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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4125/2009

ATA/644/2009 du 08.12.2009 sur DCCR/1154/2009 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4125/2009-MC ATA/644/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 8 décembre 2009

1ère section

dans la cause

 

Monsieur F______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 19 novembre 2009 (DCCR/1154/2009)


EN FAIT

1. Monsieur F______ est né en 1970 au Gabon. Il est ressortissant du Bénin.

2. Le 10 octobre 2004, l’intéressé a présenté une première demande d’asile en Suisse, sous l’identité de Y______, né en 1980 de nationalité gabonaise.

L’examen dactyloscopique a alors révélé que l’identité de l’intéressé était en réalité F______ né en 1970 de nationalité béninoise, ce qu’il a reconnu par la suite. Dans ces conditions, l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) n’est pas entré en matière sur la demande d’asile et a prononcé le renvoi de Suisse de l’intéressé. Ce dernier a disparu.

3. Le 14 août 2005, M. F______ a déposé une nouvelle demande d’asile au centre d’enregistrement de Vallorbe. Par décision du 1er septembre 2005, l’ODM n’est pas entré en matière sur la demande d’asile et prononcé le renvoi de Suisse de M. F______, décision confirmée par la commission suisse de recours en matière d’asile le 15 septembre 2005.

Le canton de Genève était chargé de l’exécution du renvoi.

4. Courant 2005, M. F______ a bénéficié de l’aide d’urgence à Genève. Dans un premier temps il s’est déclaré disposé à prendre contact avec le bureau d’aide au départ (ci-après : BAD) et le consulat du Bénin pour préparer son départ, puis il a disparu.

5. Le 20 janvier 2009, M. F______ a été interpellé par la police de la Ville de Lausanne dans le cadre d’un trafic de cocaïne.

A cette occasion, il est apparu qu’à la fin de l’année 2006, après un séjour en France, M. F______ était revenu en Suisse et s’était identifié à l’aide d’un faux passeport français au nom de N______.

6. Inculpé d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ainsi que d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), M. F______ a été condamné par le Tribunal correctionnel de Lausanne le 7 septembre 2009 à une peine privative de vingt mois de liberté.

Libéré le 18 novembre 2009, il a été remis en mains de la police genevoise.

7. Alors qu’il était détenu à la prison de la Croisée à Orbe, M. F______ a été auditionné, le 17 novembre 2009, par des représentants de l’ambassade du Bénin qui l’ont formellement reconnu.

8. Le 18 novembre 2009 à 14h06, l’officier de police a prononcé un ordre de mise en détention administrative de M. F______ pour une durée de trois mois.

M. F______ faisait l’objet d’une décision fédérale de renvoi de Suisse définitive et exécutoire. Il existait des indices concrets évidents qu’il entendait se soustraire à son refoulement. Il n’avait entrepris aucune démarche concrète en vue d’obtenir des documents de voyage nécessaires à son refoulement et n’avait pas collaboré activement avec les autorités chargées de son renvoi en 2006. De plus, il avait délibérément trompé les autorités au sujet de son identité et de sa nationalité. De surcroît, il avait disparu dans la clandestinité dès le 7 juillet 2006 avant d’être interpellé par la police judiciaire vaudoise le 20 janvier 2009 pour trafic de cocaïne.

Les conditions de l’art. 76 al.1 let. b. ch. 1 et 3 LEtr étant remplies, la mise en détention administrative se justifiait pleinement et était proportionnée aux circonstances pour assurer le renvoi de Suisse de l’intéressé. Dès l’obtention d’un laissez-passer, les démarches nécessaires seraient immédiatement entreprises en vue de réserver un vol pour le refoulement de M. F______ à destination de son pays d’origine.

Cette décision a été notifiée à l’intéressé qui a confirmé par sa signature en avoir pris connaissance et reçu un exemplaire.

9. Interrogé quelques minutes plus tard par l’officier de police, M. F______ a déclaré qu’il s’opposait à son renvoi au Bénin car il n’était pas ressortissant de ce pays. Son père, qu’il n’avait pas connu, était béninois mais sa mère était originaire du Gabon, pays dans lequel il était né. Il acceptait d’être renvoyé au Gabon.

10. Le 19 novembre 2009, l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a reçu confirmation qu’une place pour M. F______ était réservée sur le vol Genève - Cotonou (Bénin) via Casablanca pour le 16 décembre 2009.

11. Ce même 19 novembre 2009, M. F______ a été entendu par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA).

Il était d’accord de repartir pour le Bénin mais souhaitait bénéficier d’un billet d’avion pour ensuite se rendre au Gabon. Informé qu’une place sur un vol simple avait été réservée pour le 16 décembre 2009, il s’est déclaré d’accord de prendre ce vol. Il était opposé à sa détention mais il ne s’opposait pas à son refoulement.

La représentante du commissaire de police a confirmé que la délivrance du laissez-passer devait intervenir sous peu.

Le conseil de M. F______ a confirmé que celui-ci ne s’opposait pas à son départ mais qu’il souhaitait pouvoir récupérer ses effets personnels et partir par ses propres moyens. A titre subsidiaire, il sollicitait la réduction de la détention à un mois.

12. Par décision du 19 novembre 2009, la CCRA a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du 18 novembre 2009 pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 18 janvier 2010.

M. F______ avait délibérément trompé les autorités au sujet de son identité et de sa nationalité. Il avait rompu tout contact avec les autorités chargées d’organiser son retour et avait disparu dans la clandestinité du 7 juillet 2006 au 20 janvier 2009. Le 18 novembre 2009, il avait déclaré au commissaire de police qu’il refusait de retourner au Bénin. Sur le plan pénal, il avait été condamné à une peine privative de liberté pour infraction grave à la LStup et infraction à la LEtr, ce qui impliquait l’application de l’art. 75 let. g LEtr.

Les condition de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1et 3 LEtr étaient réalisées.

La CCRA relevait que les autorités avaient agi avec toute la célérité et la diligence requises.

13. M. F______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte daté du 30 novembre 2009 et reçu utilement le 1er décembre 2009.

Le 26 novembre 2009, il avait sollicité une aide financière de CHF 2'000.- pour partir de ses propres moyens, ce que l’OCP lui avait refusé. Or, l’aide au retour était prévue par les art. 60 et ss LEtr et l’ordonnance d’application, ces dispositions ne limitant pas l’octroi de l’aide en cas d’actes contraires au droit.

La détention administrative pour une durée de deux mois était disproportionnée de même que l’organisation d’un vol spécial puisqu’il était d’accord de partir volontairement.

Il conclut à l’annulation de la décision litigieuse et subsidiairement, à ce que la détention administrative soit limitée au 20 décembre 2009.

14. Le 2 décembre 2009, la CCRA a déposé son dossier sans observations.

15. L’officier de police s’est déterminé le 4 décembre 2009.

Lors de son audition par la police judiciaire le 18 novembre 2009, M. F______ avait confirmé qu’il s’opposait à son renvoi au Bénin car il n’était pas ressortissant de ce pays. Ce n’était que par pure opportunité qu’il avait ensuite déclaré devant la CCRA qu’il était d’accord de partir à destination du Bénin et de prendre le vol du 16 décembre prochain. Ses déclaration contradictoires étaient formulées en pure opportunité afin d’échapper à une détention administrative.

Le recourant avait été condamné pour infraction grave à la LStup, soit un crime au sens du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Dès lors, les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 3 LEtr étaient remplies.

L’autorité intimée peinait à comprendre l’argumentation juridique du recourant dans la mesure où il n’avait jamais été question qu’une mesure de détention administrative ne soit subordonnée à l’octroi ou non d’une aide, et encore moins qu’un recourant puisse assortir son renvoi de conditions. S’il comme il le prétendait, M. F______ était d’accord de prendre le vol du 16 décembre 2009, ce n’était que son refus qui engendrerait des frais supplémentaires et prolongerait d’autant sa détention.

S’agissant de l’aide au départ, sollicitée par le recourant, l’art. 64. al. 1 let. b de l’ordonnance 2 sur l’asile relative au financement du 11 août 1999 (RS 142.312) excluait de l’aide au retour financière les personnes ayant commis un crime ou des délits à plusieurs reprises. Or, le recourant avait été condamné pour infraction grave à la LStup.

Au niveau de la célérité, le recourant avait été auditionné à Berne le 17 novembre 2009 par les représentants de l’ambassade du Bénin et il avait été reconnu comme étant un ressortissant béninois. Les autorités de ce pays devaient faire parvenir dans les prochains jours un laissez-passer directement à swissREPAT. Un formulaire d’inscription pour l’organisation d’un vol DEPU avait été adressé à swissREPAT, vol confirmé pour le 16 décembre 2009. Si le recourant n’acceptait pas de partir de manière volontaire le 16 décembre 2009, un vol DEPA, cas échéant un vol spécial devrait être organisé. Selon l’ODM, un vol spécial à destination du Bénin pourrait être organisé dans le courant du mois de janvier 2010.

L’officier de police a conclu au rejet du recours.

EN DROIT

1. Remis à un office postal le 30 novembre 2009 et reçu le 1er décembre 2009 par le Tribunal administratif, le recours contre la décision de la CCRA du 19 novembre 2009, communiquée le même jour, est recevable étant précisé que le dernier jour du délai était le dimanche 29 novembre, reporté au lundi 30 novembre 2009 (art. 56A al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. b. art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine. Statuant ce jour, il respecte ce délai.

3. Le Tribunal administratif est compétent pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant lui (art. 10 al. 2 LaLEtr). Il peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. Un étranger peut être placé en détention administrative en vue du renvoi si les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b LEtr sont réalisées, à savoir, notamment :

S'il menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. g LEtr) ;

S'il a été condamné pour crime ;

Si des éléments concrets font craindre que l'étranger entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l'art. 90 LEtr ou de l'art. 8 al. 1 let. a ou al. 4  de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) (art. 76 al. 1 ch.3 LEtr).

En l’espèce, le recourant a fait l’objet de la part de l’ODM d’une décision du 1er septembre 2005 de non-entrée en matière sur sa demande d’asile et de renvoi de Suisse, décision confirmée par la commission suisse de recours en matière d’asile le 15 septembre 2005.

En outre, M. F______ a fait l’objet d’une condamnation pénale pour infraction grave à la LStup (trafic de cocaïne). De jurisprudence constante, constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité la participation à un trafic de stupéfiants comme la cocaïne (ATA/523/2009 du 21 octobre 2009 et les réf. citées).

Par ailleurs, le recourant a démontré qu’il entendait se soustraire à son refoulement. Il n’a pas quitté le territoire de la Confédération helvétique dans le délai qui lui avait été imparti par l’ODM pour ce faire. Il n’a entrepris aucune démarche concrète en vue d’obtenir des documents de voyage nécessaires à son refoulement et il n’a pas collaboré activement avec les autorités chargées de son renvoi. Au contraire, il a disparu dans la clandestinité pendant plusieurs années avant d’être interpellé début 2009 par la police vaudoise.

Enfin, il est établi qu’il a tenté de tromper les autorités, notamment en présentant une première demande d’asile sous une fausse identité et une fausse nationalité.

Il en résulte que les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 3 LEtr sont remplies.

5. Outre qu’elle doit être fondée sur un motif légal, la détention doit respecter le principe de proportionnalité.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la détention est subordonnée à la condition que les autorités entreprennent sans tarder les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/601/2009 du 18 novembre 2009 et les réf. citées).

En l’espèce, les autorités chargées de l’exécution du renvoi ont d’ores et déjà réservé un vol à destination de Cotonou pour le 16 décembre 2009. La délivrance du laissez-passer est imminente. Dans ces conditions, la mise en détention administrative et la prolongation de celle-ci ordonnée par la CCRA jusqu’au 18 janvier 2010, soit pour deux mois, représente la seule mesure permettant de s’assurer de la présence de l’intéressé si celui-ci devait s’opposer à son départ le 16 décembre 2009 et qu’un vol spécial doive alors être organisé.

Il s’ensuit que la décision litigieuse respecte à la fois le principe de la légalité, de la proportionnalité et de l’adéquation et qu’elle ne peut être que confirmée.

6. Les considérations du recourant concernant l’aide d’urgence sont manifestement infondées, au regard du texte clair de l’art. 64 al. 1 let b de l’ordonnance 2 sur l’asile relative au financement des lors qu’il est établi qu’il a été condamné pour crime. A cela s’ajoute, qu’elles sont exorbitantes de l’objet du litige lequel est limité à l’examen de la légalité et de l’adéquation de la mise en détention administrative.

7. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 11 al. 1 du règlement sur les frais et émoluments en procédure administrative du 7 janvier 2009 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2009 par Monsieur F______ contre la décision du 19 novembre 2009 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l’officier de police, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations à Berne ainsi qu’au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :