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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2443/2015

ATA/117/2016 du 09.02.2016 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; FONCTIONNAIRE ; CLASSE DE TRAITEMENT ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPA.61.al1 ; LPA.61.al2 ; LPA.69 ; Cst.8.al1 ; Cst.9 ; RComEF.2
Résumé : Rejet du recours d'un fonctionnaire s'opposant à une décision du Conseil d'État faisant siennes les conclusions de la Commission de réexamen en matière d'évaluation des fonctions (CREMEF) et confirmant le rangement de sa fonction en classe 20. Dans ce domaine, le pouvoir d'examen du juge est limité : il contrôle le respect des principes constitutionnels et sanctionne un éventuel abus du pouvoir d'appréciation. En l'espèce, le recourant a opposé son appréciation à celle de l'autorité intimée, contestant la pertinence des niveaux accordés par le service des ressources humaines (SRH) aux divers critères d'évaluation. Il n'a ainsi pas démontré la violation de principes constitutionnels ou l'existence d'un abus du pouvoir d'appréciation. Par ailleurs, il se plaint d'une inégalité de traitement, mais se limite à alléguer que certaines personnes ayant des fonctions similaires aux siennes seraient colloquées dans une classe supérieure, et n'étaye pas ses allégués par des éléments de preuve.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2443/2015-FPUBL ATA/117/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 février 2016

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Le 15 juin 2002, Monsieur A______ a été engagé en qualité de chef de projet au sein du service B______ de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC) du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP), en classe 18, annuité 10.

Le contrat d’engagement précisait que ce poste était colloqué en classe maximale 20.

2) Dans le courant de l’année 2012, le service B______ de l’OFPC a été réorganisé.

3) Le 30 septembre 2013, le cahier des charges de M. A______, qui datait de janvier 2003, a été actualisé afin de formaliser les activités et responsabilités réelles de sa fonction.

4) En date du 4 novembre 2013, Monsieur C______, responsable de secteur des ressources humaines (ci-après : RRH) au DIP, a transmis au service des ressources humaines (ci-après : SRH) de l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE) une demande d’évaluation du poste de chef de projet à l’OFPC.

La demande était motivée par l’impact de la réorganisation du service B______ sur la fonction de chef de projet occupée par M. A______. Les évolutions opérées dans ce domaine justifiaient l’appui d’un véritable chef de projet, expert dans la conduite de projet, spécialisé en ingénierie de formation, et capable d’accompagner les milieux professionnels et les centres de formation dans la création et la mise en place de cette offre de formation modulaire. Devant la complexification de sa tâche, M. A______ avait souhaité une réévaluation de sa fonction.

Il ressortait du courrier de M. C______ que la direction générale demandait un rangement du poste occupé par M. A______ en classe maximum 20.

5) Le cahier des charges de M. A______ a été validé les 1er et 2 octobre 2013 par sa hiérarchie.

6) Le 13 février 2014, le SRH a fait part de ses conclusions d’analyse au DIP.

Conformément à la méthode en vigueur à l’État de Genève et à la décision du Conseil d’État du 21 février 2007, il proposait de maintenir le rangement actuel de ce poste dans la fonction de « chef de projet OFPC ; code de fonction : 5.09.551 ; classe maximum 20 ». Il était précisé que le libellé de la fonction était susceptible d’évoluer dans le cadre de la mise en œuvre du répertoire des emplois-référence.

7) Les 3 et 6 mars 2014, la hiérarchie, puis le DIP, ont donné un préavis favorable à la proposition du SRH.

8) Parallèlement, en date du 3 mars 2014, M. A______ a formé opposition à l’encontre de la décision de l’OPE du 13 février 2014 par-devant la commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions (ci-après : CREMEF).

Comme le mettait en lumière son cahier des charges validé le 1er octobre 2013, ses activités avaient évolué vers des fonctions de spécialiste et d’expert, en plus des responsabilités de conduite de projet. Sa fonction était donc celle de « chef de projet – agent spécialisé ». Selon son application de la méthode en vigueur, le poste correspondait au profil « M E J A I », à savoir :

-       une formation exigée de niveau M, soit un niveau universitaire de huit semestres et une formation complémentaire de niveau universitaire ;

-       une expérience professionnelle de niveau E+, soit cinq à huit ans, avec connaissance approfondie d’un secteur très qualifié ;

-       des efforts intellectuels de niveau J, soit des efforts pour élaborer, développer et appliquer des procédures nouvelles dans des domaines hétérogènes et des domaines spécialisés avec la nécessité d’établir et de maintenir les contacts correspondants ;

-       des efforts physiques de niveau A, soit des efforts minimums pour des emplois sédentaires ;

-       une responsabilité de niveau I, soit une activité autonome qualifiée avec forte influence sur plusieurs secteurs voisins.

Son opposition recueillait l’assentiment tacite de la direction et du SRH de l’OFPC. Il joignait à son projet deux offres de place vacante de chef de projet, rangées l’une en classe 21 et l’autre en classe 23.

9) Le 19 mai 2014, le SRH a transmis à la CREMEF sa prise de position concernant l’opposition de M. A______. Il confirmait sa proposition de maintenir le rangement actuel de ce poste en classe maximum 20.

Contrairement à ce qui était soutenu par M. A______, son opposition ne recueillait pas l’assentiment tacite de sa direction. Tout d’abord, dans sa demande d’évaluation de poste du 4 novembre 2013, le RRH du DIP informait le SRH que la direction générale de M. A______ demandait un rangement de la fonction de chef de projet en classe maximum 20. Par ailleurs, la hiérarchie avait préavisé favorablement, le 3 mars 2014, la proposition du SRH, tout comme le DIP.

La comparaison transversale se faisait uniquement après avoir établi un profil pour le dossier en cours d’examen et pour tous les critères choisis. Ainsi, les rôles, activités et responsabilités du cahier des charges du poste occupé par M. A______ conduisait au maintien de son rangement actuel dans la fonction de chef de projets OFPC, en classe maximum 20. à titre indicatif, la fonction avait un profil « L D J A I ».

S’agissant des critères des efforts intellectuels, des efforts physiques et de la responsabilité, le SRH partageait l’analyse de l’opposant et estimait que les niveaux « J », « A » et « I » étaient pertinents.

En revanche, les critères de la formation et de l’expérience professionnelle étaient indissociables et devaient être traités ensemble. Le critère de la formation professionnelle définissait le niveau minimum requis pour être à même d’exercer une activité. Au vu de l’ensemble des activités décrites et des responsabilités assumées, un niveau correspondant à un niveau universitaire était pertinent. Quant au critère de l’expérience professionnelle, il était défini par le temps nécessaire à un(e) titulaire pour acquérir l’expérience professionnelle nécessaire lui permettant d’occuper son poste avec une efficacité optimale. En l’espèce, la durée de cette expérience était estimée entre trois et cinq ans.

Enfin, la démarche de M. A______ visant à joindre à son opposition la copie de deux annonces de postes de chef de projets colloqués dans des classes supérieures n’était pas pertinente : l’évaluation d’une fonction s’effectuait en fonction des activités et des responsabilités spécifiques qui lui étaient dévolues.

10) Le 6 juin 2014, la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) du DIP a transmis à la CREMEF sa position sur l’opposition de M. A______.

Il était inexact que la fonction de M. A______ n’était plus celle de chef de projet uniquement. Le cahier des charges modifié en septembre 2009 (recte : 2013) précisait de manière plus détaillée le rôle et les responsabilités attendues, qui continuaient à répondre au profil d’ « ingénieur chef de projet ». Le changement de catégorie de personnel vers celle d’ « agent spécialisé » n’avait pas été abordé dans ce cahier des charges.

S’agissant de la formation et de l’expérience professionnelle exigées, l’analyse des prérequis effectuée par le SRH-OPE confirmait le niveau universitaire « L », soit un baccalauréat universitaire dans le domaine considéré, et une expérience professionnelle de trois à cinq ans (profil « D »). Tant la hiérarchie que le département avaient accepté ces prérequis.

Par conséquent, le DIP maintenait son accord avec la proposition du SRH.

11) La CREMEF a entendu les parties le 10 juillet 2014.

a. Pour M. A______, une personne avec un baccalauréat universitaire n’était pas en mesure de maîtriser toute les matières du poste et d’intégrer les différents domaines. La demande de réévaluation était venue petit à petit, au fur et à mesure du développement du poste. On avait commencé à lui demander davantage d’expertise. Le service B______ allait encore évoluer avec les projets fédéraux du secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (ci-après : SEFRI), voire européens. S’il fallait procéder à un engagement, la seule possession d’un baccalauréat universitaire restait un risque, dans la mesure où il fallait être capable d’appliquer les éléments techniques, de comprendre les concepts de la population adulte dans un monde de formation. Pour appréhender l’entier de la mission, il fallait, selon M. A______, une maîtrise et cinq années d’expérience, voire plus. S’agissant du fonctionnement avec la direction, il construisait les concepts des projets dans le cadre proposé, puis les présentait à la direction. Il ne représentait pas l’OFPC lors de l’ouverture des projets. Par contre, il gérait l’enveloppe financière, interagissait avec les partenaires et représentait l’office avec eux. Il présentait régulièrement à la direction des états d’avancement chiffrés, et anticipait les dépenses en fonction des personnes entrant dans le dispositif.

Il était le seul chargé de projet au sein de la formation continue, l’un ayant été déplacé au service de la formation professionnelle, et l’autre étant en congé maladie. Dans d’autres structures, des chefs de projets existaient avec une classification supérieure, sous une autre appellation (adjoint scientifique, etc.). S’agissant de son cahier des charges, il décrivait correctement ses tâches actuelles, étant précisé que l’on pouvait attendre des développements à l’avenir. Il maintenait donc sa position de changer de classe.

b. La hiérarchie de M. A______ a également été entendue.

S’agissant de la formation requise, M. C______ a fait référence à des offres de service récentes pour des responsables de projets, qui mentionnaient comme exigence minimale une formation de niveau baccalauréat universitaire. Cependant, dans la mesure où il y avait peu de chefs de projets au DIP, il laissait volontiers ouverte la question de la formation. Il précisait toutefois qu’étant dans des domaines spécialisés, une personne qui aurait un diplôme HES en gestion, si elle n’avait pas travaillé avant dans le domaine de la formation continue, serait aussi démunie qu’une personne avec une maîtrise en psychologie.

Monsieur D______, directeur du service B______ à l’OFPC, travaillait avec M. A______ depuis 2007. Ce dernier maîtrisait parfaitement les outils de formation adultes. Il avait beaucoup appris, modulariser une formation n’étant pas un concept pouvant s’acquérir tout de suite, mais « nécessitant du terrain ». Au plan ingénierie, la formation s’était faite sur le terrain, en suivant les projets.

M. D______ représentait Monsieur E______, excusé ce jour. En tant que directeur général, il devait assurer un certain équilibre pour l’ensemble de l’OFPC. C’est ainsi qu’il justifiait son avis.

M. C______ avait de la peine à répondre à la question de savoir s’il fallait un baccalauréat universitaire ou une maîtrise pour ce poste, cela dépendant de la personne. Pour lui, le processus d’évaluation de la fonction occupée par M. A______ avait été conduit correctement, le cahier des charges avait été remis à plat. S’il fallait engager quelqu’un, une maîtrise ne serait pas une condition.

M. D______ précisait qu’en septembre, un projet important pourrait justifier un nouveau cahier des charges.

c. Lors de son audition, le SRH était représenté par Mesdames F______ et G______.

Lors de la réception de la description du poste, la formation n’était souvent pas en adéquation avec les activités du poste. Dans ce cas précis, le SRH avait considéré qu’un baccalauréat universitaire était suffisant pour exercer cette activité.

à la question de savoir s’il y avait eu comparaison entre l’ancien et le nouveau cahier des charges pour le poste occupé par M. A______, les représentantes du SRH ont eu des difficultés à répondre en l’absence de Madame H______, qui avait mené le processus d’évaluation au sein du SRH. Elles supposaient que Mme H______ avait repris les critères de l’ancien cahier des charges.

S’agissant de la comparaison avec des fonctions supérieures ou similaires, elles précisaient que M. D______, supérieur hiérarchique de M. A______, avait le profil « M D K A K » en classe 24. Dans d’autres services, et avec des cahiers des charges différents, l’on pouvait avoir un adjoint scientifique dont le profil était « M C J A I », soit un niveau maîtrise ou un niveau baccalauréat universitaire avec une expérience préalable de quelques années. Les premiers niveaux de chefs de projet se trouvaient en classe 18.

Le SRH a donc maintenu ses conclusions.

12) à l’issue de l’audience, la CREMEF a décidé de demander à Mme H______ de préciser, dans le cahier des charges du poste occupé par M. A______, les événements qui avaient conduit le SRH à décider que le niveau de formation requis pour cette fonction était un baccalauréat universitaire et non pas une maîtrise.

13) Mme H______ a répondu à la demande du CREMEF par courriel du 4 août 2014.

Le critère de la formation professionnelle définissait le niveau minimum requis pour être à même d’exercer une activité. Dans le cas d’espèce, les activités et responsabilités décrites dans le cahier des charges soumis à évaluation, une analyse transversale approfondie, ainsi qu’une étude des différents programmes de formation avaient permis au SRH de considérer qu’une formation universitaire de niveau baccalauréat universitaire, assortie d’une expérience professionnelle allant de trois à cinq ans, était adéquate.

14) En date du 20 février 2015, la CREMEF a proposé au Conseil d’État de ratifier les conclusions rendues par le SRH le 13 février 2015 en disant qu’elles étaient justes, opportunes et équitables, et de confirmer que le poste actuellement occupé par M. A______ était maintenu dans son rangement actuel, soit dans la fonction de chef de projet OFPC, en classe maximum 20.

La CREMEF avait pour compétence de vérifier la procédure et l’objectivité de l’analyse effectuée par le SRH. Le niveau « D » octroyé au critère expérience professionnelle, soit de trois à cinq ans, satisfaisait à l’expérience exigée paritairement pour occuper le poste considéré. Les critères « formation » et « expérience » formaient un binôme indissociable, le niveau attribué au critère de l’expérience appréciant l’expérience qu’il convenait d’acquérir dans le poste de travail après avoir suivi la formation professionnelle exigée. Par ailleurs, les niveaux reconnus à ces deux critères répondaient à la demande présentée par le département. Enfin, dans le cas d’espèce, la manière de procéder du SRH, qui avait effectué une analyse transversale approfondie ainsi qu’une étude des différents programmes de formation, ne paraissait pas critiquable. Le SRH avait objectivement appréhendé les exigences et spécificités du poste et les niveaux des critères de formation, expérience professionnelle, efforts intellectuels et physiques, et responsabilité qui lui étaient rattachés.

La chambre de céans relève qu’il manque un fragment de phrase entre la page 7 et la page 8 du préavis de la CREMEF, et ce sur les deux versions qui ont été produites par les parties.

15) Par courrier du 12 avril 2015, M. A______ a transmis au Conseil d’État ses observations sur la proposition de la CREMEF.

La CREMEF n’avait que partiellement perçu les enjeux sous-jacents du dossier, procédant à des investigations superficielles et renonçant à émettre une proposition équitable.

Depuis son engagement à l’OFPC à la fin 2001 en tant que chef de projet, il avait contribué de manière notable à la création, au développement et à la réalisation des dispositifs du service B______. La nature de ses responsabilités et des dossiers qu’il traitait avait évolué de telle manière qu’une réévaluation individuelle de sa fonction s’imposait dès 2010.

Devant la CREMEF, l’OFPC avait justifié sa demande de maintien de son poste en classe 20 afin d’assurer un certain équilibre pour l’ensemble de l’OFPC. Or, dans la mesure où il y avait déjà au sein de l’OFPC plusieurs fonctions situées en classe 21 et dont les cahiers des charges, responsabilités et activités réelles étaient analogues aux siennes, cette affirmation apparaissait fausse et infondée.

Par ailleurs, il n’existait aucune trace de l’analyse transversale approfondie évoquée par le SRH, et la CREMEF n’avait procédé à aucune investigation documentaire à ce propos. La prise de position du SRH du 19 mai 2014 ne semblait qu’une justification superficielle et a posteriori suite à sa note du 13 février 2014. Il n’avait procédé à aucune analyse sérieuse, pondérée et équitable dans cette affaire.

Il ressortait des considérants de la CREMEF que son cahier des charges, tel que validé par la direction générale de l’OFPC, correspondait à un profil de notation « M D J A I » ou « L E J A I », en classe 21, si l’on suivait l’argumentation du « binôme indissociable » invoquée par la CREMEF et le SRH. Le DIP évoquait quant à lui le profil  « M C J A I » (classe 21) d’adjoint scientifique, confirmant la dimension « plus scientifique » requise par cette fonction, et qui ressortait aussi de son cahier des charges.

M. A______ demandait ainsi au Conseil d’État de confirmer que, fixer a priori le résultat d’un processus d’évaluation biaisait, invalidait et discréditait le résultat de ladite évaluation, et de confirmer que la fonction qu’il occupait était à ranger en classe 21, quelle que soit sa dénomination, avec effet rétroactif au 1er janvier 2014.

16) Par décision du 17 juin 2015, le Conseil d’État a fait siennes les conclusions de la CREMEF du 20 février 2015 et ratifié la proposition du SRH du 14 février 2014 de ranger son poste dans la fonction de chef de projet OFPC, en classe maximum 20.

17) Par acte du 14 juillet 2015, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Il reprenait pour l’essentiel les arguments qu’il avait déjà fait valoir dans ses observations au Conseil d’État du 12 avril 2015.

L’OPE et la direction générale de l’OFPC avaient agi de manière concertée pour bloquer la progression salariale de sa fonction, en évoquant une analyse superficielle et partielle de celle-ci, et en utilisant une argumentation fallacieuse relative à un « certain équilibre des fonctions au sein de l’OFPC ». La CREMEF n’avait de son côté procédé sur ces deux points qu’à des investigations incomplètes, renonçant à examiner le fond et la forme de l’analyse du SRH et la répartition effective des fonctions au sein de l’OFPC.

Il concluait, « sous suite de frais », à l’annulation de la décision du Conseil d’État du 17 juin 2015 et à la confirmation que l’analyse des faits et des données disponibles amenait à conclure que la fonction qu’il occupait était à ranger en classe 21 maximum, avec effet rétroactif au 1er janvier 2014.

18) Dans un délai prolongé au 21 septembre 2015, l’OPE, agissant au nom et pour le compte du Conseil d’État, a transmis ses observations sur le recours de M. A______, concluant principalement, « sous suite de frais », à l’irrecevabilité du recours, et subsidiairement à son rejet.

Étant donné la marge d’appréciation de l’autorité en matière d’évaluation de fonctions, le pouvoir d’examen du juge était limité. Par conséquent, seuls les principes constitutionnels (l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de proportionnalité), ou l’abus du pouvoir d’appréciation pouvaient être contrôlés par l’instance de recours. Or, en l’espèce, le recourant invoquait que la CREMEF n’avait pas conduit son analyse avec l’indépendance et le regard critique requis, opposant ainsi sa propre appréciation à celle de l’autorité intimée. Ce procédé était inapte à démontrer un quelconque arbitraire ou abus du pouvoir d’appréciation et n’était dès lors pas admissible. Tant que l’autorité intimée ne tombait pas dans l’arbitraire et respectait le principe d’égalité de traitement, elle pouvait choisir, parmi la multitude de critères envisageables, les éléments qu’elle considérait comme pertinents pour la fixation de la rémunération de ses employés. Le recours devait dès lors être déclaré irrecevable.

Sur le fond, le recourant ne remettait pas en cause la méthode d’évaluation suivie par l’intimée, contestant la pertinence des niveaux accordés aux critères formation et expérience professionnelle. La décision attaquée démontrait que l’autorité avait soigneusement examiné l’intégralité des arguments soulevés par le recourant, et qu’elle les avait intégrés dans son appréciation du litige. La description du poste adressée au SRH le 4 novembre 2013 avait été établie de manière paritaire, le recourant, sa hiérarchie et le département ayant validé son contenu. Tous admettaient que la description contenait avec exactitude les tâches attachées à la fonction de chef de projet occupée actuellement par le recourant. L’analyse du cahier des charges, la compréhension de la structure présentée et les comparaisons intra et interdépartementales permettaient au SRH d’accorder un niveau « L » à la formation minimale requise pour le poste, et un niveau « D » à l’expérience professionnelle, ce qui satisfaisait à l’expérience exigée paritairement pour occuper le poste du recourant. Porter ce critère à un niveau supérieur reviendrait à reconnaître qu’une plus grande expérience professionnelle était nécessaire pour occuper la fonction querellée que celui de son supérieur, chef du service B______. Enfin, force était de constater que les niveaux reconnus aux critères « formation » et « expérience professionnelle » répondaient à la fonction soumise à l’analyse au SRH.

19) Par courrier du 22 septembre 2015, le juge délégué a imparti à M. A______ un délai au 23 octobre 2015 pour former toute requête complémentaire et/ou exercer son droit à la réplique.

20) M. A______ a transmis sa réplique le 29 septembre 2015.

L’OPE et ses services s’étaient enfermés dans un discours d’autojustification a posteriori, suite à la demande de la direction générale de l’OFPC de maintenir sa fonction en classe 20. Or, l’analyse de bonne foi de son cahier des charges actuel indiquait que les exigences du poste qu’il occupait avaient évolué et que le profil de notation de ce poste correspondait désormais à une classe 21.

Le SRH contestait ses arguments en faveur d’un rangement en classe 21 sans avoir procédé à aucune analyse de terrain. De surcroît, la CREMEF n’avait effectué aucune comparaison entre les classes de traitement de fonctions identiques ou similaires au sein du DIP ou de l’OFPC. Une telle comparaison aurait mené à la constatation qu’il était nécessaire, « afin d’assurer un certain équilibre » au sein de l’OFPC, de réévaluer son poste en classe 21, plusieurs chefs de projet ou fonctions similaires étant rangés dans cette classe. Cette inégalité de traitement, qui était à l’origine de sa demande de réévaluation de fonction, heurtait de manière choquante le sentiment de justice et d’équité. Quant à l’argument selon lequel une dimension requise par la fonction ne pouvait pas être plus élevée que pour le supérieur hiérarchique, elle ne tenait pas : c’était justement le rôle d’un spécialiste que d’être plus « qualifié » ou « expérimenté » que son supérieur sur tel ou tel domaine, afin d’amener une expertise spécifique au sein du service.

Il s’agissait d’un cas de mauvaise foi des interlocuteurs institutionnels et de l’OPE, son supérieur hiérarchique, directeur de service au sein de l’OFPC, étant favorable à la réévaluation de sa fonction en classe 21. Son avis avait toutefois été bloqué par la direction générale de l’OFPC.

21) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 –LOJ – E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10).

2) La chambre administrative applique le droit d'office. Elle ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, sans toutefois être liée par les motifs invoqués (art. 69 LPA) ni par l'argumentation juridique développée dans la décision entreprise (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, Berne 2011, p. 300 ss.). Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA) et non réalisée en l’espèce.

3) Le présent litige a trait à l’évaluation de fonctions. Celle-ci contient, par la force des choses, une grande part d’appréciation, dont la concrétisation dépend de la façon dont une certaine tâche est perçue par la société, respectivement par l’employeur (ATF 125 II 385 consid. 5b et les références citées ; ATA/824/2012 du 11 novembre 2012 consid. 5b). Le point de savoir si différentes activités doivent être considérées comme étant de même valeur dépend d’estimations qui peuvent conduire à des résultats différents (ATF 129 I 161 consid. 3.2 ; ATF 125 II 385 consid. 5b ; ATA/664/2010 du 28 septembre 2010 consid. 5 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 284 ). Dans ce domaine, le pouvoir d’examen du juge est donc limité. Il doit ainsi en principe uniquement s’attacher à contrôler le respect des principes constitutionnels et à sanctionner, le cas échéant, l’abus du pouvoir d’appréciation (ATF 129 I 161 consid. 3.2 et les arrêts cités ; arrêt 1C_245/2007 du 30 octobre 2007 consid. 2 ; ATA/622/2013 du 24 septembre 2013 consid. 3 ; ATA/824/2012 précité consid. 5b ; ATA/60/2011 du 1er février 2011 consid. 12 et les arrêts cités).

a. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/1253/2015 du 24 novembre 2015 consid. 5 a ; ATA/562/2013 du 27 août 2013 consid. 3 et les arrêts cités).

b. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, il n’y a lieu de s’écarter de la solution retenue par l’autorité précédente que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; ATA/1296/2015 du 8 décembre 2015 consid. 6 ; ATA/757/2012 du 6 novembre 2012 consid. 8).

c. Une décision viole le droit à l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATA/43/2016 du 19 janvier 2016 consid. 4c ; ATA/664/2010 précité consid. 7a et les arrêts cités).

d. Il appartient au recourant de démontrer, motivation précise à l’appui, que les conditions restrictives précitées sont réunies, étant rappelé que des critiques de nature appellatoire sont dans ce cadre inadmissibles (ATA/622/2013 précité consid. 3 ; ATA/18/2012 du 10 janvier 2012 consid. 5).

4) a. En l’espèce, le recourant ne conteste pas la méthode d’évaluation appliquée par le SRH, et suivie par la CREMEF, pour évaluer sa fonction. De fait, la classification querellée repose sur la méthode déjà approuvée par la jurisprudence à plusieurs reprises (ATA/18/2012 précité consid. 5 ; ATA/622/2013 précité consid. 5). Il ne soutient pas non plus que son cahier des charges, mis à jour en 2013 et validé par la direction générale de l’OFPC, ne décrirait pas correctement ses tâches actuelles. Le recourant conteste uniquement la pertinence des niveaux accordés par le SRH aux critères de la formation et de l’expérience professionnelle, et considère que sa fonction n’aurait pas un profil « L D J A I » (classe 20), mais que son cahier des charges correspondrait au profil de notation « M D J A I » ou « L E J A I », en classe 21. D’après lui, ses activités auraient évolué vers des fonctions de spécialiste et d’expert, en plus des responsabilités de conduite de projet. Sa fonction serait donc celle de « chef de projet – agent spécialisé ».

Ce faisant, le recourant oppose sa propre appréciation à celle de l’autorité intimée, cette dernière reposant quant à elle sur une proposition formulée par une commission composée de spécialistes (art. 2 du règlement instituant une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions du 7 avril 1982 – RComEF – B 5 15.04). Ce procédé ne permet pas de démontrer une violation de l’interdiction de l’arbitraire ou un abus du pouvoir d’appréciation, et il n’appartient pas au juge administratif de procéder à un nouvel examen complet de l’évaluation de la fonction occupée par le recourant.

Quand bien même ce moyen serait recevable, il conviendrait de le rejeter. En effet, l’autorité intimée a soigneusement examiné les arguments soulevés par le recourant, et les a intégrés dans son appréciation du litige. Elle a retenu que le dossier d’évaluation litigieux avait été traité en adéquation avec la méthode et la procédure d’évaluation, que la description du poste avait été établie de manière paritaire, toutes les parties ayant validé son contenu, et que le SRH avait objectivement appréhendé les exigences et les spécificités du poste et des niveaux des critères de la formation et de l’expérience professionnelle. Elle a par ailleurs souligné qu’il appartenait au SRH de procéder à l’évaluation des fonctions, et non des compétences et/ou des performances des titulaires des postes soumis à son analyse, et qu’en aucun cas une fonction ne pouvait être cotée plus haut que le niveau des exigences du poste. Elle a enfin relevé que le SRH avait étudié les activités et responsabilités décrites dans le cahier des charges du recourant, et procédé à une analyse transversale et approfondie, qui lui avaient permis de considérer qu’une formation universitaire de niveau baccalauréat universitaire, assortie d’une expérience professionnelle de trois à cinq ans, était adéquate. Au vu de ce qui précède, et étant donné le pouvoir d’examen limité de la chambre de céans en la matière, la manière de procéder de l’autorité intimée n’apparaît pas critiquable, cette dernière n’ayant pas abusé de son pouvoir d’appréciation. De même, la décision de l’autorité intimée n’est manifestement pas arbitraire. Le recourant ne parvient pas à démontrer qu’il était absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5 ; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148), de conclure, que ce soit dans ses motifs ou dans son résultat, à une telle classification.

b. Le recourant reproche également à la CREMEF de n’avoir procédé à aucune comparaison entre les classes de traitement de fonctions identiques ou similaires au sein du DIP ou de l’OFPC, soutenant que plusieurs chefs de projet ou personnes occupant des fonctions similaires au sein de l’OFPC seraient rangés en classe 21. Cette inégalité de traitement heurterait de manière choquante le sentiment de justice et d’équité.

Alors qu’il lui appartient de démontrer, motivation précise à l’appui, que la décision de l’autorité intimée violerait le droit à l'égalité de traitement, il se limite à alléguer que certaines personnes ayant des fonctions similaires au sein de l’OFPC seraient colloquées en classe 21, ce sans aucunement étayer ses allégués par des éléments de preuve.

En tout état de cause, il ressort des enquêtes effectuées par la CREMEF que dans d’autres services, et avec des cahiers des charges différents, l’on peut trouver un adjoint scientifique en classe 21, mais aussi des chefs de projet en classe 18. Mme H______, qui a mené le processus d’évaluation au sein du SRH, a indiqué avoir procédé à une analyse transversale approfondie et étudié les différents programmes de formation pour considérer qu’une formation universitaire de niveau baccalauréat universitaire, assortie d’une expérience professionnelle de trois à cinq ans, était adéquate. À ce propos, la CREMEF a retenu qu’une expérience professionnelle de trois à cinq ans satisfaisait à l’expérience exigée paritairement pour occuper le poste considéré, que les niveaux reconnus aux critères formation et expérience professionnelle correspondaient à la demande présentée par le département, et que la seule comparaison avec d’autres fonctions, même parentes ou voisines, ne saurait constituer un élément justifiant la modification d’un profil.

En définitive, force est de constater que le recourant ne parvient pas à démontrer que la classification de sa fonction résulterait d'une évaluation discriminatoire de celle-ci qui appellerait une intervention de la chambre de céans compte tenu de la densité limitée de son pouvoir d'examen (ATA/466/2010 précité consid. 7). Le recours, mal fondé, doit donc être rejeté.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2015 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil d’État du 17 juin 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur ______, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :