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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1779/2013

ATA/1157/2018 du 30.10.2018 sur JTAPI/1324/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; 5E ZONE ; CLÔTURE ; DOMAINE PUBLIC ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONSTATATION DES FAITS ; ABUS DE DROIT ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; PRESCRIPTION ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; PROPORTIONNALITÉ ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; AMENDE ; REMISE EN L'ÉTAT ; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LaLAT.19; RCI.10B; LRoutes.78; LRoutes.77; LAT.22; LRoutes.59.al5; RTEDP.6.al3; LRoutes.59.al6; Cst.29.al2; LPA.41; LPA.61; LCI.1; LCI.112; LCI.15; LCI.3.al7.leta; RCI.9.al2; RCI.11.al4; CC.2.al2; LPA.65.al2; LCI.3.al3; LCI.129; LCI.130; LCI.131; Cst.9; Cst.5.al2; Cst.27; Cst.36; LCI.137; LDPu.12; LDPu.13; LRoutes.56.al1; LRoutes.57.al1; LDPu.15; LDPu.3; LGéo.17; RUDP.1; LRoutes.56.al2; LRoutes.77
Parties : LEMANIA ENERGY SA / COMMUNE DE BERNEX, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Résumé : Refus d'autorisation de construire et remise en état confirmées, la hauteur de la clôture étant supérieure à 2 m et son installation n'ayant pas fait l'objet de l'accord de la commune propriétaire. La recourante ne peut pas se prévaloir du délai de prescription de trente ans pour s'opposer à la remise en état. De plus, les aménagements de la recourante se situent sur le domaine public communal et la commune est en droit d'ordonner à la recourante de libérer sa parcelle. Recours rejetés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1779/2013-LCI ATA/1157/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2018

3ème section

 

dans la cause

 

LEMANIA ENERGY SA
représentée par Me Frédéric Serra et Me Yaël Hayat, avocats

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE – OAC

et

COMMUNE DE BERNEX
représentée par Me Nicolas Wisard, avocat

_________


Recours contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2017 (JTAPI/1321/2017 et JTAPI/1324/2017)


EN FAIT

1. Lemania Energy SA (ci-après : Lemania) est une société anonyme ayant son siège à Bernex qui a pour but la production et le montage d'équipements liés à la production d'électricité et utilisés par des garages, ainsi que l'importation et l'exportation de ces produits.

2. Monsieur Tommaso CASARELLA, administrateur unique de Lemania, est propriétaire depuis 1998 des parcelles nos 3'128 et 3'130 feuille 29 de la commune de Bernex (ci-après : la commune), situées aux adresses 1, route du Merley et 390, rue de Bernex.

Ces parcelles, d’une surface respective de 2'990m2 et 1'853 m2, sises en zone 5 villas, abritent notamment les locaux de Lemania et empiètent en partie sur la parcelle n° 7'639, à l'angle de la rue de Bernex et la route du Merley.

3. La parcelle n° 7'639, d’une surface de 5'769 m2 et appartenant au domaine public communal, est constituée principalement par une portion de la chaussée de la rue de Bernex allant du chemin de Bonne à la route de Laconnex, ainsi que de celle du début de la route du Merley. À l’angle de la rue de Bernex et de la rue du Merley, la parcelle s’élargit, débordant la chaussée, pour couvrir le triangle situé entre les deux voies sur environ 195 m2.

4. Les parcelles nos 3'128, 3'130 et 7'639 se situent dans le périmètre du plan 27304-507, adopté le 30 avril 1980 par le Conseil d'État, annexé au règlement de construction du village.

5. a. Le 8 juillet 2011, un inspecteur de l'office des autorisations de construire a effectué un contrôle sur place et a constaté l'existence d'une palissade opaque en serrurerie sur un muret en béton totalisant une hauteur moyenne de 2 m et délimitant la parcelle n° 3'130 – alors qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une demande d'autorisation de construire –, de divers matériaux de construction et containers (type maritime) entreposés sur les parcelles nos 3'128 et 3'130, de couverts aménagés entre certains containers et d'un entreposage par juxtaposition (quatre containers) et superposition atteignant une hauteur d'environ 9 m sur la parcelle n° 3'128.

b. Le 28 novembre 2011, l'inspecteur de l'office des autorisations de construire a procédé à un nouveau contrôle sur place, accompagné notamment d'un collaborateur de la commune et a constaté deux logements dans le bâtiment B 550 sur la parcelle n° 3'128 ne correspondant pas à l'affectation officielle enregistrée (atelier). De plus, les logements comprenaient des pièces de vie ne respectant pas la législation applicable sur les baies et vues droites, et l'éclairage des locaux d'habitation. Le reste du volume du bâtiment était affecté aux activités professionnelles. Des couverts en tôle ondulée reliaient des containers. Ces objets n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation de construire. Ces couverts semblaient servir à l'entreposage de matériel, mais également à de petits ateliers. Les quatre containers juxtaposés sur deux niveaux avaient été déposés devant un mur avec palissade qui s'élevait jusqu'à une hauteur d'environ 9 m. Elle délimitait la parcelle n° 3'130 aux deux tiers de son périmètre. Cet objet n'avait pas été autorisé.

Des photographies de l'extérieur et de l'intérieur du site avaient été prises.

6. a. Le 29 août 2011, M. CASARELLA a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département), une demande d’autorisation de construire enregistrée sous n° APA 35'393 en vue de la construction d’un muret et d’une clôture en limite de propriété avec portails et emplacement containers, ainsi que de la démolition de la clôture légère, pour faciliter l’entrée et la sortie des camions.

b. Par décision du 16 avril 2013, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

7. Le 2 avril 2012, le département a invité Lemania à lui fournir, dans un délai de dix jours, ses observations en ce qui concernait les containers maritimes empilés dans la cour (certains recouverts de toiture ondulée et doublés par des parois en bois), les couverts pour dépôt, l'activité artisanale de l'entreprise non conforme à la zone 5 et qui générait du bruit « semble-il au-delà des valeurs limites de ladite zone » et les travaux intérieurs réalisés (logements) sans autorisation.

Le courrier du département faisait suite à plusieurs contrôles (les 8 juillet et 28 novembre 2011) sur place par un inspecteur de l'office des autorisations de construire accompagné notamment d'un collaborateur de la commune pour la seconde visite, dont le rapport d'infraction daté du 16 février 2012, accompagné de photographies, faisait état que certains aménagements industriels sur les parcelles nos 3'128 et 3'130 avaient été effectués sans autorisation.

8. Le 17 avril 2012, Lemania a répondu avoir posé le toit ondulé pour protéger le bois à l'extérieur et être disposée à le retirer en cas de problème, avoir refait les bureaux et l'entrepôt afin de stocker tout son matériel. Elle travaillait de bonne foi depuis quinze ans dans le respect du voisinage et aucun bruit ou pollution ne sortait de l'entrepôt, contrairement à ce qui était engendré par les deux menuiseries précédemment sur le site.

9. Le 11 mai 2012, le département a enjoint Lemania à déposer une requête en autorisation de construire pour les travaux portant sur l'aménagement de surfaces artisanales sur les parcelles nos 3'128 et 3'130, les clôtures, la palissade et les portails sur les mêmes parcelles, les couverts créés sur la parcelle n° 3'128, les containers (sur les parcelles nos 3'128 et 3'130) et ceux superposés (parcelle n° 3'128), ainsi que le « changement d'affectation (d'un atelier en deux logements) constaté dans le bâtiment n° 550 situé sur la parcelle n° 3'128 ».

La décision du département à cet égard, de même que toutes mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient, en l'état, réservées.

10. Cette décision a fait l'objet d'un rappel en date du 16 juillet 2012.

11. Le 31 octobre 2012, par l'intermédiaire de son architecte, l'atelier d'architecture Roulin & Vianu SA (ci-après : l'architecte), Lemania a déposé une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée auprès du département, portant uniquement sur la construction d'un dépôt (bâtiment de peu d'importance) et d'une clôture sur muret à l'angle de la route du Merley et de la rue de Bernex. La demande a été enregistrée sous n° APA 37'551.

Dans le courrier accompagnant la demande déposée, l'architecte a répondu au courrier du département du 11 mai 2012, précisant que les autres éléments mentionnés dans le courrier précité ne faisaient pas l'objet de la demande et seraient traités directement par le propriétaire.

12. Le 27 novembre 2012, vu que Lemania n'avait pas donné la suite qu'il convenait au courrier du 11 mai 2012, le département lui a imparti un ultime délai au 20 décembre 2012 pour déposer une autorisation de construire. Par ailleurs, une amende de CHF 2'000.- lui a été infligée du fait qu'elle n'avait pas donné suite à l'injonction du département et malgré les rappels qui lui avaient été adressés.

13. Le 28 novembre 2012, Lemania a indiqué au département avoir mandaté son architecte afin de répondre à sa demande et maintenir sa position quant à l'utilisation des containers, indispensables à son exploitation.

Par ailleurs, les appartements avaient été transformés en bureaux afin que l'affectation du lieu soit respectée.

14. Le 10 décembre 2012, la commune a informé M. CASARELLA et Lemania qu'elle avait constaté, dans le cadre de la procédure d’examen de la demande d’autorisation de construire APA 35'393, que des constructions et installations, exploitées par Lemania, empiétaient sur le domaine public communal (parcelle n° 7'639) sans qu’aucune permission ou concession domaniale n’ait été requise. L'assiette du bâtiment sur la parcelle communale était d'environ 29 m2. La surface de l'emprise sur le domaine public en raison de ce bâtiment et de l'espace adjacent jusqu'à la clôture qui le bordait, était de l'ordre de 195 m2. De plus, les places de parking situées devant l'entrée du bâtiment principal empiétaient également sur le domaine public communal le long de la rue de Bernex. La surface de l'emprise sur le domaine public était ici de l'ordre de 85 m2.

Par ailleurs, l'exploitation industrielle de Lemania n'était pas conforme à l'affectation de la zone villas.

La commune les a invités à se déterminer sur son intention d’initier une procédure de remise en conformité et a réservé sa créance en paiement de redevances domaniales éludées du fait de l’occupation sans titre de la parcelle.

15. Le même jour, la commune a écrit au département en reprenant les éléments de ses courriers adressés à M. CASARELLA et à Lemania, précisant qu'elle était opposée à l'octroi d'autorisations de construire destinées à régulariser la situation factuelle existante, en raison de la non-conformité de cette situation au régime de la zone 5.

16. Le 13 décembre 2012, le département a informé Lemania que la requête en autorisation de construire APA 37'551 était en cours d'instruction. Toutefois, ladite requête ne réglait pas les points suivants : l'aménagement de surfaces artisanales sur les parcelles nos 3'128 et 3'130, les couverts sur la parcelle no 3'128 et les containers sur les parcelles nos 3'128 et 3'130 et ceux superposés (parcelle n° 3'128).

L'architecte avait confirmé qu'il n'avait pas été mandaté pour régler ces points, dès lors que Lemania avait affirmé s'en charger.

Par conséquent, le département confirmait l'amende de CHF 2'000.- infligée le 27 novembre 2012 et sommait Lemania de déposer dans les dix jours une requête en autorisation de construire pour les aménagements précités.

17. Dans le cadre de l'instruction de la requête d'autorisation de construire APA 37'551, la commune a, le 24 janvier 2013, préavisé défavorablement le projet, compte tenu de l'empiètement public communal d'installations et d'aménagements, ainsi que de la non-conformité de ceux-ci avec la 5ème zone.

18. Le 11 février 2013, M. CASARELLA et Lemania ont donné suite au courrier de la commune du 10 décembre 2012 et lui ont remis leurs observations.

19. Par décision du 3 mai 2013, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire pour le dépôt et la clôture sur les parcelles nos 3'128 et 3'130 (APA/37'551-3).

La limitation légale de hauteur de 2 m n'était pas respectée. Par ailleurs, la clôture, de par ses dimensions et sa situation, était de nature à nuire au caractère du quartier. Il n'y avait pas lieu de déroger à l'art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Ainsi l'aménagement d'un dépôt, utilisé à des fins de stockage de matériel, n'était pas conforme à l'affectation de la zone dans laquelle il se situait. De plus, la commune avait émis un préavis défavorable le 24 janvier 2013. Enfin, la clôture projetée empiétait sur la parcelle n° 7'639 et nécessitait par conséquent l'accord de son propriétaire, soit la commune, qui avait clairement manifesté son refus.

20. Par décision du même jour, le département a ordonné à Lemania de remettre à l'état d'origine la clôture dans un délai de soixante jours. Les éléments de construction réalisés sans droit ne pouvaient être maintenus en l'état. Par ailleurs, le département a infligé à Lemania une amende administrative de CHF 2'000.-. Le montant tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise.

21. Le 8 mai 2013, la commune a déposé une demande d’autorisation de construire auprès du département, enregistrée sous le n° DD 105'888, pour une modération du trafic sur les routes de Merley et de Laconnex, ainsi que sur la rue de Bernex.

L'autorisation a été accordée le 4 octobre 2013 et par jugement du 15 mai 2014 (JTAPI/518/2014), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours de Lemania qui s’était opposée à l’autorisation DD 105'888. Ce jugement est en force.

22. Par acte formé le 3 juin 2013, Lemania a recouru auprès du TAPI contre la décision du département du 3 mai 2013 ordonnant la remise en état d'origine de la clôture et lui infligeant une amende administrative. Elle a conclu, préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans le cadre du recours contre le refus d'autorisation de construire et à ce qu'un transport sur place soit organisé. Principalement, elle a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'elle soit autorisée à maintenir la clôture dans son état actuel. Le tout « sous suite de frais et dépens ».

Avant son acquisition par Lemania en 1998, le site en question était occupé par une menuiserie et le bâtiment était d'ores et déjà entouré d'une clôture en bordure de la voie publique. De même, les constructions et installations empiétaient déjà sur la parcelle n° 7'639 appartement à la commune. L'exploitation des lieux s'était exercée sans changement notable depuis son arrivée en 1998, soit il y avait plus de quinze ans déjà et l'empiètement communal ressortait de l'avis de cadastre effectué dans le cadre d'une opération de mutation n° 76/2002 du 13 décembre 2002. Suite à l'injonction du département du 11 mai 2012, elle avait immédiatement ôté les couverts créés sur la parcelle n° 3'128 et transformé les logements en bureaux. La remise à l'état d'origine de la clôture, préexistante à son acquisition du site en question, représentait une atteinte grave aux intérêts de Lemania qui avait poursuivi de bonne foi l'empiètement sur le domaine public, lequel était connu et durablement toléré par les autorités, de sorte que cette mesure était disproportionnée.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1779/2013.

23. Par acte formé le 6 juin 2013, Lemania a recouru auprès du TAPI contre la décision de refus d'autorisation de construire du département du 3 mai 2013
(APA 37'551-3). Elle a conclu préalablement à ce qu'un transport sur place soit organisé. Principalement, elle a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'elle soit autorisée à construire une clôture et un dépôt sur les parcelles nos 3'128 et 3'130. Le tout « sous suite de frais et dépens ».

La clôture en question était inférieure à 2 m de hauteur et seule la clôture non modifiée, soit celle qui existait du temps de la menuiserie, excédait la hauteur prescrite. Le département avait par ailleurs rendu sa décision sans requérir de préavis, si ce n'était celui de la commune qui ne faisait en rien état d'une nuisance au caractère du quartier. Il ressortait en réalité du dossier et des photographies annexées au recours que la clôture n'avait été aménagée par Lemania que dans le souci d'améliorer son aspect extérieur. Dès lors que l'exploitation précédente consacrait déjà un empiètement sur le domaine public, elle l'avait poursuivi de bonne foi sans légitimement craindre que cet état de fait lui serait reproché et son utilisation ne consacrait pas une violation d'un intérêt prépondérant susceptible de s'y opposer. Enfin, elle ne contestait pas le refus de construction d'un dépôt sur les parcelles nos 3'128 et 3'130 et était disposée à le remettre en état. Il était toutefois relevé qu'une autorisation dérogatoire devrait être octroyée afin de lui permettre d'exercer son activité telle qu'elle le faisait depuis près de quinze ans, activité qui ne pouvait être considérée comme créatrice de nuisances graves pour le voisinage.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1811/2013.

24. Le 11 juillet 2013 dans le cadre de la procédure A/1811/2013, la commune a conclu notamment au rejet du recours formé contre le refus de l'autorisation de construire APA 37'551-3 du 3 mai 2013, « sous suite de dépens ».

25. Par deux écritures séparées du 5 août 2013 dans les causes A/1779/2013 et A/1811/2013, le département a conclu, préalablement à la jonction des causes. Principalement, il a conclu au rejet des recours et à la confirmation du refus de l'autorisation APA 37'551-3 du 3 mai 2013, « sous suite de dépens ».

26. Par décision du 9 août 2013, faisant suite aux observations du 11 février 2013 de M. CASARELLA et de Lemania, la commune a sommé M. CASARELLA de remettre en conformité la parcelle n° 3'130 en procédant :

- à la démolition du bâtiment B 1'043 ;

- à la démolition de la clôture bordant le même bâtiment ;

- à l’élimination du tracé des places de parking situées devant l’entrée du bâtiment principal B 451 qui empiétaient sur le domaine public communal le long de rue de Bernex.

Près de la moitié du bâtiment B 1'043 et l'espace bétonné qui s'étendait jusqu'à la clôture, et la clôture elle-même, empiétaient sur le domaine public communal. La surface de l'emprise sur le domaine public en raison de ce bâtiment et de l'espace adjacent jusqu'à la clôture qui le bordait était de l'ordre de 195 m2. Un délai de six mois lui était imparti pour exécuter la décision. Il en allait de même des places de parking situées devant l'entrée du bâtiment principal (B 451), le long de la rue de Bernex, la surface de l'empiètement étant de l'ordre de 85 m2.

Enfin, en contrepartie de l’utilisation sans droit du domaine public, la commune réclamait le paiement rétroactif d’un montant de CHF 16'800.- à payer dans le délai de trente jours, correspondant à l’utilisation de 280 m2 pendant cinq ans au prix de CHF 12.- le m2. Le prix était fixé par analogie avec les montants usuels des rentes de superficie pour des terrains sis en zone industrielle et artisanale. La commune n’admettait pas pour autant la conformité de l’exploitation industrielle de l’entreprise avec la zone villas.

La décision indiquait comme voie de recours la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

27. Par acte du 9 septembre 2013, Lemania a recouru auprès de la chambre administrative à l’encontre de la décision de la commune du 9 août 2013, concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure A/1811/2013 pendante par-devant le TAPI. Principalement, elle a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'elle soit autorisée à occuper la parcelle n° 7'639, ainsi que, subsidiairement, au renvoi de la cause à la commune pour nouvelle décision au sens des considérants.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2877/2013.

28. Le 11 septembre 2013, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties lors de laquelle elles ont accepté la jonction des procédures sous la cause A/1779/2013.

a. Le représentant de Lemania a rappelé que le bâtiment B 1'043 empiétait déjà sur le domaine public alors qu'il était exploité par l'ancienne menuiserie, avant l'installation de l'entreprise en 1998.

Lemania avait procédé à l'enlèvement des couverts figurant sur les photographies n° 41 et 43 produites par le département et avoir déposé une demande d'autorisation, enregistrée sous APA 37'551-3, pour le cabanon figurant sur la photographie n° 42.

Le représentant de Lemania a confirmé que la société avait demandé à son architecte de déposer une demande uniquement pour le dépôt et la clôture.

Ils avaient adressé un courrier au département le 17 avril 2012 pour lui expliquer l'exploitation quotidienne des containers, qui n'étaient pas des éléments fixes installés sur la parcelle.

b. Selon le conseil de la commune, le bâtiment B 1'043 avait été cadastré le 13 décembre 2002. Les constructions concernant ce bâtiment avaient été réalisées entre 2001 et 2002, sans autorisation.

C'était essentiellement l'activité industrielle de Lemania, qui ne correspondait pas à l'affectation de la zone, qui constituait le vrai problème.

La commune ignorait la date de la construction du bâtiment B 1'043 et de la palissade. Elle avait pris connaissance de la cadastration que récemment, dans le cadre de la procédure d'infraction.

c. Le conseil de Lemania a sollicité l'audition du menuisier afin qu'il puisse confirmer que le bâtiment B 1'043 et la palissade empiétaient déjà à son époque sur le domaine public.

29. Par décision du 15 octobre 2013, le TAPI a prononcé la suspension de la procédure A/1779/2013 jusqu'à droit jugé dans la cause A/2877/2013 pendante devant la chambre administrative.

30. Par arrêt du 3 juin 2014 (ATA/374/2014), dans la cause A/2877/2013, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté le 9 septembre 2013 par Lemania contre la décision de la commune de Bernex du 9 août 2013 et l'a transmis, avec les pièces produites, au TAPI pour raison de compétence.

Le TAPI a ouvert une procédure sous le numéro de cause A/4235/2013.

31. Le 12 août 2014 dans la cause A/4235/2013, la commune a conclu au rejet du recours de Lemania du 9 septembre 2013 et à ce qu'il lui soit interdit d'occuper la parcelle n° 7'639, « sous suite de frais et dépens ».

32. Le 5 novembre 2014, une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue par-devant le TAPI dans la cause A/4235/2013.

a. Selon le représentant de la commune, le projet de modération de trafic touchait quasiment à sa fin, laquelle devrait intervenir d'ici au 15 novembre 2014 (DD 105'888). Le projet de modération ne touchait pas les empiètements de construction de Lemania sur le domaine public. Afin d'avancer les travaux de modération, la commune avait pris le parti de déconnecter le projet par rapport aux parties empiétées compte tenu du litige actuel. Rien ne l'empêcherait de modifier la modération ultérieurement et d'élargir le trottoir.

Il existait trois portails sur la route de Merley pour accéder aux parcelles de la société. La suppression de la partie empiétée ne nuirait en rien aux activités de Lemania. Pour le représentant de Lemania, l'espace occupé par le bâtiment B 1'043 leur permettait de l'utiliser pour le stockage des marchandises. La société n'avait plus d'autres places pour stocker ces marchandises. Elle avait essayé d'entamer des pourparlers pour louer ou payer une redevance, mais la commune avait refusé de rentrer en matière. Lemania était prête à acheter ces parties qui empiétaient sur le domaine public et à recevoir une offre de la commune.

b. Le représentant de Lemania a expliqué que, lors de l'achat des parcelles, la société ne s'était pas rendue compte qu'il y avait un empiètement sur le domaine public. Le notaire n'avait pas fait état de cet empiètement et de leur côté, Lemania n'était pas en mesure d'analyser les plans du géomètre. En tout état, la société ne savait pas qu'il y avait déjà un bâtiment édifié à cet endroit (B 1'043), à l'angle de la rue de Bernex et de la route de Merley, outre une clôture qui existait toujours.

Quant aux places de parking aménagées sur la rue de Bernex, empiétant sur le domaine public, la société les avait supprimées. Toutefois, les camions les utilisaient encore régulièrement pour le chargement et le déchargement des marchandises. Le représentant de la commune a exposé à ce sujet qu'il n'était pas allé vérifier la suppression des places de parking. En revanche, l'utilisation par les camions de l'emplacement empiétait sur le trottoir et obligeait les piétons à contourner l'obstacle. Pour le représentant de Lemania, il ne s'agissait pas d'un obstacle qui mettrait la sécurité des piétons en danger. Le chargement et le déchargement des marchandises impliquaient une occupation temporaire de l'emplacement, même si cela se faisait quotidiennement. La suppression de l'empiètement, qui représentait près de 280 m2, ne permettrait plus à la société d'exploiter correctement ses activités. L'endroit correspondait pour l'instant au seul endroit dont la société pouvait disposer pour le chargement et déchargement. Les camions pouvaient reculer et charger la marchandise sans difficulté. Ils utilisaient également un autre endroit pour le chargement côté route de Merley.

c. Au terme de l'audience, les parties ont sollicité la suspension de l'instruction du recours pour mener des pourparlers.

L'instruction de cette procédure a ainsi été suspendue le 5 novembre 2014 et a été reprise le 5 octobre 2016

33. Le 18 octobre 2016, dans la cause A/4235/2013, la commune a informé le TAPI que, depuis la suspension de la procédure, les travaux de réaménagement de la route du Merley avaient été réalisés, produisant des photographies prises le 10 octobre 2016 de la situation actuelle. Celles-ci démontraient que les abords du site de Lemania n'étaient pas encore configurés de façon à garantir des espaces adéquats pour le passage des piétons le long du site sur le côté sud de la route du Merley. Cela valait également pour la rue de Bernex. Partant, l'intérêt public à la conservation du domaine public et à la protection de l'usage du domaine public en faveur des piétons et des voitures devait être pris en considération dans la pondération des intérêts en présence.

34. Le 26 octobre 2016, Lemania a rappelé que la commune avait réalisé in extenso les travaux de modération de trafic en faisant abstraction des parcelles litigieuses. L'intérêt public visant au réaménagement de la route de Merley dont s'était prévalue la commune n'était donc plus d'actualité. Dans un même temps, la décision querellée risquait toujours de porter gravement atteinte à sa liberté économique, étant précisé que le maintien en l'état des parcelles litigieuses demeurait absolument nécessaire à la poursuite des activités commerciales de la société, de sorte qu'elle persistait dans ses conclusions. Elle sollicitait la mise en œuvre d'un transport sur place, la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties, ainsi que la possibilité de formuler des observations finales.

35. Le 19 janvier 2017, une nouvelle audience de comparution personnelle s'est tenue devant le TAPI dans la cause A/4235/2013.

Le représentant de la commune a confirmé que les places de parking avaient été supprimées, à l'exception de deux places devant l'habitation de M. CASARELLA. Il existait donc toujours un petit empiètement qu'il ne pouvait toutefois pas mesurer. Demeurait également un empiètement lorsque les camions déchargeaient sur la rue de Bernex, ce qui avait étonné le représentant de Lemania, dans la mesure où il y avait cinq déchargements en moyenne par jour [recte : par semaine], alors qu'avant, les voitures restaient parquées toute la journée. Selon le conseil de Lemania, à la suite du réaménagement de la route de Merley, c'était le seul endroit où les camions de l'entreprise pouvaient décharger. Si on supprimait cet emplacement, il ne resterait plus qu'à l'entreprise, qui employait soixante collaborateurs, à arrêter son activité. Aujourd'hui, la situation s'était améliorée, l'empiètement avait diminué plus ou moins de la moitié, vu qu'il y avait une suppression des places de parking et que les camions ne pouvaient plus décharger que d'un côté. Avant, les voitures se parquaient toute la journée alors que maintenant, il n'y avait plus que des camions qui déchargeaient et il s'agissait donc d'un empiètement temporaire.

S'agissant des négociations, elles avaient bien eu lieu, mais n'avaient pas abouti. De nouveaux pourparlers étaient espérés. L'audition de deux personnes (Messieurs Daniel AFFOLTER et Louis GENÈVE) serait intéressante s'agissant de la date de construction du bâtiment B 1'043.

Selon le représentant de Lemania, il n'était pas possible de décharger les gros camions par la route de Merley à cause des voitures parquées. Le bâtiment B 1'043 et la clôture étaient érigés depuis plus de cinquante ans, ce que le conseil de la commune contestait, précisant qu'ils n'avaient pas pu remonter plus loin que 2002 au cadastre où ce bâtiment était effectivement indiqué, mais sans que la commune n'ait été informée de la construction. Lemania n'avait jamais requis d'autorisation de construire pour les couverts et les containers car ils avaient été supprimés. Les deux logements existaient toujours. Lemania avait cherché une solution de déménagement. Elle avait trouvé des locaux à Satigny qui n'étaient malheureusement pas disponibles car les locataires actuels refusaient de partir.

Le représentant de la commune a confirmé que plus loin sur la rue de Bernex en direction de la route de Laconnex, il n'y avait plus de trottoir devant la propriété privée que l'on voyait sur la photographie prise sur « Google Earth », puis ensuite au niveau des parkings publics. Il y avait en revanche un passage piéton juste avant l'arrêt du trottoir, de sorte que les piétons pouvaient traverser la route et rejoindre le trottoir de l'autre côté. Le représentant de Lemania a contesté l'existence du passage piéton. Le représentant de la commune a expliqué que le trottoir qui avait été réalisé ne pouvait pas toujours être utilisé à cause des camions qui déchargeaient. Il n'y avait pas de tolérance possible du point de vue de la sécurité et du risque d'accident.

Le conseil de la commune a enfin précisé, s'agissant du calcul de la redevance, ne pas avoir trouvé d'autre solution que de retenir par analogie les montants usuels des droits de superficie. Il confirmait le montant de la redevance demandé.

36. Le 10 février 2017, dans la cause A/4235/2013, les parties ont persisté dans leurs conclusions, reprenant et développant leurs précédents arguments.

37. Par décision du 9 mai 2017 (DITAI/231/2017), le TAPI a ordonné la reprise de l'instruction dans la cause A/1779/2013.

38. Le 8 juin 2017, le TAPI a procédé à un transport sur place dans la cause A/4235/2013 en présence des parties et a pris des photographies.

39. Le 16 juin 2017, la commune a sollicité la modification et l'ajout de précisions s'agissant du procès-verbal de transport sur place du 8 juin 2017.

40. Le 3 juillet 2017, dans la cause A/4235/2013, les parties ont remis au TAPI leurs observations sur le transport sur place.

Lemania a pris de nouvelles conclusions subsidiaires, tendant à ce qu'elle soit autorisée à occuper la parcelle n° 7'639 et à ce qu'elle soit condamnée à verser une redevance annuelle de CHF 3'360.- à compter de l'entrée en force du jugement, et ce jusqu'à ce que subsistait l'occupation de la parcelle n° 7'639. Elle a souligné que l'impossibilité pour les camions d'accéder à l'intérieur de son site depuis la route du Merley était patente et était la cause des chargements et déchargements opérés du côté de la rue de Bernex auxquels elle était contrainte de procéder depuis le réaménagement effectué par la commune. Le TAPI avait par ailleurs pu constater sur place que son activité n'engendrait aucune nuisance. Les allégations de la commune selon lesquelles les piétons étaient contraints de contourner les camions en état de déchargement parqués devant ses locaux du côté de la rue de Bernex étaient infondées, de même que, partant, l'existence d'un intérêt public à ce propos. Il en allait de même de celui allégué relatif à l'hypothétique nouveau projet de réaménagement de la route du Merley.

Elle a produit en annexe à ses écritures des photographies prises le 22 juin 2017 montrant la présence de camions du côté de la rue de Bernex.

La commune a relevé que si Lemania avait renoncé à recourir contre le jugement TAPI du 15 mai 2014 (JTAPI/518/2014) confirmant l'autorisation de construire portant sur le réaménagement de la route du Merley par la commune, elle ne pouvait aujourd'hui remettre en cause que ledit projet n'avait pas d'impact sur l'accès aux parcelles nos 3'128 et 3'130 et que les aménagements prévus à la route du Merley n'avaient pas restreint plus qu'avant leur réalisation l'accès à ces parcelles aux camions effectivement utilisés. En conclusion, la restitution à la commune de l'aire empiétée à l'angle de la rue de Bernex/route du Merley ne priverait pas Lemania de tout accès camion à son site, contrairement à ses allégations.

41. Le 17 juillet 2017, dans la cause A/4235/2013, Lemania a transmis une « réplique » spontanée aux observations précitées de la commune, rappelant en substance les désagréments qu'elle subissait en raison du réaménagement de la rue du Merley effectué par la commune.

42. Le 23 juin 2017, dans la cause A/1779/2013, la commune a demandé que le procès-verbal du transport sur place du 8 juin 2017 de la cause A/4235/2013 soit versé à la procédure et de le transmettre au département pour une prise de position ou qu'un nouveau transport sur place soit ordonné. Toutefois et si le TAPI estimait cela pas nécessaire, elle ne s'opposait pas à ce que la cause soit gardée à juger et persistait intégralement dans ses observations du 11 juillet 2013.

43. Le 26 juin 2017, le département a indiqué ne pas s'opposer aux mesures d'instruction sollicitées par la commune tout en persistant dans ses conclusions.

44. Le 3 juillet 2017, dans la cause A/1779/2013, Lemania ne s'est pas opposée au versement à la procédure du procès-verbal du transport sur place du 8 juin 2017. Elle avait démontré que la clôture préexistante, ainsi que celle faisant l'objet de la demande d'autorisation de construire, étaient conformes à la réglementation en matière de constructions, en tant qu'elles étaient inférieures à 2 m de hauteur, et que l'aspect esthétique de la clôture dont l'installation était sollicitée était bien meilleur que celui du grillage qui longeait la route du Merley. Elle l'avait d'ailleurs nettement amélioré, de sorte que la demande de remise en état visait à mettre un terme à un état de fait conforme à l'intérêt public. Le résultat auquel aboutissaient les décisions querellées était arbitraire et choquant.

45. Le 15 août 2017, le TAPI, dans la cause A/1779/2013, a transmis au département une copie du procès-verbal du transport sur place qui s'était déroulé le 8 juin 2017 dans le cadre de la procédure A/4235/2013 et a gardé la cause à juger.

46. Par jugement du 14 décembre 2017 (JTAPI/1324/2017), dans la cause A/1779/2013, le TAPI a rejeté les recours de Lemania contre les décisions du département du 3 mai 2013.

Il n'était pas nécessaire de procéder à un nouveau transport sur place comme le demandait la commune dans son courrier du 23 juin 2017.

Lemania avait conclu, dans ses actes de recours des 3 et 6 juin 2013, simplement à l'annulation des décisions du département du 3 mai 2013. Elle ne remettait toutefois pas en cause l'amende de CHF 2'000.- qui lui avait été infligée, ce à juste titre vu que son prononcé faisait l'objet d'une décision de l'autorité intimée du 27 novembre 2012, entrée en force, que la décision querellée n'avait fait que reprendre, au motif, semblait-il, qu’elle ne l'avait toujours pas payée. De même, elle avait expressément indiqué dans ses écritures ne pas contester le refus d'autorisation de construire concernant le dépôt. Le TAPI n'avait pas la compétence de statuer sur la question de la conformité de l'activité industrielle de Lemania à la zone 5, puisque les décisions dont étaient recours n'en traitaient pas et que l'examen du tribunal était limité à l’objet de la décision attaquée.

Selon les plans visés ne varietur par le département, et sur lesquels il avait fondé sa décision, la hauteur de la clôture dépassait de quelques centimètres la hauteur de 2 m. Les photographies et mesures sur lesquelles se fondaient Lemania pour démontrer le contraire ne lui étaient donc d'aucun secours. Pour ce motif déjà, en l'état du dossier qui lui avait été soumis, le département était bien fondé à refuser l'autorisation de construire de la clôture.

Le résultat serait d'ailleurs le même si l'erreur provenait des plans déposés auprès du département, le fait qu'ils soient faux et non conformes aux exigences légales et réglementaires exigés par l’art. 10B du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI -
L 5 05.01) imposant également au département de refuser l'autorisation.

De plus, la commune, même a posteriori, n'autorisait pas cette construction, comme elle l'avait encore indiqué expressément dans le cadre de la présente procédure. Elle avait au demeurant ouvert une procédure en rétablissement et ordonné à Lemania – en date du 9 août 2013 – de procéder à la démolition de la clôture lui appartenant, procédure pendante par-devant le TAPI sous la cause A/4235/2013. Or, le TAPI avait pu constater, tant à l'examen des plans, des photographies que lors du transport sur place qui avait été diligenté dans la procédure précitée, que la clôture litigieuse empiétait dans une très grande mesure sur le domaine public communal, de sorte que, sans l'autorisation de la commune, elle ne pouvait être érigée sur cette partie, ce qui faisait perdre toute cohérence et utilité à la construction de cette clôture. Pour ce motif encore, le département se devait de refuser l'autorisation de construire la clôture sollicitée.

Lemania ne pouvait pas faire valoir un accord passé avec les autorités, qui ne lui avaient jamais fourni aucune assurance ou promesse quant à la construction de la clôture en question. Le fait que la commune aurait toléré l'empiètement sur le domaine communal, comme le soutenait Lemania, était irrelevant et exorbitant à la présente procédure. Au demeurant, conformément à la jurisprudence, la passivité de l'autorité qui n'intervenait pas immédiatement à l'encontre d'une construction non autorisée n'était pas constitutive d'une autorisation tacite. De plus, le remplacement du grillage par une palissade, qui ne semblait par ailleurs ne pas posséder les mêmes dimensions, avait supprimé toute prétention à un éventuel droit acquis sur le grillage puisqu'il n'existait plus.

Lemania ne précisait pas en quoi ces intérêts « graves » consistaient. Par ailleurs, l'aspect esthétique de la clôture qu’elle évoquait dans ses observations du 3 juillet 2017, si tant est qu'il fût réel, ne serait pas à même de renverser ce qui précédait et à l'emporter sur l'intérêt public à ce qu’une situation conforme au droit fût rétablie.

Cette remise en état ne remettait par ailleurs pas en cause le fonctionnement et le déploiement de l'activité de Lemania, dont le TAPI n'avait pas la compétence ici d'examiner le bien-fondé. Les intérêts de la société étaient essentiellement, si ce n'est exclusivement, de nature pécuniaire et, dans la mesure où elle avait placé l’autorité devant le fait accompli, elle devait s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlaient pour elle.

L'ordre de remise en état était pour le surplus apte à atteindre le but visé puisque la construction de cette clôture n'avait pas été autorisée par la propriétaire de la parcelle sur laquelle elle empiétait en grande mesure. Aucune autre mesure moins restrictive n’étant susceptible d’atteindre le résultat attendu, soit le respect des dispositions légales applicables.

L’ordre de remise en état était donc justifié.

47. Par jugement du même jour (JTAPI/1321/2017), dans la cause A/4235/2013, le TAPI a rejeté le recours de Lemania contre la décision de la commune du 9 août 2013.

Bien que la décision de la commune ne mentionnât aucune base légale, il était tout à fait possible pour Lemania d’en comprendre le sens puisque la décision faisait suite aux observations que cette dernière lui avait transmises le 11 février 2013. Elle avait ainsi eu l’occasion de s’exprimer notamment sur l’empiètement des installations sur le domaine public avant que la commune ne rende sa décision. La commune avait rappelé les faits justifiant sa décision, et notamment le fait que l’utilisation privative du domaine public n’avait jamais fait l’objet d’une autorisation.

De plus, Lemania avait été en mesure d’en comprendre le sens et la portée puisqu'elle avait pu faire valoir tous les griefs utiles dans son recours. Les exigences posées par la jurisprudence étaient ainsi respectées. Au demeurant, une éventuelle violation du droit d’être entendu, sous l’angle de l’obligation de motiver, serait-elle réparée par-devant le TAPI, la commune ayant également motivé sa position dans ses écritures, sur lesquelles Lemania avait eu largement l'occasion de se déterminer.

Les bâtiments B 1'043 et B 1'044, occupés par Lemania, étaient érigés sur la parcelle n° 3'130 et pour partie, de respectivement 28 m2 et 1 m2, sur la parcelle n° 7’639. Un espace goudronné adjacent au bâtiment B 1'043 ainsi qu’une clôture entourant cet espace étaient également situés sur la parcelle n° 7’639, la surface de l'emprise sur le domaine public communal étant de l'ordre de 195 m2. Cet empiétement constituait manifestement un usage accru, voire privatif, du domaine public puisqu’il excluait l’usage commun pour les tiers d’une certaine partie du domaine public, et ce pour une durée indéterminée. Cette utilisation sans droit du domaine public n'était d'ailleurs pas contestée par Lemania. Il était en revanche établi qu’elle avait enlevé les places de parking aménagées sur la rue de Bernex dont l'espace servait toutefois encore au déchargement des camions, de sorte que les piétons disposaient de plus d'espace pour marcher de ce côté de la chaussée, étant encore précisé qu’elle avait exposé que ces déchargements/chargements ne s'élevaient qu'à cinq jours – ouvrables – par semaine, et duraient une demi-heure à une heure. S'agissant enfin du dépôt des bacs à fleurs évoqué par la commune, ceux-ci relevaient de l'usage commun selon la jurisprudence.

L’autorité compétente, soit en l'occurrence la commune, pouvait ordonner diverses mesures lorsque l’état d’une voie publique ou privée, de ses ouvrages d’art ou de ses dépendances, n’était pas conforme aux prescriptions légales (art. 78 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 - LRoutes - L 1 10), à savoir notamment un mode particulier d’utilisation ou l’interdiction d’utiliser une installation ou une chose (art. 77 let. c LRoutes), la remise en état, la réparation et la modification d’une installation ou d’une chose (art. 77 let. d LRoutes) et la suppression d’une installation ou d’une chose (art. 77 let. e LRoutes). En tant que l'ingérence à la liberté économique de Lemania reposait bel et bien sur une base légale.

La commune faisait valoir l’intérêt public à la conservation du domaine public et à la protection de l’usage du domaine public en faveur des piétons et des voitures, lesquels constituaient des intérêts publics usuels en matière d'usage accru du domaine public et dignes de protection. Toutefois, le besoin de réaliser le réaménagement de la route du Merley dont se prévalait initialement la commune dans ses premières écritures avait été réalisé depuis lors et le risque d'accident pour les piétons qu'elle avait évoqué n'avait par ailleurs pas été démontré. La commune faisait cependant valoir aujourd'hui que ce réaménagement n'avait volontairement pas touché le périmètre sur lequel les constructions et installations de Lemania empiétaient pour pouvoir réaliser ces travaux de modération malgré l'existence du litige. La remise en ordre des terrains lui permettrait de disposer d’un espace libre additionnel pour réaménager cette route et celle de Bernex, ce qui garantirait des espaces adéquats pour le passage des piétons et faciliterait également les manœuvres des véhicules. Bien qu'hypothétique, comme Lemania l'avait relevé, il convenait de prendre cet intérêt public en considération, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont la commune disposait en la matière et de son droit à disposer et administrer le domaine public.

Par ailleurs, tant la loi que la jurisprudence reconnaissaient uniquement le droit conditionnel à l'usage du domaine public, sur la base des libertés fondamentales – telle que la liberté économique –, pour l'exercice d'activités qui nécessitaient l'usage du domaine public, l'exercice de cette liberté devant impliquer nécessairement un usage accru domaine public, ce qui relevait d'ailleurs de la logique pure. On pouvait penser au stationnement des taxis sur la voie publique, l'installation d'une terrasse de café ou d'un stand de glace sur le domaine public pour un tenancier ou d'un stand de marché pour un maraîcher, ces activités devant nécessairement être exercées sur le domaine public. Or, Lemania n'avait pas besoin d'utiliser le domaine public pour exercer son activité professionnelle consistant dans la production, le montage et la livraison d’équipements liés à la production d’électricité. Comme elle l'avait d'ailleurs affirmé, c'était par erreur, en reprenant les anciennes installations existantes avant son arrivée en 1998, que son exploitation avait continué à empiéter sur le domaine public. Elle n'avait d'ailleurs pas démontré avoir cherché un autre site de remplacement, même sans succès. Elle pouvait d'autant moins faire valoir la liberté économique sur la parcelle communale en question que son activité n'était pas conforme à la zone 5.

Son intérêt privé consistant à pouvoir continuer son exploitation, composée d'une soixantaine de collaborateurs, ne saurait l'emporter sur l'intérêt public reconnu à la conservation du domaine public et à la protection de l’usage du domaine public invoqué par la commune. En tant que les aménagements, dont la décision litigieuse demandait l'enlèvement, étaient construits de manière illégale – dès lors qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation de construire – la décision de remise en état litigieuse répondait également à l'intérêt public consistant à éviter un usage illégal du domaine public.

Il était regrettable qu’elle n'ait, malgré les répétées invitations du département, toujours pas déposé une autorisation de construire quant à la mise en conformité de son activité industrielle à la zone 5, ni que le département n'ait rendu – en son absence – une décision de rétablissement d'une situation conforme au droit, sur laquelle le TAPI aurait pu cas échéant statuer dans le cadre d'un recours. En l'état, en application du droit fédéral, en l'absence d'autorisation, son activité était illégale, l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) prévoyant qu'aucune construction ou installation ne pouvait être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. Il en allait de même de l'installation de la clôture sur le domaine public dont le TAPI avait confirmé, par jugement rendu le même jour dans la cause parallèle A/1779/2013, son illégalité et l’ordre de remise en état prononcé par le département.

Pour le surplus, la commune avait accordé, dans sa décision, un délai de six mois pour procéder à la remise en conformité des terrains. Par la suspension de la procédure, elle, qui n'avait pas démontré avoir fait d'autres recherches de locaux, avait gagné encore quatre ans pour le faire.

Dans ces circonstances, la commune était justifiée à ordonner la remise en état de sa parcelle et aucune mesure plus souple n'aurait pu y parvenir ou être ordonnée en lieu et place de la décision de remise en état.

La décision litigieuse n'était d'autant pas disproportionnée, encore moins arbitraire, que l'utilisation du domaine public par Lemania n'était pas conforme à la zone et violait ainsi le droit fédéral de l’aménagement du territoire et des constructions.

Elle ne pouvait faire valoir aucun accord avec la commune, qui ne lui avait jamais fourni aucune assurance ou promesse quant à l'exploitation des constructions et installations sur le domaine public. Elle ne saurait par ailleurs faire valoir le fait que la commune aurait toléré cet empiétement pendant toutes ces années – ce qui n'était au demeurant pas démontré –, puisque, conformément à la jurisprudence, la passivité de l'autorité qui n'intervenait pas immédiatement à l'encontre d'une construction non autorisée n'était pas constitutive d'une autorisation tacite.

La commune était donc fondée à requérir la remise en état des installations litigieuses, de même que, par voie de conséquence, à exiger le paiement à titre rétroactif d’une redevance en contrepartie de l'empiètement par la société du domaine public communal.

La commune avait motivé le paiement de la redevance domaniale s’élevant à CHF 16’800.- pour une période de cinq ans en se fondant par analogie sur les montants usuels du prix au mètre carré des rentes de superficie pour des terrains sis en zone industrielle et artisanale, en retenant un prix de CHF 12.- le m2, pour une année, alors que c'était le règlement fixant le tarif des empiétements sur ou sous le domaine public du 21 décembre 1988 (RTEDP - L 1 10.15) qui aurait dû être appliqué.

Toutefois, aucun des empiètements prévus par ce règlement (par exemple travaux, saillies et écriteaux, dépôts, tentes mobiles, marquises, expositions de marchandises, terrasses d’établissements publics, garages pour cycles, attributs de commerces divers, distributeurs d’essence, ancrage, etc.) n'était assimilable à l'empiètement dont il était question ici, lequel comprenait une surface très importante (280 m2) et était exercé sur une longue période. Prévu pour des empiètements mesurant tout au plus quelques dizaine de m2, le RTEDP fixait des montants au mètre carré bien plus élevés que celui fixé par la commune dans la décision querellée, puisque conformément à l'art. 59 al. 5 LRoutes, les montants des taxes pouvaient s'élever jusqu'à CHF 1000.- au m2. À titre d'exemple, le RTEDP prévoyait un tarif de CHF 92.- au m2 à l'année pour les terrasses de cafés et installations analogues dans le secteur 3 (art. 6 al. 3 RTEDP cum art. 59
al. 6 LRoutes). Le fait pour l'autorité intimée de ne pas avoir appliqué le RTEDP dans le cas d'espèce et de s'être fondée par analogie sur des montants usuels des rentes de superficie effectué ne prêtait ainsi pas flanc à la critique.

Le TAPI ne pouvait dès lors que confirmer également le montant infligé à titre de redevance domaniale par la commune, que Lemania ne contestait d'ailleurs pas en soi.

48. Par acte du 30 janvier 2018, Lemania a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 14 décembre 2017 (JTAPI/1324/2017 dans la cause A/1779/2013), concluant à son annulation, à l'annulation du département du 3 mai 2013 refusant de délivrer l'autorisation de construire APA 37'551-3, à l'annulation de la décision du département du 3 mai 2013 infligeant une amende administrative et ordonnant la remise en état à l'origine de la clôture, à ce qu'elle soit autorisée à conserver et maintenir en l'état sa clôture sur la parcelle n° 7'639 de la commune, à ce que le département soit invité à délivrer l'autorisation de construire APA 37'551-3, « sous suite de frais et dépens ».

Elle avait requis à plusieurs reprises l'audition de MM. AFFOLTER et GENÈVE, le premier étant le précédent propriétaire de la parcelle n° 3'130 et le second étant son voisin. Le témoignage de ces personnes était indispensable afin de déterminer la date de construction de la clôture. Il permettrait de confirmer que le délai de prescription permettant d'exiger la démolition des installations litigieuses était atteint. Le TAPI avait refusé cette offre de preuve sans en indiquer les motifs. Il n'avait même pas effectué une appréciation anticipée des preuves. Les auditions étaient déterminantes et avaient été acceptées par les deux parties, de sorte qu'elles ne pouvaient pas être refusées. Son droit d'être entendue avait par conséquent été violé.

Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte en retenant que la hauteur de la clôture dépassait de quelques centimètres la hauteur de 2 m. Il avait rejeté les photographies produites qui démontraient le contraire, sans explications. Le TAPI aurait dû instruire les faits, par exemple en ordonnant un transport sur place, lors duquel la clôture aurait pu être mesurée en présence de toutes les parties.

Les photographies produites démontraient que la clôture était inférieure à 2 m. De plus, la clôture litigieuse avait précisément pour but de protéger le caractère privé de l'entreprise. Elle permettait également de cacher le site et le matériel entreposé dans la cour, ce que la commune lui avait reproché. Elle était en outre d'un esthétisme irréprochable. L'autorisation ne pouvait pas être refusée pour ce motif. Le refus de la commune de donner son accord à l'autorisation de construire, au motif que la clôture empiétait sur sa parcelle, constituait un abus de droit. La commune avait connaissance, depuis plus de trente ans, de l'existence d'une clôture de cette hauteur sur la parcelle n° 7'639. En outre, Lemania avait requis diverses autorisations de construire entre octobre 1999, juillet et août 2000 en lien avec la parcelle n° 3'130. Deux de ces demandes avaient été acceptées par le département. Dans la mesure où les demandes d'autorisation étaient soumises au préavis des communes, la commune en avait été informée et avait probablement donné un préavis favorable. Elle avait donc pu constater, en 1999 et 2000 déjà, que certains aménagements sur la parcelle n° 3'130 empiétaient sur la parcelle n° 7'639. En tout état, elle avait eu connaissance de l'empiètement, puisque ce dernier avait été inscrit au cadastre le 13 décembre 2002 et que le contenu du cadastre était réputé connu. Enfin, la commune avait admis à l'audience du 11 décembre 2013 que son refus d'autoriser la construction n'était pas lié à la hauteur de la clôture ou à l'empiètement sur sa parcelle, mais à l'activité industrielle qui ne correspondait pas à l'affectation de la zone.

L'ordre de mise en conformité n'était pas valable aux motifs que trois des cinq conditions requises n'étaient pas remplies. La clôture était déjà présente sur les parcelles au moment de leur rachat en 1998, et ce depuis plus de cinquante ans. Les modifications esthétiques apportées par Lemania n'avaient rien changé, puisque l'empiètement sur la parcelle n° 7'639 et sa hauteur existaient déjà à cette époque. Il y avait dès lieu d'admettre qu'un délai de plus de trente ans s'était écoulé depuis les travaux litigieux. De plus, le département avait déjà pu constater en octobre 1999, juillet et août 2000 l'empiètement sur la parcelle n° 7'639 appartenant à la commune. L'inscription de l'empiètement pouvait à tout le moins lui être imputée. Le cadastre constituait une assurance, ou à tout le moins un renseignement du département, auquel elle pouvait valablement se fier. En octroyant les autorisations et en faisant inscrire au cadastre l'empiètement litigieux, le département avait adopté un comportement actif envers Lemania, qui pouvait raisonnablement l'interpréter comme une acceptation officielle de l'empiètement sur la parcelle de la commune. Il en allait de même pour la commune. En donnant un préavis favorable aux autorisations de construire, voire en ne s'opposant pas à un quelconque empiètement, la commune était intervenue dans une situation concrète concernant la recourante. La commune avait ainsi sciemment laissé Lemania conserver de bonne foi un ouvrage non réglementaire. Ce comportement allait au-delà d'une simple passivité de l'autorité. La commune était ainsi obligée de tolérer l'ouvrage en question. Le prétendu intérêt public invoqué, soit le rétablissement d'une situation conforme au droit, était contredit par ce qu'avait déclaré la commune à l'audience du 11 septembre 2013, à savoir l'activité industrielle qui ne correspondait pas à l'affectation de la zone. La nature de l'activité exercée sur les parcelles nos 3'128 et 3'130 était inchangée depuis plus de cinquante ans. Elle ne faisait de plus pas l'objet de la présente procédure. Il n'existait dès lors aucun intérêt public valable. De plus, l'intérêt privé de Lemania (une mise en conformité entraînerait une cessation d'activité de l'entreprise et le licenciement d'une soixantaine de salariés) l'emportait sur le soi-disant intérêt public de la commune.

Enfin, la restriction à sa liberté économique était disproportionnée et donc non valable.

La recourante a annexé à son écriture quatre extraits du suivi administratif des dossiers (ci-après : SAD), disponible à l'adresse http://etat.geneve.ch/ sadconsult/sadconsult.asp?WCI=frmConnectionHandler, relatifs à des demandes d'autorisation de construire qu'elle avait déposées en octobre 1999, juillet et août 2000.

49. Par acte du même jour, Lemania a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 14 décembre 2017 (JTAPI/1321/2017 dans la cause A/4235/2013), concluant, préalablement, à la jonction des causes. Principalement, elle a conclu à l'annulation du jugement attaqué, à l'annulation de la décision de la commune du 9 août 2013, à ce qu'elle soit autorisée à occuper la parcelle n° 7'639 de la commune et à ce qu'elle soit autorisée à conserver et maintenir en l'état les bâtiments et installations existants sur la parcelle n° 7'639 de la commune, « sous suite de frais et dépens ».

Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte, dans la mesure où il retenait qu'elle n'avait pas démontré avoir cherché un autre site de remplacement même sans succès. Or, lors de l'audience du 19 janvier 2017, Lemania avait précisé avoir trouvé des locaux à Satigny – ce qui impliquait des recherches préalables – qui s'étaient révélés indisponibles en raison d'un litige en cours avec les locataires.

Son droit d'être entendue avait été violé pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son acte de recours du 30 janvier 2018.

L'argumentation portant sur l'invalidité de l'ordre de mise en conformité rejoignait en grande partie celle exposée dans l'écriture du 30 janvier 2018. S'agissant de l'absence d'intérêts publics prépondérants, le projet communal de réaménagement de la route de Merley avait été réalisé et le risque d'accident pour les piétons n'avait pas été démontré. Son intérêt public était purement hypothétique voire inexistant, vu l'absence de piétons.

Enfin, elle avait déjà supprimé les places de parking et la commune avait pu réaliser son projet de réaménagement de la route de Merley. Elle avait également démontré avoir effectué des recherches quant à un site de remplacement, sans succès. La démolition était déraisonnable vu le dommage que cela entraînerait en comparaison avec le très faible – voire inexistant – passage piétons à l'endroit litigieux. La mesure envisagée allait au-delà du but visé par la commune, but au demeurant atteint puisque le projet de réaménagement avait déjà été effectué. Cette mesure se justifiait d'autant moins vu les déclarations de la commune qui serait prête à vendre les parties litigieuses de la parcelle à la recourante. Une telle vente constituerait une mesure moins restrictive permettant de rétablir la légalité de la situation. Dès lors, la restriction à sa liberté économique était disproportionnée.

50. Par décision du 2 février 2018, le juge délégué a ordonné la jonction des causes A/1779/2013 et A/4235/2013 sous le numéro de cause A/1779/2013.

51. Le 5 février 2018, le TAPI a produit ses dossiers sans formuler d'observations.

52. Le 5 mars 2018, la commune a conclu au rejet des recours et à la confirmation de sa décision de remise en conformité du 9 août 2013, ainsi que la décision de refus d'autorisation de construire APA 37'551 du département du 3 mai 2013, « sous suite de dépens ».

Elle a repris et développé l'argumentation formulée dans ses précédentes écritures, précisant qu'il n'en ressortait pas qu'elle serait disposée à vendre les parcelles litigieuses à la recourante.

Dans la mesure où le domaine public ne se prescrivait pas, même si les témoignages de MM. AFFOLTER et GENÈVE attestaient de l'existence des installations déjà avant l'acquisition de la parcelle par Lemania, cette dernière ne pourrait pas se prévaloir du fait que la commune avait toléré l'empiètement jusqu'à présent pour faire reconnaître qu'elle avait (tacitement) acquis un droit de propriété sur ces terrains.

S'agissant des griefs portant sur le refus d'autorisation de construire du département concernant la clôture, la commune a renvoyé à sa précédente argumentation relative à l'empiètement des constructions et des installations sur le domaine public communal. L'assentiment préalable et sans équivoque du propriétaire du fonds sur lequel une autorisation de construire était sollicitée était une condition de validité de la demande d'autorisation. Force était de constater que Lemania n'avait pas sollicité l'accord de la commune sur laquelle empiétait largement la clôture projetée.

Enfin, le TAPI s'était fondé à juste titre sur les plans déposés par la recourante au département pour retenir que la hauteur de la clôture dépassait de quelques centimètres la hauteur de 2 m. En tout état de cause, la question de la hauteur de la clôture pouvait rester ouverte, puisque le TAPI avait confirmé que Lemania devait déplacer la clôture litigieuse afin qu'elle n'empiète plus sur le domaine public communal.

53. Le 19 mars 2018, le département a conclu au rejet du recours du 30 janvier 2018 contre le jugement du TAPI du 14 décembre 2017 (JTAPI/1324/2017).

Les photographies du dossier permettaient d'appréhender la situation, soit le fait que la clôture préexistante avait été supprimée au profit de celle érigée actuellement en infraction. Cela ressortait également du procès-verbal du transport sur place du 8 juin 2017. La suppression volontaire d'une construction faisait perdre tout droit acquis à son propriétaire. Il n'y avait dès lors pas lieu d'instruire de manière plus détaillée les caractéristiques exactes de l'ancienne clôture.

S'agissant de la hauteur de la clôture, les plans versés lors de la requête en autorisation de construire attestaient d'une hauteur supérieure à 2 m. Pour le surplus, de simples photographies telles que celles produites par Lemania ne permettaient pas de s'assurer de la justesse des chiffres qui y étaient apposés.

La décision de refus d'autorisation de construire était justifiée, dans la mesure où la clôture dépassait la hauteur maximale de 2 m prévue par la législation.

La recourante ne pouvait plus se prévaloir de la prescription trentenaire, les travaux litigieux ayant été réalisés plus récemment. Elle ne pouvait se prévaloir du principe de la bonne foi, puisque le département n'avait jamais fourni une quelconque assurance portant sur les constructions litigieuses. L'ordre de remise en état ne remettait pas en cause le fonctionnement et le déploiement de l'activité de la recourante.

54. Le 18 juin 2018, le juge délégué a procédé à un transport sur place, en présence des parties et de leurs conseils.

Devant les bureaux de la recourante, les lignes blanches qui indiquaient des places de parking avaient été effacées, mais étaient encore repérables. Un train routier était parqué parallèlement à la rue de Bernex, son arrière permettant son déchargement par la rampe, laquelle était en grande partie située sur le domaine public.

Le long de la route de Merley, on pouvait voir la clôture métallique surmontée d'une herse, dont l'enlèvement était demandé par le département, ainsi que la partie encore en grillage, surmontée de deux fils de fer barbelés.

55. Le 19 juin 2018, le juge délégué a transmis aux parties le procès-verbal du transport sur place du 18 juin 2018. Il a également remis des photographies aériennes du lieu dont il était question prises en 1980, 1986, 1991 et 1994. Il en ressortait que le bâtiment B 1'043 avait probablement été édifié entre la photographie réalisée en 1986 et celle de 1991.

56. Le 3 juillet 2018, le département et la commune ont précisé ne pas avoir de remarques éventuelles à formuler sur le procès-verbal du transport sur place du 18 juin 2018.

La recourante a demandé que le procès-verbal soit complété sur trois points, soit que le bâtiment B 1'043 et la clôture existaient déjà lors de l'acquisition des parcelles en 1998 et que c'était en raison du refus de l'autorisation de construire APA 35'393-1 que les camions n'avaient pas d'autres possibilités que d'entrer par la rue de Bernex. Elle persistait également à requérir l'interrogatoire de Lemania, l'audition de MM. AFFOLTER et GENÈVE, ainsi qu'une expertise.

57. Le 17 juillet 2018, la commune a persisté dans ses conclusions.

Elle prenait bonne note que, selon les photographies transmises le 19 juin 2018, le bâtiment B 1'043 avait probablement été édifié entre 1986 et 1991. Dès lors, la recourante ne pouvait pas soutenir que l'ordre de mise en conformité, tel qu'il ressortait de sa décision du 9 août 2013, ne serait pas valable en raison de l'écoulement du délai de plus de trente ans depuis les travaux de réalisation dudit bâtiment, respectivement de la barrière litigieuse.

En tout état de cause, il n'existait pas de prescription acquisitive du terrain au profit de la recourante. Il en découlait par ailleurs que les mesures probatoires, centrées sur la période et les conditions de réalisation des bâtiments identifiées lors du transport sur place, étaient sans pertinence.

58. Le même jour, le département a également persisté dans ses conclusions.

La clôture métallique surmontée d'une herse différait passablement de la clôture grillagée adjacente. Il ne s'agissait dès lors pas d'un « renforcement » d'un grillage par une palissade, mais bien d'une démolition-reconstruction, le grillage ayant disparu.

S'agissant de la hauteur effective de ladite clôture, la chambre administrative avait considéré par le passé que, lorsque les plans et documents étaient inexacts, il n'y avait pas lieu de délivrer une autorisation de construire.

La décision de refus émise dans le cadre de l'APA 35'393 était en force. En outre, la présence des constructions litigieuses en 1998 ne permettait pas encore d'appliquer la prescription trentenaire. Même si le nouveau propriétaire (depuis 1998) n'était pas l'auteur de leur réalisation (perturbateur par comportement), il assumait les conséquences de leur illégalité de par son statut de propriétaire (perturbateur par situation).

S'agissant du bâtiment B 1'043, son existence avait été cachée au département durant de nombreuses années. Selon les plans cadastraux visés ne varietur le 18 juillet 2000, respectivement le 14 août 2000, il n'existait aucune construction à cheval entre la parcelle n° 3'130 et la parcelle communale n° 7'639. Au vu du comportement dolosif du propriétaire dans le cadre des requêtes en autorisations de construire sollicitées par le passé, il ne pouvait pas se prévaloir de la prescription trentenaire, l'écoulement du temps jusqu'à tout le moins au 14 août 2000, ne pouvant être pris en considération en sa faveur. La recourante, soit pour elle M. CASARELLA, ne pouvait pas considérer de bonne foi que le bâtiment n° 1043, nullement mentionné dans les plans, était autorisé.

Le département a joint à ses observations deux extraits du plan cadastral daté du 30 juin 1999, visé ne varietur le 18 juillet 2000, respectivement le 14 août 2000, joint dans le cadre de requêtes d'autorisations de construire déposées en 1999 (APAT 2'022) et 2000 (APAT 2'328).

59. Le 27 août 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Les photographies aériennes transmises attestaient que le bâtiment B 1'043 avait été édifié entre 1986 et 1991. Cela confirmait son argument selon lequel le délai de trente ans nécessaire pour pouvoir se prévaloir de la prescription acquisitive était échu au jour du prononcé de la décision querellée. Contrairement à ce que soutenait la commune, la jurisprudence fédérale était claire et arrêtait à trente ans le délai à partir duquel les autorités ne pouvaient plus ordonner le rétablissement d'une situation conforme au droit. Il serait choquant et contraire à la sécurité du droit que l'autorité puisse contraindre un propriétaire après plus de trente ans à éliminer une situation contraire au droit. Cela se justifiait également pour des raisons pratiques, puisqu'il était extraordinairement difficile d'élucider les circonstances de fait et de droit qui existaient plus de trente ans auparavant.

Dans le cadre des précédentes requêtes d'autorisation de construire, la commune ne s'était jamais opposée à un quelconque empiètement jusqu'au présent litige. Elle avait de plus donné un préavis favorable aux autorisations de construire requises en 1999 et 2000. Elle avait ainsi sciemment laissé la recourante conserver de bonne foi un ouvrage non réglementaire, ce qui allait au-delà d'une simple passivité de l'autorité. Sa bonne foi devait ainsi être protégée.

Enfin, la hauteur de la clôture n'ayant pas été vérifiée, il y avait lieu de considérer qu'une hauteur supérieure de 2 m n'avait pas été établie, de sorte que l'autorisation ne pouvait pas être refusée pour ce motif.

60. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du juge délégué du 28 août 2018.

EN DROIT

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

2. Dans le corps de ses mémoires de recours, la recourante propose son audition, l'audition de MM. AFFOLTER et GENÈVE, précédent propriétaire de la parcelle n° 3'130 pour le premier, et voisin de l'intéressée pour le second. Elle demande également qu'une expertise soit ordonnée et que la commune produise tout document qu'elle détiendrait en lien avec les parcelles nos 3'128 et 3'130. Enfin, le département devait produire ses dossiers quant aux autorisations de construire APAT 2'022-1, APAT 2'022-2, APAT 2'022-3, APAT 2'328.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3).

L’art. 29 al. 2 Cst n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'occurrence, le dossier contient les plans du projet et des photographies. De plus, la chambre de céans a procédé à un transport sur place en date du 18 juin 2018 et la recourante, qui n’a pas de droit à une audition orale (art. 41 LPA), a eu l'occasion de se déterminer à de nombreuses reprises par écrit dans le cadre de la présente procédure.

S'agissant des auditions de témoins requises, de l'expertise et des différentes pièces en main de la commune et du département, la chambre de céans considère que celles-ci n'amèneraient pas d'éléments pertinents supplémentaires susceptibles, par une appréciation anticipée, de modifier son opinion.

Le dossier étant complet et la chambre administrative disposant des éléments nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause, il ne sera pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées par la recourante.

Les requêtes seront écartées.

3. La recourante soutient que le TAPI a violé son droit d'être entendue en n'ayant pas procédé à l'audition de MM. AFFOLTER et GENÈVE.

En l'espèce et comme l'autorise la jurisprudence précitée, le TAPI était en droit de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes. En effet, en procédant par appréciation anticipée des preuves, il a considéré, à juste titre, que le dossier permettait d'examiner les griefs soulevés par la recourante.

Le grief est mal fondé.

4. La recourante considère que le TAPI a constaté de manière inexacte les faits pertinents. Il n'aurait pas pris en considération le fait d'avoir cherché un site de remplacement. De plus, dans la mesure où la hauteur de la clôture était contestée par les parties, le TAPI aurait dû instruire les faits et ne pas rejeter les offres de preuve produites.

a. Le recours à la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents. Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 1 et 2 LPA).

b. S'agissant de la question du site de remplacement, il est vrai qu'à l'audience de comparution personnelle des parties du 19 janvier 2017, le représentant de la recourante a expliqué avoir cherché une solution de déménagement, trouvant des locaux à Satigny qui n'étaient malheureusement pas disponibles car les locataires actuels refusaient de partir.

Toutefois, la recourante n'a fourni aucune pièce prouvant ces déclarations, telle que des échanges de courriers/courriels avec les propriétaires/bailleurs des locaux en question ou des photographies, ni par-devant le TAPI, ni par-devant la chambre de céans.

Le TAPI n'a dès lors pas constaté les faits de manière inexacte en retenant que la recourante n'avait pas « démontré avoir cherché un autre site de remplacement, même sans succès » (JTAPI/1321/2017 précité consid. 26).

Concernant le fait que le TAPI a retenu que la hauteur de la clôture dépassait de quelques centimètres la hauteur de 2 m, la recourante semble plutôt se plaindre d'une violation de son droit d'être entendue.

Or, comme vu supra, au vu des pièces figurant au dossier, parmi lesquelles figurent notamment les plans visés ne varietur sur lesquelles le département a fondé sa décision, le TAPI était en droit de ne pas poursuivre plus avant son instruction, étant précisé que la portée des photographies produites par la recourante sera discutée dans les considérations qui suivent.

Le grief sera écarté.

5. La recourante soutient que l'autorisation de construire APA 37'551-3 (construction d'une clôture et d'un dépôt sur les parcelles nos 3'128 et 3'130) aurait dû être accordée par le département, dans la mesure où la clôture ne dépasse pas 2 m et que le refus de la commune constitue un abus de droit.

a. À teneur de l'art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone et que le terrain est équipé (al. 2). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions. (al. 3).

b. Selon l'art. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (al. 1 let. a). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (al. 6). Aucun travail ne doit être entrepris avant que l’autorisation ait été délivrée (al. 7 1ère phr.).

c. Les murs en bordure d’une voie publique ou privée, ou entre deux propriétés ne peuvent, dans la mesure où ils sont autorisés, excéder une hauteur de 2 m. Le département peut exiger que les ouvrages autorisés soient distants jusqu’à 1,20 m du bord d’une voie publique ou privée. Il peut, en outre, exiger la plantation de végétation (art. 112 LCI).

d. Le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (art. 15
al. 1 LCI). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d’architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (art. 15 al. 2 LCI). Cette disposition renferme une clause d'esthétique, constituant une notion juridique indéterminée.

e. Selon l'art. 3 al. 7 let. a LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d’autorisation relatives à des travaux soumis à l’art. 1 LCI s’ils sont projetés en 5ème zone aux conditions prévues par le titre II, chapitre VI, de la LCI et lorsqu’aucune dérogation n’est sollicitée.

À teneur de l'art. 10B al. 1 RCI, la demande accélérée doit être adressée au département sur formule officielle, en cinq exemplaires. Il y a notamment lieu de joindre, dans la mesure où ils sont nécessaires, les plans, coupes et façades nécessaires à la compréhension du projet (cinq exemplaires) (let. h).

f. Selon la jurisprudence, les exigences formelles imposées par l'art. 9
al. 2 RCI – qui a trait aux plans et documents à joindre lors du dépôt d'une demande définitive d'autorisation de construire – ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter – et de comprendre – les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause (art. 3 al. 2 LCI, 18 RCI ; art. 145 LCI et 60 LPA ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 6b et les arrêts cités).

La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/213/2018 précité consid. 6b et les arrêts cités).

Cette jurisprudence peut s'appliquer mutatis mutandis à la demande accélérée d'autorisation de construire de l'art. 10B RCI, puisque dans les deux types de demandes il y a lieu de joindre les plans des constructions/aménagements projetés.

g. Selon l'art. 11 al. 4 RCI, toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel mandataire professionnellement qualifié, conformément à l’art. 2 al.3 LCI.

Selon la jurisprudence, une requête déposée en vue de la délivrance d’une autorisation de construire doit émaner, ou du moins avoir l’assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s’agit pas d’une simple prescription de forme, car elle permet de s’assurer que les travaux prévus ne sont pas d’emblée exclus et que le propriétaire qui n’entend pas réaliser lui-même l’ouvrage y donne à tout le moins, son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 3b et l'arrêt cité).

h. Selon l'art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CC - RS 210), l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.

i. En l'espèce, la recourante appuie son argumentation sur des photographies de la clôture qu'elle a prises, desquelles il ressort que la clôture en question mesure entre 2 m et 1,84 m suivant les endroits.

Or, il ressort des plans déposés par la recourante auprès du département datés du 28 janvier 2013 que par exemple s'agissant de l'élévation n° 1, la hauteur de la palissade, sur muret existant et donc compris, est de 2,71 m (hauteur de 451,99 m - 449,28 m). Quant à l'élévation n° 3, la palissade a une hauteur de 453,06 m, tandis que le terrain naturel est de 450,94 m. Dès lors, la hauteur de la palissade, muret compris, est de 2,12 m (453,06 m - 450,94 m). La clôture est également supérieure à 2 m selon l'élévation n° 5 (453,78 - 451,75 m = 2,03 m).

Dans la mesure où les travaux doivent correspondre aux plans et que ceux-ci présentent plusieurs dépassements de la hauteur maximale de 2 m imposée par l'art. 112 LCI, le grief de la recourante doit être écarté.

Au surplus, la décision de refus de l'autorisation de construire précise que la clôture, de par ses dimensions et sa situation, est de nature à nuire au caractère du quartier.

La recourante objecte qu'elle est d'un esthétisme irréprochable sans toutefois préciser en quoi elle le serait, contrairement à l'exigence de motivation requise par l'art. 65 al. 2 LPA. Par ailleurs, les jurisprudences citées par la recourante (ATA/20/2015 du 6 janvier 2015 et ATA/981/2014 du 21 décembre 2004) ne lui sont d'aucun secours, au motif qu'elles font référence au caractère privé des jardins, ce qui n'est pas le cas pour la recourante qui exerce une activité commerciale sur les parcelles en question.

Par conséquent, le département était en droit de refuser l'installation de la clôture compte tenu du dépassement de la hauteur maximale de 2 m.

j. S'agissant de la question de l'abus de droit de la commune, la jurisprudence découlant de l'art. 11 al. 4 RCI commande que le requérant d'une autorisation de construire doit au moins avoir l’assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée.

Or, il n'est pas contesté que la clôture, d'ores et déjà érigée, se trouve en partie sur la parcelle n° 7'639 propriété de la commune. Dans sa prise de position du 24 janvier 2013, cette dernière a clairement préavisé défavorablement le projet de la recourante pour ce motif, mais également au motif que le projet était en lien immédiat avec d'autres installations dont la conformité à la zone 5 n'était pas établie. Elle a d'ailleurs précisé qu'elle avait ouvert une procédure en rétablissement de la légalité en vue de faire supprimer l'empiètement illégal sur le domaine public communal.

On ne saurait dès lors suivre la recourante lorsqu'elle soutient que la commune a abusé de son droit, alors même que l'art. 11 al. 4 RCI et la jurisprudence commandent l’assentiment préalable et sans équivoque de cette dernière.

Par ailleurs, le département n'est pas lié par les préavis (art. 3 al. 3 LCI). Ceux-ci n'ont qu’un caractère consultatif et le département reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/1382/2017 du 10 octobre 2017 consid. 4 et les références citées).

Dès lors et même s'il fallait retenir que la commune avait commis un abus de droit en préavisant négativement le projet, le département était en droit de s'en écarter compte tenu du dépassement de la hauteur maximale de 2 m et du fait que l'aménagement d'un dépôt, utilisé à des fins de stockage de matériel, n'est pas conforme à l'affectation de la zone dans laquelle il se situe (art. 19 al. 3 LaLAT), étant précisé que la recourante ne conteste pas ce motif.

Dans ces circonstances, le département était en droit de refuser l'autorisation de construire APA 37'551-3.

6. a. Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et
130 LCI).

b. Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu’il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu’il n’invoque l’urgence (art. 132 al. 1 LCI).

c. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 ocotbre 2018 consid. 6c ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

d. En l'espèce et comme examiné dans les considérations qui précèdent, il est établi que la recourante a érigé une clôture sans droit et que le dépôt projeté n'est pas autorisable.

La recourante se prévaut toutefois du délai de prescription de trente ans et soutient que l'ordre de mise en conformité viole le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité.

7. a. Selon la jurisprudence, le rétablissement d’une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de trente ans s’est écoulé depuis l’exécution des travaux non autorisés (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299 consid. 1). Il serait en effet choquant et contraire à la sécurité du droit que l’autorité puisse contraindre un propriétaire, après plus de trente ans, à éliminer une situation contraire au droit. Une telle solution doit aussi être écartée pour des raisons pratiques, vu la difficulté extraordinaire pour élucider les circonstances de fait et de droit existant plus de trente ans auparavant. Une dérogation à ce principe peut être admise lorsque le rétablissement d’une situation conforme au droit s’impose pour des motifs de police au sens étroit (ATF 107 Ia 121 précité ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 9a).

Cette jurisprudence vise uniquement la question du rétablissement d’une situation conforme au droit. Selon le Tribunal fédéral, le fait qu’une affectation illégale perdure depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et cantonales – et donc le fait que la prescription trentenaire soit acquise – n’a pas pour effet de la rendre licite, mais s’oppose tout au plus à une remise en état des lieux (arrêt du Tribunal fédéral 1A.42/2004 du 16 août 2004 consid. 3.2 confirmant l’ATA/67/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA/635/2018 précité consid. 9b ; ATA/887/2004 du 16 novembre 2004 consid. 5).

b. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_934/2016 du 13 mars 2017 consid. 3.1 ; 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 4 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2016, 7ème éd., p. 141 ss et p. 158 n. 699).

Ainsi, la protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 194 n. 571).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n’est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l’autorité devant un fait accompli doit s’attendre à ce qu’elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 ; ATA/635/2018 précité consid. 9c ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017).

d. L’autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l’intervalle. Même un constructeur qui n’est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/635/2018 précité consid. 9d).

e. S'agissant de la clôture, il n'est pas contesté que celle-ci empiète sur le domaine public de la commune (parcelle n° 7'639) et que la recourante – ou l'entreprise qui était en place avant elle – n'a jamais passé un quelconque accord avec le département ou avec la commune pour sa mise en place.

Dans son écriture du 3 juin 2013, la recourante explique que, depuis la reprise du site en 1998, seuls des travaux portant sur l'amélioration de l'aspect extérieur de la clôture ont été effectués, à l'exclusion de toute modification de son tracé. L'unique but était d'améliorer l'apparence de la clôture et de réduire sa hauteur.

Or, le remplacement des grillages à une date inconnue, mais entre 1998 et le 3 mai 2013 (date de la décision du département de remise à l'état d'origine), qui selon les photographies produites par la recourante mesuraient entre 2,23 m et 2,30 m, par des palissades a fait courir un nouveau délai de trente ans. En effet, on ne saurait valablement soutenir qu'un tel remplacement constitue uniquement une amélioration de l'apparence extérieure, puisque, d'une part, la fonction même d'une palissade n'est pas comparable à celle d'un grillage qui laisse, lui, entrevoir l'intérieur du site, et, d'autre part, les dimensions de la palissade n'étaient pas les mêmes que celles de l'aménagement en place précédemment. L'aspect esthétique de la nouvelle palissade était également important. Une telle opération était donc sujette à autorisation.

Dès lors, il n'est pas choquant ou contraire à la sécurité du droit que le département ordonne la remise en état de la clôture, étant précisé que
l'art. 112 LCI devra être respecté comme analysé ci-dessus et que le domaine public de la commune devra également pris en considération comme cela ressort de la suite du présent arrêt.

Le fait que le département ait autorisé l'entretien et la rénovation des façades d'un bâtiment (APAT 2'022/1) le 2 novembre 1999, le remplacement d'un portail existant (APAT 2'022/2) le 23 février 2000, la création d'un auvent (APAT 2'022/3) le 18 juillet 2000 et la construction d'une piscine le 14 août 2000 (APAT 2'328/1) sur la parcelle n° 3'130 ne peut être considéré comme constituant des assurances dont pourrait se prévaloir la recourante par rapport à la clôture. Ce d'autant moins qu’elle n'a pas fourni les plans détaillés relatifs à ces autorisations qui attesteraient de la présence de cette clôture et de sa hauteur illicite. Par ailleurs et dans la mesure où elle n'a pas précisé la date de remplacement des grillages par la palissade, il n'est pas exclu que ce remplacement ait été effectué postérieurement à la délivrance des autorisations précitées par le département, si bien qu'au moment où le département s'est prononcé sur ces autorisations, il ne savait rien de la hauteur de la clôture. D'ailleurs, le département a produit un extrait du plan cadastral figurant dans les APAT 2'022/2 et APAT 2'328/1 dont il ressort que ni le bâtiment n° 1'043, ni la clôture litigieuse n'apparaissent.

Quant à l'extrait du cadastre du 13 décembre 2002, les hauteurs de la clôture ne sont pas mentionnées, de sorte que la recourante ne peut pas se prévaloir de cette pièce pour invoquer une tolérance du département. Par ailleurs et de la même façon que pour les autorisations précitées, il n'a pas été prouvé que la palissade a été mise en place avant le 14 août 2000, moment où le département a visé ne varietur le plan cadastral dans le cadre de l'APAT/2'328.

Par conséquent, la recourante ne peut pas se prévaloir du principe de la bonne foi par rapport à la palissade.

En érigeant une palissade dépassant les 2 m sur les parcelles nos 3'130 et 7'639, la recourante a placé le département devant le fait accompli et devait ainsi s'attendre à ce que le département se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit. La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient qu'une mise en conformité entraînerait « la mise à mort » de l'entreprise et le licenciement d'une soixantaine de salariés. En effet, le remplacement de la palissade n'empêche pas, en l'état, la recourante de poursuivre ses activités commerciales, étant précisé que la question d'une dérogation à l'art. 19
al. 3 LaLAT ne fait pas l'objet du présent litige.

Dès lors, l'intérêt public à voir le rétablissement d'une situation conforme au droit prévaut sur l'intérêt privé de la recourante à conserver sa clôture telle quelle.

Les griefs sont mal fondés.

8. La recourante considère que l'ordre de mise en conformité viole sa liberté économique.

a. Aux termes de l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2).

La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction à un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2), et proportionnée au but visé (al. 3).

b. En l'espèce et comme vu supra, la clôture ne respecte par la condition de hauteur prévue par l'art. 112 LCI. L'ordre de mise en état qui est prévu par la loi (art. 129 let. e LCI) répond à un intérêt public et la poursuite des activités commerciales de la recourante n'est pas mise en danger par la décision du département du 3 mai 2013. Au surplus, le département n'a pas opté pour les mesures les plus incisives, soit la suppression ou la démolition totale de toute clôture.

Au vu de ces éléments, la décision du département du 3 mai 2013 ne viole pas la liberté économique de la recourante.

Le grief est infondé.

9. Comme analysé ci-dessus, la recourante ne peut pas se prévaloir du délai de de trente ans, du principe de la bonne foi, du fait que l'ordre de remise en état serait disproportionné et d'une violation de sa liberté économique. Ainsi, la recourante peut être qualifiée de contrevenante à la LCI et au RCI, au sens de l’art. 137 al. 1 LCI.

L’amende apparaît ainsi fondée dans son principe.

S'agissant de sa quotité, la recourante ne l'a jamais contesté.

À titre superfétatoire, le montant de CHF 2'000.- n'apparaît pas disproportionné au regard du montant maximum de CHF 150'000.- prévu par la loi et du comportement adopté par l'intéressée.

10. Au vu de ce qui précède, le recours contre le jugement du TAPI du 17 décembre 2017 (JTAPI/1324/2017) sera rejeté.

11. La recourante estime que la commune ne pouvait pas lui ordonner de remettre en conformité la parcelle n° 3'130 en procédant à la démolition du bâtiment B 1'043 et à la démolition de la clôture bordant le même bâtiment.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'une partie des bâtiments B 1'043, B 1'044 ainsi que la clôture qui entoure ces bâtiments sont érigés sur la parcelle n° 7'639 appartenant à la commune et qui fait partie du domaine public communal. Il n'est pas non plus contesté que la recourante – ou l'entreprise qui était en place avant elle – n'a jamais passé un quelconque accord avec la commune pour la mise à disposition privative d'une partie de la parcelle n° 7'639 en sa faveur. Quant à la problématique des places de parking aménagées sur la rue de Bernex, elle n'est plus litigieuse, dans la mesure où la recourante les a supprimées. Toutefois, la recourante semble s'en plaindre dans la mesure où cet espace serait le seul endroit où ses camions pourraient décharger la marchandise.

Elle se prévaut toutefois du délai de prescription de trente ans, du principe de la bonne foi, d'une absence d'intérêts publics prépondérants et de la violation de sa liberté économique.

12. a. Chacun peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d’autrui (art. 12 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 - LDPu - L 1 05 et 55 LRoutes).

Selon les art. 13 LDPu et 56 al. 1 LRoutes, l'établissement de constructions ou d'installations permanentes ou non permanentes sur le domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou commerciales ou toute autre occupation de celui-ci excédant l'usage commun sont subordonnés à une permission.

Les permissions sont accordées par l’autorité communale s’il s’agit d’une voie communale et par l’autorité cantonale dans tous les autres cas. La nécessité de solliciter la délivrance d’une autorisation en vertu de l’art. 7 LRoutes ou en vertu de la LCI est réservée (art. 57 al. 1 LRoutes et 15 LDPu).

b. À teneur de l'art. 3 LDPu, le domaine public ne se prescrit pas.

c. Selon les travaux préparatoires relatifs à l'art. 3 LDPu, la rédaction de cet article a soulevé une réaction d'un député du Grand Conseil. Il proposait la rédaction suivante : « Aucun droit sur le domaine public ne peut être acquis par prescription ». Il souhaitait que ce soient les droits afférents au domaine public qui ne se prescrivent pas, et non pas le domaine public. Sa formule était moins vague et ne prêtait pas à confusion.

Le conseiller d'État de l'époque a toutefois relevé que la formule proposée par le député pourrait laisser planer une certaine équivoque, ne parlant que de droits imprescriptibles.

Il a en outre relevé que le domaine public, du point de vue de la propriété, était imprescriptible. Par la formule proposée, on ne pourrait pas acquérir un droit d'occupation. On ne tranchait pas la question de savoir si on ne pourrait pas éventuellement acquérir un droit de propriété (MGC 1961/II 2148-2150).

d. En l'occurrence, il est douteux que la recourante puisse se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle le rétablissement d’une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de trente ans s’est écoulé depuis l’exécution des travaux non autorisés. En effet, cette jurisprudence vise plus particulièrement un propriétaire d'une parcelle sur laquelle ledit propriétaire a érigé des constructions non conformes au droit. Or, dans la présente cause, la recourante a érigé des aménagements non pas sur sa parcelle mais sur celle de la commune (parcelle n° 7'639).

Cela dit, cette question peut souffrir de rester indécise.

En effet, il ressort des photographies disponibles sous le site https://map.geo.admin.ch/ et transmises aux parties que le bâtiment B 1'043 a été édifié entre 1986 et 1991, de sorte qu'en tout état de cause, le délai de trente ans n'était pas échu lorsque la commune, par sa décision du 9 août 2013, a ordonné à la recourante de démolir le bâtiment B 1'043. S'agissant de la clôture et comme analysé supra, le remplacement du grillage par la palissade à une date inconnue, mais au plus tôt en 1998 a fait partir un nouveau délai de trente ans, si bien que la recourante ne peut pas se prévaloir de la jurisprudence invoquée.

e. S'agissant des autorisations de construire APAT 2'022/1, APAT 2'022/2, APAT 2'022/3, APAT 2'328/1, la recourante n'a pas prouvé que la commune se serait déterminée lors de leur instruction.

Au contraire, il ressort du SAD des autorisations précitées que la commune n'a pas été invitée à formuler de préavis dans le cadre de ces autorisations. Au surplus, ces autorisations concernaient plus particulièrement la parcelle n° 3'130 propriété de la recourante et non pas la parcelle n° 7'639 propriété de la commune.

Quant à la problématique du cadastre, même s'il est réputé connu (art. 17 de la loi fédérale sur la géoinformation du 5 octobre 2007 - Lgéo - RS 510.62), le dossier ne contient aucun élément qui attesterait du fait que la commune avait été associée au processus de cadastration par le bureau d'ingénieurs chargé de procéder au dossier de mutation n° 76/2002 du 13 décembre 2002. Il ressort au contraire de la procédure que ce n'est qu'à la suite du rapport d'infraction du département du 16 février 2012 et à la suite du dépôt de la demande d'autorisation de construire APA 35'393 que la commune a constaté qu'une partie des installations réalisées par la recourante empiétait sur le domaine public communal (parcelle n° 7'639). Son courrier du 10 décembre 2012 au département précise d'ailleurs bien qu'elle n'entendait pas tolérer cette situation. Elle a ainsi, le même jour, écrit à la recourante pour l'informer qu'elle allait engager une procédure de remise en conformité, laquelle a abouti à la décision de la commune du 9 août 2013. Au vu de ces éléments, la recourante ne peut pas invoquer une tolérance, des assurances ou des promesses de la part de la commune.

Par conséquent, la recourante ne peut pas se prévaloir du principe de la bonne foi à propos des aménagements qui se trouvent sur la parcelle n° 7'639 appartenant à la commune.

f. En érigeant des aménagements sur la parcelle n° 7'639, propriété de la commune, la recourante a placé cette dernière devant le fait accompli et devait ainsi s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit. Peu importe à cet égard que les travaux de réaménagement de la route de Merley soient terminés, puisque la commune souhaite disposer d'un espace additionnel pour sécuriser le passage piétons et faciliter les manœuvres des véhicules empruntant cette route. Le fait que le risque d'accident pour les piétons n'avait pas été démontré et une absence de piétons lors du transport sur place du 8 juin 2017 ne saurait modifier cette appréciation vu l'intérêt public en jeu.

De plus, la recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient qu'une mise en conformité entraînerait « la mise à mort » de l'entreprise et le licenciement d'une soixantaine de salariés. En effet, dans le jugement JTAPI/518/2014 (cause A/3707/2013) du 15 mai 2014 ayant pour objet le réaménagement du domaine public sur la route de Merley, le TAPI a rejeté le recours de la recourante qui soutenait que ses camions de marchandises seraient empêchés d'accéder à leur parcelle. Tant les plans visés ne varietur par le département que les modélisations produites par la commune démontraient que le rayon de braquage pour les camions étaient suffisant pour accéder aux parcelles de la recourante (consid. 5.3). En tout état de cause, la recourante n'a pas démontré à satisfaction de droit que l'accès au site par la route de Merley serait impossible.

Dès lors, l'intérêt public à voir le rétablissement d'une situation conforme au droit prévaut sur l'intérêt privé de la recourante à conserver sa zone de déchargement sise sur le domaine public communal.

Les griefs sont mal fondés.

13. Dans un dernier grief, la recourante considère que l'ordre de la commune de mise en conformité relatif à la parcelle n° 3'130 viole sa liberté économique.

a. Selon la jurisprudence cantonale, l’art. 15 LDPu constitue une base légale suffisante pour limiter les libertés (ATA/1348/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_975/2017 du 15 mai 2018, et les arrêts cités).

La compétence communale résulte en outre des art. 56 et 57 LRoutes et de l’art. 1 al. 1 let. b du règlement concernant l’utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12), lesquels prévoient que toute utilisation du domaine public excédant l’usage commun au sens de l’art. 13 LDPu fait l’objet d’une autorisation délivrée par l’autorité communale (ATA/1348/2017 du 3 octobre 2017 consid. 4b et les références citées). Sont visées toutes les situations aboutissant à un usage accru, voire privatif du domaine public (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 69 n. 210 et p. 72 n. 218), notamment tout empiétement, occupation, travail, installation, dépôt ou saillie sur ou sous la voie publique dont les modalités sont fixées par le règlement d'application (art. 56 al. 2 LRoutes).

b. Selon l'art. 78 LRoutes, l’autorité compétente peut ordonner diverses mesures lorsque l’état d’une voie publique ou privée, de ses ouvrages d’art ou de ses dépendances, n’est pas conforme aux prescriptions légales, soit notamment un mode particulier d’utilisation ou l’interdiction d’utiliser une installation ou une chose (art. 77 let. c LRoutes), la remise en état, la réparation et la modification d’une installation ou d’une chose (art. 77 let. d LRoutes), la suppression d’une installation ou d’une chose (art. 77 let. e LRoutes).

c. L’art. 1 al. 2 RUDP prévoit que dans les limites de la loi et le respect des conditions liées à l’octroi de la permission, les particuliers disposent d’un droit à l’utilisation du domaine public excédant l’usage commun si aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. Ce droit est conditionnel, conformément à la jurisprudence, en ce sens qu’il n’est reconnu que dans les limites de la loi et moyennant le respect des conditions liées à l’octroi de la permission. Il ne doit en outre aller à l’encontre d’aucun intérêt prépondérant. L’art. 1 al. 3 RUDP précise que l’autorité compétente tient compte des intérêts légitimes du requérant, de ceux des autres usagers du domaine public et des voisins, de ceux découlant des concessions ou droits d’usage exclusif ainsi que du besoin d’animation de la zone concernée (ATA/749/2018 du 18 juillet 2018 consid. 8f et les arrêts cités).

d. Selon la jurisprudence, la garantie d'un usage commun, pour le public, le moins perturbé possible constitue un intérêt public que l'on doit placer au premier plan ; parmi les intérêts privés, il faut distinguer entre les intérêts idéaux et les autres, notamment les intérêts commerciaux. On doit davantage s'accommoder d'une entrave à l'usage commun ou à d'autres intérêts publics si cette entrave résulte de l'exercice des libertés idéales plutôt que d'autres activités. Lorsque des motifs qui ne sont pas idéaux fondent la prétention à l'usage commun du domaine public, l'intérêt public à ce que l'usage commun ne soit pas troublé peut avoir un plus grand poids ; cela ne viole aucunement la liberté du commerce et de l'industrie si l'on accorde à de purs intérêts commerciaux une importance moins grande qu'à des intérêts idéaux (ATA/646/2014 du 19 août 2014 consid. 9 et l'arrêt cité).

e. En l'espèce, en termes de surface, l'ordre de conformité vise un total de 280 m2 (195 m2 pour le bâtiment B 1'043 avec l'espace adjacent qui le borde + 85 m2 pour les places de parking). Par rapport à la surface de totale de 4'843 m2 (parcelles nos 3'128 et 3'130) sur laquelle s'étend le site de la recourante, les 280 m2 de surface à remettre en conformité sont limités.

Par ailleurs et comme analysé ci-dessus, la recourante ne se voit, en l'état, pas privée de poursuivre ses activités commerciales du fait de la décision de la commune du 9 août 2013. Enfin, elle n'a pas démontré, pièces à l'appui, avoir cherché une solution de déménagement.

Au vu de ces éléments, la décision de la commune du 9 août 2013 ne viole pas la liberté économique de la recourante.

Le grief est infondé.

14. Dans la mesure où la recourante ne remet pas en cause l'appréciation de la commune confirmée en cela par le TAPI s'agissant du délai pour procéder à la remise en conformité, ainsi que s'agissant de la contrepartie financière à l'empiètement, il suffit de renvoyer aux considérants du TAPI, lesquels au demeurant sont exempts d'arbitraire.

15. Au vu de ce qui précède, le recours contre le jugement du TAPI du 17 décembre 2017 (JTAPI/1321/2017) sera rejeté.

16. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune, collectivité publique de plus de 10'000 habitants selon son site internet, taille suffisante pour disposer d’un service juridique, et par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d’un avocat (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1623/2017 du 19 décembre 2017 consid. 17 et les arrêts cités).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 30 janvier 2018 par Lemania Energy SA contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2017 ;

 

au fond :

les rejette ;

met à la charge de Lemania Energy SA un émolument de CHF 2'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Frédéric Serra et Me Yaël Hayat, avocats de la recourante, au département du territoire - oac, à Me Nicolas Wisard, avocat de la commune de Bernex, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :