Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/106/2014

ATA/1218/2015 du 10.11.2015 sur JTAPI/1435/2014 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION ; ACTION POPULAIRE ; VOISIN
Normes : LPA.60.leta; LPA.60.letb
Résumé : Le projet aura pour conséquence une augmentation du trafic sur le chemin du Port et l'inaccessibilité partielle de la rampe d'accès au lac. Par conséquent, les habitants du chemin du Port sont touchés plus que quiconque par la décision. Deux recourants étant domiciliés à respectivement 127m et 56m du chantier naval, le critère de la distance légitime fonde également leur qualité pour contester l'autorisation. La qualité pour recourir a par contre été déniée à un des recourants ayant interjeté appel en son propre nom, pour défendre les intérêts de sa société.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/106/2014-LCI ATA/1218/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 novembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

A______

Monsieur B______

Monsieur C______

Madame et Monsieur D______

Monsieur E______

Madame F______

Madame G______
tous représentés par Me Stéphane Penet, avocat

contre

H______

représenté par Me Pascal Aeby, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

et

Monsieur I______
Monsieur J______
Monsieur K______
Madame L______
représentés par Me Benoît Lambercy, avocat

_________


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2014 (JTAPI/1435/2014)


_________



EN FAIT

1) H______, est une société dont le siège est à M______. Son but est la « construction navale, fluviale et aéronautique, ainsi que celle de tous genres de garages ; achat, vente, échange, importation, exportation et représentation commerciale et industrielle concernant ces constructions ; création et exploitation dans tous pays de toutes entreprises similaires, y compris participation financière, sous toutes ses formes, dans les opérations commerciales et industrielles ayant un but semblable ou analogue. La société exploite le chantier naval de N______ port ».

2) Le H______, sis chemin O______ à N______, occupe les parcelles nos 1______, 2______ et 3______, feuille n 4______ de la commune de M______ et la parcelle n 5______ située sur la commune de N______. Toutes ces parcelles, d'une surface à terre de 4'775,8 m2, appartiennent au domaine public cantonal et sont situées soit en zone 4B protégée, soit hors zone. Un hangar de 2'026 m² et deux bâtiments d'une surface totale de 1'087 m² y sont érigés.

3) a. Le 15 décembre 2011, le H______ a déposé auprès du département de l'urbanisme, devenu depuis lors le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département), une demande définitive d'autorisation de construction (6______), portant sur « la reconstruction du H______ de N______-port, reconstruction du port, du H______ de N______-port ».

b. Un dossier intitulé « projet de nouveaux bâtiments et rénovations du port », élaboré par les architectes mandatés, était joint à la demande d'autorisation.

Le service « marina » dominait en été l'activité du H______. Il permettait de stocker des bateaux moteurs à terre, à l'intérieur d'un hangar et de les mettre à l'eau sur demande du client. Ceci réduisait considérablement les besoins de places d'amarrage, puisqu'il était possible de gérer une centaine de bateaux avec seulement 15 % à 20 % de places à l'eau. Ce système, peu utilisé sur le canton de Genève, était largement répandu dans les ports européens.

Le nouveau bâtiment devait pouvoir « accueillir quelque vingt-cinq bateaux supplémentaires, soit une augmentation d'environ 20 % ». Il s'agissait du « nombre minimum pour justifier un tel investissement ».

À l'extérieur, le port disposait de quatorze places d'amarrage pour des bateaux de sept mètres au plus et serait agrandi afin d'offrir une quarantaine de places pour des bateaux de six à dix mètres.

Pendant quatre ans, ils avaient eu de nombreuses réunions avec les communes de M______ et de N______, afin de « partager les différents cahiers des charges de chacun et intégrer [leur] projet dans les plans directeurs des communes et particulièrement dans les possibilités de projets d'aménagement de la baie de N______ ». Ils déposaient leur demande après avoir reçu le soutien de ces deux communes.

4) La commune de M______ a préavisé favorablement le projet de reconstruction du H______ et du port du H______ le 16 janvier 2012.

Depuis 2008, les communes de M______ et N______, ainsi que le H______, étudiaient un projet commun de construction du port de la baie de N______ de cent cinquante places. Il était inscrit dans les plans directeurs communaux (ci-après : PDCom) des deux communes.

La demande d'autorisation consistait en la première étape de ce projet.

5) Selon le site du département consulté le 29 octobre 2015 (http://ge.ch/amenagement/plans-directeurs-communaux), le projet du développement du port intercommunal de N______ est inscrit dans le PDCom de la commune de M______.

Le PDCom de N______ n'a pas encore reçu l'approbation du Conseil d'État.

6) Les maires de M______ et N______ ont fait part de leurs observations au département le 13 juin 2012, confirmant que depuis 2008, un projet commun de construction du port de la baie de N______ était étudié.

La demande d'autorisation de la part du H______ constituait un projet indépendant, mais qui s'intégrait parfaitement dans les futurs projets d'aménagement des deux communes.

Ils étaient confrontés à une question de temporalité évidente entre l'avancement des projets d'aménagement communaux de l'ensemble du périmètre en cours d'étude et la reconstruction du H______ et de son port.

En effet, l'extension prévue par les communes de N______ et M______ comportait également le réaménagement et l'ordonnancement du quai de N______ (pour la commune de N______) et la réalisation d'un parking (pour la commune de M______). Ce projet nécessitait une étude de circulation, ainsi que des rencontres avec les riverains et des séances d'information publique à la population.

7) Le 5 décembre 2012, le H______ a déposé une demande d'autorisation de démolir les hangars du H______ et la digue du port (7______).

8) Au cours de la procédure d'instruction, les instances compétentes ont toutes rendu des préavis favorables sur le projet de reconstruction du H______.

9) Par arrêté du Conseil d'État du 20 novembre 2013, l'État de Genève a concédé au H______ une concession pour l'occupation du domaine public destinée à l'exploitation d'un port, pour une durée de vingt-cinq ans.

Conformément aux accords passés avec le service de la capitainerie,
vingt amarrages sur corps-morts du H______ seraient remis, par celui-ci, dès la mise en exploitation du port, libres de tout occupant, à l'État de Genève.

10) Par décisions du 9 décembre 2013, le département a délivré les autorisations sollicitées au H______. Elles ont été publiées le ______ 2013 dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

11) Le 9 janvier 2014, plusieurs propriétaires voisins ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à leur annulation.

Parmi les motifs invoqués, les recourants soutenaient que les riverains n'avaient pas été consultés. Le plan directeur de N______ prévoyait un port de plaisance à proximité du H______ de cent quatre-vingts amarrages, un élargissement des quais et une augmentation de l'offre de stationnement. Des solutions devaient être trouvées pour contrôler la circulation sur le chemin P______.

La nouvelle digue fermerait l'accès au lac d'un angle de 30 au moins, empêchant toute manoeuvre d'entrée et de sortie par la rampe d'accès au lac.

12) Le dépôt de leur recours a fait l'objet d'une publication ordonnée par le TAPI, parue dans la FAO du ______ 2014.

Elle précisait : « en application de l'art. 147 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) les tiers disposent d'un délai de trente jours, dès la présente parution, pour intervenir dans la procédure et, s'ils s'abstiennent de cette démarche, ils n'auront plus la possibilité de recourir contre le jugement du Tribunal, ni de participer aux procédures ultérieures ».

13) Le 12 février 2014, A______, a demandé à intervenir dans la procédure, concluant principalement à l'annulation des décisions. Le A______ était composé de plus de deux cents membres et son école de voile enseignait la navigation à plus de cent élèves. Il utilisait le site du Port de N______ pour y parquer ses catamarans ou pour les mettre à l'eau en faisant usage du ponton de mise à l'eau situé à droite du port existant. Le A______ avait participé à des discussions organisées sous l'égide de la commune de M______ et de celle de N______, sans que ses remarques au sujet des projets de travaux n'aient été prises en considération.

14) Le 17 février 2014, le H______, a répondu au recours en concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens. Les recourants ne disposaient pas de la qualité pour recourir.

15) Le 26 février 2014, invités par le TAPI à se déterminer sur la demande d'intervention du A______, les recourants s'en sont rapportés à justice.

16) Le 3 mars 2014, le département et le H______ ont conclu à son rejet.

17) Par décision du 18 mars 2014, le TAPI a déclaré irrecevable la demande d'intervention du A______. L'art. 147 LCI ne pouvait être interprété comme permettant à toute personne de pallier l'absence de recours formé dans le délai.

18) Par acte déposé le 23 avril 2014, le A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à l'admission de sa qualité d'intervenant dans la procédure ouverte devant le TAPI.

19) Le 23 mai 2014, le département et le H______ ont conclu au rejet du recours.

20) Par ATA/420/2014 du 12 juin 2014, la chambre administrative a déclaré recevable la demande d'intervention du A______ et renvoyé la cause au TAPI pour qu'il instruise et statue au sujet de la question de la qualité pour intervenir du A______, notamment sous l'angle de l'intérêt digne de protection.

21) Reprenant l'instruction du recours, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 15 octobre 2014. Messieurs B______ et C______, Madame et Monsieur D______ et Monsieur E______ étaient notamment présents. Ces derniers, tous propriétaires d'un bateau, étaient des utilisateurs de la rampe d'accès à l'eau de N______ port. Selon ses déclarations, M. B______ louait à l'État une place à terre sur le parking derrière le H______.

Le H______ était également représenté. Selon son conseil, le projet ne portait pas atteinte à l'utilisation de la rampe d'accès. Une amélioration de celle-ci était prévue par les communes de N______ et de M______, sans que ce projet soit en lien avec l'autorisation. Quatre-vingt-six bateaux étaient stationnés à terre en été et plus de deux cents en hiver, mais sans être mis à l'eau. L'été, la capacité d'accueil des bateaux à terre serait à peu près identique à celle actuelle, mais la capacité de stockage en hiver augmenterait pour passer à environ deux cent vingt ou deux cent trente bateaux. Le H______ possédait vingt corps-morts, quatorze places au port pour l'amarrage de bateaux et onze places pour la marina. Le projet prévoyait cinquante places d'amarrage, y compris les places pour la marina et deux places visiteurs pour la capitainerie. Seules cinq places supplémentaires seraient ainsi créées dans le port. Le projet ne prévoyait pas de parking additionnel pour les voitures.

22) Les 29 et 30 octobre 2014, le H______ et le département ont transmis leurs observations en persistant dans leurs précédentes écritures.

23) Par courrier du 30 octobre 2014, les recourants ont fait part au tribunal de leurs déterminations.

La nouvelle digue prévue par le H______ aurait pour effet de limiter considérablement les possibilités de sortie sur le lac.

M. E______, professionnel des activités nautiques sur le lac Léman depuis 1983, exploitait sa société à N______. Il disposait d'une place professionnelle pour huit bateaux sur le parking public attenant aux parcelles sur lesquelles se situait le H______, d'une dizaine de places supplémentaires durant l'hiver, de deux places de travail à quai au port de N______ et, enfin, d'une bouée professionnelle dans la baie de N______. Il utilisait environ deux cent cinquante fois par année la rampe publique, qui était un outil indispensable pour son activité professionnelle. La nouvelle digue aurait un impact financier considérable : « S'il devait faire ses mises à l'eau depuis la rampe d'accès de Q______, toutes ses opérations seraient allongées d'au minimum quarante minutes (cent soixante-cinq heures par année), 15 km supplémentaires par voyage, soit 3'750 km par année, soit un surcoût annuel de l'ordre de CHF 25'000.- en main d'oeuvre et frais de transport ».

24) Par jugement du 17 décembre 2014, le TAPI a déclaré les recours irrecevables, celui de Monsieur K______ pour cause de tardiveté, les autres en raison de l'absence de la qualité pour recourir, les intéressés n'étant pas personnellement touchés par la décision.

Les distances séparant le H______ des domiciles des recourants, sis chemin du Port, n'étaient pas propres à conférer la qualité pour recourir à ceux-ci.

Le fait d'être bordiers du chemin du port et d'alléguer que ce passage serait davantage emprunté, ne suffisait pas pour leur reconnaître la capacité pour recourir. En effet, quand la charge était importante, à savoir en l'espèce un trafic qui semblait plus dense, surtout pendant les week-ends en été en raison du port, la construction projetée devait impliquer une augmentation sensible des nuisances. Or, tel n'était pas le cas puisque l'autorisation délivrée au permettrait de créer cinq places supplémentaires dans le port. Un tel nombre de places n'était pas susceptible de créer une augmentation sensible des nuisances existant déjà actuellement. De plus, les recourants ne seraient pas touchés plus que quiconque, notamment plus que tous les autres habitants du quartier.

Le fait d'être titulaire d'une place à terre attenante au H______ n'était pas non plus propre à modifier cette conclusion. Le projet de rénovation du port n'empêcherait pas d'utiliser la rampe publique. Les recourants pourraient ainsi toujours mettre à l'eau leurs bateaux. Par ailleurs, les recourants ne démontraient pas en quoi ils seraient manifestement plus personnellement touchés que la majorité des usagers de cette rampe publique.

Pour ces motifs, la qualité pour recourir devait leur être déniée, faute de quoi, le recours s'apparenterait à une action populaire.

Enfin, M. E______ avait, dans son recours signé et sur la page de titre des déterminations finales du 30 octobre 2014, dans les deux cas, indiqué son adresse personnelle et non professionnelle. Il habitait à une distance d'environ 750 m ou à moins de 500 m à vol d'oiseau du H______ de N______, et sur un chemin qui n'était pas non plus emprunté par les usagers du port. Au vu de sa situation géographique et du fait qu'il n'avait pas démontré en quoi il serait plus spécialement touché que quiconque par les décisions litigieuses, la qualité pour recourir devait lui être déniée.

En outre et quand bien même le TAPI aurait pu retenir que M. E______, en apposant le tampon de son entreprise sur le recours, souhaitait recourir au nom de sa société et non à titre personnel, il était nécessaire de préciser que la bouée, occupée par la société R______ ne serait pas touchée par le projet du H______ (ci-après : l'intimé).

Pour le surplus, M. E______ ne serait pas empêché d'exercer son activité professionnelle, dès lors que la rampe publique n'était pas concernée par le projet de l'intimé. Par conséquent, sa société ne disposait pas non plus de la qualité pour recourir.

Considérant qu'elle était liée au sort des recours, le TAPI a considéré la demande d'intervention du A______ comme étant irrecevable. Un administré qui optait pour l'exercice du droit d'intervention conféré par l'art. 147 al. 2 LCI ne pouvait développer sa position qu'en fonction du cadre du recours principal et sa position de partie dépendait du maintien de ce dernier.

25) Par acte du 2 février 2015, M. B______, Madame G______, MM. E______ et C______, Madame F______, Mme et M. D______ et le A______ ont interjeté recours contre le jugement précité auprès de la chambre administrative.

Ils ont conclu à son annulation, sous suite de frais et à l'octroi d'une équitable indemnité pour les honoraires de leur conseil, et ceci fait, que la qualité pour recourir soit reconnue au sept recourants et que la cause soit renvoyée au TAPI pour qu'il statue sur le fond et sur la qualité pour intervenir du A______.

Les faits relevés par le TAPI n'étaient pas contestés, seule leur interprétation était litigieuse.

Contrairement à ce que relevait le TAPI, la création de la nouvelle digue rendrait quasiment inutilisable la rampe publique d'accès existante, qui se situerait à une distance de 3 m de la future digue. Cette dernière couperait l'angle d'arrivée des bateaux à voile d'environ 30° et rendrait quasiment impossible le retour à quai en cas de bise ou de joran notamment. Ceci n'avait pas du tout été pris en compte par le TAPI, lequel s'était contenté d'affirmer que la rampe publique ne serait pas touchée. Une telle affirmation était en totale opposition avec les réalités nautiques du lac Léman.

La construction de la nouvelle digue supprimerait également l'esplanade sise aux abords de la rampe publique d'accès actuelle, rendant ainsi beaucoup moins pratique et plus difficile la mise à l'eau pour les utilisateurs n'entreposant pas leur bateau sur le parking attenant à la rampe. De par son ampleur et son emprise, la nouvelle digue aurait de surcroît pour conséquences de supprimer les courants naturels près de la rampe publique et de créer une zone d'eau stagnante qui n'existait pas auparavant. Il se formerait donc entre la digue et la rampe publique un amas d'algues, de déchets divers, de bois, etc., rendant à nouveau toute manoeuvre quasi impossible.

Le TAPI avait considéré que les recourants pourraient utiliser une autre rampe publique, la rive droite en comptant huit. Or, seule la rampe publique de mise à l'eau de N______ était praticable en tout temps. Les recourants n'utilisaient que celle-ci. Le A______ l'utilisait environ cinq cents fois par an, que ce soit dans le cadre de cours de voile ou lors de sorties privées de ses membres. M. E______ l'utilisait environ deux cent cinquante fois par an dans le cadre de son activité professionnelle avec sa société R______, spécialisée dans la vente et l'entretien de bateaux de ski nautique. M. B______ l'utilisait une vingtaine de fois par an pour mettre à l'eau son voilier, alors que M. C______ s'en servait une trentaine de fois par année pour mettre à l'eau son bateau moteur parqué contre le bâtiment du H______.

Le TAPI indiquait que le projet querellé ne viserait que l'addition de cinq places d'amarrage supplémentaires dans le port du H______, ce qui était erroné. Les plans tels que visés ne varietur par le département permettaient de conclure que le nouveau port, grâce à l'ajout de la digue, permettrait l'amarrage de cinquante bateaux en extérieur, soit plus du double de la capacité extérieure du port. L'explication du H______ consistant à comptabiliser les corps-morts en plus des places de port actuelles, ne pouvait être suivie comme le faisait le TAPI. Il n'était en conséquence pas possible de dire que l'agrandissement de la digue n'était pas important relativement au nombre de bateaux nouveaux qui pourraient y être amarrés.

L'agrandissement des halles de stockage du H______ et l'augmentation du nombre de bateaux ne pourraient que créer une augmentation du trafic actuellement connu sur le chemin P______ et, par conséquence, des nuisances.

S'agissant des distances séparant les domiciles des recourants du H______, il apparaissait que M. B______ et Mme G______ étaient éloignés de 298 m, M. C______ de 266 m, Mme F______ de 180 m et les époux D______ de 111 m, contrairement aux distances retenues, à tort, par le TAPI.

Le TAPI avait fait une mauvaise application de la jurisprudence relative à la notion de voisins. Il était admis de jurisprudence constante que le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse avait en principe la qualité pour recourir. Le Tribunal fédéral avait reconnu la qualité pour agir des voisins propriétaires de parcelles distantes de 25, 45, 70, 120 et même 150 m. Le critère de la distance n'était pas le seul déterminant. La question de savoir si le voisin était directement atteint nécessitait une appréciation de l'ensemble des circonstances pertinentes.

Les recourants détaillaient leur situation personnelle. Il y sera revenu dans la partie en droit en tant que de besoin.

26) Le TAPI n'a pas formulé d'observation.

27) Par réponse du 5 mars 2015, le H______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Les recourants avaient affirmé lors de l'audience du 15 octobre 2014 être tous propriétaires d'un bateau et utiliser la rampe de mise à l'eau de N______ port, mais la capitainerie cantonale avait indiqué que Mme G______,
Mme D______, M. D______ (sic) et M. E______, ne louaient pas de places à terre. Il n'apparaissait dès lors pas qu'ils aient usage de la rampe publique de mise à l'eau, laquelle resterait de surcroît toujours utilisable, à l'instar de
vingt-et-une autres rampes d'accès au lac, autres que celles de N______ port. La capitainerie cantonale avait par ailleurs confirmé que la configuration du port projeté ne modifiait en rien la pratique de la navigation à voile, notamment l'accès au lac des dériveurs. Les utilisateurs de ceux-ci disposeraient d'une marge de manoeuvre amplement suffisante.

La nouvelle construction présenterait de nombreux avantages pour la majorité des utilisateurs de la rampe, notamment les détenteurs de canots à moteur, les pêcheurs, ainsi que les autres chantiers navals de la région.

Le projet comportait cinquante places d'amarrage et prévoyait une rationalisation et une redistribution des places d'ores et déjà existantes en minimisant l'impact sur le lac. Le H______ envisageait de rapatrier dans le port vingt embarcations situées au large sur les corps-morts, qui viendraient s'ajouter aux places actuelles, aux onze places tampons et aux deux places visiteurs imposées par la capitainerie cantonale. Ainsi, seules cinq places d'amarrage supplémentaires étaient prévues.

Par ailleurs, les trente places à terre prévues étaient destinées au stockage d'hiver sous couvert. En été, la capacité d'accueil des bateaux à terre serait quasiment identique à celle actuelle.

Les nouvelles installations ne généreraient pas de trafic automobile supplémentaire. Les utilisateurs des embarcations destinées à être stockées sur les places à terre pendant l'hiver déposaient leur bateau dans le courant du mois de septembre et les récupéraient généralement au mois d'avril ou mai. Ils ne se déplaçaient généralement pas au H______ durant la période d'hivernage.

Ainsi, les cinq places supplémentaires n'engendreraient aucune nuisance due à la circulation automobile et le stationnement sauvage n'augmenterait pas aux abords du chemin P______ et du quai de N______.

L'intimé détaillait la situation de chacun des recourants, allégations qui seront reprises dans la partie en droit en tant que de besoin.

28) Par observations du même jour, le département a conclu au rejet du recours.

N'étant pas des voisins directs des parcelles faisant l'objet du projet litigieux, aucune qualité pour recourir ne pouvait leur être reconnue sur cette base. Ils ne pouvaient pas non plus se prévaloir de la proximité de leur domiciliation avec l'objet du litige dès lors que les recourants n'avaient pas démontré être spécialement touchés par cette décision, la capitainerie cantonale ayant confirmé que la construction n'aurait aucune incidence sur la mise à l'eau des bateaux. Par ailleurs, leur seule qualité d'usagers de la rampe de mise à l'eau ne pouvait pas leur conférer un quelconque droit d'opposition. Il importait en conséquence peu de savoir quelle était la distance exacte qui séparait le domicile des recourants des parcelles sur lesquelles était prévu le projet contesté dès lors que les autres conditions nécessaires pour recourir faisaient très clairement défaut, le A______ et les autres recourants n'ayant pas démontré être touchés dans un intérêt personnel, se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune.

29) Par réplique du 21 avril 2015, les recourants se sont référés à un arrêt de la chambre de céans du 24 février 2015 visant le projet d'extension de l'estacade de Q______. Le critère de la distance n'était pas le seul pertinent. La qualité pour recourir d'un voisin devait être appréciée à l'aune de l'ensemble des circonstances pertinentes. L'arrêt rappelait qu'il importait peu que le nombre de personnes touchées soit considérable. En l'espèce, les recourants devaient tous être considérés comme voisins directs, de par leur proximité avec le H______, et il devait leur être reconnu un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune ou du canton de Genève. L'agrandissement faisant l'objet de la présente procédure était beaucoup plus important, s'agissant de près de 50 m, que celui de Q______ où seuls 18 m étaient concernés. Une augmentation du nombre de bateaux impliquerait forcément une augmentation du nombre de conducteurs desdits bateaux et donc de va-et-vient de ceux-ci entre leur domicile et le port concerné. Les recourants qui habitaient à quelques mètres du H______ avaient un intérêt personnel évident à ce que la décision d'autorisation soit annulée.

30) Par duplique du 15 mai 2015, le H______ a persisté dans ses conclusions.

31) Le 18 mai 2015, le département en a fait de même. Une augmentation du trafic automobile n'avait pas été mise en évidence dans le cadre de l'instruction. De surcroît, l'accès au site pouvait également se faire par le chemin
O______.

32) Il ressort des renseignements accessibles sur le site d'information du territoire à la carte (SITG) que le domicile de Mme G______ et M. B______ est situé à 218 m du H______, distance mesurée à la limite des parcelles, celui de M. C______ à 188 m, de Mme F______ à 127 m et le domicile de Mme et M. D______ est distant de 56 m.

33) La société R______ est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève. Selon l'extrait de celui-ci, elle a pour but la vente de bateaux de ski nautique. M. E______ est le directeur de la société, avec signature individuelle.

34) Par courrier du 21 mai 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. A teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA 1006/2015 du 29 septembre 2015 ; ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/253/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/98/2012 du 21 février 2012 et les références citées).

b. Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi (ATA/186/2014 du 25 mars 2014 ; ATA/399/2009 du 25 août 2009 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007, que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 ; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss). Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let.c).

À teneur de la jurisprudence, l'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1).

L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL ; Le contention administratif ; éd. 2013, pp. 115-116). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l'un des destinataires de la décision. Si le recourant est un tiers, il devra démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire. Par exemple, le voisin d'un fonds pourra recourir si la décision concernant ce fonds lui cause un préjudice réel, car il est suffisamment proche de celui-ci pour risquer de subir les nuisances alléguées (François BELLANGER/Thierry TANQUEREL ; op. cit., pp. 115-116).

c. Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir. La proximité avec l'objet du litige ne suffit toutefois pas à elle seule à conférer la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Les voisins doivent en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire. Dans des régions très habitées, la qualité pour recourir peut être reconnue à plusieurs personnes, sans que cela ne soit assimilé à une action populaire. Une atteinte particulière est reconnue lorsqu'il faut notamment s'attendre avec certitude ou avec une grande vraisemblance à des immissions bruits, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent aussi se voir reconnaître la vocation pour recourir (ATF 141 II 50 consid. 2.1 p. 52 ; ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 p. 33 ; ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 243/2015 consid. 5.1.1 et 5.2.2 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA 577/2014 du 29 juillet 2014). Cet intérêt pratique peut être de nature économique, matérielle ou idéale. En ce qui concerne les décisions générales portant sur une situation concrète, mais visant un grand nombre, voire un nombre indéterminé de destinataires, les recourants doivent être davantage touchés que tout un chacun (arrêt du Tribunal fédéral 1C/242_2014 consid.1.1).

Est considéré comme voisin immédiat celui dont le terrain jouxte celui du constructeur, se situe en face de lui, séparé par exemple par une route ou un chemin, ou se trouve à une distance relativement faible de l'immeuble sur lequel il y aura la construction ou l'installation litigieuse (Piermarco ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace in Les tiers dans la procédure administrative, Genève, 2004, p. 176 et les références citées). Ces conditions peuvent aussi être réalisées en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble des recourants de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 174 ; ATA/713/2011 du 22 novembre 2011). La qualité pour recourir a ainsi été admise pour des distances variant entre 25 et 150 m (ATA/66/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/793/2005 du 22 novembre 2005 et la jurisprudence citée). Elle a en revanche été déniée dans des cas où cette distance était de 800, respectivement 600, 220, 200, voire 150 m (arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3.1 ; ATA/66/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/25/2007 du 23 janvier 2007 et les références citées).

d. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne permet pas de tracer une limite précise à la légitimation de tiers pour déposer un recours de droit administratif. En ce qui concerne le cas particulier des immiscions résultant de l'accroissement du trafic, la jurisprudence s'est montrée restrictive. Cela étant, la qualité pour recourir est largement admise lorsque les immiscions provenant d'un ouvrage sont clairement discernables par rapport aux immiscions générales et peuvent être réduites sans frais disproportionnés. Ainsi la légitimation pour agir sera admise plus facilement s'agissant d'immiscions concrètement mesurables que d'immiscions potentielles (ATF 112 Ib 154 consid.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_343/2014 du 21 juillet 2014 consid. 2.5).

e. De plus, lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi, un accroissement du trafic sur une route déjà très fréquentée aussi bien par les habitants du voisinage que par des usagers étrangers à la commune, doit entraîner pour le recourant des inconvénients qui le touchent directement et plus que quiconque (ATA/291/2004 du 6 avril 2004 ; ATA/621/2003 du 26 août 2003 ; ATA/653/2002 du 5 novembre 2002).

f. Dans le cadre de la demande d'autorisation de construire une décharge, les personnes habitant le long de la route d'accès à celle-ci et pouvant percevoir nettement le trafic poids lourds supplémentaires, se sont vues reconnaître la qualité pour contester le projet (ATF 136 II 281).

Le Tribunal fédéral a reconnu la qualité pour recourir à la propriétaire d'un bien-fonds situé de l'autre côté d'une route cantonale, mais en face d'une place de parc sur laquelle la ville envisageait d'augmenter la capacité de stationnement de 30 à 120 voitures, considérant qu'il était en relation étroite avec l'objet du litige et qu'elle était touchée plus que quiconque par la décision (ATF 115 Ib 508
consid. 5c).

De même, la qualité pour recourir a été reconnue aux voisins d'une patinoire, dont la maison se trouvait à 120 m environ. La société exploitante avait obtenu l'autorisation de construire un second bâtiment, qui abriterait des vestiaires et des douches, une pièce de séjour et deux dépôts de matériel. Les voisins ont demandé l'annulation de l'autorisation, ou que des mesures soient ordonnées afin d'atténuer le bruit et de modérer la circulation des véhicules. Le Tribunal fédéral a admis qu'ils avaient un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision (ATF 115 Ib 446 consid. 1b).

La qualité pour recourir a également été reconnue à des voisins habitants entre 800, voir 1000 m, d'installations de tirs, en raison du bruit encore perceptible à cette distance (ATF 133 II 181 consid. 3.3.3).

g. Le Tribunal fédéral a dénié la qualité pour recourir aux bordiers d'une route de village sur laquelle la circulation de camions devait s'accroître en raison de l'exploitation d'un dépôt d'ordures distant de 900 m. Il a considéré qu'ils n'étaient pas plus atteints que quiconque par l'immiscions de bruit en résultant. Même si le surcroît de trafic de camions résultant de l'exploitation de la décharge était prévisible, ce trafic se mêlerait au trafic général et ne constituerait donc pas une nuisance distincte. Celle-ci diminuait encore avec la distance, en même temps que les effets de la circulation générale revenaient au premier plan. Il n'y avait donc pas un rapport étroit, spécial et digne de considération entre les recourant et l'objet du litige (ATF 112 Ib 154 consid.3).

Le Tribunal fédéral n'a pas reconnu la qualité pour recourir au voisin d'une ferme, dont le propriétaire avait déposé une demande préalable tendant notamment à l'octroi d'une aide à l'investissement pour la construction d'un hangar agricole. L'habitation du recourant se trouvait à une distance à vol d'oiseau de 282 m du hangar projeté, mais sa parcelle agricole la plus proche se situait à environ 50 m. Les terrains étaient séparés par une dense bande de forêt. Le recourant affirmait que le hangar projeté entraînerait une augmentation du trafic mais également des nuisances sonores et atmosphériques. Selon le Tribunal fédéral, l'appréciation de la Cour cantonale n'apparaissait pas insoutenable. Elle avait jugé qu'une augmentation du bruit et du trafic sur la route cantonale bordant le secteur ne pourrait être que faible voire inexistante ; elle avait retenu que les véhicules destinés à être remisés dans ce hangar faisaient partie du parc actuellement détenu par l'intimé et transitaient aujourd'hui déjà par cette route, celle-ci étant la seule à desservir le quartier. Elle avait par ailleurs estimé que les nuisances sonores alléguées, pour peu qu'elles soient vraisemblables, seraient en tout état négligeables dans la mesure où la parcelle du recourant la plus proche se situait à environ 50 m du projet litigieux et qu'elle en était séparée par une large et dense bande forestière. Le Tribunal cantonal avait enfin relevé que les inconvénients sonores liés à l'utilisation de cette construction, vouée à l'entreposage de machines et de véhicules agricoles, ne pourraient intervenir que sur de courts laps de temps, lors de la sortie ou de la remise de ce matériel. Il avait tenu compte du caractère exclusivement agricole des fonds du recourant, depuis lesquels la construction litigieuse ne serait de surcroît pas visible
(arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2015 consid. 4).

h. Le Tribunal administratif fédéral a quant à lui nié la qualité pour recourir des riverains d'une route, lorsque l'utilisation du bus diesel en lieu et place de trolleybus ne correspondait pas, quant à la pollution de l'air et aux immissions de bruit, à une augmentation du trafic de 10 % au minimum (ATAF 2007/1 du
7 mars 2007 consid. 3-6, 3.8-3.9).

3) En l'espèce, l'intimé soutient que seules cinq places nouvelles seront créées et doivent être prises en compte pour juger de l'augmentation du trafic sur le chemin du lac. Selon ses calculs, sur les cinquante places d'amarrage du nouveau port, vingt seront occupées par les bateaux actuellement amarrés aux corps-morts et onze places seront réservées au service de la marina et donc libres de toute embarcation.

Le TAPI a fondé son raisonnement sur la prémisse que seules cinq places supplémentaires seraient créées dans le port.

4) La chambre administrative ne partage pas cette approche chiffrée. Outre le fait que le H______ invoque des chiffres différents selon les documents ou ses représentants, la chambre administrative considère que le nombre de places envisagées représente plus que cinq.

a. Les vingt places dans le port qui seront occupées par les embarcations actuellement amarrées aux corps-morts ne peuvent être exclues du calcul. En effet, à teneur de l'arrêté du Conseil d'État du 20 novembre 2013, les vingt bouées seront remises par le H______ à l'État de Genève d'ici quelques années. Elles seront par conséquent vraisemblablement à nouveau louées et ainsi occupées par vingt nouveaux bateaux, quand bien même l'utilisation en semble limitée pendant l'année, de mai à septembre selon le H______.

b. Les places réservées à la marina doivent également être comptabilisées.

En effet, selon les architectes qui ont rédigé le projet de rénovation du port, actuellement, le ponton extérieur au bout de la digue permet d'avoir « dix-sept places tampon » pour le service marina. Le représentant de l'intimé a affirmé en audience devant le TAPI qu'actuellement onze places étaient déjà dédiées au service de la marina. Les photos produites à l'appui du dossier des architectes font apparaître un nombre de places encore moindre puisque seules dix places semblent disponibles sur le ponton au bout de la digue actuelle.

La chambre administrative constate que la digue, telle qu'elle est conçue en l'état, ne permet en aucun cas d'abriter efficacement vingt-cinq bateaux, si l'on considère les quatorze places du port et les onze de la marina. S'il peut être admis que l'intimé arrive à amarrer onze embarcations supplémentaires dans l'espace portuaire pour assurer le service de la marina, ces emplacements n'offrent toutefois pas de protection suffisante pour permettre de les exploiter différemment que sur une brève durée.

Il n'en sera pas de même avec la nouvelle digue, qui permettra d'abriter efficacement cinquante bateaux.

Au vu de la pénurie actuelle des places d'amarrage sur le Léman et du manque à gagner qui résulterait de l'inoccupation de ces emplacements, il apparaît ainsi peu crédible qu'onze places, soit plus de 20 % de la capacité du nouveau port, soit réservées à long terme aux activités de la marina et laissées libres de tout occupant, sans être offertes à la location. Ceci est d'autant plus vrai que des possibilités d'amarrage, pour un bref laps de temps, sont toujours envisageables à l'intérieur d'un port. C'est d'ailleurs le système que semble exploiter actuellement la marina, puisqu'elle assume déjà ses services dans un port prévu à la base pour quatorze embarcations seulement.

c. Les explications de l'intimé, s'agissant des places à terre, ne sont pas plus convaincantes. Il soutient en effet que les trente nouvelles places seront utilisées uniquement pour l'hivernage. Or, les emplacements sur lesquels les bateaux sont stationnés pour la saison d'hiver ne présentent aucune particularité par rapport à ceux réservés aux services de la marina. Il n'apparaît ainsi pas exclu que les propriétaires bénéficiant des trente nouvelles places créées sous couvert fassent également appel aux services de la marina et fréquentent ainsi le port régulièrement durant la saison de navigation.

De plus, une fois encore, les chiffres avancés par l'intimé lors de l'audience devant le TAPI ne sont pas les mêmes que ceux mentionnés par les architectes dans leur projet, remis à l'appui des demandes d'autorisation. En effet, l'intimé a indiqué que trente nouvelles places seraient créées à terre, alors que les architectes en ont mentionné vingt-cinq. Par ailleurs, ces derniers indiquaient qu'une augmentation de 20 % de la capacité d'accueil dans le nouveau bâtiment justifierait l'investissement. Or, selon les chiffres avancés par l'intimé, le hangar actuel abriterait deux cents bateaux. Par conséquent, pour être rentable, l'agrandissement devrait permettre la création de quarante places supplémentaires, et non pas trente tel qu'allégué également par l'intimé.

d. Par conséquent, dès lors qu'ils ne tiennent pas compte des motifs précités, les chiffres avancés par l'intimé seront écartés, tout comme l'analyse effectuée par le TAPI.

Ce ne sont pas cinq, mais trente-six bateaux supplémentaires qui pourront être amarrés dans le port de N______, soit plus du double de la capacité actuelle.

Aux places à l'eau s'ajoutent, à tout le moins et en tenant ainsi compte du calcul le plus favorable à l'intimé, trente places sous couvert créées à terre et qui pourront également être louées par le service de la marina.

Ainsi, l'intimé proposera soixante et une places supplémentaires, augmentant par conséquent sa capacité actuelle d'environ 28 %.

e. La rénovation du H______ s'inscrit dans un projet commun de construction d'un port de cent cinquante places, mentionné dans le PDCom de la commune de M______ et qui devra probablement être soumis à une étude d'impact sur l'environnement. La création de places de stationnement supplémentaires est envisagée dans le cadre de ce projet, en parallèle au réaménagement et à l'ordonnancement du quai de N______. Les autorités semblent ainsi avoir pleinement conscience qu'à terme, le projet, qui s'inscrit dans un contexte urbanistique d'une ampleur importante, engendrera plus de trafic sur cette partie du bord du lac.

Ces aménagements permettront également de répondre à l'augmentation de la capacité d'accueil de l'intimé, si bien que l'inexistence d'une connexité entre le projet de ce dernier et la création d'un parking n'est pas un argument pertinent de la part de l'intimé.

5) L'augmentation de 28 % de la capacité d'accueil de l'intimé aura pour conséquence certaine une augmentation de la circulation sur le chemin du Port, qui n'est pas une route à grand trafic, contrairement à ce qu'a retenu le TAPI.

Celui-ci a considéré que le chemin P______ était à grand trafic, surtout les week-ends en été, et qu'en conséquence l'augmentation des nuisances devait être significative.

La chambre administrative ne partage pas cet examen.

En effet, le chemin P______ à N______ est un chemin de village. Il n'est pas destiné à être particulièrement fréquenté. Il s'agit d'une route secondaire, qui permet d'accéder au lac, au quai de N______, et qui se rétrécit ensuite en un chemin à une seule voie de circulation pour terminer en passage réservé aux riverains.

Il résulte du dossier que le chemin P______ ne dessert que les riverains, le H______ et un restaurant. Les habitations concernées consistent exclusivement en villas. Le registre foncier fait état de dix-huit adresses au chemin P______. À l'exception de quelques week-ends en été, le trafic n'y est pas important. Il doit en conséquence être retenu que le trafic induit par les riverains est faible et que l'augmentation du nombre de places du H______ peut facilement avoir une incidence importante, proportionnellement au trafic actuel.

De plus, le TAPI a développé son raisonnement en se basant sur une appréciation erronée, puisqu'il a retenu que seuls cinq bateaux supplémentaires pourraient être accueillis, alors qu'à tout le moins soixante et une nouvelles places seront créées sur les parcelles occupées par l'intimé.

Résultant de l'augmentation de quelque 28 % de la capacité du port, le trafic supplémentaire sera distinctement en lien avec les agrandissements projetés par l'intimé et clairement discernable de la fréquentation actuelle par les riverains ou les visiteurs des quais.

L'utilisation du chemin O______ pour parvenir au H______ n'est pas pertinente, compte tenu du long détour que cet itinéraire impose par le chemin S______, doublant ainsi le trajet depuis la route T______.

Même à considérer que ce dernier chiffre, établi en fonction de la procédure, en retenant les chiffres les plus favorables à l'intimé, ne soit pas exact, cet élément doit être retenu en faveur de la qualité pour recourir des intéressés. Les contradictions de celui-ci quant au nombre de places nouvelles sont un élément qui empêche une analyse plus précise des nuisances dont les recourants n'ont pas à subir les conséquences. Cette approche est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral qui indique que lorsque la qualité pour recourir ou faire opposition découle d'immissions dues au trafic, il faut que celles-ci soient clairement perceptibles pour le recourant s'il veut être légitimé à recourir (ATF 113 Ib 225 c. 1c pp. 228 s., JdT 1989 I 469 ; ATF 110 Ib 99 c. 1c p. 102, JdT 1986 I 656). Dans les cas limites, il subsiste une marge d'appréciation car d'une part il faut éviter d'étendre trop la possibilité de recourir mais, d'autre part, les limites au recours ne doivent pas être trop restrictives pour ne pas empêcher le contrôle de l'application du droit que le législateur a voulu lorsque le recourant dispose d'un intérêt actuel et digne de protection (ATF 136 II 281 consid. 2.3.2 = JdT 2011 I 442).

En l'espèce, les riverains du chemin P______ seront directement touchés et plus que quiconque par la décision. Pour ces motifs, leur recours ne peut s'apparenter à une action populaire.

Par conséquent, la qualité pour recourir doit être reconnue aux recourants
M. B______, Mme G______, M. C______, Mme F_____ et Mme et M. D______, tous habitants du chemin du Port.

M. E______ n'étant pas domicilié sur le chemin du Port, sa capacité pour recourir sera analysée séparément.

6) Les domiciles de Mme F______ et des époux
D______ étant éloignés respectivement de 127 m et de 56 m du H______, le critère de la distance légitime également leur qualité pour contester l'autorisation, ce d'autant plus qu'aucun élément naturel ne les protège des effets sur le trafic de l'agrandissement projeté.

7) Par ailleurs, certains recourant sont des utilisateurs de la rampe d'accès à l'eau.

La chambre administrative constate que l'emplacement de la nouvelle digue rendra plus difficile l'utilisation de la rampe d'accès à l'eau. En cas de forte bise ou de joran, elle sera impraticable pour les bateaux à voile et dangereuse pour les bateaux moteurs, en raison de la proximité du nouveau ponton.

Il n'est pas contesté qu'il existe d'autres rampes de mise à l'eau dans le canton de Genève. Cependant, certains recourants habitent à quelques centaines de mètres seulement du lac et de la rampe en question. Les priver de cet accès à l'eau les obligera à remorquer leurs bateaux, impliquant des frais et désagréments nouveaux. Ils seront ainsi manifestement touchés plus personnellement que la majorité des usagers de la rampe de mise à l'eau de N______. Pour ces raisons, leurs recours ne s'apparent une nouvelle fois nullement à une action populaire.

Ainsi, en tant qu'utilisateurs de la rampe de mise à l'eau et habitant du chemin P______, la qualité pour recourir doit être reconnue, pour ce motif également, aux recourants M. B______, Mme G______ et M. C______.

Les informations fournies à l'intimé par la capitainerie cantonale, soit que Mme G______ et Mme et M. D______ ne louaient pas de place à terre, ne sont pas documentées. La chambre administrative constate toutefois que le fait que Mme G______ ne figure pas comme locataire n'est pas pertinent, puisque la place peut avoir été mise au nom de M. B______, qui vit à la même adresse, si bien qu'ils utiliseraient logiquement le même bateau. Quant à M. et Mme D______, ils n'ont pas évoqué en appel le fait d'être des utilisateurs de la rampe d'accès. La qualité pour recourir leur a été reconnue aux motifs qu'ils habitaient sur le chemin P______, à proximité des parcelles de l'intimé et subiraient en conséquences directement l'augmentation des nuisances liées au trafic supplémentaire. MM. B______ et C______ ne sont pas concernés par les informations données par la capitainerie, ce qui tend à confirmer le fait qu'ils sont bel et bien locataires d'une place à terre, conformément à ce qui a d'ailleurs été retenu par le TAPI.

8) Devant la chambre administrative, M. E______ fait appel en son propre nom, en indiquant son adresse personnelle.

Dans ses écritures, il reconnaît qu'il ne peut se voir reconnaître la caractéristique de voisin du projet attaqué au vu de son adresse tant privée que professionnelle.

Il conteste toutefois la décision, aux motifs des difficultés qu'il rencontrera dans son activité professionnelle. En raison de l'inaccessibilité de la rampe de mise à l'eau, il sera contraint de devoir faire usage d'autres accès au lac, avec une répercussion certaine sur ses charges.

Ce faisant, ce sont les intérêts de R______ qu'il défend, puisque ce sont les activités de la société qui seront entravées et les charges de celle-ci qui subiront une augmentation.

C'est au nom de la société que M. E______ devait faire appel et faire valoir ces arguments et non pas uniquement en son propre nom.

Par conséquent, n'étant pas lui-même particulièrement touché par la décision, la qualité pour recourir sera déniée à M. E______.

9) Pour ces motifs, le recours sera partiellement admis, et la qualité pour recourir reconnue à MM. B______ et C______, Mme et M. D______, Mme F______ et Mme G______, à l'exception de M. E______. Le jugement du 17 décembre 2014 sera ainsi partiellement annulé et la cause renvoyée au TAPI.

Il devra traiter la question de la qualité pour intervenir du A______, conformément à l'arrêt de la chambre de céans rendu le 12 juin 2014 (ATA/420/2014 consid. 8), et procéder à l'instruction sur le fond.

Les émoluments et indemnités fixés par les points 4 à 7 du dispositif du jugement du TAPI seront annulés.

Le jugement du TAPI sera pour le surplus confirmé, notamment compte tenu du fait que plusieurs des recourants devant le TAPI n'ont pas interjeté recours devant la chambre de céans.

10) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du H______ qui succombe. Aucun émolument ne sera mis à la charge du département, ce dernier en étant exempté (art. 87 al. 1 LPA). Dans la mesure où ils ont dû recourir aux services d'un avocat, une indemnité de procédure de
CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, A______ compris, à l'exception de M. E______ (art. 87 al. 2 LPA). Cette indemnité sera à la charge du H______ et de l'État de Genève, pour moitié chacun.

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 février 2015 par le A______, Messieurs B______ et C______, Madame et Monsieur D______, Monsieur E______, Mesdames F______ et G______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2014 (JTAPI/1435/2014) ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule les points 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2014, en tant qu'ils déclarent irrecevable les recours interjetés par Messieurs B______ et C______, Madame et Monsieur D______, Mesdames F______ et G______, ainsi que la demande d'intervention déposée par le A______ ;

annule les points 4 à 7 du jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 décembre 2014 ;

confirme ce jugement pour le surplus ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision, au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de H______;

dit qu'aucun émolument n'est mis à la charge du département de l'aménagement, du logement et de l'environnement ;

alloue une indemnité de procédure aux recourants, pris conjointement et solidairement, à l'exception de M. E______ ;

fixe l'indemnité de procédure à CHF 1'000.-, dont CHF 500.- sera mis à la charge de H______ et CHF 500.- à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Penet, avocat des recourants, à Me Pascal Aeby, avocat du H______, à Me Benoît Lambercy, avocat de Messieurs I______, J______, K______ et Madame  L______, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :