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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/514/2024

JTAPI/519/2025 du 13.05.2025 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/900/2025

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/514/2024 ICCIFD

JTAPI/519/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Jean-Marie CRETTAZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

I.               Contexte

1.             Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les contribuables) sont mariés et domiciliés à l’avenue C______ 1______(D______).

2.             Le litige porte sur une procédure en rappel d’impôt et en soustraction fiscale ouverte à l’encontre des contribuables pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) de la période fiscale 2010.

3.             L’AFC-GE a également ouvert une procédure en rappel d’impôt et soustraction fiscale à l’encontre des contribuables pour les périodes fiscales 2011 à 2019. Le dossier est actuellement en cours d’instruction.

II.            Activités du contribuable

4.             Le contribuable exerçait une activité indépendante de conseil et de gestion en matière financière.

5.             De mars 2000 à octobre 2015, il a été administrateur d’E______ SA, société inscrite au Registre du commerce du canton de Genève, active dans la gérance de fortune et radiée depuis 2019.

6.             Le 30 juin 2005, il a ouvert auprès du F______ une relation bancaire au nom de « No 2______ G______ » (ci-après : le compte G______). Il était désigné comme ayant droit économique des valeurs patrimoniales déposées auprès de cette relation et la correspondance y relative devait être adressée à E______ SA. Cette dernière disposait d’une procuration limitée pour gérants de fortune externes sur le compte.

7.             À teneur d’un formulaire A daté du 15 mai 2009, le contribuable était également l’ayant-droit économique d’un compte no 3______, ouvert auprès du F______ au nom de H______ LTD (ci-après : le compte H______ LTD). Ce compte avait été ouvert le 18 août 1998 et le formulaire d’ouverture prévoyait que la correspondance devait être adressée au contribuable.

8.             Le contribuable était en outre actionnaire de I______ SA, sise en République dominicaine, laquelle exploitait la plus grande blanchisserie industrielle des Caraïbes. Selon ses affirmations, il détenait une part minoritaire représentant 6% du capital-actions de I______ SA. Il avait été un ami du fondateur, qu’il avait aidé à constituer et à lancer cette société. Lorsque celui-ci était décédé à la fin de l’année 2008, il avait proposé de diriger de I______ SA et en avait convaincu les autres actionnaires.

9.             Le contribuable était par ailleurs un ami proche de Monsieur J______. Tous deux se connaissaient depuis 1972 et entretenaient une relation d’affaire de longue date, essentiellement sous forme d’une activité de conseil du contribuable en faveur de M. J______ et de sa famille.

10.         En 2004, le contribuable a créé, d’entente avec M. J______, la société K______ SA, sise aux Iles Vierges Britanniques. Il en était l’administrateur unique.

11.         En octobre 2008, il a ouvert, en accord avec M. J______, une relation bancaire pour le compte de K______ SA auprès de la banque L______ & Cie SA (ci-après : la banque L______), sise à Genève. Il était identifié en tant qu’ayant droit économique de ladite relation et disposait de la signature individuelle sur les comptes ouverts au nom de K______ SA.

12.         Le 7 novembre 2008, il a conclu avec M. J______ un contrat de fiducie relatif à K______ SA.

Ce contrat prévoyait en substance qu’il était propriétaire à titre fiduciaire de la totalité des actions de K______ SA, lesquelles appartenaient entièrement à M. J______, et qu’il était autorisé à ouvrir un compte bancaire au nom de K______ SA auprès de la banque L______ (art. 2, 3 et 10). Il serait enregistré comme bénéficiaire économique des avoirs déposés auprès de la banque (art. 3) et disposerait d’une procuration générale avec signature individuelle sur le compte (art. 5). Il bénéficierait également d’un mandat de gestion, étant précisé qu’il pourrait en tout temps sous-traiter cette gestion à E______ SA à Genève (art. 9). M. J______ ferait transférer certains avoirs sur ce compte dans le cadre de prêts octroyés et d’ordres d’investissement à K______ SA par une entité tierce (art. 6). Les avoirs seraient gérés par le contribuable selon une philosophie de « bon père de famille » (art. 9) et celui-ci n’encourrait aucune responsabilité personnelle pour les engagements de K______ SA (art. 8). En contrepartie de ses services de fiducie et de gestion, il serait autorisé à débiter le compte de K______ SA d’une commission de fiducie de 1% par an, prélevée trimestriellement sur la valeur des actifs nets (art. 11).

III.          Procédure de taxation ICC et IFD 2010

13.         Par bordereaux et avis de taxation du 9 novembre 2011, les contribuables ont été taxés d’office sur la base d’un revenu imposable ICC de CHF 179'961.-, d’une fortune imposable ICC de CHF 88'901.- et d’un revenu imposable IFD de CHF 180'600.-.

14.         Par décisions sur réclamation du 13 septembre 2012, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) a déclaré la réclamation formée par les contribuables à l’encontre de ces taxations irrecevable pour cause de tardiveté.

15.         Par courrier du 18 décembre 2013, les contribuables ont formé une demande de révision pour la période fiscale 2010. Ils ont fait valoir, en substance, que leur revenu imposable avait été très nettement surévalué et qu’ils n’étaient pas en mesure de s’acquitter des sommes dues.

16.         Après avoir sollicité divers renseignements, l’AFC-GE est entrée en matière sur cette demande de révision. Par décisions du 7 juillet 2014 entrées en force, elle a émis des bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2010, en retenant un revenu imposable ICC de CHF 95'074.-, un revenu imposable IFD de CHF 104'600.- et une fortune imposable nulle.

À teneur de l’avis de taxation relatif à l’activité indépendante, le bénéfice net de l’activité indépendante du contribuable s’élevait à CHF 1'792.-, soit CHF 71'000.- de produits d’exploitation moins CHF 69'208.- de charges. Les cotisations sociales admises en déduction des revenus de l’activité indépendante se montaient à CHF 4'905.-, soit le montant déclaré par le contribuable.

L’ICC s’élevait par conséquent à CHF 12'815.- et l’IFD à CHF 2'447.-.

IV.         Procédure pénale auprès du Ministère Public de la Confédération

17.         Au mois de juillet 2015, le Ministère Public de la Confédération (ci-après : le MPC) a ouvert une procédure pénale SV .4______ (ci-après : la procédure pénale) à l’encontre des contribuables.

18.         À teneur des documents bancaires produits dans le cadre de cette procédure, d’importants montants avaient été crédités sur la relation bancaire de K______ SA auprès de la banque L______ durant l’année 2010. De nombreux débits avaient également été effectués, sous forme de retraits ou de virements bancaires.

19.         En date des 6 août 2015, 4 mars 2016 et 8 novembre 2016, le MPC a entendu le contribuable en qualité de prévenu dans le cadre de ladite procédure.

20.         Lors de ces auditions, le contribuable a reconnu que les débits sur le compte de K______ SA avaient été effectués tant pour ses intérêts que pour ceux de M. J______. Il a admis qu’une partie de ces débits étaient intervenus sans que M. J______ en soit informé. Il avait falsifié les relevés bancaires remis à M. J______ en supprimant les retraits et les virements effectués à son insu afin de dissimuler ses agissements. Selon les investigations menées par le MPC, une comparaison des relevés remis à M. J______ et de ceux retrouvés dans les données informatiques du contribuable révélait que des transactions pour un montant total de USD 7'293'239.-, CHF 1'663'668.-, EUR 79'450.- et GBP 36’246.-n’apparaissaient pas dans les premiers relevés.

À teneur des déclarations du contribuable, l’investissement le plus important qu’il avait effectué au fil du temps pour le compte de K______ SA concernait I______ SA. Cet investissement avait pris la forme d’un prêt. Le contribuable figurait parfois comme prêteur à côté de K______ SA dans la comptabilité de I______ SA. Dans son esprit, l’ensemble des prêts provenaient cependant de K______ SA et devaient être remboursés par cette dernière à I______ SA. Aucun remboursement n’était encore intervenu et les deux sociétés n’avaient pas convenu quand tel serait le cas. Il avait été défini que I______ SA procéderait à des remboursements quand son cash-flow serait positif.

Le contribuable a reconnu avoir effectué l’investissement dans I______ SA de son propre chef, sans en informer M. J______. Il a confirmé avoir procédé à l’insu de ce dernier, dès lors qu’il n’aurait très vraisemblablement pas obtenu son accord pour agir en ce sens.

Le contribuable a également admis détenir le compte ouvert au nom de H______ LTD selon les termes suivants : « J’ai également un compte de société qui s’appelle H______ LTD, société irlandaise avec un compte au F______, depuis une vingtaine d’années. J’en parle car c’est sur ce compte que vont les rétrocessions de fonds de placement. Ces rétrocessions sont redistribuées à des apporteurs d’affaires et ne me produisent pas un revenu net. Le revenu lié à ces rétrocessions est moindre. »

21.         Dans un courrier adressé le 18 avril 2019 au MPC, le contribuable a notamment exposé que le contrat de fiducie conclu avec M. J______ ne limitait aucunement sa liberté de disposer des fonds déposés au nom de K______ SA auprès de la banque L______. Ce contrat ne prévoyait pas non plus de devoir d’information particulier sur la gestion des avoirs. Le contribuable jugeait d’ailleurs qu’il était dans l’intérêt de M. J______ qu’il effectue un certain nombre d’investissements hors du champ de connaissance de ce dernier, afin de consolider sa propre position d’ayant droit économique vis-à-vis de la banque L______. Ceci lui permettait également de protéger la sphère fiscale de M. J______, ce qui constituait l’objectif premier de la structure en place. Ces investissements étaient naturellement aussi censés produire des rendements intéressants et, pour ce qui concernait ceux qui avaient été dirigés vers la République Dominicaine, de constituer une première étape dans le déplacement du patrimoine de K______ SA hors de Suisse (cf. p. 5 et 9).

Le contribuable a notamment annexé au courrier susmentionné des tableaux résumant les « sorties de fonds effectuées par PC sous sa seule autorité » de novembre 2008 à juillet 2015 sur les comptes ouverts au nom de K______ SA auprès de la banque L______. Ces tableaux retraçaient tous les débits effectués par le contribuable sans en référer à M. J______ (cf. p. 5).

Les prélèvements prétendument non autorisés s’élevaient à USD 15'912'438.-, dont USD 2'314'361.- retirés en liquide et USD 13'598'077.- investis dans différents secteurs. Les investissements avaient été réalisés dans l’intérêt de K______ SA et non pour l’enrichissement personnel du contribuable. Les frais prélevés correspondaient, en ordre de grandeur, aux frais de fiducie fixés par le contrat, étant rappelé que M. J______ avait confirmé devant le MPC le droit du contribuable à une commission annuelle correspondant à 1% du portefeuille.

Le tableau relatif à l’année 2010 recensait ainsi des retraits en liquide, désignés comme « Frais PC », à hauteur de USD 237'610.-, ainsi que des transferts, désignés comme « Prêts tourisme » à hauteur de USD 1'147'226.-.

22.         Le 22 juillet 2020, le MPC a adressé à l’AFC-GE une dénonciation pour soupçon de soustraction fiscale à l’encontre des contribuables.

À teneur de cette dénonciation, le MPC menait une procédure contre les contribuables des chefs d’abus de confiance, subsidiairement participation à abus de confiance, de faux dans les titres (uniquement pour le contribuable) et de blanchiment d’argent. En substance, il soupçonnait notamment les contribuables d’avoir employé à leur profit ou au profit de tiers une partie des avoirs de la relation d’affaires ouverte par K______ SA auprès de la banque L______ au moyen de transactions effectuées au débit de cette relation, lesdites transactions ayant systématiquement été dissimulées par le contribuable. Ces faits devaient être dénoncés à l’autorité fiscale.

V.            Procédure en soustraction et en rappel d’impôt 

23.         Le 27 novembre 2020, l’AFC-GE a avisé les contribuables de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et soustraction fiscale portant sur la période fiscale 2010 en raison de la découverte de revenus non déclarés.

Les reprises envisagées s’élevaient à CHF 1'728'377.-, composés comme suit :

Revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’E______ SA

CHF 44'008.-

Rétrocessions de la banque L______

CHF 16'996.-

Bonification de GBP 160'800.- sur le compte G______

CHF 246'760.-

Paiements et prélèvements effectués en faveur du contribuable depuis la relation bancaire de K______ SA auprès de la banque L______

CHF 1'420'613.-

Un délai de quinze jours était octroyé aux contribuables pour formuler d’éventuelles observations.

24.         En l’absence de réponse des contribuables, l’AFC-GE leur a adressé, le 17 décembre 2020, des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende 2010 faisant état des reprises suivantes :

Code 16.64 - autres revenus :

CHF 1'161'998.-

Code 12.16 - autres produits de l’activité indépendante :

CHF 566'379.-

À teneur de l’avis de taxation relatif à l’activité indépendante, le bénéfice net de l’activité indépendante du contribuable s’élevait à CHF 568'171.-, soit CHF 71'000.- de produits d’exploitation, CHF 566'379.- d’autres produits et CHF 69'208.- de charges. Les cotisations sociales admises en déduction des revenus du contribuable étaient inchangées par rapport au montant admis dans le bordereau initial, soit CHF 4'905.-.

L’ICC 2010 s’élevait par conséquent à CHF 561'970.- (soit un rappel d’impôt de CHF 549'155.-) et l’IFD 2010 à CHF 210'795.- (soit un rappel d’impôt de CHF 208'348.-).

Les amendes étaient fixées à 1,25 fois le montant de l’impôt soustrait, soit CHF 686'444.- pour l’ICC (CHF 549'155.- x 1,25) et CHF 260'435.- pour l’IFD (CHF 208'348.- x 1,25). Les soustractions avaient été commises intentionnellement et s’étaient étendues sur plusieurs périodes fiscales. Elles dénotaient en outre une absence de scrupules.

25.         Le 12 janvier 2021, les contribuables ont formé réclamation à l’encontre des bordereaux susmentionnés.

26.         Par courrier du 24 février 2021, l’AFC-GE a communiqué aux contribuables les précisions suivantes au sujet des reprises effectuées :

-          La reprise de CHF 566'379.- dans le cadre de l’activité indépendante du contribuable (code 12.16 - autres produits) comprenait les éléments suivants :

Revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’E______ SA

CHF 44'008.-

Rétrocessions de la banque L______

CHF 16'996.-

Bonification de GBP 160'800.- sur le compte G______

CHF 246'760.-

Frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de K______ SA

CHF 258'615.-

Le montant de GBP 160'800.- avait été crédité le 6 décembre 2010 sur le compte G______ ouvert auprès du F______ et dont le contribuable était l’ayant droit économique. Ce versement avait été considéré comme un revenu imposable en raison de l’absence d’indications du contribuable au sujet de l’origine et du motif de ce paiement.

Le montant des frais et commissions prélevés par le contribuable pour la gestion de la relation bancaire de K______ SA (soit CHF 258'615.-) ressortait du tableau « Beilage 6.03.01 Zahlungen B______ Kategorie Gebühren B______ » annexé au rapport du 24 août 2020 de la division Analyse financière forensique du MPC (ci-après : le rapport FFA). Ce tableau figurait en annexe et mentionnait les prélèvements suivants en 2010 :

Date

Devise

 

Montants en CHF

Destination

09.02.2010

CHF

35'000.-

35'000.-

Cash

17.03.2010

EUR

19'563.91

28'329.03

H______ LTD

19.05.2010

USD

5'726.93

6'589.29

M______

04.06.2010

CHF

10'000.-

10'000.-

Cash

07.06.2010

CHF

40'000.-

40'000.-

Cash

23.06.2010

CHF

8'000.-

8'000.-

Cash

03.08.2010

CHF

10'000.-

10'000.-

Cash

19.08.2010

CHF

40'000.-

40'000.-

Cash

07.09.2010

USD

4'929.94

4'986.14

M______

05.10.2010

CHF

10'000.-

10'000.-

H______ LTD

06.10.2010

CHF

60'000.-

60'000.-

Cash

29.11.2010

EUR

4'350.-

5'710.29

Cash

-          La reprise de CHF 1'161'998.- (code 16.64 - autres revenus) correspondait à l’ensemble des paiements et prélèvements effectués par le contribuable en son propre intérêt et à l’insu de M. J______ depuis la relation bancaire de K______ SA, et qui n’avaient pas été comptabilisés en tant que frais et commissions pour la gestion de la relation bancaire.

Ce montant ressortait du tableau « Beilage 6.02.01 Zahlungen B______ Gesamtübersicht » annexé au rapport FFA du 24 août 2020 (NB : les paiements et prélèvements figurant dans ce tableau s’élevaient au total à CHF 1'420'613.- en 2010. Étant donné qu’ils comprenaient les frais et commissions de CHF 258'615.- prélevés pour la gestion de la relation bancaire de K______ SA mentionnés ci-dessus, le montant résiduel était de CHF 1'161'998.-).

Le tableau susmentionné était annexé au courrier de l’AFC-GE et mentionnait, pour la période fiscale 2010, des virements de CHF 885'823.- en faveur de I______ SA, composés comme suit :

Date

Devise

 

Montants en CHF

Destination

22.06.2010

USD

100'027.36

110'769.30

I______ SA

30.08.2010

USD

250'029.57

256'602.85

I______ SA

14.10.2010

USD

80'031.92

76’26 .02

I______ SA

28.10.2010

USD

104'030.74

102'301.75

I______ SA

15.11.2010

USD

50'031.17

49'259.19

I______ SA

17.12.2010

USD

300'031.32

290'622.34

I______ SA

Ce tableau mentionnait également, pour la période fiscale 2010, des paiements de CHF 276'175.- à des prestataires de I______ SA, composés comme suit :

Date

Devise

 

Montants en CHF

Destination

10.05.2010

CHF

2'100.-

2'100.-

N______ SA

13.07.2010

USD

27'668.61

29'181.25

O______

13.07.2010

USD

90'027.32

94'949.11

P______

13.07.2010

USD

40'988.39

43'229.23

Q______ SA

13.07.2010

USD

24'157.16

25'477.83

R______ SA

15.07.2010

USD

2'042.58

2'126.24

O______

10.08.2010

USD

56'434.20

59'174.08

O______

27.08.2010

USD

13'153.00

13'521.28

O______

31.12.2010

USD

6'860.12

6'415.52

O______

Un délai au 1er avril 2021 était fixé aux contribuables pour compléter leur réclamation.

27.         Par courrier du 30 mars 2021, les contribuables ont relevé que les décisions de rappel d’impôt prises par l’AFC-GE se fondaient essentiellement sur le rapport FFA établi par les analystes du MPC. Celui-ci ne constituait pas un rapport d’expertise établi conformément aux règles du code de procédure pénale. Le contribuable n’avait notamment jamais été entendu sur son contenu.

Les revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’E______ SA (CHF 44'008.-) avaient été mentionnés dans les déclarations de revenus 2010 des contribuables. La reprise de ce montant était dès lors contestée, sous réserve d’une rétrocession de CHF 8'500.- versée au contribuable par E______ SA. La reprise de CHF 16'996.- liée à des rétrocessions de la banque L______ était en revanche admise.

La reprise de CHF 246'760.- correspondant aux GBP 160'800.- versés en décembre 2010 sur le compte G______ ouvert auprès du F______ était contestée. Le contribuable apparaissait certes comme ayant droit économique du compte sur le formulaire A, ce qu’il avait oublié. Le véritable « initiateur et utilisateur » de ce compte était toutefois Monsieur S______, un ami et partenaire de nationalité américaine du contribuable, aujourd’hui décédé. À l’époque, celui-ci n’avait pas souhaité apparaître en tant qu’américain afin de simplifier l’ouverture de la relation bancaire. Il avait toutefois choisi le nom du compte, l’avait alimenté par ses propres ressources et l’avait fait débiter en faveur des personnes qu’il désignait. Le contribuable n’avait tiré aucun profit personnel de ce compte.

La reprise de CHF 258'615.- à titre de frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de K______ SA était contestée, sous réserve de CHF 3'000.- dont le contribuable avait lui-même bénéficié et des deux versements en faveur de son fils M______ s’élevant au total à CHF 11'175.- (NB : le courrier des contribuables reprend in extenso le contenu du tableau établi par l’AFC-GE au sujet de la reprise de CHF 258'615.-).

Les transferts de CHF 28'329.- et CHF 10'000.- en faveur de H______ LTD étaient destinés à M. S______ à titre de participation à des investissements pour le compte de K______ SA. Les montants retirés en liquide avaient été transportés par le contribuable en République Dominicaine et utilisés pour couvrir ses frais professionnels « liés aux investissements réalisés [sur place] pour le compte de K______ SA ». Ce procédé s’expliquait par le fait que le contribuable ne possédait, à l’époque, ni compte bancaire ni carte de crédit locale.

La reprise de CHF 1'161'998.- sous le code 16.64 - autres revenus était également contestée (NB : le courrier des contribuables reprend in extenso le contenu des tableaux établis par l’AFC-GE au sujet de cette reprise). Les transferts litigieux n’avaient pas été réalisés dans l’intérêt du contribuable mais dans celui de K______ SA, en vue de réaliser ou d’appuyer des investissements ayant un potentiel de rendement intéressant. Ils avaient tous participé au financement de I______ SA sous forme de prêts. Ils ne constituaient dès lors pas des revenus personnels du contribuable.

28.         Le 17 mai 2021, l’AFC-GE a demandé aux contribuables de lui transmettre les preuves permettant de démontrer l’identité du véritable ayant-droit économique du compte G______ ouvert auprès du F______ ainsi que les justificatifs des paiements et prélèvements effectués en faveur de I______ SA.

29.         Par courrier du 30 septembre 2021, les contribuables ont communiqué à l’AFC-GE les extraits du compte G______ pour la période allant du 1er janvier 2010 au 19 août 2013, date de clôture du compte.

Ils ont également joint un courriel daté du 13 août 2021 signé par T______, citoyen américain domicilié aux Etats-Unis, dans lequel celui-ci confirmait avoir été un ami et partenaire en affaires de M. S______, décédé en 2016. M. S______ et lui-même entretenaient des relations bancaires avec le F______ à Genève. M. S______ était en particulier le bénéficiaire final (« ultimate beneficial owner ») des comptes ouverts au nom de G______ et H______ LTD. Ces comptes, de même que ceux de M. T______, avaient été ouverts sur leurs instructions par le contribuable. Dans le cadre de sa relation commerciale avec M. S______, M. T______ avait versé divers montants sur le compte G______, en particulier la somme de GPB 160'800.- le 6 décembre 2010. M. S______ était en droit de disposer de ces fonds conformément aux accords passés avec M. T______.

S’agissant des montants prélevés en lien avec I______ SA, les contribuables renvoyaient l’AFC-GE à leurs explications du 30 mars 2021. Ils relevaient notamment que tous les chiffres et éléments comptables figurant dans ce courrier avaient été extraits du rapport FFA et de ses annexes, lesquels se fondaient sur les extraits de compte fournis par la banque L______. Ces éléments n’étaient dès lors guère discutables. Les contribuables produisaient à cet effet une attestation de I______ SA datée du 31 août 2021 (cf. infra ch. 31) qui démontrait que l’ensemble des montants débités du compte de K______ SA avaient été crédités sur des comptes détenus par I______ SA en République Dominicaine, respectivement sur des comptes de créanciers de cette société.

30.         Par courriel du 21 mars 2022 faisant suite à un entretien téléphonique du 3 mars, l’AFC-GE a rappelé au contribuable qu’elle souhaitait obtenir des renseignements complémentaires sur les investissements que celui-ci prétendait avoir effectué en République Dominicaine dans l’intérêt de K______ SA et de M. J______.

Elle comprenait en effet qu’à partir de 2009, le contribuable avait prélevé un montant total de USD 13'559'077.- sur le compte bancaire de K______ SA. L’intéressé avait expliqué qu’une partie de ce montant, soit USD 6'132'487.- avait été prêtée à I______ SA pour le compte de K______ SA. Cette créance avait ensuite été prétendument convertie en capital-actions au mois d’octobre 2017 par décision de l’assemblée générale de I______ INC. et U______ (ci-après : le groupe I______), pour une valeur de USD 8'382'725.-, comprenant le montant en capital et USD 2'250'238.- d’intérêts. Le contribuable avait produit à cet effet une note et deux tableaux de la structure d’actionnariat du groupe I______ aux 30 septembre et 31 décembre 2017. Ces documents étaient datés des 25 et 26 février 2021 et avaient été établis par ses soins. Le deuxième tableau faisait apparaître K______ SA comme nouvelle actionnaire du groupe I______ à concurrence de 33.97% au 31 décembre 2017.

Afin de s’assurer de la véracité de ces faits, l’AFC-GE priait le contribuable de lui communiquer, d’ici au 4 avril 2022 :

-          Les pièces permettant de démontrer l’existence de la créance de K______ SA envers le groupe I______, respectivement son état au 31 décembre des années 2009 et suivantes (copie de l’éventuel contrat de prêt, échanges écrits contemporains des faits et non établis pour les besoins de la cause, pièces comptables en lien avec la créance considérée et le décompte des intérêts y relatifs, etc.) ;

-          Une copie intégrale du procès-verbal de l’assemblée générale du groupe I______ d’octobre 2017, y compris les annexes jointes à cette occasion, dès lors que seule la première page dudit procès-verbal avait été produite.

31.         Par courrier du 7 juin 2022, le contribuable a communiqué à l’AFC-GE les documents suivants :

-          Une attestation du 31 août 2021 de Madame V______, ancienne assistante administrative de I______ SA. La précitée y confirmait qu’entre 2008 et 2015, I______ SA avait reçu de K______ SA une somme totale de USD 7'469'974.- sur ses comptes bancaires, ainsi qu’une somme de USD 233'429.- sous forme de paiements directs à ses fournisseurs. Ces montants avaient été comptabilisés en tant que prêts dans les livres de la société.

-          Une attestation du 25 mai 2022 de Monsieur W______, contrôleur financier de I______ SA entre 2010 et 2017. Le précité y confirmait être bien informé des prêts accordés par divers actionnaires et par une entité tierce nommée K______ SA. Le contribuable lui avait présenté une liste de tous les paiements effectués par K______ SA en faveur de I______ entre 2008 et 2015, d’un montant total de USD 7'470'075.-. Il pouvait certifier que les montants versés par K______ SA sur les comptes bancaires de I______ SA entre 2010 et 2015 avaient été, sous réserve de quelques exceptions mineures, utilisés par la société pour financer ses investissements et ses opérations. Même s’ils n’avaient pas fait l’objet de contrats ad hoc, ces transferts avaient été comptabilisés en tant que prêts, conformément à l’intention de la prêteuse. Les rapports d’audit de I______ SA avaient inclus ces paiements dans les dettes à long terme (« cuentas por pagar a largo plazo ») et l’administration fédérale des impôts de République Dominicaine avait traité ces montants comme des prêts d’entités externes, ainsi qu’en attestait le formulaire de la direction générale des impôts relatif à l’exercice 2016 produit en annexe.

-          Un exemplaire des comptes audités de I______ SA pour les exercices 2010 à 2015, à teneur desquels l’exercice 2010 s’était soldé par une perte nette de 58'696'018.- pesos dominicains (ci-après : DOP), soit environ CHF 1'488'600.- (selon le site oanda.com, CHF 1.- = DOP 39,42 au 31 décembre 2010). À cette date, les pertes cumulées de I______ SA s’élevaient à DOP 477'369'942.-, soit environ CHF 12'106'770.-.

À teneur du bilan 2010, les actifs de I______ SA s’élevaient en outre à DOP 261'416'073.-, soit environ CHF 6'630'000.- et les fonds étrangers à DOP 701'176'015.-, soit environ CHF 17'782'805.-. Les dettes à long terme (« cuentas por pagar a largo plazo ») de la société représentaient notamment DOP 578'271'050.-, soit environ CHF 14'670'000.-. La société était dès lors largement surendettée.

-          Un exemplaire du contrat de prêt conclu le 16 juin 2012 entre K______ SA et I______ SA pour un montant total de USD 1'605'469.- (recte : USD 1'605'542.-), devant permettre à I______ SA de régler sa dette envers le fisc et envers X______.

-          Une copie du procès-verbal de l’assemblée générale de I______ SA du 17 octobre 2017, dont le point B.2 mentionnait que « les prêts d’actionnaires […] seront convertis en actions. Le cas du prêt K______ SA (family office proche de B______, qui a repris deux créances externes contre la société en 2012, dont le solde du prêt de X______) est réservé pour le moment ».

-          Les annexes au procès-verbal de l’assemblée générale susmentionnée, parmi lesquelles figurait le tableau de la structure d’actionnariat du groupe I______ SA au 30 septembre 2017 déjà transmis à l’AFC-GE (cf. supra ch. 30), ainsi qu’un tableau récapitulant les financements octroyés à I______ SA au 30 septembre 2017 par ses actionnaires et des entités tierces.

À teneur de ce dernier tableau, I______ SA avait bénéficié, au 30 septembre 2017, de prêts à hauteur de USD 7'741'477.- de la part de ses actionnaires, dont USD 6'132'487.- provenant de « PC (y compris via K______ SA) ». La rubrique relative aux prêts d’entités tierces faisait quant à elle état d’un seul prêt de USD 1'605'469.- provenant de K______ SA.

Selon le contribuable, ces documents démontraient que les sommes transférées par K______ SA à I______ SA n’avaient pas constitué des gains personnels mais des prêts de la première société à la seconde. Ces prêts avaient été convertis en actions de I______ SA, lesquelles avaient été remises à K______ SA.

32.         Le 8 juin 2022, l’AFC-GE a accusé réception desdites déterminations.

33.         Le 26 octobre 2023, elle a rappelé au contribuable qu’il lui avait été demandé, en date du 27 juillet 2022, de produire un exemplaire lisible des annexes au procès-verbal de l’assemblée générale de I______ SA du 17 octobre 2017.

34.         Par courriel du 6 novembre 2023, les contribuables ont transmis les documents requis à l’AFC-GE.

35.         Par pli recommandé du 6 novembre 2023, l’AFC-GE a imparti aux contribuables un dernier délai pour compléter leur réclamation.

36.         Par courrier du 21 novembre 2023, les contribuables ont persisté dans leurs précédentes écritures.

VI.         Décision sur réclamation

37.         Le 11 janvier 2024, l’AFC-GE a rendu une décision sur réclamation portant sur la période fiscale 2010. Les taxations étaient partiellement modifiées en faveur des contribuables. La quotité des amendes était maintenue et les montants de ces dernières calculés sur la base des taxations rectifiées.

L’AFC-GE relevait en préambule que contrairement à ce que semblaient indiquer les contribuables, les décisions de rappel d’impôt ne se fondaient pas essentiellement sur le rapport rapport FFA du 24 août 2020. Si ce rapport avait bien été utilisé dans le contexte de la procédure fiscale, les reprises effectuées se basaient principalement sur les aveux du contribuable et les documents en possession de l’autorité fiscale.

L’AFC-GE se déterminait pour le surplus comme suit sur les griefs formulés par les contribuables en lien avec les reprises effectuées :

-          Revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’E______ SA (CHF 44'008.-) :

Au vu des explications fournies par le contribuable, ces revenus étaient ramenés de CHF 44'008.- à CHF 8'500.-.

-          Rétrocessions de la banque L______ (CHF 16'996.-) :

Ces rétrocessions n’étaient pas contestées et par conséquent maintenues.

-          Bonification de GBP 160'800.- (CHF 246'760.-) sur le compte G______ :

Le contribuable disposait d’un pouvoir de signature individuelle et était l’unique ayant droit économique des avoirs bancaires considérés. Par ailleurs, la plupart des virements effectués depuis ce compte portaient le libellé « Payment B______ » (p. ex.: versement de GBP 2'500.- du 21 décembre 2012 effectué vers le compte F______ 5______ ouvert au nom de H______ LTD). Lors de son audition du 6 août 2015, le contribuable avait d’ailleurs admis détenir le compte ouvert au nom de H______ LTD. Le dossier « Y______ » complété en date du 21 juillet 2015 concordait avec les propos du contribuable puisqu’il mentionnait que les fonds provenaient de « commissions sur honoraires de gestion ».

Le contribuable avait certes produit un courriel du 13 août 2021 dans lequel un certain M. T______ attestait qu’il avait été à l’origine des montants crédités sur le compte G______ et que ces versements avaient été effectués en faveur d’un certain M. S______. Outre qu’il avait été établi pour les besoins de la cause, ce courriel ne pouvait toutefois contrebalancer les documents bancaires en mains de l’AFC-GE, de même que les propres dépositions du contribuable. Les GBP 160'800.- perçus en 2010 constituaient dès lors un produit de l’activité lucrative indépendante du contribuable. Partant, cette reprise était maintenue.

-          Frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de K______ SA (CHF 258'615.-) :

L’affirmation du contribuable selon laquelle ces prélèvements avaient servi à financer des dépenses en soutien des investissements effectués pour K______ SA, notamment en République Dominicaine, ne reposait sur aucune documentation probante.

Elle était en outre contredite par le courrier du contribuable du 18 avril 2019 au MPC, selon lequel les prélèvements effectués entre novembre 2008 et juillet 2015 sur le compte détenu par K______ SA et s’élevant au total à USD 2'314'361.- lui revenaient en tant qu’ils « correspondaient en gros aux frais fiduciaires (...) » équivalant à environ 1% des actifs gérés, tel que prévu par le contrat de fiducie conclu le 7 novembre 2008 avec M. J______. Le montant total des transactions énumérées en page 5 du courrier du contribuable du 30 mars 2021, soit CHF 258'615.-, correspondait du reste à la contre-valeur des USD 237'610.- que le contribuable avait admis avoir prélevés dans son courrier du 18 avril 2019 au MPC (cf. le tableau figurant à l’annexe Ic).

Au vu de ces éléments, la reprise de CHF 258'615.- à titre de commission fiduciaire ne pouvait qu’être confirmée.

-          Reprise de CHF 1'161'998.- sous la rubrique « 16.64 – Autres revenus » :

Les investissements auxquels le contribuable faisait référence dans ses courriers du 18 avril 2019 au MPC et du 30 mars 2021 à l’AFC-GE se rapportaient aux versements effectués depuis le compte bancaire de K______ SA, d’un montant total de USD 13'598'077.- entre 2008 et 2015. Conformément aux indications du contribuable, il s’agissait plus particulièrement de virements effectués directement en faveur du groupe I______ ainsi que de paiements de factures adressées à I______ SA par des tiers (principalement des prestataires de services).

Il ressortait toutefois du dossier que dans son ordonnance d’extension du 28 septembre 2016, le MPC avait constaté que des débits d’un montant total de CHF 9'000'000.- apparaissaient sur les relevés bancaires remis par la banque L______ et sur les relevés envoyés par celle-ci au contribuable. Ces débits ne figuraient pas sur les relevés que le contribuable avait adressé à M. J______.

Lors d’une audition rapportée en page 3 de l’ordonnance d’extension du 28 septembre 2016, le contribuable avait en outre admis que M. J______ n’était pas informé de l’investissement dans I______ SA. Il avait ensuite concédé avoir prélevé, à des fins d’investissement, un montant total de USD 13'598'077.- sur le compte bancaire de K______ SA sans en référer à M. J______. À teneur de la rubrique « Tourisme » du tableau annexé au courrier du 18 avril 2019 au MPC (annexe Ic), le montant prélevé en 2010 en faveur de I______ ou de l’un de ses prestataires de services s’élevait à USD 1'147'226.-, soit CHF 1'161'998.-. Selon les dépositions de M. J______, le contribuable n’avait pas le droit d’utiliser les fonds « sous gestion » pour ses besoins personnels ou ceux de ses proches.

Contrairement à M. J______ qui n’avait aucun lien d’actionnariat (direct ou indirect) avec I______ SA, le contribuable détenait une participation dans le groupe et était activement impliqué dans sa gestion, notamment, en qualité de président du conseil d’administration. Par ailleurs, I______ SA était confrontée, depuis au moins 2009, à une situation déficitaire qui s’était empirée au fil des années. Malgré cette situation et l’absence de tout intérêt économique de K______ SA et de M. J______ dans I______ SA, près de 80% des financements octroyées à I______ SA provenaient de K______ SA. Ceci ressortait du tableau des financements octroyés à I______ SA au 30 septembre 2017 joint au procès-verbal de l’assemblée générale de I______ du 17 octobre 2017, que le contribuable avait produit avec ses déterminations du 7 juin 2022. K______ SA était en outre la seule entité tierce parmi tous les créanciers.

Au vu de ces circonstances, « l’investissement » effectué dans I______ SA par l’entremise de K______ SA, au moyen de fonds ayant appartenu à M. J______, était incompatible avec la gestion de « bon père de famille » que le contribuable s’était engagé à mener aux termes du contrat de fiducie du 7 novembre 2008. Ces circonstances démontraient en outre que, selon une vraisemblance confinant à la certitude, le contribuable avait détourné un montant total de 7'454'496.- USD à partir de 2008, pour servir ses intérêts personnels dans I______ SA. Durant la période fiscale 2010, il avait ainsi octroyé un prêt de CHF 885'823.- au groupe I______ et prélevé CHF 276'175.- pour honorer des prestataires de services de I______. La reprise totale de CHF 1'161'998.- à titre de revenu imposable était dès lors maintenue.

-          Les contribuables contestaient les bordereaux d’amende ICC et IFD 2010 sans plus amples développements. Conformément à la motivation contenue dans les bordereaux contestés, la quotité des amendes était maintenue à 1,25 fois le montant de l’impôt soustrait, recalculé en tenant compte des reprises rectifiées.

Selon les avis de taxation rectificatifs figurant en annexe, l’AFC-GE retenait un revenu imposable ICC de CHF 1'787'943.-, un revenu imposable IFD de CHF 1'797'500.- et l’absence de fortune imposable.

À teneur de l’avis de taxation relatif à l’activité indépendante du contribuable, le bénéfice net de l’activité indépendante s’élevait à CHF 532'663.-, soit CHF 71'000.- de produits d’exploitation, CHF 530'871.- d’autres produits et CHF 69'208.- de charges. Les cotisations sociales admises en déduction des revenus de l’intéressé restaient inchangées, à savoir CHF 4'905.-.

L’ICC 2010 s’élevait par conséquent à CHF 550'076.- (soit un rappel d’impôt de CHF 537'261.-) et l’IFD 2010 à CHF 206'713.- (soit un rappel d’impôt de CHF 204'266.-).

À teneur des bordereaux d’amende rectificatifs, les amendes étaient fixées à CHF 537'261.- pour l’ICC et à CHF 204'266.- pour l’IFD (sic). Les soustractions avaient été commises intentionnellement et de manière répétée. Elles dénotaient en outre une absence de scrupules. Les amendes étaient dès lors fixées à 1,25 fois le montant de l’impôt soustrait.

VII.       Procédure de recours

38.         Par acte expédié le 12 février 2024, le contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision sur réclamation du 11 janvier 2024.

À titre préalable, il a sollicité la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale SV.4______ et l’octroi d’un délai pour compléter son recours une fois l’issue de cette cause connue. Le procureur fédéral en charge du dossier avait en effet annoncé, par courrier du 31 janvier 2024, qu’il allait rendre une ordonnance de mise en accusation « dans les prochaines semaines ». Son renvoi en jugement devant le Tribunal pénal fédéral était dès lors imminent. Ce procès allait notamment porter sur la question de savoir s’il avait ou non détourné des fonds au détriment de M. J______. Il convenait dès lors de suspendre la présente procédure jusqu’au prononcé du jugement pénal et non de considérer des faits contestés comme acquis, ainsi que l’avait fait l’AFC-GE dans sa décision sur réclamation du 11 janvier 2024. Une fois l’issue de la procédure pénale connue, un délai pour compléter son recours devait lui être octroyé.

À titre principal, il a conclu à l’annulation de la décision du 11 janvier 2024 et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour complément d’instruction. L’AFC-GE avait en effet gravement violé son droit d’être entendu en omettant de prendre en considération ses déterminations du 7 juin 2022, dont elle n’avait pas fait mention dans la décision attaquée. Cette violation justifiait d’annuler ladite décision et de renvoyer le dossier à l’autorité intimée pour complément d’instruction sur ce point.

À titre subsidiaire, il a conclu à l’apport du dossier de l’autorité intimée, à l’audition de trois témoins, soit M. T______, Mme Z______ et Madame AA_____, à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle ordonnait, pour l’année 2010, la reprise de GBP 160'800.- (ch. 1c de ladite décision), de CHF 258'615.- (ch. 1d de ladite décision) et de CHF 1'161'998.- (ch. 2 de ladite décision), au prononcé d’une nouvelle décision de taxation ICC et IFD 2010 sans prise en compte des reprises précitées et à l’annulation des bordereaux d’amende ICC et IFD 2010. Il contestait intégralement les faits qui lui étaient reprochés par le MPC dans le cadre de la procédure pénale, en particulier d’avoir commis un détournement de fonds au préjudice de M. J______, ce que le procès pénal confirmerait. Les transferts incriminés avaient au contraire été effectués au bénéfice exclusif de ce dernier. Les fonds litigieux n’avaient dès lors pas constitué un « revenu imposable propre » pour lui.

39.         Dans ses observations du 15 mai 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il n’y avait pas lieu d’octroyer au contribuable un délai supplémentaire pour compléter son recours une fois le jugement du Tribunal pénal fédéral prononcé. La période fiscale 2010 visée par la procédure allait en effet se prescrire le 31 décembre 2025. Le contribuable aurait en outre l’occasion de se déterminer une nouvelle fois dans le cadre de sa réplique, après réception de la réponse de l’AFC-GE. Les reprises étaient du reste clairement établies et ne dépendaient pas de l’issue du procès pénal.

Le grief de violation du droit d’être entendu du contribuable était infondé. Certes, la décision sur réclamation ne faisait pas explicitement mention des déterminations du 7 juin 2022. L’AFC-GE avait toutefois accusé réception de celles-ci et avait sollicité a posteriori la production de diverses annexes illisibles. Elle les avait en outre prises en considération dans sa décision sur réclamation puisque le constat de la situation déficitaire de I______ se fondait sur les états financiers de la société qui étaient annexés à ces déterminations.

Les conclusions du contribuable tendant à l’audition de témoins n’étaient pas motivées, de sorte que l’AFC-GE s’opposait à cette mesure d’instruction.

Le contribuable reprochait en vain à l’AFC-GE de s’être fondée sur les faits que lui reprochait le MPC dans le cadre de la procédure pénale. L’AFC-GE avait en effet basé son raisonnement sur les déclarations du contribuable au MPC, les observations écrites qu’il avait adressées au MPC et à l’autorité fiscale, le contrat de fiducie et les divers documents bancaires. Il ressortait de ces éléments qu’il avait effectué de nombreux prélèvements à l’insu de M. J______, qu’il lui avait remis des relevés bancaires falsifiés et que celui-ci n’aurait pas consenti à de tels investissements s’il avait été informé. Le contribuable avait également reconnu avoir prélevé CHF 1'420'613.- sur le compte de K______ SA « sous sa seule autorité » et sans en référer à son partenaire. Partant, l’AFC-GE n’avait pas établi les faits « de manière arbitraire ».

Concernant les reprises, il était établi que les prélèvements sur le compte de K______ SA en lien avec I______ SA et ses prestataires avaient été effectués par le contribuable qui avait des intérêts dans cette société. Celui-ci avait reconnu qu’il apparaissait comme créancier dans les comptes de I______ SA pour certains des « investissements ». Il avait également reconnu avoir falsifié les relevés bancaires afin de dissimuler les débits effectués à l’insu de M. J______. L’AFC-GE avait en outre démontré qu’il avait perçu des montants sur des comptes dont il était l’ayant-droit économique, en particulier les comptes G______ et H______ LTD. Ces montants avaient dès lors été perçus par le contribuable à son profit et constituaient des revenus imposables.

L’AFC-GE avait fixé la quotité des amendes à 1,25 fois le montant de l’impôt éludé en raison du caractère intentionnel de la soustraction, du caractère répétitif des soustractions commises et de l’absence de scrupules des contribuables. Cette quotité était dès lors adéquate. Les bordereaux rectificatifs d’amendes ICC et IFD 2010 comportaient toutefois une erreur de calcul. Les amendes y figurant correspondaient en effet aux impôts soustraits et non à 1,25 fois ceux-ci comme indiqué dans la motivation. Cette erreur devait être rectifiée. Les amendes devaient par conséquent être fixées à CHF 671'576.60 pour l’ICC 2010 (CHF 537'261.25 x 1,25) et à CHF 255'331.90 (CHF 204'265.5 x 1,25) pour l’IFD 2010.

40.         Le contribuable a répliqué le 28 juin 2024 et produit de nouvelles pièces.

L’AFC-GE avait admis avoir utilisé le rapport FFA pour les besoins de la procédure de contrôle. Ce rapport ne figurait toutefois pas dans les pièces transmises au tribunal. Ce faisant, l’AFC-GE avait repris à son propre compte les éléments à charge du dossier, sans permettre au tribunal de se forger sa propre conviction. Elle s’était également employée, dans ses observations, à démontrer qu’elle avait constaté les faits pertinents de manière non arbitraire. Or, le recours pouvait être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents. Il convenait dès lors de lui renvoyer le dossier pour nouvelle décision tenant compte des règles correctes en matière d’établissement des faits et de fardeau de la preuve.

L’audition des témoins mentionnés dans le recours, à savoir M. T______, Mme Z______ et Mme AB_____ était nécessaire afin que les intéressés puissent confirmer le contenu des attestations qui avaient été produites lors de la procédure de contrôle. Le contribuable sollicitait en outre l’audition de deux témoins supplémentaires, à savoir M. W______ et Monsieur AC_____. Le premier pourrait ainsi confirmer le contenu de l’attestation datée du 25 mai 2022 et jointe à la réplique. Quant à M. AC_____, il avait été directeur général de I______ SA en 2010. À ce titre, il pouvait confirmer que les prêts avaient été octroyés par K______ SA « au nom et pour le compte de celle-ci et non du recourant ».

S’agissant des reprises effectuées par l’AFC-GE, le contribuable n’avait jamais bénéficié des montants provenant du compte G______. « G_______ » était en outre une contraction de « H______ ». Le compte G______ avait en effet la même origine que celui de H______ LTD, ouvert en 1998 à la demande du même M. S______. H______ LTD était une société de droit irlandais dont l’administrateur et seul bénéficiaire économique était M. S______. Le compte de cette société, sur lequel le contribuable disposait d’une procuration, servait principalement à rémunérer M. S______ pour l’apport de clients en gestion de fortune, à verser des rétrocessions à des investisseurs et à payer des frais à des intermédiaires en République Dominicaine. Les versements sur le compte de H______ LTD n’avaient dès lors jamais constitué des revenus personnels pour le contribuable.

La relation fiduciaire conclue avec M. J______ remplissait les conditions posées par la notice sur les rapports fiduciaires de l’administration fédérale des contributions d’octobre 1967 (ci-après : la notice). Les transferts que le contribuable avait effectués en faveur de I______ SA avaient dès lors constitué des investissements pour le compte d’un tiers, sous forme de prêts en faveur d’une société dont il était un actionnaire très minoritaire. Les montants concernés ne pouvaient dès lors être imposées dans son chef. Il avait certes remis des documents modifiés à M. J______ mais seule la répartition des avoirs avait été affectée, à l’exclusion des totaux des avoirs en compte. Ceci démontrait qu’il n’avait jamais eu l’intention d’accaparer les montants litigieux à son profit.

Les justificatifs des frais professionnels encourus en lien avec les investissements en République Dominicaine étaient conservés sur place et le contribuable n’avait plus le droit de voyager. Il était toutefois parvenu à obtenir une copie de la lettre d’engagement adressée à Mme AB_____ en novembre 2008 qui faisait état d’un salaire mensuel de USD 3'000.- la première année et de USD 4'000.- par la suite. Cette lettre mentionnait notamment qu’à la suite du décès de M. AD_____, il avait été contraint de reprendre la direction de I______ SA et avait été nommé président du conseil d’administration à compter de janvier 2009. Il avait besoin d’un support administratif pour mener cette tâche à bien et Mme AB_____ lui servirait d’appui pour tout ce qu’il faisait en République Dominicaine.

Le contribuable produisait également une attestation notariée datée du 24 juin 2024 et signée par Mme AB_____, dans laquelle celle-ci expliquait avoir été engagée en tant qu’assistante personnelle à compter de janvier 2009. Les bureaux de I______ SA ayant subi divers vols par effraction après la cessation d’activités en 2020, les pièces comptables n’étaient plus disponibles. Au vu des frais généralement encourus par les hommes d’affaires étrangers qui se rendaient en République Dominicaine et du fait que le contribuable séjournait environ deux semaines par mois sur place, elle estimait toutefois qu’il avait assumé, en 2010, des frais professionnels d’environ USD 213'900.- en sa qualité de président et de directeur général de I______ SA. Ce montant se composait des coûts de billets d’avion et de location de voiture (USD 60'000.-), des frais de représentation et de logement (USD 90'000.-) ainsi que des frais « opérationnels » (marketing, honoraires de consultants, frais de développement commercial, salaire de l’assistante, soit USD 63'900.-).

Le contribuable contestait enfin les amendes infligées par l’AFC-GE dès lors que les soustractions sur lesquelles elles se basaient l’étaient également. S’agissant de leur quotité, il relevait très subsidiairement que l’AFC-GE les avait fixées à une fois le montant de l’impôt soustrait et non à 1,25 fois comme indiqué dans les décisions querellées. Cette erreur de plume ne pouvait pas lui porter préjudice.

41.         L’AFC-GE a dupliqué le 22 juillet 2024 et persisté dans ses arguments.

Elle s’est opposée aux auditions de témoins requises par le contribuable. Ceux-ci s’étant déjà exprimés par écrit, leurs témoignages n’apporteraient aucun élément supplémentaire permettant d’éclaircir l’état de fait.

Concernant les montants retirés en espèces sur le compte bancaire de K______ SA, l’attestation rédigée par Mme AB_____ était dénuée de valeur probante. Les retraits litigieux auraient en effet dû être accompagnés de justificatifs des dépenses y relatives, ce qui n’était pas le cas.

42.         Par courrier du 22 janvier 2025 adressé à l’AFC-GE, le tribunal a relevé que celle-ci avait considéré que les montants débités par le contribuable des comptes bancaires ouverts au nom de K______ SA durant la période fiscale 2010 constituaient de revenus imposables dans le chef du contribuable. Or, celui-ci avait déclaré devant le MPC, au sujet de ces versements, qu’il pouvait apparaître comme prêteur à côté de K______ SA même si pour lui, l’ensemble de ces prêts provenaient de K______ SA et revenaient à K______ SA (cf. observations de l’AFC-GE du 15 mai 2024, ch. 51). Le tribunal priait dès lors l’AFC-GE d’examiner si le contribuable était personnellement titulaire, au 31 décembre 2010, d’une créance en remboursement du ou des prêts octroyés à I______ SA, qu’il conviendrait de comptabiliser dans sa fortune imposable.

43.         Par courrier du 29 janvier 2025, l’AFC-GE a informé le tribunal qu’elle avait renoncé à instruire le volet relatif à la fortune imposable du contribuable compte tenu du risque de prescription imminente dans la présente affaire. Elle s’en rapportait dès lors à justice sur cette question.

44.         Par courrier du 3 février 2025, le tribunal a demandé au contribuable de se déterminer, à la lumière des éléments mentionnés dans le courrier adressé le 22 janvier 2025 à l’AFC-GE, sur la question de savoir s’il était personnellement titulaire, au 31 décembre 2010, d’une créance en remboursement du ou des prêts octroyés à I______ SA, qu’il conviendrait de comptabiliser dans sa fortune imposable, étant précisé qu’une reformatio in peius de la décision sur réclamation du 11 janvier 2024 était envisagée sur ce point.

Le contribuable était prié, par la même occasion, de se prononcer sur une éventuelle fixation des amendes pour soustraction fiscale à 1,25 fois le montant de l’impôt éludé, conformément à la motivation figurant dans les bordereaux d’amende rectificatifs du 11 janvier 2024, et non à une fois le montant de l’impôt éludé, comme mentionné dans le dispositif des bordereaux en question. Une reformatio in peius des bordereaux précités était en effet également envisagée sur ce point.

Un délai au 21 février 2025 était imparti au contribuable pour faire parvenir ses observations sur ces questions au tribunal.

45.         Par courrier expédié le 21 février 2025, le conseil du contribuable a sollicité une prolongation d’un mois du délai pour produire lesdites observations. Il a justifié cette demande de report par « une reprise 2025 très inhabituellement surchargée ».

46.         Par courrier du 25 février 2025, le tribunal a informé le contribuable qu’au vu du risque de prescription fiscale absolue de la créance fiscale, le délai octroyé au 21 février était non prolongeable. La cause était dès lors gardée à juger, étant précisé qu’une écriture reçue dans l’intervalle serait encore prise en compte.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les époux qui vivent en ménage commun exercent les droits et s’acquittent des obligations qu’ils ont en vertu de la présente loi de manière conjointe (art. 113 al. 1 LIFD ; art. 16 al. 1 2ème phr. LPFisc). Pour que les recours et autres écrits soient réputés introduits en temps utile, il suffit que l’un des époux ait agi dans les délais (art. 113 al. 3 LIFD ; art. 16 al. 3 1ère phr. LPFisc).

Ces dispositions légales instituent une forme de représentation réciproque des époux dans la procédure fiscale. La validité des actes de procédure n’est pas soumise au fait qu’ils proviennent des deux conjoints. Chacun des époux peut en principe exercer ses droits ou s’acquitter de ses obligations de manière indépendante. Peu importe de savoir lequel des époux a exercé seul un droit ou s’est acquitté seul d’une obligation, son acte de procédure déployant également des effets pour l’autre époux (ATA/576/2020 du 9 juin 2020 consid. 4 s. et les références citées)

4.             En l’espèce, le recourant a recouru seul contre la décision sur réclamation de l’AFC-GE du 11 janvier 2024 et a reçu à son seul nom l’ensemble de la correspondance émise par le greffe du tribunal. Dans la mesure où il vit en ménage commun avec son épouse, son recours est toutefois réputé émaner des deux conjoints. Le présent jugement déploie dès lors des effets également à l’encontre de son épouse.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé des reprises et des amendes prononcées par l’AFC-GE dans le cadre de l’ICC et de l’IFD 2010.

Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il n’est lié ni par les motifs invoqués par les parties (cf. art. 69 al. 1 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc ; cf. également art. 51 al. 1 LPFisc), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/285/2013 du 7 mai 2013 ; ATA/402/2012 du 26 juin 2012).

Les questions qui restent litigieuses étant traitées de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent jugement traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; ATA/1248/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3c).

6.             En l’absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles. En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale, le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017, s’applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s’il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; cf. art. 205f LIFD et 78f de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 [LHID - RS 64214] ; cf.  arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2021 du 27 avril 2022 consid. 5).

7.             En l’espèce, en matière d’IFD, la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, est applicable à la période fiscale litigieuse. Quant à l’ICC, celui-ci est régi, pour ce qui concerne l’année fiscale 2010, par la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27  septembre 2009 entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (LIPP - D 3 08), par la LPFisc et par la LHID.

Pour le surplus, il y a lieu de constater que dans la mesure où un avis d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt a été adressé au recourant le 27 novembre 2020 pour la période fiscale 2010, le délai de péremption de dix ans pour introduire une telle procédure (art. 152 al. 1 LIFD, 61 al. 1 LPFisc) a été respecté. Le délai de quinze ans relatif au droit de procéder au rappel d’impôt pour cette période (art. 152 al. 3 LIFD, 61 al. 3 LPFisc) n’est en outre pas encore échu à la date du présent jugement.

Par ailleurs, que l’on applique le nouveau (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 et al. 2 LIFD en vigueur dès le 1er janvier 2017) ou l’ancien droit (ancien art. 184 al. 1 let. b et al. 2 LIFD, en vigueur avant le 1er janvier 2017), la poursuite pénale de la soustraction d’impôt consommée reprochée au recourant au cours de la période 2010 n’est pas prescrite. L’AFC-GE a en effet prononcé les amendes pour cette période le 17 décembre 2020, soit avant l’écoulement du délai de dix ans après la fin de cette période, et il ne s’est pas encore écoulé quinze ans depuis fin 2010.

8.             Le recourant sollicite préalablement la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la cause SV.15.0831-REC, ainsi que l’octroi d’un délai pour compléter son recours une fois le jugement du Tribunal pénal fédéral prononcé.

9.             L’art. 14 LPA, applicable en matière fiscale par renvoi de l’art. 2 al. 2 LPFisc, prévoit que lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

L’art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie. La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend. Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/1278/2021 du 23 novembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités).

Le risque de prescription que présente un dossier peut aussi conduire à considérer que la suspension n’apparaît pas indiquée (ATA/685/2021 du 29 juin 2021 consid. 2a et 2b).

10.         Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). L’acte de recours contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (al. 2). En cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’Etat, l’acte de recours contient un exposé détaillé des griefs du recourant (al. 3). Sur demande motivée du recourant dont le recours répond aux exigences des alinéas 1 à 3, la juridiction saisie peut l’autoriser à compléter l’acte de recours et lui impartir à cet effet un délai supplémentaire convenable (al. 4).

Lorsque le recourant demande à pouvoir compléter son recours, la chambre administrative admet qu’il procède en ce sens dans le cadre du second échanges d’écritures. Cette instance assimile alors les griefs développés dans l’écriture de réplique destinée à compléter le recours aux griefs du recours (ATA/99/2012 du 21 février 2012 consid. 4 ; cf. également JTAPI/1104/2020 du 10 décembre 2020 consid. 4 et 5).

11.         En l’espèce, la demande de suspension formulée par le recourant est dénuée de fondement.

L’AFC-GE a procédé aux reprises litigieuses en se fondant sur les déclarations faites par le recourant dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre, les explications données par l’intéressé aux autorités fiscales et pénales, ainsi que les nombreuses pièces produites. Le fait qu’une partie des faits reprochés au recourant sont consignés dans le rapport FFA établi par les analystes du MPC n’empêchait pas l’autorité intimée de reprendre ces faits à son propre compte, étant relevé que les extraits pertinents du rapport FFA ont été produits dans le cadre de la procédure de contrôle (sur ce point, cf. infra consid. 33).

À cela s’ajoute que le procès pénal du recourant devant le Tribunal pénal fédéral portera sur la question de savoir si celui-ci est coupable des infractions d’abus de confiance, de faux dans les titres et de blanchiment d’argent dont il est soupçonné. Or, la résolution de ces questions de droit pénal ne conditionne pas l’issue de la présente procédure. Celle-ci porte uniquement sur le fait de savoir si le recourant a réalisé, durant la période fiscale 2010, des revenus qu’il n’a pas déclarés au fisc, et non sur celui de savoir si ces revenus proviennent de la commission d’infractions pénales.

En d’autres termes, dès lors qu’elle était en possession des éléments nécessaires pour statuer sur les reprises litigieuses, l’AFC-GE était en droit de trancher les questions relevant de sa compétence, sans attendre la fin de la procédure pénale engagée contre le recourant. Il en va dès lors de même pour le tribunal dans le cadre de la présente procédure de recours.

Le risque de prescription de la période fiscale litigieuse commande au surplus de n’admettre qu’avec retenue des mesures susceptibles de prolonger la procédure.

Au vu de ce qui précède, la conclusion tendant à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la cause SV.4______ sera rejetée.

Il en ira de même de la requête du recourant tendant à pouvoir compléter son recours une fois que le Tribunal pénal fédéral aura prononcé son jugement, étant relevé que, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, l’intéressé a eu l’occasion de compléter ledit recours dans le cadre du second échanges d’écritures ordonné par le tribunal.

12.         Le recourant sollicite l’annulation de la décision sur réclamation du 11 janvier 2024 en raison de la violation de son droit d’être entendu par l’AFC-GE. Il reproche à celle-ci de ne pas avoir pris en considération ses déterminations du 7 juin 2022, dont la décision attaquée ne faisait pas mention.

13.         Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Le droit d’être entendu implique aussi l’obligation, pour l’autorité, de motiver sa décision (cf. également art. 41 al. 3 LHID, 43 al. 2 LPFisc) afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’est pas tenue de discuter tous les arguments soulevés, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17 mars 2021 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b).

Une violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure. Si une telle réparation dépend de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception, elle peut cependant se justifier même en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; ATA/782/2022 du 9 août 2022 consid. 2b ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c et les références citées).

14.         En l’espèce, la décision sur réclamation du 11 janvier 2024 ne fait pas explicitement mention des déterminations du recourant du 7 juin 2022. L’AFC-GE a toutefois accusé réception de ces déterminations le 8 juin 2022 et demandé par la suite au recourant de lui transmettre une version lisible de certains documents annexés à celles-ci. Les observations en question ont dès lors été dûment versées au dossier. L’AFC-GE les a en outre prises en considération dans sa décision dès lors qu’elle s’est fondée sur les états financiers de K______ SA figurant en annexe pour retenir que cette société connaissait une situation déficitaire depuis plusieurs années. Elle s’est également basée sur le tableau des financements octroyés à I______ SA qui était joint à ces observations pour retenir l’absence de tout intérêt économique de K______ SA et de M. J______ dans cette société. Partant, le grief du recourant, selon lequel l’AFC-GE n’aurait pas pris ses déterminations en considération dans la décision entreprise, est infondé.

Le fait que l’AFC-GE n’a pas explicitement discuté, dans sa décision du 11 janvier 2024, la portée des attestations de Mme Z______ et de M. W______, jointes par le recourant aux déterminations susmentionnées, est pour le surplus sans incidence. À supposer que cette omission soit constitutive d’une violation du devoir de motivation, force serait de constater que le recourant a pu réitérer les arguments qu’il déduisait de ces attestations dans le cadre de sa réplique du 28 juin 2024. Le tribunal de céans disposant du même pouvoir de cognition que l’AFC-GE, la violation susmentionnée serait ainsi réparée.

Au vu de ce qui précède, le grief de violation du droit d’être entendu sera écarté.

15.         Le recourant conclut à l’apport du dossier de l’autorité intimée et à l’audition de cinq témoins, à savoir M. T______, Mme Z______, Mme AB_____, M. W______ et M. AC_____.

16.         Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.1). Cela étant, en vertu de l’art. 6 par. 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), applicable à la procédure réprimant la soustraction fiscale, laquelle est à caractère pénal, tout accusé a le droit d’interroger ou faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; il s’agit d’une règle concrétisant le droit à un procès équitable (ATF 121 I 306 consid. 1a).

L’obligation de tenir une telle audience n’est cependant pas absolue, hormis en ce qui concerne un témoin à charge pour qui le droit de lui poser des questions a en principe un caractère absolu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1028/2020 du 1er avril 2021 consid. 1.2.1). En effet, le droit d’être entendu ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_316/2019 du 23 mai 2019 consid. 1.1.1 ; ATA/168/2020 du 11 février 2020 consid. 2). Ce principe vaut même lorsque la maxime inquisitoire s’applique (ATF 130 III 734 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1).

En matière de droit fiscal, la jurisprudence retient en outre que les documents écrits revêtent une importance considérable, dès lors qu’ils sont les plus à même d’apporter une preuve précise et immédiate. A contrario, les témoignages, en particulier lorsqu’ils émanent de personnes proches de l’administré, ont une valeur probante quasi nulle. Il en va de même des preuves établies après coup et des documents non contemporains aux faits sur lesquels porte le litige (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4642/2020 du 5 octobre 2021 consid. 2.5 et les arrêts cités).

17.         En l’espèce, l’AFC-GE a produit le dossier relatif à la présente cause avec sa réponse du 15 mai 2024. La conclusion formulée par le recourant sur ce point est dès lors devenue sans objet.

S’agissant des auditions de témoins sollicitées par le recourant, il convient tout d’abord de relever que ceux-ci se sont déjà exprimés par écrit, que ce soit par le biais d’un courriel adressé au recourant (M. T______) ou au moyen d’attestations rédigées pour les besoins de la présente procédure (Mme Z______, Mme AB_____, M. W______ et M. AC_____). Or, le recourant n’indique pas en quoi leur audition orale permettrait d’apporter des éléments complémentaires utiles à la résolution du litige.

Indépendamment de ce qui précède, les mesures d’instruction sollicitées ne sont pas de nature à modifier la conviction du tribunal.

Concernant l’audition de M. T______, l’AFC-GE a produit les documents d’ouverture des relations bancaires ouvertes au nom de G______ et de H______ LTD, lesquels identifient le recourant en tant qu’ayant droit économique de ces relations. Comme il sera exposé ci-après, la mesure d’instruction sollicitée ne permettrait dès lors pas de retenir que l’ayant droit économique réel de ces relations bancaires était une autre personne, à savoir l’ancien partenaire professionnel du recourant, aujourd’hui décédé (cf. infra, consid. 28).

S’agissant de l’audition de Mme Z______, de Mme AB_____, de M. W______ et de M. AC_____, la question décisive pour l’issue de la présente cause est de déterminer si les transferts effectués au débit du compte de K______ SA en faveur de I______ SA peuvent être assimilés à des prestations appréciables en argent dont aurait bénéficié le recourant et qui devraient dès lors être imposées dans son chapitre fiscal. En revanche, la manière dont I______ SA a comptabilisé ces transferts selon les témoins susmentionnés n’est pas déterminante dans ce cadre (cf. infra, consid. 35). Partant, il n’est pas pertinent d’auditionner ces témoins afin qu’ils s’expriment sur cette question.

Quant au témoignage de Mme AB_____, celui-ci ne saurait pallier l’absence de justificatifs des frais professionnels que le recourant prétend avoir encourus en République Dominicaine pour le compte de K______ SA. Il est par ailleurs dénué de pertinence dès lors que, comme il sera exposé ci-après, l’activité de Mme AB_____ était déployée pour le compte de I______ SA et non de K______ SA (cf. infra consid. 24).

Au vu de ce qui précède, les actes d’instruction sollicités ne seront pas ordonnés.

18.         Le recourant conclut à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle ordonne, pour l’année 2010, la reprise de GBP 160'800.- et de CHF 258'615.- à titre d’autres produits de l’activité indépendante et la reprise de CHF 1'161'998.- à titre d’autres revenus.

19.         Les art. 16 LIFD et 17 LIPP prévoient que l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques. En lien avec la liste exemplative des art. 17 à 23 LIFD et 18 à 24 LIPP, ces dispositions expriment, pour l’imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l’accroissement du patrimoine, respectivement de l’imposition du revenu global net, ainsi que la règle selon laquelle tous les revenus du contribuable sont en principe imposables, à moins d’être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.1).

Sont en particulier imposables tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, et de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD et 19 al. 1 LIPP).

Les contribuables exerçant une activité indépendante peuvent déduire de leurs revenus les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel, dont notamment les dépenses faites pour l’exploitation d’un commerce, d’une industrie ou d’une entreprise et celles qui sont nécessaires pour l’exercice d’une profession ou d’un métier (art. 27 al. 1 LIFD et 30 let. a LIPP).

En revanche, les frais d’entretien du contribuable et de sa famille, y compris les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle, ne peuvent être déduits (art. 34 let. a LIFD et 38 let. a LIPP).

20.         S’agissant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d’exception à l’impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/726/2020 du 4 août 2020 ; ATA/1728/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3f ; ATA/858/2018 du 21 août 2018 ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées). Le principe de la légalité ne permet donc pas d’introduire des déductions fiscales qui ne sont pas prévues par la loi (ATA/1728/2019 précité, consid. 4).

La possibilité de déduire les frais d’acquisition du revenu est de plus conditionnée à l’apport de la preuve, par le contribuable, de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_916/2012 du 28 février 2013 consid. 4.1 ; 2C_132/2010 du 17 août 2010 consid. 3.2 ; ATA/294/2014 du 29 avril 2014 consid. 6 et les références citées).

La distinction entre frais professionnels déductibles et frais privés non déductibles peut être délicate chez l’indépendant. L’autorité de taxation doit notamment apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense ; pour ce faire, elle dispose en particulier de l’information recueillie lors de la taxation des autres indépendants de la même branche (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2010 précité ; 2C_658/2007 du 13 février 2008 consid. 2.1 ; Yves NOËL, in Impôt fédéral direct – Commentaire de la LIFD, 2008, n. 21 ad art. 27 LIFD).

Dès lors, seuls les frais effectivement dépensés, naturellement et logiquement liés à la réalisation du revenu taxé, sont déductibles du revenu brut. Il ne peut s’agir ni de dépenses plus ou moins en corrélation avec l’exercice d’une activité lucrative, ni de frais de convenance personnelle tout en étant plus ou moins en rapport avec l’activité exercée (ATA/17/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6f et les arrêts cités). Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l’usage commercial justifie les frais en cause. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d’apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l’acquisition ou le maintien du chiffre d’affaires. Il ne suffit pas d’en tenir une liste (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 3.1 ; ATA/17/2016 précité, ibidem et les arrêts cités).

21.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

En matière fiscale, il appartient à l’autorité de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d’impôts. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1239/2021 du 16 novembre 2021 consid. 5a ; ATA/1223/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c).

Lorsque l’administration a écarté des frais prétendument professionnels lors de la taxation, puis lors de la réclamation, il appartient au contribuable de faire le nécessaire pour rassembler tous les justificatifs propres à étayer ses allégations et démontrer l’existence de frais en relation avec son activité professionnelle (ATA/562/2015 du 2 juin 2015 consid. 9c et l’arrêt cité).

22.         En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s’applique. L’autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu’elle a recueillis. Cette liberté d’appréciation, qui doit s’exercer dans le cadre de la loi, n’est limitée que par l’interdiction de l’arbitraire. Il n’est pas indispensable que la conviction de l’autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu’elle découle de l’expérience de la vie et du bon sens et qu’elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016, 2C_711/2016 du 25 août 2016 consid. 6.2 ; 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 et les références citées ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014).

En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/24/2024 du 9 janvier 2024 consid. 8.10 et les références citées).

Il peut arriver que, même après l’instruction menée par l’autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont les règles générales du fardeau de la preuve susmentionnées qui s’appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l’échec de la preuve ou de l’absence de preuve d’un tel fait (ATA/778/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/747/2011 du 6 décembre 2011).

23.         En l’espèce, il sera relevé, à titre liminaire, que le recourant n’a contesté à aucun moment, dans le cadre de la présente cause, la réalisation des conditions permettant à l’AFC-GE d’entamer à son encontre une procédure de rappel d’impôt pour l’ICC et l’IFD 2010, sur la base de la dénonciation pour soupçon de soustraction fiscale reçue du MPC au mois de juillet 2020. Les conditions d’une telle procédure (cf. art. 59 al. 1 ss LPFisc, 151 s. LIFD,) sont, quoi qu’il en soit, manifestement réunies, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner cette question plus avant.

24.         S’agissant en premier lieu de la reprise de CHF 258'615.- effectuée par l’AFC-GE en lien avec les frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de K______ SA, le recourant ne conteste pas l’imposition dans son chef des CHF 3'000.- qu’il a retirés pour son propre compte, ni celle des versements effectués en faveur de son fils M______ à hauteur de CHF 11'175.- (cf. En fait, ch. 27). La question de l’imposition des CHF 38'329.- versés sur le compte H______ LTD sera quant à elle traitée ci-après.

Restent dès lors litigieux les retraits en espèces en CHF 205'710.- effectués par le recourant durant la période fiscale 2010 sur le compte de K______ SA.

D’emblée, il convient de rappeler que le recourant a affirmé, dans son courrier du 18 avril 2019 au MPC, que la somme susmentionnée lui revenait, étant donné qu’elle correspondait globalement aux commissions de 1% prévues par le contrat de fiducie conclu avec M. J______. Il admettait ainsi que les CHF 205'710.- litigieux constituaient un revenu imposable. Ce n’est que dans le cadre de la procédure de contrôle qu’il a fait valoir que cette somme aurait servi à couvrir ses frais professionnels liés aux investissements réalisés en République Dominicaine pour le compte de K______ SA.

Or, cette affirmation est contredite par les précédentes déclarations du recourant, sans que l’on comprenne pourquoi celui-ci aurait tout d’abord admis comme honoraires des montants qui auraient en réalité constitué des frais professionnels, et sans qu’il n’explique les raisons qui l’auraient conduit à une telle méprise. Au surplus, cette position n’emporte pas conviction.

Dans le cadre de la procédure de contrôle, le recourant n’a en effet produit aucun justificatif des frais qu’il allègue avoir encourus lors de ses déplacements en République Dominicaine. Ce n’est que dans le cadre de sa réplique qu’il a fourni, pour seule preuve desdits frais, une copie de la lettre d’engagement de son ancienne assistante administrative, ainsi qu’une attestation notariée de cette dernière évaluant ses dépenses lors de ses nombreux séjours en République Dominicaine à quelques USD 213'900.- pour la période fiscale 2010.

Il est tout d’abord douteux qu’une telle attestation, rédigée pour les seuls besoins de la présente procédure, revête une force probante suffisante pour démontrer le bien-fondé des déductions sollicitées. Son contenu, selon lequel les pièces justificatives ne seraient plus disponibles en raison des divers cambriolages commis dans les locaux de I______ SA, n’est en outre aucunement démontré.

Indépendamment de ce qui précède, les affirmations très générales contenues dans ce document ne permettent pas d’établir une relation de causalité directe entre les dépenses en cause et l’activité de gestion fiduciaire que le recourant était censé conduire pour le compte de K______ SA. On comprend mal par ailleurs la raison pour laquelle les retraits effectués sur le compte de K______ SA à titre de frais pour la gestion de cette relation bancaire se retrouveraient dans la comptabilité de I______.

Au vu de ce qui précède, l’appréciation de l’AFC-GE, selon laquelle le bien-fondé des déductions sollicitées n’était pas démontré, est non seulement exempte d’arbitraire, mais également parfaitement fondée. Partant, la reprise de CHF 205'710.- sera confirmée.

25.         Le recourant conteste en second lieu les reprises effectuées par l’AFC-GE en lien avec les montants crédités sur les comptes G______ (GBP 160'800.-) et H______ LTD (CHF 38'329.-). Il fait en substance valoir que le réel ayant-droit économique de ces comptes était M. S______ et qu’il n’avait jamais bénéficié des montants versés sur ces relations bancaires. Ceux-ci ne pouvaient par conséquent être imposés dans son chef.

26.         Lorsqu’une personne fonde une personne morale, notamment une société anonyme, il faut en principe considérer qu’il y a deux sujets de droit distincts avec des patrimoines séparés : la personne physique d’une part et la société anonyme d’autre part. Il en va ainsi même en présence d’une société anonyme à actionnaire unique, bien que ce genre de structure ne corresponde pas à la société anonyme type, telle que la voulait le législateur, c’est-à-dire une société de caractère capitaliste et collectiviste qui exerce une activité commerciale ou industrielle. Ce genre de société anonyme, création de la pratique, est néanmoins toléré en droit suisse et, malgré l’identité économique entre la société et l’actionnaire, on les traite en principe comme des sujets de droit distincts, avec des patrimoines séparés (ATF 128 Il 329 consid. 2.4 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_379/2018 du 3 avril 2019 ; 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 8.3.1).

Le principe de transparence, fondé sur la réalité économique, permet toutefois de considérer que la forme juridique des relations d’où provient le revenu imposable n’est pas nécessairement décisive du point de vue fiscal. Sous certaines conditions, l’autorité peut s’en tenir à la réalité économique et admettre en particulier l’existence d’un seul contribuable en présence de plusieurs entités juridiquement distinctes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_742/2008 du 11 février 2009 consid. 5.5). Le Tribunal fédéral n’admet ce mode de faire que si la forme juridique à laquelle a recouru le contribuable est insolite, inadéquate ou anormale, qu’elle n’a été choisie qu’aux fins d’éluder l’impôt et qu’elle conduirait effectivement à une économie d’impôt. En d’autres termes, il faut que l’on se trouve en présence d’un cas d’évasion fiscale (ATF 102 Ib 151 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_724/2010 du 27 juillet 2011 consid. 7.4 ; 2P.92/2005 du 30 janvier 2006 consid. 7.2).

Recourir à un tiers pour faire écran entre des avoirs et un contribuable est un montage classique pour soustraire des flux imposables aux yeux des administrations fiscales. Ce tiers peut être une personne physique proche du contribuable (par exemple un membre de sa famille) ou une société de domicile, souvent enregistrée dans une juridiction connue pour faciliter les domiciliations fictives (ATF 147 II 116 consid. 5.4.2).

Les sociétés offshore sont définies comme des sociétés d’investissement passives qui possèdent uniquement un siège statutaire, ne disposent d’aucune infrastructure ni de personnel propre, n’exercent aucune activité à proprement parler, se limitent à se présenter en tant que détentrice d’un compte pour la réception d’argent ou en tant que propriétaire de fortune (par ex. un portefeuille de titres) et se voient fournir des prestations de services qui ne consistent, en règle générale, qu’en la gestion des valeurs patrimoniales qui sont en leur propriété. Il y a « Durchgriff » ou transparence de la société de domicile étrangère, en ce sens que les ayants droit économiques de la société, et non celle-ci, déterminent le sort fiscal des prestations. Il n’y a toutefois pas « Durchgriff » si les sociétés de domicile étrangères auxquelles les prestations litigieuses ont été fournies sont des entreprises actives (ATF 136 1 49 consid. 5.4; ATF 131 II 627 consid. 5 .2).

27.         Un contrat de fiducie est un contrat par lequel le fiduciant transfère un droit (soit la propriété d’un bien ou d’une créance) au fiduciaire, qui doit l’exercer dans l’intérêt du fiduciant et le lui retransférer à sa demande. Le fiduciant perd la titularité du droit, mais conserve contre le fiduciaire un droit personnel sur son utilisation et sa restitution. En droit privé, la fiducie est distinguée de la simulation, en ce sens que le transfert du droit au fiduciant est réellement voulu dans le premier cas, contrairement au second (ATA/22/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6a et les références citées).

En principe, les autorités fiscales peuvent imputer les rapports de droit et leurs conséquences juridiques au contribuable dont le nom apparaît, sous réserve d’une contre-preuve. Selon le cours ordinaire des choses, un accord conclu en son propre nom est réputé l’avoir été pour son propre compte. L’existence, à titre exceptionnel, d’un rapport fiduciaire impose donc au contribuable qui entend s’en prévaloir, en tant que facteur diminuant son imposition, d’en apporter la preuve. L’affirmation selon laquelle une relation juridique conclue en son propre nom l’a été pour le compte d’un tiers ne sera prise en compte que si le contribuable parvient à démontrer sans discussion possible le rapport fiduciaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2016, 2C_149/2016 du 25 août 2017 consid. 8.1 ; 2C_24/2014 du 29 janvier 2015 consid. 4.3.1 ; 2C_387/2007 du 4 mars 2008 consid. 4.2). A défaut d’une telle preuve, on ne peut reprocher à l’autorité de conclure que toute somme d’argent reçue par une personne en son nom propre l’a enrichie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2016, 2C_149/2016 précité, ibidem ; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 9.2).

Ce n’est donc qu’en présence d’une convention de fiducie reconnue et à certaines conditions que les autorités fiscales admettent d’imposer les biens ou les droits détenus, ainsi que les rendements qui en découlent, auprès du fiduciant, en sa qualité de réel détenteur économique des biens ou droits faisant l’objet du contrat (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2016, 2C_149/2016 du 25 août 2017 consid. 8.1 ; 2C_785/2013 du 28 mai 2014 consid. 4.5 et les références, in RDAF 2014 II 470). Cette approche restrictive se justifie, car elle revient à permettre au fiduciaire de ne pas être imposé sur le revenu de titres, bien que, sur le plan du droit civil suisse, il soit considéré comme propriétaire des biens ou des droits qui lui ont été transférés à titre fiduciaire (ATF 130 III 417 consid. 3.4 ; 117 II 429 consid. 3b). Pour sa part, le fiduciant a une créance personnelle en restitution des biens propriété du fiduciaire. Le fait que le fiduciaire détient les actions pour le compte et aux risques du fiduciant ne change donc rien à la qualité de propriétaire du fiduciaire au regard du droit civil (arrêts du Tribunal fédéral 8C_642/2015 du 6 septembre 2016, consid. 6 ; 2C_785/2013 du 28 mai 2014 consid. 4.5 et les références citées, in RDAF 2014 II 470).

Aux termes de la notice (consultable à l’adresse www.estv.admin.ch, rubrique « Impôt anticipé/Droits de timbre », Notices/S-02.107), à laquelle le Tribunal fédéral se réfère pour établir si les conditions permettant de tenir compte d’un rapport fiduciaire sur le plan du droit fiscal sont réunies (cf. notamment arrêts précités 2C_148/2016, 2C_149/2016 consid. 8.1 ; 2C_24/2014 consid. 4.3.1 ; 2C_785/2013 consid. 4.5 et 2C_387/2007 consid. 4.3), il faut que le contribuable produise le contrat écrit de fiducie conclu à l’époque où la fiducie a été constituée et que celui-ci indique notamment l’identité et l’adresse du fiduciant (cf. p. 1, ch. 1), ainsi que le fait que le fiduciaire ne doit encourir aucun risque relatif aux biens fiduciaires (ch. p. 1, ch. 3). Ces exigences sont notamment applicables à la détention fiduciaire de titres, de participations et de créances (cf. p. 2, let. B).

Lorsque le contribuable se prévalant d’un rapport de fiducie n’est pas en mesure de produire la documentation contractuelle écrite requise par la notice, il ne peut se limiter à établir son existence abstraitement par d’autres moyens, tels que des témoignages, pour échapper au paiement de l’impôt. Les éléments de preuve qu’il doit apporter doivent permettre d’arriver à un résultat équivalent à celui demandé par la notice, soit à une preuve stricte de l’existence d’un rapport de fiducie (ATA/22/2016 précité, consid. 10, 4ème §).

Dans les relations internationales, les exigences en matière de preuve concernant le rapport de fiducie sont particulièrement strictes, dans la mesure où les rapports juridiques internationaux sont largement soustraits au contrôle des autorités fiscales suisses. Une preuve indiscutable du rapport fiduciaire est nécessaire. La relation de fiducie entre une société suisse et une société étrangère doit être nécessairement prouvée par des conventions écrites et des pièces justificatives (arrêt du Tribunal fédéral 2A.79/2002 du 27 janvier 2003, publié in RDAF 2003 II 382 consid. 5.2 et 5.3 ; Danielle YERSIN, in Impôt fédéral direct – Commentaire de la LIFD, 2008, n. 62 ad Remarques préliminaires). La même règle s’applique lorsque le fiduciant ou le fiduciaire sont des personnes physiques. Le contrat doit avoir été écrit et signé à l’époque de la constitution du rapport fiduciaire (arrêt du Tribunal fédéral du 6 juin 1991, publié in ASA 60 558 consid. 2b et les références citées ; décision de la commission fédérale de recours en matière de contributions du 21 avril 1995, publiée in RDAF 1997 II 524 consid. 3 et 4b).

Lorsque le rapport de fiducie allégué est passé avec une société de domiciliation, la documentation contractuelle produite par le contribuable doit permettre d’identifier l’ayant droit économique qui contrôle cette entité et au bénéfice duquel celle-ci intervient lors de l’établissement du rapport fiduciaire (ATA/22/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6e et 6f et les références citées).

28.         En l’espèce, les documents bancaires versés à la procédure ne permettent pas de déterminer quelle personne, physique ou morale, était titulaire du compte ouvert au nom de « No 3______ G______ ». Le recourant n’a toutefois allégué à aucun moment que ce compte aurait été détenu par un tiers. Il en était par ailleurs l’unique ayant droit économique. Il s’ensuit que la somme de GBP 160'800.- créditée sur le compte en question au mois de décembre 2010 était, de prime abord, imposable auprès du recourant (voir ci-après s’agissant de la prétendue relation fiduciaire entre le recourant et M. S______).

La situation est différente pour le compte H______ LTD. À teneur du formulaire A versé au dossier, le recourant était certes désigné comme ayant droit économique de ce compte. Celui-ci étant ouvert au nom d’une personne morale, il convenait toutefois d’examiner au préalable s’il pouvait être fait abstraction de la dualité juridique existant entre cette société et son détenteur avant d’imposer les montants en question auprès du second, question que n’a pas traitée l’AFC-GE.

En l’occurrence, le recourant a déclaré devant le MPC que H______ LTD était une société irlandaise détenant un compte au F______ qui lui servait à encaisser les rétrocessions de fonds de placement. Il n’a en revanche allégué à aucun moment que cette société disposait d’une infrastructure et du personnel lui permettant d’exercer une activité économique à proprement parler. Ces circonstances font dès lors apparaître H______ LTD comme une société de domicile étrangère dont la raison se limite à détenir un compte bancaire pour le compte de son ayant droit économique. Conformément à la jurisprudence, une telle structure juridique, qui fait écran entre un contribuable et ses avoirs, apparaît insolite et n’a vraisemblablement pas d’autre but que celui de conduire à une notable économie d’impôt. Partant, il se justifie d’ignorer la réalité juridique de H______ LTD et de traiter les revenus réalisés par cette société en transparence.

S’agissant de l’identité du bénéficiaire de ces revenus, l’application du « Durchgriff » aboutit en principe à imposer les revenus auprès de l’actionnaire principal de la société. Or, dans le cas présent, les pièces produites ne permettent pas de déterminer qui, du recourant ou du prétendu ancien partenaire professionnel de ce dernier, à savoir M. S______, avait ce statut. Ceci n’est toutefois pas décisif. Dès lors qu’il était désigné comme ayant droit économique du compte H______ LTD, il incombait dans tous les cas au recourant de démontrer qu’il agissait à titre fiduciaire pour le compte de M. S______ pour échapper à l’imposition des montants litigieux.

Or, l’affirmation du recourant selon laquelle M. S______ était l’ayant droit économique réel des comptes G______ et H______ LTD, est insuffisamment étayée au vu des exigences de preuve très strictes prévues en la matière par la jurisprudence rappelée plus haut. Pour seule preuve du prétendu rapport de fiducie conclu avec M. S______, le recourant s’est limité à produire un courriel daté du mois d’août 2021, dans lequel un ancien ami et « business partner » du défunt affirme qu’il avait ouvert les relations bancaires susmentionnées conformément à leurs instructions. Cet ami prétendait également être l’auteur du versement des GPP 160'800.- crédités sur ce compte au mois de décembre 2010 et que ce montant devait revenir au défunt, conformément à leurs arrangements internes.

Un tel document, établi pour les besoins de la procédure de contrôle initiée par l’AFC-GE, ne répond toutefois pas aux exigences de preuve accrues en matière de rapports fiduciaires internationaux, lesquels ne peuvent être admis que moyennant la production du contrat signé à l’époque de la constitution du rapport fiduciaire et, s’agissant du compte de H______ LTD, des documents permettant d’identifier l’ayant-droit économique réel de cette société. Cette absence de documents probants idoines ne saurait être compensée par l’audition de l’auteur du courriel susmentionné, dès lors qu’une preuve testimoniale serait, conformément à la jurisprudence, dénuée de portée dans un tel cas de figure. Partant, le rapport de fiducie allégué par le recourant ne peut être pris en considération.

Par souci d’être complet, il sera encore relevé que le recourant n’a produit aucun document démontrant que les transferts de CHF 28'329.- et CHF 10'000.- effectués en mars et octobre 2010 du compte de K______ SA vers celui de H______ LTD visaient à rétribuer des investissements effectués par M. S______ en faveur de K______ SA et ne constituaient pas des revenus personnels.

Au vu de ce qui précède, la reprise de CHF 246'760.- correspondant à la bonification de GBP 160'800.- reçue au mois de décembre 2010 sur le compte G______ no 6______sera confirmée. Il en ira de même de la reprise des CHF 38'329.- versés en 2010 sur le compte de H______ LTD.

29.         En conséquence, la reprise totale de CHF 530'871.- effectuée par l’AFC-GE dans le chapitre fiscal 2010 du recourant à titre d’autres produits de l’activité indépendante, portant le bénéfice net de ladite activité à CHF 532'663.-, doit être confirmée.

Il appert en revanche que l’AFC-GE n’a pas tenu compte des conséquences de la reprise susmentionnée sur le montant des cotisations AVS dues par le recourant pour la période fiscale considérée, la déduction admise à ce titre étant demeurée fixée à CHF 4'905.-, soit le montant initialement déclaré par l’intéressé.

Or, la jurisprudence du Tribunal fédéral imposait à l’autorité intimée de calculer d’office le montant vraisemblablement dû par le recourant à ce titre à la suite de la reprise litigieuse et de déduire une provision correspondante de ses revenus, afin que sa taxation corresponde le plus possible à sa situation financière réelle (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_762/2023 du 26 juin 2024 consid. 8.5 et les arrêts cités).

Le tribunal de céans appliquant le droit d’office et n’étant pas lié par les motifs invoqués par les parties, le recours sera dès lors partiellement admis sur ce point, en ce sens que la déduction à opérer entraîne une réduction de l’imposition des recourants.

Les bordereaux litigieux seront dès lors annulés dans cette mesure et retournés à l’AFC-GE pour nouvelle décision sur ce point.

30.         Reste à examiner la reprise de CHF 1'161'998.- correspondant aux virements et aux paiements effectués en faveur du groupe I______ depuis la relation bancaire de K______ SA.

31.         En vertu des art. 20 al. 1 let. c LIFD et 22 al. 1 let. c de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre sont soumis à l’impôt sur le revenu dans le chef du détenteur des droits de participations au titre de rendement de la fortune mobilière.

Selon la jurisprudence rendue en matière d’impôt fédéral direct, il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n’aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (cf. notamment ATF 144 II 427 consid. 6.1; 140 II 88 consid. 4.1; 138 II 57 consid. 2.2). Il convient ainsi d’examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« Drittvergleich » ; « dealing at arm’s length » ; ATF 144 II 427 consid. 6.1 ; 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 545 consid. 3.2, 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_884/2021 du 18 mars 2022 consid. 5.1 et 5.2).

L’actionnaire peut notamment favoriser une personne proche, à savoir une personne physique ou morale avec laquelle il entretient des relations économiques ou personnelles qui, d’après l’ensemble des circonstances, doivent être vues comme la cause véritable des prestations avantageuses (Yves NOËL, op. cit., n. 84 ad art. 20 LIFD).

La prestation appréciable en argent peut consister soit dans la mise à disposition d’un montant sans que son remboursement soit envisagé, soit dans la renonciation par la société prêteuse à une contreprestation adaptée au risque encouru. Dans le premier cas, la prestation appréciable en argent correspond au montant remis à l’actionnaire, dans le second à la différence entre le taux d’intérêt appliqué et le taux d’intérêt qu’elle aurait exigé d’un tiers (ATF 138 II 57 consid. 3.2, 6.1, 6.2, 7.4.1 et 7.5; arrêt du Tribunal fédéral 2C_872/2021 du 2 mars 2021 consid. 3.2).

En ce qui concerne la dette de prêt elle-même, il n’y a pas de prestation appréciable en argent si l’actionnaire à qui la société a prêté est tenu, comme tout emprunteur tiers, au remboursement. Il en va différemment s’il n’y a pas lieu de compter avec le remboursement du prêt, parce que les parties ne l’ont pas envisagé ou pour d’autres raisons (ATF 138 II 57 consid. 5).

La jurisprudence parle, pour qualifier ces situations, de prêts « simulés »
(ATF 138 II 57 consid. 5 et 5.1), mais il n’est pas nécessaire pour autant de prouver que les conditions strictes d’une simulation au sens du droit civil (art. 18 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220 ; sur la notion, arrêts du Tribunal fédéral 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_42/2014 du 17 octobre 2014 consid. 3.3) soient remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_678/2020 du 16 novembre 2021 consid. 7.2).

32.         Lorsque les conditions de la prestation appréciable en argent sont réunies, il y a lieu de distinguer – à tout le moins lorsque le bénéficiaire final de la prestation n’est pas l’actionnaire détenteur de participations – les trois contribuables concernés par l’opération, raison pour laquelle en doctrine comme en jurisprudence, pareille constellation est décrite par la figure géométrique du triangle (ATA/404/2023 du 18 avril 2023 consid. 11c).

Dans le cadre de la théorie du triangle, qui fait intervenir tout d’abord une société, ensuite l’actionnaire, le détenteur de participations ou les organes de cette dernière et enfin une « personne la ou les touchant de près », cette dernière peut être une personne physique ou morale entretenant avec la société et/ou l’actionnaire, le détenteur de participations ou l’organe, des relations économiques ou personnelles qui doivent être considérées, d’après les circonstances, comme la cause véritable de la prestation qu’il s’agit d’imposer (arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2019 du 28 avril 2020 consid. 5.2 et les références).

Lorsque la participation appartient à la fortune privée du détenteur de parts et qu’elle est versée à une personne proche, la théorie du triangle (« Dreieckstheorie ») s’applique dans tous les cas. En vertu de cette théorie, la prestation passe pendant un bref instant de la société effectuant la prestation au détenteur de parts, auprès duquel elle est considérée comme un rendement de la fortune mobilière, puis à la personne considérée comme proche du détenteur de parts (ATF 138 II 57 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_756/2020 du 3 mai 2021 consid. 4.2 ; 2C_1071/2020 du 19 février 2021 consid. 3.2.1). Il y a lieu de voir un indice en ce sens, lorsque la comparaison avec des opérations usuelles semblables démontre que la prestation en cause est à ce point inhabituelle – disproportionnée – qu’elle n’aurait pas été fournie de cette manière si le bénéficiaire n’avait pas été un proche du détenteur de parts. Le détenteur de parts doit par conséquent aussi être imposé sur des attributions de la société versées en faveur d’une autre société dominée par lui lorsqu’une justification commerciale d’un tel procédé fait totalement défaut (ATF 138 II 57 consid. 4.2). La manière d’effectuer le paiement ne peut rien changer à la qualification de la prestation en tant que rendement de la fortune mobilière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2 in Archives 84 254 et RDAF 2016 II 110 et les références citées).

33.         La convention de fiducie oblige le fiduciaire à conformer son activité, dans l’exercice d’un droit, au but fixé par le fiduciant. Elle déploie, entre les parties qui la concluent, l’effet d’un mandat ou d’un contrat similaire et détermine dans quelle mesure le fiduciaire est lié à des instructions ou agit de manière indépendante. Ces dernières peuvent, comme aussi le mandat, être strictes et contraignantes ou, au contraire, laisser une large indépendance au fiduciaire. Dans tous les cas, il lui est interdit de s’approprier la valeur du bien fiduciaire (Bénédict WINIGER, in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2021, n. 101, 102 et 118 ad art. 18 CO et les références citées).

34.         En l’espèce, le recourant reproche en premier lieu à l’AFC-GE d’avoir fondé la reprise des CHF 1'161'998.- susmentionnés sur le rapport FFA établi dans le cadre de la procédure pénale, alors que celui-ci ne figurait pas dans les pièces remises par cette autorité au tribunal de céans et que le procès pénal à venir n’avait pas encore permis d’établir la véracité des éléments qu’il contenait.

Cette critique est infondée. L’AFC-GE n’a certes pas joint le rapport FFA aux observations déposées dans le cadre de la présente procédure. Elle en a toutefois annexé les extraits pertinents – à savoir les tableaux des prélèvements effectués par le recourant sur les comptes bancaires de K______ SA – à son courrier du 24 février 2021 (cf. En fait, ch. 26). Le recourant a par ailleurs produit le rapport litigieux dans le cadre de sa réplique, étant rappelé que ce document lui avait été remis dans le cadre de la procédure pénale pendante à son encontre. Le rapport FFA figure dès lors bien au dossier.

S’agissant de la véracité des éléments contenus dans ce rapport, il sied de relever d’emblée que le recourant ne conteste à aucun moment avoir effectué en 2010, depuis la relation bancaire de K______ SA, des virements de CHF 885'823.- sur les comptes bancaires de I______ SA ainsi que des paiements de CHF 276'175.- en faveur de prestataires de cette société, comme le constate ledit rapport. Le recourant a d’ailleurs repris lui-même ces chiffres dans le courrier qu’il a adressé le 30 mars 2021 à l’AFC-GE. Il a même relevé, dans ses lignes du 30 septembre 2021 à ladite autorité, que les chiffres figurant dans le courrier précité avaient été extraits du rapport FFA et de ses annexes, qui se fondaient sur les extraits de compte fournis par la banque L______, et qui n’étaient dès lors guère discutables. Son affirmation selon laquelle la véracité des éléments comptables figurant dans le rapport FFA n’aurait pas encore été établie, est dès lors contredite par les courriers précités qui admettent précisément ces données chiffrées. Elle sera dès lors écartée.

35.         Le recourant reproche en second lieu à l’AFC-GE d’avoir assimilé à des revenus imposables les transferts qu’il a effectués depuis la relation bancaire de K______ SA en faveur de I______ SA. Il était lié avec M. J______ par une convention de fiducie qui remplissait les conditions de la notice sur les rapports fiduciaires et les transferts litigieux avaient été exécutés dans le cadre de cette relation de fiducie. Ils devaient dès lors être traités comme des investissements effectués pour le compte d’un tiers et non comme des revenus personnels. Le contenu des relevés de compte produits dans le cadre de la procédure pénale démontrait en outre qu’il n’avait jamais eu l’intention d’accaparer les fonds litigieux à son profit.

En l’occurrence, il est établi que le recourant disposait de la signature individuelle sur les comptes ouverts par K______ SA auprès de la banque L______. Cette position lui a permis de prélever des montants considérables sur ces comptes et de les transférer à I______ SA, respectivement à des créanciers de cette dernière, sur la base de prétendus contrats de prêt, qui n’ont pas été formalisés par écrit en ce qui concerne la période fiscale litigieuse. Or, le recourant n’a allégué à aucun moment que ces prêts auraient été remboursés ou auraient donné lieu au versement d’intérêts de la part de I______ SA en faveur de K______ SA. Il résulte au contraire de ses déclarations au MPC que les modalités de remboursement desdits prêts n’avaient pas été clairement définies par les sociétés concernées, ces remboursements étant simplement censés intervenir lorsque l’activité de I______ SA générerait un cash-flow positif.

Le recourant ne saurait non plus être suivi lorsqu’il prétend que ces prêts auraient bénéficié d’une contrepartie adéquate dès lors qu’ils auraient été convertis en actions à l’occasion de l’assemblée générale du groupe I______ du 17 octobre 2017, K______ SA étant alors devenue actionnaire dudit groupe à hauteur de 34%. Le recourant invoque en effet, comme seule preuve de cette prétendue conversion, le tableau de la structure de l’actionnariat de I______ SA au 31 décembre 2017 qu’il a remis à l’AFC-GE dans le cadre de la procédure de contrôle (cf. En fait, ch. 30). Ce document n’est toutefois pas contemporain des faits mais a été établi au mois de février 2021, selon toute vraisemblance pour les besoins de la cause ; il ne revêt dès lors aucune valeur probante. L’affirmation du recourant est du reste démentie par le procès-verbal de l’assemblée générale du groupe I______ du 17 octobre 2017, lequel mentionne précisément que les prêts d’actionnaires seront convertis en actions, à l’exception « du prêt K______ SA » dont le cas était « réservé pour le moment ». A ces éléments s'ajoute encore l'absence de toute pièce à teneur de laquelle K______ SA aurait donné son accord à cette conversion, accord sans lequel une telle opération ne pouvait être valablement menée par I______. Enfin, il faut également relever la valeur octroyée à cette prétendue conversion, constitué notamment par les intérêts qu'auraient soi-disant produit les prêts octroyés à I______ à hauteur de USD 2'250'238.-, Soit 35 % du montant de ces prêts, ce qui paraît également extrêmement douteux en l'absence de toute explication à ce sujet.

La première condition de l’existence d’une prestation appréciable en argent (prestation sans contre-prestation correspondante) est ainsi réalisée.

Le recourant détenant l’intégralité du capital-actions de K______ SA à titre fiduciaire et présidant simultanément le conseil d’administration de I______ SA, au sein de laquelle il disposait d’une participation, les prestations ont en outre été accordées à une personne morale proche de l’actionnaire (deuxième condition réalisée). Le recourant ne saurait, à cet égard, se retrancher derrière le rapport de fiducie qu’il avait noué avec M. J______ et arguer qu’il agissait pour le compte d’un tiers. Il a en effet admis sans ambiguïté devant le MPC que les transferts effectués depuis la relation bancaire de K______ SA l’avaient été à l’insu de son partenaire et que ce dernier n’aurait pas consenti à de telles transactions s’il en avait été informé. Ces opérations n’étant pas conformes au contrat de fiducie, le recourant doit être traité comme l’actionnaire réel de K______ SA et en subir les conséquences sur le plan fiscal.

Compte tenu de la situation financière obérée de I______ SA, qui était alors manifestement surendettée, il est par ailleurs patent que les prêts consentis à cette société n’auraient pas été accordés aux mêmes conditions à un tiers indépendant qui se serait trouvé dans une situation similaire (troisième condition réalisée). Le recourant était enfin conscient des avantages qu’il accordait à I______ SA, ayant notamment reconnu que M. J______ n’aurait pas consenti à de tels investissements s’il en avait été informé (quatrième condition réalisée).

Enfin, le fait que les montants transférés de K______ SA à I______ SA durant l’année 2010 n’aient jamais transité à travers le patrimoine du recourant n’empêche pas de les imposer dans le chapitre fiscal du précité à titre de rendement de la fortune mobilière. Conformément à la théorie du triangle, le détenteur de parts – en l’occurrence le recourant en sa qualité d’actionnaire fiduciaire de K______ SA – peut en effet être imposé sur les attributions de la société lui appartenant en faveur d’une autre société dont il est proche, dès lors que ces attributions ne sont pas justifiées commercialement, comme cela a été vu ci-avant.

Les conditions posées par la jurisprudence étant réunies, l’AFC-GE était dès lors fondée à assimiler les montants transférés de K______ SA à I______ SA durant l’année 2010 à des prestations appréciables en argent imposables dans le chef du recourant.

Partant, la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

36.         Il convient encore d’examiner brièvement si le recourant était titulaire d’une créance en remboursement des prêts octroyés à I______ SA qu’il y aurait lieu de comptabiliser dans sa fortune au 31 décembre 2010.

37.         À teneur de l’art. 13 al. 1 LHID et 46 LIPP - D 3 08), l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette.

Sont notamment soumises à l’impôt sur la fortune les créances chirographaires et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b et e LIPP).

L’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l’année pour laquelle l'impôt est dû (art. 49 al. 1 LIPP).

38.         Dans la procédure de recours, le tribunal a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation (art. 142 al. 4 LIFD ; art. 50 al. 2 LPFisc). Il peut ainsi à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au désavantage de ce dernier (art. 143 al. 1 LIFD ; art. 51 al. 1 LPFisc).

39.         En l’espèce, il est admis que les contrats de prêts prétendument conclus entre K______ SA et I______ SA durant la période fiscale 2010 n’ont pas été formalisés par écrit. Leur supposée existence n’est ainsi démontrée que par les attestations de tiers produites par le recourant, soit des documents établis a posteriori pour les seuls besoins de la cause, qui ne revêtent qu’une force probante insignifiante. Il résulte en outre des déclarations du recourant au MPC ainsi que du tableau annexé au procès-verbal de l’assemblée générale de I______ SA du 17 octobre 2017, qui récapitulait les financements octroyés à cette société au 30 septembre 2017, que le recourant avait la volonté d’apparaître comme le créancier des « prêts » en question aux côtés de K______ SA (cf. En fait, ch. 31 in fine). Ces incertitudes sur l’identité réelle du créancier de I______ SA peuvent toutefois rester en suspens.

Comme exposé ci-avant, les circonstances du cas d’espèce conduisent en effet à retenir qu’il n’y avait pas lieu de compter avec le remboursement de ces « prêts » dès lors qu’ils avaient été octroyés à I______ SA alors que sa situation financière était manifestement obérée. Conformément à la jurisprudence, cette circonstance permet d’imposer les montants transférés en tant que revenus dans le chapitre fiscal du recourant. Elle s’oppose à l’inverse à la comptabilisation d’une créance en remboursement du même montant dans la fortune du précité.

Partant, il n’y a pas lieu de procéder à une reformatio in peius du bordereau ICC 2010 des recourants sur ce point.

40.         Le recourant conteste en dernier lieu les bordereaux d’amendes ICC et IFD 2010 au motif que les soustractions sur lesquelles ces amendes se basent n’auraient pas été commises. Il relève, à titre subsidiaire, que l’erreur commise par l’AFC-GE, ayant consisté à lui infliger des amendes correspondant au montant de l’impôt soustrait, et non à 1,25 fois le montant en question comme indiqué dans la motivation des bordereaux, ne doit pas lui porter préjudice.

L’AFC-GE sollicite pour sa part la rectification des bordereaux susmentionnés et la fixation des amendes à CHF 671'576.60 pour l’ICC 2010 (CHF 537'261.25 x 1,25), respectivement à CHF 255'331.90 (CHF 204'265.5 x 1,25) pour l’IFD 2010.

41.         Est notamment puni d’une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée, alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète (art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu’une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/1183/2022 du 31 octobre 2023 consid. 7.1 et les arrêts cités). La soustraction consommée est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2 et les références citées).

En cas de soustraction consommée, l’amende est fixée, en règle générale, au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc). Il en découle qu’en présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en principe au montant de l’impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/1427/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4a).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du Code pénal. Ainsi, conformément à l’art. 106 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), il convient de tenir compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquent également. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3 et les références citées).

Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (ATF 144 IV 136 précité consid. 9.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

42.         Aux termes de l’art. 58 LPFisc, les erreurs de calcul et de transcription figurant dans une décision ou un prononcé entré en force peuvent, sur demande ou d’office, être corrigées dans les cinq ans qui suivent la notification par l’autorité qui les a commises (al. 1). La correction de l’erreur ou le refus d’y procéder peuvent être attaqués par les mêmes voies de droit que la décision ou le prononcé (al. 2).

Dans la procédure de recours, le tribunal a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation (art. 142 al. 4 LIFD ; art. 50 al. 2 LPFisc). Il peut ainsi à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au désavantage de ce dernier (art. 143 al. 1 LIFD ; art. 51 al. 1 LPFisc).

43.         En l’espèce, les reprises effectuées par l’AFC-GE dans le chapitre fiscal 2010 du recourant sont fondées, comme constaté ci-dessus par le tribunal. Le recourant ne remet en outre pas en cause la réalisation des éléments objectifs de la soustraction fiscale, soit une perte pour la collectivité publique et la violation d’une obligation fiscale, ayant consisté à ne pas déclarer une partie des revenus réalisés en 2010. Il ne conteste pas davantage le caractère fautif des infractions commises. Le prononcé d’amendes pour soustraction fiscale est dès lors justifié sur le principe.

S’agissant de la quotité de ces amendes, le recourant se limite à faire valoir que l’erreur de l’AFC-GE, ayant consisté à inscrire dans les bordereaux des montants correspondant à une fois l’impôt soustrait, et non à 1,25 fois ce dernier comme indiqué dans la motivation desdits bordereaux, ne doit pas lui porter préjudice.

En l’occurrence, la question de savoir si l’informalité susmentionnée constitue une erreur de transcription qui pourrait être corrigée dans le cadre du présent jugement par le biais de l’art. 58 LPFisc peut rester indécise. Conformément aux art. 142 al. 4 LIFD et 50 al. 2 LPFisc, le tribunal est en effet habilité à revenir sur ce point de la décision querellée par la voie de la reformatio in peius, étant précisé que l’occasion a été donnée au recourant de s’exprimer sur ce point

À cet égard, il appert que l’AFC-GE a voulu fixer la quotité des amendes à 1,25 fois le montant de l’impôt éludé en raison du caractère intentionnel de l’infraction, du caractère répétitif des soustractions commises et de l’absence de scrupules des recourants. Ce raisonnement ne peut être intégralement suivi. Il résulte en effet du dossier que les périodes fiscales 2011 à 2019 sont en cours d’instruction, de sorte que l’AFC-GE n’a pas encore statué sur la commission d’une éventuelle soustraction d’impôt au-delà de l’année 2010. Partant, elle ne pouvait pas invoquer le caractère répété des soustractions commises par le recourant en tant que circonstance aggravante.

Cela étant, le tribunal estime que l’importance du montant de l’impôt soustrait en 2010, le caractère intentionnel de l’infraction, de même que l’absence de scrupules du recourant – qui a obtenu en juillet 2014 une révision en sa faveur de sa taxation d’office 2010 en faisant valoir que son revenu imposable avait été très nettement surévalué et qu’il n’était pas en mesure de s’acquitter des impôts dus – justifient à eux seuls de fixer la quotité des amendes à 1,25 fois le montant de l’impôt soustrait, recalculé en fonction de la provision pour cotisations AVS admise ci-avant (cf. consid. 29).

Les bordereaux d’amende litigieux seront dès lors annulés dans cette mesure et retournés à l’AFC-GE pour nouvelle décision sur ce point.

44.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, seront condamnés solidairement au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 11 janvier 2024 ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             annule les bordereaux rectificatifs de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2010 du 11 janvier 2024 et retourne le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Giedre LIDEIKYTE HUBER, Laurence DEMATRAZ, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière