Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2593/2024

JTAPI/779/2024 du 15.08.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);PROCÉDURE DUBLIN;DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letb; LEI.75.al1.letc; LEI.75.al1.leth; LEI.80.al3; LEI.80a.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2593/2024 et A/2603/2024 MC

JTAPI/779/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Robert ZOELLS, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le prétendument dénommé Monsieur A______, né le ______ 1982 et originaire d'Egypte (aussi connu sous d'autres identités), mais démuni de tout document d'identité, a fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse et de l'Espace Schengen prononcée par les gardes-frontière du canton de Bâle le 19 mars 2024. Il est par ailleurs sous le coup d'une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 26 mars 2026, notifiée le 19 juillet 2024.

2.             Le 1er juillet 2024, après sa condamnation par ordonnance pénale du Ministère public pour vol (au sens de l'art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), M. A______ s'est vu notifier par le commissaire de police une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 12 mois.

3.             Le 19 juillet 2024, M. A______ a été, à nouveau, arrêté par les forces de l'ordre genevoises et prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), de vol ainsi que de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (au sens de l'art. 119 al. 1 LEI). Il ressort du rapport de police que l'intéressé n'a aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu.

4.             Le 20 juillet 2024, l'intéressé a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour les faits ayant mené à son arrestation de la veille, puis il a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

5.             Les démarches visant à informer le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) de la situation de l'intéressé en Suisse et à charger ladite autorité fédérale d'examiner la possibilité d'engager une procédure Dublin vers le Danemark étaient en cours d'organisation.

6.             Le même jour à 11h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de sept semaines sur la base de l’art. 76a LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de retourner dans le pays Dublin responsable mais il préférait rentrer chez lui en Egypte et aviser son Consulat de sa volonté de retour, après que le commissaire de police ait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80a al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs relevant du droit des étrangers avait débuté à 10h47.

7.             Le 25 juillet 2024, sur mandat de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), l’intéressé a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin, en application de la réglementation du même nom. A cette occasion, le droit d’être entendu quant à la responsabilité du Danemark de mener la procédure d’asile et de renvoi conformément au Règlement Dublin et en ce qui concerne la décision de renvoi au sens de l’art. 64a al. 1 LEI a été octroyé à M. A______. Ce dernier a déclaré vouloir rentrer dans son pays d'origine – l'Égypte.

8.             En se basant sur ce qui précède, le SEM a soumis une requête aux fins de l’admission de M. A______ aux autorités danoises, conformément à l’art. 18 al. 1 let. b du Règlement Dublin.

9.             Le 7 août 2024, M. A______ a réitéré son désir devant l'OCPM de retourner en Égypte et a expliqué avoir contacté son consulat en Suisse pour accélérer les démarches en vue de l'émission d'un laissez-passer.

10.         Le même jour, le Consulat d'Égypte a informé l'OCPM qu'une ancienne copie de l'intéressé avait été retrouvé, que l'intéressé était un ressortissant égyptien, et que les autorités de ce pays étaient prêtes à émettre un laissez-passer sur présentation d'un billet d'avion pour B______(Egypte), M. A______ ayant encore confirmé devant eux, le 5 août 2024, vouloir retourner en Égypte.

11.         Par acte du 7 août 2024, reçu le 12 août 2024 à 8h20 par courrier postal, M. A______ a requis du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) l’examen de la légalité et de l’adéquation de sa détention. Cette procédure a été ouverte sous le numéro de cause A/2593/2024.

12.         Le 12 août 2024, le commissaire de police, sur demande du tribunal, a transmis son dossier.

13.         Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines sur la base des art. 74, 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI. Cette procédure a été ouverte sous le numéro de cause A/2603/2024.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour en Egypte. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 16h45.

14.         Une place sur un vol à destination du B______ (Egypte) a été réservée pour M. A______ pour le 16 août 2024 à 15h00 au départ de Genève.

15.         A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______, désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 14 août 2024 à 12h00.

16.         Par courriel du 14 août 2024 à 11h57, le conseil de M. A______ a présenté des observations en se rapportant à la justice quant au sort de sa détention administrative.

M. A______ ne s’opposait pas à son renvoi en Egypte et les conditions de l’art. 80 al. 3 LEI étaient remplies. S’il n’était pas exécuté d’ici au 20 août 2024, une procédure orale devait avoir lieu, ce qui paraissait peu probable vu la réservation du vol précitée.

Les conditions de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI n’apparaissaient que partiellement remplies dès lors qu’aucun élément ne laissait présager que M. A______ entendait se soustraire à son renvoi, d’autant qu’il s’était montré coopératif, notamment en contactant le Consulat égyptien le 7 écoulé afin d’accélérer la procédure d’octroi de ses documents de voyage. Il était pleinement conscient qu’il ne devait plus revenir en Suisse avec laquelle il n’avait aucune attache. Si l’OCPM avait d’emblée initié la procédure de retour dans le pays d’origine au lieu de viser une procédure Dublin, l’intéressé aurait pu gagner une dizaine de jours sur son départ. M. A______ souhaitait une aide financière pour ses médicaments, ainsi que pour développer son projet de boulangerie en Egypte.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             L’art. 80a al. 3 LEI qui traite de l’examen de la légalité et de l’adéquation de la mise en détention Dublin et non d’une demande de mise en liberté, ne fixe pas de délai maximum précis à l’intérieur duquel l’autorité judiciaire saisie doit avoir statué, étant entendu que l’art. 80 LEI (décision et examen de la détention sous 96 heures dès la mise en détention) cède la place au nouvel art. 80a LEI (décision et examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin), lorsque sont en cause le règlement Dublin III et l’art. 76a LEI (TF 2C_207/2016 du 2 mai 2016, consi. 3.3 ; ATA/907/2015, consid. 7).

4.             Le tribunal statue ce jour dans la cause A/2603/2024, respectant le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 12 août 2024 à 16h45, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées), tout en respectant la célérité préconisée eu égard à l’art. 80a al. 3 LEI dans la cause A/2593/2024, le courrier de l’intéressé demandant cet examen ayant été reçu le 12 août 2024 à 8h20 par le tribunal.

5.             Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

6.             En l'occurrence, les causes A/2593/2024 et A/2603/2024 se rapportant à un complexe de faits connexes et opposant les mêmes parties, leur jonction sous la cause A/2593/2024 sera ordonnée.

7.             Selon l’art. 80a al. 3 LEI, la légalité et l’adéquation de la détention sont examinées, sur demande de la personne détenue, par une autorité judiciaire au terme d’une procédure écrite. Cet examen peut être demandé à tout moment.

8.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendu. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

9.             Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

10.         Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

11.         En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisqu’un vol a d’ores et déjà été réservé visant un départ le 16 août 2024 à 15h00. Par ailleurs, il a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement, et respectivement à son refoulement vers son pays d’origine.

12.         Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

13.         La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

14.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

15.         Selon l’art. 28 par. 2 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (règlement Dublin III), les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément audit règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. À teneur du par. 3 du même article, le placement en rétention est d’une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu’à l’exécution du transfert au titre du présent règlement.

16.         A teneur des art. 1 et 29a al. 1 de l’Ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure du 11 août 1999 (RS 142.311), le SEM est compétent pour examiner l’Etat responsable en vertu du Règlement Dublin III, notamment s’agissant d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers.

17.         Selon l’art. 105 de la Loi fédérale sur l’asile du 26 juin 1998 (ci-après : LAsi ; RS 142.31), le Tribunal administratif fédéral est l’autorité compétente pour statuer sur les recours à l’encontre des décisions du SEM dans les cas Dublin.

18.         La liberté d'appréciation du juge (également parfois désignée sous la terminologie « pouvoir d'appréciation » ou encore « liberté de décision » [Ermessen, parfois Entscheidungsspielraum]) constitue un espace de liberté conféré, par le législateur, à l'administration, que le juge doit respecter lorsqu'il n'a pas le pouvoir de contrôler l'opportunité d'une décision (ATAF 2015/9).

19.         En l’espèce, il est rappelé à l’intéressé qu’il n’a appartient pas au tribunal de céans d’examiner les critères de détermination de l’État Dublin responsable au stade de la procédure d’exécution du renvoi, ou la préférence donnée à l’Etat d’origine si la procédure Dublin n’aboutit pas, ceux-ci ressortant en amont de la compétence du SEM qui est également en charge des communications internationales y relatives dont celles liées à l’antériorité, et du Tribunal administratif fédéral qui en effectue le contrôle judiciaire.

20.         En l'occurrence, le SEM a finalement décidé de renvoyer M. A______ dans son État d’origine, raison pour laquelle une mise en détention en vue de renvoi a dès lors été ordonnée sous l’angle de l’art. 80 LEI.

21.         Selon l'art. 76 al. let b ch. 1 LEI, en relation avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si celle-ci a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être immédiatement renvoyée, ou respectivement en lien avec l’art. 75 al. 1 let. c LEI, ou encore avec l’art. 75 al. 1 let. h LEI, lorsqu’elle a été condamnée pour un crime.

22.         De même, une mise en détention administrative est envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

23.         Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

24.         Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

25.         Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

26.         Comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI et de la jurisprudence constante, une mise en détention administrative n'implique pas que la décision de renvoi ou d'expulsion qui la sous-tend soit entrée en force et exécutoire (cf. ATF 140 II 409 consid. 2.3.4 ; 140 II 74 consid. 2.1 ; 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a ; ATA/252/2015 du 5 mars 2015 consid. 6a ; Grégor CHATTON/Laurent MERZ in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 5 p. 779).

27.         En l’espèce, les conditions posées par l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI sont remplies, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b LEI dès lors que l’intéressé a fait l’objet d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois le 1er juillet 2024, et respectivement en lien avec l’art. 75 al. 1 let. h LEI compte tenu de sa condamnation le même jour pour vol, infraction qualifiée de crime (art. 10 al. 2 CP cum art. 139 al.1 CP), et en lien avec l’art. 75 al. 1 let. c LEI vu qu’il fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 26 mars 2026, notifiée le 19 juillet 2024 et entrée en force, qu’il n’a pas respecté.

28.         L'assurance de l'exécution du renvoi de l’intéressé à destination de son pays d'origine répond par ailleurs à un intérêt public évident et, compte tenu des éléments énoncés ci-avant, il est clair qu'aucune autre mesure moins incisive que la détention ne saurait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement aux fins duquel la détention est adéquate (cf. not. ATA/672/2016 du 8 août 2016 consid. 7c ; ATA/949/2015 du 18 septembre 2015 consid. 8 ; ATA/846/2015 du 20 août 2015 consid. 8 ; ATA/810/2014 du 28 octobre 2014 consid. 6). La détention respecte par conséquent le principe de la proportionnalité.

29.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

30.         Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n’est accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

31.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

32.         En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu’elle a écarté la procédure de renvoi Dublin apparaissant relativement plus longue et moins certaine, pour privilégier le renvoi vers le pays d’origine de l’intéressé qu’il préférait au demeurant. Une place sur un vol de ligne a immédiatement été réservé pour permettre le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, lequel pourra avoir lieu le 16 août 2024 déjà, soit dans un délai de l’ordre de quatre semaines dès sa mise en détention Dublin, et près de quatre jours à peine dès sa mise en détention sous l’angle de l’art. 80 LEI.

33.         La durée totale de détention prévue initialement par l’ordre de mise en détention du 20 juillet 2024 pour une durée de sept semaines, soit jusqu’au 6 septembre 2024, inclus, a finalement été réduite par le deuxième ordre de mise en détention du 12 août 2024, soit jusqu’au 1er septembre 2024 inclus.

34.         Le principe de célérité est dès lors respecté.

35.         Enfin, tenant compte de la détention administrative de l’intéressé dès le 20 juillet 2024, la durée maximale légale de la détention administrative est très loin d’être atteinte.

36.         Au vu de ce qui précède, l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 20 juillet 2024 à l’encontre de Monsieur A______ était fondé.

37.         De plus, les autorités compétentes ont accompli l’ensemble des démarches nécessaires au renvoi sans désemparer dans l’intervalle.

38.         En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, dès le 12 août 2024, soit jusqu’au 1er septembre 2024 inclus, qui respecte en soi l'art. 80 al. 3 LEI et n'apparaît pas disproportionné.

39.         Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 20 août 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

40.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             ordonne la jonction des causes A/2593/2024 et A/2603/2024 sous le numéro de cause A/2593/2024 ;

2.             dit que l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 20 juillet 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de sept semaines était fondé ;

3.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 12 août 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 1er septembre 2024 inclus ;

4.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 20 août 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Michel CABAJ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier