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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1109/2024

JTAPI/955/2024 du 25.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;FONCTIONNAIRE;ORGANISATION INTERNATIONALE;CAS DE RIGUEUR;SÉPARATION DE CORPS;ENFANT;ADOLESCENT
Normes : LPA.48; OASA.43.al2; LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEI.64.ala.letc; LEI.83.al3; LEI.83.al4; CDE.3.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1109/2024

JTAPI/955/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 septembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et pour le compte de ses enfants mineurs, B______ et C______, représentés par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1981, et Monsieur D______, né le ______ 1971, sont ressortissants du Cambodge.

2.             M. D______ est arrivé à Genève, le 22 mai 2007. Son épouse et leurs filles, E______, née le ______ 2001 et F______ (également orthographié F______), née le ______ 2004, l’ont rejoint le 14 septembre suivant.

3.             M. D______, employé auprès de G______ (ci-après : G______), a été mis au bénéficie d’une carte de légitimation. Son épouse et ses filles ont été mises au bénéfice d’une autorisation de séjour « Ci ».

4.             Le 29 juin 2011, ils ont quitté la Suisse.

5.             Les deux autres enfants du couple, C______ et B______, sont nés, respectivement le ______ 2012 et le ______ 2014, au Cambodge.

6.             Le 10 août 2016, M. D______ est revenu en Suisse, employé par G______. Il a été mis au bénéfice d’une carte de légitimation.

7.             Le 2 octobre 2016, son épouse et les quatre enfants l’ont rejoint. Ils ont été mis au bénéfice d’une carte de légitimation, en lien avec son statut de séjour.

8.             Le 19 août 2020, M. D______ a quitté la Suisse.

9.             Le 1er novembre 2021, Mme A______, sous la plume de son conseil, a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour en sa faveur et en faveur de ses trois enfants cadets, précisant que sa fille aînée était désormais au bénéfice d’une autorisation de séjour, suite à son mariage avec un ressortissant helvétique.

Cela faisait une année que son époux avait été transféré au Cambodge, dans le cadre de ses fonctions, mais il devrait pouvoir réintégrer prochainement G______ à Genève. Compte tenu notamment de la durée de leur séjour et de leur intégration en Suisse, elle ne pouvait pas envisager de retourner au Cambodge où ses enfants n’avaient aucune attache.

10.         Par courrier du 16 mars 2023, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de refuser de faire droit à sa demande. Il lui a imparti un délai de 30 jours, dont elle a usé sous la plume de son conseil, pour exercer son droit d’être entendu.

11.         Par courrier du 20 juin 2023 adressé à l’OCPM, M. D______ a indiqué qu’il n’était pas responsable de la poursuite du séjour de sa famille à Genève et qu’il souhaitait son retour au Cambodge.

12.         Par décision du 28 juin 2023, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement le dossier de Mme A______ et de ses deux enfants mineurs, C______ et B______, auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), en vue de l’octroi d’autorisations de séjour pour cas de rigueur. Il a également prononcé leur renvoi, leur impartissant un délai au 28 septembre 2023 pour quitter la Suisse, l’exécution de cette mesure paraissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Mme A______ était financièrement indépendante. Elle travaillait à temps partielle en qualité de serveuse et percevait une aide mensuelle de son époux. F______ était en première année d’apprentissage et les deux enfants cadets étaient scolarisés. Cela étant, les personnes titulaires d'une carte de légitimation dérivée devaient suivre le titulaire principal, lorsque ce dernier était transféré à l'étranger. En outre, les séjours passés au bénéfice d'une carte de légitimation n’étaient pas déterminants pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. L’intégration socio-culturelle de Mme A______ correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Enfin, une réintégration dans son pays d'origine ne devait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place, étant donné que son époux y vivait depuis août 2020 et qu’il souhaitait le retour de sa famille. S'agissant de la prise en compte de l'intérêt supérieur des enfants conformément à l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) que les deux enfants cadets n’étaient pas encore adolescents et qu'ils étaient en bonne santé, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante. Leur intégration au Cambodge paraissait possible, dès lors qu’ils pourraient compter sur la présence de leurs parents. Concernant, F______, âgée de 17 ans, l’OCPM était disposé à lui délivrer une autorisation de séjour pour études, dès l’entrée en force de la décision de refus.

Non contestée, cette décision est entrée en force.

13.         Le 3 octobre 2023, l’OCPM a réceptionné la demande déposée par Mme A______, sous la plume de son conseil, visant à la reconsidération de la décision précitée, à ce que son dossier soit préavisé favorablement auprès du SEM en vue de l’octroi d’autorisations de séjour en sa faveur et en faveur de ses deux enfants mineurs, C______ et B______, et à la suspension de l’exécution de leur renvoi jusqu’à droit connu sur la demande.

Elle n’avait pas contesté la décision du 28 juin 2023, considérant qu’un retour au Cambodge auprès de son époux qui ne devait y rester que temporairement, dès lors qu’il devait réintégrer G______ à Genève, restait « envisageable » bien que constituant une certaine épreuve pour les enfants. Cela étant et contre toute attente, son époux lui avait fait part de son intention de divorcer et lui avait imposé d’apposer l’empreinte de son pouce sur un document intitulé « Lettre de déclaration de divorce unilatérale » par laquelle elle déclarait sa volonté de divorcer. Elle avait toutefois refusé de se soumettre à l’autorité de son époux qui avait coupé tout contact avec elle depuis lors. Leur séparation semblait ainsi définitive. Au Cambodge, elle n’avait que ses parents qui étaient âgés et se trouvait eux-mêmes dans une situation difficile. En cas de renvoi, elle se retrouverait dans une situation précaire, confrontée à d’insurmontables obstacles et ne pouvant compter sur aucune aide. Pour le surplus, sa situation et celle de ses enfants n’avaient pas changé, étant précisé que ces derniers ne maîtrisaient pas leur langue d’origine. Leurs attaches se trouvaient à Genève où vivaient leur sœur aînée et sa belle-famille, dont ils étaient très proches.

14.         Le 23 octobre 2023, F______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour études.

15.         Par courrier du 16 janvier 2024, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération et de refuser de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur et en faveur de ses enfants.

Sa nouvelle situation conjugale constituait un fait nouveau mais elle n’était pas suffisamment étayée. Les documents produits pour démontrer la volonté de son époux de divorcer n’étaient ni datés ni signés. Il n’était pas non plus établi qu’il émanait de l’intéressé et ne prouvait pas sa volonté de divorcer. Par ailleurs, il ressortait des directives du SEM, qu’en général, lorsque le titulaire principal d’une carte de légitimation quittait la Suisse, son conjoint l’accompagnait. En cas de décès du titulaire principal ou de divorce, il pouvait se justifier de délivrer au conjoint une autorisation de séjour. Toutefois, aussi longtemps qu’un couple n’était que séparé, la carte de légitimation du conjoint et des enfants accompagnant le titulaire principal restait valable, jusqu’à l’entrée en force du jugement de divorce. Ces conditions s’appliquaient également en cas de départ de Suisse.

Un délai de 30 jours lui était accordé pour faire valoir son droit d’être entendue par écrit.

16.         Le 16 février 2024, elle a usé de ce droit, sous la plume de son conseil.

Son époux avait clairement manifesté sa volonté de lui imposer le divorce. Or, accepter le divorce signifierait de se soumettre à la législation de son pays avec pour conséquence de la fragiliser en matière de garde des enfants et de précariser sa situation financière et sociale. Les droits et protection accordés aux femmes au Cambodge dans le cadre d’un divorce étaient insuffisants. De plus, les femmes divorcées y étaient stigmatisées, marginalisées et elles étaient rejetées par leur entourage. Sans le soutien financier de son époux et en l’absence de perspectives professionnelles, elle ne pourrait pas subvenir aux besoins de sa famille. Un renvoi au Cambodge constituerait également un déracinement pour les enfants qui n’y avaient jamais vécu (sic). Ils seraient également confrontés à la barrière de la langue, étant précisé que B______ était née à Genève (sic) et que son frère n’avait que trois ans à son arrivée. Désormais âgés de, respectivement dix ans et douze ans, ils suivaient leur scolarité à Genève et y avaient leur cercle social.

17.         Par décision du 5 mars 2024, exécutoire nonobstant recours, l’OCPM, a, pour les motifs qui ressortaient de sa lettre d’intention du 16 janvier 2024, refusé de reconsidérer sa décision du 28 juin 2023 et, partant, de préaviser favorablement le dossier de la recourante et de ses enfants auprès du SEM, en vue de l’octroi d’autorisations de séjour en leur faveur. Il a également rappelé qu’ils faisaient l’objet d’une décision de renvoi entrée en force et qu’ils étaient tenus de s’y conformer sans délai.

Sous l’angle de l’art. 3 al. 1 CDE, les enfants n’étaient pas encore adolescents et ils étaient en bonne santé. Leur intégration en Suisse n’était pas encore déterminante, si bien que leur réintégration au Cambodge ne devait pas poser de problèmes insurmontables.

18.         Par courrier du 19 mars 2024 adressé à l’OCPM, le restaurant « H______ », qui employait Mme A______ en qualité de serveuse, a déclaré la fin des rapports de services, l’OCPM l’ayant informé au préalable qu’elle n’était pas autorisée à travailler.

19.         Par acte du 3 avril 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM en vue de l’octroi d’autorisations de séjour en sa faveur et en faveur de C______ et de B______, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants, plus subsidiairement, à ce qu’il soit dit et constaté que l’exécution de leur renvoi n’était pas possible, pas licite ni raisonnablement exigible et à les mettre au bénéfice d’une admission provisoire. Elle a préalablement sollicité la restitution de l’effet suspensif.

La recourante a retracé son parcours, celui de ses enfants et a rappelé l’historique du dossier. Dans la mesure où le lien conjugal était irrémédiablement rompu, elle avait suivi la demande de son époux. Elle avait ainsi introduit, le 25 mars 2024, une procédure de divorce au Cambodge, sollicitant l’attribution de l’autorité parentale sur ses deux enfants mineurs. Dans cette mesure, elle réalisait une des exceptions prévues par le SEM permettant la délivrance d’une autorisation de séjour, étant rappelé que cela faisait treize ans qu’elle résidait en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation. Elle avait toujours travaillé en Suisse et était financièrement indépendante. Elle n’avait jamais émargé à l’assistance publique ni fait l’objet de poursuites. Elle avait fait preuve d’une intégration socio-professionnelle réussie et avait construit les bases de son existence et celui de ses enfants à Genève. Un retour dans son pays d’origine l’exposerait à des difficultés socio-économiques et surtout familiales, compte tenu du statut de la femme divorcée au Cambodge. De plus, elle devrait laisser ses deux filles aînées qui poursuivaient des études à Genève, auprès de I______. E______ était mariée mais F______ avait encore besoin de son soutien moral et matériel. Quant aux deux cadets, ils étaient scolarisés, respectivement en classe de 5P et 8P. Ils n’étaient certes pas encore adolescents mais ils avaient grandi à Genève, où ils avaient suivi toute leur scolarité primaire. Ils n’avaient aucun souvenir de la culture de leur pays d’origine et n’en parlait pas la langue. En cas de renvoi, ils seraient confrontés à d’insurmontables obstacles, le passage d’une culture occidentale à une culture asiatique constituant un bouleversement majeur. En outre, la recourante ne pouvait envisager de retourner au Cambodge dans le contexte de l'échec de son mariage et de la procédure en divorce en cours. Sans soutien moral et matériel et en l'absence de toute perspective d'intégration professionnelle, elle se retrouverait dans une situation de vulnérabilité qui ne lui permettrait pas de défendre la garde sur ses enfants. Contrairement à la population restée sur place, elle ne disposait d'aucun réseau lui permettant d'intégrer le marché du travail. Elle ne pourrait manifestement pas non plus compter sur une contribution d'entretien de son époux. Elle se trouverait alors dans une situation de précarité et dans l’impossibilité de subvenir aux besoins de ses enfants. L’exécution de leur renvoi était ainsi illicite inexigible.

20.         Dans ses observations du 11 avril 2024, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles, étant précisé que la recourante avait la possibilité de solliciter une prolongation du délai de départ jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Sur le fond, il a conclu au rejet du recours. La recourante avait invoqué le fait qu’elle ne pouvait plus retourner au Cambodge suite à la décision de son époux de mettre un terme à la vie conjugale. Elle n’aurait ainsi plus aucun soutien matériel pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Or, si la séparation du couple justifiait d’entrer en matière sur cette demande, les arguments en lien avec la séparation ne justifiaient pas de reconsidérer la décision du 28 juin 2023. Les allégations selon lesquelles la recourante et ses deux enfants mineurs seraient sans moyens financiers en cas de retour au Cambodge n’étaient pas prouvées et elles paraissaient peu vraisemblables au regard de la situation sociale et financière de la famille. Il ne ressortait pas non plus du dossier ni des explications de M. D______, qui se trouvait actuellement au Cambodge dans le cadre de ses fonctions, qu’il aurait décidé de couper tout contact avec ses enfants depuis la fin de la vie conjugale avec la recourante. Enfin, les difficultés auxquelles elle serait confrontée au Cambodge, en raison de son statut de femme divorcée, n’étaient pas étayées. Pour le surplus, les arguments invoqués avaient déjà été examinés dans le cadre de la première décision et ne constituaient dès lors pas des faits nouveaux.

21.         Par décision du 8 mai 2024 (DITAI/287/2024), le tribunal a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours.

22.         Le 22 mai 2024, la recourante a répliqué sous la plume de son conseil.

S’agissant du statut de femme divorcée au Cambodge, il semblait notoire que l'application des droits fondamentaux dans le cadre d'une procédure de divorce dépendait du système judiciaire et de la coopération de l'époux. Elle craignait ainsi les impacts financiers du divorce sur sa qualité de vie et en particulier sur celle de ses enfants. Depuis que son époux avait décidé de lui imposer le divorce, il n’avait plus subvenu aux besoins de sa famille, ce qui l’avait placée dans un état de stress financier qu’elle pourrait difficilement surmonter en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, la femme divorcée y était stigmatisée socialement et entravée par des facteurs socio-culturels dans ses démarches pour acquérir une indépendance économique. Dans ces circonstances elle ne pourrait pas garantir une certaine stabilité financière à ses enfants, alors qu’en Suisse, où elle résidait depuis plus de treize ans, elle était parvenue à conserver un emploi stable pour subvenir aux besoins de sa famille. Il convenait également de rappeler qu’en Suisse, où vivaient deux de ses filles aînées ainsi que la belle-famille de l’aînée, elle disposait d’un réseau de soutien moral et matériel qu’elle ne trouverait pas au Cambodge. Or, cet encadrement social et familial était nécessaire au bon développement de ses enfants cadets, la communication avec leur père étant très limitée.

23.         Dans sa duplique du 18 juin 2024, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

24.         Le 10 juillet 2024, la recourante a versé à la procédure la copie, ainsi que sa traduction en français, d’une convocation adressée à son époux par le Tribunal de première instance de J______ (Cambodge) à une audience fixée le 23 juillet 2024 dans le cadre de la « plainte de divorce dans l’affaire de la nommée A______ ».

La recourante a précisé que son époux ne s’était pas présenté à l’audience de conciliation du 2 mai 2024, ce qui témoignait de l’absence d’intérêt pour la procédure de divorce, ainsi que de son manque d’engagement et de coopération pour parvenir à une solution à l’amiable. Son attitude laissait ainsi présager qu’il ne fournirait aucune aide matérielle à sa famille qui se retrouverait dans une situation précaire.

25.         Les pièces suivantes figurent notamment au dossier :

-          La traduction en français d’un document non daté intitulé « Lettre de déclaration de divorce unilatéral », à teneur duquel la recourante indiquait avoir décidé unilatéralement de divorcer, en raison d’incompatibilité avec son époux, ce que ce dernier avait accepté ;

-          La traduction en français d’une « plainte », datée du 25 mars 2024, déposée auprès du Tribunal de première instance de J______ par la recourante contre son époux afin de « rompre la vie matrimoniale » entre les époux et lui octroyer l’autorité parentale sur les deux enfants cadets. Cette demande était motivée comme suit : « Comme la vie de nous deux n’entend plus, il y a souvent des querelles, et nous ne présentons plus de sentiment l’un envers l’autre de continuer à vivre ensemble, nous décidons de vivre séparément » ;

-          les bulletins scolaires pour l’année scolaire 2023-2024, datés du 26 janvier 2024, de C______ (classe de 8P) et B______ (classe de 5P) ;

-          la demande d’autorisation de séjour (formulaire E) de F______, datée du 14 mars 2023, indiquant que son entretien était assuré par ses deux parents ;

-          une attestation établie le 1er septembre 2022 par l’employeur de la recourante, à teneur duquel son taux d’occupation était de 80%, depuis le 1er mai 2022, pour un salaire mensuel brut de CHF 3'388.10 ;

-          un document daté du 13 avril 2021, attestant des connaissances linguistiques en français de la recourante, (A2 à l’oral).

26.         Il ressort de la base de données de l’OCPM que l’époux de la recourante a quitté la Suisse le 19 août 2020.

27.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, en tant que de besoin, ci-après, dans la partie « en droit ».

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Dans son jugement, le tribunal prend en considération l’état de fait existant au moment où il statue, en tenant compte des faits et des moyens de preuve nouveaux invoqués pendant la procédure de recours et qui sont déterminants dans l’appréciation du bien-fondé de la décision entreprise (cf., par analogie, arrêts du Tribunal administratif fédéral E-5824/2018 du 14 février 2020 consid. 2 ;
D-573/2020 du 12 février 2020).

6.             Selon l’art. 48 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l’article 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

7.             Saisie d’une demande de reconsidération, l’autorité examine préalablement si les conditions de l’art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n’est pas le cas, elle rend une décision de refus d’entrer en matière qui peut faire l’objet d’un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l’autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l’affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s’agira alors d’une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision de reconsidération et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 3 ; 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3).

8.             En l’espèce, l’OCPM est entré en matière sur la demande de reconsidération déposée le 3 octobre 2023 par la recourante, en vue d’obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur et en faveur de ses enfants.

9.             La loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005
(LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

10.         Les conditions d’admission fixées par la LEI ne sont toutefois pas applicables aux membres des missions diplomatiques et permanentes et aux fonctionnaires d’organisation internationale ayant leur siège en Suisse, titulaires d’une carte de légitimation du département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) (art. 30 al. 1 let. g LEI ; art. 43 al. 1 let. a et b OASA). Le conjoint, le partenaire et les enfants des personnes précitées sont admis pendant la durée de fonction de celles-ci au titre du regroupement familial, s’ils font ménage commun avec elles ; ils reçoivent alors également une carte de légitimation du DFAE
(art. 43 al. 2 OASA).

Ces mécanismes s’inscrivent dans un complexe de privilèges, immunités et facilités octroyés en faveur du bénéficiaire institutionnel concerné et non pas à titre individuel, dans le but d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions dudit bénéficiaire institutionnel (art. 9 al. 1 de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte du 7 décembre 2007 - OLEH - RS 192.121). Pour le titulaire principal, ils dépendent de l’exercice effectif de la fonction officielle et sont accordés pour la durée de cette fonction (art. 9 al. 2 et 15 al. 1 OLEH). Pour les personnes autorisées à l’accompagner, ils prennent fin en même temps que ceux accordés au titulaire principal (art. 9 al. 2 OLEH). Par ailleurs, le conjoint ou le partenaire et les enfants (jusqu’à l’âge de 25 ans) du bénéficiaire de la carte de légitimation sont admis à travailler et peuvent bénéficier à ces fins d’un titre de séjour particulier, un permis « Ci », en échange de leur carte de légitimation (art. 22 al. 3 OLEH), mais uniquement pour la durée de la fonction ou de la mission.

11.         En l’espèce, la recourante et ses enfants, C______ et B______, ont séjourné en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation, en lien avec le statut de leur époux et père. En effet, ce dernier, en sa qualité d’employé de G______, était titulaire d’une carte de légitimation délivrée par le DFAE. L’intéressé a toutefois quitté la Suisse le 19 août 2020. Selon les déclarations de la recourante, il aurait été transféré au Cambodge par son employeur. Quoi qu’il en soit, son départ a mis un terme à sa carte de légitimation et, par voie de conséquence, à celle des membres de sa famille restés en Suisse, dont les conditions de séjours sont depuis lors soumises à la LEI.

C’est le lieu de préciser que les étrangers au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE ne peuvent ignorer que leur présence (et celle de leur famille) en Suisse revêt un caractère temporaire. Il s'ensuit qu'ils ne peuvent en principe pas obtenir un titre de séjour fondé sur un cas de rigueur en vertu de cette dernière disposition lorsque prend fin la fonction (ou la mission) pour laquelle une autorisation de séjour - d'emblée limitée à ce but précis - leur avait été délivrée, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (cf. ATAF 2007/44 consid. 4.3; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2026/2013 du 5 mars 2015 consid. 7.1,
C-1651/2012 du 27 octobre 2014 consid. 6.1 et les références citées).

12.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

13.         L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'une telle situation, il convient de tenir compte, notamment, de l'intégration du requérant sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Selon l'art. 58a al. 1 LEI, les critères d'intégration sont le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

14.         Selon l'art. 58a al. 1 LEI, les critères d'intégration sont le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

15.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6b ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

16.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du
5 avril 2016).

La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées). Le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet donc pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles (cf. ATAF 2007/16 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ég., sous l'ancien droit, ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1).

Le séjour accompli en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation étant d’emblée temporaire, puisqu’à l’échéance de la mission son titulaire doit retourner dans son pays d’origine, il n’est pas réputé conférer audit titulaire un droit de séjour durable en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2021 du 16 mars 2021 consid. 3.4). La durée du séjour accomplie à ce titre n’est pas non plus déterminante pour la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2225/2022 du 18 octobre 2023 consid. 7.1 ; ATA/311/2019 du 26 mars 2019 consid. 9d).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269 et les références citées). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

17.         L'intégration professionnelle de l'intéressé doit en principe revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a notamment retenu en faveur d'un étranger installé depuis plus de onze ans en Suisse qu'il y avait développé des liens particulièrement intenses dans les domaines professionnel (création d'une société à responsabilité limitée, emploi à la délégation permanente de l'Union africaine auprès de l'ONU) et social (cumul de diverses charges auprès de l'Eglise catholique) (arrêt 2C_457/2014 du 3 juin 2014 consid. 4 et les références citées).

18.         Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

19.         Il est parfaitement normal qu'une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ;
F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

20.         L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

21.         Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine, où elle n'aurait pas de famille, n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile. Un cas de rigueur peut notamment être réalisé lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que l'intéressée est affectée d'importants problèmes de santé qui ne pourraient pas être soignés dans sa patrie, le fait qu'elle serait contrainte de regagner sa patrie qu'elle a quitté dans des circonstances traumatisantes, ou encore le fait qu'elle laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté appelée à demeurer durablement en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral administratif
F-3012/2016 du 1er mai 2019 consid. 6.7.1).

22.         Lorsqu'il y a lieu d'examiner la situation d'une famille sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d'admettre le cas d'extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi le problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ce n'est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d'ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille. Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu'il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour au pays d'origine constitue un déracinement complet (ATAF 2007/16 du 1er juin 2007 et les références citées). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5f). L'adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a).

23.         Sous l'angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêts 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; cf. aussi ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1).

24.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

25.         Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d'un droit à l'autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l'inverse aurait pour effet de déduire de l'art. 96 LEI un droit à l'obtention ou au renouvellement de l'autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

26.         L'octroi d'une autorisation de séjour dans un cas individuel d'une extrême gravité et l’octroi d’une autorisation de courte durée ou d’une autorisation de séjour en vue de préserver des intérêts publics majeurs sont soumis au SEM pour approbation (art. 99 LEI ; art. 85 al. 1 et 2 et 86 al. 5 OASA ; art. 5 let. d et e de l'ordonnance du DFJP relative aux autorisations soumises à la procédure d'approbation et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers du 13 août 2015 - RS 142.201.1).

27.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la recourante et ses deux enfants ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

À titre liminaire, le tribunal relèvera qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte le premier séjour effectué par la recourante entre septembre 2007 et juin 2011 car plus de cinq années se sont écoulées avant son retour en Suisse le 2 octobre 2016.

Dans ces circonstances, il convient de retenir un séjour de près de huit ans. Cela constitue une longue durée de séjour qui doit néanmoins être fortement relativisée, dès lors qu’il a été effectué, pour partie au bénéfice d’une carte de légitimation, dont la validité a pris fin, le 19 août 2020, lorsque son époux a quitté la Suisse, et pour partie, à la faveur d’une tolérance des autorités, dans le cadre des procédures engagées par la recourante.

Cela étant, la durée du séjour n’est qu’un critère parmi d’autres et le simple fait de séjourner en Suisse pendant de longues années, même légalement, ne permet pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles qui font ici défaut.

La recourante ne peut en effet pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle. Bien qu’elle ait démontré sa volonté de participer à la vie économique, l’emploi de serveuse qu’elle a exercée ne témoigne pas d’une ascension professionnelle remarquable et elle n’a pas acquis des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait les mettre en pratique dans sa patrie ni fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

Sur le plan social, elle a certes appris le français (niveau A2) et n'a jamais eu de démêlés avec la justice. Il ne ressort toutefois pas du dossier qu’elle aurait noué avec la Suisse des liens dépassant en intensité ce qui peut être raisonnablement attendu d’un étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays. Hormis la présence de ses deux filles aînées, elle n’a pas démontré d’importantes attaches avec la Suisse.

En outre, elle est revenue en Suisse en 2016, alors qu’elle était âgée de près de 35 ans. Elle est née au Cambodge où elle a passé son enfance, son adolescence et la majeure partie de sa vie d'adulte et où vivent, à tout le moins, ses parents. Elle y a d’ailleurs à nouveau vécu entre juin 2011 et octobre 2016. Elle a ainsi conservé des liens avec sa patrie et il paraît peu vraisemblable qu'elle ne puisse être en mesure de renouer avec son cercle d'amis et de connaissances ou de s’en créer un nouveau. À son retour, elle pourra également faire valoir ses connaissances linguistiques et l'expérience professionnelle acquises en Suisse. Ces éléments constituent un atout par rapport à ses compatriotes exerçant dans le même domaine et faciliteront sa réinsertion professionnelle.

Concernant la situation conjugale de la recourante, le dossier comporte des incohérences et ses allégations quant à la volonté de son époux de divorcer ne sont nullement étayées. Au contraire, dans la demande de reconsidération du 3 octobre 2023, la recourante a allégué, sans toutefois le démontrer, que son époux lui avait fait part de sa volonté de divorcer et lui avait imposé d’apposer son empreinte sur le document, non daté, intitulé « Lettre de déclaration de divorce unilatéral ». C’est le lieu de relever que la copie de ce document qui figure au dossier ne comporte ni empreinte ni sceau officiel. Or, à peine quelques mois plus tôt, son époux informait l’OCPM, par courrier du 20 juin 2023, qu’il souhaitait le retour de son épouse et de ses deux enfants cadets auprès de lui au Cambodge. Quant à la « plainte » du 25 mars 2024, il apparaît que c’est la recourante qui l’a déposée auprès du Tribunal de première instance de J______ à l’encontre de son époux afin d’obtenir la dissolution de l’union conjugale et l’autorité parentale sur les enfants. Ces éléments tendent plutôt à démontrer que la volonté de divorcer émane de la recourante et non pas de son époux qui ne s’est d’ailleurs pas présenté à l’audience de conciliation du 2 mai 2024.

Par ailleurs, les allégations de la recourante quant au fait que son époux ne contribuerait plus aux besoins de la famille n’ont pas non plus été démontrées. Il paraît d’ailleurs peu probable que la recourante ait été en mesure de subvenir à ses besoins, ainsi qu’aux besoins de ses deux enfants mineurs et de F______ avec un salaire mensuel brut de l’ordre de CHF 3'400.-, sans aucune aide, étant précisé qu’il ne ressort pas du dossier qu’elle bénéficierait de prestations de l’assistance sociale ni qu’elle serait endettée. C’est également le lieu de rappeler que F______ a indiqué dans le formulaire E daté du 14 mars 2023 que ses deux parents assuraient son entretien. Se pose également la question de savoir de quelle façon la recourante, qui n’est pas autorisée à travailler en Suisse, a assuré l’entretien de sa famille, depuis le 19 mars 2024, date à laquelle son employeur a annoncé la fin des rapports de services.

Quoi qu’il en soit, sans minimiser les difficultés auxquelles la recourante devra faire face à son retour, le tribunal considère que son statut de femme séparée/divorcée, qui correspond, à n'en pas douter, à la situation dans laquelle se trouve de nombreuses autres de ses compatriotes - ne suffit pas à admettre que sa réintégration au Cambodge serait fortement compromise. Il sera renvoyé à cet égard à la jurisprudence fédérale susmentionnée, relative au renvoi d'une femme seule dans son pays, étant relevé que la présence de ses deux filles aînées en Suisse ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C_2145/2014 du 26 mars 2015 consid. 5.8.2). En tout état, il leur sera loisible de maintenir des contacts par le biais des moyens de communications modernes et de visites réciproques.

28.         S’agissant des enfants, C______ est arrivé en Suisse alors qu’il avait quatre ans. Désormais âgé de douze ans, il vient tout juste d’entrer dans l’adolescence. Il est scolarisé à Genève et fréquente vraisemblablement une classe de 9P, dès lors qu’il était en classe de 8P durant l’année scolaire 2023-2024. Son intégration en Suisse n’est pas encore à ce point profonde qu’un retour dans son pays d’origine ne puisse être envisagé. Compte tenu de son âge et du lien étroit qu'il a encore avec sa mère, il pourra, après une certaine période d'adaptation et avec l'aide de sa famille, s'adapter à un changement de lieu de vie dans sa patrie.

Ces considérations valent a fortiori pour B______, âgée de près de dix ans.

Le dossier ne permet pas de déterminer si les enfants seront confrontés à la barrière de la langue. En effet, il ressort de la demande du 3 octobre 2023, qu’ils ne maîtrisent pas leur langue d’origine, de la détermination du 16 février 2024, qu’ils seraient confrontés à la barrière de la langue en cas de renvoi et du recours, qu’ils ne parlent pas la langue de leur pays d’origine. Même à admettre que tel serait le cas, ce qui n’a nullement été démontré, une fois en immersion, ils devraient surmonter rapidement la barrière de la langue, dès lors qu’il s’agit de leur langue maternelle et qu’ils en connaissent à tout le moins les rudiments. Le contraire paraîtrait en effet peu probable, compte tenu du niveau de français de leur mère et du fait, qu’à teneur de la réplique, ils entretiennent une communication avec leur père, bien que très limitée.

Il sera enfin rappelé que l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l'art. 3 par. 1 de la CDE est d’abord de pouvoir vivre durablement auprès de ses parents, quel que soit l'endroit où il séjournera. De retour au Cambodge, les enfants pourront ainsi renouer des contacts avec leur père qui indiquait dans son courrier du 20 juin 2023 qu’il souhaitait leur retour.

29.         Dans ces circonstances, c’est à bon droit que l’OCPM a refusé de faire droit à la demande d’autorisation de séjour en faveur de la recourante et de ses enfants et que, partant, il a maintenu leur renvoi de Suisse (art. 64 al. 1 c LEI).

30.         La recourante soutient que l’exécution de leur renvoi serait illicite et inexigible. Elle allègue, que sans aucun réseau socio-professionnel lui permettant d’intégrer le marché du travail ni soutien moral ou matériel, elle se retrouverait dans une situation de précarité avec ses enfants et en situation de vulnérabilité dans le cadre de l’obtention de leur garde.

31.         Selon l'art. 83 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1).

L’art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités).

Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

Aux termes de l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition, qui procède de préoccupations humanitaires du législateur suisse, s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3 ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b ; ATA/189/2016 du 1er mars 2016 ; ATA/1278/2015 du 1er décembre 2015 consid. 7b).

32.         En l’espèce, les craintes évoquées par la recourante ne sont manifestement pas de nature à lui faire encourir ou à faire encourir à ses enfants un risque d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH et elles ne sont pas non plus fondées. La question de sa réintégration socio-professionnelle, et de ses attaches au Cambodge, a déjà été examinée dans les considérants qui précèdent, étant rappelé que les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger au sens l’art. 83 al. 4 LEI.

33.         L’exécution du renvoi de la recourante et de ses enfants apparaît ainsi possible, licite et raisonnablement exigible.

34.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

35.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 al. 2 LPA).

36.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2024 par Madame A______, agissant en son nom et pour le compte de ses enfants mineurs, B______ et C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 5 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier