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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1747/2015

ATA/1187/2017 du 22.08.2017 sur JTAPI/737/2016 ( LCI ) , REJETE

Parties : STEINER Philippe / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, AUDERGON-DIMIER Marianne et autres, HEINZEN Dominique, BURRUS Virginie, DERIAZ SIROVICH Sabine Florence, DROZ Thierry, ZBINDEN Stéphane, URBAN PROJECT SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1747/2015-LCI ATA/1187/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Philippe STEINER

contre

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

et

URBAN PROJECT SA
représentée par Me Dominique Burger, avocate

et

Madame Marianne DIMIER-AUDERGON

Madame Dominique HEINZEN-AUDERGON

Madame Virginie BURRUS

Madame Sabine DERIAZ SIROVICH

Monsieur Thierry DROZ

Monsieur Stéphane ZBINDEN
représentés par Me Michel Schmidt, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juillet 2016 (JTAPI/737/2016)


EN FAIT

1) a. Le 17 octobre 2012, le département de l’urbanisme, devenu depuis lors le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le département) a délivré à Privera construction Management SA (ci-après : Privera) une autorisation préalable de construire (DP 18'379) un immeuble de logements et de bureaux avec garage souterrain sur les parcelles nos 6'460 et 6'461, feuille 34 de la commune de Collonge-Bellerive (ci-après : la commune), aux adresses 5, chemin du Vieux-Vésenaz et 36, route de Thonon.

Le même jour, une autorisation de démolir (M 6'598) a été délivrée, prévoyant la démolition des habitations, dépôt, couvert et murs érigés sur ces parcelles ainsi que sur la parcelle no 7'687 adjacente.

b. L’autorisation de construire (DP 18'379) a fait l’objet de deux recours déposés par des voisins du site auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) qui ont été retirés par la suite, faisant l’objet de deux décisions de retrait du TAPI (RTAPI/1/2013 du 3 janvier 2013 et RTAPI/478/2013 du 4 novembre 2013).

c. Les autorisations M 6'598 et DP 18'379 ont été prolongées par le département le 26 octobre 2015, suite à une requête du 15 septembre 2015, jusqu’au 4 novembre 2016 et le 18 octobre 2016, suite à une requête du 26 septembre 2016, jusqu’au 4 novembre 2017. Cette dernière prolongation a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 25 octobre 2016.

d. Le 21 novembre 2016, Monsieur Philippe STEINER, propriétaire de la parcelle no 1'789, sise en face du projet sur le chemin du Vieux-Vésenaz, a interjeté un recours auprès du TAPI contre les décisions de prolongation des autorisations DP 18'379 et M 6'598 du 18 octobre 2016. Ce recours a été enregistré par le TAPI sous le n° de cause A/4004/2016.

e. Par jugement du 26 avril 2017, le TAPI a rejeté le recours de M. STEINER (JTAPI/420/2017).

f. Le 30 mai 2017, M. STEINER a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI (JTAPI/420/2017). Ledit recours a été enregistré par la chambre administrative sous le no de cause A/4004/2016.

2) En parallèle, le 1er juillet 2014, Privera a déposé une seconde demande d’autorisation préalable de construire un immeuble de logements, commerces et bureaux avec garage souterrain ainsi qu’agrandissement d’un magasin et garages sur les parcelles nos 6'460, 6'461, 7'687 et 9'346 de la commune de
Collonge-Bellerive (DP 18'561). Le projet était similaire au premier mais contenait en plus une extension commerciale en sous-sol reliant les commerces existant (Manor notamment). Le garage souterrain et les commerces trouvaient place dans les étages inférieurs et les étages supérieurs, soit un rez-de-chaussée, deux étages et un attique, étaient affectés aux bureaux et logements.

a. Le 20 août 2014, la direction des autorisation de construire a rendu un préavis favorable sous conditions, indiquant que l’obtention de dérogations concernant les gabarits et les distances aux limites de propriétés étaient nécessaires.

b. Le projet a été soumis à la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) qui en a demandé la modification dans son préavis du 2 septembre 2014.

Le dossier avait fait l’objet d’une longue mise au point à travers la demande de démolition M 6'598 et la demande préalable d’autorisation de construire DP 18'379. Une visite des bâtiments et des abords avait eu lieu et un préavis rendu le 6 septembre 2011. En outre, le service des monuments et sites (ci-après : SMS) avait rendu un préavis le l7 mai 2012 dans ce cadre.

En considérant la dimension importante de la parcelle, la CMNS demandait que le projet s’inscrive intégralement dans le gabarit légal de construction.

c. Le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable sous trois conditions le 8 octobre 2014. Compte tenu de l’affectation de la parcelle en zone 4B protégée et une partie en zone 5, le degré de sensibilité était différent en front de la route de Thonon et à l’arrière des parcelles. L’architecte avait prévu une typologie adaptée aux nuisances mais ce point devait être vérifié auprès d’un acousticien, de même que celui de la transformation du centre commercial. Le trafic lié à l’exploitation du parking créé devrait également satisfaire aux exigences en matière de protection contre le bruit.

d. La direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un deuxième préavis favorable le 22 janvier 2015 sous condition que tous les
garde-corps s’inscrivent dans le gabarit légal. Ce préavis ne mentionnait plus de dérogation.

e. Le 29 janvier 2015, la direction générale des transports a rendu un préavis favorable au projet.

f. Le 9 février 2015, le SMS s’est déclaré favorable sous conditions. La faisabilité du projet n’était plus subordonnée à l’octroi d’une dérogation et il n’avait dès lors plus d’objections à formuler quant aux questions générales d’implantation, de gabarit, de volume et de dévestiture.

g. Le 25 février 2015, la commune a préavisé favorablement le projet sans formuler d’observations.

3) Le 14 avril 2015, le département a délivré à Privera l’autorisation préalable de construire DP 18'561. Dite autorisation a été publiée dans la FAO du 21 avril 2015.

4) Le 21 mai 2015, M. STEINER, Mesdames Marianne AUDERGON-DIMIER, Dominique HEINZEN-AUDERGON, Virginie BURRUS, Sabine DERIAZ SIROVICH ainsi que Messieurs Thierry DROZ et Stéphane ZBINDEN (ci-après : M. STEINER et consorts) ont recouru auprès du TAPI contre l’autorisation de construire DP 18’561 en concluant à son annulation.

Ils étaient voisins des parcelles concernées par les constructions et invoquaient notamment que le projet aurait pour conséquence de restreindre considérablement leur vue et faire ainsi perdre de la valeur à leurs parcelles.

5) Par écriture du 30 juin 2015, M. STEINER et consorts ont complété leur recours en faisant valoir d’autres griefs.

6) Le 27 juillet 2015, le département a répondu au recours en concluant à son rejet. Le projet était conforme aux gabarits applicables à la zone 4B protégée.

7) Le 24 août 2015, Privera, devenue Urban project SA (ci-après : Urban), a déposé des observations concluant au rejet du recours ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Elle était déjà au bénéfice d’une autorisation de construire préalable en force mais avait voulu modifier le projet, notamment par la création d’une extension commerciale en sous-sol reliant les commerces existants, raison pour laquelle elle avait déposé une nouvelle demande d’autorisation. Le bâtiment projeté s’inscrivait dans le gabarit légal.

8) Le 12 octobre 2015, le département a produit le dossier de l’autorisation DP 18'379 dans laquelle figuraient deux préavis de la CMNS datés des 6 septembre 2011 et 6 mars 2012.

Dans le premier, la SCA, sous la plume de Madame Sylviane KELLENBERGER, indiquait que son délégué avait visité les lieux. Considérant les qualités du site et du contexte immédiat, elle n’était pas opposée au principe général de l’intervention mais demandait des compléments d’information, notamment sous la forme d’une maquette incluant le tissu ancien organisé le long du chemin du Vieux-Vésenaz, l’opération effectuée chemin Neuf-de-Vésenaz située au nord de la parcelle, l’immeuble administratif implanté le long de la route de Thonon ainsi que la position de l’entrée de la future tranchée couverte prévue sous la route de Thonon. Il convenait d’améliorer la relation entre le projet et le chemin du Vieux-Vésenaz. Quel que soit l’évolution du projet, les constructions futures devaient respecter les dispositions légales régissant les gabarits et les distances aux limites de propriété, sans dérogation. Le projet devait s’inscrire intégralement dans le gabarit légal de construction.

Dans le second préavis, la SCA, toujours sous la plume de Mme KELLENBERGER, demandait un projet modifié concernant la terminaison du bâtiment de logements en angle aigu situé sur le chemin du Vieux-Vésenaz afin d’améliorer la relation entre la construction et le tissu ancien. Une solution plus respectueuse de la morphologie dictée par le bâti existant qui tiendrait compte de l’échelle et de l’orientation du tissu ancien plutôt que de la géométrie du chemin devait être trouvée. Concernant l’immeuble administratif implanté sur le bas de la parcelle, des demandes et propositions étaient faites visant à minimiser son impact dans le site. Elle renouvelait son exigence que le projet s’inscrive, quel que soit son évolution, intégralement dans le gabarit légal de construction.

Un préavis favorable sous réserve du SMS daté du 7 mai 2012, sous la plume de Mme KELLENBERGER, faisait suite aux deux préavis de la SCA et indiquait qu’après analyse des modifications apportées au projet en date du 4 avril 2012, il fallait relever que celui-ci répondait dans une large mesure aux directives émises par la CMNS dans son préavis du 6 mars 2012. Le SMS n’avait plus d’objection à formuler quant aux questions générales d’implantation, de gabarit, de volume et de dévestiture. Les questions d’aspect, d’expression architecturale, de matériaux et des aménagements extérieurs seraient étudiées dans le cadre de la demande définitive.

9) Le 4 décembre 2015, M. STEINER et consorts ont répliqué et maintenu leurs conclusions.

10) Le 15 décembre 2015, Urban a dupliqué.

11) À la demande du TAPI, le département a indiqué que l’un des plans visés par l’autorisation, soit le plan « coupes et gabarits », n’avait pas été signé ne-varietur. Il s’agissait d’un simple oubli.

12) Le 20 janvier 2016, les parties ont été entendues en audience par le TAPI. Mme KELLENBERGER, architecte du SMS, a été entendue en qualité de témoin.

Selon ce témoin, aucune dérogation n’était nécessaire selon les calculs de gabarit effectués, contrairement à ce qu’avait indiqué la DAC dans son premier préavis du 20 août 2014. Le projet n’avait donc pas été resoumis à la CMNS et seul le SMS avait rendu le préavis final du 9 février 2015. Elle avait signé les deux préavis car le SMS fonctionnait comme secrétariat de la CMNS. Le premier projet ainsi que la demande de démolition avaient été analysés de manière approfondie par la SCA. Le second projet correspondait au premier quant à sa volumétrie, son implantation et ses gabarits.

13) Le 20 janvier 2016, M. STEINER et consorts ont persisté dans leurs conclusions.

14) Le 11 mars 2016, Urban et le département ont déposé chacun des observations.

15) Le 13 avril 2016, M. STEINER et consorts ont sollicité une analyse minutieuse des fissures que le chantier pourrait engendrer et précisé que dans l’hypothèse où une autorisation de construire définitive serait délivrée, ils solliciteraient que le constructeur ordonne et prenne à sa charge différents constats et contrôles.

16) Le 20 avril 2016, Urban s’est déterminée. Les modifications apportées au premier projet n’étaient pas telles qu’elles nécessitaient un nouvel examen approfondi par la CMNS.

17) Par jugement du 13 juillet 2016 (JTAPI/737/2016), le TAPI a rejeté le recours de M. STEINER et consorts contre l’autorisation de construire DP 18'561.

Le projet n’avait pas besoin d’obtenir une dérogation pour être autorisé. La question du trafic provenant du chantier était prématurée dans le cadre d’une autorisation préalable, de même que celle relative au bruit.

La CMNS avait procédé à une analyse approfondie du dossier avant de rendre un préavis favorable dans le cadre de la première autorisation. Dans le deuxième examen auquel avait procédé la CMNS, et suite à la modification du projet, les calculs de gabarits avaient été corrigés, ce qui avait conduit à un projet respectant intégralement les gabarits légaux. Concernant les prétendues violations du plan directeur cantonal et du plan directeur communal, la commune avait préavisé favorablement le projet et le travail d’analyse de la CMNS avait largement porté sur l’intégration sur le plan architectural du futur bâtiment à ceux environnants.

18) Le 14 septembre 2016, M. STEINER, seul, a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation, à la constatation de la nullité de l’autorisation de construire DP 18'561 ou à tout le moins à un réexamen de celle-ci par la CMNS ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure de CHF 5'000.-.

Le TAPI avait eu connaissance d’une violation manifeste de la procédure de consultation de la CMNS et n’en avait pas tenu compte. Le TAPI avait ignoré le rapport et les conclusions du géomètre officiel mandaté par ses soins qui arrivait à la conclusion que le deuxième projet autorisé était plus proche de la route d’environ 90 cm, plus large d’environ 2,5 m, comportait un niveau de sous-sol supplémentaire et prévoyait un raccordement au sous-sol du bâtiment voisin dont le volume en sous-sol était augmenté et le niveau du fond de fouille abaissé d’environ 5 m.

Les gabarits, la volumétrie, l’impact sur l’environnement du projet ainsi que l’architecture du village n’avaient pas été pris en compte alors que le projet était situé en zone 4B protégée à proximité de certains bâtiments classés comme constructions protégées au sens de l'inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (ci-après : ISOS).

19) Le 23 septembre 2016, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

20) Le 13 octobre 2016, le département a déposé des observations concluant au rejet du recours.

La CMNS avait été consultée lors de l’instruction de la seconde demande et avait émis un préavis le 2 septembre 2014 dans lequel elle demandait une modification du projet. L’autorisation avait ensuite été délivrée suite à un préavis favorable sous conditions du 9 février 2015 du SMS, lequel avait constaté que le projet répondait aux demandes de la CMNS. Dans une telle hypothèse, il n’y avait pas lieu de solliciter un préavis émanant formellement de la CMNS. La seule exigence de cette dernière était que les constructions futures s’inscrivent dans le gabarit légal et ne nécessitent pas de dérogation, ce qui était le cas. Aucune violation de la procédure ne pouvait être retenue et les dimensions plus importantes du deuxième projet avaient bien été prises en compte.

21) Le 21 octobre 2016, Urban a déposé des observations concluant au rejet du recours ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

La différence essentielle entre les deux projets consistait en l’extension du sous-sol. Les projets n’étaient donc pas identiques mais s’inscrivaient tous deux dans le gabarit légal de construction comme l’avait exigé la CMNS, raison pour laquelle le SMS avait rendu un préavis favorable.

22) Le 24 octobre 2016, par mémoire commun de leur mandataire, Mmes DIMIER-AUDERGON, HEINZEN-AUDERGON, BURRUS, DERIAZ 
SIROVICH et MM. DROZ et ZBINDEN (ci-après : Mme DIMIER-AUDERGON et consorts) ont déposé des observations, appuyant les conclusions prises par le recourant.

Ils avaient renoncé à recourir contre le jugement du TAPI mais prévoyaient de s’opposer, cas échéant, à l’autorisation définitive de construire. Des modifications très importantes étaient intervenues entres les projets successifs. Or, seul le SMS s’était prononcé sur le projet modifié qui avait fait l’objet de l’autorisation litigieuse. Le SMS n’avait pas la compétence pour rendre un préavis favorable, seule la CMNS était légitimée à se prononcer.

Le projet dérogeait clairement au plan directeur communal et à l’emprise du tissu historique ISOS. Le préavis favorable de la commune ne changeait en rien cette non-conformité qui devait conduire à l’annulation de l’autorisation préalable.

23) Le 7 novembre 2016, Urban a renoncé à formuler des observations complémentaires.

24) Le 11 novembre 2016, le département a déclaré n’avoir ni requête ni observations complémentaires à formuler.

25) Le 21 novembre 2016, le recourant a persisté dans les conclusions prises et précisé que le projet de construction s’inscrivait dans le cadre du tracé de l’emprise du tissu historique ISOS de la commune. Il existait pour les cantons et les communes une obligation de tenir compte de ces inventaires fédéraux dans l’exécution de leurs tâches aussi lors de projets concrets tel que celui litigieux. Or, la CMNS n’avait pas pris en compte cet aspect.

Il requérait un transport sur place afin de vérifier l’implantation du projet et le respect des recommandations fédérales ISOS ; des enquêtes approfondies et complémentaires par l’audition de la représentante du secrétariat de la CMNS et des membres de la CMNS ayant été consultés dans le cadre du projet ; la prise de renseignement en matière des devoirs incombant au canton et à la CMNS, auprès de l’office fédéral du développement territorial (ci-après : ARE) et/ou du service du patrimoine culturel et des monuments historiques de l’office fédéral de la culture (ci-après : OFC).

26) Le 21 novembre 2016, Mme DIMIER-AUDERGON et consorts ont renoncés à déposer des observations complémentaires.

27) Le 20 janvier 2017, M. STEINER a déposé des pièces complémentaires, dont copie de son courrier adressé au TAPI relatif à la cause A/4404/2016. Il demandait l’apport immédiat d’un second rapport géotechnique effectué dans le cadre de la délivrance de l’autorisation litigieuse.

28) Le 31 janvier 2017, M. STEINER a complété ses écritures en précisant à nouveau les différences d’emprise des deux projets de constructions.

Le détail de son argumentation sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

29) Le 27 février 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite diverses mesures d'instruction liées à l’inventaire ISOS notamment.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 52 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2016 et 2C_397/2016 du 14 novembre 2016 consid. 4.1) et de participer à l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017 consid. 6.1). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370). La garantie constitutionnelle précitée n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017).

En l'occurrence, le dossier comprend les échanges d'écritures, les plans du projet, ainsi que les préavis des entités qui se sont déterminées sur celui-ci. Il comprend également les plans du premier projet autorisé et les préavis le concernant auquel se réfèrent les préavis du second projet. Les mesures demandées par le recourant ne sont pas susceptibles d’apporter des éléments nécessaires à trancher le litige, comme cela sera développé ci-dessous, alors que les éléments figurant au dossier sont suffisants.

Par conséquent, il ne sera pas donné suite aux demandes d’autres mesures d'instruction faites par le recourant.

3) En premier lieu, le recourant fait grand cas des différences existant entre les deux projets ayant donné lieu à deux décisions préalables d’autorisation de construire. À l’appui de son argumentation, il a déposé un rapport d’un géomètre, daté du 23 février 2016, mandaté par ses soins, qui y indique les différences objectives entre les deux projets autorisés.

Ces différences ne sont ni contestables ni contestées par les parties mais n’ont aucun impact sur l’examen de la conformité au droit de la seconde décision, seule objet du litige dans la présente cause. D’ailleurs, le rapport du géomètre produit par le recourant indique précisément dans ses conclusions que les gabarits imposés par la loi sont respectés par les deux projets.

Le grief du recourant tombe donc à faux.

Les différents griefs évoqués qui semblent être plutôt relatifs à la première autorisation de construire délivrée ou à l’autorisation de démolir, dans la mesure de ce qui peut être compris des écritures du recourant, ne seront pas examinés ici.

4) Le recourant fait grief au département d’avoir délivré l’autorisation préalable de construire sans que la CMNS ne se soit prononcée sur le projet finalement autorisé.

Contrairement à ce qu’allègue le recourant, le projet a été soumis formellement à la CMNS qui a rendu un préavis le 2 septembre 2014 dans lequel elle demandait une modification de projet. Elle a donc examiné le projet et s’est déterminée sur celui-ci.

S’il est vrai que l’autorisation préalable a finalement été délivrée sur la base du préavis favorable émis par le SMS et non par la CMNS, ce procédé ne prête toutefois pas le flan à la critique. Il a déjà été admis par la chambre de céans qu’une nouvelle consultation formelle de la CMNS ne s’imposait pas dans les cas où le SMS pouvait constater que le projet répondait aux demandes de la CMNS telles qu’exposées dans son préavis (ATA/455/2016 du 31 mai 2016).

En l’espèce, le préavis de la CMNS posait, à ce stade du projet et vu les différences entre le premier et le second projet, une unique exigence, à savoir que les constructions futures s’inscrivent dans le gabarit légal de construction et ne nécessitent pas de dérogation au sens de l’art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Cette condition a été réalisée en l’espèce puisque le projet ne nécessitait en fait aucune dérogation. C’est uniquement en raison d’une erreur figurant dans le préavis de la DAC du 20 août 2014, qui indiquait que le projet nécessitait des dérogations au sens de l’art. 106 LCI, que la CMNS a formulé son préavis dans ce sens. Le second préavis de la DAC du 22 janvier 2015, rendu après que les plans aient été recalculés, n’indique plus que le projet nécessite des dérogations. Selon les déclarations de Mme KELLENBERGER du SMS, c’est pour cette raison que le projet n’a pas été soumis à nouveau à la CMNS (audition de Mme KELLENBERGER par le TAPI, 20 janvier 2016). Le recourant ne conteste du reste pas que le projet ne nécessite aucune dérogation, le rapport du géomètre qu’il a produit le précisant.

Le grief sera dès lors écarté.

5) Le recourant reproche encore au département et au TAPI d’avoir ignoré, d’une part, les aspects de protection du patrimoine liés au recensement ISOS et, d’autre part, que le projet de construction est situé en zone 4B protégée.

a. Au préalable, il convient de relever que, contrairement à ce que pourrait laisser croire l’argumentation développée par le recourant, le village de Vésenaz ne figure pas dans la liste des sites d’importance nationale de l’inventaire fédéral ISOS (Annexe de l’ordonnance concernant l’Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse du 9 septembre 1981– OISOS – RS 451.12).

Il découle de cette absence que les règles spécifiques que le recourant voudrait voir appliquer en l’espèce ne trouve pas application et une grande partie de son argumentation portant sur la protection des sites d’importance nationale ne sera dès lors pas examinée plus avant.

b. Cela étant, à l’inventaire fédéral vient s’ajouter une liste des sites construits d’importance régionale et locale. Ces sites ont été inventoriés selon la méthode ISOS dans le cadre du premier recensement en 1976 et 1977 (ISOS, inventaire des sites construits à protéger en Suisse, République et canton de Genève, publié par le département fédéral de l’intérieur 1983/84). Une partie des sites construits d’importance régionale et locale ont alors été inscrits dans le droit cantonal, tel le village de Vésenaz, qui a été colloqué en zone 4B protégée.

6) a. Aux termes de l’art. 106 al. 1 1ère phr. LCI, dans les zones 4B protégées, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l’implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant.

Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites. Lors de travaux de réfection de façades ou de toitures, la commune et la CMNS sont également consultées (art. 106 al. 1 2ème et 3ème phr. LCI).

Cette disposition est spécialement applicable aux villages protégés et confère un large pouvoir d’appréciation au département compétent. Celui-ci peut fixer lui-même les règles applicables aux constructions dans le but de sauvegarder le caractère d’un village et le site environnant, et déroger aux dispositions ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3.3 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4b).

Ce large pouvoir d’appréciation et de décision implique la possibilité de refuser un projet qui, ne respectant pas ces prescriptions spéciales, porterait une atteinte excessive au caractère d’un village protégé, soit que les bâtiments existants méritent une protection particulière, soit que le projet en lui-même n’est pas satisfaisant du point de vue de l’intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 précité).

b. Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’art. 106 al. 1 LCI, le département dispose d’une grande liberté d’appréciation. Cette disposition renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’art. 15 LCI, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui l’interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce (ATA/537/2017 précité consid. 4c ; ATA/305/2012 du 15 mai 2012 consid. 7). Cette notion juridique indéterminée laisse donc un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/141/2009 du 24 mars 2009 et les références citées). Un tel excès est réalisé si l’autorité administrative sort du cadre des mesures autorisées par la loi. Il y a abus lorsque l’autorité reste dans le cadre de ces mesures possibles, mais viole un principe constitutionnel, tel que l’égalité de traitement, la proportionnalité ou l’interdiction de l’arbitraire (ATA/537/2017 précité consid. 4c et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 170 n. 512 ).

c. Dans l’application de l’art. 106 LCI, le département doit recueillir notamment le préavis de la CMNS et de la commune.

Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d’une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/537/2017 précité consid. 4d ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 consid. 6 et les références citées).

La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Selon une jurisprudence constante, en cas de préavis divergents, une prééminence est reconnue à celui de la CMNS lorsque son préavis est requis par la loi, dans la mesure où cette dernière est composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine (art. 46 al. 2 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 20 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/537/2017 précité consid. 4d ; ATA/956/2014 précité et les références citées ; ATA/670/2012 du 2 octobre 2012 consid. 6, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 consid. 5.2)

d. Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 p. 270 ; 135 I 302 consid. 1.2 p. 305, in arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 précité consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 précité consid. 8.2 ; 1C_582/2012 précité consid. 5.2 ; ATA/246/2016 du 15 mars et les arrêts cités ; ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12b et 12c et les références citées). S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/537/2017 précité consid. 4e ; ATA/246/2016 du 15 mars 2016 ; ATA/778/2014 du 30 septembre 2014 consid. 3c).

7) En l’espèce, le village sis en zone 4B protégé comporte un bâtiment au bénéfice d’une mesure de classement, la maison forte de Vésenaz, située au 42 à 46 chemin du Vieux-Vésenaz, loin de l’implantation prévue par le projet litigieux. Le village ne comporte aucun bâtiment bénéficiant de la protection découlant de la mise à l’inventaire au sens de l’art. 4 LPMNS. Certains bâtiments du village figurent au recensement architectural cantonal avec des valeur 3 ou 4+ ; il ne s’agit toutefois pas d’une mesure de protection légale.

Dans son préavis rendu concernant le premier projet, la SCA avait relevé les qualités du site et du contexte immédiat, soit la situation entre la route de Thonon et le tissu ancien organisé le long du chemin du Vieux-Vésenaz. Elle avait également demandé des modifications du projet pour qu’une solution plus respectueuse de la morphologie dictée par le bâti existant et qui tienne compte de l’échelle et de l’orientation du tissu ancien soit privilégiée (préavis SCA du 6 septembre 2011 et inspection locale des bâtiments à démolir et des abords dans le cadre de l’autorisation M 6'598, mentionnés dans le préavis de la SCA du 2 septembre 2014 et dans celui du SMS du 9 février 2015 concernant le projet litigieux). C’est sur cette base que la CMNS s’est fondée pour exiger un projet ne nécessitant pas de dérogation aux gabarits légaux.

Il apparaît dès lors que, contrairement à ce que soutient le recourant, les qualités du site dans lequel s’inscrit le projet et ses abords ont été pris en compte lors de la délivrance de l’autorisation préalable de construire après un examen minutieux de la situation. En outre, s’agissant de l’intégration dans le village, les modifications apportées au projet par rapport au premier projet concernent principalement le sous-sol et n’ont donc pas d’incidence sur la hauteur du bâtiment notamment (conclusions du rapport de géomètre du 23 février 2016, produit par le recourant). Finalement, aucune mesure de protection du patrimoine n’a été omise dans l’examen fait par la CMNS ou les autres services ayant préavisé le projet.

Les griefs du recourant seront donc écartés.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à Urban qui y a conclu et a recouru aux services d’un avocat, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2016 par
Monsieur Philippe STEINER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juillet 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Philippe STEINER ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Urban Project SA, à la charge de Monsieur Philippe STEINER ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Philippe Steiner, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Dominique Burger, avocate d’Urban Project SA, à Me Michel Schmidt, avocat de Mesdames Marianne DIMIER-AUDERGON, Dominique HEINZEN-AUDERGON, Virginie BURRUS, Sabine DERIAZ SIROVICH et de Messieurs Thierry DROZ et Stéphane ZBINDEN, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :