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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/476/2015

ATA/252/2015 du 05.03.2015 sur JTAPI/201/2015 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/476/2015-MC ATA/252/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2015

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christophe Zellweger, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 février 2015 (JTAPI/201/2015)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1987, est un ressortissant albanais, titulaire d’un passeport biométrique valable jusqu’au 27 juillet 2021.

2) Il a été appréhendé par la police genevoise le 15 avril 2013 et prévenu d’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), puis arrêté et écroué à la prison de Champ-Dollon.

3) Par décision du 22 avril 2013, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______ en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) dans la mesure où « ses moyens financiers [étaient] insuffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine » et que son séjour constituait une « menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la Suisse ».

4) Par jugement du 31 octobre 2013, le Tribunal correctionnel a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de deux ans et demi, sous déduction de deux cents jours de détention avant jugement, l’a mis au bénéfice d’un sursis partiel, a fixé la partie à exécuter de ladite peine à quinze mois, l’a mis au bénéfice du sursis pour le solde (quinze mois) et fixé la durée du délai d’épreuve à trois ans.

Sous « situation personnelle du prévenu », le Tribunal correctionnel a retenu que l’intéressé était célibataire et sans enfant. Il était au bénéfice d’une formation de chauffeur dans son pays et avait travaillé en Albanie en cette qualité durant deux ans, entre vingt et vingt-deux ans, puis, après un an de chômage, pendant un an encore. À vingt-quatre ans, il avait appris qu’il souffrait de diabète et n’avait dès lors plus travaillé. Il était venu en Suisse dans le but de se soigner et de faire des analyses plus poussées sur sa maladie. Son état de santé nécessitait des injections d’insuline environ six fois par jour. Sa famille habitait une maison à Tirana, dont elle était propriétaire. Il était arrivé en Suisse avec EUR 5'000.-, prêtés par un ami. Il devait les rembourser. Il était hébergé à titre gracieux par une tierce personne dont le frère de M. A______ était l’ami intime.

L’activité délictuelle de M. A______ avait porté sur 450 gr d’héroïne au taux de pureté de 8.4 % et 100 gr au taux de pureté de 37 %. L’intéressé n’était pas un simple exécutant, il collaborait avec son frère pour la livraison de la drogue et le remplaçait pour la prise des commandes en son absence. Ils avaient agi par appât du gain facile. S’il était notoire que les conditions de vie n’étaient pas faciles en Albanie, aucun élément objectif du dossier n’établissait que cela était le cas pour les intéressés. Le témoignage d’une tierce personne indiquait à cet égard que leur situation financière était plutôt favorable. De plus, ils étaient capables de travailler et bénéficiaient de l’hospitalité dudit tiers. Le fait que le frère de l’intéressé ait acheté un véhicule BMW démontrait qu’ils n’étaient pas dans un état de misère. Les prévenus avaient également pu faire des envois d’argent à leur famille. Ils avaient donc le choix de ne pas entrer dans la délinquance. Si leur situation personnelle n’était vraisemblablement pas facile, en raison du décès de leur père, de la grave maladie de leur mère et de celle de M. A______, elle ne saurait justifier leur activité délictueuse au préjudice de la santé de nombreux toxicomanes.

La collaboration des prévenus avait été moyenne, dès lors qu’ils avaient commencé par nier leur implication dans le trafic ou son ampleur, avant d’admettre en grande partie les faits lors de la dernière audience devant le Ministère public, après avoir eu connaissance du résultat des écoutes téléphoniques.

5) Le 27 novembre 2013, l’office fédéral de la justice (ci-après : OFJ) a prononcé, à l’encontre de M. A______, une ordonnance de détention provisoire à titre extraditionnel.

Une procédure référencée 1______ a été ouverte au Ministère public genevois. Lors de l’audience du 16 décembre 2013, M. A______ s’est opposé à son extradition. Il n’avait « rien à voir avec cette affaire de meurtre ».

6) Le 17 janvier 2014, l’OFJ a prononcé un mandat d’arrêt en vue d’extradition à l’encontre de M. A______. L’intéressé était toujours détenu à la prison de Champ-Dollon, en exécution de peine.

7) Le 11 juillet 2014, en réponse à une note diplomatique de l’OFJ, les autorités albanaises compétentes ont indiqué que les empreintes papillaires trouvées sur les lieux des faits commis ne correspondaient pas aux empreintes de M. A______.

8) Le 14 juillet 2014, l’OFJ a révoqué le mandat d’arrêt extraditionnel du 17 janvier 2014 et a ordonné la libération immédiate de M. A______, sous réserve de l’éventualité où il se trouverait encore incarcéré pour les besoins d’une procédure suisse.

9) M. A______ a été libéré le 14 juillet 2014 et immédiatement remis entre les mains des services de police en vue de l’exécution de son renvoi.

L’officier de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de vingt-et-un jours, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr, en lien avec l’art. 75 al. 1 let. g et h LEtr et l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr.

À l’officier de police, M. A______ a déclaré qu’il n’entendait pas retourner en Albanie, dans la mesure où il y était poursuivi, à tort, pour meurtre. Il a en outre indiqué qu’il suivait un traitement contre le diabète.

10) L’ordre de mise en détention du 14 juillet 2014 a été confirmé par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 18 juillet 2014 pour une durée de vingt-et-un jours (JTAPI/802/2014).

Cette détention a été régulièrement prolongée par les jugements des 31 juillet 2014 (JTAPI/835/2014), 2 septembre 2014 (JTAPI/933/2014), 18 septembre 2014 (JTAPI/1008/2014), 21 octobre 2014 (JTAPI/1161/2014), 16 décembre 2014 (JTAPI/1415/2014) et par le jugement dont est recours du 18 février 2015 (JTAPI/201/2015).

11) Le 21 juillet 2014, M. A______ a refusé de monter à bord de l’avion qui devait le reconduire en Albanie.

12) a. Le 22 juillet 2014, M. A______ a déposé une demande de reconsidération de la décision de renvoi prise à son encontre le 22 avril 2013 par l’OCPM. Il a conclu à l’annulation de ladite mesure, au constat de son caractère illicite et à ce qu’il puisse être admis provisoirement en Suisse. Il se fondait principalement sur le rejet de la demande d’extradition des autorités albanaises.

b. Par décision du 30 juillet 2014, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a rejeté la demande de reconsidération. Il ne disposait pas d’« éléments suffisants en l’état pour savoir si l’exécution du renvoi (administratif) dans le pays serait contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international ». L’OCPM suspendait toutefois l’exécution du renvoi jusqu’à l’examen et l’obtention d’informations sur ce point.

Le 22 août 2014, l’OCPM a soumis le cas de M. A______ à l’office fédéral des migrations, devenu depuis le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), lui demandant de lui faire savoir si le renvoi en Albanie était possible.

Par réponse du 25 août 2014, le SEM a indiqué que les autorités albanaises s’étaient engagées à garantir l’accès à l’intéressé, en cas de détention, à un représentant des autorités suisses sur place. L’Albanie avait été reconnue, par le Conseil fédéral, comme étant un pays sûr (« safe country »). Un ressortissant albanais était en principe à l’abri de toute persécution. Le SEM était d’avis que l’exécution du renvoi de l’intéressé en Albanie était licite. Il n’était pas établi que M. A______ encourrait des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), ni qu’il ne pourrait faire valoir ses droits dans une éventuelle procédure pénale.

c. Le 1er septembre 2014, l’OCPM a transmis la réponse du SEM à l’intéressé. L’OCMP considérait que son renvoi en Albanie était licite. Dans la mesure où la décision de renvoi prise le 22 avril 2013 était définitive et exécutoire, un délai au 8 septembre 2014 était imparti à M. A______ pour quitter le territoire helvétique.

d. Le 5 septembre 2014, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision de l’OCMP du 30 juillet 2014 et la « décision » du 1er septembre 2014. Il a préalablement conclu à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à l’annulation des deux décisions litigieuses. La cause a été référencée sous le numéro A/2649/2014.

e. Par décision sur mesures provisionnelles du 22 septembre 2014, le TAPI a suspendu l’exécution du renvoi de M. A______ jusqu’à droit jugé au fond (DITAI/453/2014). L’enjeu du recours consistait, sur le fond, à déterminer si le retour de M. A______ en Albanie le conduirait à subir un procès inéquitable dans le cadre duquel il serait par avance condamné à une lourde peine privative de liberté. À l’instar d’une situation dans laquelle se jouerait la question d’une admission provisoire en raison d’un problème médical susceptible d’entraîner la mort en cas de retour dans le pays d’origine, le refus des mesures provisionnelles, en l’occurrence, réduirait par avance à néant la possibilité que le jugement déploie ses effets en cas d’admission du recours sur le fond.

f. Par jugement du 16 février 2015 (JTAPI/185/2015), le TAPI a rejeté le recours formé par M. A______ contre la décision de renvoi de l’OCPM du 30 juillet 2014 (cause A/2649/2014). L’exécution de la mesure était licite, possible et raisonnablement exigible. Le recourant développait en réalité une argumentation tendant à son admission provisoire en raison de l’illicéité de son renvoi. Le renvoi était possible. Le TAPI ne disposait d’aucun élément permettant de retenir que le renvoi du recourant serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse. L’argument de la maladie du recourant ne pouvait être retenu. Son renvoi était exigible.

13) Le 17 février 2015 s’est tenue une audience devant le TAPI relative à la septième demande de prolongation de détention administrative, déposée par l’OCPM, à l’encontre de M. A______ et ayant abouti au jugement du 18 février 2015 dont est recours.

À cette occasion, l’OCPM a indiqué que, compte tenu du jugement prononcé la veille par le TAPI, qui avait confirmé la décision de renvoi prise à l’encontre de M. A______, il s’apprêtait à communiquer un nouveau délai de départ à ce dernier.

L’audience a été suspendue quinze minutes, de façon à ce que le conseil de M. A______ puisse s’entretenir avec son client, lequel n’avait pas eu connaissance du jugement de la veille.

À la reprise de l’audience, l’OCMP a corrigé ses précédentes déclarations. Conformément à l’art. 64 d al. 2 let. a LEtr, l’OCPM considérait que le renvoi devait être exécuté immédiatement. Le représentant ignorait pourquoi ce constat n’avait pas été opéré le 1er septembre 2014, date à laquelle l’OCPM avait fixé un délai de départ de sept jours à M. A______.

M. A______ a maintenu sa position et refusé de retourner en Albanie, considérant que sa vie y était en danger. Il a conclu à sa libération immédiate.

14) Par jugement du 18 février 2015, le TAPI a prolongé la détention de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 24 avril 2015.

La détention administrative en vue du refoulement n’impliquait pas que la décision de renvoi, sur laquelle elle repose, soit définitive et exécutoire.

La position adoptée par l’OCPM n’avait pas été tout à fait univoque au cours de la procédure. Dans un premier temps, le 22 avril 2013, il avait clairement déclaré le renvoi immédiatement exécutoire, en application de l’art. 64 d al. 2 let. a LEtr. La décision de renvoi du 30 juillet 2014 était ensuite quelque peu ambiguë, dans la mesure où, déclarée exécutoire nonobstant recours, elle indiquait que l’exécution du renvoi était suspendue. Un délai de départ avait été ensuite fixé le 1er septembre 2014 au 8 septembre suivant. L’OCPM ne s’était plus prévalu, à ce stade, du fait que l’intéressé constituerait « une menace pour la sécurité et l’ordre public et pour la sécurité intérieure ou extérieure » au sens de l’art. 64 d al. 2 let. a LEtr. Cette question n’avait toutefois pas de réelle incidence sur la prolongation de la détention.

Selon l’art. 79 al. 1 LEtr, la détention en vue du renvoi ne pouvait excéder six mois au total. Elle pouvait être prolongée si l’intéressé ne coopérait pas avec l’autorité compétente. Tel était le cas, au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral, notamment son refus, le 21 juillet 2014, de monter dans un avion et ses déclarations faites devant le Tribunal le 17 février 2015 encore.

Se fondant sur une jurisprudence relative à la détention pour insoumission, le TAPI a retenu qu’il serait illogique de retenir que le refus d’obtempérer à la décision de renvoi permette la prolongation de la détention jusqu’à dix-huit mois sous l’angle de l’art. 78 LEtr alors qu’il ne le permettrait pas sous celui de l’art. 76 LEtr.

Le renvoi de M. A______ n’apparaissait pas illicite, impossible ou non raisonnablement exigible.

15) Par acte du 27 février 2015, M. A______ a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a conclu à l’annulation de celui-ci et à sa mise en liberté immédiate, le tout sous suite de frais et dépens.

Le TAPI avait erré dans sa définition de l’obligation de collaborer, autorisant la prolongation, au-delà de six mois, d’une détention administrative. La doctrine faisait la distinction entre la portée de cette obligation sur le plan formel (assimilable à une obligation de résultat) et sur le plan matériel (se rapprochant d’une obligation de moyens, l’administré devant « faire des efforts »). De même, le Tribunal fédéral avait eu l’occasion de cerner les contours de l’obligation de collaborer d’un administré dans le cadre d’une procédure LEtr et de relever également les distinctions devant impérativement être faites en fonction de type de détention auquel l’administré était soumis. La détention de l’art. 76 LEtr avait pour but de permettre le renvoi, alors que celle pour insoumission devait permettre d’obtenir le changement de comportement de l’intéressé. L’obligation de collaborer n’était pas identique.

La collaboration de M. A______ avait été totale dès son arrestation en avril 2013 dans le cadre de la procédure pénale. Il avait répondu aux questions qui lui avaient été posées, reconnu les faits qui lui étaient reprochés et accepté le prononcé de la peine infligée par les juges de première instance du Tribunal correctionnel. Sa collaboration s’était poursuivie dans le cadre de la procédure d’entraide internationale en matière pénale, que cela soit devant le Ministère public genevois ou par-devant l’OFJ. Il avait enfin collaboré à l’établissement des faits le concernant dans le cadre de la procédure administrative et s’était donc parfaitement plié aux exigences légales décrites très précisément à l’art. 90 LEtr et la doctrine précitée. Dès le moment où il avait eu connaissance de l’ouverture d’une procédure pénale en Albanie à son encontre, il n’avait eu de cesse de clamer son innocence et sa peur quant à l’existence manifeste d’une cabale à son encontre. Il avait tenté d’apporter le maximum de preuves qu’il avait en sa possession. Ces démarches avaient permis de mettre en exergue le manque de sérieux et l’absence de fondement de la demande internationale d’extradition. C’était logiquement que l’OFJ avait refusé l’extradition de M. A______ et archivé la demande de l’Albanie.

Il avait par ailleurs fourni aux autorités suisses la preuve de la gravité de son état de santé, nécessitant un contrôle permanent de son taux de glycémie. Il avait mis en exergue les lacunes béantes du système carcéral albanais qui ne fournissait aucune médication aux détenus qui y étaient incarcérés. Dans ces conditions, une pareille détention, en étant privé de son insuline, équivaudrait pour l’intéressé à une condamnation à mort.

Compte tenu de la coopération de l’intéressé, les conditions de l’art. 79 al. 2 LEtr n’étaient pas remplies. Partant, la prolongation de la détention autorisée par le TAPI était manifestement illicite. Le jugement devait être annulé.

Le TAPI avait décidé d’éluder les dispositions légales et avait interprété la loi à la lumière de la jurisprudence fédérale. Il s’était toutefois basé sur un arrêt relatif à une détention pour insoumission (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2013) non pertinent en l’espèce, M. A______ étant détenu non pas pour insoumission (art. 78 LEtr), mais en vue de son renvoi (art. 76 LEtr).

16) Le 27 février 2015, le TAPI a indiqué n’avoir pas d’observations à formuler.

17) Par réponse du 4 mars 2015, l’OCPM a conclu au rejet du recours. L’intéressé n’avait contesté ni l’ordre de mise en détention, ni les différentes prolongations administratives prononcées par le TAPI, ne remettant ainsi pas en cause la légalité et la validité de sa détention. Il s’était toujours opposé à retourner en Albanie. Son refus d’accepter un vol ordinaire et son opposition constante à accepter de retourner dans son pays démontraient clairement son refus de collaborer. Or, si on devait admettre qu’il se justifiait de libérer un détenu au seul motif qu’il continuait à s’opposer à son renvoi, on ferait perdre tout sens à la durée maximale de la détention fixée à l’art. 79 LEtr, qui prévoyait du reste que le refus de coopérer de la personne concernée justifiait de prolonger la durée maximale de détention à douze mois. Comme l’avait relevé le TAPI dans le jugement dont il était recours, il serait illogique de retenir que le refus d’obtempérer à la décision de renvoi permette la prolongation de la détention jusqu’à dix-huit mois sous l’angle de l’art. 78 LEtr, alors qu’elle ne le permettrait pas sous l’angle de l’art. 76 LEtr. Force était ainsi d’admettre une lacune dans la loi que le législateur n’avait pas voulue.

Parmi les pièces produites par l’OCPM, se trouvait copie d’une correspondance du conseil de M. A______ du 23 février 2015 adressée à l’OCPM par laquelle il annonçait qu’il interjetterait recours dans le délai de trente jours, arrivant à échéance le 18 mars 2015, contre le jugement du TAPI du 16 février 2015 (JTAPI/185/2015). La décision de renvoi bénéficiait d’un effet « super-suspensif » durant l’écoulement du délai de recours et ne pouvait être mise en œuvre vu son caractère non exécutoire.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté le 27 février 2015 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties 18 février 2015, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours 27 février 2015 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5) a. L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 LEtr (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

L’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr décrit des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition. Ces deux éléments doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1). Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation, ce d’autant qu’il doit en principe entendre l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3).

b. De plus, l’étranger faisant l’objet d’une décision de renvoi peut être placé en détention administrative en vue de l’exécution de celle-ci s’il a été condamné pour crime ou s’il menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamné pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g et let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr).

6) a. En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision fédérale de renvoi de Suisse, dont l’exécution a été suspendue par décision du TAPI du 22 septembre 2014, sur mesures provisionnelles, jusqu’à droit connu sur le fond. Le jugement du TAPI, au fond, est intervenu le 16 février 2015. Il n’est ni définitif ni exécutoire, et l’intéressé a d’ores et déjà annoncé qu’il entendait recourir.

La jurisprudence a toutefois précisé que la condition nécessaire et cumulative de l’art. 76 al. 1 LEtr qu’une décision de renvoi ait été notifiée, n’impliquait pas qu’elle soit définitive et exécutoire (ATF 130 II 377 in RDAF 2005 649). Cette condition est en conséquence remplie en l’espèce.

b. Le 31 octobre 2013, le recourant a été reconnu coupable d’infraction à l’art. 19 al. 2 let. a LStup notamment, soit un crime au sens de l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). La mise en détention administrative sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. h LEtr est fondée. Ce seul motif suffit à fonder la détention en vue de renvoi ou de l’expulsion.

Par ailleurs les cas de mise en détention en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr, et 76 al. 1 let. b ch. 1 en référence à l’art. 75 al. 1 let. g LEtr sont aussi remplis, compte tenu de la condamnation pénale pour trafic d’héroïne dont a fait l’objet le recourant, de la procédure pénale pour meurtre en cours en Albanie qui implique que l’intéressé risque de partir dans la clandestinité s’il devait être libéré, de ses affirmations constantes qu’il n’entend pas retourner en Albanie, de son absence de revenus et de logement actuels. L’intéressé ne semble d’ailleurs pas contester, dans le cadre du présent recours, la réalisation des conditions de mise en détention et ne les avait pas remises en cause lors de sa mise en détention et des prolongations régulières de celle-ci.

7) Le recourant conteste le droit de l’intimé de prolonger la durée de la détention administrative en vue du renvoi au-delà de six mois, l’intéressé ayant toujours collaboré conformément à ce qui peut être exigé dans le cadre d’une détention en vue du renvoi et non pas au titre d’insoumission.

Selon l'art. 79 al. 1 LEtr, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEtr ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEtr ne peuvent excéder six mois au total. Cette durée peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEtr). L'art. 79 al. 2 LEtr n'instaure pas un nouveau régime de détention dont les conditions s'apprécieraient distinctement de celles de l'art. 79 al. 1 LEtr. Il s'agit de la simple extension de la durée maximale possible de la mesure, notamment lorsque la personne concernée ne collabore pas.

Les parties ne contestent pas, à juste titre, que tant la détention en vue de renvoi et d’expulsion de l’art. 76 LEtr que celle pour insoumission peuvent être prolongée de douze mois au sens de l’art. 79 al. 2 LEtr ( arrêts du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 3.1 ; 2D_66/2011 du 13 décembre 2011 consid. 7.2 ; message du Conseil fédéral à l'appui d'une loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers du 22 décembre 1993, Feuille fédérale, 1994, vol. I, p. 322).

8) Le recourant conteste que l’une des deux conditions alternatives de l’art. 79 al. 2 LEtr, nécessaire pour une prolongation, soit réalisée. La deuxième hypothèse n’étant pas pertinente en l’espèce (let. b), seule se pose la question de savoir si la condition que la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente est remplie (let. a).

a. Le recourant se fonde sur un arrêt du Tribunal fédéral pour distinguer l’obligation de collaborer dans les cas de détention pour insoumission et ceux de détention en vue du renvoi ou de l’expulsion.

L’arrêt cité par le recourant traite du cas d’un détenu pour insoumission (art. 78 LEtr). « Or, contrairement à l'objectif de la détention en vue du renvoi, qui est de permettre l'exécution du renvoi de l'étranger en évitant qu'il disparaisse dans la clandestinité (cf. art. 76 LEtr), la détention pour insoumission vise à obtenir un changement de comportement de la personne concernée et ne se justifie que si sa détention en vue du renvoi n'est plus possible sans sa coopération (cf. art. 78 LEtr ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.3.2 ; THOMAS HUGI YAR, Zwangsmassnahmen im Ausländerrecht, Ausländerrecht, 2009, § 10 p. 460 et 481). C'est du reste pour tenir compte de cette différence que l'art. 78 al. 6 let. a LEtr prévoit, par opposition à l'art. 80 al. 6 let. a LEtr (MINH SON NGUYEN, Les renvois et leur exécution en droit suisse, in Les renvois et leur exécution, 2011, p. 189), que la détention pour insoumission est levée si un départ de Suisse volontaire et dans les délais prescrits n'est pas possible, bien que l'étranger se soit soumis à l'obligation de collaborer avec les autorités. En d'autres termes, tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut pas se prévaloir de l'art. 80 al. 6 let. a LEtr en cas de détention pour insoumission. Il ne peut faire valoir l'impossibilité du renvoi pour justifier sa libération que si cette situation n'est pas en lien avec son obligation de collaborer en application de l'art. 78 al. 6 let. a LEtr » (arrêt du Tribunal fédéral du 12 septembre 2011 dans la cause 2C_624/2011).

b. L’OCPM admet une lacune de la loi, admettant qu’il serait illogique de retenir que le refus d’obtempérer à la décision de renvoi permette la prolongation jusqu’à dix-huit mois sous l’angle de 78 LEtr alors qu’il ne le permettrait pas sous celui de l’art. 76 LEtr.

c. Toutefois, il ressort de la jurisprudence, précisément relative à la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion et non de l’insoumission, que le refus d'accepter un vol ordinaire pour être rapatrié constitue un défaut de collaboration pouvant justifier la prolongation de ladite détention (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr) au sens de l’art. 79 al. 2 let. a LEtr (arrêt du Tribunal fédéral 2C_572/2013 du 11 juillet 2013). En conséquence, le refus du recourant de prendre l’avion le 21 juillet 2014 constitue un défaut de collaboration, pouvant justifier l’application de l’art. 79 al. 2 let. a LEtr.

Par ailleurs, de jurisprudence constante, tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEtr, est aussi valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEtr (ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

Contrairement à ce que soutient le recourant, il ne lui est pas tenu grief de faire valoir ses droits en justice. Si le fait d’user de ses droits, notamment en interjetant recours, n’est pas qualifiable de refus de collaboration, la détermination de l’intéressé de ne pas retourner en Albanie, maintes fois répétée, y compris lors de l’audience du 18 février 2015 devant le TAPI, remplit la condition du défaut de collaboration même en cas de détention en vue de renvoi ou d’expulsion. Enfin, les appréciations du recourant quant à sa collaboration en matière pénale doivent être largement relativisées, le Tribunal correctionnel l’ayant qualifiée de moyenne, compte tenu du fait qu’il n’avait avoué les faits qu’après avoir été confronté aux résultats des écoutes téléphoniques.

Dans ces conditions, il doit être retenu que le recourant ne coopère pas, au sens de la jurisprudence, avec l’autorité compétente et que la condition de l’art. 79 al. 2 let. a LEtr est remplie.

9) a. Selon l’art. 80 al. 4 LEtr, l’autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-là doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, ou qu’elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEtr.

Le renvoi ne peut être raisonnablement exigé si l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, ou de nécessité médicale, sa vie étant mise en danger du fait de l’impossibilité de poursuivre dans son pays un traitement médical indispensable (art. 83 al. 4 LEtr ; ATA/244/2012 du 24 avril 2012 ; ATA/159/2011 du 8 mars 2011).

b. En l’espèce, le SEM a indiqué que le renvoi du recourant était possible, licite et raisonnablement exigible, après contacts avec l’OFJ et prise de renseignements supplémentaires, rapportés par courriel du 25 août 2014.

Concernant l’état de santé du recourant, il ne ressort pas du dossier que son renvoi ne remplisse pas les conditions de l’art. 80 LEtr, au stade de l’analyse de la situation par le juge du contrôle de la détention.

S’il est exact qu’au jour où le présent arrêt est rendu le recourant ne peut pas voir son renvoi exécuté compte tenu du délai de recours contre le jugement du TAPI du 16 février 2015, la situation devrait se clarifier rapidement, dès l’échéance du délai, voire dès une éventuelle décision de la chambre administrative sur mesures provisionnelles selon les conclusions prises par le recourant. En l’état, la prolongation de la détention administrative de deux mois pourra être confirmée, le recourant conservant la possibilité de déposer une demande de mise en liberté selon l’évolution du dossier (art. 80 al. 5 LEtr et 7 al. 4 let. g LaLEtr).

10) L’autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches permettant l’exécution de la décision de renvoi (art. 76 al. 4 LEtr). La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 Cst.

a. S'agissant de la célérité des autorités suisses, celles-ci se sont rapidement renseignées sur la situation en Albanie lors de la suspension de l’exécution du renvoi en juillet 2013. Les démarches ont par la suite été manifestement freinées compte tenu de la décision sur mesures provisionnelles du 22 septembre 2014 du TAPI. Rien n’indique qu’elles ne seront pas reprises immédiatement dès que la situation juridique en lien avec la procédure A/2649/2014 sera tranchée. Le recourant n’allègue d’ailleurs aucun grief à l’encontre de l’intimé à ce titre.

b. Le recourant a été placé en détention administrative le 14 juillet 2014. Dès lors que la détention est due à son absence de coopération avec les autorités chargées de l’exécution de son renvoi, la décision de prolonger la détention administrative - qui s’inscrit dans le cadre des dix-huit mois de détention autorisés - respecte le cadre légal. Le maintien en détention administrative en vue du renvoi, pour une durée de deux mois est dès lors conforme au principe de la proportionnalité, aucune mesure moins incisive ne permettant d’assurer la présence de l’intéressé le jour où l’exécution du renvoi pourrait avoir lieu.

11) Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2015 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 février 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christophe Zellweger, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :