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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3820/2015

ATA/1455/2017 du 31.10.2017 sur JTAPI/440/2016 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; MARIAGE ; REGROUPEMENT FAMILIAL ; RENOUVELLEMENT DE L'AUTORISATION ; MARIAGE DE NATIONALITÉ ; PRESSION ; ENFANT ; CAS DE RIGUEUR ; INTÉGRATION SOCIALE ; TRAITE D'ÊTRES HUMAINS ; EXIGIBILITÉ ; ÉTAT DE SANTÉ
Normes : LPA.61; LEtr.43.al1; LEtr.50.al1; LEtr.50.al2; LEtr.51.al2.leta; CEDH.8.para1; LEtr.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEtr.30.al1.lete; LEtr.64.al1.letc; LEtr.64d.al1; LEtr.83.al3; LEtr.83.al4
Résumé : Même si l'ami intime de la recourante est intervenu pour que le mariage avec un ressortissant kosovar titulaire d'une autorisation d'établissement soit conclu, on peut difficilement retenir, compte tenu des circonstances, que la recourante n'ait pas eu, à un quelconque moment, le sentiment que cet acte officiel allait à l'encontre des dispositions en matière de droit des étrangers. La recourante, qui a été mariée à une ressortissant kosovar titulaire d'une autorisation d'établissement et a de ce fait été au bénéfice d'une autorisation de séjour selon l'art. 43 al. 1 LEtr, ne peut se fonder sur l'art. 30 al. 1 let. b LEtr pour obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour, s'agissant de catégories distinctes d'autorisations. En tout état de cause, les conditions n'en seraient pas réalisées. Une qualification pénale au sens de l'art. 182 CP n'apparaît pas flagrante, étant relevé que la recourante n'a jamais déposé plainte pour ce motif. Examen de l'exécutabilité du renvoi au regard des affections médicales de la recourante. Enfin, les risques que la recourante craint encourir en cas de retour au Kosovo de la part de sa famille ou d'autres familles se limitent à des affirmations. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3820/2015-PE ATA/1455/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de son enfant mineure, B______
représentées par Caritas Genève, soit pour elles Monsieur Alexandre Schmid, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2016 (JTAPI/440/2016)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1984, est ressortissante du Kosovo.

2) Mme A______ est arrivée en Suisse le 8 juillet 2008 et y a déposé une demande d'asile.

Entendue le 31 juillet 2008, elle a déclaré avoir fui le Kosovo car son père souhaitait la marier avec un homme de son choix.

Elle avait toutefois une relation avec Monsieur C______, né le ______ 1986, ressortissant du Kosovo et titulaire d'un permis C, vivant à Genève. Sa famille ignorait tout de cette relation. Après avoir appris cela, son père lui avait dit de faire selon son souhait ou de disparaître. Ses frères avaient essayé de la frapper mais sa mère et ses soeurs les en avaient empêchés. M. C______ lui avait envoyé de l'argent pour le voyage. Elle ne pouvait plus vivre au Kosovo.

3) Suite à son mariage avec M. C______ célébré à Genève le 3 novembre 2008, Mme A______ a été mise au bénéficie d'un permis B dès cette date au titre de regroupement familial. Sa demande d'asile est ainsi devenue sans objet.

4) L'enfant B______ est née le ______ 2010 à Genève, durant cette union.

5) Les 2 décembre 2010 et 18 mars 2011, dans le cadre de l'examen du renouvellement de son autorisation de séjour, Mme A______ a été auditionnée par un collaborateur de l'office cantonal de la population, devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), s'agissant notamment de sa situation familiale. La seconde audition a été sollicitée par Mme A______.

Son mariage avec M. C______ était un mariage blanc et B______ n'était pas la fille de ce dernier mais de Monsieur D______, né le ______ 1972, ressortissant du Kosovo, titulaire d'un permis B dans le canton de Vaud. C'était ce dernier qui avait arrangé ce mariage avec M. A______.

Elle était en couple avec M. D______ depuis 2006. Celui-ci s'était marié avec Madame E______, suissesse, pour avoir un permis de séjour.

Dès son arrivée à Genève en 2008, ils avaient vécu ensemble. Elle avait également appris que M. D______ était marié à une femme au Kosovo. Celle-ci s'appelait Madame F______ et ils avaient deux enfants. M. D______ avait fait venir Mme F______ et les enfants à Genève, ce qui avait conduit à leur séparation.

Depuis un mois, Mme A______ n'avait plus de contact avec ce dernier dont elle craignait qu'il s'en prenne à elle et à sa fille si elle venait à raconter son histoire à la police. Elle avait reçu des menaces par SMS de la part de M. D______ et de sa femme kosovare.

Elle travaillait pour essayer de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant. Elle avait encore des contacts avec M. A______, pour récupérer son courrier, car son adresse officielle était toujours au domicile de ce dernier, malgré son déménagement en date du 15 août 2010.

6) Le 5 février 2011, Mme A______ a déposé plainte contre Mme F______ suite à l'agression qu'elle avait subie le jour même dans un centre commercial à Genève. Sur place, elle avait rencontré Mme F______ qui lui avait dit qu'elle allait la tuer et qu'elle allait chercher un couteau. Mme F______ l'avait giflée et lui avait tiré les cheveux. Entendue le 25 février 2011 par la police, Mme F______ a contesté les faits.

Le dossier soumis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) n'indique pas ce qu'il est advenu de cette plainte.

7) Le 10 mars 2011, Mme A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de M. D______ suite à des menaces de mort proférées par SMS à son encontre et celle de sa fille (enregistrée sous la procédure pénale P/______/2011).

Cette plainte a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière, faute de prévention suffisante.

8) Les 14 avril, 14 et 23 juin 2011, Mme A______ s'est enquise de l'avancée de l'examen de sa demande de renouvellement de son permis B, précisant que, faute d'un tel permis, elle n'était pas en mesure de trouver un appartement, du travail et de subvenir à ses besoins, ainsi qu'à ceux de son enfant.

9) Le 27 juillet 2011, entendue par un représentant de l'OCPM, Mme A______ a notamment déclaré qu'elle vivait désormais au foyer des G______, était assistée par l'Hospice général (ci-après : l'hospice), à la recherche d'un emploi et sans nouvelles de M. D______. Quant à M. A______, celui-ci était incarcéré en Italie.

10) Le 18 janvier 2013, Mme A______ s'est à nouveau enquise auprès de l'OCPM de l'avancée de l'examen de sa demande de renouvellement de son permis B.

11) Le 18 juin 2013, l'OCPM a invité Mme A______ à l'informer des suites qu'elle entendait donner à la séparation survenue dans son couple.

12) Le 17 juillet 2013, Mme A______ a répondu qu'elle n'envisageait pas de divorcer et qu'aucune procédure dans ce sens n'était en cours. Le divorce était très mal perçu au Kosovo. Elle et sa fille n'avaient pas de contact régulier avec M. A______, lequel ne lui versait pas de pension alimentaire au motif qu'il n'était pas le père biologique de B______. Elle subvenait actuellement à ses besoins et à ceux de sa fille grâce au salaire qu'elle percevait pour son activité à temps partiel chez H______, aux allocations familiales et à l'aide de l'hospice.

13) Le 5 septembre 2014, l'OCPM a écrit à M. A______ afin d'obtenir divers documents et renseignements.

14) Le 18 septembre 2014, M. A______ a répondu notamment qu'il n'avait pas vraiment de bonnes relations avec « sa fille », puisqu'ils « étaient en plein test ADN ». Actuellement, il ne lui versait aucune contribution d'entretien. Si les tests révélaient qu'il était bien le père, il en verserait une.

15) Le 10 mars 2015, sur demande de renseignements de l'OCPM, Mme A______ a précisé que M. D______ n'avait pas encore officiellement reconnu sa fille B______ et refusé jusqu'ici de se soumettre à un test de paternité. Il ne contribuait pas à son entretien et ne la voyait pas régulièrement. Sur le plan professionnel, elle effectuait un remplacement au sein de la société I______.

16) Le 18 mars 2015, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser de renouveler son autorisation de séjour ainsi que celle de sa fille et l'a invitée à exercer son droit d'être entendue par écrit dans un délai de trente jours.

Il ressortait des pièces du dossier qu'elle avait déménagé de chez son époux depuis le 15 août 2010, que son mariage était un mariage blanc, arrangé entre son compagnon de l'époque et son époux afin qu'elle puisse obtenir une autorisation de séjour, qu'un divorce tout comme une reprise de la vie commune n'étaient pas envisagés, que son époux n'était pas le père biologique de sa fille, laquelle n'avait pas été reconnue par son compagnon de l'époque qui refusait de se soumettre à un test de paternité, qu'elle ne recevait aucune pension alimentaire pour son enfant et qu'elle avait perçu, depuis le 1er mai 2011, des prestations financières de l'hospice pour un montant de CHF 134'880.-.

17) Le 18 juin 2015, dans le délai prolongé par l'OCPM, Mme A______, sous la plume d'un avocat, a expliqué n'avoir passé que quelques mois en Suisse avant son mariage et avoir accepté ce dernier, car elle se trouvait sous l'emprise émotionnelle et économique de M. D______, père biologique de son enfant, qui les avait par la suite abandonnées. Faute de permis, elle avait été entravée dans ses recherches d'emploi et avait dû bénéficier de prestations de l'hospice. Elle avait toutefois travaillé à temps partiel auprès d'entreprises de nettoyage et récemment obtenu un jugement de mesures protectrices de l'union conjugale condamnant M. A______ à lui verser mensuellement la somme de CHF 2'000.- à titre de contribution d'entretien, avec effet rétroactif au 1er janvier 2014. Elle espérait retrouver du travail, rembourser l'hospice et était prête à lui céder ses droits envers M. A______. Enfin, elle a précisé qu'un retour au Kosovo aurait des conséquences terribles pour elle et sa fille, dans la mesure où son père l'avait reniée et où elle craignait des représailles des familles de M. D______ et de son épouse. Sa fille était pour le surplus intégrée et scolarisée en Suisse, pays dans lequel vivait son père.

18) Le 21 octobre 2015, Mme A______ a transmis à l'OCPM un courrier du service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) du 3 août 2015, duquel il ressortait que, dès le 1er septembre 2015, ce service se chargerait du recouvrement de la pension de CHF 2'000.- due par M. A______ à Mme A______ et sa fille, dont un montant de CHF 1'506.- leur serait accordé. Elle a également remis une attestation d'inscription de sa fille à l'école de J______, en première année du cycle élémentaire.

19) Par décision du 23 octobre 2015, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé le renouvellement des autorisations de séjour de Mme A______ et de sa fille B______, leur impartissant un délai au 15 janvier 2016 pour quitter la Suisse.

Reprenant les éléments déjà soulevés dans son courrier du 18 mars 2015, l'OCPM a relevé que la durée du séjour en Suisse ne saurait à lui seul constituer un élément justifiant de donner une suite favorable à la requête de l'intéressée, dès lors que, âgée de 24 ans, elle avait passé toute sa jeunesse et son adolescence au Kosovo, années considérées comme déterminantes. Elle ne pouvait en outre se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulière, n'avait pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes qu'elle ne puisse envisager de retourner dans son pays d'origine, ce d'autant que ses parents et certains de ses frères et soeurs y vivaient toujours. Sa fille, compte tenu de son jeune âge, devrait également pouvoir s'adapter. Il n'existait ainsi pas de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite de leur séjour en Suisse, les intéressées ne se trouvant pas dans une situation représentant un cas d'extrême gravité et l'intérêt public à leur éloignement prévalait sur leur intérêt à demeurer en Suisse. La même conclusion s'imposait au regard de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101). Enfin, l'exécution de leur renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible, aucune preuve des représailles dont elles feraient l'objet en cas de retour n'ayant été avancée. Quand bien même ce serait le cas, elles ne seraient pas obligées de retourner vivre dans la même région au Kosovo. Enfin, les menaces et agressions subies en Suisse de la part de M. D______ et de sa femme ne se reproduiraient plus après leur retour dans leur pays d'origine.

20) Par acte du 2 novembre 2015, Mme A______ et sa fille ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant, préalablement, à ce qu'elles soient autorisées, à titre super-provisionnel, à demeurer sur le territoire suisse jusqu'à droit connu dans la présente procédure, à la restitution de l'effet suspensif au recours et à l'octroi d'un délai pour compléter leur recours et verser de nouvelles pièces ; principalement la décision de l'OCPM devait être annulée et leurs autorisations de séjour renouvelées ; subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l'OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais ».

À l'appui de leur recours, Mme A______ et sa fille ont produit un certain nombre de pièces, dont deux certificats médicaux.

21) Par décision du 5 novembre 2015, le TAPI a admis la demande d'effet suspensif au recours et l'a restitué, dans la mesure où l'OCPM ne s'y était pas opposé.

22) Le 3 décembre 2015, Mme A______ et sa fille ont produit de nouvelles pièces, dont une déclaration écrite (et sa traduction libre) signée par Madame K______ et Monsieur L______, soeur et frère de Mme A______, domiciliés à Zurich.

23) Le 7 janvier 2016, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n'étaient pas de nature à modifier sa position. L'intéressée s'était rendue à plusieurs reprises au Kosovo, dont en août 2012, et des suivis psychothérapiques étaient disponibles dans ce pays.

24) Le 13 janvier 2016, Mme A______ et sa fille ont déposé de nouvelles pièces, parmi lesquelles différents contrats de travail.

25) Le 23 janvier 2016, Mme A______ et sa fille ont répliqué et ont conclu à ce que les observations de l'OCPM soient écartées, au motif qu'elles avaient été déposées au-delà du délai imparti par le TAPI. Mme A______ s'était rendue au Kosovo en août 2012, afin de rendre visite à sa mère âgée de 62 ans, gravement malade et hospitalisée. Elle avait alors dû dormir à l'hôtel, n'étant plus admise à loger dans le domicile familial. Ses proches et amis vivaient en Suisse et elle avait trouvé un emploi à temps partiel, au bénéfice d'un contrat de travail de durée indéterminée, à compter du 1er avril 2016, en tant qu'ouvrière agricole.

26) Le 8 février 2016, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

27) Par jugement du 2 mai 2016, le TAPI a rejeté le recours de Mme A______ et sa fille contre la décision de l'OCPM du 23 octobre 2015.

En application de la jurisprudence constante, le TAPI n'a pas donné suite à la requête des intéressées visant à ce que les observations de l'OCPM, déposées tardivement, soient écartées.

Le grief relatif à la violation de leur droit d'être entendues a été écarté.

Sur le fond, Mme A______ n'avait été autorisée à résider en Suisse qu'en raison de son mariage avec M. A______. Or, il ressortait du dossier et des déclarations de l'intéressée que ce mariage était fictif et que les époux n'avaient jamais eu la volonté réciproque de vivre une véritable union conjugale. Mme A______ ne saurait dès lors se prévaloir de son mariage, que ce soit sous l'angle de la lettre a de l'art. 50 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) ou de sa let. b, pour obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour en application de l'art. 43 LEtr. De plus, elle n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse, acceptant de se marier avec un compatriote titulaire d'un permis de séjour, dans le seul but de contourner les restrictions posées à l'admission en Suisse d'un étranger, ce qui constituait une violation grave de la LEtr, vis-à-vis de laquelle l'OCPM était en droit de faire prévaloir l'intérêt public à ne pas admettre en Suisse l'étranger auteur de cette violation.

S'agissant de son intérêt privé, la durée de son séjour (huit ans) ne revêtait pas une importance telle qu'elle contrebalançait les années qu'elle avait passées au Kosovo. Elle y avait de plus maintenu des attaches puisqu'y résidaient notamment son frère, sa soeur et ses parents. Quand bien même elle indiquait avoir été reniée par son père, elle devrait pouvoir compter sur l'aide des autres membres de sa famille dans le cadre de sa réintégration.

Il en allait de même de son intégration professionnelle, qui n'était pas réalisée.

Son intégration sociale, comparée à l'intégration sociale de la moyenne des étrangers présents en Suisse, ne revêtait aucun caractère exceptionnel. Quant à la fille de Mme A______, elle n'entretenait aucune relation avec M. A______, dont le titre de séjour en Suisse avait d'ailleurs été révoqué, ni avec son prétendu père biologique. Bien que scolarisée depuis 2015, on ne saurait enfin retenir, vu son jeune âge, qu'elle avait déjà créé des attaches profondes avec la Suisse mais, au contraire, qu'elle était proche du pays d'origine de sa mère par son biais.

C'était donc conformément au droit, notamment à l'art. 8 CEDH, et sans abus ni excès de son pouvoir d'appréciation, que l'OCPM avait refusé le renouvellement de l'autorisation de séjour de l'intéressée, vu l'existence de motifs de révocation au sens de l'art. 62 LEtr, et prononcé son renvoi conformément à l'art. 64 al. 1 let. c LEtr.

Mme A______ ne pouvait pas être mise au bénéfice d'un permis de séjour pour cas de rigueur. Bien que séparée de son époux, l'intéressée demeurait, en application de la jurisprudence, exemptée des mesures de limitation et ne pouvait pas, dans ces conditions, présenter une demande d'exemption aux mesures de limitation fondées sur l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, dont elle-même et sa fille ne remplissaient de toutes les manières pas les conditions, au vu des considérations ci-dessus.

Le dossier ne laissait enfin pas apparaître que l'exécution du renvoi de Mme A______ et de sa fille ne serait pas possible, licite ou ne pourrait être raisonnablement exigée. Il ne ressortait pas du dossier que les intéressées pourraient être mises sérieusement en danger au Kosovo, pour des motifs qui leur seraient propres. Le Tribunal administratif fédéral avait en effet jugé que les infrastructures médicales existantes au Kosovo étaient suffisantes, notamment pour traiter les troubles psychiques de nature anxio-dépressive et confirmé le renvoi dans ce pays d'une mère célibataire.

Partant, aucun élément du dossier ne permettait, dans ces circonstances, de retenir que l'OCPM aurait abusé de son pouvoir d'appréciation ou rendu une décision arbitraire.

28) Par acte du 2 juin 2016, Mme A______ et sa fille ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant, préalablement, à l'audition de Mme A______, principalement, à l'annulation du jugement attaqué, et cela fait, à ce qu'il soit dit que leurs autorisations de séjour soient renouvelées par l'OPCM, « sous suite de frais et dépens ».

Mme A______ avait été contrainte par M. D______ d'épouser M. A______. Ayant fui le Kosovo, rendant un retour auprès des siens impossible, elle n'avait eu d'autre choix que celui d'accepter ce mariage.

Le TAPI avait apprécié les faits de manière erronée, dans la mesure où Mme A______ n'avait pas sciemment épousé M. A______ pour contourner les dispositions en matière de droit des étrangers, mais cela lui avait été imposé. Le mariage avait donc clairement été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux au sens de l'art. 50 al. 2 LEtr. Or, le TAPI n'avait pas examiné cela sous cet angle. M. D______ s'était montré violent physiquement à plusieurs reprises de telle sorte que, craignant pour son intégrité, Mme A______ n'avait pas eu d'autre choix que d'accepter ce mariage forcé.

De plus, le TAPI, en considérant que les conditions de vie étaient plus difficiles au Kosovo que celles auxquelles l'intéressée et sa fille avaient été habituées en Suisse, avait totalement ignoré les allégués développés dans ses écritures précédentes.

Mme A______ avait fait d'énormes efforts pour s'intégrer en Suisse, dès qu'elle avait pu se défaire du joug de M. D______. C'était son courage qui lui avait permis d'arriver là où elle en était. Elle avait réussi à trouver deux emplois stables, parlait très correctement le français et faisait preuve d'une intégration remarquable.

B______ était elle aussi très attachée à Genève. Elle était née ici et, malgré les circonstances dans lesquelles elle avait grandi, elle adoptait un comportement irréprochable. Elle était décrite comme une élève consciencieuse, appliquée et motivée par le travail scolaire. Sur le plan relationnel, le directeur de l'école indiquait qu'elle était une élève respectueuse du cadre, de ses camarades et des adultes. Selon celui-ci, lui permettre de poursuivre et terminer sa scolarité à Genève lui serait très profitable, tant sur le plan de ses apprentissages que sur celui de son équilibre personnel.

Mme A______ n'avait plus aucun réseau au Kosovo. Sa famille l'avait reniée de telle sorte qu'elle ne pouvait plus compter sur elle non plus. Elle devrait donc se débrouiller seule avec un enfant à sa charge. Tout le travail d'insertion effectué serait réduit à néant. Son état de santé psychique était également inquiétant. Comme l'avait relaté ses médecins, son état de santé se dégradait avec des symptômes anxieux sévères, et ceci était en lien avec un très fort sentiment de danger imminent qui menaçait sa propre sécurité et celle de sa fille. Son psychiatre indiquait encore, le 30 octobre 2015, que son état de santé psychique nécessitait un suivi et un traitement pour au moins une année, ceci en raison de la sévérité des symptômes présentés et de leur évolution chronique. Or, le contexte dans lequel elle se retrouverait en cas de retour contraint au Kosovo péjorerait encore son état de santé, pouvant laisser craindre le pire pour elle-même et pour sa fille.

Enfin, les circonstances ayant entouré les premières années de vie en Suisse, notamment les brutalités et viols subis par différentes personnes, relevaient de la traite d'êtres humains au sens de l'art. 30 al. 1 let. e LEtr.

À l'appui de leur recours, Mme A______ et sa fille ont remis une attestation de Solidarité Femmes, devenue depuis lors l'Aide aux Victimes de Violences en Couple (ci-après : AVVEC) du 20 mai 2016 relatant son parcours et les relations entretenues avec M. D______, une attestation du directeur de l'école de B______ du 30 mai 2016 et un certificat médical du Dr M______, psychiatre et psychothérapeute FMH, du 30 octobre 2015 déjà produit par-devant le TAPI.

29) Le 7 juin 2016, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

30) Le 5 juillet 2016, l'OCPM a conclu au rejet du recours de Mme A______ et sa fille.

Le recours des intéressées ne contenant aucun élément pertinent susceptible d'être pris en compte, l'autorité intimée priait la chambre de céans de bien vouloir se référer à la décision du 23 octobre 2015 ainsi qu'au jugement attaqué.

S'agissant toutefois des allégations relatives au mariage forcé et aux violences conjugales que Mme A______ aurait subies, elles n'étaient étayées par aucune pièce probante. D'ailleurs, les circonstances de départ de l'intéressée du Kosovo, telles que relatées dans son acte de recours (et dans ses écritures du 18 juin 2015), n'étaient pas les mêmes que celles qui ressortaient de l'attestation d'AVVEC du 20 mai 2016.

31) Le 3 novembre 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

Mme A______ a précisé que, concernant son traitement médical, elle avait vu son médecin traitant la dernière fois, il y avait trois ou quatre mois. Elle n'avait pas vu le Dr. M______ depuis environ deux mois.

Elle travaillait pour N______ (ci-après : N______) à 100 %, et était régulièrement suivie par AVVEC. Le SCARPA intervenait toujours.

Sa fille avait commencé sa 2ème primaire. Elle n'avait aucun contact ni avec M. A______, ni avec M. D______. B______ avait des contacts uniquement avec sa tante et son oncle qui vivaient à Zurich. Elle ne connaissait que sa grand-mère maternelle, qu'elle avait vue en 2012, quand elle était malade. Pour sa fille, M. D______ était son papa.

Le père de Mme A______ refusait de la voir. Lors du voyage au Kosovo en 2012, il ne l'avait pas vue. Elle avait logé à l'hôtel. À cette occasion, elle n'avait pas vu tous ses frères et soeurs. Ses relations avec son frère O______ qui vivait au Kosovo n'étaient pas bonnes, celles avec P______ qui vivait à Zurich étaient cordiales.

Elle avait connu M. A______ en 2008 en Suisse. C'était M. D______ qui le lui avait présenté. Elle avait connu M. D______ au Kosovo. Elle l'avait aimé. Il n'avait pas voulu se marier au Kosovo. Il avait déjà utilisé la violence à son égard au Kosovo. Il y avait déjà eu des violences sexuelles.

Le mariage qui avait eu lieu le 3 novembre 2008 était l'idée de M. D______. Elle en ignorait les raisons. Il lui avait dit de se taire et de le suivre. Elle ne parlait pas le français et avait obéi en répondant oui. La première fois qu'elle avait vu M. A______, c'était le jour du mariage. Concernant la demande d'asile, M. D______ l'avait amenée au lieu d'entretien et lui avait dit de dire qu'elle allait se marier avec M. A______. Ses souvenirs n'étaient toutefois pas très clairs sur ce qu'elle avait dit à cet entretien. M. D______ s'occupait de tout jusqu'à son départ en 2011.

Avant de quitter le Kosovo, sa famille avait désapprouvé sa situation avec M. D______. Il n'y avait pas eu de violence physique à son égard par aucun des membres de sa famille avant son départ. Son père et son frère O______ lui avaient clairement fait savoir que si elle suivait M. D______, il « fallait les oublier ». Lorsqu'ils avaient appris qu'elle était arrivée en Suisse, ils lui avaient dit « si, un jour, on te voit, on te tue! ». Ces propos avaient transité par un cousin en France. Sa soeur et son frère vivant à Zurich lui en avaient aussi parlé. Lors de sa dernière visite, en 2012, sa mère lui avait conseillé de ne plus revenir.

Début 2011, M. D______ l'avait menacée en lui disant que si elle quittait la Suisse, il s'en prendrait à B______. Il lui avait déjà donné des coups de pied.

Elle avait reçu des papiers du Kosovo concernant le divorce avec M. A______.

32) À la demande du juge délégué, Mme A______ a, le 24 novembre 2016, détaillé les adresses successives où elle avait vécu depuis son arrivée en Suisse. Elle a demandé que soient entendus M. D______ et Mme D______, femme suissesse de M. D______.

Elle a joint à son courrier le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du Tribunal de première instance du 27 mars 2015.

33) Le 15 décembre 2016, Mme A______ et sa fille ont remis les documents relatifs au divorce d'avec M. A______ prononcé le 18 février 2016 au Kosovo.

34) Le 12 janvier 2017, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Mme A______, sur question, a répondu qu'elle ne voyait personne qui pourrait venir expliquer sa situation pendant les années 2007 à 2009 environ. Sa soeur et son frère vivant à Zurich pouvaient être entendus, si la chambre administrative l'estimait pertinent.

Concernant ses déclarations dans le cadre de la procédure d'asile, elle avait été obligée par M. D______ de raconter des choses non conformes à la réalité.

Lorsqu'il lui avait parlé de ce mariage avec M. A______, elle n'avait pas été d'accord. Il avait très mal réagi, lui avait tiré les cheveux, l'avait frappée et avait jeté des objets de l'appartement partout. Il lui avait dit : « tu vas faire ce que je te dis ». Il l'avait forcée à se marier. M. D______ avait d'ailleurs été le témoin du mariage des « époux » A______.

b. La représentante de l'OCPM ne s'est pas opposée à l'éventuelle audition de la soeur et du frère de Mme A______ vivant à Zurich.

35) Le 30 mars 2017, une audience d'enquêtes s'est tenue devant la chambre de céans.

a. Mme Q______, soeur de Mme A______, a expliqué que M. D______ avait forcé sa soeur à venir en Suisse. Mme A______ avait peut-être été menacée. C'était lui qui décidait. Sa soeur avait peur de lui. Mme A______ n'osait pas lui raconter les choses.

Mme Q______ n'avait pas été informée du mariage. Elle avait été choquée d'apprendre que M. D______ l'avait obligée à se marier et à inscrire l'enfant sous le nom de quelqu'un qui n'était pas le père. À la question de savoir pourquoi elle s'était mariée, sa soeur lui avait répondu qu'elle devait faire tout ce que M. D______ disait. Elle n'avait pas le droit de s'exprimer.

Lorsque sa soeur lui avait décrit la situation, comme quoi elle était frappée, elle était venue de Zurich à Genève pour lui proposer de déposer plainte, ce qu'elle avait fait. Mme A______ était quelqu'un de fragile. Elle ne pouvait pas se défendre.

Les contacts entre Mme A______ et ses parents et son frère étaient coupés. La situation était telle qu'ils n'arrivaient pas à renouer. Le problème consistait dans les traditions, à savoir le fait que la famille n'ait pas donné son accord et que sa soeur ait fait ce qu'elle voulait, et était à l'origine de cette coupure.

b. M. D______ a précisé qu'il avait connu Mme A______ en 2007 au Kosovo. C'était « un peu sa copine au Kosovo ». Il était toutefois marié en Suisse. Il ignorait quand et pourquoi Mme A______ était venue en Suisse. Il a su qu'elle était en Suisse quand il l'avait croisée dans une discothèque.

Il n'avait pas fait de test de paternité, si bien qu'il ne pouvait pas savoir s'il était le père biologique de B______. Il n'avait jamais vécu ou partagé d'appartement en Suisse avec Mme A______. Il avait vécu avec Mme D______ d'abord à Berne, puis à Orbe. Mme A______ n'avait jamais été domiciliée à son adresse. Peut-être qu'elle y avait passé quelques nuits, avec lui. Elle avait même dormi une semaine à Orbe avec lui au moment où elle avait voulu déposer sa demande d'asile. Il avait dit à sa femme que c'était sa cousine, car il n'allait pas lui dire qu'il « couchait » avec Mme A______.

Il connaissait M. A______, c'était « une connaissance ». Il avait été présent au mariage. Il y avait eu environ quatre personnes au mariage.
M. et Mme A______ lui avaient demandé de venir à leur mariage et il y était allé. Il n'avait pas demandé à Mme A______ de se marier avec M. A______. Il ignorait si Mme A______ avait vécu avec son époux. Il ignorait pourquoi M. A______ n'avait pas fait venir d'autres personnes au mariage. Le mariage avait été célébré peu de temps après l'arrivée de Mme A______ en Suisse. Normalement, au Kosovo, un mariage était une grande fête.

Il avait eu une enfant avec Mme A______ après qu'elle se soit mariée. Sa relation avec Mme A______ avait duré jusqu'à la naissance de B______. Il avait vu une seule fois sa fille, lorsqu'elle avait quelques jours. Sa femme n'avait pas été contente quand elle avait appris qu'il avait eu un autre enfant.

Actuellement, il était marié avec Mme F______ depuis deux ans. Elle vivait ici avec leurs deux enfants âgés de 15 et 10 ans.

Mme A______ a remis deux photographies montrant B______ en nourrisson (quelques mois) avec M. D______. Elle a produit son contrat de travail conclu avec N______ en date du 20 mars 2017. Elle avait été engagée en qualité d'ouvrière agricole à 100 % dès le 20 mars 2017 pour un salaire mensuel brut de CHF 3'300.- (plus CHF 60.- de prime d'ancienneté).

36) Le 22 juin 2017, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquêtes.

a. Madame E______ (anciennement Mme D______) a déclaré qu'en juillet 2008, elle et M. D______ étaient en train de déménager. Celui-ci lui avait dit qu'il devait aller chercher sa cousine en Italie. Il était revenu avec Mme A______. Cette dernière était restée une semaine chez eux, puis M. D______ lui avait demandé d'emmener Mme A______ à Vallorbe, ce qu'elle avait fait.

Deux ans plus tard, Mme A______ lui avait téléphoné. Elle lui avait dit avoir eu une petite fille dont le père était M. D______. Mme E______ était encore mariée avec ce dernier, mais ils vivaient séparés. Elle avait rencontré Mme A______ et sa fille. Toutefois, elle n'avait pas revu Mme A______ depuis lors.

Elle s'était mariée avec M. D______ en 2007. Après trois mois, elle avait appris qu'il avait des enfants au Kosovo. Ils n'avaient jamais vraiment eu la vie d'un couple marié. Il s'absentait très fréquemment, notamment pour le Kosovo. Ils s'étaient séparés au cours de l'année 2010 et avaient divorcé en novembre 2012. Cela avait été difficile pour elle, car elle l'avait aimé.

Le nom de C______ ne lui évoquait rien. Le nom de F______ lui était connu. Pour elle, c'était la femme de son mari au Kosovo.

Elle n'avait jamais fait l'objet de menaces ou de violences de la part de M. D______. Elle n'avait jamais eu peur de lui. C'était quelqu'un qui pouvait jouer avec les gens et surtout avec les sentiments des gens.

En 2010, Mme A______ lui avait dit qu'elle avait une liaison avec son mari. Elle l'avait crue. Elle ne se souvenait pas si Mme A______ lui avait parlé de violences de M. D______. Elle pouvait toutefois s'imaginer qu'il ait été violent avec elle, car il n'avait rien à perdre avec Mme A______, au contraire d'elle, puisqu'il voulait très clairement les papiers pour résider en Suisse.

b. Mme A______ a déposé en audience un certificat médical daté du 9 juin 2017 attestant qu'elle était enceinte. Le terme de la grossesse était prévu pour le 17 décembre 2017. Le père de l'enfant était un ressortissant portugais qui travaillait avec elle et qui vivait en France voisine.

Elle était toujours domiciliée à Genève. Elle était en couple avec le futur père, mais n'avait pas de projets de vie commune en France. Elle habitait depuis dix ans en Suisse, avait un travail et sa fille était scolarisée ici. Le futur père de son enfant avait l'intention de la rejoindre à Genève, mais elle ne savait pas dans quel délai. Elle devait encore vérifier dans quelle mesure le divorce prononcé au Kosovo, en son absence, avec M. A______ pouvait être reconnu ici. Le futur père allait reconnaître l'enfant.

c. Un délai au 31 juillet 2017 a été imparti pour que Mme A______ et sa fille se déterminent sur la question de savoir si elles préféraient que la présente cause soit tranchée ou si elles entendaient proposer une suspension de la procédure au vu des faits nouveaux.

37) Le 31 juillet 2017, Mme A______ et sa fille ont informé la chambre administrative qu'elles souhaitaient que la cause soit tranchée.

38) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du juge délégué du 11 septembre 2017. Tant Mme A______ et sa fille que l'OCPM ont renoncé à présenter des observations après enquêtes.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à confirmer la décision de l'intimé refusant de renouveler les autorisations de séjour des recourantes et prononçant leur renvoi de Suisse.

3) Les recourantes considèrent que leur situation aurait dû être examinée à l'aune de l'art. 50 al. 2 LEtr, au motif que Mme A______ a été contrainte par M. D______ à épouser M. A______.

4) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative n'a pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée (art. 61
al. 2 LPA), sauf s'il s'agit d'une mesure de contrainte prévue par le droit des étrangers (art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), hypothèse non réalisée en l'espèce.

5) a. La LEtr et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEtr), ce qui est le cas pour les ressortissants kosovares.

b. Aux termes de l'art. 43 LEtr, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui (al. 1).

Selon l'art. 50 LEtr, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l'art. 43 LEtr subsiste lorsque l'union conjugale a duré au moins trois ans et que l'intégration est réussie (al. 1 let. a) ou lorsque la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (al. 1 let. b). Les raisons personnelles majeures visées à l'al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (al. 2).

c. Selon le message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés du 23 février 2011 (FF 2011 2060), en cas de mariage forcé, la contrainte peut être exercée par l'autre conjoint, mais aussi par des membres de la famille ou des tiers.

d. Les droits prévus à l'art. 43, 48 et 50 LEtr s'éteignent lorsqu'ils sont invoqués abusivement, notamment pour éluder les dispositions de la présente loi sur l'admission et le séjour ou ses dispositions d'exécution (art. 51 al. 2
let. a LEtr).

S'agissant du regroupement familial, il y a abus de droit notamment lorsque les personnes intéressées font valoir un mariage existant, alors que la communauté conjugale a été abandonnée ou que le mariage a été conclu dans le seul but d'éluder les dispositions sur l'admission (on parle de mariage de complaisance) (Directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, état au 3 juillet 2017, ch. 6.14).

e. En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour suite à son mariage le 3 novembre 2008 avec M. A______, titulaire (à l'époque) d'un permis d'établissement à Genève.

La chambre de céans a acquis la conviction que la recourante a été sous l'emprise de M. D______ et que ce dernier l'a très vraisemblablement violentée et « poussée » à épouser M. A______. Cette conviction se fonde sur les pièces du dossier, les déclarations de la recourante lors des quatre audiences devant la chambre de céans auxquelles elle a systématiquement participé et les témoignages, principalement, de M. D______, peu cohérent, et de son ex-épouse suissesse, laquelle a décrit, de façon convaincante et crédible, sa propre situation permettant de mieux appréhender le caractère de M. D______.

6) La question se pose en conséquence de savoir si le mariage de la recourante avec M. A______ a été conclu en violation de la libre volonté d'un époux, en l'espèce de la recourante.

a. Dans un arrêt du 21 octobre 2014, le Tribunal administratif fédéral
(ATAF C-2748/2012 consid. 8.1) a rappelé que la notion de « mariage arrangé » répondait à une préoccupation abordée dans une convention du Conseil de l'Europe (Projet de Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ; Message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés du 23 février 2011, in FF 2011 2045, spéc. p. 2082).

Au chiffre 15 du rapport relatif à la résolution 1'468 du Conseil de l'Europe, Madame Rosmarie ZAPFL-HELBLING, rapporteuse suisse, donnait la définition suivante : cette forme de mariage se caractérise le plus souvent par la participation d'un tiers, généralement des parents des fiancés ou d'un intermédiaire. L'intervention d'un intermédiaire a lieu normalement à la demande de l'un ou des deux époux ou sur incitation de la famille. Dans un certain nombre de communautés et de pays, s'il est d'usage que les parents organisent le mariage, il appartient aux fiancés désignés de décider s'ils l'acceptent ou non. Le problème est ici de déterminer dans quelle mesure ces derniers sont véritablement libres de leur choix et sont conscients que celui-ci leur appartient. Parfois, la pression familiale sera telle que la décision pourra être influencée par l'éducation et le respect de la tradition. Il est difficile de déterminer la frontière entre pression et manipulation (ATAF C-2748/2012 précité consid. 8.2.3 et les références citées).

b. Pour leur part, Mesdames Cesla AMARELLE et Nathalie CHRISTEN indiquent que l'on est en présence d'un mariage forcé lorsqu'au moins un des deux époux n'a pas donné son consentement à l'union (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations - vol. II : LEtr, Berne, 2017, p. 471).

c. L'étude réalisée sur mandat de la Confédération par la Maison d'analyse des processus sociaux (MAPS) de l'Université de Neuchâtel (« mariages forcés » en Suisse: causes, formes et ampleur ; Anna NEUBAUER/Janine DAHINDEN : https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/themen/integration/themen/zwangsheirat.html, résumé consulté le 18 octobre 2017), précise que sont concernées des personnes, soit qui ont été contraintes de se marier (type A), soit qui se sont vu empêchées de vivre une relation affective de leur choix (type B), soit qui se voyaient contraintes de rester mariées contre leur gré (type C). Dans les trois types de cas, la violence est exercée en premier lieu par un ou plusieurs acteurs de l'environnement familial. L'implication directe des membres de la famille place les personnes touchées dans un conflit de loyauté, similaire aux situations qu'on connaît du domaine de la violence domestique. Les raisons principales qui poussent le cercle familial à exercer des contraintes, voire à être violent envers un ou une de leurs proches sont qu'il aimerait soit que la personne se marie avec une personne de la même origine ethnique, nationale ou religieuse (type A), qu'elle renonce à fréquenter une personne d'une autre origine (type B) ou qu'elle renonce à un projet de divorce (type C).

d. En l'espèce, un tiers, à savoir M. D______ est effectivement intervenu pour que le mariage soit conclu, non seulement manifestement en l'organisant, mais en y assistant comme témoin. Mme A______ entre dans la catégorie A précitée. Toutefois, il ne peut être soutenu que la recourante n'était « pas libre de son choix » au sens des considérants qui précèdent, à savoir qu'elle se soit trouvée sous l'influence de son éducation ou de la tradition. L'histoire personnelle de l'intéressée démontre au contraire qu'au moment de son départ du Kosovo, quand bien même elle se trouvait probablement déjà sous l'ascendance de M. D______, elle s'est affranchie des traditions en quittant son pays pour vivre avec l'homme qu'elle aimait. Même à suivre la recourante lorsqu'elle allègue que, dès le début de leur relation, elle a été victime de violences psychologiques, physiques, voire sexuelles, il ne peut être retenu qu'elle n'aurait plus été libre de son choix de se marier ou n'aurait pas été consciente que ce choix lui appartenait compte tenu de la durée entre le moment de leur rencontre, que tous deux situent entre 2006 et 2007, et le moment du mariage de l'intéressée avec M. A______ le 3 novembre 2008. Même le fait que la recourante ne parlait, à l'époque, pas le français et se trouvait dans un pays qu'elle ne connaissait pas, ne permet pas d'appliquer la protection voulue par l'art. 50 LEtr à la situation. Même sous une très forte ascendance de l'être aimé et violent, il est difficilement concevable que la recourante n'ait pas eu, à un quelconque moment, le sentiment que cet acte officiel allait à l'encontre des dispositions en matière de droit des étrangers. Or, un mariage impose le respect d'une procédure stricte et en plusieurs étapes. La recourante conservait, à chacune d'entre elle, si ce n'est la possibilité de s'opposer, celle à tout le moins d'en parler à ses proches notamment sa soeur ou de se renseigner, ce qu'elle n'allègue pas avoir fait, ne faisant état que d'un épisode où elle se serait opposée à M. D______ sur la question du mariage avec M. A______ et qui aurait dégénéré.

De même les « raisons principales qui poussent le cercle familial à exercer des contraintes, voire à être violent envers un ou une de leurs proches » telles que décrites dans l'étude précitée, ne correspondent pas dans le présent cas, à savoir que M. D______ n'agissait pas ainsi dans l'optique qu'il souhaitait que la recourante se marie avec une personne de la même origine ethnique, nationale ou religieuse (type A). Seules des convenances personnelles, dont il était bénéficiaire, entraient en ligne de compte, la recourante y trouvant elle aussi un avantage, en l'espèce de pouvoir rester aux côtés de l'homme qu'elle aimait et pour lequel elle avait quitté le Kosovo et rompu avec sa famille.

Dans ces conditions, l'art. 51 al. 2 let. a LEtr est clair. En cas d'abus de droit, ce qui est le cas pour les mariages de complaisance, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ne peut pas se prévaloir des droits découlant de l'art. 50 LEtr, dans son ensemble, si bien que la recourante ne peut invoquer l'art. 50 al. 2 LEtr à l'appui de sa situation.

La volonté du législateur d'exclure le droit du conjoint étranger de pouvoir bénéficier des droits prévus par l'art. 50 LEtr en cas de mariage de complaisance s'explique par le fait qu'un tel mariage constitue une violation grave de la LEtr. Il serait manifestement contraire à cette volonté d'autoriser la recourante à se prévaloir des droits découlant de l'art. 50 LEtr, alors même qu'elle a détourné les normes relatives au regroupement familial pour, en finalité, avoir la possibilité de vivre avec M. D______. D'ailleurs, l'art. 51 al. 2 let. a LEtr n'a pas été amendé suite à l'entrée en vigueur de l'art. 50 al. 2 LEtr dans sa teneur actuelle.

De plus, force est de constater que la recourante a vécu avec M. D______ jusqu'à la naissance de B______, alors même qu'elle était mariée avec M. A______, et que ce n'est qu'uniquement pour ce motif qu'elle avait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse.

De même, la dénonciation de la situation à l'OCPM date de mars 2011, quelques jours après l'altercation avec l'épouse kosovare de M. D______, alors même que, selon les déclarations de la recourante, elle vivait seule depuis plusieurs mois, soit depuis peu de temps après la naissance de B______ le 1er septembre 2010. Même si la dénonciation de la situation à l'OCPM a été faite spontanément, elle a manifestement tardé.

L'intimé est donc en droit de faire prévaloir l'intérêt public à ne pas renouveler le séjour en Suisse de la recourante, auteure ou à tout le moins complice, dans les faits, de la violation au droit des étrangers.

Le grief sera écarté.

7) Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1 ; ATA/1299/2017 du 19 septembre 2017).

Ces conditions ne sont pas réalisées, puisque la recourante et sa fille ne vivent pas avec M. D______, prétendu père biologique de l'enfant, en ménage commun ou entretiennent des relations avec celui-ci.

Les recourantes ne peuvent donc pas déduire de droits découlant de l'art. 8 § 1 CEDH.

8) Les recourantes considèrent que le TAPI n'a pas tenu compte de leur situation personnelle, notamment leurs conditions de vie au Kosovo, pour surseoir à leur renvoi. Ce faisant, elles estiment que leur situation personnelle constitue un cas de rigueur justifiant une dérogation aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse.

a. L'art. 30 al. 1 let. b LEtr permet de déroger aux conditions d'admission fixées aux art. 18 à 29 de ladite loi afin, notamment, de tenir compte des cas individuels d'extrême gravité. Le législateur a donné au Conseil fédéral compétence de fixer les conditions générales des dérogations ainsi que d'en arrêter la procédure (art. 30 al. 2 LEtr).

b. L'art. 31 al. 1 OASA fixe les critères dont il convient de tenir compte lors de l'appréciation des cas d'extrême gravité.

c. Mariée avec un ressortissant kosovar au bénéfice d'une autorisation d'établissement, la recourante a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial conformément à l'art. 43 al. 1 LEtr, qui lui conférait le droit à l'octroi et à la prolongation d'une telle autorisation. Ce type d'autorisation n'est pas soumis aux conditions de limitation du nombre d'étrangers, qui concernent des autorisations à l'octroi desquelles l'étranger n'a pas droit. Cela résulte de la systématique comme du texte de la loi, l'art. 30 LEtr traitant des dérogations aux conditions d'admission soumises au régime ordinaire des art. 18 à 29 LEtr et mentionnant comme première exception possible les personnes admises dans le cadre du regroupement familial, mais n'étant ni le conjoint ni l'enfant d'un ressortissant suisse, dont le statut est réglé sur la base des art. 42 ss LEtr. Il s'agit de catégories distinctes d'autorisations, chacune soumise à ses propres conditions d'octroi, d'échéance, de retrait ou de dérogation (ATA/598/2016 du 12 juillet 2016 ; ATA/860/2014 du 4 novembre 2014 et les références citées).

Ainsi, dans la mesure où la recourante a déjà été exemptée des mesures de limitation et a bénéficié d'une autorisation de séjour hors contingent, au titre du regroupement familial, à la suite de son mariage, son cas ne peut être examiné sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEtr et 31 al. 1 OASA.

En tout état de cause, les conditions n'en seraient pas réalisées. Il ressort du dossier que l'intégration professionnelle de la recourante, en Suisse depuis neuf ans, ne revêt pas un caractère exceptionnel au sens que lui donne la jurisprudence, à savoir que cette intégration serait si exceptionnelle qu'elle ne lui permettrait pas de trouver son pendant dans son pays d'origine. Bénéficiant de prestations de l'hospice du 1er mai 2011 jusqu'à fin septembre 2015, elle a en outre travaillé dans les domaines du nettoyage et agricole. Ses connaissances professionnelles comme personnel d'entretien et ouvrière agricole n'apparaissent pas spécifiques à la Suisse. Elle sera donc en mesure de les utiliser au Kosovo. Elle pourra dans ce cadre mettre en avant l'expérience professionnelle acquise sur le territoire helvétique, ce qui constitue un atout pour sa réintégration.

En outre, il lui reste des attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu durant son enfance, son adolescence et son jeune âge d'adulte. La recourante a en effet indiqué que ses parents et certains de ses frères et soeurs vivaient au Kosovo. Par ailleurs, il ressort du dossier qu'elle est au demeurant retournée au Kosovo plusieurs fois (en 2008 et 2009), la dernière fois en août 2012. Certes, il semble que les relations entre la recourante et son père et l'un de ses frères soient très difficiles. Cependant, les pièces produites ou les témoignages ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un danger concret pesant à l'encontre des recourantes, qui empêcherait leur réintégration, et, en tout état de cause, un retour au Kosovo demeure possible dans d'autres régions.

S'agissant des problèmes de santé, notamment psychiques, rencontrés par la recourante (état anxieux et dépressif selon le certificat médical du 30 octobre 2015), il existe au Kosovo sept centres de traitement ambulatoire pour les maladies psychiques (Centres Communautaires de Santé Mentale) ainsi que des services de neuropsychiatrie pour le traitement des cas de psychiatrie aiguë au sein des hôpitaux généraux dans les villes de Prizren, Peja, Gjakova, Mitrovica, Gjilan, Ferizaj et Pristina. De plus, grâce à la coopération internationale, de nouvelles structures appelées « Maisons de l'intégration » ont vu le jour dans certaines villes. Ces établissements logent des personnes atteintes de troubles mineurs de la santé mentale dans des appartements protégés et leur proposent un soutien thérapeutique et socio-psychologique (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-7044/2014 du 19 juillet 2016 consid. 5.5.4 ; C-2748/2012 du 21 octobre 2014 ; C-5631/2013 du 5 mars 2014 consid. 5.3.3 et jurisprudence citée). Il y a ainsi lieu de retenir que des soins psychiatriques sont disponibles au Kosovo et que la recourante pourra en bénéficier, en cas de besoin.

En ce qui concerne B______, celle-ci est née en Suisse. Elle est actuellement âgée de 7 ans et est scolarisée. Toutefois, elle n'a pas à ce jour terminé l'enseignement primaire. Elle n'a pas encore atteint la période charnière du développement personnel, scolaire et professionnel que constitue l'adolescence, et garde la possibilité de se réintégrer au Kosovo. À travers sa mère, B______ reste dans une très large mesure rattachée à ce pays, de sorte que son intégration au milieu socioculturel suisse n'est pas irréversible et qu'un départ pour le Kosovo ne constitue pas un déracinement complet.

Il résulte de ce qui précède qu'en tout état de cause, les recourantes ne se trouvent pas dans une situation de détresse personnelle. S'il est vrai qu'un retour dans leur pays d'origine pourra engendrer certaines difficultés, inhérentes à un retour au Kosovo après plusieurs années d'absence, la situation des recourantes n'est pas remise en cause de manière accrue et elles ne se trouvent pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger leur retour au Kosovo.

9) Les recourantes relèvent que les circonstances ayant entouré leurs premières années de vie en Suisse relèvent de la traite d'êtres humains.

a. Selon l'art. 30 al. 1 let. e LEtr, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29) dans le but de régler le séjour des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains et des personnes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale dans le cadre d'un programme de protection des témoins mis en place en Suisse, dans un État étranger ou par une cour pénale internationale.

b. L'art. 30 al. 1 let. e LEtr concerne les victimes ou témoins de la traite d'êtres humains, au sens des art. 182 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937
(CP - RS 311.0) et 3 let. a et b du protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, du 15 novembre 2000 (RS 0.311.542 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2014 du 4 décembre 2014 consid. 3.3). Même si le consentement de la victime n'est pas pertinent en matière de traite des êtres humains (ibid.), cette dernière suppose une exploitation, à savoir notamment l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. La simple violation des prescriptions de droit du travail n'entraîne ainsi pas une exploitation du travail d'autrui au sens de l'art. 182 al. 1 CP, qui présuppose plutôt l'esclavage ou les relations analogues à ce dernier, ou encore des prestations de travail effectuées sous la contrainte (Vera DELNON/Bernhard RÜDY, in Marcel A. NIGGLI/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Basler Kommentar - Strafrecht II, 3ème éd., 2013, n. 27 ad art. 182 CP et les auteurs cités ; ATA/981/2015 du 22 septembre 2015). Le Service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants a publié une « liste de contrôle pour l'identification des victimes de la traite d'êtres humains » (en annexe au Guide pratique « Mécanismes de coopération contre la traite d'êtres humains » consultable sur le site https://www.ksmm.admin.ch/ksmm/fr/home/publiservice /leitfaden.html).

c. En l'espèce, force est de constater qu'aucune plainte pénale n'a été déposée à l'encontre de M. D______ pour ce motif, ni qu'aucune procédure pénale le concernant serait ouverte, étant précisé que la procédure P/______/2011 relative à la plainte de la recourante pour menaces a fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière. Une qualification pénale au sens de l'art. 182 CP n'apparaissant au surplus pas flagrante dans son cas, la chambre de céans ne peut retenir que les recourantes soient des victimes de traite d'êtres humains au sens de l'art. 30 al. 1 let. e LEtr, étant en outre relevé que ce n'est que par-devant la chambre de céans que cet argument a été soulevé.

Le grief sera écarté.

10) a. Tout étranger dont l'autorisation est refusée est renvoyé de Suisse (art. 64 al. 1 let. c LEtr).

Selon l'art. 64d al. 1 LEtr, la décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable. Un délai de départ plus long est imparti ou le délai de départ est prolongé lorsque des circonstances particulières telles que la situation familiale, des problèmes de santé ou la durée du séjour le justifient.

b. Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEtr). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l'art. 14a de l'ancienne loi sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE), la jurisprudence rendue ou la doctrine éditée en rapport avec cette disposition légale reste d'actualité (ATA/598/2016 du 12 juillet 2016 consid. 7b ; ATA/505/2016 du 14 juin 2016 consid. 7a et les références citées).

c. L'exécution de la décision n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83
al. 3 LEtr).

L'art. 83 al. 3 LEtr vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture - RS 0.105 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-7712/2008 du 19 avril 2011 consid. 6.1 ; ATA/981/2015 du 22 septembre 2015).

Selon la jurisprudence, le retour forcé des personnes touchées dans leur santé n'est susceptible de constituer une violation de l'art. 3 CEDH que si l'intéressé se trouve dans un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s'agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l'hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude, et qu'elle ne peut espérer un soutien d'ordre familial ou social (ACEDH N. contre Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. no 26565/05 ; Tatar c. Suisse du 14 avril 2015, req. no 65692/12, § 43 et 50 ; ATAF 2011/9 consid.7.1 ; ATAF 2009/2 consid. 9.1.2 ss ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-1958/2015 du 24 avril 2015 ; E-2840/2010 du 3 mai 2010 ; ATA/598/2016 précité)

d. L'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile et de violence généralisée et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les exposer à un danger concret, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, objectivement, au regard des circonstances d'espèce et selon toute probabilité, conduites irrémédiablement à un dénuement complet, exposées à la famine et ainsi à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/598/2016 précité ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016).

S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/731/2015 du 14 juillet 2015). L'art. 83 al. 4 LEtr ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/598/2016 précité ; ATA/731/2015 précité).

e. En l'occurrence, outre le fait que le Kosovo dispose d'établissements à même de prendre en charge les besoins de la recourante comme examiné
ci-dessus, l'un des certificats médicaux figurant au dossier émis par un médecin spécialiste en la matière date de près de deux ans (30 octobre 2015) et précise que l'état psychique de la recourante nécessite un suivi et un traitement pour au moins une année, si bien qu'aujourd'hui le traitement médical devrait être terminé. L'intéressée n'a d'ailleurs pas produit un nouveau certificat médical qui attesterait du contraire.

Pour le surplus et comme vu précédemment, les risques que les intéressées craignent encourir en cas de retour au Kosovo de la part de leur famille ou d'autres familles se limitent à des affirmations, que ni l'article intitulé « La signification des traditions dans le Kosovo d'aujourd'hui » relatif au « Kanun », ni le courrier de la soeur et du frère, selon lequel la situation avec les parents ne serait pas bonne, ou encore les déclarations de la soeur en audience, ne suffisent à étayer de manière concrète. Les recourantes n'ont en outre pas démontré que les autorités kosovares ne seraient pas en mesure de leur apporter une protection adéquate (cf. ATA/555/2014 du 17 juillet 2014).

Au vu de ce qui précède, l'exécution du renvoi n'apparaît ni illicite, ni inexigible.

Il ne ressort au surplus pas du dossier qu'elle serait impossible.

Le renvoi des recourantes est par conséquent exécutable, étant toutefois précisé que l'intimé devra prendre en considération la grossesse de la recourante, dont le terme est prévu pour le 17 décembre 2017 dans le cadre de l'application de l'art. 64d al. 1 LEtr.

11) Dans ces circonstances, la décision de l'OCPM est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI sera rejeté.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.-, comprenant les frais d'interprètes d'un total de CHF 300.- et les frais de témoin de CHF 200.45, sera mis à la charge des recourantes, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, vu l'issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2016 par Madame A______ agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de son enfant mineure, B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 800.-, comprenant les frais d'interprètes d'un total de CHF 300.- et les frais de témoin de CHF 200.45 ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Caritas Genève, soit pour lui Monsieur Alexandre Schmid, mandataire des recourantes, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.