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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2140/2014

ATA/616/2014 du 07.08.2014 sur JTAPI/799/2014 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2140/2014-MC ATA/616/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 août 2014

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 juillet 2014 (JTAPI/799/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______ est arrivé par avion à Genève le 15 mai 2014, en provenance du Ghana via la Turquie. Lors du contrôle frontière, il s'est légitimé au moyen d'un passeport de service de la République du Bénin établi le 11 mars 2014 au nom de B______, né le 12 juillet 1984.

Les vérifications entreprises par les autorités suisses compétentes ont permis de déterminer que le passeport était un faux document établi sur un passeport béninois provenant d’un lot vierge volé. L'intéressé s'est vu refuser l'entrée sur le territoire helvétique. Il n'a pas voulu remonter à bord de l'avion qui l'avait amené à Genève.

2) Le 16 mai 2014, lors de son audition par la police, il a prétendu être originaire du Togo. Il a indiqué avoir fui le Togo en raison de menaces pour sa sécurité et avoir, sans succès, demandé l'asile au Bénin. Il avait organisé, avec l'aide d'un passeur, son voyage en Suisse depuis ce dernier pays, achetant un faux passeport de service béninois. Son véritable passeport se trouvait au Togo. Il demandait l'asile en Suisse.

3) Par décision incidente du 17 mai 2014, notifiée le jour même, l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a pris acte de la demande d'asile déposée par M. A______, lui a provisoirement interdit l'entrée en Suisse et lui a assigné, pour une durée maximale de soixante jours, la zone de transit de l'aéroport de Genève comme lieu de séjour.

4) Après avoir entendu l'intéressé les 19 et 26 mai 2014, l'ODM a, par décision du 2 juin 2014, dûment notifiée, refusé la qualité de réfugié à M. A______, a rejeté sa demande d'asile et a ordonné son renvoi de Suisse, le sommant de quitter le pays au plus tard le jour suivant l'entrée en force de la décision, sous peine de s'exposer à des mesures de contrainte. Le canton de Genève était chargé de l'exécution du renvoi.

5) Par arrêt du 26 juin 2014 dans la cause E-3169/2014, dûment notifié, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours de M. A______ contre la décision susmentionnée, confirmant l'appréciation de l'ODM et retenant que le renvoi était licite, possible et raisonnablement exigible.

6) Par décision du 14 juillet 2014, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'ODM a rejeté la demande de reconsidération de sa décision du 2 juin 2014, formée le 8 juillet 2014 par M. A______.

 

7) Le 15 juillet 2014, M. A______ est sorti de la zone de transit de l'aéroport. Il a aussitôt été acheminé dans les locaux de la police genevoise, où l'officier de police a ordonné sa mise en détention administrative pour une durée de six mois, vu le risque de soustraction à son renvoi.

Lors de son audition, M. A______ a déclaré qu'il était désormais prêt à rentrer par ses propres moyens au Togo dès que la situation le permettrait.

8) Lors de l’audience devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 17 juillet 2014, M. A______ a confirmé qu'il entendait retourner au Togo, cas échéant de donner son accord à la délivrance facilitée d'un laissez-passer mais seulement lorsque la situation le permettrait. Il avait essayé de se faire transmettre son passeport par son frère, sans succès mais il en avait une photocopie dans son dossier. Il a demandé sa mise en liberté immédiate, la détention étant disproportionnée.

Le représentant de l'officier de police a indiqué que si l'intéressé n'entreprenait pas de démarches volontaires auprès de son ambassade pour l'obtention d'un laissez-passer, il devrait être présenté pour identification à une délégation togolaise dont la venue en Suisse n'était pas attendue avant le premier trimestre 2015.

9) Par jugement du 17 juillet 2014 (JTAPI/799/2014), communiqué en mains propres aux parties le jour même, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois soit jusqu’au 15 septembre 2014, au lieu des six mois ordonnés. La détention était admise dans son principe. La durée initialement fixée par l’officier de police était disproportionnée, en particulier au regard de la nécessité pour le tribunal de s'assurer de façon régulière du strict respect par l'autorité d'exécution du renvoi de ses obligations de diligence et de célérité.

10) Le 28 juillet 2014, M. A______ a interjeté recours contre le jugement du TAPI devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation de celui-ci et au prononcé de sa mise en liberté immédiate, sous suite de frais et dépens.

Il avait un ami vivant en Suisse qui pourrait l'accueillir et le prendre en charge financièrement jusqu'à sa présentation à une délégation en vue d'obtenir un laissez-passer et d'être renvoyé dans son pays d'origine. Il avait fourni une photocopie de son passeport togolais dans le cadre de la procédure d'asile.

La détention administrative était disproportionnée et violait le principe de célérité dès lors qu'il ne pourrait être présenté à une délégation togolaise avant le premier trimestre 2015, à quoi s'ajouterait encore le délai d'organisation du vol de retour, pour autant qu'un tel vol soit possible. Par ailleurs, il avait une possibilité d'être hébergé par son ami.

11) Le 29 juillet 2014, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

12) Le 4 août 2014, l'officier de police a conclu au rejet du recours.

La mesure contestée était conforme au droit et il dépendait du seul intéressé d'y mettre fin rapidement en remettant des documents d'identité valables permettant un retour chez lui dans les plus brefs délais. Il serait présenté à une délégation béninoise le 8 août 2014 dès lors qu'il avait présenté de faux papiers de ce pays. S’il n'était pas identifié à l'issue de cette démarche, il serait présenté à la délégation togolaise lorsque celle-ci viendrait en Suisse.

13) Les observations susmentionnées ont été transmises à M. A______, après quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 29 juillet 2014 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012, consid. 2.1).

5) L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l’asile (LAsi - RS 142.31 ; art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

L’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr décrit des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition. Ces deux éléments doivent donc être envisagés ensemble (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1). Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation, ce d’autant qu’il doit en principe entendre l’intéressé (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3).

6) En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision fédérale de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire.

À son arrivée en Suisse il s'est légitimé au moyen d'un faux passeport béninois établi sur un document volé en blanc et mentionnant une identité dont il a admis qu'elle n'était pas la sienne, sans être par ailleurs en mesure d'établir cette dernière. Il a donc sciemment tenté de tromper les autorités suisses qui, en l'état, ne disposent d'aucune information fiable sur la personne du recourant. Ce dernier a refusé de remonter à bord de l'avion qui l'avait amené à Genève. Il n'a pas établi avoir entrepris de démarche pour favoriser un retour rapide dans son pays d'origine. Ces éléments permettent de craindre que l'intéressé tente de se soustraire à son obligation de collaboration à l'exécution de son renvoi s'il pouvait disposer de sa liberté de mouvement.

Dans ces circonstances, la mise en détention administrative sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEtr est fondée.

7) a. L’autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches permettant l’exécution de la décision de renvoi (art. 76 al. 4 LEtr). La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 de la Cst. Par ailleurs, la détention en vue de renvoi ne peut excéder six mois au total (art. 79 al. 1 LEtr). La durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus notamment si la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEtr).

b. Le recourant a été placé en détention administrative le 28 mai 2014. Dès lors que la détention est due à son absence de coopération avec les autorités chargées de l’exécution de son renvoi, la décision de mise en détention administrative respecte le cadre légal. Elle est conforme au principe de la proportionnalité car aucune autre mesure n'apparaît propre à permettre l'exécution du renvoi de l'intéressé. En particulier, l'allégation, récente et non documentée, de l'existence d'un soi-disant ami en Suisse, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les autorités chargées de l'exécution du renvoi ont entrepris les démarches nécessaires pour identifier au plus vite l'intéressé, étant précisé qu'elles ne maîtrisent que la partie suisse de la planification des déplacements d'une délégation officielle étrangère. Le principe de célérité est ainsi respecté.

C’est le lieu de relever que la réduction à deux mois de la durée de la détention administrative n’est pas justifiée au regard de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. Toutefois, seul le recourant ayant contesté le jugement de première instance, la chambre de céans ne le réformera pas sur ce point.

8) a. Selon l’art. 80 al. 4 LEtr, l’autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-là doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, ou qu’elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEtr.

b. Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEtr, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEtr (ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

c. Le renvoi ne peut être raisonnablement exigé si l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, ou de nécessité médicale, sa vie étant mise en danger du fait de l’impossibilité de poursuivre dans son pays un traitement médical indispensable (art. 83 al. 4 LEtr ; ATA/244/2012 du 24 avril 2012 ; ATA/159/2011 du 8 mars 2011).

d. En l’espèce, le recourant soutient que l'on ne dispose pas de preuve que son renvoi dans son pays d'origine soit possible. Cet argument est téméraire dès lors qu'il appartient au recourant, qui prétend être togolais, de collaborer à l'exécution de son renvoi. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité. Tel est le cas en l’espèce, le recourant n'ayant pas entrepris la moindre démarche propre à faciliter la délivrance rapide d'un laissez-passer par les autorités du pays dont il dit être ressortissant et auprès desquelles il peut en tout temps entreprendre lui-même des démarches afin d’obtenir les documents idoines, surtout s'il est bien en possession d'une photocopie de son véritable passeport.

L’exécution du renvoi ne contrevient pas à l’art. 80 LEtr.

9) Le maintien en détention administrative est dès lors conforme au principe de proportionnalité, aucune mesure moins incisive ne permettant d’assurer la présence de l’intéressé le jour où l’exécution du renvoi pourrait avoir lieu.

10) Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 juillet 2014 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, à l’officier de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, à l'office fédéral des migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Dumartheray et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.


Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :