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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1687/2022

ATA/782/2022 du 09.08.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1687/2022-FORMA ATA/782/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Manuel Mouro, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 2003, a débuté en août 2018 sa formation gymnasiale au collège et école de commerce (ci-après : CEC)
B______ (ci-après : le collège).

2) Entre le 16 et le 21 septembre 2021, elle a suivi des séances organisées par le collège concernant le travail de maturité (ci-après : TM), notamment sous l’angle du plagiat.

3) En octobre 2021, elle a rendu à son maître accompagnant, Monsieur C______, une version provisoire de son TM, lequel était intitulé « En quoi la criminologie nous permet-elle de comprendre le cas du sadique de Romont ».

Lors de sa lecture préalable, ce dernier a constaté un plagiat dans la première partie, intitulée « biographie ». Lors d’un entretien du 11 octobre 2021, qui n’a pas fait l’objet d’un procès-verbal, il a invité l’élève à réécrire la partie incriminée.

4) Le 4 novembre 2021, Mme A______ a rendu la version finale de son TM, accompagné de l'attestation d’authenticité requise, signée.

5) Le 23 décembre 2021, un entretien s’est tenu entre Mme A______ et Madame D______, doyenne des TM 2021, concernant la problématique du plagiat dans son travail de maturité.

Toutes deux se sont ensuite entretenues par téléphone le 11 janvier 2022, toujours au sujet du TM.

6) Par décision exécutoire nonobstant recours du 3 février 2022, le collège a annulé le travail de maturité de Mme A______ pour cause de plagiat, comme déjà discuté lors de l’entretien du 23 décembre 2021 et par téléphone le 11 janvier 2022.

Afin qu’elle puisse débuter un nouveau TM en même temps que la volée des 3ème années qui commençait, elle était invitée à contacter Monsieur E______, doyen des TM 2022, pour déterminer avec lui au plus vite les modalités de sa réalisation.

Cette décision pouvait faire l’objet d’un recours motivé auprès de la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) dans un délai de trente jours.

7) Par courrier du 2 mars 2022, Mme A______ a fait recours auprès de la DGES II, demandant à ce qu’il soit revenu sur la décision d’annulation de son travail.

Son TM était composé de trois parties. La première portait sur la biographie du « sadique de Romont », la seconde sur la criminologie et la troisième visait à répondre à la problématique du TM. Seule la partie « biographie » de son travail avait été considérée comme un cas de plagiat. Or, elle estimait que plusieurs éléments s’opposaient à cette analyse.

Il existait très peu de sources concernant les éléments biographiques du « sadique de Romont ». Elle s’était ainsi principalement inspirée du site de Madame F______, journaliste, ce qu’elle avait précisé au préalable de son texte, en accord avec son maître accompagnant. Ce dernier lui avait fait remarquer, après une première lecture, que son texte était trop semblable à celui de Mme F______. Elle avait donc restructuré sa biographie en plusieurs étapes : la vie du criminel, les meurtres qui lui étaient reprochés et son procès. Une biographie concernant par nature certains éléments précis, il était difficile de reformuler les phrases de manière différente, par exemple « lorsqu’on parlait de naissance, de voyages, d’emplois ». Elle avait d’ailleurs cité Mme F______ de manière systématique dans sa bibliographie. Les parties « analyses » de son TM ne comportaient aucune mention de plagiat et provenaient uniquement de ses propres réflexions. La limite tolérée par le collège pour un plagiat était de 10 %, et son texte en comptait seulement 14 %. Elle comprenait la nécessité d’une limite à ne pas dépasser mais comme expliqué précédemment, le plagiat reproché concernait seulement la biographie, qui contenait des termes difficiles voire impossibles à reformuler.

Revenant sur son parcours personnel et scolaire, elle relevait qu’elle était une bonne élève, sérieuse et de bonne foi. Ses professeurs avaient toujours salué son excellent comportement. Elle souhaitait poursuivre ses études à l’université après l’obtention de son certificat de maturité. La décision était disproportionnée, dès lors que le plagiat portait sur la partie biographique uniquement et qu’elle avait tenté de s’en distancer, en modifiant la structure, sans supprimer toutefois des informations nécessaires à sa réflexion. Cette décision aurait des conséquences difficiles pour elle-même et sa famille, alors même qu’elle avait des bonnes notes lui permettant de réussir sa fin de cursus secondaire. Elle espérait qu’il soit possible de revenir sur cette décision et de lui permettre de continuer son cursus académique.

8) Par décision du 11 avril 2022, la DGES II a rejeté le recours.

Elle avait eu un entretien avec son maître accompagnant en octobre 2021. Il l’avait informée du fait que son travail comportait des parties considérées comme du plagiat, soit la première partie, et lui avait demandé de les réécrire, afin que le travail soit conforme aux règles anti-plagiat. Or, la version finale comportait encore des parties tirées de sources non citées, comme un article du journal « Le Temps », qui ne figurait pas dans la bibliographie. La reprise dans le travail de maturité de nombreuses phrases légèrement modifiées d’un article en ligne, sans signaler des citations ou sans en indiquer la source, était du plagiat, au sens de la jurisprudence. En outre, un taux de plagiat de 14 % avait été constaté dans le travail, dont 9 % de similitudes à l’identique, ce qui était considérable. Le plagiat était donc démontré.

9) Par acte du 24 mai 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision du collège, concluant principalement à ce qu’il soit ordonné à ce dernier de valider son travail de maturité. Subsidiairement, il convenait de renvoyer la cause à la DGES II pour nouvelle décision.

Son droit d’être entendue avait été violé. Aucune des deux décisions rendues, soit celle du collège et la décision querellée, ne lui permettaient de comprendre quels auteurs étaient copiés ou cités en violation des consignes, quels passages plagiés ni quelles sources n’étaient pas indiquées. Elle avait dû interjeter recours à l’aveugle, sans connaître l’ampleur du plagiat ni même quels passages étaient considérés comme plagiés. Au vu du caractère incomplet de la description du plagiat allégué et de l’absence de motivation développée dans la décision entreprise, elle était dans l’impossibilité de comprendre ce qui lui était précisément reproché, et de se prononcer face à cette accusation, en violation de son droit d’être entendue. La décision devait être donc annulée de ce fait.

À lire la décision querellée, seul un article du journal « Le Temps » pourtant utilisé dans le corps du texte, n’était pas cité. Cette omission ne pouvait à elle seule conduire à l’annulation du TM. Le reste des allégations de plagiat portaient sur des passages repris et légèrement reformulés, qui n’avaient pas fait l’objet d’une note de bas de page. Or, les œuvres dont elle avait tiré ses informations étaient indiquées dans la bibliographie de manière explicite. En outre, un renvoi général à l’article de Mme F______ figurait en début de travail. Il fonctionnait comme une note de bas de page générale. Cela excluait toute volonté de tromperie de sa part. Il ne pouvait donc pas lui être reproché de s’être attribué les idées de tiers. Tout au plus, à considérer que le renvoi général à l’article précité ne constituait pas une référence admissible, elle devait être pénalisée sur la forme, pour avoir omis de respecter les consignes relatives aux citations.

En outre, le maître accompagnant avait certes relevé la présence de plagiat mais ne lui avait pas donné de consignes précises afin d’y remédier. Il aurait simplement fallu lui indiquer de référencer systématiquement, par des notes de bas de page, l’article de Mme F______. Or, la consigne donnée consistait à restructurer et reformuler la partie biographie de son travail de maturité.

Étant donné que cette partie n’était pas issue de sa réflexion, puisqu’il s’agissait d’une biographie et que le texte était tiré de l’article de Mme F______, on voyait mal comment le restructurer et le reformuler lui aurait permis d’échapper au plagiat. Tel n’avait d’ailleurs pas été le cas. Malgré la reformulation et la restructuration, le texte final avait également été considéré comme plagié.

Elle ignorait enfin à quoi faisait référence le taux de plagiat, avancé dans la décision querellée, de 14 %, dont 9 % de similitudes à l’identique. Elle ignorait aussi le fonctionnement de l’outil de vérification, tout comme sa marge d’erreur, ni le taux admissible de plagiat. Elle ne comprenait pas comment ce taux pouvait être retenu à son détriment dans ces conditions. Cette accusation de plagiat n’avait pas été démontrée et n’était pas fondée. Il n’était donc pas possible d’annuler son travail de maturité sur cette base en vertu de l’application de l’art. 40 al. 1 du règlement relatif à la formation gymnasiale au collège de Genève du 29 juin 2016 (RGymCG - C 1 10.71).

À titre subsidiaire, la décision violait le principe de la proportionnalité. Elle devait recommencer son travail sur l’année scolaire 2022-2023, alors qu’elle avait les notes pour valider tous ses examens de maturité. Une sanction plus proportionnée, par exemple en lui enlevant des points pour tenir compte du plagiat allégué, ou en lui octroyant un bref délai pour rendre une nouvelle version de son travail ou un nouveau TM au cours de l’été 2022 lui aurait permis d’obtenir son certificat de maturité gymnasiale au cours de l’été 2022 et de poursuivre ses études à la rentrée 2022, sans interruption. Le taux de plagiat était manifestement le résultat d’une « mécompréhension de sa part et non d’une volonté de tromper ». Elle avait toujours été une bonne élève, n’avait jamais eu de problèmes scolaires ni disciplinaires. Le taux de plagiat de 14 % n’était pas particulièrement élevé et ne concernait qu’un tiers de son TM.

10) Par courrier du 9 mai 2022, le conseil de la recourante s’est adressé à la DGES II afin d’obtenir une copie de la version finale du TM concerné, comportant les indications des passages considérés comme plagiés.

11) Le 12 mai 2022, cette dernière lui a répondu qu’il devait adresser sa demande à la direction de l’établissement scolaire concerné.

12) Le même jour, le conseil de la recourante a présenté la même demande à la direction du collège.

En réponse, une version du TM, corrigée par le maître accompagnant, concernant les passages extraits de l’article le plus reproduit, lui a été envoyée par courriel du 16 mai 2022.

13) Dans ses observations du 27 juin 2022, la DGES II a conclu au rejet du recours.

Le droit d’être entendue de la recourante n’avait pas été violé. Elle avait été reçue le 23 décembre 2021 par Mme D______ pour s'expliquer sur la suspicion de plagiat et s'était entretenue à ce sujet avec celle-ci une nouvelle fois le 11 janvier 2022. Elle avait été informée que seule la partie biographie était concernée. Dans son recours à la DGES II de mars 2022, la recourante indiquait spécifiquement cet élément et relevait les raisons pour lesquelles il ne s’agirait pas de plagiat (absence de sources, difficultés à reformuler une biographie) et relevé que seule cette partie posait problème. Elle connaissait donc les raisons de l’annulation de son travail.

Le rapport du logiciel « Compilatio », faisant état de 14 % de plagiat, n’était pas le seul élément sur lequel se fondait la conclusion d'un plagiat avéré. En effet, le travail corrigé par son maître accompagnant démontrait une étude détaillée du texte permettant de confirmer ce résultat. La comparaison des pages 9 à 22 du TM et de l’article de Mme F______ faisait ressortir les phrases ou segments plagiés en jaune ou légèrement paraphrasés, en orange. L’article, recopié et retouché, n’était pas mis en italique ni cité entre guillemets. La version finale du TM comptait trente pages, dont quatorze pour la première partie, une et demie pour la seconde et cinq pages d’analyse. Ainsi, sur un total de 6'854 mots, 2'624 étaient de l’élève ou cités de manière adéquate, tandis que 4'230 étaient plagiés ou reformulés.

L’art. 40 RGymCG prévoyait que tout plagiat ou tentative de plagiat entraînait l’annulation du TM et qu’un nouveau TM devait être effectué selon le calendrier de la volée suivante. Cette disposition ne laissait aucun pouvoir d’appréciation au collège. Partant, la sanction ne violait pas le principe de la proportionnalité.

14) Dans sa réplique du 18 juillet 2022, la recourante a ajouté qu’elle n’avait toujours pas pu prendre connaissance du rapport de « Compilatio », pourtant mentionné dans les déterminations de l’autorité intimée. Il existait une incompatibilité entre le taux de 14 % de plagiat avancé par l’autorité et le nombre total de mots plagiés, soit 60 % selon la DGES II (4'320 mots plagiés ou reformulés sur un total de 6'854). Elle n’avait pas reçu de correction globale de son TM. Son droit d’être entendue avait donc été violé.

En préambule, elle avait fait un renvoi général au texte de Mme F______, ce qui excluait toute tromperie. Dans ces conditions, tout au plus devait-elle être sanctionnée pour ne pas avoir respecté les consignes relatives à la forme à donner aux références. Enfin, la chambre de céans n’était pas en possession du rapport « Compilatio » ni des informations du fonctionnement de ce logiciel, pas plus que d’une version corrigée complètement du TM, indiquant tous les passages considérés comme plagiés. Elle-même avait pourtant demandé à l’autorité intimée de lui transmettre son dossier complet le 27 mai 2022. Partant, ni le taux de plagiat ni le caractère inadmissible de celui-ci ne pouvaient être confirmés.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief, la recourante considère que son droit d’être entendue aurait été violé. La décision querellée, tout comme celle du collège, ne lui permettraient pas de comprendre quels auteurs auraient été cités en violation des consignes, ni quels passages plagiés. Elle n’aurait jamais reçu l’analyse de « Compilatio ».

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

b. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond. Une réparation devant l'instance de recours est toutefois possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée. La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut se justifier même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a et les références citées).

c. Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet,
celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA).
Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c).

d. En l’espèce, à titre liminaire, la chambre de céans constate que le travail « corrigé », dans lequel le plagiat a été constaté, n’a été transmis à la recourante par la direction de l’établissement scolaire qu’en mai 2022. En outre, même devant la chambre de céans, l’analyse issue du logiciel « Compilatio », à laquelle la décision fait référence, n’a pas été produite. Ces éléments pourraient en soi déjà être constitutifs d’une violation du droit d’être entendue de la recourante.

Néanmoins, il ressort également du dossier que la recourante a été reçue par la doyenne des TM 2021 en décembre 2021 et qu’un entretien téléphonique supplémentaire a eu lieu en janvier 2022, concernant le plagiat, au cours duquel visiblement les parties plagiées lui ont été explicitées. En effet, la recourante, dans son recours interne de trois pages du 2 mars 2022, a spécifiquement développé en quoi sa première partie « biographie » ne constituait pas un cas de plagiat (peu de sources, exemples, citations et taux de plagiat admissible). Elle a d’ailleurs indiqué avoir pu « voir son travail sans pouvoir en prendre de copies ». En outre, son avocat a obtenu la version corrigée du travail, certes seulement à sa demande, en mai 2022. La recourante a au surplus eu l'occasion de faire valoir ses arguments et de se déterminer sur ceux de l'autorité intimée dans le cadre de son recours et de l’échange complémentaire d’écritures. La chambre de céans disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit, l'éventuel vice formel en lien avec le droit d'être entendu a été guéri.

Enfin, l’analyse du TM figurant au dossier permet de comprendre que la sanction ne se fonde pas uniquement sur le rapport de « Compilatio », mais sur une comparaison détaillée des parties considérées comme plagiées avec le texte de Mme F______. Dans ces conditions, ledit rapport n’est pas déterminant et son absence ne constitue pas non plus une violation du droit d’être entendue de la recourante.

Ce grief doit ainsi être écarté.

3) Toute fraude ou tentative de fraude, tout plagiat ou toute tentative de plagiat entraîne l’annulation du travail au cours duquel il a lieu (art. 28 al. 1 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31). Est considéré comme un plagiat le fait d’utiliser en son nom tout travail élaboré par un tiers, tel qu’un titre ou une œuvre visuelle ou sonore, sans en signaler la source (art. 28 al. 3 REST).

Selon l’art. 40 al. 1 RGymCG, toute fraude ou tentative de fraude, tout plagiat ou tentative de plagiat entraîne l’annulation du travail de maturité. La direction de l’établissement impose un nouveau travail de maturité, qui doit être effectué selon le calendrier de la volée suivante. Après avoir rendu et soutenu le nouveau travail, et en cas de réussite de la session de maturité en juin, l’élève obtient le certificat au plus tôt au mois de juin de l’année suivante (art. 40 al. 2 RGymCG).

Selon l’art. 10 de l’ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (ORM - RS 413.11), chaque élève doit effectuer, seul ou en équipe, un travail autonome d’une certaine importance. Ce travail fera l’objet d’un texte ou d’un commentaire rédigé et d’une présentation orale.

L’ORM ne contient pas de définition de plagiat. Selon la jurisprudence, il y a plagiat lorsque des idées, des raisonnements, des formulations provenant de tiers dans un travail ne sont pas signalés comme tels mais présentés comme la propre création de l’auteur. Il n’est pas déterminant pour qualifier un plagiat que celui-ci soit intentionnel (tromperie volontaire) ou non (par ex. s’il est dû à un oubli d’indiquer les sources). Sont notamment réputés des plagiats, la remise de l’œuvre d’un tiers sous son propre nom, la reprise de passages de textes de tiers sans marques de citation, la reprise de passages de textes d’une ou plusieurs œuvres de tiers avec de légères reformulations (paraphrases), sans qu’ils soient signalés comme citations ou encore la reprise de passages de textes de tiers, même paraphrasés, signalés comme citation en dehors du contexte immédiat des passages cités (par ex. la « dissimulation » de l’indication de la source plagiée dans une note de bas de page en fin de travail (arrêt du TAF B-229/2010 du 29 juillet 2010 ; ATA/64/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/643/2010 du 21 septembre 2010 ; et les références citées).

La chambre de céans a également considéré qu'un étudiant ne saurait tirer profit d’avoir mis des notes de bas de page, lorsque son travail de mémoire apparaît comme une copie servile de pages entières d’ouvrages consultés, avec une appropriation active des idées de leurs auteurs. Ce procédé ne saurait en effet autoriser la reprise des pages entières des auteurs cités (ATA/783/2021 du 27 juillet 2021 ; ATA/1373/2019 du 10 septembre 2019).

Selon le Guide de B______ 2021-2022, au sujet du plagiat, « quand l’élève/apprenti copie – sur Internet ou sur tout autre support – un texte, une phrase ou une partie de phrase sans citer les sources et sans les placer entre guillemets, il s’agit de plagiat. Quand des parties d’un texte original est (sic) reproduit et l’élève/apprenti se les attribue sans le citer en référence, il s’agit du pillage de son auteur. Le plagiat peut entraîner l’annulation du travail (note 1.0) » (Guide de B______, p. 27).

En matière d'examens, le pouvoir d'examen de l'autorité de recours est restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu'elle peut revoir avec un plein pouvoir d'examen. En effet, l'évaluation des résultats d'examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l'administration ou les examinatrices et examinateurs disposent d'un très large pouvoir d'appréciation et ne peut faire l'objet que d'un contrôle judiciaire limité (ATA/188/2022 du 22 février 2022 consid. 6 et l'arrêt cité). La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/1214/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4).

Cette retenue respecte la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l'autorité judiciaire précédente fasse preuve d'une certaine retenue (« gewisse Zurückhaltung »), voire d'une retenue particulière (« besondere Zurückhaltung »), lorsqu'elle est amenée à vérifier le bien-fondé d'une note ou d'un résultat d'examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2020 du 17 août 2020 consid. 3.2 ; 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.6). Notamment, dans le cadre de l'évaluation matérielle d'un travail scientifique, il existe des marges d'appréciation, qui impliquent forcément qu'un même travail ne soit pas apprécié de la même manière par les spécialistes. Les tribunaux peuvent faire preuve de retenue tant qu'il n'y a pas d'éléments montrant des appréciations grossièrement erronées (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1). Faire preuve de retenue ne signifie toutefois pas limiter sa cognition à l'arbitraire. Une telle limitation n'est compatible ni avec l'art. 29a Cst. ni avec l'art. 110 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), qui garantissent pour tous les litiges l'accès à au moins un tribunal qui peut contrôler exhaustivement les questions de fait et de droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2020 précité consid. 3 ; 2D_45/2017 du 18 mai 2018 consid. 4.1 ; 2D_38/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.4).

4) En l’espèce, la chambre de céans constate que le travail a été analysé en détail par le maître accompagnant et la direction du collège. Il ressort de l’analyse du TM au moyen d’un code couleur, que le texte de la première partie du TM, intitulé « biographie », est largement inspiré du site de Mme F______. La comparaison des deux textes, soit les pages 9 à 22 du TM, qui représentent quatorze pages sur les trente que compte le TM, démontre l’utilisation de phrases ou de segments complets tirés du texte de Mme F______, une structure similaire, ainsi que l’utilisation de synonymes ou de reformulations paraphrastiques. Or, l’article n’est ni cité en notes de bas de pages, ni cité entre guillemets, avec indication de la source, à l’exception des citations tierces issues du site de Mme F______. Une partie d’article du journal « Le Temps », pourtant utilisée dans le texte sans reformulation, n’a pas été placée entre guillemets, n’est pas mentionnée dans la bibliographie et n’est pas citée non plus en note de bas de page. Ainsi, la chambre de céans est en mesure de constater quels textes ont été repris, de quelle source, et quels passages sont plagiés ou paraphrasés. La structure même du texte du TM est très proche du texte figurant sur le site de Mme F______.

Selon la recourante, elle aurait cité en préambule le texte de Mme F______, et cette mention agirait comme « une note de bas de page englobant toute la partie biographique de son travail », ce qui suffirait à démontrer l’inexistence d’un plagiat. Or, si la recourante a certes indiqué s’être beaucoup inspirée du texte de Mme F______, mais uniquement pour préciser qu’il avait été « compliqué de s’en détacher » et qu’il existait peu de sources, cet élément ne suffit pas à infirmer l’existence d’un cas de plagiat, au vu de la définition de ce terme qui ressort de la jurisprudence.

Enfin, la recourante a été sensibilisée durant sa formation au collège aux manières de citer et de rédiger le TM. Le guide de B______ indique quels éléments représentent des cas de plagiat. Son maître accompagnant a d’ailleurs constaté en octobre 2021 un cas de plagiat sur cette partie et lui a demandé de la modifier. La recourante ne pouvait ignorer les consignes en matière de citation des sources, étant relevé que la rédaction du TM a notamment pour but que l’élève démontre son aptitude à chercher, à évaluer, à exploiter et à structurer l’information, ainsi qu’à communiquer ses idées (ATA/643/2010 du 21 septembre 2010). Comme mentionné précédemment, le plagiat peut être intentionnel ou involontaire, comme par exemple l’oubli de citer des sources. Le fait que la recourante n’avait pas de volonté de tromperie, comme elle l’allègue et comme cela ressort notamment de son TM, n’est ainsi pas déterminant.

Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en considérant qu’il existait un cas de plagiat dans le cadre du TM de la recourante.

5) La recourante estime que la sanction est disproportionnée. Il aurait fallu lui enlever des points seulement ou lui accorder un bref délai pour remédier au plagiat, voire l’astreindre à rédiger un nouveau travail de maturité au cours de l’été 2022.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Ce principe se compose ainsi des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

b. En l’espèce, il ressort de l’art. 40 RGymCG précité que tout plagiat entraîne l’annulation du travail de maturité et l’obligation pour l’élève de refaire un travail selon le calendrier de la volée suivante. Cette disposition n’accorde aucune marge de manœuvre ni pouvoir d’appréciation à la direction. Au demeurant, la chambre de céans constate que cette sanction, certes sévère, lui accorde la possibilité de refaire son TM, et ne l’empêche dès lors pas de poursuivre son cursus, retardant tout au plus d’une année l’obtention de son certificat de maturité, et la poursuite de ses études supérieures.

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la sanction soit disproportionnée et ce grief doit être écarté.

Partant, mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA)

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2022 par Madame A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 11 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Manuel Mouro, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :