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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/445/2011

ATA/208/2011 du 29.03.2011 ( PROF ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/445/2011-PROF ATA/208/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 mars 2011

2ème section

dans la cause

 

COMMUNAUTÉ X______
représentée par Me François Membrez, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU

et

Madame L______



EN FAIT

1. Le 13 décembre 2010, la communauté X______, soit Messieurs et Mesdames Y______ (ci-après : la communauté X______) a déposé auprès du Tribunal de première instance une requête en saisie conservatoire provisionnelle et reddition de comptes, dirigée contre Z______ (ci-après : Z______). Suite au décès de X______, la communauté X______ avait entrepris des démarches en vue de bloquer provisionnellement des avoirs bancaires lui revenant et d’obtenir une documentation bancaire afférante à divers comptes contrôlés par ce dernier.

2. Le 25 janvier 2011, Madame L______, avocate, a écrit à Maître François Membrez, conseil de la communauté X______, pour l’aviser qu’elle entendait se constituer pour Z______.

3. Le 26 janvier 2011, par fax, Me Membrez a écrit à sa consœur. Monsieur L______, avocat, son frère, étant administrateur de Z______ et pratiquant au sein de la même étude qu’elle, il y avait un conflit d’intérêts qui devait l’empêcher de se constituer.

4. Le même jour, par retour de fax, Mme L______ a contesté l’existence d’un tel conflit et maintenu sa constitution.

5. Le jour-même encore, Me Membrez a maintenu sa position. Si sa consœur n’obtempérait pas, il saisirait le président du Tribunal civil et la Commission du Barreau (ci-après : la commission).

6. Le 27 janvier 2011, Mme L______ a adressé un courrier au président de la XIIIème chambre du Tribunal de première instance, saisie de la demande de la communauté X______ déposée le 13 décembre 2010, pour l’aviser de sa constitution pour la défense des intérêts de Z______.

7. Le 28 janvier 2011, la communauté X______ a saisi le président de la commission d’une demande de prononcé d’une injonction à titre provisionnel au sens de l’art. 43 al. 3 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10). La commission, statuant par voie de mesures provisionnelles, devait faire interdiction à Mme L______ de représenter Z______ dans la cause C/28753/2010 avec suite de dépens.

8. Le 3 février 2011, la communauté X______ a écrit au président de la commission. Elle élargissait l’injonction urgente qu’elle avait sollicitée. Elle avait reçu de la Cour de justice une demande de réponse à formuler à la suite d’une plainte déposée par Mme L______ auprès de l’autorité de surveillance, contre un commandement de payer qui avait été notifié à Z______.

9. Le président de la commission a écrit au conseil de la communauté X______ par courrier du 4 février 2011 au sujet de son courrier du 28 janvier 2011. La requête était traitée comme une dénonciation et communiquée à l’avocate qu’elle visait pour que celle-ci se détermine. Le bureau de la commission n’avait pas retenu qu’il y avait urgence selon l’art. 43 al. 3 LPAv. La suite de la procédure était réservée et ses mandants seraient informés de celle-ci dans la mesure de leurs droits. L’ouverture d’une procédure disciplinaire était réservée.

10. Le 16 février 2011, la communauté X______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice contre le courrier précité du 4 février 2011. La recourante disposait de la qualité pour recourir et les conditions des art. 60 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) avaient été respectées, s’agissant notamment du délai de recours de dix jours. La commission avait violé la loi en considérant qu’il n’y avait pas urgence. En outre, sa décision n’était pas motivée. Le droit d’être entendu de la communauté X______ avait ainsi été violé. Sur le fond, elle dénonçait une grave violation de l’obligation d’indépendance prévue à l’art. 12 let. b de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) qui impliquait des mesures urgentes.

11. La commission a conclu le 1er mars 2011 à l’irrecevabilité du recours. Les personnes qui, à l’instar de la recourante, la saisissaient d’un complexe de faits concernant un avocat n’avaient pas la qualité de parties mais de dénonciateurs. En l’occurrence, les faits dénoncés faisaient l’objet d’une instruction par la commission, qui avait accordé à l’avocate visée la possibilité de se déterminer. Quant au bureau de la commission, compétent pour prononcer des injonctions urgentes, son président avait estimé qu’il n’y avait pas lieu de statuer avant que l’avocate mise en cause ait exercé son droit d’être entendu. Avec ses écritures, la commission a communiqué une copie de son dossier.

12. Le 1er mars 2011 également, Mme L______ a conclu à l’irrecevabilité du recours. Le courrier du président de la commission du 4 février 2011 n’était pas une décision au sens de l’art. 4 LPA, subsidiairement elle n’était pas susceptible de recours, dès lors qu’il s’agissait d’une décision incidente et qu’elle ne causait pas un préjudice irréparable. Les pouvoirs de représentation de l’avocat constitué pour représenter la communauté X______ étaient contestés. Sur le fond, il n’y avait pas d’urgence. Le recours était infondé.

13. Le 9 mars 2011, le juge délégué a demandé quelles dispositions procédurales, cas échéant quelles décisions, elle avait prises à la suite de la séance plénière du 7 mars 2011.

14. Le 9 mars 2011, la recourante, qui avait reçu un exemplaire des observations des intimés, a persisté dans ses écritures.

15. Le 10 mars 2011, Mme L______ a demandé que le courrier du 9 mars 2011 soit écarté, s’agissant d’une écriture spontanée. Sur le fond, elle contestait avoir admis ou reconnu, même implicitement, quelque fait allégué par la recourante.

16. Le même jour, la commission a répondu au juge délégué que la cause avait été évoquée lors de la séance plénière de la commission du 7 mars 2011. Elle était gardée à juger et serait délibérée au plus tard le 4 avril 2011.

17. Le 16 mars 2011, la commission a communiqué au juge délégué la décision qu’elle avait rendue le 15 mars 2011 et qui avait été notifiée à Mme L______ et au conseil de la recourante. La dénonciation de la communauté X______ était classée.

18. Le même jour, le juge délégué a écrit à Me Membrez en lui impartissant un délai au 23 mars 2011 pour se déterminer sur la suite de la procédure.

19. Le 22 mars 2011, Me Membrez a demandé à pouvoir compléter ses écritures.

20. Par courrier du même jour, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre administrative est l’autorité supérieure de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). Le recours auprès d’elle est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives, au sens des art. 4, 4a, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

2. Sont susceptibles de recours les décisions finales (art. 57 let. a LPA) et les décisions incidentes qui causent un préjudice irréparable vis-à-vis desquelles l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

3. Ont qualité pour recourir les parties à la procédure (art. 60 al. 1 let. a LPA), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA).

4. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/81/2011 du 8 février 2011 et les références citées).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/399/2009 du 25 août 2009 consid. 2a ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3a et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 et 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss).

Pour disposer d’un tel intérêt, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATA/867/2010 du 7 décembre 2010 consid 1 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3 et les références citées).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 ss ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

5. Dans le cas d’espèce, plusieurs questions doivent être traitées en rapport avec la recevabilité du recours, à savoir la qualité de partie de la recourante devant la commission, ainsi que la nature de « décision » de la lettre de la commission du 4 février 2011. Ces questions peuvent être laissées ouvertes en l’état, dès lors que, compte tenu de la décision de la commission du 15 mars 2011 qui tranche le fond du litige, la recourante n’a plus aucun intérêt actuel à obtenir une décision. Faute d’intérêt digne de protection, son recours doit donc être déclaré irrecevable.

6. Un émolument de CHF 1’000.- (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1’000.- allouée à Mme L______ seront mis à la charge de la communauté X______ (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 février 2011 par la communauté X______ contre la décision du 4 février 2011 du président de la Commission du Barreau ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de la communauté X______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à Madame L______, à la charge de la communauté X______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Membrez, avocat de la recourante, à la Commission du Barreau, ainsi qu’à Madame L______.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :