Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1542/2014

ATA/1278/2015 du 01.12.2015 sur JTAPI/1015/2014 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.02.2016, rendu le 03.02.2016, IRRECEVABLE, 2D_5/2016
Descripteurs : RESSORTISSANT ÉTRANGER ; DROIT DES ÉTRANGERS ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; SÉJOUR ILLÉGAL ; CAS DE RIGUEUR ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; DÉCISION DE RENVOI ; INTÉGRATION SOCIALE ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LEtr.30.al1 ; LEtr.64 ; LEtr.83
Résumé : Rejet du recours d'une ressortissante sénégalaise ayant sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour après avoir été au bénéfice d'un permis Ci, en sa qualité d'épouse de diplomate. Elle n'a pas démontré avoir réalisé une intégration socioprofessionnelle exceptionnelle eu égard à la moyenne des étrangers ayant passé le même nombre d'années qu'elle en Suisse. Sa situation familiale et ses attaches culturelles la relient à son pays d'origine, en particulier dès lors que ses trois enfants y résident. Le fait de ne plus pouvoir, en quittant la Suisse, contribuer financièrement à l'entretien de ses proches vivant au Sénégal ne permet pas de retenir l'existence d'un cas de rigueur.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1542/2014-PE ATA/1278/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 septembre 2014 (JTAPI/1015/2014)


EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1974, est ressortissante du Sénégal.

2) Son ex-époux, M. A______, ainsi que leurs trois enfants B______, née le ______ 1998, C______, né le ______ 2000 et D______, née le ______ 2004, sont également de nationalité sénégalaise.

3) Mme A______ est arrivée en Suisse avec ses trois enfants le 9 septembre 2006 au moyen d'un visa délivré pour lui permettre de rejoindre M. A______, qui était diplomate et titulaire d'une carte de légitimation à Genève, avec lequel elle était alors mariée.

Elle a été mise au bénéfice d'une carte de légitimation du 31 octobre 2006 au 22 janvier 2008, puis d'une autorisation de séjour avec activité lucrative « Ci » (destinée aux membres de la famille de fonctionnaires des organisations intergouvernementales ou de membres des représentations étrangères), valable jusqu'au 22 janvier 2010.

4) Le 30 décembre 2008, M. A______ a quitté la Suisse avec les trois enfants pour retourner au Sénégal.

5) Le 10 août 2012, Mme A______ a formé, sous la plume de son avocat, une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Une telle autorisation lui était nécessaire pour subvenir aux besoins vitaux de ses enfants, ainsi que pour « finaliser son insertion dans ce pays [soit la Suisse] qu'elle [considérait] comme le sien ». Son mari avait perdu son emploi à Genève et avait décidé, malgré son opposition, de retourner vivre au Sénégal, emmenant avec lui leurs trois enfants. M. A______ les avait alors « abandonnés » et les avait confiés à leur tante maternelle ; il n'avait à ce jour pas de travail et n'avait quasiment plus de contacts avec les enfants. Elle vivait donc désormais seule à Genève et subvenait seule à l'entretien des trois enfants, faisant chaque mois parvenir de l'argent à sa soeur, par le biais d'ordres de transfert. Elle séjournait en Suisse depuis plus de dix ans (sic) et y avait créé un réseau socioprofessionnel qu'elle ne pourrait pas retrouver dans son pays d'origine. Elle occupait à Genève divers emplois dans le domaine du nettoyage et était financièrement indépendante. Elle payait ses impôts et était assurée pour la maladie. Elle n'avait jamais perçu de prestations d'assistance, ni contracté la moindre dette. Son casier judiciaire était vierge et elle était bien intégrée. En cas de retour au Sénégal, il lui serait très difficile de trouver un emploi car, vu sa situation conjugale dégradée, il était à craindre que M. A______ « fasse jouer ses relations » pour empêcher sa réinsertion professionnelle.

6) Mme A______ a indiqué, dans un courrier reçu le 19 février 2013 par l'OCPM, qui l'avait interpellée à ce sujet, que sa soeur et ses parents vivaient toujours au Sénégal. Elle n'était pas retournée dans son pays d'origine depuis 2006, excepté pour comparaître le 19 février 2013 devant le Tribunal départemental de Dakar, dans le cadre de sa procédure de divorce.

7) Le 21 mai 2013, le Tribunal départemental hors classe de Dakar a prononcé le divorce des époux A______, confié la garde des trois enfants à leur mère, à laquelle il était donné acte de ce qu'elle ne réclamait pas de part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants, et accordé un large droit de visite à leur père.

Il ressort notamment de ce jugement de divorce que Mme A______ avait demandé la garde de ses enfants au motif « qu'elle [avait] négocié un regroupement familial en Suisse (...) [et] qu'elle [souhaitait] les faire migrer
là-bas pour leur assurer une éducation de qualité à ses côtés ». Elle avait également exposé disposer « de revenus importants et d'un appartement convenable pour les héberger et les entretenir ». M. A______ avait quant à lui allégué être sans emploi et avoir « été obligé de confier ses enfants à son père en raison de sa situation sociale instable ».

8) Le 27 août 2013, l'OCPM a délivré à Mme A______ une autorisation provisoire - jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation de séjour - de travailler une vingtaine d'heures par semaine en qualité de « femme de chambre extra » pour E______ SA, Hôtel F______ (ci-après : E______ SA).

9) Le 27 septembre 2013, l'OCPM a informé l'intéressée de son intention de refuser sa requête d'autorisation de séjour, au motif que sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle au sens de la législation applicable.

10) Au mois de septembre 2013, E______ SA a transmis à l'OCPM un formulaire de déclaration de fin des rapports de service, à teneur duquel Mme A______ n'avait « pas travaillé » et était libre de tout engagement.

11) Le 2 décembre 2013, la candidature de Mme A______ a été retenue par la Croix-Rouge genevoise pour le cours « d'auxiliaire de santé de la Croix-Rouge Suisse (CRS) ». Cette formation se déroulait sur quatre mois et était composée d'un cours théorique et d'un stage pratique dans un établissement médico-social pour les personnes âgées (ci-après : EMS).

12) Le 16 décembre 2013, Mme A______, par le biais de son conseil, a fait valoir son droit d'être entendue auprès de l'OCPM.

Elle ne pouvait pas envisager à ce jour un autre avenir que celui qu'elle avait entamé en Suisse, ni sans difficultés insurmontables pour elle et ses enfants un retour dans son pays d'origine qu'elle avait quitté depuis huit ans. Les conditions de vie de ses enfants chez leur tante n'étant pas satisfaisantes, ceux-ci avaient été accueillis par leur grand-père paternel. Ce dernier était toutefois âgé et n'allait pas pouvoir, dans la durée, assumer cette responsabilité. Elle continuait pour sa part à prendre en charge l'intégralité de leurs frais d'éducation et était la seule de son entourage à pouvoir le faire. Son ex-mari n'était pas impliqué dans l'éducation et l'entretien des trois enfants qu'il avait « abandonnés ». Ces derniers suivaient une scolarité « normale » au Sénégal. Son fils C______ était suivi psychologiquement par un thérapeute, car il vivait mal la situation. Elle faisait face à un réel dilemme, car elle se trouvait partagée entre le désir d'entourer affectivement ses enfants et l'impossibilité dans laquelle elle serait de répondre efficacement à leurs besoins essentiels si elle retournait dans son pays d'origine. Sa vie en Suisse lui avait permis d'acquérir son indépendance financière et de s'épanouir socialement et professionnellement, ce qui ne serait pas le cas si elle retournait au Sénégal, dès lors qu'elle n'avait plus dans ce pays de lien familial ou social.

Elle a produit à l'appui de ses explications plusieurs lettres de recommandation en sa faveur, ainsi que divers documents relatifs à sa formation entreprise auprès de la Croix-Rouge, à ses enfants, à leur situation, à leur souhait de vivre avec leur mère et à leur scolarité.

13) Mme A______ a perçu en 2013 des revenus de plusieurs employeurs par le biais de « chèque service » et a bénéficié au cours de la même année, ainsi qu'en 2014, de prestations de l'assurance-chômage, sous la forme d'indemnités partielles.

14) Le 2 janvier 2014, Mme A______ a transmis à l'OCPM une déclaration de prise en charge de ses enfants par M. G______ A______, leur grand-père paternel, à teneur de laquelle leur mère assumait seule tous leurs frais (scolarité, habillement, argent de poche, etc.).

15) Par décision du 23 avril 2014, l'OCPM a refusé d'accéder à la demande d'autorisation de séjour de Mme A______ ainsi que de préaviser favorablement son dossier auprès de l'office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 23 juillet 2014 pour quitter la Suisse.

Elle ne se trouvait pas dans une situation représentant un cas d'extrême gravité et n'invoquait pas, ni ne démontrait l'existence d'obstacles à son retour au Sénégal. Il n'apparaissait pas non plus que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou pas raisonnablement exigible.

La durée de son séjour en Suisse, où elle était arrivée à l'âge de 42 ans (sic), devait être relativisée par rapport aux nombreuses années passées dans son pays d'origine, notamment toute sa jeunesse et son adolescence. Ses attaches avec le Sénégal devaient être considérées comme importantes, dès lors que ses trois enfants, dont la garde lui avait été confiée, y vivaient. Elle ne pouvait enfin pas se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement réussie au point qu'elle ne puisse plus quitter la Suisse sans être confrontée à des obstacles insurmontables.

16) Le 27 mai 2014, Mme A______ a, sous la plume de son avocat, recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, sous réserve de l'approbation de l'autorité fédérale.

Elle persistait dans ses précédents arguments et considérait que sa situation globale présentait un caractère exceptionnel et était constitutive d'un cas d'extrême gravité. Elle avait quitté son pays en 1998 et avait, avant d'arriver en Suisse à l'âge de 32 ans, vécu en Espagne puis au Mali. Elle vivait alors sous le statut limité d'épouse d'un haut fonctionnaire étatique, lequel pouvait aujourd'hui menacer son intégrité, voire sa vie en cas de retour au Sénégal. Si son parcours professionnel en Suisse était remarquable, l'expérience acquise et la formation suivie ne lui seraient pas utiles dans son pays d'origine pour lui permettre de trouver un travail et d'être financièrement indépendante pour subvenir aux besoins de ses trois enfants. Elle était également socialement intégrée en Suisse et s'était notamment investie dans la vie associative du canton comme membre active, depuis 2009, de l'association Initiative féminine pour la santé en Afrique de l'ouest (IFSAO). Elle avait créé des attaches avec le territoire helvétique, avait de bonnes relations de travail et d'amitié avec son entourage et s'était accoutumée au mode de vie local. Elle n'avait en revanche aucun réseau socioprofessionnel au Sénégal ; elle n'avait plus de liens affectifs avec ce pays et n'avait aucune relation particulière avec sa soeur. La dépendance économique de ses trois enfants, qu'elle ne pourrait pas nourrir et loger convenablement en vivant au Sénégal dès lors qu'elle ne pourrait compter sur aucun soutien, était considérable, malgré l'opportunité qu'ils avaient de vivre temporairement chez leurs grands-parents. La garde des enfants lui avait été attribuée lors du divorce, compte tenu de la stabilité affective et financière qu'elle pouvait leur apporter, contrairement à son ex-époux.

17) Le 28 juillet 2014, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Les arguments invoqués par l'intéressée n'étaient pas de nature à modifier sa position. Ni son âge, ni la durée de son séjour en Suisse, ni les inconvénients d'ordre social ou professionnel qu'elle pouvait rencontrer en retournant au Sénégal ne constituaient des circonstances si particulières qu'elle se trouverait dans un cas de détresse justifiant l'octroi d'une dérogation aux mesures de limitation.

Elle ne pouvait se prévaloir d'un séjour légal que de moins de quatre ans (octobre 2006 à janvier 2010), le reste de son séjour étant considéré comme précaire ; son comportement n'avait ainsi pas été irréprochable, puisqu'elle avait séjourné et travaillé illégalement sur le territoire après l'échéance de son permis Ci. Le fait qu'elle ait résidé quelques années hors de son pays d'origine avant d'arriver en Suisse était sans pertinence dans le cadre de l'examen de son dossier. Sa réintégration professionnelle dans son pays d'origine était non seulement possible, mais en outre favorisée par les compétences professionnelles, essentiellement dans l'économie domestique, et l'expérience qu'elle avait acquises en Suisse. S'agissant de son intégration sociale, elle n'avait pas démontré à satisfaction avoir tissé des liens particulièrement étroits avec la communauté genevoise, excepté les rapports « normaux » que pouvait entretenir avec son entourage une personne vivant depuis plusieurs années dans un même lieu. Le fait que ses parents, sa soeur et ses trois enfants se trouvent au Sénégal était également susceptible de favoriser son retour. Il apparaissait qu'elle avait requis une autorisation de séjour en Suisse pour des raisons essentiellement économiques.

18) Le 2 septembre 2014, Mme A______ a répliqué par le biais de son conseil, reprenant sa précédente argumentation concernant son intégration en Suisse. Malgré les obstacles qu'elle rencontrait dans le cadre de sa formation (elle n'avait pas trouvé de stage pratique), elle faisait preuve d'une grande motivation et d'un important investissement personnel pour ses projets d'intégration socioprofessionnelle.

Elle a notamment produit à l'appui de son écriture des lettres de recommandation et des lettres rédigées par ses enfants.

19) Le TAPI a entendu les parties le même jour.

Mme A______ n'avait appris que plus tard et par des tiers que, lorsque son ex-mari avait perdu son emploi, celui-ci avait refusé une réaffectation à l'étranger. Elle avait à ce moment-là commencé à travailler dans l'économie domestique ; c'était à partir de la même époque que leurs relations de couple avaient commencé à se dégrader. Lorsque M. A______ avait décidé de regagner le Sénégal avec les trois enfants, il ne l'avait pas consultée. Elle n'était pas allée les chercher, car elle avait pensé que l'OCPM ne l'y autoriserait pas. Elle n'avait à ce jour plus aucune nouvelle de son ex-mari, lequel, conformément au jugement de divorce, ne contribuait en rien à l'entretien de ses enfants.

Elle avait sept soeurs, dont six vivaient au Sénégal, dans les environs de Dakar, de même qu'un frère. Ses enfants vivaient à Dakar. Pour sa part, rien ne l'attendait dans son pays d'origine. Elle avait toujours dépendu de son ex-mari. Elle ignorait comment faire pour vivre avec ses enfants dans son pays natal, car elle n'avait nulle part où aller. Elle ne pouvait pas vivre chez ses beaux-parents puisqu'elle était séparée de leur fils. Ils avaient déjà beaucoup fait en s'occupant de leurs petits-enfants. Elle avait quitté le Sénégal quinze ans plus tôt, de sorte qu'elle ne savait pas à quelle structure s'adresser en cas de retour. Sa soeur lui avait parlé de possibilités pour obtenir des petits prêts, remboursables avec intérêts, afin d'ouvrir un commerce.

Sa fille aînée, B______, âgée de 16 ans, avait bien terminé l'équivalent du cycle et commencé l'équivalent du collège ; elle projetait de devenir médecin ou de travailler en laboratoire. Son fils C______ allait mieux, notamment à l'école où il poursuivait sa scolarité obligatoire après avoir pris deux années de retard à cause des difficultés qu'il avait rencontrées pour se réinsérer à son retour à Dakar. Sa fille cadette, D______, âgée de 10 ans, était une bonne élève.

Elle n'avait pour l'instant pas osé dire à ses enfants qu'il était possible qu'elle revienne au Sénégal. Ils pensaient toujours qu'ils la rejoindraient en Suisse.

Son conseil a souligné que Mme A______ n'avait pas de formation professionnelle et que l'idée de monter un petit commerce ne paraissait pas plausible. Elle avait quitté son pays natal à 21 ans, sans bagage professionnel ; un retour compromettrait ainsi non seulement ses propres moyens d'existence, mais également les bases sur lesquelles ses trois enfants avaient pu reconstruire leurs vies au Sénégal. Elle était consciente que sa situation actuelle ne permettait pas d'envisager un regroupement familial pour ses enfants, mais elle pouvait au moins continuer à assurer leurs moyens d'existence.

20) Par jugement du 22 septembre 2014 (JTAPI/1015/2014), le TAPI a rejeté le recours.

Dès lors que Mme A______ ne réalisait pas les conditions générales d'admission en Suisse, sa demande d'autorisation de séjour devait être examinée sous l'angle du cas d'extrême gravité. Or, malgré l'examen minutieux de son dossier ainsi que des pièces versées à la procédure, et les explications fournies en cours d'instruction, force était de constater que l'intéressée ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

Mme A______ ne pouvait pas se prévaloir de la durée de son séjour, dans la mesure où elle savait qu'à l'échéance de la fonction de son ex-mari en Suisse, elle n'aurait plus le droit de vivre dans ce pays. Elle y résidait toutefois illégalement depuis le 22 janvier 2010 et bénéficiait d'une tolérance des autorités depuis le dépôt de sa demande le 10 août 2012. Dans ces conditions, son séjour ne constituait pas un élément déterminant pour la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité.

Si ses efforts pour acquérir en Suisse son indépendance financière et une formation professionnelle étaient louables, l'intégration socioprofessionnelle de Mme A______ ne pouvait pas être qualifiée d'exceptionnelle. Il apparaissait qu'elle souhaitait rester en Suisse pour des raisons économiques, afin de subvenir aux besoins de ses enfants et de leur offrir un meilleur avenir, ce qui n'était pas compatible avec le but poursuivi par la législation en la matière. Elle ne se trouvait pas personnellement dans une situation si rigoureuse que l'on ne puisse exiger d'elle qu'elle tente de se rajuster à son existence passée. Elle avait vécu la majeure partie de sa vie au Sénégal où elle avait conservé des attaches familiales et culturelles importantes. Ses enfants, de même que quasiment toute sa famille, vivaient à Dakar ou dans ses environs. Si son retour pouvait engendrer des difficultés, tant sur un plan personnel que financier, vu le contexte économique et social propre au Sénégal, aucun élément prépondérant n'attestait que lesdites difficultés seraient plus graves pour elle que pour d'autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour régulier en Suisse.

Elle n'avait enfin pas démontré, ni allégué, que son renvoi serait impossible, illicite ou ne pouvait pas raisonnablement être exigé.

21) Le 26 septembre 2014, l'organisme Pôle formation a attesté que Mme A______ avait suivi avec succès le cours de formation « employée de maison et lingère en EMS & aide à domicile aux personnes âgées ».

22) Le 24 octobre 2014, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant implicitement à son annulation et sollicitant la délivrance d'un titre de séjour. Elle demandait également à pouvoir rester en Suisse pendant l'examen de son recours et à être exemptée des frais de la procédure.

Elle avait dû renoncer à l'assistance de son avocat pour des raisons financières.

La conclusion du TAPI, réduisant son désir de rester en Suisse à un simple impératif économique, négligeait la gravité de la situation. Son seul espoir résidait dans l'octroi d'une autorisation de séjour en Suisse pour y survivre. Elle était travailleuse et, s'il s'agissait de rentrer dans son pays d'origine chercher un emploi, même si cela était voué à l'échec puisqu'elle n'avait pas de formation professionnelle, elle était prête à « [remuer] ciel et terre pour soutenir [ses]
enfants ». Ses enfants, dont l'enfance et l'adolescence étaient exemplaires, ne comptaient aujourd'hui pas sur elle uniquement pour bénéficier d'un avenir meilleur ; ils attendaient qu'elle puisse conserver son équilibre personnel, car ils la savaient tourmentée par le rejet du seul pays dans lequel elle s'était personnellement développée. Son séjour en Suisse lui avait en effet permis d'acquérir son indépendance et de s'épanouir. Si elle avait longtemps vécu ailleurs, le principe selon lequel l'endroit où grandissait un individu déterminait sa personnalité ne s'appliquait pas à son cas, car c'était en Suisse et après 30 ans qu'elle s'était construite et avait découvert ses capacités personnelles et professionnelles. Les autorités suisses, si elles maintenaient leur décision de la renvoyer dans son pays d'origine, signeraient son « arrêt de mort », car elle se trouverait sans abri et émotionnellement détruite. Tous les efforts qu'elle avait accomplis jusqu'ici pour ses enfants deviendraient ainsi vains, dès lors qu'elle ne pourrait pas leur apporter l'affection qu'ils méritaient en se trouvant elle-même « au fond du gouffre ».

Le TAPI retenait à tort qu'elle avait toutes ses attaches familiales et culturelles dans son pays d'origine. La notion de famille n'y était pas la même qu'en Suisse. Sa tante, qui l'avait élevée, vivait en Espagne ; elle avait appris auprès d'elle à être « une bonne femme », puis s'était mariée. Elle n'avait pas grandi auprès de son frère et ses six soeurs, qu'elle considérait comme des étrangers ; ils n'avaient aucun rapport particulier, ni même une simple anecdote commune. Sa seule famille au Sénégal étaient ses enfants, qui se trouvaient loin d'elle à cause de leur père.

Elle était consciente qu'en Suisse comme au Sénégal, sa situation financière ne lui permettait pas de récupérer ses enfants et de vivre auprès d'eux. Elle ne voulait que leur bien et se rendait compte qu'il n'était plus dans leur intérêt aujourd'hui de les faire venir en Suisse, tout comme il n'était pas dans le sien de retourner dans son pays natal. Si elle y était contrainte, sa situation serait plus tragique que celle de ses compatriotes ; elle pourrait certes voir ses enfants, mais la souffrance que la situation lui causerait serait intolérable. Le lien familial qu'elle entretenait avec ses enfants serait plus fort si elle restait en Suisse, car elle y était bien intégrée et y avait ses amis, ses habitudes, son travail, sa routine, ses joies et ses peines, cet équilibre lui permettant de garantir le bien de ses enfants.

Elle a joint à son recours une lettre de M. G______ A______, lequel confirmait s'occuper des trois enfants qu'il logeait, leur mère assumant leurs divers frais. Depuis un certain temps toutefois, leur père avait manifesté son intention de récupérer les enfants, sans s'engager à prendre en charge les dépenses liées à leur entretien et leur scolarité. En sa qualité de grand-père, il réitérait sa volonté et sa disponibilité pour assurer l'éducation des enfants. Faute de place et vu ses moyens limités de retraité, il ne pouvait cependant pas héberger Mme A______ si elle était contrainte de rentrer au Sénégal.

23) Le 29 octobre 2014, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

24) Le 26 novembre 2014, l'OCPM a conclu au rejet du recours et persisté dans les termes de sa décision litigieuse.

La disposition en matière de cas de rigueur, applicable au cas de Mme A______, était dérogatoire et présentait un caractère exceptionnel. Elle ne pouvait pas être utilisée pour contourner les conditions strictes posées à l'admission des étrangers ressortissants de pays non membres de l'Union européenne (ci-après : UE) ou de l'Association européenne de libre-échange
(ci-après : AELE) en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Il convenait en outre de tenir compte de la politique restrictive de la Suisse en matière de séjour des étrangers et d'immigration. Par ailleurs, les étrangers se trouvant au bénéfice d'une carte de légitimation du département fédéral des affaires étrangères
(ci-après : DFAE), respectivement d'un permis de séjour Ci, ne pouvaient en principe pas obtenir une autorisation de séjour fondée sur un cas de rigueur lorsque prenait fin la fonction ou la mission. En l'occurrence, la situation de
Mme A______, qu'il s'agisse de la durée de son séjour ou de son intégration socioprofessionnelle, n'était pas exceptionnelle et ne remplissait pas les strictes conditions d'octroi d'un permis de séjour pour cas personnel d'une extrême gravité.

Les affirmations de la recourante quant à la notion de famille au Sénégal n'étaient pas étayées, ni pertinentes, dès lors que cette notion devait être interprétée dans le sens voulu par le législateur suisse, conformément à l'ordre juridique suisse. Les membres de sa fratrie devaient ainsi être considérés comme des membres de sa famille, auprès desquels elle était censée trouver un soutien, à tout le moins moral, en cas de renvoi dans son pays. Par ailleurs, sa tante qui l'avait élevée comme sa propre fille et qui résidait en Espagne pouvait certainement l'aider financièrement à se réinstaller au Sénégal.

25) Le 2 décembre 2014, Mme A______ a demandé et obtenu de l'OCPM un visa pour une durée d'un mois lui permettant de se rendre au Sénégal.

26) Le 19 janvier 2015, Mme A______ a répliqué, persistant dans sa précédente argumentation.

Lorsque son ex-mari avait quitté la Suisse avec leurs enfants, elle ignorait qu'elle aurait pu faire valoir ses droits de mère par le biais d'une procédure particulière liée à l'enlèvement international d'enfants. Elle s'était à ce moment-là sentie perdue et avait dû, du jour au lendemain, prendre en mains son destin et celui de ses enfants, qu'elle voulait protéger.

Elle s'était rendue au Sénégal le mois précédent. Elle y avait constaté que les conditions de vie chez sa soeur, qui seraient celles qu'elle trouverait si elle y retournait, étaient misérables et précaires, que son fils souffrait toujours de troubles psychologiques liés à la situation, en particulier la séparation, et qu'elle ne serait pas en mesure, en retournant vivre dans son pays natal, d'évoluer à nouveau dans le contexte familial qui était celui réservé aux femmes ; elle n'y aurait d'autre choix que de devenir à nouveau dépendante d'un homme, car elle ne trouverait ni travail, ni logement décent sans cela. Par ailleurs, lorsqu'elle était allée voir ses enfants, si son ex-beau-père avait été accueillant, tel n'avait pas été le cas de son ex-belle-mère, dont le comportement tendait à lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas que les enfants restent chez eux ; il n'était ainsi pas question qu'elle loge elle aussi chez eux en cas de retour. Elle ne pourrait pas non plus vivre chez ses soeurs, qui étaient toutes à charge de leurs maris.

Outre ses enfants, elle soutenait également financièrement, dans la mesure de ses moyens, sa famille, ses soeurs, son frère, ainsi que des neveux et nièces, qui étaient pauvres.

Elle a produit à l'appui de son écriture un chargé de pièces complémentaires, contenant notamment des photographies des lieux de vie de sa famille, des témoignages de membres de sa famille, des lettres de ses enfants, ainsi que des certificats médicaux émanant du médecin de son fils.

27) Les parties ont été informées le 22 janvier 2015 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit des décisions de l'intimé, d'une part, refusant d'octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, et donc de soumettre avec un préavis favorable son dossier au SEM et, d'autre part, lui fixant un délai au 23 juillet 2014 pour quitter la Suisse.

3) Dans la mesure où le recours a effet suspensif dans le cadre de la présente procédure (art. 66 al. 1 LPA), point n'est besoin d'examiner la demande de la recourante de pouvoir rester en Suisse pendant l'examen de son recours.

4) a. La loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA -
RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEtr).

b. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -
LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5) a. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

b. À teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, lors de l'appréciation d'un cas d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment :

a) de l'intégration du requérant ;

b) du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant ;

c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation ;

e) de la durée de la présence en Suisse ;

f) de l'état de santé ;

g) des possibilités de réintégration dans l'État de provenance.

Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour la reconnaissance de cas individuels d'une extrême gravité.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13f de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE - RS 142.20) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive
(ATF 128 II 200 ; ATA/980/2015 du 22 septembre 2015 ; ATA/815/2015 du
11 août 2015 consid. 4c et les arrêts cités). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1).

d. L'art. 30 al. 1 let. b LEtr n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004
consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

e. Pour admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité, il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue,
c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé à la règlementation ordinaire d'admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C_6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5 ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/980/2015 précité ; ATA/815/2015 précité consid. 4d et les arrêts cités).

f. Les étrangers séjournant en Suisse au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE ne peuvent ignorer que leur présence et celle de leur famille en Suisse, directement liées à la fonction qu'ils occupent, revêt un caractère temporaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5160/2011 du 19 novembre 2012 consid. 5.1). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que la durée du séjour que les détenteurs d'une carte de légitimation avaient accompli en Suisse à ce titre n'était en principe pas déterminante pour la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité (arrêts du Tribunal fédéral 2A.59/2006 du 3 mai 2006 consid. 3 ; 2A.321/2005 du 29 août 2005 consid. 4.1 ; 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.1 et la jurisprudence citée ; Alain WURZBURGER, op. cit., in RDAF 1997 I 267
p. 291 ss). Ils ne peuvent donc en principe pas obtenir un titre de séjour fondé sur un cas de rigueur lorsque prend fin la fonction ou la mission pour laquelle une autorisation de séjour - d'emblée limitée à ce but précis - leur avait été délivrée, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (arrêts du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; 2A.321/2005 du 29 août 2005 consid. 4.1 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5 ; ATAF 2007/44 du 12 juillet 2007 consid. 4.3 ; 2007/16 du 1er juin 2007 consid. 7 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5160/2011 du 19 novembre 2012 consid. 5.1 et
C-5829/2009 du 29 avril 2011 consid. 7.1).

Cette jurisprudence s'applique également aux titulaires d'une autorisation de séjour avec activité lucrative Ci, destinée aux membres de la famille de fonctionnaires des organisations intergouvernementales ou de membres des représentations étrangères.

g. En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l'examen d'un cas d'extrême gravité car, si tel était le cas, l'obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (arrêts du Tribunal administratif fédéral C_6051/2008 et C_6098/2008 du 9 juillet 2010 consid. 6.4 ; ATA/1181/2015 du 3 novembre 2015 et les références citées).

6) En l'espèce, à son arrivée en Suisse il y a neuf ans, la recourante a été mise au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE puis, de 2008 à 2010, d'un permis Ci, en sa qualité d'épouse d'un fonctionnaire international. Elle a ensuite séjourné sur le territoire helvétique sans titre valable, jusqu'à ce qu'elle dépose, en 2012, une requête d'autorisation de séjour ; elle se trouve, depuis lors, au bénéfice d'une tolérance des autorités. Dans ces circonstances et compte tenu de la jurisprudence susmentionnée, elle ne peut pas se prévaloir de la durée ou de la nature de son séjour pour obtenir une autorisation, dès lors qu'elles ne constituent en l'occurrence pas un élément déterminant pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

Même si l'activité et l'insertion de la recourante dans l'économie domestique genevoise sont méritantes, tout comme les démarches qu'elle a entreprises pour acquérir une formation dans le domaine de l'aide aux soins, elle n'a pas démontré avoir réalisé une intégration socioprofessionnelle exceptionnelle par rapport à la moyenne des étrangers qui ont passé autant d'années qu'elle en Suisse. En particulier, il n'apparaît pas qu'elle aurait acquis, pendant son séjour à Genève, des connaissances et qualifications si spécifiques qu'il lui serait impossible de les mettre à profit ailleurs, notamment au Sénégal. Même si la situation sur le marché du travail dans ce pays est vraisemblablement plus incertaine qu'en Suisse, il n'est pas établi que l'intéressée n'y retrouverait pas un emploi, ce d'autant qu'elle a acquis au cours des dernières années une formation et une expérience professionnelles dont elle pourra se prévaloir. Bien que ses employeurs attestent, dans diverses lettres de recommandation, être entièrement satisfaits de ses prestations dans le domaine du nettoyage et entretenir avec elle de bons rapports, la chambre de céans ne peut pas retenir que la recourante a accompli une ascension professionnelle particulièrement remarquable au sens de la jurisprudence, qui justifierait une exception aux mesures de limitation. Le fait qu'elle n'aurait pas le même niveau de vie dans son pays d'origine qu'en Suisse n'est pas pertinent au regard des critères de l'art. 31 al. 1 OASA.

Par ailleurs, s'agissant de son intégration sociale, s'il ressort des attestations et lettres produites qu'elle a créé des liens d'amitié avec plusieurs personnes à Genève et qu'elle s'est investie au sein de l'association IFSAO, ces éléments ne suffisent pas à eux seuls pour retenir l'existence d'un cas d'extrême gravité. En effet, il n'apparaît pas que les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'elle a nouées durant son séjour en Suisse constitueraient des liens si étroits avec ce pays que l'on ne puisse pas exiger d'elle qu'elle retourne vivre au Sénégal.

Concernant la situation familiale de la recourante et ses attaches culturelles, force est de constater que ces éléments la relient au Sénégal et non à la Suisse, dans la mesure où ses trois enfants, dont l'un souffre particulièrement d'être séparé de sa mère, ainsi que ses parents et ses sept frère et soeurs, soit la grande majorité de sa famille, vivent tous à Dakar ou dans ses environs et dès lors qu'elle a passé une grande partie de sa vie dans ce pays, avant de le quitter pour suivre son mari de l'époque dans ses missions diplomatiques. Le fait qu'elle se soit épanouie en Suisse ne permet pas de retenir le contraire.

Il apparaît également, à teneur du dossier et des explications de la recourante au cours de l'instruction, qu'elle souhaite rester en Suisse afin d'offrir un meilleur avenir à ses trois enfants et aux autres membres de sa famille, en assumant intégralement les frais liés aux premiers et en contribuant, dans la mesure de sa capacité financière, à l'entretien des seconds. Cependant, le fait de ne plus pouvoir contribuer financièrement à l'entretien de ses proches restés dans son pays d'origine en cas de renvoi de Suisse n'est pas déterminant, dans la mesure où une exception aux mesures de limitation n'a pas pour but de soustraire
l'intéressée aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'elle se trouve personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'elle qu'elle tente de se réadapter au Sénégal, le cas de rigueur devant résider dans sa personne. Ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

Enfin, il ne ressort pas du dossier que la recourante se trouverait en mauvaise santé. Si les probables conséquences, sur un plan psychologique et émotionnel notamment, d'un départ de Suisse et d'un retour au Sénégal, où elle devra accomplir d'importants efforts pour assurer le bien de ses enfants et le sien, ne peuvent pas être niées, celles-ci n'apparaissent en tout état de cause pas de nature à justifier un cas d'extrême gravité.

Au vu de l'ensemble des circonstances, ainsi que des dispositions légales et de la jurisprudence précitées, il s'avère que la situation de la recourante, si difficile soit-elle, ne permet pas de reconnaître l'existence d'un cas d'extrême gravité, dès lors qu'elle ne se trouve pas personnellement dans une situation de profonde détresse qui justifierait de déroger aux conditions d'admission en Suisse et de lui accorder une autorisation de séjour. Les conditions pour une dérogation aux règles restreignant le séjour des étrangers en Suisse ne sont en effet pas réalisées. Le fait qu'elle travaille et soit financièrement indépendante, qu'elle n'émarge pas au budget de l'aide sociale, qu'elle ait entrepris des démarches pour acquérir une expérience et une formation professionnelles en Suisse et qu'elle entretienne de bonnes relations avec son entourage ne suffit pas, en soi, à remettre en cause ce qui précède.

7) a. Aux termes de l'art. 64 al. 1 let. c LEtr, tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d
al. 1 LEtr).

b. Si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée, l'étranger doit être admis provisoirement (art. 83 al. 1 LEtr). Cette décision est prise par le SEM et peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 1 et 6 LEtr).

L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr).

Elle n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr).

Elle ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr). Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile et de violence généralisée et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les exposer à un danger concret, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, objectivement, au regard des circonstances d'espèce et selon toute probabilité, conduites irrémédiablement à un dénuement complet, exposées à la famine et ainsi à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5434/2009 du 4 février 2013 consid. 15.1 p. 22 et E-5092/2013 du
29 octobre 2013 consid 6.1 p. 12 ; ATAF 2010/54 consid. 5.1 p. 793 ;
ATAF 2010/41 consid 8.3.6 p. 591).

8) En l'espèce, la recourante allègue avoir rompu ses attaches avec le Sénégal, où elle serait exposée à des difficultés pour trouver un emploi et un logement pour elle et ses enfants, de sorte que son retour la confronterait à une importante détresse.

Si la chambre de céans n'entend pas minimiser les difficultés liées au retour de la recourante dans son pays d'origine, en particulier le fait que ses conditions de vie, seule ou avec ses trois enfants, à tout le moins sur le plan matériel, y seront possiblement plus difficiles que celles qu'elle connaît en Suisse, elle ne démontre pas qu'un tel retour aurait des conséquences si graves qu'elles la mettraient concrètement en danger, étant rappelé que la majorité des membres de sa famille, à commencer par ses enfants, se trouvent au Sénégal. Il découle en effet de la jurisprudence précitée que les difficultés socio-économiques que rencontre la population locale, en particulier des pénuries de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas à constituer une telle mise en danger.

Au surplus, l'exécution de son renvoi n'impliquerait pas un risque réel de traitement contraire aux engagements internationaux de la Suisse. L'exécution du renvoi prononcé par l'OCPM est dès lors licite et raisonnablement exigible. Au surplus, il ne ressort pas du dossier qu'elle ne serait pas possible.

9) Partant, la décision de l'OCPM, de même que le jugement du TAPI, s'avèrent conformes au droit.

10) Vu ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et ne peut être exonérée des frais liés à la procédure dès lors qu'elle ne se trouve pas au bénéfice de l'assistance juridique. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, vu l'issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 octobre 2014 par Mme A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 septembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.