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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2868/2017

ATA/1371/2018 du 18.12.2018 sur JTAPI/360/2018 ( LCI ) , REJETE

Parties : MAURIS Alain-Dominique et autres, MAURIS Damien, MAURIS Huguette, GRAF Marc, CHILLIER Jean Pierre, LEHMANN JACCARD Catherine, GRAF Lilliane / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, GUENIN Olivier, GRAF Georges, GRAF Michel, GRAF Gabriela, HUNI Pascal, GRAF Jean, KAINOS SA, BERGER Jacqueline & CONSORTS, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2868/2017-LCI ATA/1371/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 décembre 2018

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Jean-Pierre CHILLIER
Madame Lilliane GRAF
Monsieur Marc GRAF
Madame Catherine LEHMANN JACCARD
Monsieur
Alain-Dominique MAURIS
Monsieur Damien MAURIS
Madame Huguette MAURIS

représentés par Me Malek Adjadj, avocat

contre

Madame Jacqueline BERGER
Madame Gabriela GRAF
Monsieur Georges GRAF
Monsieur Jean GRAF
Monsieur Michel GRAF
Monsieur Olivier GUENIN
Monsieur Pascal HUNI
KAINOS SA
représentés par Me Andreas Fabjan, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2018 (JTAPI/360/2018)


EN FAIT

1. Madame Jacqueline BERGER et Messieurs Georges, Jean et Michel GRAF sont copropriétaires de la parcelle n° 8'119, de 2'123 m2, sise sur la commune de Bernex, à l'adresse 7, chemin du Gamay.

Sur cette parcelle, située en zone 5, sont cadastrés un hangar de 84 m2 (recensé sous B30 au registre foncier), une habitation à un logement, soit une ferme villageoise de 234 m2 (B27) et une annexe (« autre bâtiment ») de 6 m2 (B28). La ferme a été portée à l'inventaire des sites protégés le 4 octobre 2016.

2. Madame Gabriela et Monsieur Michel GRAF sont copropriétaires de la parcelle n° 8'120 de 707 m2, de la commune de Bernex, à l'adresse 2bis, chemin de la Chapelle. Cette parcelle, sur laquelle est érigée une villa, est contiguë à la parcelle susvisée.

3. En date du 5 juillet 2016, Monsieur Pascal HÜNI, du bureau d'architectes Guenin et Hüni, a déposé une demande de démolition du hangar (B30) et de l'annexe (B28) construits sur la parcelle n° 8'119 ainsi que de la villa présente sur la parcelle n°  8'120. La requête a été enregistrée sous les références M 7'685.

4. Dans le cadre de l'instruction de cette requête, tous les préavis recueillis se sont déclarés favorables au projet, avec ou sans conditions, à l'exception du préavis défavorable de la commune du 14 septembre 2016 « en attente du dossier de demande de construction sur les parcelles n° 8'119 et 8'120 ».

S'agissant notamment du préavis du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) du 28 septembre 2016, il y est fait état d'une visite des lieux que le service avait effectuée en date du 3 mars 2016.

5. Le 7 septembre 2016, Monsieur Olivier GUENIN, du bureau d'architectes précité, a déposé une requête en autorisation de construire huit logements en PPE avec parking souterrain, sur les parcelles 8'119 et 8’120 et la transformation de la ferme agricole en trois logements en PPE. L'indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de ce projet représentait 43.9 % de la surface de la parcelle. La requête a été enregistrée sous les références DD 109'478.

6. Dans le cadre de l'instruction de cette requête, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

- le 14 octobre 2016, la commune s'est déclarée défavorable, sans formuler de motivation ;

- le 18 octobre 2016, la commission d'architecture (ci-après : CA) a apprécié « l'expression contemporaine de l'agrandissement ». Toutefois, elle a demandé de prévoir les modifications suivantes : évaluer la possibilité d'agrandir les chambres, proposer une entrée et un couloir plus généreux tout en adaptant aux normes pour les personnes à mobilité réduite, choisir clairement entre les balcons entièrement en saillie ou des éléments alignés à la façade (style loggia), exprimer en façade les affectations prévues : activités au rez-de-chaussée et logements aux étages. Aussi, la demande de dérogation selon l'art. 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) était en suspens ;

- le 2 novembre 2016, la commune s'est déclarée défavorable, estimant que « ce projet de construction d'un nouveau bâtiment avec cette implantation proche d'un corps de ferme, dont la qualité a été reconnue, ne s'harmonise pas avec le caractère du secteur concerné » ;

- le 9 novembre 2016, la Commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a indiqué que les délégués SCMA et SMS avaient procédé à une visite des lieux en présence des architectes mandataires et du propriétaire. « Considérant la situation de ce mas ancien en bordure du tissu villageois de Bernex mais inclus dans le périmètre de la 5ème zone, elle prend bonne note que les aspects liés à l'implantation, à l'expression architecturale et au suivi de la mise en oeuvre de bâtiment nouveau sont assumés par la commission d'architecture. S'agissant de la transformation de cette ancienne structure rurale, organisée traditionnellement par la juxtaposition de quatre travées et d'un volume comprenant une cave surmontée de deux garages, la commission se réfère à son préavis établi le 18 mai 2016 en phase de consultation. Elle relève que le projet actuel s'inscrit désormais dans un bâtiment inscrit à l'inventaire dont les caractéristiques architecturales et constructives doivent être au mieux préservées. Si elle relève avec satisfaction que le programme ne participe pas d'un bourrage des différentes travées et du volume général », elle a demandé diverses modifications du projet concernant l'intervention sur l'enveloppe bâtie.

7. Suite à la modification du projet par les architectes, les préavis suivants ont été rendus:

- préavis favorable de la CA du 24 janvier 2017 à la dérogation selon l'art. 59 LCI, avec la condition de soumettre les teintes et les matériaux pour approbation avant la commande ;

- préavis favorable du SMS du 1er février 2017 après avoir constaté que le projet répondait aux exigences posées par le préavis de la CMNS du 9 novembre 2016. Le SMS a en outre demandé le respect de conditions sur le choix des matériaux, le traitement des portes et des fenêtres, le châssis de toiture et sur les demis œils-de-bœuf existants. Enfin, le choix des tuiles, l'intervention sur les revêtements de façade ainsi que les opérations sur la pierre de taille devraient être coordonnées avec le délégué du SMS ;

- préavis favorables de la direction générale de l'agriculture et de la nature (DETA-DGAN) des 19 et 28 octobre 2016 ;

- préavis favorable de la direction générale des transports (ci-après : DGT) du 6 février 2017 ;

- préavis favorable de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) du 27 septembre 2016 ;

- préavis favorable de l'office cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN) non daté, sous conditions que les prescriptions et standards énergétiques applicables devaient être respectés, dont le standard HPE. L'OCEN demandait que soient fournis, 30 jours avant le début des travaux, des justificatifs de conformité, dont celui de conformité à un standard HPE.

8. Par décisions du 30 mai 2017, publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et Canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour, le DALE a délivré l'autorisation de construire et l'autorisation de démolir sollicitées.

9. Par acte du 29 juin 2017, Messieurs Alain-Dominique et Damien MAURIS, Madame Huguette MAURIS, Monsieur et Madame Marc et Liliane GRAF, Monsieur Jean-Pierre CHILLIER et Madame Catherine LEHMANN JACCARD ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) concluant à leur annulation, sous suite de frais et dépens.

Les recourants étaient tous propriétaires ou locataires de parcelles sises à proximité des parcelles n° 8'119 et 8'120 de la commune de Bernex, ou leur étaient contiguës. Ces deux parcelles figuraient dans le secteur n° 2 du règlement de construction du village de Bernex daté du 22 novembre 1979 et approuvé par le Conseil d'État le 30 avril 1980, soit le secteur dévolu aux habitations individuelles. Les logements projetés seraient pour partie localisés dans la ferme agricole sise sur la parcelle n° 8'119 et qui serait pour l'occasion transformée en trois unités de logement.

Les recourants faisaient notamment valoir deux violations de l'art. 59 al. 4 LCI. Le DT avait, à tort, considéré que les constructions projetées répondaient à un haut standard de performance énergétique. Il avait erré en retenant que lesdites constructions seraient compatibles avec l'harmonie, le caractère et l'aménagement du quartier. Rien ne permettait en effet d'affirmer que les bâtiments projetés répondraient au standard HPE, le préavis de l'OCEN n'étant pas probant et, au demeurant, cet office n'étant pas assuré que les futures constructions répondraient à ce standard lorsqu'il avait rendu ledit préavis. La pesée des intérêts réalisée par le DT était par ailleurs critiquable car il devait prendre en compte le fait qu'à proximité immédiate des deux parcelles en question, se trouvait un village protégé en zone 4B, de même que de la ferme agricole portée à l'inventaire. Enfin, si le règlement communal n'était pas contraignant, il devait être pris en considération dans l'analyse du caractère justifié de la dérogation en ce qu'il exprimait la position des autorités communales s'agissant de l'urbanisation de la commune. Or le projet contrevenait à ce règlement et nécessitait, pour le surplus, l'octroi de deux dérogations, une basée sur l'art. 59 al. 4 LCI, l'autre sur l'art. 75 al. 3 LCI.

10. Dans leurs observations du 7 août 2017, les intimés ont conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

11. Dans sa réponse du 5 septembre 2017, le DT a conclu au rejet du recours.

12. Les recourants ont produit leur réplique le 9 octobre 2017, en faisant notamment valoir que la démolition du hangar aux fins de la réalisation du projet impliquerait notamment la destruction d'un escalier extérieur se situant à proximité dudit hangar. Or, cet escalier, de par sa valeur patrimoniale, était unique, ce qui ne semblait pas avoir été pris en compte par la CMNS.

13. Le DT a dupliqué, persistant dans ses conclusions. Le grief relatif à l'absence de prise en compte de l'escalier ou de sa valeur patrimoniale dans le cadre de la démolition litigieuse n'était pas étayé, absence au sujet de laquelle les recourants ne faisaient d'ailleurs que substituer leur opinion à celles des instances spécialisées. Pour le surplus, le SMS s'était exprimé favorablement sur le projet de démolition.

14. Les intimés ont également persisté dans leurs conclusions.

15. Par jugement du 19 avril 2018, le TAPI a rejeté le recours.

16. Par acte du 22 mai 2018, les consorts MAURIS ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à ce que le jugement précité soit réformé et l’autorisation de construire annulée.

Selon eux, il convenait d’assimiler le règlement de construction adopté par la commune de Bernex à un plan directeur localisé, ayant force obligatoire pour le département. La question n’était pas de savoir si le règlement était « justiciable », mais de déterminer si le département pouvait s’en écarter. Le département aurait dû concilier les intérêts divergents, à savoir ceux poursuivis par le règlement (densification modérée, affectation villas préservée, sauvegarde du caractère villageois du village de Bernex) avec ceux, contraires, militant pour une densification plus intensive de la zone villa. De façon incohérente, le TAPI s’était prévalu du plan directeur cantonal 2030, en particulier sa fiche A 04, laquelle n’était pas non plus « justiciable ». La CA ne s’était pas déterminée sur la prise en compte du règlement.

Alors que le préavis de la CMNS était nécessaire s’agissant d’un rural et d’une parcelle inventoriés, les deux préavis produits n’émanaient pas de cette instance. Les préavis de la SCMA et du SMS étaient incohérents. Ils exigeaient de préserver le caractère architectural et matériel de l’ancien rural alors même que la destruction de l’escalier menant à la cave et le retraitement complet d’une façade étaient prévus. Ils ne se prononçaient pas sur ces modifications, voire destructions. Incomplets ils ne pouvaient être suivis.

Enfin, l’art. 75 LCI était violé. Le nombre de quatre logements autorisés dépassait le nombre règlementaire, sans qu’une dérogation n’ait été accordée.

17. Le département et les intimés ont conclu au rejet du recours.

Leurs arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

18. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur l’autorisation de construire délivrée par le département avec la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, dans le cadre d’une parcelle qui n’est pas identifiée par le schéma directeur cantonal du PDCn 2030 pour une densification de la zone villa par modification de zone.

3. a. Selon l’art. 22 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), une autorisation de construire est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone.

La 5ème zone est une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19
al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

Selon l’art. 58 LCI, les constructions en 5ème zone sont édifiées en ordre contigu ou non contigu (al. 1). Est réputée en ordre contigu, l’édification de deux maisons au moins, réunies par un mur mitoyen ou par une construction de peu d’importance et disposant chacune de son propre accès de plain-pied (al. 2).

En cinquième zone, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 1 LCI).

Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (ci-après : THPE), reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI, dans sa teneur en vigueur depuis le 26 janvier 2013).

b. La compatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier exigée par l’art. 59 al. 4 LCI est une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/653/2014 du 19 août 2014 ; ATA/849/2005 du 13 décembre 2005 et la jurisprudence citée).

c. En l’espèce, les recourants contestent que le département ait été autorisé à s’éloigner du règlement communal sur les constructions. Ils fondent leur argumentation sur un arrêt de la chambre de céans (ATA/13/2016 du 12 janvier 2016).

Ledit plan a été entériné par le Conseil municipal de la commune de Bernex le 6 novembre 1979 puis adopté par le Conseil d’État le 30 avril 1980. L’arrêt précité relevait qu’il n’avait jamais été adapté, alors même que de très nombreuses dispositions du droit de la construction et de l’aménagement du territoire avaient été modifiées depuis lors, notamment dans le but de favoriser une utilisation judicieuse du sol et la densification des zones bâties. Le règlement avait de moins en moins été respecté au cours de années, à tel point que le TAPI avait appliqué dans le cas concerné le principe de l’égalité dans l’illégalité. Dans ces conditions, la qualification de « plan d’affectation » que la jurisprudence avait donné au règlement en 1997, avec la force obligatoire que cela impliquait en particulier pour l’art. 4 de ce texte, lequel fixait un indice d'utilisation maximum des terrains dans certains secteurs, ne pouvait être maintenue (ATA/13/2016 précité consid. 4c).

En conséquence, au vu de ladite jurisprudence, le raisonnement des recourants selon lequel dès lors que ledit plan ne répond plus aux exigences d’un plan d’affectation, il doit être considéré comme un plan directeur, n’est pas soutenable.

C’est à bon droit que le TAPI a considéré que le règlement n’avait plus à être pris en considération par le département.

4. Dans un second argument, les recourants reprochent au département de s’être fondé sur le préavis de la CA au détriment de celui, négatif, de la commune.

a. Avant d’autoriser un projet de construction en cinquième zone, dont la densité correspond à celle prévue par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, le département doit recueillir les appréciations de la CA, respectivement celles de la commune du lieu de situation exprimées sous forme de préavis rendu par l’exécutif municipal (art. 59 al. 4 let. a LCI ; art. 48 let. h et 30 al. 1 let. s a contrario de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5j ; ATA/1382/2017 du 10 octobre 2017 consid. 4 et les références citées). Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/873/2018 du 28 août 2018 consid. 5b ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 5). Dans le système prévu par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/699/2015 du 30 juin 2015).

La délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11c ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/699/2015 précité).

c. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références citées). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/373/2016 précité). De même, s’agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d’examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 précité).

d. En l’espèce, le préavis de la CA est positif. En absence d’élément particulier, y compris dans le préavis défavorable de la commune du 2 novembre 2016, le département devait suivre l’avis de la CA. Celle-ci a examiné le projet avec soin. Le 18 octobre 2016, elle avait exigé des modifications. Elle relevait qu’elle appréciait l’expression contemporaine de l’agrandissement. La dérogation était en suspens. Le 24 janvier 2017, elle a préavisé favorablement, y compris pour la dérogation, les modifications souhaitées ayant été apportées.

Contrairement à ce que soutiennent les recourants, au vu du considérant qui précède, la CA n’avait pas à se déterminer sur le règlement communal.

5. Dans un troisième grief, les recourants contestent la validité et, subsidiairement le bien-fondé du préavis de la CMNS.

a. Il n’est pas contesté que le projet porte sur la transformation d’une ferme agricole portée à l’inventaire et que le préavis de la CMNS était obligatoire (art. 9 LPMNS ; 5 al. 2 let. c RPMNS).

Le premier préavis a été rédigé le 9 novembre 2016 par la sous-commission monuments et antiquités (ci-après : SCMA) de la CMNS. Cette délégation est prévue par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), notamment l’art. 47 al 3, tant dans sa teneur en vigueur au moment du préavis, à savoir qu’elle pouvait déléguer ses pouvoirs à des sous-commissions permanentes ou occasionnelles, que dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 18 novembre 2017 selon laquelle elle peut déléguer ses pouvoirs à des sous-commissions permanentes ainsi qu’à l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS).

La SCMA était prévue par l’art. 3 al. 1 let. b du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01) dans sa teneur à l’époque du préavis. En l’état, l’art. 3 al. 1 RPMNS précise qu’une liste des sous-commissions et des attributions qui leur sont déléguées est dressée en début de chaque législature.

b. Le second préavis a été rédigé par le SMS le 1er février 2017. À teneur de l’art. 47 al. 1 LPMNS, la CMNS est consultative. Elle donne son préavis sur tous les objets qui, en raison de la matière, sont de son ressort. Depuis le 18 novembre 2017, l’alinéa 1 a été complété par la mention que la CMNS se prononce en principe une seule fois sur chaque demande d’autorisation, les éventuels préavis complémentaires étant donnés par l’OPS par délégation de la commission.

Se pose en conséquence la question du droit applicable.

Selon la doctrine et la jurisprudence, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l’affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d’une façon générale qu’une demande d’autorisation de bâtir déposée sous l’empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l’autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit ; les particuliers doivent en effet toujours s’attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 299 ; ATA/56/2013 du 29 janvier 2013). En statuant sur une demande d’autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l’arbitraire, ni ne viole une disposition impérative ou la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/56/2013 précité ; ATA/22/2009 du 13 janvier 2009 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 2012, p. 194-195).

En conséquence, le préavis de la CMNS a été valablement donné par le SMS en application de l’art. 47 al 1 LPMNS dans sa teneur actuelle.

c. Les recourants contestent la signature du second préavis. Or, il s’agit de la personne en charge du secrétariat de la CMNS à l’époque. Conformément aux art. 48 LPMNS et 4 al. 6 RPMNS, le secrétariat de la CMNS est assuré par le département. La signature est en conséquence valable.

d. Les recourants contestent la cohérence des préavis de la CMNA et du SMS qui prônent la conservation du bâtiment tout en autorisant la destruction de l’escalier de la cave et le retraitement de la façade.

Les préavis querellés sont détaillés. Ils ont été établis après un déplacement sur place des personnes amenées à préaviser. Après avoir examiné in situ et de visu les lieux, la CMNS a sollicité plusieurs modifications au projet. Elle a procédé à un examen fouillé du projet. Rien n’indique que les délégués n’auraient pas pris en considération l’escalier litigieux, dont la valeur patrimoniale n’est au demeurant qu’alléguée par les recourants. Enfin, la démolition de l’escalier est mentionnée sur les plans soumis à autorisation.

6. Dans un dernier grief, les recourants invoquent une violation de l’art. 75 LCI.

a. L’art. 75 LCI règle la question du nombre de logements en 5ème zone. Chaque construction ne peut pas comporter en principe plus de quatre logements (art. 75 al. 1 LCI). Le département peut accorder des dérogations pour des constructions édifiées en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé (art. 75 al. 3 LCI).

Il ressort des travaux préparatoires du nouvel art. 59 al. 4 let. a LCI (détaillés notamment dans l’ATA/1460/2017 du 31 octobre 2017 consid. 2e ) entré en vigueur le 26 janvier 2013 que l’implantation d’habitat groupé, devait modifier, à terme, la configuration de la zone villa. Il ne s'agissait plus forcément de la villa au sens compris autrefois, mais bien d'une nouvelle forme d'habitat groupé, plus contemporaine. À la différence de l'habitat en ordre contigu, l’habitat groupé n’impose pas d'entrée de plain-pied pour chaque logement. Le législateur a eu conscience de cette évolution et a souhaité encourager la réalisation de ces nouvelles formes d’habitat (groupé ou en ordre contigu), lorsqu’il a augmenté les indices d’utilisation du sol dérogatoires susceptibles d’être appliqués dans cette zone (cf. l’intervention de Monsieur Christophe AUMEUNIER, rapporteur de majorité, lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC 2012-2013 II D/9 p. 788 ss). Il a considéré cette évolution comme une réponse utile et nécessaire par rapport aux problèmes de l’exiguïté du territoire et de la pénurie de logements et manifesté sa volonté d’appliquer l’art. 59 al. 4 let. a LCI partout où les dérogations prescrites pouvaient avoir lieu (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6d ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 consid. 8b).

b. En l’espèce, le projet prévoit huit logements en PPE, sous forme d’habitat groupé. Conformément à la jurisprudence précitée, même si la dérogation prévue à l’art. 75 al. 3 LCI n’est pas expressément mentionnée par le département dans l’autorisation de construire, il y a lieu de considérer qu’en autorisant le projet litigieux, celui-ci a accepté cette dérogation, à tout le moins implicitement, sans qu’un abus ou un excès de son pouvoir d’appréciation ne puisse lui être reproché.

7. En tous points infondés, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.- est mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'500 est allouée aux intimés, défendus par un conseil, qui y ont conclu, à la charge des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mai 2018 par Monsieur Jean-Pierre CHILLIER, Madame Liliane GRAF, Monsieur Marc GRAF, Madame Catherine LEHMANN JACCARD, Monsieur Alain-Dominique MAURIS, Monsieur Damien MAURIS, Madame Huguette MAURIS contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge conjointe et solidaire de Monsieur Jean-Pierre CHILLIER, Madame Liliane GRAF, Monsieur Marc GRAF, Madame Catherine LEHMANN JACCARD, Monsieur Alain-Dominique MAURIS, Monsieur Damien MAURIS, Madame Huguette MAURIS ;

alloue une indemnité de CHF 1’500.- à Madame Jacqueline BERGER, Madame Gabriela GRAF, Monsieur Georges GRAF, Monsieur Jean GRAF, Monsieur Michel GRAF, Monsieur Olivier GUENIN, Monsieur Pascal HUNI, KAINOS SA, pris conjointement et solidairement, à la charge de Monsieur Jean-Pierre CHILLIER, Madame Liliane GRAF, Monsieur Marc GRAF, Madame Catherine LEHMANN JACCARD, Monsieur Alain-Dominique MAURIS, Monsieur Damien MAURIS, Madame Huguette MAURIS, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek Adjadj, avocat des recourants, à Me Andreas Fabjan, avocat des intimés, au département du territoire-oac, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :