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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2136/2023

JTAPI/428/2024 du 07.05.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;PERMIS DE DÉMOLIR;ZONE DE DÉVELOPPEMENT;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE;AFFECTATION;ZONE
Normes : LPA.65.al2; LPA.60; LGZD.2.al2.letc; LaLAT.19.al2; LCI.106; LPE.24; LCI.14; CEDH.8.al2; RCI.9; LaCC.177; RCI.11.al4; LCI.7.al5
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/338/2023 LCI

JTAPI/354/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 avril 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Cyril AELLEN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT̎

1.             La A______ (ci-après: A______) est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 2______, sise en zone de développement 3, sur son territoire.

2.             Madame B______ et Monsieur C______ sont copropriétaires de la parcelle n° 3______, laquelle jouxte la parcelle n° 1______ précitée.

3.             Ces parcelles sont situées dans le quartier D______.

4.             Dans le cadre de la réalisation dudit quartier, les autorisations DD 4______/1 et DD 4______/2 ont notamment été délivrées les ______ 2017 et ______ 2021, ayant pour objet : « "D______" aménagement d’espaces publics et infrastructures abattage d’arbres ».

5.             Par divers courriers des 19 septembre 2018, 12 août, 16, 17 septembre, 5 octobre 2020, 3, 12 et 16 mars 2021, les époux ont exprimé leur opposition au projet D______ et au chantier de E______ (nom donné au quartier construit en exécution dudit projet).

6.             Par courriel du 7 juillet 2022, faisant suite à un appel téléphonique du même jour, le département du territoire (ci-après : le département) a confirmé à A______ avoir été saisi d’une dénonciation relative au non-respect des niveaux du terrain entre les parcelles nos 3______ et 1______. Avant de se déterminer sur la suite de cette affaire, il l’invitait à lui confirmer, par un géomètre officiel, que les niveaux du terrain avaient bien été respectés.

7.             Par courriel du 8 juillet 2022, A______ a transmis au département le courrier du ______ 2021 adressé par F______ SA, maître d’ouvrage du projet d’aménagement des espaces publics du quartier de E______, au conseil des époux, ainsi que les plans (délimitation et état des lieux) du bureau d’ingénieurs géomètres brevetés G______ Sa (ci-après : le bureau G______).

Elle relevait que les niveaux de l’autorisation étaient respectés et que l’adaptation mentionnée dans le courrier, réalisée à bien plaire, avait pour but d’adoucir la transition entre les parcelles nos 3______ et 1______. Elle entendait toutefois la suspendre au vu de la plainte déposée. Elle se réservait enfin le droit de demander la mise en conformité de la clôture sur la parcelle n° 3______, les relevés de géomètres démontrant qu’elle empiétait sur sa parcelle.

Il ressort du point 1 du courrier du ______ 2021 précité, que « conformément à l’autorisation, un rehaussement d’environ une vingtaine de centimètres a été effectué en bordure limitrophe. Ce dernier a été constaté sur place et reste cohérent par rapport aux relevés effectués par le géomètre avant et après travaux.
(…) Il s’avère que la limite a été scrupuleusement respectée par le projet d’aménagement des Espaces Publics. (…) Cela étant, A______ propose (…) de procéder à un léger retrait des 20 cm en sus à proximité de la limite parcellaire. Cette intervention serait effectuée à bien plaire et sans reconnaissance d’une quelconque faute (…) ».

8.             Par courriel du 27 juillet 2022, le bureau G______, mandaté par A______, a transmis au département une analyse des abords des parcelles concernées, concluant qu’aucune infraction ne pouvait être mise en évidence selon les données à disposition, la précision de ces dernières ainsi que les emprises et la densité des aménagements réalisés étant relativement faibles. L’emprise du projet et les altitudes étaient en conformité avec l’autorisation dans les tolérances admises.

9.             Par courriel du 21 septembre 2022, la cheffe de projet de F______ SA (ci-après : la cheffe de projet) s’est enquise auprès du département de l’avancée du dossier et de sa position vis-à-vis de la dénonciation.

10.         Par courriel du 2 novembre 2022, le département a invité l’intéressée à se déterminer sur la différence du niveau du terrain, d’une vingtaine de centimètres, visible sur les deux photographies non datées, d’avant et après les travaux, qu’il joignait en annexe.

11.         Par courriel du 6 novembre 2022, la cheffe de projet a transmis au département un rapport du 4 novembre 2022 du bureau G______ établi suite à la transmission des deux photographies précitées.

Selon les conclusions dudit rapport, la différence de niveau d’une quinzaine de centimètres apparente sur les photos était de l’ordre de grandeur des incertitudes évoquées (plus ou moins 20 cm). Compte tenu du contexte, des éléments à disposition, des interpolations réalisées et des précisions qu’on pouvait attendre des données existantes, ils confirmaient leur analyse du 27 juillet 2022, à savoir que l’exécution était en conformité avec le projet aux tolérances admises.

12.         Le 16 novembre 2022, un contrôle sur place a été effectué en présence du collaborateur du département en charge du dossier, d’un géomètre du bureau G______ et de la cheffe de projet. Une photographie a notamment été prise dans ce cadre.

13.         Par décision du ______ 2022 (I-5___), le département a informé A______, suite aux vérifications d’usages et au constat effectué sur place le 16 novembre 2022, que le niveau du terrain naturel entre les parcelles nos 3______ et 1______ ne respectait ni l’art. 46C du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) ni les autorisations DD 4______/1 et DD 4______/2.

Par conséquent, il lui ordonnait de procéder à la remise en état du terrain naturel entre lesdites parcelles, dans un délai de soixante jours dès notification de la présente, et lui infligeait une amende de CHF 500.-. Dans ce même délai, un reportage photographie ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en était devrait lui parvenir.

Si elle estimait que son droit d’être entendue n’avait pas entièrement été respecté, malgré les divers courriels échangés, il lui était loisible de lui faire part, par écrit, de tout complément d’explications et/ou d’observations quant aux faits relevés, dans un délai de dix jours.

Suivait l’indication de la voie et du délai de recours.

14.         Par courrier du 16 décembre 2022, sous la plume de son conseil, A______ a sollicité une prolongation de délai au 20 janvier 2023 afin d’exercer son droit d’être entendue, ce qui lui a été accordé mais au 22 décembre 2022.

15.         Par courrier du 20 janvier 2023, A______, sous la plume de son conseil, a transmis ses observations, s’étonnant qu’une décision soit rendue tout en lui donnant simultanément la possibilité de faire valoir son droit d’être entendue, et précisant qu’elle se réservait le droit de compléter ses écritures, dans la mesure où elle n’avait pas encore pu contacter tous les intervenants du projet E______.

La décision du département n’était pas motivée, ce dernier n’évoquant pas les raisons selon lesquelles le niveau du terrain naturel entre les parcelles nos 3______ et 1______ ne respecterait pas l’art. 46C RCI ni en quoi il serait contraire aux autorisations DD 4______/1 et DD 4______/2.

En tout état, les travaux d’aménagement des espaces publics avaient été réalisés conformément auxdites autorisations, en force. En termes de modelage du terrain, l’ensemble des dispositions nécessaires avait été pris par les mandataires en charge du projet et les entreprises responsables de sa réalisation. Elle renvoyait pour le surplus aux rapports détaillés du bureau G______. Au vu des données disponibles, il était impossible de déterminer avec précision le niveau du terrain naturel en limite de la parcelle n° 3______ avant les travaux entrepris en 2018, ni même de déterminer si celui-ci avait été modifié entre 2018 et 2021, de sorte qu’il n’existait pas d’infraction à l’art. 46C RCI.

16.         Par acte du 27 janvier 2023, sous la plume de son conseil, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du ______ 2023, concluant à son annulation sous suite de frais et dépens. Préalablement, il devait être ordonné au département de produire tout échange entre lui-même et ses services concernant les parcelles nos 3______ et 1______ et un délai supplémentaire de deux mois devait lui être accordé pour compléter son recours et produire des moyens de preuves utiles.

Le département avait constaté les faits de manière inexacte. La hauteur litigieuse en bordure de la parcelle des époux n’avait jamais été relevée par des géomètres, pas même lorsque le bureau G______ avait pris les mesures de la parcelle n° 1______ en 2009. Le masterplan ne contenait pas non plus les données relatives à l’altitude du terrain en bordure de la parcelle n° 3______, ces points n’ayant pas été mesurés. Partant, il était matériellement impossible de déterminer quelle était la hauteur de la limite de leur parcelle avant les travaux, celle-ci n’ayant jamais été déterminée par le passé. S’agissant des interpolations effectuées, elles avaient été prises sur un champ gigantesque au sol irrégulier. Ainsi, les points caractéristiques mesurés devaient être relativisés car leur précision était faible. En revanche, les mesures prises récemment étaient conformes aux mesures du masterplan qui avaient été autorisées en l’état. Partant, la construction respectait non seulement les autorisations de construire mais encore ne violait pas
l’art. 46C RCI, la hauteur n’ayant pas été modifiée entre le masterplan et la fin des travaux.

Son droit d’être entendue avait été violé, le département ayant rendu une décision administrative contraignante - tout en lui octroyant un délai pour s’exprimer à cet égard. Or, il ne l’avait jamais informée de son intention de donner une suite favorable à la dénonciation, malgré leurs nombreux échanges et discussions à cet égard. Il ne s’était pas non plus déterminé suite au dernier rapport du bureau G______ ni n’avait indiqué les motifs qui lui permettaient de s’écarter des conclusions dudit rapport ou expliqué en quoi celles-ci ne seraient pas probantes.

L’ordre de remise en état était infondé dans la mesure où les travaux d’aménagement avaient été réalisés conformément aux autorisations de construire DD 4______/1 et DD 4______/2. La décision litigieuse s’écartait de manière arbitraire et sans explications du rapport du bureau G______ du 4 novembre 2022, lequel avait pourtant travaillé sur le projet depuis 2009, détaillé de manière circonstanciée les motifs techniques expliquant la différence possible d’altitude entre les différents plans des parcelles nos 3______ et 1______ et conclu qu’il n’existait aucune infraction de sa part, tous les éléments étant en conformité avec l’autorisation dans les tolérances admises. En tout état, la hauteur du terrain actuel ayant été validée par l’office des autorisations de construire dans le cadre de son autorisation de construire, le département ne pouvait aujourd’hui prétendre que ladite hauteur serait contraire à l’art. 46C RCI, sauf à violer le principe de la bonne foi, abuser de son pouvoir d’appréciation et tomber dans l’arbitraire.

Dans cette mesure, l’amende était également contestée.

Elle a joint un chargé de pièces, dont le rapport sur le projet de construction des D______ de juillet 2016, les rapports du bureau G______ et la correspondance avec les époux.

17.         Par complément de recours du 6 mars 2023, A______ a persisté dans ses arguments et conclusions.

Elle a notamment joint l’attestation globale de conformité relatif aux DD 4______/1 et DD 4______/2.

18.         Dans ses observations du 4 avril 2023, le département a conclu au rejet du recours. Il a transmis son dossier.

Après examen consciencieux du dossier, il avait pu déterminer que le niveau du terrain naturel n’était pas respecté au niveau de la palissade située au Nord de la parcelle n° 3______. D’une part, il était constatable à l’œil nu, en comparant les photographies avant et après travaux transmises le 2 novembre 2022 à la cheffe de projet, que la végétation en bas de la palissade avait été supprimée et que le niveau du terrain naturel y avait été modifié et relevé. D’autre part, lors de la visite sur place du 16 novembre 2022, il avait été relevé que la borne délimitant les parcelles avait été ensevelie après les travaux. La commune et le géomètre du bureau G______ admettaient au demeurant un rehaussement d’environ 20 cm en bordure limitrophe, respectivement une différence de niveau d’une quinzaine de cm, apparente sur les photos.

La recourante avait pour le surplus valablement pu exercer son droit d’être entendue, après, notamment, avoir été informée de la dénonciation. Suite à la visite sur place du 16 novembre 2022, dont elle avait connaissance, elle devait s’attendre à ce qu’une décision lui soit notifiée. Par décision du ______ 2022, en sus de l’ordre de remise en état et de la sanction administrative, la possibilité d’apporter d’éventuelles compléments d’explication et/ou d’observation lui avait été offerte et elle y avait donné suite. La décision querellée, claire et succincte, était valablement motivée, les éléments qu’il avait pris en compte ainsi que son raisonnement y figurant. La commune avait d’ailleurs valablement recouru à son encontre. En tout état, une éventuelle violation du droit d’être entendu pourrait être réparée devant le tribunal.

Au fond, l’ordre de remise en état était conforme et fondé. Les mesures du terrain naturel, avant et après travaux, indiquées dans le rapport du géomètre étaient situées à divers endroits de la parcelle n° 1______ et ne correspondaient pas au cas d’espèce étant donné qu’aucun relevé à la limite entre les parcelles nos 3______ et 1______ n’avait été effectué. Les interpolations effectuées à partir de ces mesures aboutissent à des données estimées - et non exactes - du niveau du terrain naturel en bordure limitrophe. De plus, les démarcations vertes, noires et roses inscrites sur les photos avant et après travaux constituaient trois points différents. Dès lors, faute de similarité, ceux-ci ne pouvaient pas être exploités. Les données précitées ne pouvant être utilisées, il ne les avait pas prises en considération. En revanche, les photographies transmises le 2 novembre 2022 démontraient clairement que le niveau du terrain naturel avait été légèrement rehaussé après travaux, ce qui avait été constaté in situ le 16 novembre 2022. La commune n’expliquait pas en quoi une remise en état ne serait pas possible et cette dernière ne contrevenait pas au principe de la bonne foi, dans la mesure où il n’avait pas créé, par son comportement, des expectatives ou assuré à A______ que le niveau du terrain naturel était légal ou toléré. Il l’avait au contraire questionnée sur la conformité du niveau dudit terrain.

S’agissant de l’attestation globale de conformité du 22 février 2023, elle ne permettait pas de certifier que les travaux respectaient les autorisations de construire concernées. En effet, il s’agissait d’une déclaration émanant du mandataire professionnellement qualifié, lequel attestait de la conformité de la réalisation avec les autorisations délivrées. Or, au vu de la différence de niveau du terrain naturel, l’art. 46C RCI n’étant pas respecté, il avait ordonné la remise en état contestée. Contrairement à ce qu’indiquait le géomètre, il n’accordait enfin aucune tolérance lorsqu’une disposition légale était violée. Dès lors, il ne pouvait être retenu un quelconque abus ou excès de son pouvoir d’appréciation.

Au vu de ce qui précédait, l’amende était fondée dans son principe et son montant, qui se situait dans la fourchette minimum, était proportionné à la faute commise.

19.         Par réplique du 17 mai 2023, A______ a contesté les arguments du département. Vu le rapport du bureau G______ et l’attestation globale de conformité, le département ne pouvait, sur la seule base de photos non datées, décréter qu’elle avait violé la loi et prononcer la décision querellée.

20.         Dans sa duplique du 13 juin 2023, le département a persisté intégralement dans ses observations et conclusions, soulignant que la borne délimitant les parcelles constituait, contrairement aux imprécisions de mesure du rapport du géomètre du 4 novembre 2022, une mesure fiable et précise puisqu’elle déterminait des coordonnées fixes. Le fait qu’elle ait été enterrée après travaux démontrait sans équivoque la modification du niveau du terrain. Enfin, si par l’attestation globale de conformité, le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant attestaient que la réalisation était conforme avec les autorisations délivrées, cela ne l’empêchait pas de s’en assurer.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2019 du 8 juin 2020 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 ; ATA/322/2019 du 26 mars 2019 consid. 3).

5.             La commune se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, laquelle devait conduire à l’annulation de la décision querellée. Par ailleurs, cette dernière n’était pas suffisamment motivée.

6.             Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond
(ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2022 du 24 mars 2023 consid. 4.2 ; ATA/401/2024 du 19 mars 2024 consid. 7.1). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2).

Sa portée est déterminée d’abord par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 125 I 257 consid. 3a). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s’appliquent (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; ATA/1372/2023 du 12 décembre 2023 consid. 5.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1526 p. 518-519). Quant à
l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n’accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_47/2023 du 14 juin 2023 consid. 3.1).

7.             Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3 et les références citées ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5a et les références citées).

8.             Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est pas nulle mais annulable (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/547/2021 du 25 mai 2021 consid. 6a et les références citées). En effet, selon un principe général, la nullité d’un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d’une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3a ; 119 II 147 consid. 4a et les références). En d’autres termes, il n’y a lieu d’admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5.1 ; ATA/547/2021 du 9 juillet 2021 consid. 6a et les références citées). Ainsi, d’après la jurisprudence, la nullité d’une décision n’est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n’entraînent qu’à de rares exceptions la nullité d’une décision ; en revanche, de graves vices de procédure ainsi que l’incompétence qualifiée de l’autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ;
139 II 243 consid. 11.2).

9.             La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, n’est possible que lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références citées ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, ch. 2.2.7.4 p. 322 et ch. 2.3.3.1 p. 362; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1553 s. p. 526 s.). Elle dépend toutefois de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2022 du 8 décembre 2022 consid. 3.2) ; elle peut cependant se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références citées). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

10.         Dans deux procédures récentes, la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : chambre administrative) a jugé que la façon de procéder du département, par laquelle la notification d’une décision vaut dies a quo tout à la fois des délais de recours et d’exercice du droit d’être entendu, violait gravement la définition même dudit droit, retenant que si certes une violation du droit d’être entendu pouvait dans certains cas être réparée dans la procédure judiciaire, tel n’était pas le cas lorsque la violation était grave, comme en l’espèce, et que le renvoi ne constituerait pas une vaine formalité avec pour conséquence un allongement inutile de la procédure (ATA/1305/2023 du 5 décembre 2023 et ATA/1000/2023 du 12 septembre 2023).

11.         En l’espèce, le département a prononcé la décision querellée le ______ 2022 en y mentionnant dûment la voie et le délai de recours, tout en offrant, dans le même document, la possibilité de transmettre un complément d’explications et/ou d’observations quant aux faits relevés dans un délai de dix jours
« si vous estimez que votre droit d’être entendue n’a pas été totalement respecté ».

Le département considère que ledit droit a été respecté, par le biais des courriels des 8, 27 juillet et 6 novembre 2022 en réponse à ses courriers des 7 juillet respectivement 2 novembre 2022. Il relève au surplus que la recourante a été informée de la dénonciation et que suite à la visite sur place du 16 novembre 2022, dont elle avait connaissance, elle devait s’attendre à ce qu’une décision lui soit notifiée. Elle avait en outre saisi la possibilité d’apporter d’éventuels compléments d’explication et/ou d’observation qui lui avait été offerte dans la décision querellée.

Aucune pièce au dossier n’indique toutefois le contenu de la visite sur place, notamment ce qui s’y est dit, en présence du collaborateur du département en charge du dossier, d’un géomètre du bureau G______ et de la cheffe de projet mais d’aucun représentant de A______. Aucun procès-verbal n’a été versé à la procédure, voire peut-être même établi. La visite a servi à réaliser une photographie en gros plan « de la borne enterrée » tenant sur une page de format A4, jointe au dossier. La commune relève par ailleurs à juste titre que le département ne l’a jamais informée de son intention de donner une suite favorable à la dénonciation, malgré leurs nombreux échanges et discussions à cet égard et l’interpellation expresse de la cheffe de projet à ce sujet le 21 septembre 2022. Il ne s’est pas non plus déterminé suite au dernier rapport du bureau G______ ni n’a indiqué les motifs qui lui permettaient de s’écarter des conclusions dudit rapport ou expliqué en quoi celles-ci ne seraient pas probantes avant le prononcé de la décision querellée ni dans le cadre de cette dernière. Il ne peut dès lors être retenu que A______ a pu valablement s’exprimer sur l’ordre de remise en état du terrain naturel de la parcelle n° 1______ qui serait contraire à l’art. 46C RCI, avant que ne soit rendue la décision litigieuse.

Or, la définition du droit d’être entendu comprend précisément, notamment, le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise et celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision.

La façon de procéder du département, par laquelle la notification d’une décision vaut dies a quo tout à la fois des délais de recours et d’exercice du droit d’être entendu viole gravement la définition même dudit droit, comme retenu par la chambre administrative dans les deux jurisprudences précitées. Enfin, si certes une violation du droit d’être entendu peut dans certains cas être réparée dans la procédure judiciaire, tel n’est pas le cas lorsque la violation est grave, comme en l’espèce, et que le renvoi ne constituerait pas une vaine formalité avec pour conséquence un allongement inutile de la procédure.

Partant, conformément aux jurisprudences précitées, au vu de la gravité de la violation du droit d’être entendue de la recourante, du fait que le tribunal ne dispose pas de la compétence d’apprécier l’opportunité de la décision attaquée, celle-ci sera annulée et le dossier retourné au département afin qu’il examine notamment l’opportunité d’éviter une procédure en justice par une discussion entre les parties, s’agissant d’une différence de niveau de plus ou moins 20 cm entre les parcelles nos 3______ et 1______ sans qu’il ne semble ressortir du dossier que le niveau du terrain naturel en limite de la parcelle n° 3______ aurait été déterminé avec précision avant les travaux entrepris en 2018 ni qu’il ne soit possible d’affirmer qu’il n’aurait pas été modifié entre 2018 et 2021 - ce qu’il appartiendra au département d’instruire cas échéant -, voire qu’il octroie à A______ un délai pour qu’elle puisse exercer son droit d’être entendue avant qu’une décision ne soit prise. Dans ces conditions, ce renvoi n’apparait pas une vaine formalité.

12.         Le recours sera en conséquence admis et la décision annulée.

13.         Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et l’avance de frais versée par la recourante lui sera restituée.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à A______, dans la mesure où elle compte plus de dix mille habitants, soit une taille suffisante pour disposer d’un service juridique et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux service d’un avocat (ATA/1223/2021 du 16 novembre 2021 et les références citées ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, ad art. 87 n. 1041 p. 272 s. ;
art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 janvier 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2022 (I-5______) ;

2.             l’admet ;

3.             dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

4.             ordonne la restitution à la recourante de son avance de frais ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier