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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3852/2024

JTAPI/1151/2024 du 22.11.2024 ( MC ) , CONFIRME

REJETE par ATA/1496/2024

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);EXPULSION(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LaLEtr.9.al3; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.75.al1.letc; LEI.76.al4; LEI.80.al6.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3852/2024 MC

JTAPI/1151/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Anna SERGUEEVA, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (alias B______), né le ______ 1989, est originaire de Tunisie.

2.             Il est entré en Suisse, démuni de documents d'identité, en 2023.

3.             A teneur de l'extrait de casier judiciaire suisse, il a été condamné, entre le 25 août 2023 et le 12 octobre 2024, à six reprises, par ordonnances pénales du Ministère public du canton de Genève, pour diverses infractions, notamment pour vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS −311.0), entreé et séjour illégaux au sens de l’art.115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI − RS 142.20), consommation de stupéfiants selon l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup − RS 812.121) et délit contre la loi sur les armes au sens de l'art. 33 al. 1 let. a de loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions du 20 juin 1997 (LArm – RS 514.54).

4.             Le 18 mars 2024, par décision déclarée exécutoire nonobstant recours, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a ordonné son renvoi de Suisse et du territoire des États-membres de l'UE, lui impartissant un délai de départ immédiat.

5.             Dans le cadre de l'audition conduite par la Brigade migration et retour le 4 juillet 2024, M. A______ a déclaré avoir fait une demande auprès des autorités de la ville de C______(FR) en vue de régulariser son séjour en France suite à la naissance de son fils le ______ 2023 et son mariage religieux avec son épouse dans cette ville. Il était disposé à quitter la Suisse par ses propres moyens une fois qu'il aurait payé ses diverses amendes. S'agissant de sa situation personnelle, il a précisé n'avoir pas d'adresse de notification en Suisse, être toxicomane, et être suivi par un médecin à côté de l'Unimail, à Genève.

6.             Le 22 juillet 2024, alors qu'il était incarcéré à la prison de Champ-Dollon pour purger divers écrous, les autorités genevoises ont requis le soutien administratif du secrétariat d’Etat aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l'identification formelle de M. A______ et l'obtention d'un document de voyage.

7.             Le 19 septembre 2024, sur réquisition de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, les autorités françaises ont précisé que l'intéressé n'avait aucun droit de séjour en France et était démuni de documents d'identité.

8.             Le 12 octobre 2024, le commissaire de police a notifié à l'intéressé une interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire du canton de Genève (art. 119 LEI) pour une durée de 18 mois et lui a imparti un délai de 24 heures pour quitter le territoire cantonal.

9.             Le 23 octobre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises que M. A______ avait été formellement identifié par la Tunisie comme un ressortissant de ce pays et qu'un vol pouvait être réservé auprès de swissREPAT trois semaines en avance afin que les autorités fédérales puissent obtenir, dans ce délai, le laissez-passer auprès de l'ambassade de Tunisie.

10.         Nonobstant l'ensemble des mesures d'éloignement du territoire helvétique et genevois signifiées à l'intéressé, celui-ci a été arrêté par les services de police le 18 novembre 2024 à la rue de l'Ancien-Port 14, 1201 Genève, alors qu'il venait de consommer de la cocaïne. Il a déclaré qu'il dormait à proximité du D______ et subvenait à ses besoins grâce aux aides financières dispensées par cet établissement. Il a également prétendu avoir une tante à Genève, sans fournir plus de détails. Prévenu d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEI (séjour illégal, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminé), ainsi qu'à l'art. 19a LStup (consommation de stupéfiants), l'intéressé a été mis à disposition du Ministère public, sur ordre du commissaire de police.

11.         Le 19 novembre 2024, entendu par le Ministère public, l'intéressé a confirmé les précédentes déclarations qu'il avait faites à la police. Il s'était rendu à E______(VD)après sa condamnation du 12 octobre 2024. Il n'avait pas quitté la Suisse. Il était revenu à Genève sept à dix jours avant son arrestation le 18 novembre 2024, pour y voir sa femme et son fils. Il consommait du crack quand il en trouvait. Il savait qu'il n'avait pas le droit d'être en Suisse. Il avait fait une erreur et il n'y reviendrait pas.

12.         A l'issue de son audition, le Ministère public a condamné M. A______ par ordonnance pénale, à une peine privative de liberté d'ensemble de 100 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (après révocation de la liberté conditionnelle accordée le 3 septembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures du canton de Genève dès le 14 septembre 2024 (solde de peine de 43 jours)), ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour séjour illégal, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminé et consommation de stupéfiants. Il a été remis en liberté et mis à disposition des services de police.

13.         Les démarches relatives à l'organisation du refoulement de l'intéressé en Tunisie ont été entreprises.

14.         Le 19 novembre 2024, à 16h53, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré être en bonne santé et poursuivre un traitement à base de méthadone. Il s'opposait à son renvoi en Tunisie, car il avait un problème avec la famille de sa femme.

15.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

16.         Convoqué aux fins d'être entendu par le tribunal le 21 novembre 2024, le contraint, qui a fait un malaise alors qu'il se trouvait au parloir avec son conseil, a été pris en charge par un médecin. Il n'était pas additionnable et a été conduit aux Hôpitaux universitaires de Genève. Son audition a été fixée le lendemain.

17.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il ne se souvenait de rien au sujet de son malaise de la veille. Il avait mal à la tête. Il était malade, il consommait de la drogue. Il avait mal à la moitié gauche de son visage. Il ne savait pas si, à l'hôpital, il avait pris un médicament. Il ne savait pas ce que le médecin lui avait dit, car il ne se souvenait de rien. Avec l'aide de son conseil, il a indiqué que vu les délais très courts, il n’avait aucun certificat médical à produire à ce stade.

Il ne comprenait pas pourquoi il était en détention administrative. Il n'avait personne en Tunisie. Sa famille était en France et en Italie.

Il savait qu’il n’avait le droit d'être ni Suisse ni à Genève. Il était revenu à Genève malgré l'interdiction pour y voir son fils et sa femme qu'il n'avait pas vus depuis quatre mois. Elle ne savait pas qu’il faisait l'objet d'une interdiction cantonale. Il était désolé.

Il consommait de l'héroïne et du crack depuis quatre ans. Il ne savait pas dire en quelle quantité. Il consommait la drogue au D______ et il l'achetait à côté.

Il ne savait pas exactement quand il était revenu en Suisse. Il ne se souvenait pas si c'était en février 2024 ou à une autre date. S'il était revenu à Genève, c'était parce qu’il consommait de la drogue. Il ne pouvait pas consommer à côté de son fils.

Il avait fait une demande de permis de séjour en France, mais il ne l'avait pas terminée. Il avait perdu tous les papiers qu’il avait avec lui. En Italie, le nom de famille de ses proches s'écrivait B______, ce qui était faux. En France, il avait déposé une demande de permis. Son nom de famille s'orthographiait A______. Il était en France depuis 2020. Son fils s'appelait F______. Il était né le ______ 2023. Sa femme, née le ______ 198l, s'appelait G______. Ils étaient domiciliés H______(FR). Ils avaient été mariés par l'imam. Il avait fait une demande à H______(FR)pour que leur mariage soit reconnu par l'état civil. Il avait pris un papier, mais il n'avait pas terminé cette démarche. Sa femme travaillait aux impôts à H______(FR). Il avait un diplôme en réparateur électronique, mais il travaillait comme peintre. A son arrivée en France, il avait travaillé pour le frère de sa femme. S’il était autorisé à retourner en France, il pourrait recommencer à travailler pour lui.

Il était exact que son passeport et sa carte d'identité tunisiens se trouvaient à son domicile. Il avait effectivement déclaré, le 4 juillet 2024, lorsqu'il avait été entendu par la police, qu’il pouvait demander à sa femme de lui envoyer ses papiers. Il ne l'avait pas fait. A cause de la drogue, il oubliait même qui il était de temps en temps. Son avocate allait prendre sans délai contact avec sa femme.

Il avait deux sœurs qui vivaient à I______(FR). Sa mère habitait maintenant en Italie avec son frère. Elle le cherchait. Depuis deux mois, il n'avait appelé personne car il était beaucoup trop mal à cause de la drogue. Il prenait de la méthadone et du valium. Il ne connaissait pas le nom de son médecin. Il était effectivement à côté de l'Unimail. Il avait l'ordonnance avec lui dans ses affaires à FAVRA. Il prenait de la méthadone depuis deux ans.

Il avait fait une erreur. Il voulait retourner en Italie vers sa famille. Lorsqu’il était arrivé en Europe, il avait déposé ses empreintes en Italie. Sauf erreur, il n’avait jamais demandé l'asile en Italie.

En Suisse, il avait la sœur de sa mère. Il la voyait de temps en temps, mais il n’avait pas le droit d'aller chez elle. C'était ce que lui avait dit la police. Il n’avait pas d'autre famille à Genève. C’était à cause d'un ami qu’il avait « cassé sa vie comme ça ». Il était venu à Genève pour le voir pendant deux jours et c'était à ce moment-là qu’il avait consommé de l'héroïne et du crack.

Sur question de son conseil, il a confirmé qu'il avait fait une demande de permis à la mairie de H______(FR), sa pièce d'identité tunisienne avait été traduite en français et que c'était la première fois qu'il faisait un malaise. Il avait eu peur de mourir. Il autorisait son conseil à contacter ses médecins, sa femme et les autorités françaises.

Il n’était pas d'accord de retourner en Tunisie. Sa femme et son fils étaient en France. S'il était mis en liberté, il appellerait sa mère et irait en Italie. Il pourrait y être le soir-même. Il savait qu’il avait fait une erreur. Il sollicitait sa demande de mise en liberté.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu'il n'avait aucune information quant à une éventuelle prise des empreintes de l'intéressés par les autorités italiennes. Il partait du principe que ses collègues avaient vérifié et que M. A______ ne relevait pas du domaine de l'asile. Au vu de l'état de santé de M. A______, un rapport du service médical de FAVRA serait demandé, avant d'être transmis à l'OSEARA, en charge de se déterminer sur l'aptitude au voyage de l'intéressé. Sauf erreur, l'intéressé n'avait pas encore été vu par le service médical de FAVRA. Ensuite, l'OSEARA se déterminait dans les sept à dix jours. Si l'OSEARA déclarait le contraint apte au voyage, un vol serait réservé dans les trois semaines, ce qui laisserait le temps suffisant à l'obtention d'un laissez-passer de l'ambassade tunisienne. Si l'intéressé devait leur transmettre son passeport tunisien en cours de validité, un laissez-passer ne serait pas nécessaire et un vol pourrait être réservé très rapidement.

Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines.

Le conseil de l’intéressé a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son mandant.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 19 novembre 2024 à 16h30.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            Selon l'art. 76 al. let b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si celle-ci a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être immédiatement renvoyée, ou respectivement en lien avec l’art. 75 al. 1 let. h LEI, lorsqu’elle a été condamnée pour un crime.

6.            De même, une mise en détention administrative est envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

7.            En l’espèce, l'intéressé fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire, prononcée par l'OCPM le 18 mars 2024. Il fait par ailleurs l'objet d'une interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire genevois pour une durée de 18 mois, décision qui lui a été valablement notifiée le 12 octobre 2024. Il n'a pas respecté ces mesures dès lors qu'il a été une nouvelle fois arrêté le 18 novembre 2024 à Genève, alors qu'il venait de consommer de la cocaïne. Il a en outre été condamné à sept reprises entre le 25 août 2023 et le 19 novembre 2024, en particulier pour vol soit un crime (art. 10 al. 2 CP).

Il ressort du dossier que M. A______ qu'il n'a aucunement l'intention de se soumettre à la décision de renvoi dont il fait l'objet puisqu'il n'a respecté aucune des mesures prises à son encontre, admettant, au contraire, avoir fait des allers et retours entre la France et la Suisse, étant relevé, qu'à ce jour, il n'a entrepris aucune démarche pour quitter le territoire helvétique ; il n'avait pas non plus mis à profit la libération conditionnelle dont il avait bénéficié pour quitter le territoire dès lors qu'il a été récidivé quelques semaines seulement après sa libération ;il aurait certes sa femme et leur fils à H______(FR), en France. Ces informations ne sont toutefois, à ce stade, pas suffisamment étayées ni documentées, tout comme le fait que son passeport et sa carte d'identité tunisiens se trouveraient à son domicile. Il soutient avoir entamé des démarches en France visant à faire reconnaître son mariage religieux en vue d'obtenir un permis de séjour. Force est cependant de constater, qu'à ce jour, renseignements pris auprès des autorités françaises, M. A______ n'a pas de document d'identité et n'a pas le droit de séjourner en France. Il en va de même de son prétendu enregistrement auprès des autorités italiennes. L'assurance de son départ effectif de Suisse répond en outre à un intérêt public certain vu ses nombreuses condamnations et, pour les motifs évoqués ci-dessus, toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra montre dans l'avion devant le reconduire en Tunisie. A cela s'ajoute que dès lors qu'il ne dispose pas de moyens de subsistance, ni de lieu de résidence stable et qu'il présente une addiction importante aux drogues dures, il existe des éléments concrets et suffisants faisant craindre que s'il était remis en liberté, il se soustrairait à son renvoi et disparaîtrait dans la clandestinité.

Les conditions légales de la détention sont donc remplies.

8.            Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006).

9.            En l'espèce, les autorités ont agi avec diligence et célérité dans la mesure où les services de police ont initié les démarches tendant à obtenir une place à bord d'un avion de ligne dès l'arrestation de l'intéressé qui a été formellement identifié par la Tunisie comme un ressortissant de ce pays. Si l'intéressé devait être déclaré apte au voyage par l'OSEARA, un vol de ligne pourrait être réservé dans un délai de trois semaines, délai suffisant aux autorités helvétiques pour obtenir un laissez-passer des autorités tunisiennes.

10.        A teneur de l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Ainsi, dans ces circonstances, la détention administrative peut atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/22/2017 du 12 janvier 2017 ; ATA/1052/2016 du 14 décembre 2016 ; ATA/1017/2016 du 6 décembre 2016 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012).

11.        Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité « peut » prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

12.        Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

13.        Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

14.        En l’espèce, au vu de ce qui précède, seule une détention est à même d’assurer l’exécution du renvoi de M. A______ à destination de son pays d’origine, toute mesure moins incisive apparaissant d’emblée vaine.

15.        La durée de sa détention fixée à six semaines n’apparaît pas disproportionnée au vu des démarches en cours et encore à entreprendre et de l’opposition de M. A______ à son renvoi en Tunisie.

16.        L'intéressé sollicite sa mise en liberté immédiate au motif que sa détention serait incompatible avec son état de santé, qui rendrait par ailleurs son renvoi inexécutable.

17.        La détention doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, elle ne peut, en effet, plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; de plus, elle est contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH. Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes, que celles-ci rendent impossible son transport pendant une longue période. Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi ou d'expulsion dans chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de l'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 et 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; cf. aussi not. arrêts 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités).

18.        L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

19.        Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1). L'art. 83 al. 4 LEI s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. not. ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF 2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

20.        S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence une fois de retour dans leur pays d'origine ou de provenance. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d). L'accès à des soins essentiels est assuré dans le pays de destination s'il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6559/2018 du 3 octobre 2019 consid. 3.6 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c).

21.        En l’espèce, à ce stade, aucun élément matériel au dossier ne permet de retenir que l'état de santé de l'intéressé serait incompatible avec une détention administrative. A cela s'ajoute que, comme l'a rappelé à juste titre le représentant du commissaire de police à l'audience de ce jour, le contraint n'a pas encore fait l'objet d'une visite médicale par le service idoine de l'établissement de détention. Il convient donc d'attendre le résultat de ce rapport, étant néanmoins relevé qu'une addiction, même sévère aux drogues dures, ne saurait constituer à elle seule un motif suffisant justifiant une levée de la détention.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le tribunal n'est habilité à examiner l'exécutabilité du renvoi que dans des cas tout à fait exceptionnels, notamment lorsque les circonstances permettant clairement au juge de la détention de conclure à une impossibilité juridique ou matérielle, notamment pour des raisons humanitaires. Dans le cas d'espèce, ces conditions ne sont manifestement pas réalisées, étant relevé pour le surplus, qu’en amont des démarches visant concrètement au renvoi de l'intéressé en Tunisie, l’OSEARA sera saisi, rapport médical à l'appui, afin de statuer sur l'aptitude de celui-ci au voyage. Pour le surplus, il ne sera pas entré en matière sur l'argument soulevé par le contraint quant l'absence de crédibilité qui devrait être accordée à l'OSEARA, grief exorbitant à l'examen de la légalité et de la validité de l'ordre de mise en détention administrative dont est saisi le tribunal.

22.        Dans un dernier argument, l'intéressé soutient qu'il devrait être autorisé à quitter le territoire par ses propres moyens dès lors qu'il aurait droit au regroupement familial en France.

23.        En l'occurrence, comme l'a retenu le tribunal dans son développement ci-dessus, à teneur du dossier, le contraint n'est pas autorisé à séjourner en France et il n'appartient pas au tribunal d'examiner les éventuelles chances de succès d'une demande de regroupement familial qui pourrait être demandée auprès des autorités françaises compétentes.

24.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

25.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 19 novembre 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 30 décembre 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière