleurs, le témoin QQ______ avait relaté lors de sa déposition en Autriche que plusieurs gardes s'étaient jetés à terre, croyant eux aussi qu'il y avait un combat armé.

Sur la base de la chronologie établie par la défense et produite dans son dernier chargé, il pouvait être retenu qu'il n'y avait plus eu aucun coup de feu après 07:20. Il n'y avait donc pas eu de détonation lorsque le prévenu était arrivé à la maison de NNN______. A tout le moins, il était établi qu'à ce moment-là, toutes les victimes avaient déjà péri, sauf peut-être OOO______ et NNN______. Il était certes possible que personne n'ait entendu les coups tirés sur ce dernier, à l'étage de sa maison, mais par personne, il fallait comprendre aussi A______, qui n'y était pas.

CCC______ avait découvert, lorsqu'il avait pris la tête de la Division des enquêtes criminelles, des preuves accablantes au sujet du tandem KKK______ – GGG______. Il avait "ces choses" à l'esprit lorsqu'il avait vu les deux hommes pénétrant dans l'enceinte mais, voyant qu'on tirait depuis la maison de NNN______, il s'était jeté à couvert. Par la suite, arrivé à la rue des ateliers, il s'était attelé ostensiblement à la tâche d'ouvrir à la pince hydraulique les casetas (ndlr : maisonnettes), comme on le voyait sur des images, de façon à se tenir à l'écart des agissements du commando, et ce au vu de tous. Cela avait duré longtemps et démontrait qu'il n'était concerné ni par le tri des prisonniers, ni par la recherche du Colombien. Il était possible que KKK______ et GGG______, qui étaient entrés en "tirant comme des brutes", aient commis des exactions, mais cela ne concernait pas A______.

Un autre grand problème de ce dossier résidait dans l'avalanche d'informations contradictoires.

d.f.c. La défense persiste partant dans ses conclusions.

d.g. Demandant la confirmation du jugement querellé, y compris s'agissant des conclusions civiles, et évoquant la théorie de l'absurde développée par l'intéressé, avec pour conséquence que l'accusation était paradoxalement renforcée par le déni de l'évidence, la partie plaignante a entrepris de démontrer que la culpabilité d'A______ pourrait être retenue même sur la seule base des éléments de preuves qu'il ne contestait pas.

CCC______ avait confirmé l'existence d'une structure criminelle recourant au nettoyage social institutionnalisé, comme cela était également démontré par le rapport ALSTON. A______ ne pouvait ignorer cette situation lorsqu'il avait accepté de prendre la direction de la PNC. Devant le TCrim, il avait admis que FFF______ lui avait demandé de former un groupe en vue de reprendre les activités de GGG______. Il avait reconnu aussi que ce dernier travaillait pour lui et FFF______ avait déclaré que cet individu rapportait tout à A______ et CCC______. Les frères JJJ______ également travaillaient pour le prévenu. L'existence du plan B et de la liste étaient établis par des multiples éléments, et ce ne pouvait être un hasard si le commando armé était entré au pied de la maison de NNN______, préalablement identifiée comme un lieu suffisamment à l'écart des opérations officielles pour servir de scène du crime. Le directeur de la PNC, qui avait été présent sur les lieux, ayant un œil sur tout et arpentant la prison, était parfaitement conscient de la situation. De nombreuses pièces autres que celles émanant de la CICIG établissaient que les victimes avaient été vues en vie et maîtrisées avant leur mort. Ainsi, le rapport du PDH évoquait l'identification probable de SSS______ par son épouse, ainsi que OOO______ et TTT______. Le film "Assaut Est" à la minute 15'17'' montrait, au ralenti, au même endroit où PPP______ était repéré sur la photographie P1050233, comment les détenus étaient triés, devant donner leur nom puis étant dirigés à droite – soit à Pavoncito – ou à gauche – soit vers la maison de NNN______. Au demeurant, le rapport de F______ établissait que les victimes n'étaient pas mortes au cours d'un combat. Comme déjà indiqué, l'identité des victimes était confirmée, au besoin, par les pièces soi-disant dissimulées par la CICIG et produites par la défense, étant rappelé que neuf ans s'étaient écoulés depuis les faits et qu'aucune n'avait réapparu vivante. A______ et son escadron de la mort s'étaient trouvés aux endroits clefs, aux moments clefs. L'arrivée de l'intéressé à la maison de NNN______ toujours au ralenti sur le film "Assaut Est" produit par lui, était éloquente par son silence. De fait, il n'y avait rien à dire entre le prévenu et ses hommes, chacun sachant ce qui s'était passé et ce qui devait être fait.

d.h. Les parties ont été acheminées à répliquer/dupliquer dans la mesure où elles l'estimaient nécessaire, le MP et la défense étant également priés de se déterminer sur la question du maintien éventuel du prévenu en détention pour des motifs de sûreté à l'occasion du prononcé du dispositif de l'arrêt de la CPAR.

d.h.a. Le MP sollicitait le maintien en détention pour des motifs de sûreté.

En substance, la défense proposait désormais trois thèses : le coupable était I______, les victimes avaient péri au cours d'un affrontement armé, et - c'était là une nouveauté - elles avaient bien été exécutées, mais par KKK______ et GGG______. Ces trois thèses s'excluaient et les tâtonnements d'A______ démontraient qu'il n'avait rien de sérieux à opposer aux éléments à charge. L'argument du téléphone de fonction n'était pas sérieux.

d.h.b.a. La défense s'opposait au maintien en détention pour des motifs de sûreté et demandait la libération immédiate, sans s'exprimer davantage sur cette question.

d.h.b.b. Pour le défenseur d'office d'A______, la CPAR était effectivement confrontée à de multiples coupables possibles, ce qui devait conduire à l'acquittement ; en particulier, I______ était davantage un accusé protégé qu'un témoin et il y avait plus d'éléments le mettant en cause que d'indices contre le prévenu. Sur les images, JJJb______ faisait bien un signe de la main au moment de la capture de TTT______, mais c'était uniquement afin que celui-ci se déshabille, comme les autres détenus.

d.h.b.c. S'adressant à son client à la deuxième personne du singulier, le défenseur privé d'A______ le rassurait : il était certes, à ce stade, condamné d'avance, par défaut, parce qu'il avait été le chef de la police, mais ce n'était pas le bout du chemin, et ses avocats continueraient d'assurer sa défense jusqu'au bout, jusqu'à Strasbourg s'il le fallait, avec la même énergie.

d.h.b.d. La partie plaignante a brièvement répliqué.

d.h.b.e. En guise de duplique, Me _______ a exhorté la CPAR à prendre la difficile responsabilité d'acquitter le prévenu.

d.i. Prenant la parole le dernier, le prévenu hésitait à clarifier les choses s'agissant du fonctionnement de la police, constatant que la Cour ignorait beaucoup à ce sujet, mais il y renonçait en définitive, se sachant condamné depuis avant même le début de l'audience. On l'accusait sur la base de témoignages et d'images, voire de quelques preuves scientifiques mais tout cela n'avait pas d'importance. On cherchait en effet un coupable à n'importe quel prix, en raison des intérêts en jeu. Le processus qui avait abouti à la création de la CICIG avait commencé alors qu'il était encore à la tête de la PNC, l'objectif étant d'en faire une organisation internationale au travers de laquelle l'ONU pourrait s'ingérer dans les affaires des pays en difficulté avec leur système judiciaire. La Suisse participait à ce projet en argent et en moyens ; elle avait affirmé, sur le site internet de la CICIG, son intérêt à ce que les activités de cette institution s'étendent à d'autres pays que le Guatemala, soit des pays d'Amérique centrale, puis des pays d'Amérique, puis le continent africain puis enfin le monde entier. Dans cette perspective, des négociations étaient déjà en cours en vue d'installer le siège de cette future organisation à Genève, ce qui serait logique vu la tradition de la ville dans ce domaine. Cela allait créer des emplois et les premiers bénéficiaires en seraient les collaborateurs de la CICIG qui se trouvent déjà à Genève. La seule personne qui, sur les 5'000 individus présents à Pavón le 25 septembre 2006, affirmait l'avoir vu tuer quelqu'un de ses mains était un témoin amené à la procédure par une association genevoise qui collaborait avec la CICIG. Il s'agissait de TRIAL, qui avait tout intérêt à ce que des millions arrivent à Genève, avait été cofondée par le père du Procureur et à laquelle plusieurs juges qui avaient fonctionné durant la procédure avaient donné directement ou indirectement beaucoup d'argent.

Le MP n'avait pas demandé les analyses balistiques permettant de déterminer s'il avait ou non tiré sur SSS______ avec son arme ; la famille de la victime n'avait jamais évoqué le prétendu motif qu'il aurait eu de vouloir se venger et on avait inventé un parcours fantôme afin de faire correspondre le témoignage de H______ avec l'accusation. Des faits aussi anodins que celui d'attendre quelqu'un à une station-service s'étaient vus conférer de l'importance. Aujourd'hui, dans cette salle d'audience, nul ne pouvait avoir la certitude de détenir le dossier complet, tel qu'il avait été réuni au Guatemala. Le MP, qui était censé s'assurer que tel fût le cas, n'y avait pas d'intérêt. On l'avait condamné à 20 ans de prison sans respecter le principe de l'impartialité.

Il affirmait, en toute conscience, les yeux dans les yeux, qu'il n'avait pas tué SSS______, ni aucun autre détenu ou évadé d'El Infiernito. Il n'avait pas davantage donné d'ordre d'exécuter qui que ce soit, ni n'avait participé à la planification de la mort de qui que ce soit.

d.j. Après en avoir délibéré, la Cour a rendu sur le siège le dispositif du présent arrêt sur appel d'A______ et appel joint du MP, le motivant brièvement oralement, et a averti les parties que la décision sur appel du défenseur d'office et taxation des diligences en appel couvertes par l'assistance juridique serait rendue avec les motifs.

d.k. La Présidente de la CPAR a ordonné par décision séparée le maintien en détention du prévenu pour des motifs de sûreté.

D. SITUATION PERSONNELLE

A______ est âgé de 45 ans, marié et père de trois enfants, âgés respectivement de 15, 13 et 9 ans. Il a effectué sa scolarité obligatoire et suivi des études universitaires en sciences politiques, sanctionnées en 1995 par l'obtention de son diplôme, au Guatemala. Il a commencé à travailler dès l'âge de 17 ans, d'abord à la Mairie de Guatemala City, puis au Ministère des communications, transports et travaux publics. Il avait ensuite occupé un poste au sein du Bureau du Procureur général de la Nation et exercé le mandat de Conseiller municipal en charge de la sécurité de la Ville de Guatemala City de 2000 à 2004. Au cours de cette dernière année, alors qu'il avait été réélu conseiller municipal, il avait accepté la charge de directeur général de la PNC à la demande de FFF______. Il avait alors 34 ans. Selon ses explications, il avait fait de la lutte contre la corruption au sein de la police une priorité et avait notamment licencié 1200 agents.

A______ a indiqué qu'en 2007, sa famille et lui-même avaient fait l'objet de menaces et d'attentats, suite à des actions entreprises par les autorités pour lutter contre les narcotrafiquants. Il avait dès lors quitté le Guatemala pour s'installer à Genève, où il avait résidé depuis lors, précisant qu'au moment de son installation en Suisse, il n'existait aucune accusation, quelle qu'elle soit, à son encontre. Après leur arrivée à Genève, son épouse avait travaillé comme employée pour la Mission permanente du Guatemala auprès des Nations Unies, mais en avait été congédiée le 17 août 2010, à la suite de l'émission du mandat d'arrêt des autorités judiciaires guatémaltèques à l'encontre du prévenu. Elle était toujours en recherche d'un emploi. A______ en avait également cherché un dans le domaine de la sécurité, mais ses démarches avaient été vaines, de sorte qu'il n'a jamais exercé d'activité lucrative depuis son arrivée en Suisse.

Depuis le 1er février 2011, la famille A______ est au bénéfice d'une aide de l'Hospice général, complétée par le soutien financier du père d'A______, ambassadeur du Guatemala auprès de l'OMC. Si elle s'était établie, dans un premier temps, dans l'appartement de ce dernier, elle réside, depuis trois ans, dans un appartement distinct.

A______ n'a pas d'antécédent judiciaire.

EN DROIT :

1. RECEVABILITE

1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). Il en va de même de l'appel joint, ainsi que déjà retenu par la CPAR au terme de son ordonnance OARP/129/2015 du 20 avril 2015.

1.2. La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. QUALITE DE PARTIE PLAIGNANTE DE B______

2.1. L'appelant ne nie pas, ou plus, que l'intimée B______ est la mère de OOO______ et peut à ce titre prétendre à la qualité de proche de la victime selon l'art. 116 al. 2 CPP et se porter partie plaignante au sens de l'art. 118 CPP, pour exercer dans la procédure tous les droits d'une victime (art. 117 CPP), notamment faire valoir des conclusions civiles (art. 122 ss CPP), pas plus qu'il ne remet en cause la procuration délivrée à Me _______. Il conteste cependant la validité de la constitution de partie plaignante par l'intimée, se prévalant des propos recueillis par un journaliste, au domicile de l'intéressée, selon lesquels celle-ci a indiqué avoir signé des documents soumis par la CICIG sans les lire, ne pas se souvenir d'avoir mandaté celle qui est ensuite devenue son conseil juridique gratuit et ignorer être partie à la procédure pénale diligentée contre l'ancien directeur de la PNC, précisant qu'elle avait toujours pensé que le responsable de la mort de son fils était EEE______ parce que son fils lui avait parlé de ce protagoniste alors qu'elle ignorait quel rôle l'appelant avait pu jouer. L'appelant insiste sur le fait que la partie plaignante a également déclaré qu'elle ne pouvait "proceder en mal de nadie", la justice devant venir de Jéhovah.

2.2. A l'instar de la Présidente de la CPAR dans l'ordonnance OARP/300/2014 du 18 décembre 2014, dont elle fait siens les considérants, la Chambre de céans rappellera tout d'abord qu'il est d'usage, à tout le moins à Genève, de se fier aux déclarations des avocats, dont l'activité est soumise à autorisation et à surveillance disciplinaire, concernant leurs rapports avec leurs clients.

En l'espèce, il y a d'autant moins lieu de s'écarter de cette pratique que les propos tenus au journaliste ont été obtenus de l'intimée B______ hors la présence et même à l'insu de son avocate, qui plus est dans un contexte où celle-là pouvait sérieusement craindre pour sa sécurité, s'il devait s'avérer que l'appelant est bien l'auteur des faits reprochés, circonstances qui ont d'ailleurs fondé une sanction de l'organe de surveillance de la presse. La production de l'intégralité de l'interview et sa transcription ne changent rien à cette conclusion, étant observé que ladite vidéo n'a pas la portée que la défense y prête s'agissant des convictions religieuses de l'intéressée, celle-ci paraissant plutôt vouloir dire qu'elle ne peut agir "en mal" contre quiconque, c'est-à-dire à tort, ou mensongèrement, et sa colère ainsi que sa détresse à l'évocation de la mise à mort de son fils étant éloquentes. De même, le fait que la partie plaignante dise ignorer si l'appelant est responsable de la mort de son fils n'est pas relevant, dès lors qu'il appartient à l'accusation, et non à la victime, de déterminer qui est l'auteur de l'infraction dénoncée.

2.3. A l'audience, le conseil juridique gratuit de l'intimée et son second avocat ont clairement affirmé que la première était en contact avec la partie plaignante, laquelle avait bien eu l'intention de se porter partie plaignante et souhaitait le rester. Ils ont également produit un courrier en ce sens.

2.4. Se fondant sur ces explications et pièce, la CPAR s'est estimée suffisamment renseignée sur la réalité de l'intention de l'intimée B______ de se porter partie plaignante et de le demeurer, de sorte qu'elle a rejeté lors des débats la question préjudicielle par laquelle la défense contestait la validité de la constitution de partie plaignante.

3. AUTRES QUESTIONS PREJUDICIELLES SOULEVEES A L'OUVERTURE DES DEBATS D'APPEL

3.1. Admissibilité de la déclaration d'appel motivée

3.1.1. La CPAR fait entièrement siens les considérants 1.1 à 1.3. de l'OARP/300/2014 précitée traitant de cette question et observe que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le Tribunal fédéral a laissé la question ouverte dans l'arrêt 1B_91/2015 du 21 avril 2015.

3.1.2. Il reste, d'une part, que le MP ne s'oppose plus à ce que la déclaration d'appel motivée soit réintroduite à la procédure, alors que la jurisprudence de la Chambre de céans a toujours été de n'écarter les écritures dépassant le cadre de l'art. 393 al. 3 et 4 CPP que si l'une des parties soulevait l'incident et, d'autre part, que la question est désormais purement théorique, l'argumentaire écrit de l'appelant se trouvant déjà au dossier sous couvert de la demande de mise en liberté.

3.1.3. Constatant qu'il n'y avait plus de motif contraire, la CPAR a accédé à la demande de l'appelant et ordonné que les extraits de la déclaration d'appel qui en avait été écartés soient réintroduits à la procédure.

3.2. Renvoi de l'acte d'accusation

3.2.1. L'art. 9 al. 1 CPP énonce la maxime d'accusation et stipule qu'une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.

Le principe de l'accusation est une composante du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et peut aussi être déduit des art. 32 al. 2 Cst et 6 ch. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) qui n'ont à cet égard pas de portée distincte. Il implique que le prévenu sache exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a p. 21). L'acte d'accusation poursuit ainsi un double but, délimiter l'étendue de la saisine de la juridiction et informer la défense pour lui permettre d'intervenir efficacement dans la procédure (ATF 126 I 19 consid. 2a p. 21 ; ATF 120 IV 348 consid. 2b p. 353 ; Y. JEANNERET / A. KUHN, Précis de procédure pénale, Berne 2013, n. 16038 p. 392).

3.2.2. Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne le lieu et la date de son établissement, le ministère public qui en est l'auteur, le tribunal auquel il s'adresse, les noms du prévenu et de son défenseur, le nom du lésé, le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée à l'accusé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 consid. 1.1).

L'acte d'accusation doit notamment indiquer la nature de la participation (coactivité, complicité ou instigation), le degré de réalisation de l'infraction (tentative ou infraction consommée), un éventuel concours d'infractions ou de lois pénales, ainsi que les circonstances aggravantes propres à une infraction (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 21-30 ad art. 325). Pour le surplus, selon la jurisprudence, le principe de l'accusation n'exige pas que l'acte d'accusation décrive, en droit, de manière précise l'ensemble des éléments déterminant l'aspect subjectif d'une infraction qui ne peut être qu'intentionnelle (ATF 103 Ia 6 consid. 1d p. 7 ; arrêt 6B_667/2010 du 20 janvier 2011 consid. 1.2).

Selon une jurisprudence récente du Tribunal fédéral, l'acte d'accusation respecte les exigences du CPP même s'il ne décrit pas le comportement spécifique reproché à chaque coauteur. Il doit néanmoins être suffisamment précis, notamment quant à la date, à l'heure et au lieu de déroulement, pour que le prévenu puisse comprendre les faits et l'infraction qui lui sont reprochés et exercer efficacement ses droits à la défense (arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.2).

Cela étant, le contenu de l'acte d'accusation dépend de la configuration spécifique du cas concret. Si, par exemple, le lieu, la date et l'heure d'un meurtre n'ont pas pu être définis par l'instruction, il suffit d'indiquer dans quelle période le meurtre a probablement été commis. En revanche, s'ils sont connus, ces éléments doivent être indiqués de manière précise (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire, n. 17 ad art. 325).

3.2.3. En l'espèce, à la lecture des faits tels que décrits dans l'acte d'accusation, on comprend qu'il est reproché à l'appelant d'avoir lui-même, ou par le biais de tiers agissant sous ses ordres et sous son contrôle, exécuté, fait exécuter, ou accepté, en tant que chef de la PNC, que ses subordonnés exécutent les détenus victimes, à l'occasion de l'opération Pavo Real en date du 25 septembre 2006 et du Plan Gavilán les 3 novembre et 1er décembre 2005.

Pour chaque complexe de faits, le MP a mentionné les éléments suivants : le lieu, la date, les actes commis, leurs conséquences, l'identité des victimes, l'identité des auteurs/coauteurs présumés ainsi que leur mode de procéder, les infractions pénales réalisées, les dispositions légales applicables. Le MP a en outre succinctement, mais précisément, décrit le contexte politique et organisationnel aux moments des faits, les étapes précédentes/subséquentes aux exécutions alléguées, de même que l'implication de chaque protagoniste, notamment celle de l'appelant.

Les indications contenues dans l'acte d'accusation permettent à l'appelant de comprendre les faits qui lui sont reprochés et de préparer efficacement sa défense. L'acte d'accusation répond ainsi aux exigences énoncées par le code de procédure pénale et ne viole nullement le droit d'être entendu de l'appelant, de sorte que la question préjudicielle y relative a été rejetée à l'audience.

3.3. Réquisitions de preuve rejetées dans le cadre de la direction de la procédure

3.3.1. L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; arrêt non publié du Tribunal fédéral 6B_78/2012 consid. 3.1 du 27 août 2012).

Sous réserve de l'audition du prévenu, laquelle a généralement lieu également devant la juridiction d'appel (art. 341 al. 3 CPP applicable par analogie selon l'art. 405 al. 1 CPP), l'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (al. 2 let. a) ; l'administration des preuves était incomplète (al. 2 let. b) ; les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (al. 2 let. c). Afin de déterminer quel moyen de preuve doit être administré, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation (arrêt 6B_484 2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.2 et les références citées). L'autorité cantonale peut notamment refuser des preuves nouvelles qui ne sont pas nécessaires au traitement du recours, en particulier lorsqu'une administration anticipée non arbitraire de la preuve démontre que celle-ci ne sera pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées, lorsque le requérant peut se voir reprocher une faute de procédure ou encore lorsque son comportement contrevient au principe de la bonne foi en procédure (arrêts non publiés du Tribunal fédéral 6B_614/2012 consid. 3.2.3 du 15 février 2013 et 6B_509/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2 ; A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, n. 17 ad art. 398). Il convient au demeurant d'éviter la multiplication d'auditions qui n'amènent que rétractations et revirements, source de conflits et de perte de temps (C. COQUOZ / A. MOERI, Le CPP : questions choisies après 3 ans de pratique, SJ 2014 II p. 37 ss, 43 et l'ATF 139 IV 25 discuté).

Conformément aux art. 403 al. 4 et 331 al. 1 CPP applicables par renvoi de l’art. 405 al. 1 CPP, la direction de la procédure de la juridiction d'appel statue sur les réquisitions de preuve présentées avec la déclaration d’appel ou lors de la préparation des débats, celles rejetées voire d’éventuelles réquisitions nouvelles pouvant encore être formulées devant la juridiction d’appel, à l’ouverture des débats, au titre de questions préjudicielles (art. 339 al. 2 et 3 cum 405 al. 1 CPP).

3.3.2. Le droit de participer à l'administration des preuves fait partie du droit constitutionnel d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Pour le prévenu, le droit de poser des questions au témoin découle également des art. 32 al. 2 Cst., 6 § 3 let. d CEDH et 14 § 3 let. e du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2). Le droit consiste à se trouver en présence de la personne et à lui poser ou faire poser des questions. Il n'existe aucun droit, néanmoins, à l'ajournement de l'acte d'instruction (A. KUHN / Y. JEANNERET, Précis, n. 1 ss ad art. 147 et n. 28 ss ad art. 107).

Le droit d'être confronté, au moins une fois, aux témoins à charge est absolu dès que le témoignage est décisif pour la condamnation (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 481 ; cf. aussi arrêts non publiés 6B_22/2012 du 25 mai 2012 consid. 3.1 et 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 1.1.1).

Lorsque l'administration des preuves se fait par commission rogatoire, le droit de participation des parties est réglé par l'art. 148 al. 1 CPP, prévoyant que le droit de participer des parties est satisfait lorsqu'elles peuvent adresser des questions à l'autorité étrangère requise, consulter le procès-verbal de l'administration des preuves effectuée par commission rogatoire et poser par écrit des questions complémentaires. Ainsi, les parties ont le droit d'adresser des questions à la direction de la procédure, à l'intention de l'autorité étrangère requise. En outre, après consultation du procès-verbal de l'administration des preuves exécutée par commission rogatoire, les parties peuvent poser des questions complémentaires (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1057 ss, spéc. 1167).

3.3.3. La loi oblige le ministère public ou l'autorité de jugement à faire appel à un expert lorsqu'il ne dispose pas des connaissances et des capacités nécessaires pour constater ou apprécier un état de fait (art. 182 CPP). L'expertise ne lie pas le juge (art. 10 al. 2 CPP), mais ce dernier ne peut s'en écarter sans motifs sérieux et s'il le fait, il doit motiver sa décision (ATF 107 IV 7 consid. 5 p. 8 ; ATF 106 IV 97 consid. 2b p. 99).

La doctrine n'est pas unanime au sujet de la force probante de l'expertise privée par rapport à l'expertise judiciaire : certains auteurs la considèrent comme un simple allégué de partie, alors que selon d'autres, il s'agit d'un moyen de preuve, même s'il doit être apprécié avec plus de précautions. Il est néanmoins admis qu'une divergence entre l'expertise privée et l'expertise judiciaire peut justifier une clarification de l'expertise judiciaire ou un complément d'expertise (art. 189 let. b CPP ; ACPR/468/2014 du 16 octobre 2014 ; F. PEDRAZZI, L'expertise privée au regard du CPP, in Jusletter du 25 août 2014, p. 6 et 8 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire, n. 18 ss ad art. 182).

3.3.4 L'appelant requiert l'audition de l'intimée B______ et du journaliste III______ dans le cadre de sa contestation de la validité de la constitution de partie plaignante, étant rappelé que ni l'une ni l'autre ne sont témoins des faits reprochés. La question ayant déjà été tranchée par la CPAR (supra consid. 2), ces réquisitions de preuve ne sont pas utiles pour le traitement de l'appel.

3.3.5. Comme retenu dans l'ordonnance présidentielle du 18 décembre 2014, un transport au Guatemala pour visiter l'établissement pénitentiaire de Pavón doit, à l'évidence, être exclu. Outre les risques qu'on ne peut exclure pour la sécurité des juges, greffiers et avocats, la difficulté logistique et l'important allongement de la durée de la procédure qui en résulteraient, alors que l'appelant est détenu, la démarche ne présenterait pas d'utilité pour l'issue de la cause, le dossier étant suffisamment documenté s'agissant de la configuration des lieux à l'époque des faits, laquelle n'est d'ailleurs pas la même aujourd'hui.

Le transport sur place en vue d'une confrontation avec des détenus ne s'impose pas davantage, la voie adéquate pour procéder à l'interrogatoire de témoins à l'étranger étant celle de la commission rogatoire, question qui sera examinée ci-après.

3.3.6.1.1. Les détenus ou ex-détenu S______, L______, V______, PPPP______, U______, T______ et O______ ont été étendus par les autorités guatémaltèques et les procès-verbaux de leur audition versés au dossier de la présente procédure.

Cinq d'entre eux ont ensuite été interrogés sur commission rogatoire décernée au Guatemala par le MP en date du 2 août 2013, les parties ayant préalablement été invitées à communiquer leur liste de questions, ce que l'appelant a décliné, par courriers des 22 et 30 juillet 2013. Il n'a pas davantage, au retour de la commission rogatoire, requis que des questions complémentaires soient posées.

3.3.6.1.2. Contrairement à ce qu'a soutenu l'appelant dans son écriture du 29 septembre 2014, le MP pouvait recourir aux modalités de l'art. 148 CPP nonobstant "la gravité des faits reprochés, la moralité douteuse des témoins et les doutes sérieux et légitimes que l'on peut nourrir sur le système judiciaire guatémaltèque" selon lui. Tout au plus y aura-t-il lieu de tenir compte de ces éléments au moment d'apprécier la crédibilité des dépositions recueillies, à l'aune également des autres éléments de preuve au dossier. L'appelant est en outre forclos à requérir, à titre subsidiaire, de pouvoir poser des questions complémentaires, pour ne pas avoir présenté de demande en ce sens au MP, au retour de la commission rogatoire du 2 août 2013.

3.3.6.1.3. L'appelant ne peut, comme il le prétend, justifier son refus de collaborer à l'instruction diligentée par le MP par sa conviction que le Procureur en charge du dossier était prévenu à son encontre. D'une part, le mécanisme prévu pour faire face à une telle éventualité existe, sous la forme de la procédure de récusation, dont l'appelant a d'ailleurs largement usé. D'autre part, celui-ci ne peut attribuer au Procureur le dessein de ne pas instruire convenablement la cause, faute d'avoir requis les actes d'instruction qu'il estimait utiles et d'avoir essuyé un refus, par hypothèse infondé.

3.3.6.1.4. A ces considérations s'ajoute encore, à titre superfétatoire, que l'appelant n'a pas réitéré la plupart de ses réquisitions de preuve à l'ouverture des débats de première instance.

3.3.6.2. Dans son ordonnance du 18 décembre 2014, la Présidente de la CPAR avait précisé qu'en ce qui concernait les deux témoins qui n'avaient pas été entendus contradictoirement sur commission rogatoire, soit S______ et O______, l'objection de la défense déploierait tous ses effets au moment de trancher du fond, ces dépositions ne pouvant être retenues à charge si elles sont décisives, c'est-à-dire si elles constituent la seule ou principale preuve de culpabilité. Cette affirmation doit cependant être nuancée, en ce sens que la défense doit se laisser opposer le fait qu'elle n'a pas requis que ces deux témoins soient ajoutés au nombre de ceux à entendre par voie de commission rogatoire, lorsqu'elle s'est vue communiquer la liste des personnes que le MP entendait interroger par cette voie, liste qui ne les comprenait pas.

3.3.7.1. La CPAR constate tout d'abord que la plupart des réquisitions tendant à l'audition de divers autres témoins sont, à l'instar des précédentes, tardives pour avoir été présentées pour la première fois, en prévision des débats de première instance – d'ailleurs pour ne pas être réitérées à l'audience devant le TCrim, hormis l'audition d'III______, Oscar BERGER et EEE______ - ou avec la déclaration d'appel (YYY______, ZZZ______, II______ et YYYY______), voire encore ultérieurement (ZZZZZ______, DDDDDD______, EEEEEE______ et DDDDD______). En particulier, rien ne justifie que l'appelant ait renoncé à requérir durant l'instruction préliminaire qu'il fût procédé à tous les actes d'instruction dont il pouvait à ce stade entrevoir la pertinence (cf. supra consid. 3.3.6.1.3.).

3.3.7.2. Ainsi que retenu dans les ordonnances des 18 décembre 2014 et 26 février 2015, il n'est pas certain que le colonel YYYY______, DDDDDD______ ou EEEEEE______ pourraient réellement être entendus, le prénom du premier et les adresses de tous trois demeurant inconnus, étant observé que l'appelant n'a pas entrepris, après avoir reçu les décisions précitées, de fournir davantage d'informations, alors même que son attention avait été attirée sur cette difficulté. On ne saurait envisager d'administrer des preuves requises tardivement et dont le caractère réalisable n'est pas démontré, au risque de retarder l'issue de la procédure, d'autant moins que l'appelant estime déjà qu'il n'est pas satisfait aux impératifs de célérité.

3.3.7.3. Au demeurant, les preuves dont l'administration est requise ne sont pas utiles au traitement de l'appel ou de l'appel joint au sens de l'art. 389 al. 3 CPP :

-          l'appelant ne conteste pas les dépositions des témoins HH______, II______ et EEE______, de sorte que la Cour pourra se référer aux procès-verbaux d'audition qui figurent au dossier ;

-          l'audition requise des témoins VaV______, UUUUU______ et ZZZZZ______ devrait porter sur le degré d'implication de l'appelant dans l'exécution des opérations des plans officiels Pavo Real et Gavilán alors que les faits à élucider ont trait à l'existence et la mise en œuvre de plans parallèles criminels ;

-          il en va de même s'agissant de déterminer si l'appelant a délégué la direction des opérations à ses subordonnés YYY______ et ZZZ______ le 25 septembre 2006 ;

-          en ce qui concerne la demande d'audition des anciens Président et Vice-président du Guatemala,

o   leur opinion sur la théorie du "dévoiement" de la CICIG, en l'absence de tout allégué de fait précis et concret, et considérant qu'il est peu vraisemblable que des hauts responsables politiques voient d'un bon œil des enquêtes au sujet d'exactions commises sous couvert des institutions durant l'exercice de leur mandat, n'est pas davantage de nature à renseigner utilement la juridiction d'appel ;

o   les motifs à l'origine de l'opération Pavo Real, tout comme le fait que celle-ci a été fortement médiatisée, sont déjà établis par le dossier de sorte que le témoignage de l'ancien président ne serait pas déterminant sous cet angle non plus ;

o   le témoin EE______ n'a pas déclaré avoir vu le Président à une réunion le 24 septembre 2006 mais sa sécurité, de sorte qu'il n'est pas utile de demander au second où il se trouvait ce jour-là. On peut d'ailleurs d'ores et déjà relever que l'appelant a pour sa part évoqué la présence du Vice-président, voire du secrétaire privé du Président, ce qui pourrait expliquer sur ce point de détail la déclaration litigeuse ;

-          ce qui a été retenu supra concernant la requête d'audition de B______ et d'III______ vaut aussi pour IIIIII______ s'agissant de la question de la validité de la constitution de la première en qualité de partie plaignante. L'audition de ce collaborateur de l'association TRIAL n'est pas utile pour apprécier la valeur probante des dépositions successives de H______, notamment eu égard aux contradictions qui les entacheraient. L'appelant n'explique au demeurant pas en quoi il serait nécessaire de vérifier quelles étaient les indications données à H______ avant son audition filmée. Comme observé par le TCrim, aucun indice ne permet de soupçonner que ce film aurait été manipulé. En particulier H______ n'a pas formulé de commentaire en ce sens après avoir pu le visionner. Enfin, la juridiction d'appel n'est pas l'autorité compétente pour connaître du soupçon d'une trop grande proximité entre le Procureur exerçant l'action publique dans cette affaire et ladite association ;

-          il n'y aurait pas non plus lieu de procéder à l'audition, à supposer que cela fût possible concrètement, d'EEEEEE______ :

o   en effet, la CPAR n'est pas saisie de la procédure pénale consécutive à la plainte de l'appelant à l'encontre de H______, de sorte qu'il n'est pas utile de déterminer si ce dernier exerçait, au sein de la prison de Pavón, la fonction de "collecteur de taxes pour le compte du Comité d'ordre et de discipline (soit en réalité [se livrait à] l'extorsion des détenus au profit dudit comité)" et non de simple artisan, comme EEEEEE______ est censé en témoigner. La crédibilité de la déposition de H______ doit être examinée à l'aune des éléments du dossier concernant les faits reprochés à l'appelant, y compris les contradictions dont celui-ci indique qu'elle est par ailleurs affectée. Le fait que le témoin ait pu taire avoir eu une activité illicite au cours de sa détention n'est pas relevant à cet égard ;

o   la mesure est également requise au motif qu'EEEEEE______ "s'est ému de la condamnation scandaleuse prononcée à l'encontre d'A______ [et] s'est renseigné auprès d'anciens codétenus qui se trouvaient, au moment des faits, en compagnie de H______. Ceux-ci lui ont dit confirmer que H______ mentait éhontément dans ses accusations contre A______, mais que jamais ils ne viendraient déposer en faveur d'un chef de police". L'audition de ce témoin n'est donc pas censée porter sur des faits que l'intéressé aurait personnellement constatés mais sur des déclarations qu'il aurait recueillies proprio motu et n'apparaît pas utile à la manifestation de la vérité ;

-          le dossier contient déjà de nombreux éléments au sujet des allées et venues de l'appelant à Pavón de sorte qu'il ne serait pas nécessaire d'interroger le colonel YYYY______ ou DDDDDD______, à supposer que cela fût possible, et opportun au vu de la tardiveté des réquisitions ;

-          l'audition de DDDDD______ n'est pas non plus nécessaire, la CPAR pouvant se référer au rapport se trouvant au dossier et dont la défense a requis, très tardivement, et, néanmoins, obtenu la traduction ;

-          l'audition de JJJJJJ______ ou de BBBBBB______ et HHHHHH______ n'est pas non plus nécessaire, pour les motifs retenus dans l'OARP/300/2014, soit que

o   le procès-verbal d'audition par le Tribunal de Ried im Innkreis de l'expert autrichien HARTWIG MENNE a été versé au dossier. Le TCrim n'a pas ignoré cet élément, rappelant ses conclusions (jugement, consid. 18.4.1), qu'il a confrontées à celles de la BPTS (consid. 18.4.2), et jugeant qu'il ne pouvait être ni exclu, ni affirmé que certains détenus aient, dans un premier temps, opposé une résistance armée à l'opération Pavón (consid. 18.7.) ; sans préjuger de la conclusion à laquelle elle parviendra, la CPAR appréciera à son tour ces éléments de preuve ;

o   les expertises privées de BBBBBB______ et de HHHHHH______ figurent à la procédure ; elles pourront être librement discutées et appréciées, sans préjudice de ce que la CPAR est à cet égard aussi nantie des conclusions de la BPTS mise en œuvre par le TCrim.

3.3.8.1 Quant à l'examen de certaines photographies du cadavre attribué à TTT______ par la BPTS afin de "garantir" qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune retouche, la CPAR renverra tout d'abord mutatis mutandis aux motifs de l'OARP/87/2015 sur ce point :

- cette réquisition est, comme d'autres, tardive. Le fait que le MP ou le TCrim, sans doute parce qu'ils n'avaient pas relevé matière à procéder de la sorte, n'aient pas ordonné d'office une expertise de ces images ne dispensait pas l'appelant d'en requérir une pour sa part ;

- la BPTS a eu l'occasion d'examiner ces pièces, et d'autres, dans le cadre des deux expertises qui lui ont été confiées par le TCrim et n'aurait pas manqué de signaler le moindre élément justifiant des soupçons d'éventuelles manipulations, si elle en avait éprouvé au cours de son travail, étant rappelé que sa mission était aussi de "f. faire toute remarque utile à la manifestation de la vérité" ;

- le cadavre apparaissant sur l'image extraite de la vidéo se retrouve sur les photographies P1050236 et DSC05817 à 819 et a été identifié comme étant celui de TTT______ par plusieurs témoins, tout comme le même homme, encore vivant, portant d'autres vêtements, mais toujours une imposante montre en métal jaune, a été reconnu sur les photographies P1050188, 189 et 190 (correspondant aux minutes 10'07'' ss de la vidéo), ainsi que 192 ;

- les développements consacrés par l'appelant dans son écriture du 13 janvier 2015 à la chronologie de certains clichés extraits d'un autre dossier Necropsia, soit le 3131-2006, ne sont pas compréhensibles, ce qui avait été souligné dans l'ordonnance du 26 février 2015 mais l'intéressé n'a pas tenté de préciser son propos à l'audience. Au demeurant, la BPTS, qui a établi ladite chronologie, n'y a pas trouvé matière à faire de remarque.

3.3.8.2. Prenant acte des objections formulées dans l'ordonnance précitée au sujet du fait qu'il n'était pas établi que le médecin dentiste de la place, dont il avait produit l'avis, put se prévaloir de quelconque compétence forensique, l'appelant a déposé à l'audience d'appel, un rapport de l'Institut ______ daté du 5 mai 2014, soit une année plus tôt, sans expliquer pourquoi il n'avait pas jugé utile de le produire lors des débats de première instance - aux fins desquels ce document avait selon toute vraisemblance été commandité -, voire plus tôt au cours de la procédure d'appel, ce qui aurait au moins permis de le faire traduire.

C'est dire que l'appelant ne saurait appuyer sa réquisition de preuve sur ce document sans contrevenir au principe de la bonne foi, concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP, qui est opposable non seulement aux autorités pénales mais aussi aux parties, y compris le prévenu, et dont on déduit en particulier l'interdiction des comportements contradictoires (ATF 131 I 185 consid. 3.2.4 p. 192 et arrêts du Tribunal fédéral 6B_21/2011 du 13 septembre 2011 consid. 4.1.3 et 6B_1122/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.3 outre la jurisprudence et la doctrine déjà cité supra, consid. 3.3.1 ; cf. aussi art. 5 al. 3 Cst).

La défense n'a pas non plus expliqué, lors de ses interventions orales au cours des débats, que ce soit sur questions préjudicielles ou sur le fond, quelle démonstration elle pensait pouvoir tirer de ce rapport, au contenu duquel elle n'a pas consacré un mot, et les explications, curieusement fournies par courrier (dossier d'appel, pièce 124bis), ne répondent pas aux considérations qui précèdent au sujet de l'identification de TTT______ vivant, puis mort, lesquelles restent valables.

3.3.9. Pour tous ces motifs, les réquisitions de preuve formulées aux débats d'appel ont été rejetées.

 

4. APPEL PRINCIPAL (OPERATION PAVO REAL)

4.1. Compétence

4.1.1. Selon l'art. 7 al. 1 CP, le Code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit à l'étranger, sans que soient réalisées les conditions prévues aux art. 4 (crimes ou délits commis à l’étranger contre l’Etat), 5 (infractions commises à l’étranger sur des mineurs) ou 6 (crimes ou délits commis à l'étranger, poursuivis en vertu d'un accord international), si l'acte est aussi réprimé dans l'Etat où il a été commis ou le lieu de commission ne relève d'aucune juridiction pénale (let. a), si l'auteur se trouve en Suisse ou est remis à la Suisse en raison de cet acte et (let. b) si, selon le droit suisse, l'acte peut donner lieu à l'extradition mais que son auteur n'est pas extradé (let. c).

4.1.2. Lorsqu'une infraction commise à l'étranger est poursuivie en Suisse, le for intercantonal est celui du domicile ou de la résidence habituelle du prévenu (art. 32 al. 1 CP).

4.1.3. A juste titre, l'appelant, domicilié à Genève depuis 2007, ne conteste pas la compétence des autorités suisses et genevoises pour connaître des faits survenus au Guatemala décrits dans l'acte d'accusation, lesquels sont réprimés dans cet Etat (art. 123, 126 ou 132bis CPG) et lui-même ne pouvant être extradé vers ce pays, vu sa nationalité helvétique.

4.2. Normes et principes plus particulièrement pertinents

4.2.1. À teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).

La maxime in dubio pro reo, que la jurisprudence rattache à la garantie constitutionnelle de la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst.), signifie notamment que le juge pénal ne doit pas tenir pour établi un fait défavorable à l'accusé s'il existe des doutes objectifs quant à l'existence de ce fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence à l'encontre d'une sanction pénale, le condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 ; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40). L'appréciation des preuves est, en particulier, arbitraire lorsque le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ou si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables ; il ne suffit donc pas qu'une interprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisse également concevable (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.). Par ailleurs, il faut que la décision attaquée soit insoutenable non seulement dans ses motifs mais également dans son résultat (à propos de la notion d'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst. : ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61, 131 I 217 consid. 2.1 p. 219 ; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités).

4.2.2. Le juge du fait dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31). Lorsqu'il est confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. En pareil cas, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et il n'y a pas arbitraire si l'état de fait retenu peut être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs sont fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

Les déclarations successives d'un même témoin ne doivent pas nécessairement être écartées du seul fait qu'elles sont contradictoires. Il appartient au juge de retenir, sans arbitraire, la version qui lui paraît la plus convaincante et de motiver les raisons de son choix (arrêt du Tribunal fédéral 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 consid. 4.2.3). Dans le cadre du principe de la libre appréciation des preuves, il peut ne retenir qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3, spéc. p. 39 ; arrêt du Tribunal fédéral non publié 6B_2010 du 4 avril 2011 consid. 2.2.1).

4.2.3. Le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits (art. 8 al. 1 Cst ; art. 4 al. 1 du Protocole n° 7 à la CEDH [RS 0.101.07] et art. 14 al. 7 du Pacte ONU II ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2012 du 6 septembre 2012 consid. 3.1). L'autorité de la chose jugée ne s'attache normalement qu'au dispositif de la décision définitive rendue (ATF 120 IV 10 consid. 2 p. 12 ss). L'exception de chose jugée ne peut être efficacement invoquée que s'il y a identité d'objet de la procédure, de personne visée et de faits retenus (ATF 120 IV 10 consid. 2 p. 12 ss ; G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., Genève 2011, no 585). Le principe de l'autorité de chose jugée ne fait ainsi pas obstacle à ce qu'une autre personne que celle qui a été jugée, par exemple une personne ayant agi en qualité de coauteur, soit poursuivie pour les mêmes faits que ceux à la base de la condamnation ou d'un acquittement d'ores et déjà prononcés (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, op. cit, n. 587).

Le principe ne bis in idem est consacré au plan interne, mais pas systématiquement dans les rapports transnationaux (M. DUPUIS / B. GELLER / G. MONNIER / L. MOREILLON / C. PIGUET / C. BETTEX / D. STOLL (éds), Code pénal - Petit commentaire, Bâle 2012, no 7a ad rem. prél. aux art. 3 à 8 CP). Entre la Suisse et l'Autriche, la Convention d'application de l'accord de Schengen s'applique (CAAS directement applicable selon l'annexe A de l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse, l’Union européenne et la Communauté européenne sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen [RS 0.362.31, ci-après : Accord d'association à Schengen], sur renvoi de l'art. 2 ch. 1 Accord d'association à Schengen). A teneur de l'art. 54 CAAS : "une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation". Soit le jugement étranger a un effet extinctif, soit il est pris en compte selon le principe de l'imputation (art. 55 par. 1 et 2 et 56 CAAS, vu la réserve faite par la Suisse).

Que ce soit sur le plan interne ou international, la décision (étrangère) ne déploie ses effets que pour la personne qui a été condamnée ou acquittée, et non vis-à-vis de tiers, comme des co-prévenus par exemple.

4.2.4. L’art. 111 CP réprime le comportement de celui qui aura intentionnellement tué une personne.

4.2.5. L'assassinat (art. 112 CP) est une forme qualifiée d'homicide intentionnel, qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le fait que l'auteur a tué avec une absence particulière de scrupules. Cette dernière suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte.

Pour caractériser l'absence particulière de scrupules, l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux, mais cet énoncé n'est pas exhaustif. L'auteur est animé par des mobiles particulièrement odieux lorsqu'il tue, par exemple, pour obtenir une rémunération ou pour voler sa victime (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14 ; 118 IV 122 consid. 2b p. 125 ; 115 IV 187 consid. 2 p. 188). Son but est particulièrement odieux notamment lorsqu'il agit pour éliminer un témoin gênant ou une personne qui l'entrave dans la commission d'une infraction. Enfin, sa façon d'agir est particulièrement odieuse s'il fait preuve de cruauté, en prenant plaisir à faire souffrir ou à tuer sa victime, si son mode d'exécution est atroce ou barbare, notamment lorsque la victime doit endurer des souffrances morales ou physiques particulières (de par leur intensité ou leur durée) et que l'auteur du crime a voulu ou tout au moins accepté d'infliger ces souffrances (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 126) ou s'il agit avec perfidie, en inspirant frauduleusement confiance à la victime pour la tuer ensuite sans qu'elle se méfie (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125 s. et les références citées ; 115 IV 8 consid. Ib p. 14 ; 101 IV 279 consid. 2 p. 282). Il ne s'agit toutefois là que d'exemples destinés à illustrer la notion, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'une de ces hypothèses soit réalisée (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125 s. et les références citées). On ne saurait cependant conclure à l'existence d'un assassinat dès que l'on distingue dans un cas d'espèce l'un ou l'autre élément qui lui confère une gravité particulière. Il faut au contraire procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes et internes de l'acte (mode d'exécution, mobile, but, etc.). Les antécédents ou le comportement que l'auteur adopte immédiatement après les faits n'entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils y sont étroitement liés, et permettent de caractériser la personnalité de l'auteur (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_596/2014 du 23 décembre 2014 consid. 1.2 et 6B_1066/2013 du 27 février 2014 consid. 4.1).

Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang-froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux, avec une absence quasi totale de tendances sociales, et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, est prêt à sacrifier un être humain dont il n'a pas eu à souffrir (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14 ; 118 IV 122 consid. 2b p. 126 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 précité). Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur ou son caractère odieux se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 13 ; 120 IV 265 consid. 3a p. 274 ; 118 IV 122 consid. 2b p.125 s. ; 117 IV 369 consid. 17 p. 389 ss et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_596/2014 et 6B_1066/2013 précités).

Il n'y a pas d'absence particulière de scrupules, sous réserve de la façon d'agir, lorsque le motif de l'acte est compréhensible et n'est pas d'un égoïsme absolu, notamment lorsqu'il résulte d'une grave situation conflictuelle (ATF 120 IV 265 consid. 3a p. 274 ; 118 IV 122 consid. 3d p. 129 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 précité). Une réaction de souffrance fondée sérieusement sur des motifs objectifs imputables à la victime exclut en général la qualification d'assassinat (ATF 118 IV 122 consid. 3d p. 129 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_596/2014 et 6B_1066/2013 précités). Il faut en revanche retenir l'assassinat lorsqu'il ressort des circonstances de l'acte que son auteur fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui (ATF 120 IV 265 consid. 3a p. 274 ; 118 IV 122 consid. 2b p. 126 ; cf. également ATF 117 IV 369 consid. 19b p. 394 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 précité).

4.2.6. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité ; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Il est déterminant que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66 ; 125 IV 134 consid. 3a p. 136 ; 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155 ; SJ 2008 I 373 consid. 7.3.4.5 p. 382-383). La jurisprudence exige même que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23 ; 120 IV 136 consid. 2b p. 141 ; 120 IV 265 consid. 2c/aa p. 271 s. ; 118 IV 397 consid. 2b p. 399).

Ce concept de coactivité emporte qu'une personne peut être considérée comme auteur d'une infraction, même si elle n'en est pas l'auteur direct, c'est-à-dire si elle n'a pas accompli elle-même tous les actes décrits dans la disposition pénale (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23 s.).

4.3. Identité des victimes ou supposées telles

Au stade de l'appel, le prévenu ne paraît plus remettre en question l'identité des sept morts de Pavón, étant précisé que la CPAR comprend que l'appelant n'est pas convaincu que le cadavre photographié à la morgue sur les clichés DSC00055 à 58 soit le même que celui gisant dans la "galera" attenante à la maison de NNN______ (photographie P1050236 et images similaires) mais que cela n'emporte pas encore contestation de ce que TTT______ est mort le 25 septembre 2006 à Pavón.

Quoi qu'il en soit, et à toute bonne fin, la CPAR fait sien le considérant 10.1 du jugement querellé réglant la question de l'identité des victimes, ainsi que la remarque de la partie plaignante selon laquelle certaines des pièces produites par la défense avec son courrier du 27 avril 2015 (dossier d'appel, 114) établissent que les corps ont subi des vérifications dactyloscopiques. D'une façon générale, le dossier relatif aux diverses formalités accomplies suite aux décès est très complet s'agissant de l'identité des victimes (200'673 ss). Au demeurant il serait absurde d'envisager que les autorités, auxquelles l'appelant appartenait encore, auraient entrepris à l'époque d'attribuer des fausses identités aux hommes retrouvés morts après l'assaut, ne serait-ce que parce que l'on ne parvient pas à identifier le moindre motif de procéder de la sorte. Constatation à laquelle on peut encore ajouter que, près de neuf ans plus tard, aucun des détenus mentionnés dans l'acte d'accusation n'a donné signe de vie.

L'identité des sept défunts de Pavón est ainsi établie.

4.4. Morts consécutives à un affrontement avec les forces de l'ordre ?

La procédure recèle une multitude d'éléments établissant que les sept morts de Pavón n'ont pas perdu la vie au cours d'un affrontement armé suite à l'assaut donné par les forces de l'ordre.

4.4.1. Aussi bien F______ que G______ dont les compétences, à tout le moins de la première, sont incontestables eu égard à son parcours et ne sont d'ailleurs pas sérieusement discutées par l'appelant, ont, en substance, constaté que les victimes avaient toutes essuyé des tirs de face et présentaient des lésions qui se concentraient sur une surface relativement réduite, circonscrite au haut du corps, là où sont logés les organes vitaux, ce qui ne correspond pas à un schéma usuel en cas d'affrontement armé lors duquel les protagonistes des deux camps sont en mouvement. Plusieurs cadavres avaient des lésions pouvant correspondre à des blessures de défense (SSSSS______, NNN______, SSS______, TTT______) et/ou des marques aux poignets de nature à indiquer qu'ils avaient été entravés peu avant leur mort (SSS______, RRR______). SSS______ a été tué à bout portant ; il était alors torse nu tandis que son cadavre, tel que retrouvé prétendument après l'affrontement, portait un t-shirt jaune. QQQ______, RRR______, PPP______ paraissent avoir tous trois reçu un "coup de grâce". Deux cadavres (OOO______ et TTT______) présentaient des excoriations suggérant que leurs corps avaient été trainés, ce qui coïncide avec les déclarations du témoin GG______ concernant TTT______, alors que CC______ a évoqué le déplacement du corps de SSS______. G______ a en outre relevé que QQQ______ et TTT______ avaient probablement été victimes de coups de feu provenant d'un seul tireur qui ne se déplaçait pas, et que trois détenus avait subi un choc hypovolémique, ce qui conforte le récit de I______ selon lequel il avait vu deux personnes agoniser.

Il sied ici de souligner que si, comme cela est usuel, les conclusions de ces deux médecins légistes ne sont pas totalement affirmatives sur certains points, elles n'en sont pas moins rendues très hautement vraisemblables, d'une part par le fait qu'elles sont très proches, alors-même que leurs missions étaient différentes et qu'ils ne se sont pas concertés durant leur travail, d'autre part par la répétition des caractéristiques relevées sur plusieurs cadavres, ce qui tend à exclure tout doute. La présence, sur plusieurs corps de personnes mortes dans les mêmes circonstances, de lésions de type défensif ou de type "coup de grâce", de blessures aux poignets suggérant une entrave ou encore une concentration, particulièrement élevée et atypique pour un affrontement, d'impacts "antéro-postérieurs" sur le haut du corps sont autant d'éléments objectifs et concordants permettant d'écarter la thèse de l'affrontement.

4.4.2. L'appelant reproche au TCrim de s'être fondé sur le rapport et les déclarations de F______ nonobstant le fait que celle-ci n'a pas pu être interrogée sur la base des images sur lesquelles elle avait travaillé. Cependant, aucun élément du dossier ne permet de penser que l'intéressée aurait disposé d'un autre matériel que celui versé à la procédure. D'ailleurs, lors de ses auditions, de nombreuses photographies tirées de la procédure lui ont été soumises qui n'ont pas appelé de réaction de sa part laissant penser qu'elle était surprise à la vue de ce matériel. En outre, les conclusions de ce médecin légiste convergent avec celles de G______ et sont parfaitement cohérentes avec les autres éléments du dossier.

4.4.3.1. La théorie du décès au cours de l'affrontement lors des tous premiers instants de l'investissement de la prison est totalement incompatible avec le fait que TTT______ apparaît sur plusieurs photographies ainsi que sur la vidéo "Assaut Est" produite par la défense elle-même, intercepté et maîtrisé par le commando d'hommes cagoulés, vêtu de toute autre façon (hormis les bottes et la montre en métal jaune) que son cadavre, peu après. De même, PPP______ est visible dans une file de prisonniers maîtrisés, sur l'image P1050233. On peut mentionner aussi que l'épouse de SSS______ a pensé, sans en être certaine, reconnaître son mari, vivant, les mains entravées, sur des images présentées par le bureau du PDH, ce dernier indice ayant cependant une portée moindre vu l'hésitation évoquée.

4.4.3.2. A l'instar du TCrim, la CPAR constate que le soupçon que l'appelant dit éprouver sur des manipulations des photographies P1050192 (TTT______ presque nu) et P1050233 (PPP______ dans une file) ne repose sur aucun fondement sérieux. La BPTS a eu l'occasion de travailler sur ces photographies, afin d'établir la chronologie, déterminant que la première avait été prise à 07:04:21 et la seconde à 08:43:43, et n'a rien trouvé à y redire. Les expertises privées de BBBBBB______ et HHHHHH______ sont contredites par celle produite par la partie plaignante. En tout état, la question est sans portée s'agissant de TTT______, dans la mesure où d'autres photographies montrant sa capture dans la rue des ateliers se retrouvent dans la vidéo "Assaut Est" produite par l'appelant.

4.4.4. Outre les images établissant que les deux détenus précités ont été capturés vivants, de nombreuses dépositions en ce sens ont été recueillies pour toutes les victimes, sauf PPP______ :

- de nombreux détenus (J______, H______, L______, M______, N______, O______, S______, U______, V______, W______) ont dit avoir vu OOO______ mis à l'écart à proximité de l'église, étant observé que plusieurs d'entre eux évoquent une sorte de trésor que la victime aurait porté sur elle et dont on comprend qu'il pourrait être à l'origine de son élimination ;

- de très nombreux témoins, et pas seulement des détenus (J______, H______, L______, PPPP______, S______, W______, M______, Q______, U______, V______, T______, X______, MM______, II______, I______, CC______, Z______) ont relaté que NNN______ était parvenu à se faire transférer à Pavoncito mais en avait été extrait pour être ramené à Pavón sous prétexte d'un entretien avec son avocate, plusieurs dépositions convergeant sur d'autres détails, soit ceux du pick up avec lequel cette victime avait été ramenée ou du vêtement confié à un codétenu ;

- QQQ______ a été vu vivant par les témoins H______, L______, T______ et U______ ;

- les détenus R______, T______, U______ et V______ ont dit avoir vu RRR______ vivant, les deux derniers affirmant avoir assisté à sa mise à l'écart ;

- SSS______ a été observé par divers détenus, assis, entravé, au niveau des ateliers (J______, H______, L______, V______, O______, S______, lequel a précisé que OOO______ était avec lui) ; un autre témoin (N______) a indiqué avoir assisté à sa séparation d'avec les autres détenus, semble-t-il sur le terrain multisports, soulignant qu'il portait alors une veste rouge ;

- TTT______ a été identifié sur les photographies vivant, lors sa capture, puis mort, par des détenus (J______, H______, K______, L______, M______, N______, O______, PPPP______, Q______, T______, U______, V______, W______), le juge de paix MM______, ainsi que l'agent VVV______. Quatre détenus ont en outre relaté avoir assisté à sa capture (Q______, W______, X______, T______, les trois premiers se reconnaissant sur des images les présentant également) ;

La CPAR reviendra ci-après (infra consid. 4.6.2.) sur les éléments qui l'amènent à considérer que les dépositions des détenus sont globalement crédibles, mais précise d'ores et déjà qu'en ce qui concerne le fait que six des sept victimes (PPP______ étant ici exclu parce que seul H______ l'a évoqué, et pas de façon constante) ont été vues vivantes et maîtrisées, ce qui exclut la thèse de l'affrontement, tient à la multiplicité de ces dépositions, à leur convergence sur les détails (lieu où les victimes ont été vues, circonstances de leur capture), à leur cohérence par rapport à d'autres éléments du dossier, notamment les constatations des légistes et supports vidéo/photographiques sus-évoqués, et au fait qu'elles sont, pour certaines, confirmées par les déclarations d'agents ou d'un juge de paix.

4.4.5.1. A l'inverse, l'existence même d'un échange de coups de feu entre forces de l'ordre et prisonniers ne trouve pas d'assise suffisante dans le dossier et ne sera pas retenue par la CPAR. Cette thèse est exclue par le témoignage de nombreux prisonniers qui ont affirmé qu'il n'y a pas eu de résistance, ainsi que par les dépositions de Z______, CC______, AA______, outre les constatations du juge de paix MM______ et de l'agent VVV______ sur l'absence de traces de confrontation. Elle est contraire au bon sens, dès lors qu'on voit mal comment et pourquoi une poignée de détenus, guère armés, auraient conçu de résister à l'assaut donné par quelque 2'000 hommes, pour leur part équipés, y compris de blindés. Elle s'accommode mal du fait qu'aucun agent ou supposé tel n'a été ne serait-ce que légèrement blessé, alors que ceux-ci étaient très exposés, devant atteindre le sommet de la butte où se trouvait la propriété de NNN______ et d'où les tirs provenaient prétendument.

4.4.5.2. Quoi qu'il en soit, à supposer même que des coups de feu aient été échangés, cette hypothèse ne pouvant être totalement exclue selon JJJJJJ______ et la BPTS, il reste en tout cas que ce n'est pas dans ce contexte que les sept victimes ont trouvé la mort, pour les motifs qui viennent d'être développés, auxquels s'ajoute l'absence dans le dossier de tout détail (identité des agents présents et de ceux ayant tiré sur les victimes, circonstances précises dans lesquelles ils ont été amenés à le faire, description et saisie de leurs armes aux fins d'examen balistique) et de toute démarche en vue d'élucider ces prétendus faits. A cet égard, l'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il se retranche derrière l'affirmation selon laquelle il aurait appartenu au Ministère public d'enquêter. D'une part, on ne voit pas pourquoi cette institution ne l'aurait pas fait si la version de l'affrontement armé avait la moindre substance ; d'autre part, les agents concernés et leurs supérieurs n'en auraient pas moins dû établir des rapports, comme cela a d'ailleurs été fait dans le volet Gavilán, sans compter qu'une enquête interne à la police aurait dû avoir lieu. La version d'un combat mortel dans la propriété de NNN______ est également contredite par l'absence de traces sur la porte qui aurait dû être forcée afin que les assaillants se retrouvent face aux supposés insurgés SSS______, SSSSS______ et, à l'étage, NNN______, par le désordre régnant dans la maison, notamment sous les corps, ce qui tend à indiquer que les lieux avaient été fouillés avant que ces détenus ne s'écroulent, et par les manipulations opérées pour maquiller la scène, tels les bris de verre au centre de chaque carreau, peu compatible avec des tirs échangés au cours d'un combat (infra consid. 4.5.5.).

4.4.6. Il est ainsi acquis que les sept détenus de Pavón ne sont pas tombés lors d'un affrontement, ce qui doit conduire à examiner le bien-fondé de l'autre thèse avancée dans cette affaire, soit celle de l'exécution sommaire.

4.5. Exécution sommaire ?

4.5.1.1. Comme cela résulte des pièces de la procédure, il était originellement prévu que l'opération Pavo Real devait relever du commandement de la Direction générale du Système pénitentiaire - ce qui contredit les affirmations, en soi déjà peu crédibles s'agissant d'une opération de cette envergure, selon lesquelles il n'y avait pas vraiment de chef, chacun sachant ce qu'il avait à faire -, la PNC, dont les agents ne devaient, sauf exception, pas être armés, étant censée fournir un appui.

La procédure établit également que ce plan a subi une modification majeure, la direction des opérations étant confiée à la PNC, alors que les gardes du Système pénitentiaire étaient écartés. Selon les propres indications de l'appelant, ce sont des subordonnés qui ont assumé la direction officielle des opérations, nonobstant sa présence sur les lieux, soit le chef du district central et le chef du commissariat no 13. Plus étonnant encore, FF______, chef de poste, s'est vu subitement contraint de signer un document attestant de ce qu'il avait reçu le bureau de commandement de la prison, ainsi que cela résulte dudit document (201'091) et de sa déposition. D'autres déclarations confirment d'ailleurs le changement de plan annoncé peu avant le début des opérations, soit celles de CCC______, I______ ainsi que de JJ______ et II______.

4.5.1.2. Deux autres modifications au moins semblent être intervenues, soit qu'une ouverture initialement non prévue a été pratiquée, au point C, et que l'heure du début de l'intervention a été avancée. Ces éléments ne sont pas anodins dans la mesure où le déplacement du passage des prisonniers au point C laissait le champ libre au commando, au point B, opportunément situé aux pieds de la maison de NNN______ ; de même le fait d'avancer l'heure pouvait donner audit commando l'avantage de la semi pénombre de l'aube.

4.5.2. Selon les déclarations de I______, assesseur auprès du Système pénitentiaire, il lui avait été demandé, en prévision de l'opération, de déployer une activité de renseignement et d'établir une liste des membres les plus importants du COD, sous prétexte de les isoler du reste de la population carcérale et de les transférer dans une autre prison. Au vu du déroulement des évènements, il avait compris qu'il s'agissait en vérité d'une liste de détenus à abattre. Cette affirmation trouve confirmation dans divers éléments du dossier.

4.5.2.1. Il y a tout d'abord les très nombreux témoignages de détenus, dont certains recueillis très rapidement après les faits (U______ et KKKK______ s'adressant au juge de paix), évoquant l'existence d'une liste voire de photographies sur la base de laquelle ou desquelles des détenus étaient séparés des autres ; il sera ici renvoyé aux dépositions des témoins K______, L______, M______, N______, KKKK______, PPPP______, T______, U______ et V______ résumées précédemment.

Les dires des détenus sont corroborés par ceux de l'agent CC______ et du capitaine-adjoint LL______.

FFF______ lui-même a fini par admettre l'existence d'une liste de 15 ou 16 membres du COD, tout en précisant qu'il s'agissait de leur attribuer des cellules individuelles pour mieux les isoler.

4.5.2.2. Indépendamment du support matériel, les témoignages concordent également sur le fait que certains détenus en particulier étaient recherchés pour être mis à l'écart.

Les dépositions en ce sens sont pléthoriques s'agissant de NNN______ et de sa tentative de se réfugier à Pavoncito.

Les détenus T______, W______ et X______ ont entendu les hommes qui se sont emparés de TTT______ lui dire qu'ils le cherchaient tandis que P______ a affirmé que l'appelant avait été avisé par voie de radio de cette capture. EE______ a rapporté l'observation faite à CCC______ selon laquelle TTT______ avait failli leur "filer entre les doigts".

Les prisonniers V______ et X______ disent s'être tous deux vus demander s'ils étaient membres du COD, le premier ayant été mis à l'écart avant de pouvoir réintégrer le reste de la population carcérale. R______ a parlé de tri et de nombreux témoignages évoquent une organisation permettant de filtrer les prisonniers sous prétexte de les enregistrer en vue de leur transfert à Pavoncito.

A ces témoignages s'ajoutent les images, soit la scène visible sur le film "Assaut Est" et sur certaines photographies, où TTT______ est reconnu par deux hommes masqués dont l'un au moins des frères JJJ______, désigné du doigt et filmé, ainsi que la photographie P1050233 montrant PPP______ dans une file de prisonniers défilant au milieu des hommes du commando et apparemment pointé du doigt par l'un d'eux. Il y a encore l'élément matériel du vêtement de NNN______ confié à un codétenu.

4.5.2.3. Or, toutes les victimes ont subi cette mise à l'écart, ce qui indique qu'elles figuraient au nombre des personnes recherchées, ou alors, comme cela a pu être évoqué au sujet de PPP______, QQQ______ et SSS______, qu'elles ont été confondues avec des cibles, étant rappelé que des confusions du même ordre ont aussi été mentionnées par le détenu J______ qui a dit avoir été pris pour TTT______, et K______ pour RRR______.

4.5.2.4. L'existence d'un plan parallèle, visant des cibles en particulier, parmi lesquelles les détenus dont il a ensuite été soutenu à tort qu'ils avaient trouvé la mort dans un conflit armé, est ainsi établie.

4.5.3.1 La défense a paru vouloir contester en appel – apparemment pour la première fois – que le droit guatémaltèque exigeât la présence du bureau du PDH en cas d'instauration de l'état d'exception. Cette position surprend, dans la mesure où la résolution du PDH elle-même mentionne que le fait d'empêcher ses émissaires d'accéder aux installations carcérales contrevenait à la loi et à la Constitution. Le plan originel évoque d'ailleurs expressément le bureau du PDH au chapitre des institutions concernées par l'opération.

Au demeurant, ce qui est véritablement pertinent est que le bureau du PDH, organisme indépendant censé veiller au respect des droits fondamentaux a été effectivement empêché d'accéder aux installations du centre de détention de Pavón pendant l'opération alors qu'il tentait de le faire. Un tel constat repose tout d'abord sur la résolution précitée et les dépositions des enquêteurs PP______ et RR______. Cela est surtout confirmé par les déclarations du membre du bureau du PDH NN______ qui a relaté comment il avait été dépêché à Pavón suite à la demande en ce sens provenant de détenus inquiets et comment son collègue et lui, après s'être vus refuser l'accès, avaient vainement tenté de se faufiler ou d'obtenir le soutien de la COPREDEH. Les témoins I______ et CC______ ont également déposé en ce sens, tout comme le détenu M______.

4.5.3.2. Pour sa part, le Ministère public ne semble pas avoir pénétré l'enceinte avant 09:30 voire, au mieux, 08:09 à suivre la thèse de la défense (déclaration d'appel/demande de mise en liberté, p. 9), étant précisé que les deux hommes supposés appartenir à cette institution en raison des gilets qu'ils portent se tiennent à ce moment sur la place de l'église avec l'appelant, de sorte qu'ils ne sont pas sur les lieux de la tuerie. De surcroît, selon le témoignage de K______, l'un de ces hommes serait XXX______, mis en cause pour avoir participé aux exactions, en les couvrant.

4.5.3.3. Selon son rapport du 5 décembre 2006, le Président de la COPREDEH et quatre membres de son équipe étaient bien à Pavón, mais ils n'avaient été autorisés à pénétrer dans l'enceinte qu'après qu'il eut été établi qu'il n'y avait plus de risque lié aux prétendus échanges de tirs entre les forces de police et les détenus.

4.5.3.4. En d'autres termes, durant la première partie de la matinée, alors que les gardes du Système pénitentiaire avaient été confinés, que les agents de la PNC et les soldats s'affairaient au transfert des prisonniers, que les personnalités se tenaient ostensiblement sur la place de l'église, toute autre institution susceptible de faire obstacle à l'exécution du plan B était neutralisée et le commando était libre de ses agissements.

4.5.4.1 De nombreuses dépositions, dont celles de l'appelant et de CCC______, ainsi que les images au dossier établissent la présence d'un commando d'hommes fortement armés, encagoulés, dont certains seulement portaient un uniforme, contrairement aux règles, notamment telles que découlant de l'ordre de service de YYY______, l'appelant ayant lui-même déclaré que tous les agents de la PNC devaient être en uniforme. Ce commando a pénétré l'enceinte de la prison au tout début de l'opération par l'entrée B, et s'est dirigé vers la maison de NNN______ en tirant. Par la suite, ces hommes ont été vus tant dans ladite propriété qu'à d'autres points de la prison, procédant à la sélection, à la mise à l'écart puis à l'exécution de certains détenus.

4.5.4.2. Comme évoqué par de nombreux témoins et d'ailleurs retenu par les juridictions guatémaltèques qui ont admis la culpabilité du second, le commando était notamment composé de KKK______ et GGG______, ce que l'appelant reconnait désormais.

4.5.4.3. La CPAR retiendra que faisaient également partie du groupe les protagonistes suivants :

- les frères JJJ______, dont l'un filmait, selon ce qui a été évoqué comme étant une habitude, et qui apparaît sur les images muni d'une caméra, notamment au moment de la capture de TTT______. L'appartenance des frères JJJ______ au commando résulte des déclarations de plusieurs témoins (K______, M______, R______, Y______, Z______, DD______, EE______, HH______) ainsi que de CCC______. Ils ont été identifiés par plusieurs détenus sur diverses photographies. L'appelant ne conteste d'ailleurs pas leur présence sur les lieux ;

- MMM______, revêtu d'un gilet marqué "Police" en langue anglaise, vu les dépositions en ce sens des agents Y______, Z______, DD______ – considéré par le prévenu comme un témoin à décharge – et EE______. Aucun crédit ne peut être donné à l'explication invraisemblable de CCC______ selon laquelle Y______ et Z______ se seraient mépris, croyant avoir affaire à MMM______ parce que EE______ avait instruit le premier d'assurer la sécurité de celui-là alors qu'en fait ce n'était pas lui. D'ailleurs, aussi bien CCC______ qu'EEE______ avaient tout intérêt à nier la présence de MMM______, s'agissant d'un élément à charge important dans la mesure où cet individu ne pouvait avoir eu aucun rôle officiel, sans préjudice d'un compréhensible dessein de CCC______ de protéger son frère. Il sera encore souligné qu'indépendamment de l'acquittement prononcé pour des motifs de technique juridique, les juges de première instance guatémaltèques ont retenu la présence de MMM______ et son appartenance au commando ;

- VVV______, dont la présence est évoquée non seulement par EE______, mais aussi par CCC______.

4.5.4.4. Enfin, nonobstant le verdict de la Cour d'assises autrichienne, qui ne lie les autorités genevoises que dans la mesure où il leur interdit de poursuivre à nouveau l'intéressé pour son implication, la CPAR a, pour les motifs qui suivent, acquis la certitude que CCC______ faisait partie du commando, qu'il dirigeait, seul, ou aux côtés de KKK______.

4.5.4.4.1. Les documents annexes au plan Pavo Real ne mentionnent pas ce protagoniste parmi les intervenants auxquels un rôle précis est attribué.

L'intéressé a indiqué qu'il devait initialement être présent pour résoudre d'éventuels problèmes relatifs au personnel ou à l'équipement, ce qui ne paraît pas être en lien avec sa fonction à la tête de la Division des investigations criminelles, mais que l'appelant lui avait ensuite demandé de se joindre au groupe à l'entrée Est. CCC______ a ultérieurement nuancé son propos, disant avoir "suivi" le commando ou alors avoir fait partie d'une "2ème équipe d'intervention", qu'aucun autre protagoniste, notamment pas l'appelant, n'a évoquée. Il a encore expliqué que son rôle était de tenir le prévenu informé du déroulement des opérations.

Pour sa part, l'appelant, qui avait commencé par dire d'une façon générale de son ami et bras droit qu'il avait des tâches administratives, n'étant pas formé pour le terrain, a tour à tour déclaré que la sous-direction des enquêtes criminelles devait vraisemblablement mener sur place diverses investigations (séquestres, trafics, présence à Pavón de détenus ayant fini de purger leur peine et de prostituées), que CCC______ devait, lors de l'opération, superviser l'entrée Est, puis qu'il était entré derrière un groupe des forces spéciales mais aussi qu'il avait été un "chef qui était là" raison pour laquelle il lui avait fait rapport. Enfin, lors des débats d'appel, l'appelant a expliqué qu'initialement, CCC______ s'était trouvé au centre de commandement pour superviser les équipes de sa Division puis qu'il lui avait demandé de se rendre à l'entrée B sans véritable motif, ce qui paraît contradictoire sauf à retenir que lesdites équipes n'avaient en définitive pas besoin d'être supervisées.

Il s'ensuit que le dossier ne permet pas d'expliquer la présence, avérée et reconnue, de CCC______ le jour des faits par une fonction officielle, ce qui lui laissait la liberté d'action de s'adonner à la mise en œuvre du plan B.

4.5.4.4.2. CCC______ est intervenu à tous les moments cruciaux aux points significatifs : il admet avoir été présent à la séance préparatoire du 24 septembre 2006, lors de laquelle les photographies des cibles ont été visionnées, à la station-service puis avec les autres protagonistes, y compris KKK______, devant l'enceinte de la prison. Il se trouvait avec le commando, cagoulé et armé comme les autres membres de ce groupe, à l'entrée B lorsque l'assaut a été donné, arrivant ainsi à la hauteur de la maison de NNN______. Il était dans la rue des ateliers au moment où TTT______ a été capturé, tout près de l'enseigne "El Gato". Il est ensuite retourné à la maison de NNN______, soit sur la scène du crime, où il était présent pour accueillir le prévenu à son arrivée vers 07:40. Il est resté sur place et ne réapparaîtra, comme lui, qu'une vingtaine de minutes plus tard. Les agents Y______, Z______, AA______ et EE______ l'ont vu à proximité immédiate de certaines exécutions, ou s'éloignant tranquillement pendant celle de NNN______ qui venait d'être ramené de Pavoncito.

4.5.4.4.3. Le sous-directeur de la Division des enquêtes criminelles est directement mis en cause par les témoins R______, Y______, Z______, AA______, EE______ et I______ ainsi que, pour avoir tenté de retrouver la trace de NNN______, par l'agent BB______.

4.5.4.4.4. Un autre indice, certes indirect, de l'implication de CCC______ pour la tuerie de Pavón réside dans son rôle dans l'autre volet de la procédure, tel qu'il sera évoqué ci-après.

4.5.4.4.5. En outre, certaines déclarations de CCC______ sont auto-incriminantes, tant elles sont invraisemblables. Ainsi en va-t-il de ses protestations selon lesquelles il se serait tenu, lors de l'intervention, à distance – très relative d'ailleurs – de KKK______ et de GGG______ parce qu'il ne voulait pas être mêlé aux agissements criminels auxquels ils étaient susceptibles de se livrer ou de son aveu qu'il avait participé, le 24 septembre 2005, à une séance dont l'objet était d'identifier les détenus devant être transférés à Pavoncito, ce qui est absurde dès lors que le plan prévoyait que tous les détenus devaient être ainsi déplacés, et va dans le sens de la déposition de I______ sur le déroulement de ladite réunion.

4.5.5. Le dossier établit enfin que les scènes de crime ont été maquillées pour alimenter la version de l'affrontement armé, que les mesures usuelles en vue d'éviter leur contamination ainsi que pour préserver les preuves, notamment sur les cadavres, n'ont pas été prises, pas plus que des enquêtes, qu'elles fussent internes à la PNC, ou diligentées par le MP n'ont, ou n'ont sérieusement, été menées afin d'identifier les auteurs des tirs mortels. Les éléments les plus évocateurs de ces manipulations sont la pose d'une arme hors d'état de tirer sous le cadavre de NNN______, celle d'une grenade dans les mains ou une poche de cadavre, le fait que TTT______ et SSS______ aient été rhabillés, le second après sa mort, ou encore les manquements aux règles en matière de levée de corps et autopsie mis en exergue par F______, G______ et, avant eux, le PDH.

4.5.6. Les déclarations de CCC______ vont largement dans le sens de la thèse soutenue par l'accusation, la seule distinction notable tenant à ce que l'intéressé nie toute implication propre, de son frère ou de l'appelant, attribuant la responsabilité de ces actes à FFF______, KKK______ et GGG______. Certes, CCC______ s'est ensuite partiellement rétracté, mais il y a d'autant moins de raisons de le suivre dans ce demi-revirement que son récit est, sur ce point, conforme aux nombreux éléments du dossier.

Pour sa part, l'appelant n'a lui-même jamais été catégorique quant au fait que les décès étaient intervenus dans le cadre d'un affrontement -, alors qu'en sa qualité d'ancien directeur de la PNC, il était censé détenir toutes les informations utiles –. Lors des débats d'appel, lui-même et sa défense ont concédé que l'hypothèse de l'exécution était de vraisemblable à "éviden[te]".

4.5.7. Tous ces éléments confèrent une très grande crédibilité aux récits convergents des détenus évoquant tri, les cibles étant mises à l'écart, puis exécutions, dont le bruit était masqué par des "pétards", "fusées" ou mitraillettes auxuqelles il avait été mis feu.

4.5.8. En conclusion, il est établi que parallèlement au plan officiel et légitime de reprise du contrôle de l'établissement de Pavón par les autorités, un second plan, officieux parce que criminel, a bien été conçu, aux fins de l'élimination des détenus les plus influents ou dérangeants, dont une liste avait été dressée, sous couvert d'une résistance armée illégitime. A cette fin, le plan dit officiel a été modifié, les gardes du Système pénitentiaire étant écartés au profit de la PNC, alors que les institutions susceptibles, vu leur rôle, de faire obstacle à la tuerie étaient reléguées, avec (COPREDEH) ou sans (PDH) complaisante passivité, à l'extérieur de l'enceinte ou à tout le moins à bonne distance de l'endroit identifié pour servir de scène de crime maquillée en refuge d'insurgés armés. Un commando d'hommes cagoulés, lourdement armés, non aisément identifiables, a été constitué avec pour mission de capturer et abattre les cibles. Il était, notamment, composé d'hommes proches du pouvoir, soit KKK______ et CCC______, d'agents fidèles et aguerris, soit GGG______ et VVV______, ainsi que du frère de CCC______, qui n'appartenait pourtant pas aux forces de l'ordre et dont la présence est, de ce fait, injustifiable.

4.6. Critiques de la défense à l'égard des éléments du dossier et grief de violation de ses droits

4.6.1. Confronté à cette foison d'éléments excluant la version officielle et confirmant la thèse de l'accusation, l'appelant soutient que l'ensemble du dossier serait pollué par des manipulations commises par la CICIG, laquelle serait "dévoyée", manipulations auxquelles les ONG dénonciatrices auraient apporté leur propre contribution.

4.6.1.1. Jusqu'à la clôture des débats, on n'entrevoyait pas les motifs pour lesquelles ces organisations auraient entrepris d'agir de la sorte. A l'audience, l'appelant a entrepris de corriger cette faiblesse, mais l'explication livrée, qui ne trouve aucun écho dans le dossier, n'accrédite pas cette théorie du complot, tant elle paraît fantasque.

4.6.1.2. Indépendamment de ce qui précède, et comme souligné par le TCrim, les éléments recueillis par la CICIG et les conclusions auxquelles celle-ci est parvenue étaient, pour l'essentiel, déjà celles évoquées dans le rapport du PDH du mois de décembre 2006. Or le soupçon de dévoiement de la CICIG ne peut être étendu au bureau du PDH, organe indépendant sur le plan interne comme international, ce que l'appelant ne soutient au demeurant pas. Au plan chronologique, il ne saurait être envisagé que dans les jours qui ont suivi l'opération, le PDH et les membres de son équipe auraient mis en place une stratégie visant à monter un faux dossier, notamment en obtenant des nombreux témoins, dont une multitude de détenus ultérieurement transférés dans différentes prisons du pays comme relaté par le témoin OO______, qu'ils consentent de fausses déclarations convergentes puis qu'ils s'y tiennent au fil des ans. On ne voit d'ailleurs pas pourquoi, ni avec quels moyens, le bureau du PDH aurait agi de la sorte.

4.6.1.3. Les indices de prétendues manipulations que l'appelant estime avoir amenés n'ont pas la portée qu'il leur prête. En particulier :

- il n'est pas établi que des éléments déterminants auraient été dissimulés aux autorités genevoises (cf. lettre de la défense, dossier d'appel, 113). Le rapport d'autopsie de C______ figure au dossier (200'368), la saisie d'armes et de douilles sur les corps ou à proximité de ceux-ci a été évoquée à moult reprises, au moins une pièce mentionnant 09:30 comme heure d'arrivée du MP a bien été communiquée avec la première commission rogatoire (201'789 ; étant précisé que les pièces produites par l'appelant avec la lettre précitée n'évoquent pas une heure plus matinale) ;

- la dénonciation de I______ par le détenu JJJJ______ (cf. lettre de la défense, dossier d'appel, 114) avait été évoquée – ainsi que la version selon laquelle ledit détenu aurait agi sous la menace – par I______ et QQ______ ;

- les mesures de protection dont certains témoins ont pu bénéficier, ou qu'ils ont pu requérir sans les obtenir, s'inscrivent dans la logique d'une affaire telle la présente, étant rappelé que l'appelant lui-même évoque un climat de violence et des institutions étatiques gangrenées par la corruption, incapables d'inspirer la confiance dans cette situation, sans préjudice du sort réservé à certains acteurs de ce dossier. L'existence de telles mesures ne rend donc pas automatiquement les dépositions recueilles suspectes ; tout au plus requiert-elle une prudence raisonnablement accrue lors de l'appréciation des preuves ;

- le reproche fait à la CICIG d'avoir accompagné des témoins en vue de leur audition à l'étranger n'apporte rien de plus à ce qui précède, étant notamment souligné que l'un des témoins ainsi accompagné, aux frais de la CICIG, en Autriche est II______, soit le garde qui soutient avoir livré NNN______ à I______ ;

- à supposer que l'on puisse attribuer une quelconque valeur probante au film produit par l'appelant, les propos échangés lors d'un entretien entre K______ et des investigateurs de la CICIG, semble-t-il enregistré par le premier à l'insu des seconds, permettrait tout au plus de retenir qu'après avoir témoigné dans le contexte de la présente affaire, K______ aurait entrepris d'obtenir des avantages, ce qui ne saurait contaminer rétroactivement ses déclarations.

4.6.2. Pour le surplus, à l'instar du TCrim, la CPAR constate que, dans leur ensemble, les dépositions des détenus et agents de l'Etat constituent un tout cohérent, détaillé et conforté par les éléments objectifs du dossier de sorte qu'il n'y a, a priori, pas de raison de douter de leur crédibilité.

En ce qui concerne les détenus, leur qualité de délinquants n'ôte rien à la convergence de leur récit, soutenue par les autres dépositions et pièces. De plus, comme déjà souligné, il est difficile de donner une autre explication que celle de la véracité à cette cohérence maintenue au fil des ans, qui plus est s'agissant d'une population dont on peut supposer qu'elle n'est pas particulièrement disciplinée ou attentive à la constance. Les contradictions majeures ont trait à l'heure des différents événements relatés, ce qui est relativement fréquent.

Comme également souligné par le TCrim, plusieurs agents ont pour leur part couru des risques ou se sont, à tout le moins, exposés à de forts désagréments pour avoir consenti des dépostions contredisant la version officielle des événements de sorte que le reproche d'avoir recherché des avantages est particulièrement mal venu.

4.6.3. L'appelant critique plus particulièrement quatre témoignages.

4.6.3.1. La question de la portée de celui de H______ sera examinée plus avant.

4.6.3.2. Il est vrai que la première déclaration de U______ est manifestement inexacte et contredite par ses récits ultérieurs dans la mesure où il paraît en résulter que non seulement NNN______ mais également plusieurs autres victimes avaient été transférées à Pavoncito avant d'être ramenées dans l'établissement principal et exécutées.

Cette première déposition est toutefois sommaire et confuse, de sorte qu'il n'est pas même certain que ce soit vraiment ce que U______ a voulu dire. En outre, elle a été recueillie dans des circonstances particulières, soit quatre jours seulement après les faits, alors que l'intéressé était encore sous le choc de ce qu'il avait vu et disait craindre pour sa vie, cette peur étant d'autant plus compréhensible qu'à cette date rien ne laissait présager un retournement de situation tel que les responsables de la mort des sept détenus perdraient leur position et/ou leurs appuis et seraient poursuivis.

Il convient partant de retenir que cette première déclaration partiellement erronée ne nuit pas à la crédibilité des dépositions ultérieures de l'intéressé, étant observé qu'elle comporte par ailleurs déjà des indications conformes aux éléments du dossier, soit l'évocation de l'intervention d'hommes cagoulés qui avaient tiré, suivant des ordres, l'aller-retour de NNN______ à et de Pavoncito, ainsi que le recours à des pétards pour masquer les coups de feu.

4.6.3.3. L'appelant apprécie différemment les propos du témoin I______. Pour lui, la première impression du témoin au sujet de la réalité de l'affrontement armé est correcte, alors que ses déclarations au sujet de la liste et du plan parallèle sont fausses ; enfin, I______ est un suspect, dès lors qu'il a pénétré l'enceinte derrière le commando, qu'il admet avoir tiré et que le témoin II______ affirme lui avoir livré NNN______.

D'une façon générale, les déclarations de I______ sont cohérentes et confortées par les éléments du dossier. Le témoin s'est particulièrement exposé en s'opposant à la version officielle des faits, et n'avait rien à y gagner, le fait d'avoir dû, avec sa famille, quitter le Guatemala après y avoir passé l'essentiel de sa vie et fait carrière ne pouvant être assimilé à un avantage. I______ a paru crédible dans son sentiment d'avoir été utilisé aux fins d'une action qu'il n'approuvait pas et sa conviction qu'il ne devait pas se taire.

Indépendamment du fait que, comme il a été retenu, il n'est en définitive pas pertinent qu'il y ait ou non eu, au tout début de l'opération, un échange de coups de feu avec des détenus, le témoin a été parfaitement clair dans son explication selon laquelle son impression initiale d'un affrontement armé était inexacte.

La théorie de la défense, qui soutient que les victimes auraient pu être abattues par I______, fût-il assisté du garde ______, ne résiste pas à un examen même très sommaire. Il est établi par le dossier que ce ne sont pas ces deux hommes – comment l'auraient-ils pu ? – qui ont procédé à la capture – on songe ici évidemment à celle documentée par photographies de TTT______ - ou à la sélection des détenus, et rien ne permet de retenir que c'est à I______ que les responsables du commando, soit CCC______ et KKK______, ainsi que, à un échelon inférieur, GGG______ ou encore les frères JJJ______ répondaient, sans préjudice du fait que I______ s'était vu enlever son arme lors de l'assaut. Certes, il y a la déposition de II______, mais il faut retenir qu'elle est fausse dans la mesure où elle a trait à la prétendue remise de NNN______ à I______. Aucun élément du dossier ne la corrobore d'ailleurs. Comme retenu par le TCrim, une explication pourrait tenir au fait que, selon I______, II______ avait été instruit par FFF______.

Il sera partant retenu que le témoignage de I______ est crédible.

4.6.3.4. Il n'est pas significatif que le témoin CC______ ait, à tort, désigné la rue des ateliers par le nom de "Sextavenida", une erreur étant possible, ou qu'il ait, comme cela est usuel dans les langues latines que sont l'espagnol et l'italien, employé la première personne du pluriel plutôt que du singulier. En revanche, l'appelant met à bon escient en évidence d'autres faiblesses des dires de CC______. Celui-ci a en effet évoqué la présence de FFF______ et d'EEE______ dans la propriété de NNN______, peu avant ou peu après les exécutions, à un moment où ces deux personnalités n'étaient probablement pas présentes, il a affirmé avoir constaté la présence de KKK______ pour ensuite nier le connaître et, d'une façon générale, son récit est relativement confus, ce qui pourrait aussi être dû à sa crainte de témoigner. Aussi, il convient de faire preuve d'une certaine retenue lorsqu'il est question de ce témoin, tout en conservant à l'esprit que son récit demeure probant sur plusieurs points (présence du commando, liste de prisonniers, exclusion du bureau du PDH, regroupement de prisonniers nus, localisation des cadavres de TTT______ et SSS______, description de l'arrivée de NNN______ sur la scène du crime, etc.). En tout état, les quelques points faibles mis en évidence n'enlèvent rien aux conclusions faites plus haut, dès lors qu'aucun des éléments retenus ne l'a été sur la seule base de ses déclarations.

4.6.3.5. En prolongement, il peut être observé ici que les déclarations à décharge de FFF______, EEE______, DDD______ et CCC______ doivent être considérées avec davantage de circonspection encore, ces intervenants étant tous mis en cause personnellement ou l'ayant été, d'où un intérêt direct à l'issue de la procédure.

4.6.4. Pour le surplus, comme déjà discuté au stade des questions préjudicielles, l'appelant est forclos à se plaindre de ne pas avoir eu l'occasion d'être confronté à certains témoins alors qu'il a décliné de le faire, refusant de collaborer à l'instruction de la cause, apparemment au motif que le Procureur était prévenu à son encontre. De même, ses critiques au sujet de la fiabilité de certaines preuves ont été écartées.

4.6.5. Aussi, aucun des arguments articulés par la défense n'est susceptible de remettre en question la valeur probante des éléments du dossiers établissant que les sept morts de Pavón n'ont pas perdu la vie en opposant une résistance armée à l'opération visant à reprendre le contrôle de l'établissement, mais ont été exécutés, après avoir été capturés et maîtrisés, selon un plan parallèle criminel préétabli et que les auteurs directs de ces actes sont les hommes du commando, soit notamment CCC______, KKK______, GGG______, les frères JJJ______, MMM______ et VVV______, auxquels le champ avait été laissé libre à cette fin.

4.7. Implication de l'appelant

Reste à déterminer si A______ peut être tenu pour pénalement responsable de ces faits.

Homicide de SSS______

4.7.1. A ce stade, il convient de se concentrer sur l'homicide de SSS______ dans la mesure où l'éventuelle constatation que l'appelant aurait lui-même tué cette victime, comme retenu par le TCrim, aurait nécessairement une forte influence sur la suite du raisonnement.

Globalement, le témoignage de H______ sur le déroulement de la journée du 25 septembre 2006 est crédible. Ses dires sont détaillés, riches d'éléments périphériques et dont certains frappent par leur authenticité, comme ceux exprimant sa terreur. Ils rejoignent de nombreuses autres dépositions et sont conformes aux éléments du dossier. Ils sont certes entachés de certaines contradictions ou erreurs, mais celles-ci ne sont pas irréductibles, eu égard aux circonstances et à l'écoulement du temps.

Ces considérations ne s'appliquent cependant pas à l'épisode de l'exécution de SSS______. Cette scène, si elle n'est pas impossible, n'en demeure pas moins peu vraisemblable. Il est en effet difficile de concevoir que le prévenu aurait pris le risque de tuer à ciel ouvert, en présence de plusieurs personnes dont il n'est pas établi qu'elles faisaient toutes partie du commando, à commencer par H______ lui-même. Aucun des nombreux autres témoins n'a fait le même récit que H______ sur ce point précis. Tout français qu'il fût, il est peu probable que ce détenu aurait été autorisé à quitter vivant les lieux si vraiment il avait assisté au crime décrit et que l'appelant ou ses hommes s'en fussent aperçus. Le supposé ressentiment personnel du directeur général de la PNC à l'égard de SSS______ pourrait certes avoir contribué à un soudain manque de prudence, mais cette thèse n'est pas établie par le dossier, n'étant que très vaguement évoquée au titre de rumeur. A la faible vraisemblance du récit sur ce point s'ajoutent le manque initial de précision et, sur l'enregistrement de l'interview par TRIAL, une attitude et une expression différentes selon que H______ aborde cet événement en particulier ou le reste de la journée. Certes, comme relevé par le TCrim, H______ a ultérieurement enrichi et précisé son propos, en particulier en indiquant que SSS______ était torse nu, mais ces ajouts peuvent résulter d'une confusion, au fil du temps, entre les souvenirs et les nombreuses informations qui ont circulé, notamment dans la presse et sur Internet.

La CPAR ne prête pas pour autant davantage crédit à ce stade que précédemment à la théorie sur le "dévoiement" de la CICIG - qui n'a d'ailleurs apparemment pas eu affaire à H______ - ou sur des manipulations par TRIAL, la plupart des éléments de la présente cause pouvant, précisément, être recueillis soit par la consultation de la presse, soit sur Internet.

D'ailleurs, il est uniquement retenu que le récit de ce témoin concernant la mort de SSS______ n'atteignait pas le degré de vraisemblance suffisant pour satisfaire aux exigences découlant de la présomption d'innocence, mais non pas qu'il est établi qu'il était faux.

Ceci étant, la Cour estime ne pas pouvoir retenir que l'appelant a lui-même tué SSS______ en se fondant sur le témoignage de H______, faute d'autre ancrage dans les pièces du dossier.

Existence de et appartenance à une structure criminelle parallèle

4.7.2. L'accusation fait siennes les conclusions des enquêteurs QQ______, OO______ et BBB______ selon lesquelles A______ appartenait à une structure parallèle née au sein même de l'appareil étatique guatémaltèque, à un très haut niveau, pour être composée, notamment, de FFF______, Ministre de l'intérieur, son proche conseiller KKK______, l'appelant et son bras droit ainsi qu'ami de toujours CCC______. Cette organisation, qui comprenait également GGG______, officier de longue date de la PNC, les frères JJJa______ et JJJb______, "consultants" de la PNC engagés par A______, et d'autres hommes de main dont VVV______, surnommé ______ ou ______, s'adonnait à des activités criminelles ordinaires ainsi qu'à des actes de torture et autres opérations de nettoyage social tendant, dans sa conception, à préserver l'autorité de l'Etat.

Les explications de ces trois enquêteurs de la CICIG sur les démarches qui les ont amenés à prendre ces conclusions sont fiables et il n'y a, a priori, pas de raisons de les mettre en doute, faute de la moindre assise de la théorie du complot fomenté par la CICIG. Dans la mesure où elles reposent pour l'essentiel sur l'audition de nombreux témoins dont les dépositions ne figurent pas au dossier, qui n'ont pas été confrontés au prévenu pas plus qu'ils n'ont pu être interrogés par le MP ou un juge et dont on ignore au demeurant même l'identité, ces conclusions n'ont toutefois que la valeur d'un indice, dont il faut vérifier dans quelle mesure il trouve un écho dans le dossier de la procédure.

4.7.2.1. Un premier élément allant dans le même sens est le rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires du 19 février 2007 du Rapporteur spécial des Nations Unies, Philip ALSTON, faisant suite à sa mission sur place du 21 au 25 août 2006, soit un mois seulement avant les événements de Pavón, selon lequel des actes de nettoyage social étaient pratiqués par les forces de la PNC, dont le prévenu était alors le directeur général, plus particulièrement la Division des enquêtes criminelles (100'396, n. 19), qui était pour sa part sous la direction de CCC______, et dont GGG______ était un officier, le rapport précisant aussi que ces agissements ne faisaient par ailleurs pas l'objet d'enquêtes sérieuses (100'395, n. 17).

4.7.2.2. Un autre élément réside dans la création de la CICIG, en décembre 2006, étant rappelé que la mission de cette institution est, précisément, de soutenir le Guatemala dans la démarche visant à démasquer et démanteler les groupes de sécurité illégaux et les organisations clandestines de sécurité, soit des groupes, liés directement ou indirectement à des agents de l'Etat, qui commettaient en toute impunité des actes illicites portant atteinte aux droits fondamentaux.

4.7.2.3. Tout en niant une quelconque implication propre et en évitant de mettre l'appelant en cause, CCC______ a lui-même affirmé, lors de ses auditions par la justice autrichienne, que FFF______, KKK______ et GGG______ avaient fait assassiner, par un groupe de la police et d'autres individus travaillant pour eux, des délinquants, dont les victimes dans la présente procédure, mais aussi des innocents.

L'appelant pour sa part ne conteste pas que la pratique des exécutions dites extrajudiciaires existait, et comme déjà évoqué, reconnaît comme plausible, voire évident, que KKK______ et GGG______ ont pu tuer les victimes du 25 septembre 2006.

4.7.2.4. L'appelant reconnaît aussi qu'il s'est rendu, le 22 octobre 2005 au commissariat d'Escuintla, rejoindre FFF______, car deux des détenus, qui s'étaient évadés le jour même d'El Infiernito pour être rapidement capturés, allaient y être conduits et que KKK______, GGG______ et CCC______ étaient également sur place, étant souligné que faute de pouvoir expliquer la présence de son ami par l'activité officielle de ce dernier à l'époque, l'appelant soutient qu'il se serait simplement arrêté sur le chemin du retour d'une opération. Or, les deux détenus en question ont déclaré, notamment lors de leur audition par voie de commission rogatoire, avoir été torturés ce jour-là, y compris par le directeur général de la PNC. La crédibilité de ces dépositions, déjà soutenue par leur convergence, la réalité de la présence des acteurs précités à ce moment-là et les indices de leur appartenance à la structure criminelle, se trouve incidemment encore renforcée par la précision apportée lors des débats d'appel par A______, selon laquelle deux autres détenus qui avaient prêté main forte à l'évasion avaient aussi été amenés au commissariat d'Escuintla, ce qui conforte l'idée que l'objectif était d'arracher des informations aux prisonniers. Certes, selon le prévenu, d'autres personnes qui n'ont jamais été mises en cause, ainsi que la presse et le bureau du PDH étaient également là, mais rien n'indique que ce fût dans les salles d'interrogatoire. Les membres les plus importants de la structure décrite par les enquêteurs de la CICIG se sont donc retrouvés ce jour-là dans les locaux où des détenus, dont les témoignages sont crédibles, affirment avoir été torturés.

4.7.2.5. Ces éléments sont autant d'indices allant dans le sens des conclusions des enquêteurs précités sur l'existence d'une structure parallèle parasitant l'appareil étatique du Guatemala, à laquelle l'appelant appartenait, et qui se livrait notamment à la pratique, par ailleurs courante dans ledit Etat, des exécutions sommaires.

S'y ajoute le constat accablant que certains individus soupçonnés d'avoir fait partie de la structure criminelle ont appartenu au commando qui a sévi à Pavón, ainsi qu'il a été retenu supra (consid. 4.5.8.).

 

Rôle de l'appelant le 25 septembre 2006

4.7.3.1. En ce qui concerne l'opération Pavo Real, la Cour ne peut que constater, à l'instar du TCrim, qu'il est établi par le dossier que l'appelant, peut-être sans avoir participé directement à l'élaboration du plan officiel, n'en a pas moins été associé au projet, dès la décision initiale prise par le Cabinet de sécurité nationale, ce qui était au demeurant logique vu son statut à la tête de la PNC, qu'il s'agissait d'une opération de la plus haute importance pour le gouvernement en place ainsi que pour les ambitions de certains, et de l'une des opérations les plus importantes, si ce n'est la plus importante, de la brève carrière de l'intéressé à la tête de la PNC. Sur la base de ces seules considérations, il peut être exclu que le rôle de l'appelant le jour des faits se soit limité à faire de la représentation et à encourager ses troupes, comme il l'affirme.

Sans doute avait-il délégué la direction des opérations à son directeur adjoint et au commissaire local, mais, contrairement à ce qu'il pense, insistant sur ce point, cette délégation n'est pas un élément à décharge dans la mesure où elle présentait l'avantage de lui laisser la liberté d'action, notamment du fait qu'il n'était pas contraint de rester au centre de commandement.

4.7.3.2.1. Le directeur général de la PNC restait au demeurant le chef, susceptible de donner n'importe quelle instruction, à tout agent de la police, laquelle serait aussitôt exécutée. Il l'a d'ailleurs concédé : tout en excluant le volet opérationnel, l'appelant a affirmé avoir assumé, durant l'intervention, la responsabilité de la police au niveau non seulement politique mais aussi de la supervision des opérations ; il reconnaît en outre avoir donné des ordres très concrets - pour ne pas dire "opérationnels" - en instruisant CCC______, qui le confirme, de pénétrer dans l'enceinte au point appelé entrée B dans la procédure.

4.7.3.2.2. Comme retenu plus haut, il est aussi établi que le plan précité était doublé d'un plan criminel – et partant secret – parallèle, que le plan officiel a été modifié au dernier moment, le contrôle effectif des opérations étant confié à la PNC, et que les institutions susceptibles d'entraver la mise en œuvre du plan illégal ont également été maintenues à l'écart, avec ou sans leur accord complaisant.

Il faut retenir que ce changement de plan et cette mise à l'écart des institutions susceptibles d'empêcher la tuerie avait pour but de permettre la mise en œuvre de l'opération criminelle parallèle. Le dossier ne dévoile en effet aucune autre explication plausible et les protagonistes se sont d'ailleurs abstenus de tenter d'en donner une.

4.7.3.2.3. Or, l'attribution du commandement de l'opération à la PNC contrairement à ce qui était initialement convenu, n'a pas pu intervenir sans l'accord de son directeur général. D'ailleurs l'appelant n'a jamais soutenu que cette modification serait intervenue à son insu ou sans son consentement, préférant en nier le principe. Il en résulte un élément supplémentaire à charge essentiel, soit que l'appelant était partie prenante de la mise en place des circonstances permettant le passage à l'acte.

4.7.3.3. Les explications, variables et contradictoires, du prévenu et de CCC______ n'étant pas crédibles, force est de constater que l'appelant a retrouvé au moins trois des supposés membres de l'organisation criminelle à la station-service sur la route de Pavón, soit son ami et bras droit CCC______ ainsi que les frères JJJ______, comme l'ont relaté plusieurs témoins dont l'un, soit DD______ a aussi mentionné "le groupe" de GGG______. Force est également de constater, sur la base de nombreuses déclarations, que ces mêmes CCC______, JJJa______ et JJJb______, ainsi que GGG______ et un groupe d'hommes cagoulés et armés se sont retrouvés devant l'entrée principale de la prison, rejoignant A______, FFF______, EEE______ et DDD______, lesquels ont aussi été soupçonnés d'avoir commis des actes criminels sous couvert de leurs fonctions à la tête du Système pénitentiaire. Il est particulièrement significatif que parmi les hommes du commando se trouvait le propre frère de CCC______, MMM______, alors que rien ne justifiait son intervention ni même sa présence ce jour-là, ne s'agissant ni d'un agent de la PNC, ni d'un garde du Système pénitentiaire, ni d'un soldat. Or on sait que l'appelant, pourtant chef de la PNC, n'a nullement réagi en constatant la présence du commando en général ou du précité en particulier. Il n'est pas non plus crédible qu'il l'ait ignorée, s'agissant du frère de son fidèle bras droit et ami d'enfance, sans préjudice de ce que les deux hommes apparaissent, par la suite, sur la même photographie, bien que s'éloignant l'un de l'autre.

4.7.3.4. L'appelant a alors instruit CCC______ de quitter le centre de commandement et de pénétrer dans l'enceinte de la prison par l'entrée dite B, lui-même empruntant l'entrée principale (entrée A) et le chef de district l'ouverture C pratiquée dans le grillage pour permettre le transfert des détenus à Pavoncito.

Cette instruction est un autre indice de la culpabilité de l'appelant, celui-ci ayant ainsi ordonné à son bras droit de se joindre au commando, au point d'où est partie l'attaque contre les prisonniers ciblés. L'invocation d'un mauvais coup du sort n'est pas de nature à convaincre.

4.7.3.5. Sans doute, vu notamment la chronologie reconstituée par la BPTS, la capture de certains détenus, notamment celle de TTT______, et des exécutions ont eu lieu entre le moment où l'appelant, comme il le soutient, se trouvait devant l'église, en compagnie d'un cortège d'"officiels", et celui de son arrivée devant la maison de NNN______. C'est toutefois aussi alors que l'intéressé se trouvait devant l'église qu'est intervenue la mise à l'écart de OOO______ et qu'est parvenue à l'appelant la nouvelle de la prise de TTT______. Les témoignages au sujet de OOO______ sont nombreux et convergents. Ils mettent aussi en cause FFF______ et EEE______ ce qui renforce encore la thèse de la structure criminelle. Quant au message concernant TTT______, le récit d'P______ est parfaitement cohérent et crédible, vu notamment la concordance de temps. D'ailleurs, DD______, en qui la défense voit un témoin à décharge, a indiqué que l'on pouvait entendre un message radio jusqu'à environ 7 m de distance et l'objection relative au non-respect des codes et procédures de communication officiels n'est pas pertinente, s'agissant de l'opération parallèle. En prolongement, il est observé que CCC______ est le seul à avoir soutenu que la radio ne marchait pas.

4.7.3.6. L'appelant, certes accompagné, comme il l'affirme, s'est alors rendu à la maison de NNN______, où il est arrivé aux environs de 07:40. Contrairement à ce qu'ont soutenu ses avocats à l'audience d'appel, il résulte de la Vidéo "Assaut Est", produite par eux, que plusieurs tirs ont bel et bien retenti, à l'intérieur de la propriété, au moment précis où l'appelant arrivait, ce qui n'a suscité chez lui aucun émoi, ni même aucune interrogation, contrairement à l'homme au brassard orange qui se retourne et se fige en les entendant, par surprise et/ou désapprobation. Dans la mesure où il est en tout cas exclu, et pas même soutenu, qu'une quelconque résistance armée ait eu lieu à cet instant, il faut donc retenir que durant cette scène des exécutions étaient pratiquées.

4.7.3.7. Diverses dépositions, y compris celles de CCC______, les photographies au dossier et la vidéo "Assaut Est" établissent qu'à ce moment-là le périmètre de la propriété de NNN______ était sécurisé non pas par le Ministère public mais par des hommes du commando ainsi que, plus loin, au niveau du chemin, des agents de la PNC, et qu'A______ y a retrouvé CCC______, KKK______, GGG______ et les frères JJJ______. Selon ses dires, confortés par les déclarations de CCC______ et de l'agent HH______, l'appelant aurait alors été informé qu'il y avait eu un affrontement armé et des morts, heureusement uniquement du côté des insurgés. Il n'aurait posé aucune question, repartant en direction de l'église.

Au-delà du fait que, comme observé par les premiers juges, les protagonistes paraissent, sur la vidéo précitée, se comprendre à demi-mots et que l'appelant est impassible, il reste que cette version des faits est totalement invraisemblable. Il n'est pas un instant crédible que le directeur général de la PNC, qui affirme que sa nomination s'inscrivait dans une perspective de lutte contre la corruption policière et d'amélioration de l'image de l'institution, apprenant de tels événements, ne cherche à obtenir aucune précision sur le nombre et l'identité des morts, sur le déroulement de l'affrontement et sur les mesures prises pour sécuriser la scène, identifier les agents ayant tiré, saisir leurs armes en vue d'examens balistiques, etc. Il n'est pas non plus envisageable que ledit directeur de la police ne se serait pas, au moins à ce moment – sa prétendue passivité avant le début de l'opération est déjà hautement suspecte – notamment interrogé sur l'identité des hommes formant le commando armé et non identifiables, contrairement à toutes les règles, ou encore sur les raisons de la soudaine apparition de KKK______, censé n'avoir aucun rôle dans l'opération. Et encore, cette version est insoutenable aussi eu égard à la présence à Pavón du Ministre de l'intérieur, de la presse, et à la prochaine arrivée du Président lui-même, auxquels il s'imposait, théoriquement du moins, de faire rapport.

4.7.4. Le constat qui s'impose à ce stade est que le directeur général de la PNC, appartenant à une organisation criminelle paraétatique qui pratiquait notamment des exécutions extra-judiciaires, a adhéré à une modification fondamentale du projet Pavo Real, dans le but de rendre possible que de telles exécutions fussent commises sous couvert de ladite opération, a participé à deux réunions avec les hommes d'un commando de tueurs et les autres responsables de l'organisation criminelle, juste avant le début de l'action, puis a dépêché son bras droit, membre de ladite organisation, rejoindre le commando de tueurs sur le point de pénétrer sur les lieux. Pendant que ledit commando passait à l'acte, l'appelant faisait, par sa présence, diversion, était tenu informé, assistait – certes à distance – à la sélection d'au moins une cible, puis s'est rendu sur la scène du crime où il a rejoint le commando et adopté un comportement dont on ne peut que déduire une confirmation supplémentaire qu'il était informé et satisfait du déroulement de l'activité criminelle telle qu'elle s'était déroulée jusque-là.

4.7.5. La Cour admettra également que c'est entre 07:45 et 08:00 que NNN______, qui était parvenu à déjouer le plan criminel et à atteindre Pavoncito avec les détenus transférés mais avait été repéré par la ruse, a été ramené dans sa demeure où il a été exécuté, en présence de l'appelant, comme décrit par U______ qui a vu la victime monter les escaliers, derrière le prévenu.

Il a déjà été retenu que, d'une façon générale, les dires de ce témoin sont crédibles sous réserve de la confusion et/ou l'incohérence dont est frappée sa première déposition (supra, consid 4.6.3.2.). Considérée plus particulièrement, la scène évoquée ici se distingue de celle décrite par H______ en ce qu'elle s'est déroulée, non pas à ciel ouvert, mais à l'abri des regards, ce qui rend également plausible que le témoin ait pu quitter les lieux vivant, l'homme qui l'y a autorisé pouvant avoir ignoré ce qu'il venait de voir. Par ailleurs, la présence de l'appelant à l'intérieur de la propriété ne peut être exclue sur la base des images à disposition, l'intéressé n'étant pas visible de 07:43 à 08:00, moment où il est pris, de dos, dans la rue des ateliers, cheminant sans doute en direction de l'église (P1050222), et les déclarations des personnes l'ayant entouré n'étant pas univoques. Ainsi, l'agent DD______ avait par moments perdu l'appelant de vue, soit précisément lorsqu'ils se trouvaient à proximité de la propriété de NNN______.

Certes, U______ est le seul témoin qui affirme avoir personnellement observé la présence de l'appelant lors de l'exécution de NNN______. En particulier, Z______, qui a décrit l'arrivée de la victime ne mentionne pas le directeur de la PNC. Les deux dépositions ne s'excluent cependant pas, dans la mesure où le second témoin n'évoque pas la scène de la montée des escaliers, laquelle s'est déroulée à l'intérieur de la maison. Par ailleurs le récit d'O______ au sujet des confidences reçues du détenu OOOO______ et les déclarations de CC______ devant le Ministère public pour la CICIG confirment les propos de U______.

Ceci étant, quand bien même NNN______ n'aurait-il pas été abattu à ce moment-là ou en présence de l'ancien directeur général de la PNC, cela ne serait pas déterminant pour l'issue de la cause, la situation étant alors identique à celle qu'elle est pour les six autres victimes.

4.7.6. L'implication de CCC______ est un élément à charge supplémentaire déterminant à l'encontre du prévenu, au regard de l'ancienneté et de la solidité, aujourd'hui encore, du lien entre les deux hommes, du fait que c'est l'appelant qui a voulu que CCC______ intègre la PNC, nonobstant son absence de compétences ou d'expérience dans le domaine policier, pour y devenir, de facto, son bras droit. Cet état de fait rendait déjà très peu plausible la dernière hypothèse théoriquement susceptible d'innocenter l'appelant, soit que CCC______ se serait, à l'insu de son grand ami, associé aux activités criminelles de KKK______ et GGG______. Au demeurant, la défense ne soutient pas pareille thèse, CCC______ et l'appelant ne se sont jamais démarqués l'un de l'autre - au contraire, l'appelant a légèrement fait converger sa version des faits et ses suppositions vers celles de son second lorsqu'il a eu connaissance des déclarations de ce dernier en Autriche -, et, en tout état, ladite thèse est inconciliable avec l'aveu commun que c'est sur instruction d'A______ et non de sa propre initiative que son lieutenant s'est joint au commando à l'ouverture B pratiquée dans le grillage de la prison de Pavón, à l'aube du 25 septembre 2006.

4.7.7. Enfin, les déclarations de l'appelant soutiennent aussi la thèse de sa culpabilité. De nombreuses incohérences ont déjà été mises en évidence. S'y ajoute le constat d'une tendance générale à se distancer des évènements, et à ne pas prendre de position claire, comme si le directeur général de la PNC n'était guère concerné, ce qui est incompatible avec cette fonction eu égard à l'importance desdits événements. Tel est le cas du changement d'attribution dans le commandement de l'opération Pavo Real au profit de la PNC, que l'appelant paraît nier, qui est pourtant établi, qui ne peut être intervenu sans son approbation, et qui est de toute première importance s'agissant de laisser le champ libre au commando. Tel est aussi le cas de sa tendance à expliquer une prétendue passivité par un report de responsabilité sur d'autres. Ainsi, il n'aurait cherché à obtenir aucune information en recevant rapport de KKK______ ou CCC______ – cela varie – car il appartenait à son bras droit d'informer le Président et FFF______. Il n'aurait mené aucune enquête, sur aucun des trois complexes de faits, parce que cela relevait du Ministère public. Il ne conteste pas que les dix victimes puissent avoir été exécutées, mais il ne l'affirme pas vraiment non plus. Il s'abstient de commenter les accusations portées par CCC______ à l'égard de KKK______, GGG______ et, en prolongement, FFF______, tout en laissant entendre qu'elles sont correctes, à tout le moins s'agissant des deux premiers et sans expliquer comment des exécutions sommaires auraient pu avoir lieu au cours de l'opération sans qu'il ne le sache.

Une telle attitude ne confère guère de crédibilité à la position adoptée par l'appelant dans la procédure.

Conclusion sur l'implication de l'appelant et qualification juridique

4.7.8.1. Il découle de l'ensemble des considérations qui précèdent, auxquelles on peut encore ajouter la passivité, voire l'obstruction, de l'appelant après les faits, aucune mesure n'étant prise par ses services pour sauvegarder les preuves, mener une quelconque enquête interne ou faciliter celle que le Ministère public était censé mener, que celui-ci a bien, comme décrit dans l'acte d'accusation, pris part activement à la décision d'éliminer 25 détenus de la prison de Pavón et à la planification de sa mise en œuvre, puis participé à l'opération parallèle, notamment en donnant les instructions nécessaires au commando de tueurs, soit directement soit par le truchement de CCC______, ainsi qu'en faisant en sorte que ces tueurs aient le champ libre, puis qu'il était présent lorsque NNN______ a été ramené dans sa maison et exécuté, et qu'il a encore permis que les scènes de crime fussent manipulées, contribuant ainsi à couvrir les faits, tous ces agissements répondant à la définition de la coactivité.

4.7.8.2. L'un des arguments articulés par la défense tient à la prétendue absence de mobile. Il n'en est rien. Ces mobiles relèvent d'une conception "dévoyée" – pour reprendre un terme beaucoup employé dans cette procédure – de l'exercice du pouvoir et de la justice et, plus prosaïquement, à la volonté d'assurer par la terreur l'autorité du gouvernement auquel l'appelant devait son poste de directeur général de la PNC et d'asseoir la sienne propre.

4.7.8.3. Bien que les parties n'aient pas abordé la question, il sied encore de préciser que le fait que certaines victimes semblent avoir été tuées ensuite d'une confusion n'enlève rien à la culpabilité de l'appelant, conformément aux règles régissant l'erreur sur les faits (art. 13 CP), celui-ci devant être jugé selon l'appréciation des faits qui était la sienne, soit que le commando devait tuer les cibles.

4.7.8.4. L'appelant n'a, à aucun moment de la procédure d'appel, contesté la qualification juridique d'assassinat. Celle-ci est à l'évidence correcte, dans la mesure où il résulte de l'état de faits retenu ci-dessus que la tuerie a été planifiée, que l'appelant et ses coauteurs ont agi avec lâcheté, vu l'avantage dont ils bénéficiaient, sans scrupules et avec cruauté. Certaines cibles à tout le moins ont été humiliées et frappées. A n'en pas douter, chaque victime a vu arriver l'instant de sa mort ; plusieurs ont d'ailleurs, par réflexe, fait le geste illusoire d'arrêter les balles de leurs mains ; on sait aussi que SSS______ pleurait et trois hommes ont agonisé, la mort étant consécutive à un choc hypovolémique. Ce véritable escadron de la mort a ainsi agi avec un mépris total de la vie humaine, d'autant plus inacceptable eu égard aux fonctions de plusieurs d'entre eux, dont l'appelant. A cela s'ajoute que bien que toutes les cibles fussent des criminels, il ne ressort pas du dossier que l'une d'entre elles ait causé un quelconque tort direct à l'un ou l'autre des assassins. L'absence de scrupules peut également être déduite du comportement ultérieur de l'appelant, dans la mesure où il a permis que les diverses scène du crime fussent maquillées, ainsi que de l'institutionnalisation de la pratique, trois évènements étant retenus (cf. infra consid. 5), ce qui contribue à nier toute valeur à la vie humaine, les cibles, pourtant placées sous le contrôle et donc la protection de l'Etat, étant réduites au statut d'animal nuisible. Les critères commandant l'application de l'art. 112 CP sont donc clairement remplis.

4.7.8.5. L'appel doit ainsi être rejeté et le jugement querellé confirmé dans la mesure où il déclare l'appelant coupable des faits décrits sous ch. I de l'acte d'accusation avec cette différence, qui n'entraîne pas de modification du dispositif du jugement, qu'il n'est pas retenu que celui-ci a tué de ses mains SSS______.

5. APPEL JOINT (OPERATION GAVILÁN)

5.1. Exécutions sommaires d'C______, D______ et E______

5.1.1.1. Selon la première version officielle consignée dans le rapport du 3 novembre 2005 de HHHH______ (cf. supra f.a. et pièce 200'276 ss, trad. 450'361 ss), C______ était décédé lors d'un affrontement avec les forces de l'ordre qui avaient mis en place un barrage pour l'intercepter dans sa fuite. Cette version est toutefois contredite par l'existence d'un rapport complémentaire du 23 novembre 2005 selon lequel la victime était déjà morte lorsque GGG______ et ses hommes étaient arrivés sur les lieux (cf. supra f.b. et pièce 200'279 ss).

5.1.1.2. Ni l'une, ni l'autre de ces versions ne résiste face aux dépositions très détaillées et convergentes des agents UU______ et TT______. Le récit que ces deux hommes ont fait des événements est particulièrement dense et évocateur d'une exécution sommaire. Il est complet, décrivant le déroulement de l'opération de capture, les actes préparatoires à l'exécution et le maquillage subséquent de la scène de crime. Les ordres donnés par GGG______ selon les témoins sont caractéristiques de ce type d'opération illicite par des forces de l'Etat, notamment ceux de procéder à la capture du fugitif sans obtention préalable de mandat autorisant la visite domiciliaire, de le conduire sur une route plutôt que dans un commissariat ou une prison, d'obstruer le trafic sur les voies avoisinantes afin d'écarter d'éventuels témoins, de ne pas filmer son interrogatoire, de le "préparer" afin de faire croire qu'il était en fuite au moment de son interpellation et s'y était opposé, notamment en plaçant du papier de journal entre les menottes et ses poignets afin de masquer les traces d'entrave, puis en les retirant, et en chaussant ses pieds nus. Les agents ont également décrit la mise en scène imaginée pour faire croire à un affrontement entre l'évadé et les forces de l'ordre.

A ces éléments de crédibilité intrinsèque s'ajoutent l'absence de tout intérêt de UU______ et TT______ à présenter une version fausse susceptible de les exposer à un risque sérieux de représailles et la convergence de leur récit avec les éléments du dossier.

5.1.1.3. Ainsi en est-il du fait que le prétendu conducteur de la voiture n'a jamais été retrouvé, étant précisé que le dossier n'évoque pas même des recherches, et de la coexistence, déjà mentionnée, de deux versions officielles qui se contredisent, la seconde étant au demeurant incompatible avec le fait qu'une récompense a été payée à un informateur.

Ainsi en est-il aussi de la preuve matérielle que constitue le film "Entrevista" (200'389) produit par l'un des deux témoins, dans lequel on voit un homme ligoté, torse et pieds nus, dans un véhicule, interrogé sur les conditions de son évasion d'El Infiernito, détails qui permettent d'exclure tout doute quant au fait qu'il s'agit de C______.

Il y a aussi, nonobstant les carences relevées par F______, le rapport d'autopsie du 8 novembre 2005 et l'acte du lendemain produit par la défense attestant de ce que la victime a été quasi uniquement atteinte sur le côté gauche du corps, ce qui s'accommode mal de la version officielle selon laquelle C______ occupait le siège passager de sorte que, à sa gauche, le conducteur du véhicule aurait dû faire rempart de son propre corps.

5.1.1.4. Certes, la défense oppose à ces nombreux éléments le fait que selon ledit rapport d'autopsie, la blessure à la tête aurait été portée depuis l'avant et non l'arrière, alors que les agents TT______ et UU______ont relaté que C______ avait été tué par UUU______ installé sur le siège arrière du véhicule. Cependant, pour F______, le rapport d'autopsie n'était pas fiable et il n'était pas possible, en raison des lacunes et de la mauvaise qualité du dossier d'autopsie, de déterminer si les lésions constatées correspondaient à des entrées ou sorties de projectiles. En outre, à supposer que la blessure par balle à l'avant de la tête fût un orifice d'entrée, plusieurs thèses compatibles avec l'exécution par UUU______ demeurent envisageables. Ainsi, la victime a pu se retourner lors du ou des coup(s) de feu tiré(s) depuis le siège arrière, ou encore ce ou ces coups(s) peut(vent) correspondre à d'autre blessures présentes, notamment celle au niveau la clavicule gauche avec sortie dans le cou, comme l'ont envisagé les juges guatémaltèques.

Aussi, cette seule hésitation n'est-elle pas suffisante pour détruire la très forte crédibilité des déclarations des deux témoins.

5.1.1.5. Enfin, il faut voir un indice supplémentaire fort d'authenticité de ce récit dans le fait que deux des trois hommes mis en cause, soit GGG______ et VVV______, sont des membres de la structure criminelle dont l'existence a été admise plus haut.

5.1.1.6. Il est ainsi établi, sur la base de ce faisceau d'indices fort que C______ a été exécuté, comme soutenu par l'accusation.

5.1.2.1. Dans le volet Las Cuevas également, l'existence de deux rapports des 1er et 5 décembre 2005 (450'541 ss et 450'551 ss) présentant deux versions des événements totalement contradictoires est déjà un élément de suspicion très sérieux.

5.1.2.2. De même, l'une comme l'autre version découlant de ces rapports contradictoires sont incompatibles avec le témoignage de deux agents de la PNC, soit XX______ et YY______, qui se rejoignent pour l'essentiel : XX______ et ses hommes avaient repéré les deux fugitifs plusieurs jours auparavant, alors qu'ils se trouvaient dans une des grottes bordant une rivière. L'opération, confiée d'abord à l'agent XX______, avait finalement été coordonnée par KKK______, la capture étant planifiée dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2005. Etaient présents sur place KKK______, CCC______, UUU______ et GGG______, lequel avait repris le commandement, sur "ordre de ses supérieurs". Des deux groupes constitués pour la capture, celui dirigé par GGG______, dont faisait partie XX______, était parvenu à la cachette des fugitifs, assoupis, lesquels n'avaient donc pas opposé véritablement de résistance et avaient été menottés. Selon XX______, GGG______ lui avait fait comprendre que les fugitifs n'allaient pas s'en sortir vivants conformément à "des ordres supérieurs". Alors que GGG______ était resté sur place, rejoint par UUU______ et d'autres agents, dont VVV______, XX______ s'était éloigné et avait, peu après, entendu des coups de feu. YY______, en charge du second groupe, avait également entendu ces tirs, alors qu'il se trouvait à environ 500 m des grottes. Les deux témoins avaient ensuite vu les cadavres des fugitifs, en présence notamment de GGG______, VVV______, et UUU______.

Ici encore, le récit des deux témoins, détaillé, convergeant sur de nombreux faits, les dissimilitudes relevant de points secondaires, et constant, jouit d'une forte crédibilité intrinsèque, étant observé que les intéressés n'avaient aucun intérêt à mentir, au contraire.

5.1.2.3. Ce récit est en outre conforme aux éléments du dossier, soit d'autres témoignages recueillis, notamment, à tout le moins pour l'essentiel, celui du villageois WW______ contraint de participer à l'opération, le fait qu'aucun agent n'a été blessé ce qui affaiblit la thèse de la résistance, le paiement de la récompense à l'informateur, circonstance confirmant que les évadés avaient été repérés, la soudaine renonciation du juge de paix à mener une enquête nonobstant sa méfiance initiale en découvrant les cadavres déposés sur le terrain de basketball d'un village, et cet inexplicable - si ce n'est probablement par la volonté d'échapper à des questions - déplacement des corps en ce lieu plutôt qu'à la morgue, par un hélicoptère apparemment loué aux fins de retrouver une patrouille avant même qu'elle ne s'égare.

En outre, à teneur des rapports d'autopsie (200'497/8, trad. 450'556/7) et de celui de F______ (201'919ss, trad. 450'933), les lésions observées sur les deux victimes étaient propres à ce type d'exécution, les coups de feu ayant été tirés pour tuer et non pas pour soumettre, vu leur nombre et localisation, étant précisé que l'une des blessures observée sur le front de E______ présentait des caractéristiques typiques de blessure "à contact", ce qui excluait un décès lors d'un acte de résistance. On relèvera en sus qu'également dans ces cas, l'experte précitée a relevé des manquements aux règles en matière de levée de corps et autopsie.

5.1.2.4. Enfin, comme dans le volet Rio Hondo, les personnes mises en cause s'avèrent être des membres de l'organisation criminelle interne à l'appareil étatique dont l'existence a déjà été admise.

Ce n'est d'ailleurs selon toute vraisemblance pas par hasard que GGG______, UUU______ et VVV______ - outre CCC______ - se sont répartis dans les deux groupes, mais bien afin de s'assurer que des tueurs fussent présents quel que fût celui atteignant les fugitifs le premier.

5.1.2.5. Il est ainsi acquis que D______ et E______ ont été exécutés par des agents de la PNC commandés par GGG______, lequel répondait notamment à KKK______, et comprenant notamment UUU______ et VVV______, après avoir été capturés et mis hors d'état de résister, dans les grottes de Las Cuevas, la scène du crime étant ensuite maquillée aux fins de photographies, puis les dépouilles enlevées par hélicoptère et abandonnées sur un terrain de sport villageois.

5.1.3. On rappellera encore que cette conclusion rejoint celle de CCC______ pour qui les évadés d'El Infiernito ont été assassinés sous couvert d'une opération de police.

5.2. Implication de l'intimé sur appel joint

5.2.1. Il résulte des pièces de la procédure qu'un plan officiel intitulé "opération Gavilán" (ordre de service n°116-2005 daté du 22 octobre 2005 ; 450'366ss, trad. 450'377ss) a été établi par la Sous-direction générale des opérations de la PNC suite à l'évasion de 19 détenus du centre pénitentiaire El Infiernito, visant leur capture. Le commandement général était confié à la Direction générale de la PNC, tandis que la supervision des enquêtes incombait à GGG______. Il importe peu que ce plan s'inspirât largement de celui conçu quelques années auparavant, suite à une précédente évasion et que l'auteur n'en fût pas l'appelant, selon ses dires. Il reste qu'en sa qualité de directeur général de la police, il en était le responsable final et que, au plan opérationnel, c'est son subordonné GGG______ qui a pris les commandes, en tout cas s'agissant des trois fugitifs qui occupent la présente cause. La Direction du Ministère de l'intérieur a également participé à l'élaboration, soit KKK______ sur demande de FFF______, comme en attestent les déclarations de YY______ et CCC______.

Quelques jours après l'évasion, FFF______, KKK______, GGG______, et l'appelant ont participé à une réunion, au cours de laquelle le plan a été présenté et des équipes formées pour retrouver les prisonniers évadés. L'appelant a pris la parole pour motiver les agents et FFF______ a promis des récompenses en cas de capture. Selon UU______, CCC______ était également présent alors que, comme le souligne l'appelant lui-même, cela ne se justifiait pas par sa fonction officielle de l'époque qui relevait de la direction de la santé de la police. Certes, le témoin est seul à évoquer cette présence mais il y a d'autant moins de raisons de ne pas le croire que l'on sait que CCC______ se trouvait quelques jours plus tôt, toujours sans motif apparent, au commissariat d'Escuintla suite à l'arrestation de deux autres évadés, qui y ont été torturés, et qu'il sera à Las Cuevas le 1er décembre 2005.

5.2.2. A l'instar de ce qui se passera ultérieurement à Pavón, le plan officiel a bien été doublé d'un plan criminel parallèle - évoqué sans pudeur par GGG______ par les termes de "plan B", selon UU______ - qui a conduit à l'exécution de C______, E______ et D______, ainsi que cela vient d'être retenu.

Comme admis par la Cour dans le cadre de l'examen des faits du 25 septembre 2006, l'appelant appartenait à une structure criminelle parasitant l'appareil étatique, composée notamment de FFF______, KKK______, CCC______, GGG______ et d'autres hommes de main dont VVV______, surnommé ______.

Enfin, il est établi qu'à tout le moins trois membres avérés de la structure parallèle (soit GGG______ qui avait pris le commandement sur place, sous couvert de son grade officiel et d'ordres de ses supérieurs, et VVV______, ainsi que KKK______ présent par intermittences) et un autre subordonné de l'appelant (UUU______) sont les auteurs du guet-apens tendu à C______ et que ce même commando, auquel s'était joint CCC______ (cf. infra consid. 5.2.4.), a agi à Las Cuevas.

Or, il est totalement improbable que l'appelant ait pu ne pas être associé au plan B, exécuté par ceux de ses subordonnés qui étaient aussi membres de la structure criminelle, sous couvert d'une action menée par l'institution dont il était le directeur général.

5.2.3. Un indice supplémentaire de son implication se déduit de sa participation, aux côtés de FFF______, KKK______, et GGG______, aux interrogatoires et actes de tortures perpétrés sur deux évadés d'El Infiernito, au commissariat d'Escuintla le 22 octobre 2005 (cf. supra consid. 4.7.2.4.)

5.2.4. De même, comme dans le volet Pavón, un élément accablant pour l'appelant tient à l'implication de son fidèle bras droit CCC______. Rien, si ce n'est son appartenance à la structure criminelle, ne justifie en effet la présence à Escuintla et à Las Cuevas de celui qui était à l'époque censé réfléchir à une réforme de la division affectée à la santé de la police. Les pauvres explications avancées par les intéressés trahissent d'ailleurs leur malaise : selon le prévenu, CCC______ se serait arrêté à Escuintla de retour d'une opération, parce que c'était sur son chemin ; CCC______ dit avoir fait le difficile déplacement jusqu'à Las Cuevas, sans équipement ni personnel qualifié, au cas où quelque agent aurait été blessé au cours de l'échange de coups de feu avec les évadés et, selon son ami, il serait uniquement allé jusqu'au village, sans que l'on sache pourquoi il s'y serait rendu. Il reste qu'une fois de plus, CCC______ s'est trouvé parmi des membres de l'organisation criminelle à laquelle tant lui-même que son mentor et ami appartenaient, au moment où des exactions étaient commises, ce qui constitue le seul motif logique de sa présence.

5.2.5. Les propos attribués à GGG______, dont rien ne permet d'ailleurs de penser qu'il agissait proprio motu, faisant référence aux ordres reçus de ses supérieurs, sont également évocateurs, l'intéressé dépendant du prévenu.

5.2.6. Il découle de ce qui précède que l'appelant était partie prenante du projet criminel consistant à exécuter les évadés repris, lequel n'aurait, sans son accord, pu être mis en œuvre au cours d'opérations dépendant officiellement de l'institution qu'il dirigeait, par ceux de ses subordonnés qui se trouvaient également appartenir à la même structure criminelle que lui et qu'il a donc mis à disposition. KKK______, également présent par moments, faisait pour sa part le lien avec FFF______. Ce seul état de fait suffirait déjà pour retenir la responsabilité pénale de l'appelant, au titre de la coactivité.

5.2.7.1. Les motifs qui précèdent sont, en substance, également ceux du TCrim sous consid. 43 à 45 du jugement entrepris. Parvenus à ce stade du raisonnement, les premiers juges ont cependant estimé qu'ils devaient faire preuve de retenue, l'appelant n'étant pas personnellement présent lors des exécutions et les relevés téléphoniques évoqués par le témoin BBB______ n'ayant pas été versés au dossier.

5.2.7.2. La Cour estime qu'il n'y a pas de raison de douter de la véracité de la déposition dudit témoin qui a affirmé avoir pu consulter des relevés téléphoniques de l'opérateur TELEFONICA dont il résultait que plusieurs contacts avaient eu lieu entre les raccordements téléphoniques de GGG______ et de l'appelant dès 03:00 et jusqu'à environ 14:00 ou 15:00 le 3 novembre 2005. En particulier, les pièces produites par l'appelant démontrent uniquement que celui-ci possédait, en sa qualité de cadre de la PNC, un abonnement de téléphonie mobile auprès d'une autre compagnie, ce qui ne signifie pas encore qu'il ne disposait pas de raccordements supplémentaires, tout particulièrement s'agissant d'assurer une certaine confidentialité à ses contacts avec ses comparses. Certes, le contraire eût été préférable, mais en l'absence de ces pièces, il est possible de se fonder sur le témoignage de l'enquêteur BBB______ qui a affirmé avoir vu les relevés en cause, dans le contexte de l'enquête qu'il a menée, pour autant que ledit témoignage apparaisse crédible, ce qui est le cas.

En ce qui concerne l'intervention à Las Cuevas, les contacts téléphoniques n'étaient pas possibles pendant l'intervention, faute de couverture par le réseau, mais le lien entre l'appelant et le commando était assuré par la présence du fidèle bras droit du prévenu. En outre, YY______ a, selon ses dires, dont il n'y a pas non plus de raison de s'écarter, prêté son téléphone vers 09:00, le signal recouvré, à GGG______ qui avait contacté KKK______ et le prévenu.

5.2.7.3. Il y a ainsi des indices sérieux de ce que l'appelant a été tenu au courant du déroulement des deux opérations au long de celles-ci ou du moins dès que cela a été possible et la CPAR retiendra que le doute éprouvé par le TCrim repose sur une appréciation erronée des preuves. Au demeurant, les agissements du commando tenaient à la mise en œuvre du plan convenu d'avance, de sorte que des contacts durant le déroulement des opérations ne sont pas nécessaires pour retenir la culpabilité de l'appelant.

5.2.8. Aux éléments qui précèdent s’ajoute encore la passivité, voire l'obstruction, de l'appelant après les faits, aucune mesure n'ayant été prise par ses services notamment pour mener une quelconque enquête interne, nonobstant les circonstances, notamment, dans les deux événements, la coexistence de rapports contradictoires, ce qui démontre son adhésion à la décision initiale de procéder et est un élément de participation concrète et personnelle.

5.2.9. En conclusion, la culpabilité de l'appelant concernant l'exécution des trois évadés d'El Infiernito est établie, étant précisé qu'elle aurait été retenue même s'il avait fallu écarter le témoignage de BBB______ au sujet de sa lecture des rétroactifs téléphoniques.

5.2.10. Les considérants 4.7.8.2. et 4.7.8.4. supra s'appliquent mutatis mutandis s'agissant du mobile de l'appelant et de la qualification juridique de l'infraction, soit l'assassinat, étant précisé, pour ce qui concerne le mobile, que celui-ci devait aussi tenir à une forme de punition sanctionnant l'évasion.

5.2.11. L'appel joint formé par le MP doit donc être admis, l'appelant étant reconnu coupable d'assassinats pour avoir commis les faits décrits sous chiffres II.2 et III.3 de l'acte d'accusation, et le jugement entrepris réformé sur ce point.

6. PEINE

6.1.1. La peine réservée par le CP à l'assassin est la peine privative de liberté à vie ou une peine privative de liberté de 10 ans au moins.

6.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2).

6.1.3. D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

6.1.4. Le droit de se tairefait partie des normes internationales généralement reconnues qui se trouvent au cœur de la notion de procès équitable, selon l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 121 II 257 consid. 4a p. 264). Cela ne signifie toutefois pas que les dénégations de l'accusé ne peuvent pas être prises en considération pour apprécier sa situation personnelle lors de la fixation de la peine.

Selon la jurisprudence, pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieur à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Il lui sera loisible de relever l'absence de repentir démontré par l'attitude adoptée en cours de procédure (ATF 118 IV 21 consid. 2b p. 25 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 consid. 2.1 et 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.2). Des dénégations obstinées en présence de moyens de preuve accablants et des mensonges flagrants et répétés peuvent être significatifs de la personnalité et conduire à admettre, dans le cadre de l'appréciation des preuves, que l'intéressé n'éprouve aucun repentir et n'est pas disposé à remettre ses actes en question (ATF 113 IV 56 consid. 4c p. 57 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2008 du 10 juillet 2008 consid. 1.2).

6.1.5. L'absence d'antécédents a, en principe, un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être prise en considération dans un sens atténuant. Exceptionnellement, il peut toutefois en être tenu compte dans l'appréciation de la personnalité de l'auteur, comme élément atténuant, pour autant que le comportement conforme à la loi de celui-ci soit extraordinaire. La réalisation de cette condition ne doit être admise qu'avec retenue, en raison du risque d'inégalité de traitement (ATF 136 IV 1 consid. 2.6 p. 2).

6.1.6. Il est inévitable qu'une peine privative de liberté ait des répercussions sur le conjoint et les enfants du condamné. Cette conséquence ne peut cependant conduire à une réduction de la peine qu'en cas de circonstances extraordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 6B_708/2008 du 22 octobre 2008 consid. 3.2 et 6B_646/2008 du 23 avril 2009 consid. 4.3.2 et les références citées).

6.2. La faute de l'appelant est d'une gravité extrême. Il a, aux côtés d'autres, décidé, planifié, ordonné, supervisé et rendu matériellement possible l'exécution, soit l'assassinat, de dix hommes sans défense, dès lors qu'ils avaient été maîtrisés, dont certains à tous le moins avaient préalablement été humiliés et frappés, qui ont pour la plupart été criblés de balles, trois au moins d'entre eux étant laissés agoniser, avant que leurs dépouilles ne soient traitées sans aucun égard (les corps des morts de Pavón ont été entassés à l'arrière d'un pick up et ceux de Las Cuevas abandonnés sur un terrain de sport), les scènes de crime maquillées et les enquêtes manipulées ou obstruées. La détermination de l'intéressé a été considérable, eu égard au temps long qui s'est déroulé entre les deux opérations et au fait que celle de Pavón avait été planifiée bien à l'avance. La faute est d'autant plus grave que l'appelant revêtait la fonction de directeur général de la police nationale, de sorte qu'il était le garant de la légalité des actions de l'Etat, et ce dans l'intérêt de ce même Etat, comme dans celui de chaque citoyen, y compris des repris de justice, voire même davantage, dans la mesure où ceux-ci étaient placés sous l'autorité des institutions.

Le mobile tenait à la volonté d'assurer par la terreur l'autorité du gouvernement auquel l'appelant devait son poste et d'asseoir la sienne propre. Ce mobile n'a rien de généreux ou désintéressé.

La collaboration - terme particulièrement inadéquat dans le cas d'espèce - a été exécrable. Le prévenu a certes écrit, au début de la procédure, au Procureur général, pour l'assurer de sa disponibilité, et il a déféré au premier mandat de comparution, mais son comportement antérieur, y compris sa fuite du Guatemala, comme surtout ultérieur, établit qu'il ne s'agissait que d'une apparente bonne volonté.

Davantage encore que par sa détermination à tenter d'échapper à la sanction méritée, le prévenu est remarquable par son obstination à se refuser à toute démarche d'introspection, quitte à salir victimes, autres protagonistes, organisations internationales et autorités judiciaires, ce qui ne peut s'expliquer que par la profonde conviction, aujourd'hui encore, que les actes commis étaient légitimes, les exécutions extrajudiciaires étant considérées une voie appropriée pour se débarrasser d'individus tenus pour nuisibles et indésirables.

La Cour estime approprié de préciser ici qu'elle a également tenu compte, dans son raisonnement sur la fixation de la peine, des objections qui ont pu être émises ci ou là, selon lesquelles il est difficile de juger de cette affaire hors de son contexte local. Il est en effet vrai que pour apprécier la culpabilité de l'appelant, on ne saurait faire abstraction de ce qu'il est né et a grandi dans un continent où l'avènement de la démocratie a connu et connaît encore de multiples difficultés, dans un pays qui n'est lui-même sorti que récemment d'une guerre civile meurtrière, où les actes tels ceux reprochés ici étaient institutionnalisés et où la criminalité se manifeste sous des formes extrêmement violentes et cruelles, toutes circonstances qui influencent nécessairement la pensée des citoyens et peut altérer la perception de valeurs fondamentales telles que le respect de la vie et de la dignité humaine. Il demeure cependant qu'il y a un pas à ne pas franchir entre s'accommoder plus ou moins d'une situation et en devenir un acteur. Preuve en est qu'au Guatemala, comme ailleurs, les faits reprochés à l'appelant sont punis, et le sont sévèrement, GGG______ s'étant vu infliger une peine privative de liberté de 33 ans. En outre, l'appelant s'est lui-même extrait, depuis de nombreuses années de ce contexte, pour s'installer à Genève, et il a eu tout loisir, notamment au cours de la procédure, d'évoluer. Il a cependant choisi, comme déjà dit, de ne pas le faire, ne prenant aucune distance d'avec ses actes.

En ce qui concerne la situation personnelle de l'appelant, il convient de rappeler qu'il a grandi au sein d'une famille aimante et de bon niveau socio-culturel, qu'il a eu l'occasion de faire lui-même des études universitaires, avant de se lancer dans la vie politique puis d'être désigné à la tête de la PNC alors qu'il était à peine au début de la trentaine. Il est marié, père de trois enfants adolescents ou préadolescent. La famille, déplacée à Genève fin 2006, est unie. Les enfants paraissent s'être bien intégrés, poursuivant leur scolarité. L'épouse a perdu son emploi suite à l'émission d'un mandat d'arrêt à l'encontre du prévenu. Au plan économique, le père de l'appelant, ambassadeur auprès de l'OMC, fournit une aide afin de compléter les prestations de l'assistance sociale.

L'appelant n'a pas d'antécédents judiciaires et la CPAR ne doute pas qu'il s'est bien comporté au cours de sa détention.

Au regard de l'ensemble de ces circonstances, la Cour ne peut que constater, à l'instar des premiers juges, que seule la peine maximale prévue par l'art. 112 CP peut entrer en considération, étant d'ailleurs observé que la même peine aurait dû être infligée si le verdict d'acquittement concernant l'assassinat des trois évadés d'El Infiernito avait été confirmé, dès lors que les considérations très sévères qui précèdent ne s'en seraient trouvées que très légèrement nuancées.

A aucun moment au cours de la procédure d'appel la défense n'a d'ailleurs articulé la moindre critique à l'encontre de la quotité de la peine.

6.3. Le jugement dont est appel sera ainsi confirmé en ce qui concerne la peine prononcée.

7. ACCESSOIRES

7.1. Ayant été reconnu coupable de tous les chefs d'accusation, l'appelant ne saurait prétendre à indemnisation au sens de l'art. 429 CPP.

7.2. Le principe de la réparation du tort moral subi par la mère de la victime OOO______ est incontestable. Le quantum octroyé par les premiers juges doit être tenu pour acquis, l'appelant ne le discutant pas alors que la maxime d'office ne s'applique pas, s'agissant de prétentions civiles.

7.3. Vu l'issue de la procédure, le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il met les frais de la procédure à la charge du condamné, lequel supportera en outre ceux de l'instance d'appel, comprenant un émolument de CHF 10'000.- (art. 428 CPP et 14 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 - RTFMP - E 4 10.03).

8. COUVERTURE DES DILIGENCES DES DEFENSEUR D'OFFICE / CONSEIL JURIDIQUE GRATUIT

8.1. Normes et principes applicables

8.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04) s'applique.

8.1.2. Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 65.- (let. a) ; collaborateur CHF 125.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement personnel - l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'étant pas en considération (arrêts non publiés du Tribunal fédéral 6B_486/2013 consid. 4 du 16 juillet 2013 et 6B_638/2012 consid. 3.7. du 10 décembre 2012) - et si l'assisté n'est pas domicilié à l'étranger, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

8.1.3.1. À teneur de la jurisprudence, est décisif pour fixer la rémunération de l'avocat, le nombre d'heures nécessaires pour assurer la défense d'office du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2007 du 19 novembre 2007 consid. 4). Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu ainsi que de la responsabilité assumée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2 et les références citées). L'autorité judiciaire doit prendre en compte la liste de frais présentée et motiver au moins brièvement les postes sur lesquels elle n'entend pas confirmer les montants ou les durées y figurant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3 et les références citées). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2).

L'avocat d'office a droit au remboursement intégral de ses débours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2 et les références citées). Ceux de l'étude sont inclus dans les tarifs horaires prévus par la disposition précitée (arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 3/4.2-4.4).

8.1.3.2. A l'instar de la jurisprudence précitée, l'art 16 al. 2 RAJ prescrit également que seules les heures nécessaires à la défense devant les juridictions cantonales sont retenues et sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

8.1.4. Reprenant l'activité de taxation suite à l'entrée en vigueur du CPP, la CPAR s'est inspirée des "Instructions relatives à l'établissement de l'état de frais" et de l'"Etat de frais standard – Mode d'emploi et modèle" émis en 2002 et 2004, dans un souci de rationalisation et de simplification, par le Service de l'assistance juridique, autrefois chargé de la taxation.

8.1.4.1. La jurisprudence de la CPAR a ainsi maintenu l'ancienne pratique selon laquelle l'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure était forfaitairement majorée de 20% jusqu'à 30 heures d'activité, 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, tels la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Par voie de conséquence, la rédaction de la déclaration d'appel, qui n'a pas à être motivée et peut donc prendre la forme d'une simple lettre, est en principe incluse dans ledit forfait (arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 consid. 2.1. du 21 novembre 2014).

8.1.4.2. Le travail consistant en des recherches juridiques, sauf questions particulièrement pointues, n'est pas indemnisé, l'État ne devant pas assumer la charge financière de la formation de l'avocat stagiaire, laquelle incombe à son maître de stage, ou la formation continue de l'avocat breveté.

8.1.4.3. Le temps considéré admissible pour les visites des détenus en détention provisoire dans les établissements du canton est d'une heure et 30 minutes pour les avocats et une heure pour les avocats-stagiaires, ce qui comprend le temps de déplacement. S'agissant de la fréquence, une visite par mois est admise, indépendamment des besoins de la procédure, pour tenir compte de la situation particulière de la personne en détention préventive.

8.1.4.4. Les entretiens avec la famille du prévenu ne sont en principe pas indemnisés par l'assistance juridique, ne relevant pas de la défense (AARP/515/2013).

8.2. Appel du défenseur d'office (activité jusqu'au prononcé du jugement)

8.2.1.1. Le Service de l'assistance juridique est dépourvu de tout pouvoir décisionnel, la compétence de statuer en matière de désignation/révocation du défenseur d'office ou du conseil juridique gratuit ainsi que d'indemnisation des diligences de ceux-ci étant dévolue à la direction de la procédure ou à l'autorité de recours. Dans ce domaine, le Service de l'assistance juridique doit donc être considéré comme un simple service administratif interne au Pouvoir judiciaire, chargé de prêter son assistance au juge, à la demande de celui-ci. L'analyse d'un état de frais par ce service n'est partant qu'un outil pour le magistrat, qui n'a d'ailleurs aucune obligation d'y recourir. Elle ne lie d'aucune façon le juge, et ne saurait suppléer ou compléter la motivation de sa décision. Il ne s'agit pas d'une pièce du dossier mais d'un document de travail purement interne, à l'instar, par exemple, des notes personnelles du magistrat ou des recherches effectuées ou projets rédigés par les greffiers-juristes, de sorte qu'il ne tombe pas sous le coup de l'art. 25 al. 2 LIPAD.

Concrétisant le droit d'être entendu, le CPP ne prévoit pas autre chose, les notes personnelles de l'autorité, les documents de travail et les rapports strictement internes ne faisant pas partie du dossier et ne peuvent donc pas être consultés (art. 101 al. 1 CPP).

8.2.1.2. L'appelant BAIER réclame ainsi en vain accès au document qu'il appelle "préavis" et qui n'en est pas un, la conclusion préalable, réitérée dans sa dernière écriture devant être rejetée.

8.2.2.1. Soulignant que le droit d'être défendu par plusieurs conseils et celui de s'en voir désigner plusieurs d'office, au bénéfice de l'assistance judiciaire, ne se confondaient pas, le Tribunal fédéral a confirmé le refus de désigner deux défenseurs d'office à A______, "les conditions d'un cas exceptionnel n'éta[nt] pas réunies" (arrêt 1B_46/2013 du 12 mars 2013 consid. 2.). Le fait que dans le contexte des diverses procédures de recours dont il a ensuite été saisi, le Tribunal fédéral ait désigné comme défenseurs d'office les deux signataires des actes reçus ne modifie rien à la situation, dans la mesure où l'indemnité réservée par la Haute cour n'a jamais été plus élevée que celle d'ordinaire allouée à un seul défenseur, comme le reconnaît d'ailleurs l'appelant.

Partant, les échanges entre l'appelant BAIER et son confrère CAMPA ne sauraient être pris en charge au titre de la défense d'office, pas même du seul point de vue de l'activité déployée par le défenseur d'office.

 

Admettre le contraire reviendrait d'ailleurs à récompenser une pratique du fait accompli, les deux avocats ayant choisi en toute connaissance de cause de continuer à agir tous deux, malgré l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 mars 2013. Cette considération s'applique également à la lamentation de l'appelant BAIER relative aux conséquences, peut-être lourdes mais qu'il doit supporter, de sa décision de partager avec Me _______ l'indemnité qu'il recevrait de l'Etat.

 

La suppression de l'intégralité de l'activité consacrée aux entretiens avec M_______ (de 25 heures et 15 minutes au total) sera partant confirmée.

 

8.2.2.2. L'appelant BAIER est mal fondé à critiquer la réduction d'une partie des heures consacrées à des entretiens avec l'épouse du prévenu. Dans la mesure où ces contacts avaient un caractère social, la jurisprudence de la CPAR n'admet pas leur prise en charge. Des contacts en vue d'un recours aux services de XXXXX______ comme auxiliaire de l'avocat ne se justifient pas plus ; ils posent d'ailleurs de sérieux problèmes, vu ses liens avec le prévenu. L'appelant BAIER aurait ainsi dû avoir recours à des prestataires qualifiés, voire jurés, après avoir obtenu l'accord de principe de la direction de la procédure s'agissant de la prise en charge des frais, ou requérir celle-ci de faire effectuer elle-même certaines de ces prestations, telles les traductions.

 

Par conséquent, la décision de la Présidente du TCrim de n'admettre à ce chapitre que dix heures et 35 minutes sera confirmée.

 

8.2.2.3. Assurant la défense des intérêts du prévenu depuis plus de deux ans, l'appelant BAIER avait déjà été amené à rédiger trois écritures - les 13, 27 septembre, et le 22 novembre 2012 - au sujet de la détention provisoire, dans lesquelles il a d'ailleurs puisé certains paragraphes, voire des parties entières, comme par exemple le point 2 (pièce 701'011) du recours du 13 septembre 2012, repris au point 3 de celui du 10 décembre 2012 (pièce 703'217). Il avait déjà travaillé 82/90 heures respectivement au 10 et 20 décembre 2012 à la rédaction des actes précités et à l'examen du dossier, de sorte qu'il avait acquis une bonne connaissance de la cause. On peut ainsi attendre de lui qu'il avait, à ce stade au moins, ébauché la ligne de défense.

 

L'admission de 40 heures (soit une réduction de 52 heures) pour la rédaction des écritures précitées des 10 et 20 décembre 2012 est justifiée et sera maintenue.

 

8.2.2.4. Au moment de commencer sa préparation de l'audience de jugement, le défenseur d'office avait déjà comptabilisé - il n'est question ici que des heures admises - 663 heures et 40 minutes d'activité. C'est dire qu'il était censé connaître parfaitement le dossier et avoir défini depuis longtemps sa stratégie de défense. Par ailleurs, aucune question juridique nouvelle n'avait surgi, et d'une façon générale, le dossier ne présentait pas de complexité de cette nature. Dans ces circonstances, la Présidente du TCrim a été très compréhensive en admettant au titre de ladite préparation 120 heures. La réduction (de 49 heures et 30 minutes) opérée devra être confirmée.

 

8.2.2.5. Le défenseur d'office conclut à l'admission des états de frais présentés en première instance dans leur intégralité, sans discuter les autres réductions opérées par la juge de première instance. En l'absence de griefs précis, la CPAR constatera que ces abattements paraissent justifiés et que les motifs de la décision entreprise sont corrects, de sorte qu'elle les fera siens.

 

8.2.2.6. Il convient encore d'observer que, d'une façon générale, l'appelant BAIER a facturé un nombre d'heures fortement excessif, qui ne se justifie ni par l'ampleur du dossier – la décision du TCrim en tient déjà largement compte – ni par sa difficulté. Il n'appartient pas à l'Etat d'assumer les conséquences du manque d'expérience du défenseur d'office, qui dit de lui-même qu'il n'est pas un "pénaliste", à tout le moins lorsqu'il a été choisi par le prévenu. Enfin, la loi et la jurisprudence font également appel au critère de la qualité. Or, l'appelant BAIER n'établit pas que son travail ait été d'une qualité telle qu'il justifierait une appréciation particulièrement généreuse des heures admissibles. Considéré dans sa totalité, le nombre d'heures retenu par la Présidente du TCrim est dès lors amplement suffisant pour couvrir le défenseur d'office de toutes diligences nécessaires à la défense effective de son client.

8.2.3. La pratique allouant un forfait calculé sur les heures effectives admises, pour couvrir les activités diverses du défenseur d'office / conseil juridique gratuit n'entrant pas dans les postes liés aux actes de la procédure et aux entretiens avec l'assisté s'explique par un souci de simplification et de rationalisation, l'expérience montrant qu'un taux de 20% jusqu'à 30 heures de travail, 10% au-delà permet de couvrir les prestations répondant à l'exigence de nécessité et d'adéquation. En l'occurrence, le taux de 10% a donné lieu à une majoration par la Présidente du TCrim de l'indemnité de CHF 18'548,35, ce qui équivaut, au taux horaire réservé au chef d'étude, à plus de 90 heures d'activité. La CPAR considère que cette réserve d'heures est largement suffisante pour rémunérer toute prestation nécessaire et adéquate de l'appelant BAIER non déjà admise. Le relevé produit par l'intéressé à l'appui de sa conclusion tendant à l'octroi d'un forfait de 20%, et évoquant 223 heures et 30 minutes, ne lui est d'aucun secours, dans la mesure où il s'inscrit dans la tendance à l'exagération déjà relevée, sans être au demeurant justifiée par un travail d'une qualité méritant d'être soulignée, sans préjudice de ce que ce relevé tient compte des vacations alors que celles à la prison sont comprises dans les 90 minutes octroyées pour chaque visite.

8.2.4. L'appel s'avère totalement mal fondé et sera partant rejeté.

8.2.5. L'appelant BAIER, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 800.- (art. 428 CPP et 14 al. 1 let. b RTFMP).

8.3. Indemnisation des prestations liées à la procédure d'appel

Prestations du défenseur d'office de l'appelant

8.3.1.1. Il convient d'opérer les abattements suivants sur les états de frais du défenseur d'office pour la procédure d'appel :

-          du poste "conférences",

 

o   pour les mêmes motifs que supra, 19 heures et 30 minutes d'entretiens avec XXXXX______ et Me _______ ;

 

o   sur les 24 heures d'entretien avec l'appelant, la Cour en admettra 21, pour une visite mensuelle de juillet 2014 à mars 2014, puis trois en avril et une dernière le 1er mai, eu égard à la proximité de l'audience ;

 

-          du poste "actes de procédures",

 

o   comme confirmé par la jurisprudence du Tribunal pénal fédéral précitée, la rédaction d'une déclaration d'appel motivée n'est pas couverte par l'assistance juridique, cette activité n'étant pas nécessaire dès lors que le CPP n'exige pas que la déclaration d'appel soit motivée. La question de l'application de ce principe au cas d'espèce souffre de demeurer ouverte, dès lors que les heures de travail de rédaction de la déclaration d'appel ont également servi à la demande de mise en liberté qui la reprend quasi intégralement, de sorte qu'on ne saurait écarter par principe l'activité liée à la rédaction de ces deux écritures confondues. Toutefois, le temps comptabilisé est très excessif, étant rappelé que le défenseur d'office connaissait ou devait connaître parfaitement son dossier et qu'il a facturé plus de sept heures de lecture du jugement de première instance, de sorte qu'à tout le moins dans les grandes lignes, l'exégèse en était faite. On ne voit d'ailleurs pas comment la transformation de la déclaration d'appel en demande de mise en liberté a pu encore nécessiter 12 heures de travail d'avocat (celui de la secrétaire n'étant pas indemnisé). Il y a en définitive lieu de retenir que le travail nécessaire aurait pu être fait en 84 heures, soit la moitié des 156 + 12 heures facturées (= amputation de 84 heures) ;

 

o   62 heures et 25 minutes d'"examen du dossier". A ce stade de la procédure, le défenseur ne pouvait que connaître parfaitement bien son dossier, lequel n'a d'ailleurs guère évolué durant la procédure d'appel ; seules dix heures seront donc admises, ce qui est déjà généreux ;

 

o   le temps, soit huit heures, affecté à la sixième demande de récusation du procureur, qui ne peut être considérée nécessaire à la défense, la démarche étant au contraire, d'emblée vouée à l'échec, comme retenu par le Tribunal fédéral ;

 

o   seules six heures seront admises au titre des écritures des 20 novembre 2014 et 13 janvier 2015, ce qui suffisait amplement à développer les réquisitions de preuve évoquées à ces occasions ;

 

o   la rédaction (11 heures) de la détermination du 4 février 2015 (recte : 2 février 2015) à la CPAR suite à la demande de mise en liberté. Ce courrier, qui ne fait en tout état que trois pages, en-tête et salutations comprises, ne fait que reprendre des arguments déjà développés à d'autres occasions de sorte qu'il tomberait sous le coup du forfait, à supposer qu'il réponde à l'exigence de nécessité ; l'examen préalable du dossier n'était pas utile vu le contenu de l'écriture ;

 

o   sur les cinq heures consacrées à la détermination – avec examen préalable du dossier – du 6 février 2015 à la CPAR, seule une sera retenue pour la détermination du 6 février 2015, qui aurait efficacement pu être réduite de plusieurs pages et un nouvel examen préalable du dossier n'étant pas nécessaire vu le contenu de l'écriture ;

 

o   deux heures affectées à la rédaction de réquisition de preuve – avec examen préalable du dossier – du 31 mars 2015, la majoration forfaitaire incluant cette activité qui se résume à une simple lettre, et l'examen préalable du dossier n'était pas nécessaire.

8.3.1.2. L'activité déployée devant le Tribunal fédéral est indemnisée par ce dernier, et ne relève donc pas de l'assistance juridique cantonale (AARP/203/2014), de sorte que les heures de travail y relatives seront également retranchées.

8.3.1.3. Les considérations qui précèdent sur la tendance marquée du défenseur d'office à développer une activité dépassant ce qui aurait été nécessaire et adéquat pour la défense efficace de son client, sans que cela ne se traduise par ailleurs en termes de qualité particulière, sont valables pour l'appel également. La CPAR a notamment eu l'occasion de déplorer que la défense n'ait pas consacré un mot à certaines questions, notamment celles de la qualification juridique et de la peine, nonobstant l'enjeu.

8.3.1.4. Compte tenu des réductions opérées supra, l'activité du défenseur d'office sera indemnisée à concurrence de 166 heures et 55 minutes au taux du chef d'étude, ce qui correspond à une indemnité de base de CHF 33'383,35.

S'y ajoutent la majoration forfaitaire de 10%, soit CHF 3'338,35, ainsi que la TVA à hauteur de CHF 2'937,75 (d'où un total de CHF 39'659,45) alors que l'avance octroyée le 7 avril 2015 de CHF 15'000.- doit être déduite, de sorte que le solde dû s'élève en définitive à CHF 24'659,45.

Prestations du conseil juridique gratuit de la partie plaignante

8.3.2.1. Il convient de retrancher les heures d'activité suivantes de l’état de frais du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel :

- une heure et 15 minutes de consultation et d'examen du dossier. A ce stade de la procédure, le conseil juridique gratuit ne pouvait que connaître parfaitement bien son dossier, lequel n'a d'ailleurs guère évolué durant la procédure d'appel ; seules dix heures seront donc admises de sorte que le surplus accompli par la stagiaire en dernier lieu doit être retranché ;

- 11 heures et 35 minutes affectées à la préparation de l'audience d'appel, 50 heures devant être considérées suffisantes, vu notamment sa position procédurale d'intimée qui lui permettait de s'appuyer sur le jugement attaqué et de compter sur le soutien actif du MP ;

- une heure et 30 minutes consacrées à la rédaction des conclusions en indemnisation. La partie plaignante ayant conclu à la confirmation du jugement, y compris s'agissant du prononcé civil, il n'était pas nécessaire de déposer une écriture à l'appui.

8.3.2.2. L'activité déployée par Me _______ ne sera pas indemnisée, ce dernier n'ayant pas été nommé conseil juridique gratuit aux côtés de Me _______, étant rappelé que le Tribunal fédéral a refusé de nommer deux défenseurs d'office motifs pris que "les conditions d'un cas exceptionnel n'étaient pas réunies" dans cette affaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_46/2013 du 12 mars 2013 consid. 2.2.), et qu'il ne se justifie pas de réserver un traitement différent aux conseils de B______.

8.3.2.3. Compte tenu des réductions opérées supra, l'activité du conseil juridique gratuit sera indemnisée à concurrence de 81 heures et 35 minutes au taux du chef d'étude, soit CHF 16'316,70, d'une heure et 15 minutes et quatre heures et 45 minutes aux taux respectif de collaborateur et stagiaire, soit CHF 156,25 et CHF 308.75, ce qui correspond à une indemnité de CHF 16'781,70.

S'y ajoute la majoration forfaitaire de 10% (vu l'importance de l'activité déployée), soit CHF 1'678,20, mais pas la TVA vu le domicile à l'étranger de la partie plaignante, soit un total de CHF 18'459,90.

 

 

*****


PAR CES MOTIFS,
LA COUR,

statuant sur le siège:

Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTCR/3/2014 rendu le 6 juin 2014 par le Tribunal criminel dans la procédure P/69/2008.

Rejette l'appel d'A______.

Admet l'appel joint du Ministère public.

Annule le jugement entrepris dans la mesure où il acquitte A______ du chef d'accusation d'assassinat pour les faits visés sous chiffres II.2 et III.3 de l'acte d'accusation.

Et statuant à nouveau :

Reconnait A______ coupable d'assassinat pour les faits visés sous chiffres II.2 et III.3 de l'acte d'accusation.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Ordonne par décision séparée le maintien d'A______ en détention pour des motifs de sûreté.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 10'000.-.

statuant le 12 juillet 2015 :

Reçoit l'appel interjeté par Me _______ contre la décision DTCR/4/2015 rendue par la Présidente du Tribunal criminel.

Le rejette.

Arrête à CHF 24'659,45 le solde de l'indemnité due à Me _______ en couverture de ses prestations de défenseur d'office de l'appelant pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 18'459,90 l'indemnité due à Me _______ en couverture de ses prestations de conseil juridique gratuit de la partie plaignante pour la procédure d'appel.

Déboute Me _______ et Me _______ pour le surplus.

Condamne Me _______ aux frais liés à l'appel interjeté par lui, lesquels comprennent un émolument de CHF 800.-.

Dit que la procédure est gratuite s'agissant de la taxation des prestations pour la procédure d'appel.

Siégeant :

Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, présidente ; Monsieur Jacques DELIEUTRAZ et Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, juges ; Madame Marie-Louise QUELOZ, Monsieur Roland-Daniel SCHNEEBELI, Monsieur Gregor CHATTON et Madame Monika SOMMER, juges assesseurs ; Madame Sophie ANZEVUI, greffière-juriste.

La greffière-juriste :

Sophie ANZEVUI

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Indications des voies de recours

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP ; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.

Le recours doit être adressé au Tribunal pénal fédéral, 6501 Bellinzone.


 

 

P/69/2008

ÉTAT DE FRAIS

AARP/295/2015

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal criminel :

CHF

297'062.95

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

1'680.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

180.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

10'000.00

Total des frais de la procédure d'appel : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

11'935.00

Total général (première instance + appel) :

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance et d'appel.(Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

 

308'997.95

 

 


 

 

P/69/2008

ÉTAT DE FRAIS

AARP/295/2015

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

240.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

Condamne _______ aux frais de la procédure sur appel contre la décision d'indemnisation DTCR/4/2015.(Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

 

1'115.00