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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3547/2015

ATA/537/2017 du 09.05.2017 sur JTAPI/542/2016 ( LCI ) , REJETE

Parties : ETHENOZ Marie-Jeanne et autres, RUMLEY Claire-Lise, RUMLEY Méry, RUMLEY Arnaud / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, EGGER Daniel, COMMUNE DE PERLY-CERTOUX
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3547/2015-LCI ATA/537/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Mesdames Marie-Jeanne ETHENOZ, Claire-Lise RUMLEY et Méry RUMLEY, et Monsieur Arnaud RUMLEY
représentés par Me Damien Blanc, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L’AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L’ÉNERGIE - OAC

et

COMMUNE DE PERLY-CERTOUX
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat

et

Monsieur Daniel EGGER
représenté par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2016 (JTAPI/542/2016)


EN FAIT

1. Monsieur Daniel EGGER est depuis 2009, propriétaire de la parcelle n° 902, feuille 5 de la commune de Perly-Certoux, sise en zone 4B protégée, à l’adresse 1, chemin des Catons, sur laquelle un bâtiment d’habitation et d’activités de 219 m2, ainsi qu’un autre petit bâtiment d’environ 10 m2 ont été édifiés.

2. Madame Marie-Jeanne ETHENOZ, Madame Claire-Lise RUMLEY, Madame Méry RUMLEY et Monsieur Arnaud RUMLEY sont copropriétaires de la parcelle n° 122 de la même commune, à l’adresse 3-5, chemin des Catons, voisine de la parcelle de M. EGGER.

Entre les parcelles nos 122 et 902, passe le chemin des Bornaches (DP 946), presque perpendiculairement au chemin des Catons.

3. Le 15 février 2010, M. EGGER a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l’information, devenu aujourd’hui le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le DALE), une demande d’autorisation de construire en vue de la « rénovation d’une maison villageoise (et) création de cinq appartements, une surface commerciale et des parkings extérieurs ». Ce projet (DD 103’437-1) a par la suite été abandonné.

4. Le 29 mai 2013, M. EGGER a sollicité du DALE une autorisation de construire pour la « reconstruction d’un immeuble de cinq logements avec parking » sur l’emprise du bâtiment principal qui avait subi un incendie en 2011.

Ce projet (DD 105’945-1) a été abandonné le 28 octobre 2014.

5. Le 10 novembre 2014, M. EGGER a déposé une nouvelle demande d’autorisation de construire pour la « reconstruction d’un immeuble de cinq logements + huit places de parking », avec « modification du gabarit et des façades ».

La demande a été enregistrée sous le dossier DD 107’400-1 auprès du DALE.

6. Lors de l’instruction de cette demande d’autorisation, les préavis suivants ont notamment été recueillis par le DALE :

- la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) avait, par préavis des 11 novembre 2014 et 2 février 2015, indiqué être favorable à l’octroi de dérogations selon l’art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), relevant que le projet ne respectait pas les distances aux limites et les vues droites par rapport aux parcelles nos 117, 122 et 901, ni les distances entre les bâtiments et le gabarit théorique du bâtiment à construire ;

- la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) avait, par préavis du 2 décembre 2014, demandé un projet modifié, soit « un projet de reconstruction circonscrit dans le cadre-enveloppe du gabarit et du volume du bâtiment d’origine ».

Elle avait relevé que la faisabilité du projet était subordonnée à l’octroi d’une dérogation à l’art. 106 LCI (« distance et vues droit sur les parcelles 177, 901 et 122 ») et avait indiqué avoir examiné ledit projet de reconstruction - suite à un sinistre - au regard des particularités du contexte :

«  - L’édifice détruit avait reçu la valeur 4 au recensement architectural cantonal. Ses qualités patrimoniales avaient été réévaluées suite à une visite sur place d’une déléguée de la commission (cf. préavis du 16 mars 2010). Constatation avait été faite de la perte de substance d’origine suite à de nombreuses transformations successives.

- Les photographies jointes au dossier et les documents émanant de la DD 103’437-1 (abandonnée) montrent l’aspect et le gabarit de l’ancienne bâtisse avant l’incendie et le contexte environnant.

- La proximité directe de constructions et l’étroitesse du chemin du Bornaches impliquent l’octroi d’une dérogation à l’article 106 LCI pour tout programme dense de logements.

En conclusion de ces considérations, la commission rappelle (avoir) spécifié dans son préavis du 27 août 2013 (...) pour une problématique similaire : « Vu l’exiguïté de la parcelle - le bâtiment en occupant la quasi-totalité - vu d’autre part la présence des bâtiments voisins, la commission n’entend pas accorder de dérogation autre que pour un projet de reconstruction dans le gabarit d’origine. Le projet pourrait par ailleurs s’affranchir de l’architecture préexistante ».

La commission avait précisé que cette remarque concernait également le volume enveloppe ;

- le 17 février 2015, la SCA de la CMNS avait, à nouveau, demandé un projet modifié : « Le projet modifié ne répond pas rigoureusement au préavis du 2 décembre 2014 demandant de se limiter au gabarit/volume enveloppe du bâtiment précédent. (...) ». La SCA avait considéré que le projet modifié du 23 janvier 2015 - qui proposait un volume de bâtiment diminué, avec une toiture plate - répondait à ses remarques formulées lors du précédent préavis du 2 décembre 2014 dans la mesure où le nouveau volume s’insérait pratiquement dans le gabarit du bâtiment ancien et que l’échelle était appropriée au regard des habitations avoisinantes. Toutefois, l’architecture proposée - image de fenêtre en bandes - était trop décalée de l’architecture du tissu auquel le bâtiment ancien, détruit, appartenait. Ainsi, le « projet modifié » à fournir devait proposer une architecture qui s’intégrait mieux à ce contexte. Enfin, « vu la proximité directe d’habitations rurales », la SCA avait demandé, d’ores et déjà, de préciser la matérialité de l’enveloppe. Elle avait recommandé de privilégier la mise en œuvre de matériaux traditionnels et des teintes en adéquation avec les qualités du site, compte tenu des directives émises à ce propos pour favoriser l’intégration de nouveaux bâtiments dans la zone 4B protégée ;

- le 27 mars 2015, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) avait émis un préavis favorable, sous conditions, dans ces termes :

« Le service prend connaissance du projet modifié enregistré le 12 mars 2015 et considère qu’il répond aux remarques émises par la commission dans son préavis du 17 février 2015 :

- Expression des percements verticaux

- Façade des étages en bardage et expression de claire-voie

- Occultations solaires en volets coulissants

En conclusion de ces considérations, et dès lors que la commission a admis l’octroi des dérogations à l’article 106 LCI nécessaires à la faisabilité de ce projet, le service émet un avis favorable sous réserves des importantes conditions suivantes :

- (...), le service recommande de privilégier la mise en œuvre de matériaux traditionnels et des teintes en adéquation avec les qualités du site. Vu la proximité directe d’habitations rurales, le service demande d’ores et déjà, faute de renseignements explicites sur ces points, de traiter les menuiseries, bardages et occultations solaires en bois, et de traiter le soubassement en crépi minéral.

- Soumettre au service des monuments et sites, pour accord avant commande des travaux, l’ensemble des détails d’exécution, matériaux et teintes de l’enveloppe et des aménagements extérieurs.

(...) » ;

- le 30 avril 2015, reprenant les termes de ses préavis des 18 décembre 2014 et 20 février 2015, la commune de Perly-Certoux (ci-après : la commune) avait indiqué être défavorable au projet pour les raisons suivantes :

« Le projet proposé est le prototype d’un bâtiment périurbain qui propose une déclinaison architecturale peu adaptée au contexte dans lequel il est sensé s’insérer. Le traitement peu sensible de son architecture ne permet pas d’envisager un accroissement des valeurs du lieu, auquel on pourrait s’attendre en pareille circonstance. La proposition n’est pas convaincante dans sa lecture faite du village de Certoux et par l’insertion peu subtile du projet dans le tissu villageois.

En effet, situé dans un point sensible, à proximité du centre du village de Certoux, sa volumétrie massive et peu articulée nie sa situation particulière.

Nous demandons une finition du toit à deux pans comme le bâtiment original, permettant de faire le lien avec les bâtiments existants.

Le projet est en résumé dénué de sensibilités contextuelles manifestant d’avantage les signes d’une architecture fonctionnelle de la périphérie. L’architecture du bâtiment est très affirmée et en décalage avec l’écriture des bâtiments existants du village. Cette volonté n’affirme pas pour autant une architecture innovante qui puisse se départir avec force de l’existant.

La commune est défavorable à une architecture totalement étrangère à l’environnement bâti.

La commune demande deux places de stationnement par appartement. De plus, le gabarit des boxes n° 1 et 7 apparaît manifestement
sous-dimensionné. L’accès aux boxes n°s 4, 5, et 6, sis sur le chemin des Bornaches, devra être vérifié afin de garantir le dégagement nécessaire pour qu’un véhicule y accède.

En lieu et place de l’emplacement prévu pour les containers, la commune propose, conformément à son plan d’installation des points de récupération, la création, sur la base d’une servitude, de deux éco-points dont la réalisation serait assurée par cette dernière. (...) » ;

- le 6 juillet 2015, la direction générale des transports (ci-après : DGT) avait indiqué être favorable au projet, sans observations, ayant rappelé qu’elle avait, dans son précédent préavis du 13 février 2015, émis les conditions suivantes :

« Conformément au règlement L 5 05.10, une offre de places de stationnement vélos doit être réalisée, à savoir un minimum de 1 place vélo/100 m2 de SBP de logement. Ces places doivent être en partie localisées en surface proche des entrées, couvertes et équipées contre le vol. Les mêmes demandes sont requises pour les places en sous-sol.

L’entrée et la sortie en marche arrière sont autorisées, à condition de disposer d’une visibilité suffisante.

Les débouchés sur la voie publique doivent disposer d’une bonne visibilité, tant à l’égard des piétons que de la circulation routière.

(...) ».

7. Par décision du 1er septembre 2015, publiée le 8 septembre 2015 dans la feuille d’avis officielle (ci-après : FAO), le DALE a, notamment en application de l’art. 106 LCI, délivré l’autorisation sollicitée, précisant que les conditions figurant dans les préavis annexés, en particulier celui du SMS, en faisaient partie intégrante et devraient être strictement respectées (DD 107’400-1).

8. Par acte du 8 octobre 2015, la commune a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à son annulation, avec suite de dépens.

Le projet de construction en cause présentait deux irrégularités majeures. D’une part, son architecture ne s’insérait pas dans le contexte de la zone villageoise protégée qui était le sien (a) et d’autre part, l’implantation de ses boxes de stationnement ne respectait pas les normes de sécurité en la matière (b).

a. La CMNS avait rendu un préavis favorable au projet, après avoir notamment, demandé à ce que ce dernier soit contenu dans l’enveloppe du gabarit de l’ancien bâtiment. Elle n’avait, en revanche, développé aucune considération quant au concept architectural du projet, qui se présentait comme un bâtiment locatif de caractère urbain, de forme parallélépipédique, pourvu d’un toit plat. La CMNS n’avait pas suffisamment pris en compte l’objectif légal de sauvegarde du caractère architectural des villages protégés, malgré ses considérations toutes générales sur les matériaux à utiliser. Le projet autorisé était en rupture complète avec les bâtiments avoisinants, toutes les maisons alentour étant de type traditionnel, villageois, avec des toitures classiques à pans coupés.

Poursuivant ce même but de protection et de préservation, la commune avait, dans son plan directeur 2015, notamment précisé que l’objectif dans le village de Certoux était de densifier le tissu existant tout en « préservant l’identité patrimoniale et rurale du site » (PdC, n° 3.1.2.2, p. 32). Or, le bâtiment projeté, de type résolument périurbain, ne s’insérait pas dans son environnement. Son édification serait contraire aux objectifs de préservation du site, l’aspect rural étant notamment complètement absent.

Malgré cette réalité, le DALE avait écarté le préavis de la commune, se référant à celui de la CMNS, qui ne contenait aucune réflexion sur l’aspect du bâtiment en lien avec son environnement, s’agissant notamment de l’obligation de conserver le côté rural et villageois du site.

b. Par ailleurs, le projet prévoyait trois boxes de stationnement, pour un total de cinq places, situés au rez-de-chaussée de l’immeuble, côté nord-est, débouchant directement sur le chemin des Bornaches. Les sorties des boxes, mesurant 2,4 m chacune, n’étaient distantes que de 1,6 m de la limite de propriété et dudit chemin, qui ne faisait que 3 m de large. De plus, vu la configuration du site, il y avait lieu de penser que les véhicules entreraient en marche avant dans les boxes, et en sortiraient en marche arrière, sans la moindre visibilité.

Ces distances étaient très largement inférieures à celles préconisées par les normes émises par l’Association suisse des professionnels de la route et des transports (ci-après : VSS), soit les normes VSS 640050 et 640273A.

Dans ces conditions, on ne comprenait pas pourquoi la DGT avait finalement délivré, sans observations, un préavis positif le 13 février 2015, les exigences relatives à la question de visibilité émises dans son précédent préavis, n’ayant pas été respectées. Les sorties des boxes de stationnement, trop petites d’au moins 25 cm chacune, n’étaient pas non plus réglementaires au regard de la norme VSS 640291A.

Ce recours a été enregistré sous la cause n° A/3547/2015 auprès du TAPI.

9. Par acte du 8 octobre 2015, Mme ETHENOZ, Mmes RUMLEY et M. RUMLEY, propriétaires de la parcelle n° 122 susmentionnée, ont également recouru contre la décision du 1er septembre 2015 du DALE, concluant à son annulation, avec suite de dépens.

Préalablement, les recourants ont sollicité un transport sur place pour effectuer une simulation de parcage, ainsi que procéder à l’audition de Messieurs Marc IMHOF, copropriétaire de la parcelle n° 901, et Adrien KUPFER, ingénieur géomètre officiel.

La décision querellée violait l’art. 14 LCI. La disposition des places de parc serait la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public et ne remplissait pas les conditions de sécurité à leur égard. La largeur entre l’immeuble projeté et la limite de leur propriété variait entre 4,56 et 4,73 m, et celle des portes des garages de 240 cm. Selon les normes VSS, pour une largeur de case de 240 cm, il était nécessaire, pour un confort A, d’avoir une largeur d’allée comprise entre 650 à 575 cm.

Le problème serait « double voire triple et amplifié d’autant » : d’une part, dès lors que le projet litigieux prévoyait que les voitures seraient parquées l’une derrière l’autre, lorsque celle sise en deuxième position souhaiterait accéder à la route, la première voiture devrait logiquement d’abord sortir sur la route, avec toutes les difficultés que cela engendrerait, pour que la deuxième voiture puisse à son tour le faire, de manière périlleuse ; d’autre part, il serait fort probable que les occupants de l’immeuble sortent en même temps, par exemple le matin pour aller au travail.

La « réalité du terrain » exigerait que la seule solution permettant de rendre viable l’accessibilité des parkings serait que les voitures fassent usage de la bande de terrain de leur parcelle, sans trottoir, longeant le chemin des Bornaches. En conséquence, ils devraient, soit installer une barrière interdisant l’accès à leur propriété aux voitures, soit les y accepter. Dans les deux cas, ils verraient la valeur de leur parcelle diminuée, de telle sorte que la décision du DALE équivaudrait à une expropriation matérielle. En outre, les manœuvres des véhicules devant leurs fenêtres causeraient des « nuisances sonores, auditives et de la pollution ».

Enfin, la dérogation à l’art. 106 LCI concernant le volume du bâtiment projeté ne saurait être accordée, ce volume étant « manifestement disproportionné » par rapport à leur bâtiment, directement voisin.

Le recours a été enregistré sous la cause n° A/3569/2015 auprès du TAPI.

10. Le 5 novembre 2015, M. EGGER a conclu au rejet des recours, avec suite de dépens.

En substance, le préavis de la CMNS, favorable, était prééminent en cas de divergence avec d’autres préavis, y compris un préavis communal. Un bâtiment disposant d’une toiture plate avait été érigé une dizaine d’années auparavant à une cinquantaine de mètres seulement de sa parcelle (DD 98’873-3, parcelle n° 567). Une autre autorisation avait été récemment délivrée pour un bâtiment voisin à celui précité, également doté d’un toit plat (DD 106’814-1, parcelle n° 631). La CMNS avait bien vu comment le bâtiment projeté se présenterait et les réserves qu’elle formulait étaient celles émises dans la quasi-totalité de ses préavis.

Il importait peu que les normes VSS, auxquelles se référaient les recours, non intégrées au droit genevois des constructions, ne soient pas respectées puisqu’il ne s’agissait pas des règles de droit et qu’elles ne liaient pas le juge administratif. Tant le chemin des Bornaches que celui des Catons étaient des voies publiques extrêmement peu fréquentées par des véhicules. Si certaines manœuvres devraient peut-être être réalisées sur le chemin des Bornaches par les futurs habitants, elles ne présenteraient ni danger, ni inconvénients pour le voisinage. Le fait que deux voitures devront se parquer l’une derrière l’autre ne saurait constituer un inconvénient grave. L’un des collaborateurs de la DGT avait vérifié l’accès à tous les box prévus, en particulier à ceux portant les nos 4, 5, et 6.

11. Par observations du 11 décembre 2015, le DALE a conclu au rejet des recours, sollicitant la jonction des causes.

La CMNS avait requis diverses modifications du projet tout en donnant son assentiment pour l’octroi de la dérogation prévue par l’art. 106 LCI. Pour le surplus, par préavis du 27 mars 2015, le SMS a relevé que le projet répondait aux remarques émises par la CMNS.

Si les services spécialisés pouvaient se référer aux normes VSS, celles-ci n’avaient pas force de loi et leur application devait respecter les principes généraux du droit, en particulier celui de la proportionnalité. Au vu de la configuration des lieux, il n’existait aucun danger pour les véhicules et piétons circulant sur le chemin des Bornaches dont le tracé rectiligne offrait d’excellentes conditions de visibilité et desservait une zone faiblement habitée.

12. Par courrier du 11 avril 2016, l’architecte mandataire de M. EGGER a communiqué à la commune des informations complémentaires relatives au projet en cause.

Il a notamment, indiqué avoir tenu compte des critiques à propos des boxes de parking. Leur entrée avait ainsi été élargie à 2,80 m au lieu des 2,50 m jugés trop étroits. Il avait reproduit les différentes positions d’un véhicule en train d’entrer ou de sortir du box le plus « défavorable » sur le chemin des Bornaches. Afin d’être sûr, il avait également vérifié le rayon de braquage d’une berline moyenne (de type Audi A4, Seat ou Peugeot). Un braquage d’un rayon de 9,25 m suffisait à ne pas empiéter sur la parcelle 122 appartenant aux recourants.

13. Lors de l’audience du 25 mai 2016, le TAPI a procédé à l’audition de M. LABEY, ingénieur auprès de la DGT.

Ce dernier a déclaré être déjà intervenu lors des préavis délivrés précédemment pour les demandes d’autorisation déposées en 2010 et 2011. Il avait ensuite été remplacé de manière ponctuelle par un collègue, avant de reprendre le dossier dans sa phase finale de la présente procédure. Les deux conditions relatives à l’accès à la parcelle considérée, émises dans les préavis de la DGT des 17 décembre 2014 et 13 février 2015, correspondaient à des formules exprimées de façon systématique, sans exigences particulières.

Il s’était rendu sur place de nombreuses fois, sur plusieurs années, sans se souvenir si sa dernière visite avait eu lieu peu avant l’émission du dernier préavis de juillet 2015.

La DGT disposait d’un logiciel (« Autoturn ») permettant de faire des simulations au niveau des manœuvres des véhicules, de façon à vérifier si le dimensionnement de la chaussée et des places de parking envisagées par un projet à préaviser permettait auxdits véhicules d’accéder à ces places. Une telle simulation avait été effectuée dans le cas d’espèce et s’était révélée positive. La DGT disposait de normes quant à ces dimensionnements. La norme pertinente en l’espèce était la norme VSS 640 291 A. La largeur proprement dite des boxes était uniquement importante dans la mesure où il fallait s’assurer que le véhicule pouvait y entrer et en sortir, mais n’était pas déterminante, en soi, pour s’assurer de la faisabilité des manœuvres correspondantes. C’était précisément le logiciel « Autoturn » qui permettait de s’en assurer.

Au départ, le positionnement des boxes, qui était différent, avait posé un problème au niveau de leur accès, qui aurait nécessité une servitude de passage. Cette configuration avait ainsi été abandonnée. Dans la configuration finale, il était possible d’accéder aux boxes en procédant aux manœuvres requises sur le domaine public uniquement.

La simulation logicielle effectuée avait montré que l’entrée dans ces boxes pouvait se faire en trois manœuvres. La manœuvre la plus aisée se ferait en marche arrière, ce qui était usuel et préconisé de manière générale s’agissant de places perpendiculaires. Une simulation en lien avec une entrée en marche avant n’avait pas été faite puisque le propriétaire envisageait désormais d’élargir la porte des boxes à 2,80 m, ce qui permettrait d’y entrer en une seule manœuvre.

Un positionnement de véhicules en enfilade, comme en l’occurrence n’était pas inusuel. Cette solution était très courante pour des villas et ne posait pas de problèmes particuliers pour des bâtiments plus importants lorsque le secteur n’était pas soumis à un trafic important. Le secteur concerné par le projet était protégé du trafic, dans la mesure où il était réservé aux riverains. Le chemin des Bornaches était très peu fréquenté, y compris par les vélos et les piétons, qui empruntaient plutôt la route de Certoux.

M. LABEY a confirmé que les places sur fond privé intégrées au projet figuraient dans le contingent qui avait été fixé au promoteur.

Mme ETHENOZ et M. RUMLEY avaient affirmé que beaucoup de promeneurs empruntaient le chemin des Bornaches, en particulier en été, pour se rendre au tennis club ou au bord de l’Aïre, pour éviter la circulation sur la route de Certoux.

14. Par jugement du 30 mai 2016, le TAPI a rejeté les recours, après avoir, préalablement, prononcé leur jonction sous la cause n° A/3547/2015.

Le TAPI a considéré qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à la demande de transport sur place et à l’audition de témoins. Pour le surplus, la « simulation de parcage » avait déjà été réalisée, certes informatiquement, par la DGT.

Au fond, au vu de ses différents préavis, rien ne laissait supposer que la CMNS aurait pris en compte des éléments sans pertinence pour forger sa conviction ou qu’elle n’y aurait pas procédé avec soin et diligence, en omettant en particulier de s’intéresser aux qualités architecturales du bâtiment projeté. Ce d’autant moins qu’elle avait précédemment eu l’occasion d’examiner la situation dans le cadre de deux projets antérieurs sur la même parcelle, abandonnés au profit du projet litigieux, et que l’un de ses représentants s’était rendu sur place. Son préavis final avait été rendu suite à la production de deux projets modifiés pour répondre à ses remarques et aux exigences qu’elle avait posées, s’agissant en particulier de son architecture (cf. préavis du 17 février 2015), aux fins de s’assurer de la réalisation des conditions posées par l’art. 106 LCI.

Le DALE était donc légitimé à suivre le préavis favorable de la CMNS, auquel la jurisprudence attachait un poids prépondérant, lequel avait été élaboré après une analyse sérieuse et minutieuse de la situation, menée depuis plusieurs années.

De même, le DALE était fondé à suivre le préavis favorable rendu par la DGT, le 6 juillet 2015. Après une étude complète et minutieuse, comprenant en particulier des visites sur place et une simulation informatique sur la base des plans du projet et de la configuration des lieux, la DGT était parvenue à la conclusion que les boxes litigieux ne compromettaient pas la sécurité du trafic, en particulier que leur débouché sur la voie publique disposerait de la visibilité nécessaire tant à l’égard de la circulation routière que des piétons, et que les manœuvres nécessaires à l’entrée et à la sortie des véhicules pourraient être effectuées sans risques particuliers et sans empiéter sur un fonds privé.

Si la construction querellée allait peut-être avoir des effets sur la situation des voisins ou des promeneurs (il ne s’agissait toutefois que de trois boxes, ce qui permettait de relativiser ces effets) et allait leur imposer notamment de circuler avec une plus grande prudence, elle n’allait pas être pour autant source d’importantes nuisances, ni induire un trafic supplémentaire incompatible avec les caractéristiques du quartier. D’une part, le chemin des Bornaches, même s’il était emprunté par des promeneurs à divers moments, apparaissait très peu fréquenté et ne semblait pas présenter une source particulière de danger. D’autre part, les boxes ne seraient pas destinés à des personnes étrangères à l’immeuble, susceptibles d’être surprises par la configuration des lieux et, le cas échéant, d’être empruntées s’agissant des manœuvres à réaliser pour se parquer ; vraisemblablement, les futurs occupants allaient rapidement s’habituer aux manœuvres, d’autant plus que la sortie des boxes se ferait en principe en marche avant, leur assurant ainsi une visibilité suffisante. L’engagement nouvellement exprimé par M. EGGER quant à une augmentation de 40 cm de la largeur de la porte des boxes permettait de s’en convaincre plus encore.

15. Par acte formé le 30 juin 2016, Mme ETHENOZ, Mmes et M. RUMLEY ont recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation de l’autorisation de construire DD 107’400-1 accordée par le DALE, avec « suite de dépens ».

Invoquant le préavis relatif au projet précédent (DD 105’945-1), émis le 27 août 2013 par la CMNS, par lequel celle-ci souhaitait « un projet de reconstruction dans le gabarit d’origine », les recourants lui reprochait d’avoir, le 17 février 2015, dans le cadre de l’autorisation actuelle (DD 107’400-1), considéré que le projet répondait à ses remarques formulées dans son préavis du 2 décembre 2014, au motif que « le nouveau volume s’insère pratiquement dans le gabarit du bâtiment ancien (et) que l’échelle est appropriée au regard des habitations avoisinantes ».

L’adverbe « pratiquement » signifiait « presque, quasiment » la même chose. Cependant, en reportant le toit à deux pans de l’ancien bâtiment sur le plan « coupe BB PER 20.13 » du 10 mars 2015 du toit plat du projet querellé, la surface de ce toit plat déborderait de 2,87 m2 du gabarit de l’ancienne toiture, au vu des deux triangles qui représentaient ce débordement.

Ainsi, « la surface de 2,87 m2 des triangles qui ne s’inscrit pas dans le gabarit de l’ancien toit représente 9 % de la surface délimitée par le gabarit de l’ancien toit ». Or, la CMNS n’avait pas fourni d’explications justifiant l’octroi d’une dérogation à l’art. 106 LCI, le nouveau projet ne respectant pas le gabarit de l’ancien toit.

Selon les recourants, la CMNS s’était basée, sans justification, sur des constatations inexactes qui violaient au surplus les règles qu’elle avait elle-même établies dans son préavis du 27 août 2013. Son préavis du 17 février 2015 était dès lors sans « aucune valeur ». La dérogation de l’art. 106 LCI ne pouvait être accordée « dès lors que le préavis de la CMNS était faux ». Le projet comportait de nombreux logements, ce qui supposait, par sa taille, un impact important sur le bâti existant et sur la mobilité, du fait du nombre de voitures et de places de parc engendrés.

16. Le 5 juillet 2016, le TAPI a transmis le dossier à la chambre de céans sans formuler d’observations.

17. Le 27 juillet 2016, le DALE a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’autorisation querellée.

C’était à la suite de la modification du projet que, par préavis du 17 février 2015, la CMNS avait constaté que le nouveau volume du bâtiment s’insérait pratiquement dans le gabarit du bâtiment ancien, à l’échelle appropriée au regard des habitations avoisinantes.

L’argument des recourants, selon lequel la surface du toit dépasserait de « 9 % la surface délimitée par le gabarit de l’ancien toit », résultait d’un amalgame entre les notions de gabarit et de surface de toit. Aucune prescription en matière de droit de la construction ne règlementait la surface d’un toit. Dans son préavis du 2 décembre 2014, la CMNS ne s’était d’ailleurs jamais référée à la surface du toit, mais au gabarit et au volume enveloppe du bâtiment d’origine.

S’agissant du volume enveloppe, l’examen des plans, en particulier
PER 20.12 et PER 20.13, permettait de constater que le projet litigieux était quasiment similaire à l’ancien bâtiment. Son emprise au sol était identique (cf. plans PER 20.7 et 20.5) et sa hauteur du projet inférieure à celle - mesurée au faîte - du bâtiment d’origine.

Pour le gabarit, la CMNS avait relevé, dans son préavis du 17 février 2015, que le nouveau volume s’insérait pratiquement dans le gabarit du bâtiment ancien. Lorsqu’elle se référait au gabarit, au vu du plan PER 20.13, il s’agissait du gabarit de toiture, définit à l’art. 36 LCI.

Les recourants reprochaient, à tort, à la CMNS de n’avoir pas respecté les conditions de dérogation de l’art. 106 LCI. Selon la jurisprudence, l’intégration au site environnant ne signifiait pas que les nouveaux bâtiments soient des pastiches de ceux existants. Ils pouvaient correspondre au style de l’époque de leur construction. Il n’y avait pas d’exigence de recréer artificiellement le type des bâtiments environnants (ATA/232/2006 du 2 mai 2006).

18. Le 4 août 2016, M. EGGER a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué, avec « suite de dépens ».

En substance, il n’y avait aucune raison de calculer la surface en m2 d’une toiture pour déterminer sa conformité au regard du gabarit maximal fixé par l’art. 36 LCI. La nouvelle toiture respectait les conditions de cette disposition.

Quant à la CMNS, elle avait rempli sa mission consistant à fixer « l’implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant », puisqu’elle avait émis trois préavis, dont les deux premiers demandaient de modifier le projet soumis par l’intimé.

19. Par courrier du 4 août 2016, la commune a indiqué s’en rapporter à justice tout en prenant acte, avec regret, du jugement du TAPI contre lequel elle n’avait pas formé recours.

20. Par « observations complémentaires » du 7 septembre 2016, Mme ETHENOZ et Mmes et M. RUMLEY ont persisté dans leurs conclusions.

Ils ont repris les calculs effectués dans leurs recours.

Un des moyens pour déterminer objectivement le respect du
cadre-enveloppe d’un gabarit était de calculer la surface de ce dernier afin de quantifier les éventuels dépassements ou retraits, ce qu’ils avaient effectué pour chiffrer le débordement du nouveau toit à 9 % par rapport à « la surface du gabarit de l’ancien bâtiment ». Savoir si ce dépassement de 9 % était acceptable serait une autre question.

Si le projet avait respecté les conditions émises par la CMNS, une grande partie des chambres des appartements situés le long des deux façades n’aurait pas pu être considérée comme habitable puisque les deux pans du toit auraient réduit leur hauteur. En d’autres termes, le nombre de logements aurait été réduit, ce qui aurait diminué les besoins en place de parking et l’impact de l’immeuble sur son environnement. Ils n’auraient alors, de même que la commune, pas eu de griefs à formuler.

Pour le surplus, ils ont repris l’essentiel des arguments exposés dans leur recours.

21. Par courrier du 19 septembre 2016, le greffe de la chambre de céans a informé les parties que la cause avait été gardée à juger.

Le 17 mars 2017, en réponse à une demande de l’intimé, le greffe de la chambre de céans a confirmé les termes du courrier précité.

22. Les arguments des parties seront repris dans la partie « En Droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les recourants ont la qualité pour recourir au sens de l’art. 60 let. b LPA, leur parcelle étant située à une faible distance de la parcelle concernée par l’autorisation de construire contestée, de l’autre côté du petit chemin qui les sépare.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA). La chambre de céans ne peut ainsi pas revoir l’opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

4. Devant la chambre de céans, les recourants font valoir que la dérogation fondée sur l’art. 106 LCI ne pouvait pas entrer en ligne de compte, dans la mesure où le préavis favorable émis le 17 février 2015 par la CMNS serait «simplement inexact », sans « aucune valeur », cette dernière s’étant écartée, sans motifs, de « la règle du jeu qu’elle avait elle-même indiquée dans son préavis du 27 août 2013 ».

a. Aux termes de l’art. 106 al. 1 LCI, dans les zones 4B protégées, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l’implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant (1ère phrase).

Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites. Lors de travaux de réfection de façades ou de toitures, la commune et la CMNS sont également consultées (art. 106 al. 1 LCI, 2ème et 3ème phrases).

b. Cette disposition est spécialement applicable aux villages protégés et confère un large pouvoir d’appréciation au département compétent. Celui-ci peut fixer lui-même les règles applicables aux constructions dans le but de sauvegarder le caractère d’un village et le site environnant, et déroger aux dispositions ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3.3).

Ce large pouvoir d’appréciation et de décision implique la possibilité de refuser un projet qui, ne respectant pas ces prescriptions spéciales, porterait une atteinte excessive au caractère d’un village protégé, soit que les bâtiments existants méritent une protection particulière, soit que le projet en lui-même n’est pas satisfaisant du point de vue de l’intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 précité).

c. Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’art. 106 al. 1 LCI, le département dispose d’une grande liberté d’appréciation. Cette disposition renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’art. 15 LCI, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce (ATA/305/2012 du 15 mai 2012 consid. 7). Cette notion juridique indéterminée laisse donc un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/141/2009 du 24 mars 2009 et les références citées). Un tel excès est réalisé si l’autorité administrative sort du cadre des mesures autorisées par la loi. Il y a abus lorsque l’autorité reste dans le cadre de ces mesures possibles, mais viole un principe constitutionnel, tel que l’égalité de traitement, la proportionnalité ou l’interdiction de l’arbitraire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 170 n. 512 ; ATA/670/2012 du 2 octobre 2012 consid. 6, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2912 consid. 5.2 ; ATA/197/2012 du 3 avril 2012 consid. 4 ; ATA/112/2009 du 3 mars 2009 consid. 5b et les références citées).

d. Dans l’application de l’art. 106 LCI, le département doit recueillir les préavis de la CMNS et de la commune.

Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d’une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 consid. 6 et les références citées).

La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Selon une jurisprudence constante, en cas de préavis divergents, une prééminence est reconnue à celui de la CMNS lorsque son préavis est requis par la loi, dans la mesure où cette dernière est composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine (art. 46 al. 2 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS – L 4 05 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 20 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/956/2014 précité et les références ; ATA/670/2012 du 2 octobre 2012 consid. 6, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 consid. 5.2)

e. Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 page 270 ; 135 I 302 consid. 1.2 page 305, in arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 susmentionné consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2 ; ATA/246/2016 du 15 mars et les arrêts cités ; ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12b et 12c, et les références citées). S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/246/2016 précité ; ATA/778/2014 du 30 septembre 2014 consid. 3c).

5. En l’espèce, l’argument du recourant consistant à remettre en cause le préavis du 17 février 2015 de la CMNS ne peut être suivi.

a. Comme l’a relevé le TAPI dans son jugement, au vu des motifs énoncés dans ses préavis successifs, rien ne permet de retenir que la CMNS aurait pris en compte des éléments sans pertinence pour forger sa conviction avant d’émettre le préavis du 17 février 2015 critiqué.

Il ressort du dossier et particulièrement de son préavis du 2 décembre 2014 que la CMNS - qui connaissait bien le contexte dans lequel le projet litigieux évoluait, soit depuis la première demande d’autorisation déposée en 2010 - a examiné avec toute l’attention voulue les différents aspects dudit projet, et ce « au regard des particularités du contexte ».

C’est à tort que les recourants reprochent à la CMNS de ne pas avoir respecté les termes de son préavis du 27 août 2013 puisque c’est précisément en se référant à ce préavis que la CMNS a, le 2 décembre 2014, demandé un projet modifié qui devait être un « projet de reconstruction circonscrit dans le cadre-enveloppe du gabarit et du volume du bâtiment d’origine ». Ce faisant, la CMNS a précisé les termes de son préavis du 27 août 2013, en fixant les limites de volumétrie tout en admettant le concept de reconstruction d’un immeuble qui pourrait « s’affranchir de l’architecture préexistante ».

Au demeurant, dans son préavis du 17 février 2015, la CMNS a constaté que le projet modifié soumis le 23 janvier 2015 par l’intimé proposait « un volume de bâtiment diminué, avec une toiture plate », répondant à ses remarques du 2 décembre 2014 dans la mesure où « le nouveau volume s’insérait pratiquement dans le gabarit du bâtiment ancien et que l’échelle était appropriée au regard des habitations avoisinantes ». Néanmoins, elle a encore une fois demandé un nouveau projet modifié qui devait supprimer l’image décalée de « fenêtres en bande » afin de proposer une architecture qui devait mieux s’intégrer au tissu auquel appartenait l’ancien bâtiment.

Ainsi, tout au long de la procédure d’autorisation, la CMNS a veillé de manière rigoureuse à ce que la construction projetée réponde aux exigences relatives à la sauvegarde du caractère architectural et du site environnant, sans pour autant être un pastiche ou une copie conforme de l’ancien bâtiment (arrêt du Tribunal fédéral 1P.361/2006 du 27 septembre 2006 consid. 3.4), qui avait déjà subi de nombreuses transformations successives avant d’être détruit par l’incendie. Quant à la sauvegarde de l’échelle des agglomérations, la CMNS a estimé que l’intégration de la construction projetée au tissu bâti était satisfaisante, « appropriée au regard des habitations avoisinantes ».

Les griefs des recourants tendant à reprocher au département d’avoir suivi le préavis du 17 février 2015 qu’ils considèrent «inexact » et d’« aucune valeur » tombent à faux, puisque ce n’est qu’à l’issue d’un autre nouveau projet modifié en date du 12 mars 2015 par l’intimé que la CMNS - soit pour elle le SMS - a délivré un préavis favorable le 27 mars 2015, considérant que les conditions de l’octroi de la dérogation de l’art. 106 LCI étaient remplies et les buts de protection de la zone respectés.

Il ressort en outre du dossier que la CMNS a, dans ses préavis successifs, à tout le moins à trois reprises, explicité les motifs pour lesquels elle exigeait des projets modifiés et les raisons pour lesquelles elle a été amenée à accepter le projet litigieux suite aux diverses modifications apportées. Son préavis du 27 mars 2015 prévoit en outre des réserves pour tenir compte des particularités du périmètre environnant, notamment sous l’angle des aménagements extérieurs et des détails d’exécution.

b. Au vu de ce qui précède, le TAPI a retenu, à bon droit, que le département était fondé à suivre le préavis favorable du 27 mars 2015 de la CMNS, lui conférant la prééminence requise par rapport à celui de la commune, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans.

c. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner l’argument du recourant selon lequel le nouveau toit dépasserait de 9 % la surface délimitée par le gabarit de l’ancien toit. Dans la mesure où le projet litigieux se situe en zone 4B protégée, l’absence du respect strict des normes ordinaires, notamment celles relatives au gabarit, peut être palliée, conformément à l’art. 106 al. 1 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 susmentionné consid. 5.2 ; ATA/455/2016 du 31 mai 2016 consid. 4).

La CMNS a, au demeurant, avant d’entériner le projet modifié du 12 mars 2015, examiné les questions de gabarit et constaté que l’échelle du site était respectée.

d. Il convient de rappeler que l’examen du projet doit se faire à la seule lumière des critères de l’art. 106 al. 1 LCI, à savoir la sauvegarde du caractère architectural et l’échelle des agglomérations ainsi que du site environnant
(arrêts du Tribunal fédéral 1P.361/2006 du 27 septembre 2006 consid. 3.4 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3.3).

À cet égard, la chambre de céans observe que les recourants n’ont pas réussi à démontrer le caractère prétendument insoutenable des préavis de la CMNS. Ils ne démontrent pas non plus que le TAPI - qui est également constitué, pour partie, de personnes possédant des compétences techniques spécifiques - a excédé son pouvoir d’appréciation en suivant le préavis de la CMNS et la position du DALE, ni que le résultat auquel il a abouti est insoutenable. Ils se contentent d’opposer de manière répétée et systématique, en différents chapitres de leurs écritures, leur propre appréciation à celle du juge et des autorités compétentes pour affirmer, sans autre argumentation pertinente, leur propre conception des critères fixés par l’art. 106 al. 1 LCI.

Dans ces conditions, la confirmation de l’octroi de l’autorisation de construire par le TAPI est justifiée. Il n’y a pas lieu de s’en écarter.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de 2’000.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, sera allouée à M. EGGER, qui y a conclu et a recouru aux services d’un avocat (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée à la commune de Perly-Certoux qui n’a pas formé recours et s’en est rapporté à justice.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2016 par Madame Marie-Jeanne ETHENOZ, Madame Claire-Lise RUMLEY, Madame Méry RUMLEY et Monsieur Arnaud RUMLEY contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de Madame Marie-Jeanne ETHENOZ, Madame Claire-Lise RUMLEY, Madame Méry RUMLEY et Monsieur Arnaud RUMLEY, pris conjointement et solidairement ;

alloure une indemnité de procédure de CHF 2’000.- à Monsieur Daniel EGGER, à la charge de Madame Marie-Jeanne ETHENOZ, Madame Claire-Lise RUMLEY, Madame Méry RUMLEY et Monsieur Arnaud RUMLEY, pris conjointement et solidairement ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Damien Blanc, avocat des recourants, à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de M. Daniel EGGER, à Me Jean-Pierre Carera, avocat de la commune de Perly-Certoux, au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance .

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, juge, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :