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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4381/2016

ATA/858/2018 du 21.08.2018 sur JTAPI/1109/2017 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 26.09.2018, rendu le 17.04.2019, PARTIELMNT ADMIS, 2C_874/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4381/2016-ICCIFD ATA/858/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2018

4ème section

 

dans la cause

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Antoine E. Böhler, avocat

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 

et

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Antoine E. Böhler, avocat
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 octobre 2017 (JTAPI/1109/2017)


EN FAIT

1. Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______) sont mariés et domiciliés dans la commune de Versoix, où ils sont contribuables.

2. Depuis 1983, les époux A______ sont administrateurs et salariés de B______ (ci-après : B______ ou la société), société anonyme ayant son siège à l’avenue de C______ ______, « c/o A______ », et pour but statutaire la fabrication de produits horlogers, la taille de diamants et de pierres précieuses. M. A______ est par ailleurs actionnaire unique de cette société. Depuis 2015, Madame D______, la fille des époux A______, est également administratrice de la société.

3. M. A______ est en outre propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de Versoix, sise à l’avenue de C______ ______, d’une surface de 8'059 m2 et sur laquelle est érigé le logement de la famille et la manufacture de la société. M. A______ est également propriétaire de la parcelle voisine n° 2______, sise à l’avenue de C______ ______, sur laquelle est érigé un bâtiment d’habitation, qui dispose de la même entrée, ainsi que d’une autre parcelle (ci-après : l’annexe), sise au chemin E______ ______, toujours à Versoix, laquelle sert aussi à la manufacture de B______.

4. Pour les années 2002 à 2009, les époux A______ ont régulièrement transmis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leurs déclarations fiscales et ont été imposés, les bordereaux de taxation y relatifs étant entrés en force.

5. B______ a également régulièrement déposé ses déclarations fiscales pour les années 2008 à 2013, y annexant ses comptes qui indiquaient des pertes commerciales en 2008, 2010 et 2011.

6. En vue de sa taxation pour l’année 2008, l’AFC-GE a requis de B______ des renseignements supplémentaires.

7. Le 2 octobre 2009, B______ a transmis à l’AFC-GE plusieurs documents, dont un contrat de location conclu avec M. A______ portant sur les locaux de la l’avenue de C______ ______ pour un loyer annuel de CHF 186'000.-, non daté. Le loyer facturé était toutefois de CHF 234'000.- en 2008 et CHF 372'000.- en 2009, lequel incluait aussi des frais de chauffage. La société lui a également remis copie du grand livre, dont il ressortait notamment des débits de CHF 1'000.- le 31 janvier 2008 pour un don en faveur de Madame F______, ainsi que de CHF 7'485.82 et CHF 22'342.25 les 11 et 28 mars 2008 libellés « voyage d’étude Hôtel G______ ».

8. Faisant suite à la demande d’explications requise par l’AFC-GE, B______ a indiqué que le versement en faveur de l’hôtel G______ avait permis à Mme D______, ainsi qu’à certains de ses collègues de classe, d’effectuer un voyage d’études à Majorque, alors qu’elle était encore étudiante. Quant au don consenti à Mme F______, il avait trait à l’organisation d’une soirée caritative par la Haute école de santé de Genève, pour lequel il n’existait aucun lien commercial.

9. Entre 2011 et 2013, les époux A______ ont transmis à l’AFC-GE leurs déclarations fiscales pour les années 2010, 2011 et 2012.

10. Les 30 et 31 mai 2012, puis les 31 octobre et 1er novembre 2012, l’AFC-GE a procédé à un contrôle des locaux de B______ en lien avec sa taxation 2008. Selon le rapport d’entretien y relatif, il était apparu que certaines charges comptabilisées avaient un caractère privé. Entendu à ce sujet, M. A______ avait indiqué éprouver des difficultés à séparer le privé du commercial, le tout formant un « ensemble indissociable ».

11. Le 22 novembre 2012, l’AFC-GE a informé B______ de l’ouverture d’une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2002 à 2007, ayant notamment constaté que des frais privés avaient été comptabilisés en charge. À cette fin, elle lui demandait notamment de produire un certain nombre de documents en lien avec les justificatifs des charges, requête à laquelle la société n’a toutefois pas donné suite.

12. Le même jour, l’AFC-GE a également informé les époux A______ de l’ouverture d’une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2002 à 2009. À l’occasion de l’instruction du dossier fiscal de B______, il était apparu qu’ils avaient bénéficié de prestations appréciables en argent sous la forme de charges non justifiées par l’usage commercial, comptabilisées dans les comptes de la société, qui devaient être reprises en tant que rendement de la fortune auprès de l’actionnaire.

13. Le 2 décembre 2013, M. A______ a écrit en personne à l’AFC-GE, lui expliquant qu’il hébergeait régulièrement une partie des clients de la société et organisait des repas et des séances de travail à son domicile. Il en résultait une fusion totale entre le privé et le professionnel. Il avait pourtant pris toutes les dispositions comptables pour éviter tout type de malentendu, s’excusant d’avoir enfreint les lois, dans l’ignorance de celles-ci. Il proposait de lui verser un montant de CHF 150'000.- pour solde de tout compte.

14. Le 8 avril 2014, l’AFC-GE a informé B______ de la clôture de la procédure de taxation et de tentative de soustraction d’impôt pour l’année 2008 et en rappel et en soustraction d’impôt pour les années 2002 à 2007, lui remettant les bordereaux y relatifs, contre lesquels la société a élevé réclamation. À cette occasion, B______ a produit un courrier de la division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : TVA) du 11 octobre 2005 suite à un contrôle de la société, au cours duquel certaines erreurs avaient été constatées, lui remettant des instructions pour les corriger. Elle lui indiquait ainsi qu’il y avait double affectation lorsque des biens étaient utilisés tant pour une affectation donnant droit à la déduction de l’impôt préalable (par exemple atelier et locaux commerciaux) qu’à d’autres fins (par exemple appartements). Dans ce cas, l’assujetti devait assumer, pour les activités exclues de la TVA, l’impôt de la même manière qu’un non-assujetti. La tenue de comptes supplémentaires pouvait s’avérer utile pour déterminer la réduction de la déduction de l’impôt préalable.

15. Les 8 avril 2014 puis 25 avril 2016, l’AFC-GE a également informé les époux A______ de la clôture de la procédure en rappel et en soustraction d’impôt respectivement pour les périodes fiscales 2002 à 2008 et 2009 les concernant, leur remettant les bordereaux y relatifs.

16. Le 15 avril 2014, l’AFC-GE a informé B______ de l’ouverture d’une procédure en tentative de soustraction d’impôt pour les périodes fiscales 2009 à 2012, ayant constaté que d’importants frais privés de l’actionnaire avaient été comptabilisés dans ses comptes. À cette fin, elle la priait de lui communiquer notamment les justificatifs des charges, que la société lui a remis le 31 mars 2015.

17. a. Les 9 mai 2014 et 26 mai 2016, les époux A______ ont élevé réclamation contre les bordereaux des périodes fiscales 2002 à 2008 et 2009 les concernant, concluant au constat de leur nullité, subsidiairement à leur annulation.

Étant donné que B______ avait également élevé réclamation contre les bordereaux de rappel d’impôt, de taxation et d’amende la concernant, les leurs devaient être rectifiés en conséquence afin que les montants des dividendes cachés correspondent à ceux retenus à l’encontre de la société. S’agissant des amendes, il devait être tenu compte de la « double peine » frappant, pour la même faute, tant eux-mêmes que B______. Par ailleurs, une partie du dividende dissimulé découlait de la répartition de la part privée des charges mixtes de B______, qui était déductible à titre privé, en tant que charges et frais effectifs d’entretien de leur immeuble.

b. Ils ont annexé à leur réclamation celle de B______ du même jour contre les bordereaux la concernant, aux termes de laquelle la société indiquait que M. A______ savait très bien distinguer les frais de la société de ceux qui étaient strictement personnels, les frais privés à l’origine des rappels d’impôt ne représentant de loin pas toutes les dépenses privées de la famille.

18. Le 12 novembre 2015, l’AFC-GE a informé les époux A______ de l’ouverture d’une procédure de tentative de soustraction d’impôt pour les années 2010 à 2012. À l’occasion de l’instruction du dossier fiscal de B______, il était apparu qu’ils avaient bénéficié de prestations appréciables en argent sous la forme de charges non justifiées par l’usage commercial, comptabilisées dans les comptes de la société, qui devaient être reprises en tant que rendement de la fortune auprès de l’actionnaire.

19. Les 11 et 24 mars 2016, l’AFC-GE a informé B______ de la clôture de la procédure de taxation pour les années 2009 à 2013 et de tentative de soustraction d’impôt pour les années 2009 à 2012 la concernant, lui remettant les bordereaux y relatifs, contre lesquels la société a élevé réclamation.

20. Les 25 avril et 2 mai 2016, l’AFC-GE a notifié aux époux A______ leurs bordereaux de taxation ordinaire concernant l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2010, 2011 et 2012.

21. Le 3 mai 2016, l’AFC-GE a informé les époux A______ de la clôture de la procédure en tentative de soustraction d’impôt pour les périodes fiscales 2010 à 2012, leur remettant les bordereaux y relatifs.

22. Le 3 juin 2016, les époux A______ ont formé réclamation contre ces bordereaux, qui devaient être rectifiés en tenant compte des montants effectivement retenus chez B______. Par ailleurs, le prononcé d’une amende pour la même faute et le même montant de dividende dissimulé revenait à une « double peine ». Subsidiairement, les bordereaux devaient être rectifiés de la même manière que pour B______ afin que les amendes ne soient prononcées que pour les soustractions fautives et que leur quotité dépende individuellement de chaque reprise.

23. Par décision du 15 novembre 2016, l’AFC-GE a partiellement admis les réclamation des époux A______ des 9 mai 2014, 26 mai 2016 et 3 juin 2016.

Pour la répartition des charges mixtes, la part privée des frais d’entretien extérieurs était fixée à 47,42 %. Étant donné que M. A______ était propriétaire des parcelles, les frais d’entretien lui revenaient et seuls ceux dûment justifiés commercialement pouvaient être pris en charge par la société. Le contrat de bail à loyer avec prise en charge des frais par B______, produit par celle-ci lors de ses taxations initiales, ne faisait mention d’aucun frais d’entretien que la société devait prendre à sa charge. Le voyage d’études de leur fille à Majorque en 2008, alors qu’elle était encore étudiante, n’était pas justifié commercialement, de sorte que la reprise y relative était maintenue, tout comme celle de ses autres frais. Il en allait de même des reprises non justifiées commercialement concernant d’autres paiement et dépenses privées effectuées par carte de crédit. Bien que la famille A______ ait payé certains de ses frais privés par le biais de son compte bancaire privé, d’autres frais privés n’en avaient pas moins été payés et comptabilisés par la société. Les époux A______ ne pouvaient ignorer l’existence du problème de délimitation entre les charges privées et commerciales, puisque lors du contrôle dont la société avait fait l’objet par la division de la TVA, leur attention avait été attirée sur ce point.

Dans la mesure où ils avaient connaissance des frais d’entretien immobiliers pour les périodes 2002 à 2009 au moment de la remise des déclarations fiscales correspondantes, les conditions d’une révision n’étaient pas réunies, de sorte que lesdits frais n’étaient pas déductibles. Pour 2010 à 2012, les frais d’embellissement et d’aménagement extérieur étaient déductibles, mais étant donné qu’ils n’avaient pas fourni les factures correspondantes, seuls des frais forfaitaires étaient déduits de leur taxation.

Ils avaient fait en sorte qu’une taxation entrée en force soit incomplète et insuffisante, et avaient de ce fait bénéficié d’un avantage indû, ce qui constituait un comportement illicite ayant engendré une perte financière pour la collectivité. La société, par l’intermédiaire de ses organes, avait ainsi pris en charge des frais privés les concernant, ce qui constituait une faute intentionnelle, à tout le moins commise par dol éventuel. Au vu du montant important en jeu, ils ne pouvaient ignorer être imposés en dessous de leur réelle capacité contributive et que des prestations leur avaient été accordées. La quotité de l’amende, fixée aux deux tiers de l’impôt soustrait, était également maintenue, laquelle prenait en compte le caractère intentionnel de l’infraction, les montants importants en jeu, leur bonne collaboration ainsi que la « double pénalité (société et actionnaire) ».

24. a. Le même jour, l’AFC-GE a établi les bordereaux rectificatifs correspondants, comportant les éléments suivants :

Année

Reprise ICC/IFD (CHF)

Déductions fortune (CHF)

Dette sur rappel d’impôt

2002

115'009.00

53'307.00

 

2003

59'763.00

80'718.00

2002 et 2003

2004

60'203.00

108'048.00

2002 à 2004

2005

52'394.00

131'300.00

2002 à 2005

2006

55'802.00

155'897.00

2002 à 2006

2007

99'686.00

200'895.00

2002 à 2007

2008

233'293.00

308'335.00

2002 à 2008

2009

60'321.00

322'238.00

2002 à 2009

2010

62'334.00

 

 

2011

141'018.00

 

 

2012

93'806.00

 

 

b. L’AFC-GE a également établi de nouveaux bordereaux d’amende, fixant celle-ci, pour 2002, à CHF 25'214.- (ICC) et CHF 9'966.- (IFD), pour 2003, à CHF 12'925.- (ICC) et CHF 5'174.- (IFD), pour 2004, à CHF 12'827.- (ICC) et CHF 5'217.- (IFD), pour 2005, à CHF 10'797.- (ICC) et CHF 4'541.- (IFD), pour 2006, à CHF 11'399.- (ICC) et CHF 4'836.- (IFD), pour 2007, à CHF 21'058.- (ICC) et CHF 8'640.- (IFD), pour 2008, à CHF 50'689.- (ICC) et CHF 20'219.- (IFD), pour 2009, à CHF 6'041.- (ICC) et CHF 3'137.- (IFD), pour 2010, à CHF 5'362.- (ICC) et CHF 2'155.- (IFD), pour 2011, à CHF 12'179.- (ICC) et CHF 4'882.- (IFD), et, pour 2012, à CHF 8'041.- (ICC) et CHF 3'252.- (IFD).

25. Le 15 novembre 2016 également, dans le cadre de la réclamation formée par B______, l’AFC-GE a établi des bordereaux rectificatifs, qui comportaient les éléments suivants :

Année

Reprise distribution dissimulée de bénéfice et/ou avantage à des tiers (CHF)

Reprise charges non admises fiscalement (CHF)

Reprise prestations à un prix de faveur aux actionnaires, associés ou proches (CHF)

2002

115'009.00

 

 

2003

59'763.00

 

 

2004

60'203.00

 

 

2005

52'394.00

 

 

2006

55'802.00

 

 

2007

99'686.00

 

 

2008

202'465.00

30'828.00*

 

2009

187'661.00

 

 

2010

86'295.00

 

 

2011

140'922.00

 

3'272.00

2012

93'754.00

 

1'607.00

* Don à Mme F______ de CHF 1'000.- et voyage d’études de Mme D______ de CHF 29'828.07.

26. a. Par acte du 16 décembre 2016, complété par leur réplique du 12 mai 2017, les époux A______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de l’AFC-GE du 15 novembre 2016 les concernant et les bordereaux y relatifs, concluant préalablement à la jonction de la cause avec celle concernant B______ et à la tenue d’un transport sur place. Principalement, ils ont conclu à l’annulation de la décision et des bordereaux y relatifs, subsidiairement, concernant l’ICC et l’IFD, à la modification des bordereaux litigieux afin qu’ils correspondent aux montants des dividendes dissimulés imputés à B______ et que la part privée des charges mixtes ainsi que les montants effectivement dus au titre des rappels d’impôt, impôts, amendes et intérêts soient admis en déduction, et, s’agissant des amendes, à leur annulation, subsidiairement à leur réduction et à la modification des bordereaux correspondants en fonction de la nouvelle assiette déterminée.

Dès lors que la présente cause portait sur le même complexe de faits que celle concernant B______, la jonction des procédures, qui étaient liées, devait être ordonnée.

Dans la mesure où ils ne pouvaient pas être imposés sur des montants différents de ceux imputés à la société au titre des dividendes dissimulés, les bordereaux rectificatifs devaient être recalculés en conséquence, en fonction du résultat du recours interjeté par B______ dans la cause connexe.

N’ayant pas agi de manière fautive, leur comportement ne pouvait être sanctionné par les amendes litigieuses. Les reprises d’impôt portaient d’une part sur la déduction de charges non déductibles, et d’autre part sur la répartition de charges mixtes. S’agissant des premières, qu’ils ne contestaient pas, ils les avaient, à l’époque des faits, considérées comme déductibles, au regard de leur formation de gemmologues et de leurs absence de connaissances juridiques et comptables. En outre, leur vie de famille était entièrement imbriquée dans celle de la société, tant par l’organisation du travail que des locaux, de sorte qu’il leur paraissait normal de déduire les frais liés à l’activité de l’entreprise. Ainsi, Mme A______ avait fait l’acquisition d’un sac à main à l’effigie d’une marque de luxe pour rencontrer les dirigeants de celle-ci, les frais de piscine étaient ceux de la société étant donné que les clients en profitaient, les frais de repas correspondaient aux dîners organisés avec les clients et les autres frais privés étaient liés à la décoration du bâtiment où la clientèle était reçue. Même les amendes d’ordre étaient déduites pour les trajets effectués à titre professionnel ou lorsqu’un véhicule était prêté à un client. Leur appréciation avait d’ailleurs été vérifiée par l’organe de révision de la société, qui ne leur avait jamais fait de remarque s’agissant de la comptabilisation de ces charges, de sorte qu’ils n’avaient aucune raison de se douter de l’existence d’un problème d’un point de vue fiscal, étant précisé que les frais litigieux ne représentaient de loin pas toutes les dépenses privées de la famille.

Concernant la répartition des charges mixtes, au regard de la fusion de la société avec la famille, il était difficile de distinguer l’entreprise du domaine privé, dès lors que même le siège social se trouvait à l’adresse de M. A______, qu’ils n’avaient jamais pris la peine de comptabiliser leurs heures supplémentaires, qu’ils hébergeaient les clients dans la partie privée de la maison et qu’ils mettaient à leur disposition une voiture. Le client qui venait surveiller la production de sa commande pouvait ainsi rester en tout temps à côté de la manufacture, en logeant « chez l’habitant », ce qui était un atout commercial important. D’ailleurs, dans le cadre de la procédure la concernant, B______ avait produit des notes de frais représentant ce qu’ils auraient pu lui facturer pour cet hébergement, ce qui illustrait également le caractère non fautif de leur comportement. Compte tenu de leur manière de fonctionner, la notion de frais mixtes était ainsi pour eux artificielle et sujette à interprétation. Par exemple, le bon entretien de la cour d’entrée était nécessaire pour offrir une belle image aux clients, même s’ils en profitaient également, ce qui justifiait commercialement ces charges. De plus, le contrat de bail à loyer conclu avec B______ prévoyait expressément que celle-ci prenait en charge l’intégralité des frais d’entretien de la propriété, étant précisé que le précédent contrat versé au dossier était le fruit d’une erreur et ne devait pas être pris en compte. En agissant de la sorte, ils n’avaient pas envisagé qu’ils procédaient à une soustraction fiscale en ne répartissant pas ces charges, aujourd’hui considérées comme mixtes.

En tout état de cause, les amendes devaient être réduites, en tenant compte d’une faute tout au plus légère et du fait que pour la même faute et les mêmes montants dissimulés, tant eux-mêmes que la société avait été sanctionnés.

Quant aux amendes concernant les tentatives de soustraction, elles étaient inadmissibles, en l’absence de taxation entrée en force.

S’agissant des frais d’entretien immobiliers, ils se trouvaient, du point de vue de l’impôt, dans une situation encore moins favorable que si la société n’avait pas déduit à tort ces frais et qu’ils les avaient déduits dans leur déclaration fiscale personnelle, l’AFC-GE refusant a posteriori les déductions relatives aux frais d’entretien. Quant aux années 2010 à 2012, l’ensemble des factures avaient été versées au dossier, de sorte que l’AFC-GE ne pouvait se limiter qu’à admettre une déduction forfaitaire à ce titre.

En outre, l’AFC-GE n’avait pas procédé à la déduction des intérêts et des amendes, alors qu’il s’agissait de dettes déductibles.

b. Ils ont produit un contrat de bail à loyer conclu le 3 mars 2000, aux termes duquel B______ devait à M. A______ un loyer annuel de CHF 100'000.-, la société prenant en sus en charge l’intégralité des frais d’entretien et d’utilisation de toute la propriété de la cour d’entrée et du parc, ainsi que du chemin d’accès, pour l’usage de la propriété sise à l’avenue de C______ 39.

27. Le 16 décembre 2016 également, B______ a recouru au TAPI, sous la cause n° A/4382/2016, contre la décision de l’AFC-GE la concernant ainsi que les bordereaux rectificatifs y relatifs.

28. Par réponse du 24 mars 2017 et duplique du 12 juin 2017, l’AFC-GE a conclu à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle acceptait de déduire les dettes d’impôts des années 2010 à 2012 sur les années 2010 à 2012 respectives, et au rejet du recours pour le surplus.

La jonction des causes ne se justifiait pas, en présence de contribuables distincts, étant précisé que les procédures seraient traitées de manière parallèle. Il allait toutefois de soi qu’elle procéderait à la rectification des taxations des époux A______ en fonction du résultat définitif de la cause n° A/4382/2016 s’agissant des montants des dividendes dissimulés.

Il appartenait aux époux A______ d’apprécier de manière conforme au droit quels frais étaient strictement liés à l’activité professionnelle et pouvaient alors être déduits en tant que charges justifiées par l’usage commercial, ce qui n’était pas le cas des frais d’entretien de la piscine sise sur leur propriété privée, pas plus que de l’achat d’un sac à main d’une marque de luxe. Dès lors que les époux A______ avaient fait le choix d’utiliser leur parcelle privée à des fins également professionnelles, ils devaient supporter les risques d’une telle imbrication, étant précisé qu’il leur incombait, en amont de toute taxation, de s’adresser à elle en cas de doute. La profession des intéressés n’y changeait rien, puisque tout dirigeant d’entreprise devait être en mesure de distinguer les frais privés des frais professionnels. Un mandataire bien instruit était au demeurant tenu de respecter une ventilation conforme au droit. Au vu de ces éléments, la réalisation de l’élément subjectif de l’infraction ne faisait pas de doute.

Quant à la quotité des amendes, il avait notamment été tenu compte de la collaboration des époux A______ et de la sanction infligée à la société, étant précisé qu’il existait des circonstances aggravantes, comme le fait que les soustractions se soient déroulées sur dix ans, qu’elles avaient été systématiques et avaient porté sur des montants importants. Le fait que la société se soit également vu infliger des amendes pour les mêmes années ne justifiait pas une réduction de celles en cause ni ne constituait une violation du principe ne bis in idem. En tant que personnes physiques, les époux A______ étaient un sujet fiscal indépendant de leur société, laquelle était imposée en tant que personne morale. Les obligations fiscales qu’ils avaient violées dans le cadre de leur imposition personnelle étaient différentes de celles qu’ils n’avaient pas respectées en leur qualité d’organe de la société. Seule leur capacité financière était déterminante pour la fixation de la quotité des amendes, ce dont, en plus des autres critères, elle avait tenu compte en réduisant ces dernières aux deux tiers des impôts soustraits.

La position des époux A______ ne pouvait pas non plus être suivie s’agissant des amendes pour tentative de soustraction, qui ne pouvaient être annulées au motif qu’elles avaient été notifiées au moment de la taxation.

Les époux A______ auraient dû se prévaloir de la déduction des frais d’entretien des immeubles par les voies de droit ordinaires, à l’encontre des taxations initiales, ce qu’ils n’avaient pas fait, dès lors qu’ils avaient bénéficié de prestations appréciables en argent sur ces mêmes montants. Les impositions initiales, entrées en force, ne pouvaient ainsi être remises en cause sur ce point, uniquement du fait que les intéressés avaient choisi de ne pas faire valoir ces déductions dans leurs taxations ordinaires en les comptabilisant dans les comptes de la société.

Les déductions des intérêts sur rappel d’impôt n’étaient pas non plus admissibles, puisque ceux-ci arrivaient à échéance au moment de la notification du bordereau de rappel d’impôt, soit les 8 avril 2014 pour les années 2002 à 2008 et le 25 avril 2016 pour l’année 2009, et non pas lors de chaque période fiscale concernée. Quant aux amendes, elles n’étaient pas déductibles, puisqu’elles avaient pour but de sanctionner un comportement du contribuable, de sorte que lui octroyer le privilège de sa déduction mettait à néant cet objectif.

29. Par jugement du 16 octobre 2017, le TAPI a partiellement admis le recours des époux A______ s’agissant des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende pour l’ICC et l’IFD 2002 à 2009, le rejetant pour le surplus.

Le jugement du TAPI débutait par un exposé des faits de près de vingt pages relatant la procédure ayant mené à la décision litigieuse, ainsi que celle ouverte par-devant lui, puis continuait par l’exposé en droit.

Selon le TAPI, même si les causes reposaient sur un complexe de fait et une problématique similaires, elles concernaient deux contribuables distincts, soumis à un régime d’imposition différent, de sorte que leur jonction ne se justifiait pas. Il en allait de même d’un transport sur place, le dossier contenant les éléments nécessaires à l’examen des griefs soulevés.

Les époux A______ ne contestaient pas les avantages accordés par la société, sous la forme d’une prise en charge de leurs frais privés, qui constituaient des prestations appréciables en argent, de sorte que l’examen de leur bien-fondé, de même que celui des rappels d’impôt y relatifs, ne se justifiait pas. Pour les années 2003 à 2007, les reprises opérées auprès de la société étaient identiques à celles effectuées chez les époux A______, contrairement aux autres années, pour lesquelles elles étaient moins élevées et n’impliquaient ainsi pas une diminution de leur charge fiscale. Toutefois, pour l’année 2008, la reprise les concernant était plus élevée que celle opérée auprès de la société, l’AFC-GE s’étant engagée à corriger la taxation, ce dont il lui était donné acte.

Conformément à la jurisprudence, les dettes d’intérêts relatifs aux suppléments d’impôts étaient déductibles de la fortune imposable des époux A______ dans le cadre de chaque année fiscale sur laquelle portait le rappel d’impôt. Ces intérêts devant être calculés pour chaque année écoulée depuis le terme initial d’échéance, selon des taux pouvant varier d’une année à l’autre, ils devenaient une dette à la fin de chacune de ces années s’ils n’étaient pas acquittés. L’AFC-GE devait donc les admettre en déduction de la fortune ainsi que du revenu, selon le procédé qu’elle avait suivi pour les dettes d’impôt y relatives.

Dans leurs déclarations fiscales 2002 à 2009, les époux A______ n’avaient pas fait valoir de frais d’entretien immobiliers, partant du principe que ces dépenses étaient supportées par la société. Dans le cadre de la procédure de rappel d’impôt, ils demandaient qu’il soit revenu sur ces éléments, alors que les taxations initiales étaient entrées en force. La question de savoir si ces frais devaient être appréhendés comme des faits nouveaux et s’ils avaient une connexité suffisante avec les éléments justifiant le rappel d’impôt pouvait rester indécise, dès lors qu’ils n’avaient versé au dossier aucun détail, document ou facture lui permettant de se déterminer sur leur déductibilité. Il en allait de même pour les taxations 2010 à 2012, pour lesquelles l’AFC-GE avait admis une déduction forfaitaire.

Le grief des époux A______ en lien avec l’impossibilité, pour l’AFC-GE, de leur infliger des amendes pour tentative de soustraction fiscale pour 2010 à 2012 avant la clôture définitive de ces procédures de taxation reposait sur une lecture erronée de la jurisprudence.

L’action pénale était prescrite pour les années 2002 et 2003 en application du nouveau droit, qui leur était favorable, de sorte que les bordereaux y relatifs devaient être annulés. Pour se disculper, ils avaient mis en avant la fusion qui existait avec la société, qui ne pouvait toutefois expliquer l’origine des frais dits mixtes et ne justifiait pas le fait que B______ avait pris à sa charge la part privée de ces derniers, ainsi que d’autres, entièrement privés, dont les époux A______ ne contestaient pas la reprise. La prétendue difficulté de répartir ces frais n’avait pas de portée, ce d’autant qu’elle résultait du choix des intéressés d’utiliser leur propriété privée à des fins commerciales pour le compte de la société. Ce faisant, ils devaient se rendre compte des risques et des difficultés comptables engendrés par une telle confusion, le cas échéant l’indiquer dans les déclarations fiscales ou en référer à l’AFC-GE, ce qu’ils n’avaient pas fait. Ils ne pouvaient pas davantage ignorer le fait que leurs frais privés, notamment le coût des travaux liés à la piscine, le voyage d’études de leur fille ainsi que les achats effectués au moyen des cartes de crédit de la société, n’étaient pas en relation immédiate et directe avec le bénéfice réalisé par celle-ci. Les époux A______ ne pouvaient pas non plus se retrancher derrière l’organe de révision de la société, rien ne permettant d’affirmer qu’il aurait cautionné les charges comptabilisées.

Leur faute était grave, les infractions ayant été commises sur une dizaine d’années et portant sur des montants d’impôts importants. En l’absence d’autres circonstances atténuantes, l’AFC-GE n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation, en considérant que la bonne collaboration des époux A______ n’était pas suffisante pour justifier une réduction plus importante de la quotité des amendes litigieuses. Il n’y avait pas non plus lieu de tenir compte de la « double peine » qu’ils invoquaient, la faute commise en tant qu’organe de la société ne se confondant pas avec celle qui leur était reprochée en lien avec leurs propres taxations pour les mêmes années. Enfin, le fait qu’ils ne maîtrisaient pas la fiscalité était sans portée, dès lors qu’il leur incombait seulement de déclarer toutes les prestations qui leur avaient été accordées par la société pour permettre à l’AFC-GE de les taxer conformément à leur capacité contributive.

La déduction des amendes de la fortune imposable des époux A______ ne pouvait être admise, au regard de la jurisprudence en la matière, applicable par analogie aux personnes physiques exerçant une activité salariée.

Il s’ensuivait que les bordereaux d’amende ICC et IFD 2002 et 2003 étaient annulés, ainsi que les bordereaux de rappel d’impôt 2002 à 2009 et d’amende 2004 à 2009 dans la mesure où ils ne tenaient pas compte des intérêts sur les rappels d’impôt dans le cadre des revenus et de la fortune imposables des époux A______. Les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008 étaient également annulés dans la mesure où ils retenaient un dividende dissimulé de CHF 233'293.- au lieu de CHF 202'465.- pour la société.

30. Par jugement du 16 octobre 2017 (JTAPI/1108/2017) également, rendu dans la cause n° A/4382/2016 concernant B______, le TAPI a partiellement admis le recours s’agissant de la déductibilité des intérêts, confirmant la décision sur réclamation de l’AFC-GE du 15 novembre 2016 pour le surplus ainsi que les bordereaux rectificatifs concernant les reprises pour les années 2002 à 2012, retenant toutefois seul le montant de CHF 202'465.- pour 2008.

31. Par acte expédié le 17 novembre 2017, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2017 les concernant, concluant préalablement à la jonction de la cause avec celle concernant la société, à la production de l’intégralité des justificatifs présentés par B______ dans cette dernière au titre des charges mixtes et à la tenue d’un transport sur place. Principalement, ils ont conclu à l’annulation du jugement entrepris en tant qu’il n’admettait que partiellement leur recours ainsi qu’à celle de la décision de l’AFC-GE du 15 novembre 2016 et des bordereaux y relatifs, subsidiairement, concernant l’ICC et l’IFD, à la modification des bordereaux litigieux afin qu’ils correspondent aux montants des dividendes dissimulés imputés à B______ et que la part privée des charges mixtes ainsi que les montants effectivement dus au titre des amendes soient admis en déduction, et, s’agissant des amendes, à leur annulation, subsidiairement à leur réduction et à la modification des bordereaux correspondants en fonction de la nouvelle assiette déterminée. Plus subsidiairement, ils ont encore conclu au renvoi de la cause au TAPI pour l’administration des preuves et un transport sur place, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Ils reprenaient les termes de leurs précédentes écritures, précisant que le jugement du TAPI consacrait une violation de la maxime inquisitoire et de leur droit d’être entendu, dès lors qu’il ne contenait pas d’exposé des faits et se contentait de résumer le déroulement de la procédure. Le TAPI n’avait ainsi pas déterminé l’imbrication entre l’aspect privé et commercial, ni établi l’état de leurs connaissance au moment des soustractions reprochées.

Un nouveau calcul des dividendes dissimulés devait être effectué, en fonction du résultat du recours de B______ dans la cause connexe.

Il était inexact de prétendre que les pièces relatives aux frais d’entretien immobiliers n’avaient pas été produites, puisqu’elles se trouvaient dans le dossier de la cause connexe. L’AFC-GE avait ainsi admis leur déductibilité du bénéfice de B______ pour la part commerciale calculée, de sorte que le TAPI disposait de suffisamment d’informations à ce titre. En tout état de cause, il s’agissait de faits nouveaux, devant être pris en compte, sous peine de les mettre dans une situation moins favorable que si la société n’avait pas déduit à tort ces frais et qu’ils les avaient déduits dans leurs déclarations fiscales initiales.

S’agissant des amendes, le TAPI avait renversé le fardeau de la preuve, au mépris du principe de la présomption d’innocence, et perdu de vue que qu’ils avaient eux-mêmes établi leurs déclarations fiscales, alors qu’ils étaient gemmologues de formation et qu’ils ignoraient la nécessité de séparer ce qui pour eux était, avant la naissance du litige fiscal, inséparable. Il en allait de même du concept de charges mixtes, qui leur était, à l’époque des faits, inconnu, considérant qu’il n’y avait rien à répartir en raison du fait que tous les frais d’entretien devaient être pris en charge par B______, comme l’indiquait le contrat de bail à loyer conclu avec M. A______, dont le loyer était inférieur à la valeur du marché. Plutôt que de déterminer un loyer précis pour l’extérieur, il avait ainsi été convenu que la société prendrait à sa charge tous les frais d’entretien, payant pour le « standing » attendu par la clientèle d’une entreprise de haute horlogerie.

La quotité des amendes devait être réduite, dès lors que l’AFC-GE avait admis devant le TAPI avoir tenu compte de la double peine, sans pour autant la diminuer, ce que commandait pourtant un tel élément.

Quant aux amendes pour tentative de soustraction, elles étaient inadmissibles en application de la jurisprudence, dès lors que les taxations des années 2010 à 2012, pendantes, n’avaient pas été définitivement arrêtées.

Il se justifiait également d’opérer une déduction des amendes de la fortune, en application de l’ATA/749/2014.

32. Le même jour, B______ a également recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2017 la concernant dans la cause n° A/4382/2016.

33. Par acte du 20 novembre 2017, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2017 rendu dans la cause l’opposant aux époux A______, concluant à son annulation en tant qu’il retenait pour l’ICC et l’IFD 2008 un dividende dissimulé de CHF 202'465.- en lieu et place du montant de CHF 233'293.- et en tant qu’il admettait, pour les bordereaux de rappel d’impôt 2002 à 2009 et d’amende 2004 à 2009 la déduction des intérêts sur les rappels d’impôt dans le cadre des revenus et de la fortune imposables des époux A______ pour chaque année fiscale concernée par le rappel d’impôt, ainsi qu’à la confirmation des décisions du 15 novembre 2016 et du jugement du TAPI pour le surplus.

Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte et incomplète s’agissant de la reprise afférente à l’année 2008, puisque celle opérée auprès de la société était bien de CHF 233'293.-, montant qui comprenait d’une part une reprise pour distribution dissimulée de bénéfice non justifiée par l’usage commercial de CHF 202'465.- et, d’autre part, une autre reprise pour charges non admises fiscalement de CHF 30'828.-, soit les frais de voyage d’études de la fille des époux A______ et un don en faveur de Mme F______.

S’agissant de la déduction des intérêts sur rappel d’impôt, le TAPI s’était contenté de renvoyer à l’application de la jurisprudence rendue par la chambre administrative, sans toutefois analyser les dispositions légales pertinentes ni tenir compte du fait qu’une cause similaire était pendante par-devant le Tribunal fédéral. Il ressortait toutefois des dispositions légales applicables que les intérêts sur rappel d’impôt arrivaient à échéance au moment de la notification du bordereau de rappel d’impôt, soit le 15 novembre 2016, et, à la fin de cette période fiscale, si le contribuable ne s’était pas acquitté du paiement desdits intérêts, ils devenaient alors une dette. S’il y avait lieu de déduire les rappels d’impôt pour chaque année concernée par le rappel afin de remettre le contribuable dans la situation qui serait la sienne s’il avait déclaré les revenus repris lors de la période fiscale en question, les intérêts sur rappel d’impôt n’existeraient pas à ce moment-là, contrairement à la créance fiscale. Dans ces circonstances, l’on voyait ainsi mal comment ils pourraient être considérés comme échus et non payés durant ces périodes. Ce n’était ainsi que lors de la notification des bordereaux de rappel d’impôt qu’ils devenaient exigibles et, s’ils n’étaient pas acquittés, ils devenaient, à la fin de la période fiscale concernée par la notification des rappels, une dette pouvant faire l’objet d’une déduction.

34. Le 27 novembre 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

35. Le 19 janvier 2018, l’AFC-GE a répondu au recours des époux A______, concluant à son rejet.

Elle persistait dans les termes de ses précédentes écritures, précisant que la procédure de rappel d’impôt ne permettait pas un nouvel examen de la taxation, dès lors qu’elle ne portait que sur les points sur lesquels l’autorité disposait de nouveaux éléments, ce qui n’était pas le cas des frais d’entretien des immeubles, étant précisé qu’il incombait aux époux A______ d’apporter la preuve des éléments qu’ils alléguaient.

Entre 2002 et 2012, les époux A______ n’avaient pas rempli de manière exacte et complète leurs déclarations fiscales, de telles omissions, au vu de leur ampleur, ne pouvant qu’être connues d’eux. Compte tenu de la nature des frais engagés par les intéressés et supportés par la société, l’expérience de la vie et le bon sens commandaient de ne pas les considérer comme des frais professionnels, de sorte que l’intention de tromper les autorités fiscales devait également être admise de ce point de vue.

Le fait que tant la société que les époux A______ avaient été poursuivis pour une infraction pénale avait été pris en compte, ce qui avait été examiné d’office.

Par ailleurs, la notification de la décision en tentative de soustraction parallèlement à la procédure de taxation ne violait pas leurs droits mais permettait, au contraire, un gain de temps et une économie de procédure non négligeables.

Quant aux amendes pour soustraction fiscale, elles relevaient de la procédure pénale et ne pouvaient être déduites de la fortune, dès lors qu’elles étaient des sanctions condamnant un comportement illicite.

36. Le 19 janvier 2018, les époux A______ ont répondu au recours de l’AFC-GE, concluant, avec suite d’indemnité, à son rejet.

L’AFC-GE avait elle-même retenu que la reprise de CHF 30'828.- ne correspondait pas à une distribution dissimulée de bénéfice et/ou un avantage procuré à des tiers, de sorte qu’elle ne pouvait être considérée comme un revenu en leur faveur.

37. Le 12 février 2018, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 16 mars 2018, prolongé au 23 mars 2018, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

38. Dans ses observations du 12 mars 2018, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions, précisant que les charges non admises fiscalement pour un montant de CHF 30'828.- en tant que prise en charge de frais privés par la société constituaient bien une distribution dissimulée de bénéfice à imposer chez l’actionnaire.

39. Le 23 mars 2018, les époux A______ ont également persisté dans leurs conclusions.

En vue d’un contrôle, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) avait effectué une visite dans leurs locaux, démarche s’imposant également à la chambre de céans afin de juger la cause après en avoir exhaustivement établi les faits.

Les frais d’entretien des immeubles étaient au cœur du litige fiscal, et ne constituaient pas un nouvel aspect de celui-ci, la démarche de l’AFC-GE, qui refusait de produire les pièces en sa possession, relevant du formalisme excessif.

En outre, la loi ne contenait aucune exception interdisant la déductibilité des amendes au niveau de la fortune des personnes physiques, comme c’était le cas pour les personnes morales. Il s’agissait en d’autres termes de dettes, attestées par des bordereaux, qui ne s’opposaient pas à leur déduction.

40. Bien qu’ayant été interpellée, l’AFC-CH ne s’est pas déterminée sur les recours.

41. Le 23 juillet 2018, les époux A______ ont écrit à la chambre administrative. Le Tribunal fédéral avait publié le jour même sur son site internet un arrêt dans lequel il retenait qu'il n'était pas arbitraire de considérer que les intérêts moratoires relatifs au supplément d'impôts devaient être déduits du revenu du contribuable pour chaque année fiscale concernée par les rappels d'impôt litigieux.

42. Le 24 juillet 2018, le juge délégué a accordé à l'AFC-GE et à l'AFC-CH un délai au 3 août 2018 pour se déterminer sur ledit courrier.

43. L'AFC-CH ne s'est pas prononcée mais par courrier du 2 août 2018, l'AFC-GE a indiqué retirer, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral cité par les époux A______, ses conclusions sur le point de la déductibilité des intérêts sur rappel d'impôt.

44. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2. a. Les recourants requièrent préalablement la jonction de la présente cause avec celle concernant la société, également pendante devant la chambre de céans.

b. Aux termes de l’art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

c. En l’espèce, bien que la présente cause porte sur le même complexe de faits que celle concernant la société, la jonction des procédures ne se justifie pas, en présence de contribuables distincts, soumis à des dispositions légales différentes. La requête des recourants sera par conséquent rejetée, étant précisé que la présente cause est traité parallèlement à celle opposant la société à l’autorité recourante.

3. a. Les recourants se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendu et de la maxime inquisitoire.

b. Consacré à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu garantit notamment le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 I 86 consid. 2.2 et les références citées). Cette garantie constitutionnelle n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1).

c. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office, sans être limité par les allégués et offres de preuves des parties (art. 19 et 76 LPA). Pour fonder sa décision, la juridiction administrative doit ainsi réunir les renseignements et procéder aux enquêtes nécessaires (art. 20 al. 1 LPA), soit ordonner les mesures d’instruction aptes à établir les faits pertinents pour l’issue de la cause. À cet effet, elle peut recourir aux moyens de preuve suivants : documents, interrogatoires et renseignements des parties, témoignages et renseignements de tiers, examen par l’autorité ou expertise (art. 20 al. 2 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATA/169/2018 du 20 février 2018 et les références citées).

d. En l’espèce, les recourants allèguent que le TAPI n’a pas établi les faits, s’étant contenté d’exposer le déroulement de la procédure. Ils perdent toutefois de vue que cet élément fait partie des faits de la cause, les premiers juges s’étant fondés sur l’ensemble des explications fournies par les recourants pour trancher le litige, et que les faits pertinents ressortent suffisamment du jugement entrepris. En alléguant que le TAPI n’a pas tranché les motifs déterminants de fait qu’ils ont exposés, les recourants s’en prennent en réalité à l’appréciation des faits par les premiers juges, question relevant du fond du litige. Quant à la demande des recourants visant l’apport au dossier par l’AFC-GE des pièces fournies par la société dans le cadre de la procédure la concernant, il ne saurait y être fait droit, dès lors qu’en leur qualité d’administrateurs de B______, rien ne les empêchait de les produire, en application de leur devoir de collaborer à l’établissement des faits.

Selon les recourants un transport sur place s’imposait, en raison de l’imbrication de leur vie professionnelle et privée. Ils oublient toutefois que l’AFC-GE s’est rendue à deux reprises sur les lieux durant la procédure non contentieuse. L’on ne voit en tout état de cause pas en quoi un tel transport sur place par l’autorité de recours apporterait de nouveaux éléments au dossier, lequel comporte au demeurant les plans des différentes parcelles et des éléments y figurant.

Le grief ayant trait à la violation du droit d’être entendu des recourants ainsi que de la maxime inquisitoire sera par conséquent écarté.

4. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

5. L’autorité recourante se plaint d’une mauvaise appréciation des faits par le TAPI, qui aurait retenu une reprise de CHF 202'465.- pour 2008, sur la base de celle opérée auprès de la société, qui serait toutefois de CHF 233'293.-.

Durant la procédure, les recourants n’ont pas contesté les reprises en tant que telles et se sont limités à indiquer qu’elles devaient correspondre à celles opérées auprès de la société, ne pouvant être supérieures à celles-ci. Le TAPI a admis leur grief sur ce point s’agissant de l’année 2008, se basant sur le montant de CHF 202'465.- résultant des bordereaux rectificatifs établis par l’AFC-GE le 15 novembre 2016.

Il ressort de ces bordereaux que, même si ce dernier montant est indiqué au titre de reprise pour distribution dissimulée de bénéfice et/ou d’avantage à des tiers, un autre montant, de CHF 30'828.-, a également été repris au titre de charges non admises fiscalement, composé d’un don à Mme F______ de CHF 1'000.- et du voyage d’études de la fille des recourants, de CHF 29'828.07. Le TAPI ne pouvait ainsi prendre en compte le premier de ces postes isolément, mais devait également prendre en considération le deuxième, pour arriver au total de CHF 233'293.- de reprises chez la société, correspondant à celles des recourants, indépendamment de l’intitulé de la colonne y relative, puisqu’il s’agit dans les deux cas de prestations appréciables en argent devant être reprises chez l’actionnaire, selon la théorie du triangle (ATA/364/2017 du 28 mars 2017).

Il s’ensuit que le recours de l’autorité recourante sera admis sur ce point et la reprise de CHF 233'293.- confirmée.

6. a. Le litige concerne les périodes fiscales 2002 à 2012, tant en matière d’ICC que d’IFD, de sorte qu’il convient au préalable d’examiner le droit matériel applicable.

b. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l’art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L’art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s’appliquent même après l’entrée en vigueur de la loi.

c. En l’espèce, le recours concerne les périodes fiscales 2002 à 2012. Dès lors, c’est l’ancien droit (aLIPP-I à aLIPP-V) qui s’applique pour les années 2002 à 2009, ainsi que la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) dans sa teneur lors des périodes fiscales en cause, sous réserve de l’amende, pour laquelle le principe de la lex mitior s’applique. Pour les années 2010 à 2012, c’est la nouvelle LIPP qui trouve application.

d. Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l’admet la jurisprudence (ATA/379/2018 précité et les références citées).

7. a. La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative, à l’instar du Tribunal fédéral, examine d’office lorsqu’elles jouent en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 4 ; ATA/1155/2017 du 2 août 2017 et les références citées).

b. L’art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) posent les mêmes principes.

c. En l’espèce, il ressort du dossier que l’AFC-GE a ouvert la procédure en rappel d’impôt en novembre 2012 pour les années 2002 à 2009, de sorte que le délai de dix ans prévu aux art. 152 al. 1 LIFD, 61 al. 1 LPFisc et 53 al. 2 LHID a été respecté. Il en va de même pour le délai concernant le droit de procéder au rappel d’impôt, sauf s’agissant de la période fiscale 2002, pour laquelle la péremption est survenue le 31 décembre 2017, ce qui sera constaté.

8. a. Les recourants requièrent la déduction de leurs revenus des frais d’entretien immobiliers correspondant à ceux que la société avait pris à sa charge mais que l’AFC-GE n’a pas admis au titre de charges commerciales de cette dernière dans le cadre de la procédure la concernant.

b. Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD ; art. 59 al. 1 LPFisc).

Le rappel d’impôt est soumis à des conditions objectives. Il faut d’abord qu’une taxation n’ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d’impôt suppose ensuite l’existence d’un motif de rappel. À cet égard, les dispositions précitées envisagent en premier lieu la découverte de moyens de preuve ou de faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale. Il y a ainsi motif à rappel d’impôt lorsque l’autorité découvre des faits ou des moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 précité consid. 6.1 et les références citées).

Le rappel d’impôt constitue la perception après coup d’impôts qui n’ont, à tort, pas été perçus dans la cadre de la procédure de taxation. Il constitue le pendant, en faveur du fisc, de la procédure de révision et permet à l’autorité de revenir sur une décision entrée en force. Le rappel d’impôt n’équivaut pas à un nouvel examen complet de la taxation, mais ne porte que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments. L’existence d’un rappel d’impôt ne saurait ainsi autoriser le contribuable à revenir librement sur l’ensemble de sa taxation. Sous réserve d’une erreur manifeste, celui-ci peut uniquement demander que la taxation soit reprise en sa faveur sur les points qui, précisément, font l’objet du rappel d’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_277/2008 du 26 septembre 2008 consid. 5.3 ; ATA/379/2018 précité et les références citées).

La question se pose toutefois de savoir si, pour pouvoir être pris en compte dans la procédure en rappel d’impôt, des faits diminuant la dette fiscale du contribuable doivent avoir une connexité avec les éléments justifiant le rappel, ce point étant controversé en doctrine (ATA/379/2018 précité et les références citées). Le Tribunal fédéral n’a pas tranché la question, relevant toutefois que, dans la mesure où le rappel d’impôt constituait une nouvelle taxation, obéissant aux mêmes règles que la procédure initiale, l’exigence de la connexité avec les éléments justifiant le rappel devait être réduite au minimum, afin que la nouvelle taxation respecte la capacité contributive du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2012 du 8 août 2012 consid. 7.3 et les références citées).

c. Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais (art. 1 aLIPP-V ; art. 28 LIPP). Les frais nécessaires à l’entretien de l’immeuble sont déductibles du revenu imposable (art. 6 al. 4 aLIPP-V ; art. 34 let. d LIPP), au contraire des frais d’acquisition, de production ou d’amélioration d’éléments de fortune (art. 9 let. d aLIPP-V ; art. 38 let. d LIPP). Le droit fédéral contient une réglementation similaire (art. 32 al. 2 et 34 let. d LIFD). En substance, si des travaux effectués sur un immeuble contribuent à l’amélioration de celui-ci, ils ne sont pas déductibles. On parle dans ce cas de travaux de plus-value puisque leurs coûts entraînent une augmentation correspondante de la valeur de l’immeuble. S’ils n’aboutissent pas à une valorisation du bien, ils contribuent alors uniquement au maintien de son état et donc à la continuation de sa fonction génératrice de revenu. On les qualifie ainsi de travaux d’entretien, déductibles du revenu imposable (ATA/809/2015 du 11 août 2015 et les références citées).

d. En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3 ; ATA/458/2018 du 8 mai 2018 et les références citées).

e. En l’espèce, les recourants, dans leurs déclarations fiscales pour les années 2002 à 2009, concernées par le rappel d’impôt, n’ont pas fait valoir de frais d’entretien immobiliers, faisant, en qualité d’organe de la société, supporter ces charges par celle-ci. Dans le cadre de la taxation de la société, l’AFC-GE a toutefois refusé ces déductions, considérant qu’elles n’étaient pas justifiées commercialement. Au regard de cette situation, les recourants se prévalent à présent de la déduction de ces frais dans le contexte de la procédure de rappel d’impôt les concernant, au motif que celle-ci devait les replacer dans la situation qui serait la leur si, lors de la procédure de taxation ordinaire, l’autorité avait eu connaissance de tous les faits et moyens de preuve pertinents.

Ils ne sauraient toutefois être suivis sur ce point. Outre le fait qu’ils avaient connaissance de ces frais d’entretien immobiliers au moment de leur taxation ordinaire, ne les ayant pas fait valoir dans ce cadre mais préféré les faire supporter par la société, alors qu’ils devaient faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte, les charges en question n’ont pas fait l’objet de la procédure de rappel d’impôt concernant les recourants. Cela étant, la question de leur connexité avec les éléments justifiant le rappel peut être laissée ouverte, au regard de ce qui suit.

En effet, bien qu’alléguant avoir produit, pour le compte de la société, l’ensemble des pièces justificatives en relation avec ces charges, ce qui ne ressort toutefois pas du dossier s’agissant des périodes fiscales 2002 à 2009, les recourants n’en ont pas fait de même dans le cadre de la procédure les concernant, alors que le fardeau de la preuve leur appartenait et qu’il leur était facile de procéder de la sorte. Il n’appartenait en particulier pas à l’AFC-GE d’établir ces faits d’office, au regard des règles sur la répartition du fardeau de la preuve et du devoir de collaboration des intéressés, lesquels devaient produire les éléments à même de réduire leur charge fiscale, ce qu’ils n’ont pas fait.

Dans ces circonstances, c’est à bon droit que l’AFC-GE et le TAPI ont refusé la déduction des frais d’entretien des immeubles dans le cadre du rappel d’impôt et ont admis une déduction forfaitaire pour les années 2010 à 2012. Le jugement entrepris sera dès lors également confirmé sur ce point.

9. a. L’autorité recourante ne conteste plus la prise en compte, par le TAPI, dans le cadre de chaque année concernée par les rappels d’impôt, les intérêts dus sur ceux-ci – et ce à raison –.

b. En effet, d’après les art. 151 al. 1 LIFD, 53 LHID et 59 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts. Ces intérêts commencent à courir trente jours après le terme initial d’échéance de l’impôt pour l’IFD (art. 3 de l’ordonnance du DFF [département fédéral des finances] sur l’échéance et les intérêts en matière d’IFD du 10 décembre 1992 – RS 642.124) et dès le terme général d’échéance de l’année ou de la période fiscale concernée pour l’ICC (art. 27 al. 1 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 - LPGIP - D 3 18).

Le rappel d’impôt ne représente pas une prétention fiscale de nature différente de la créance primitive d’impôt. En outre, la fixation de ce montant ne se fait pas selon des critères de calcul particuliers et ne fait pas l’objet d’une majoration. Le contribuable doit ainsi s’acquitter de l’impôt primitivement dû qui n’a pas été taxé correctement ou qui n’a pas été taxé du tout. Le rappel d’impôt n’a donc pas de caractère pénal ou de réparation ; il porte uniquement sur l’obligation fiscale primitive qui ne s’est pas encore éteinte. Les droits et les obligations du contribuable sont les mêmes que lors de la procédure de taxation, l’intéressé devant notamment faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte. En d’autres termes, la procédure de rappel d’impôt sert à mettre le contribuable dans la situation qui aurait dû être la sienne si, lors de la procédure de taxation ordinaire, l’autorité avait eu connaissance de tous les faits et moyens de preuve pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 6.3 et les références citées).

c. Selon l’art. 13 al. 1 LHID, l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette. L’art. 46 LIPP et l’art. 1 aLIPP-III ont une teneur similaire. En outre, il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 56 al. 2 LIPP ; art. 13 al. 2 aLIPP-III). La définition de la fortune nette de l’art. 13 al. 1 LHID s’impose aux cantons, qui ne peuvent soumettre à l’impôt un élément n’entrant pas dans celle-ci (ATF 136 II 256 consid. 3.1). L’impôt sur la fortune a pour objet la différence positive entre les actifs et les dettes du contribuable. Ce dernier peut déduire de sa fortune les dettes effectives. Les dettes prescrites, simplement possibles, futures ou correspondant à des expectatives ne sont en principe pas déductibles. En revanche, l’échéance de la dette ne constitue pas une condition à la déductibilité de celle-ci (ATF 138 II 311 consid. 3.3.1 s).

d. Ni la LIFD, ni la LHID ne donnent d’indication précise sur la période fiscale dans laquelle les intérêts moratoires sur rappels d’impôt doivent être déduits, tant en matière d’impôt sur le revenu que sur la fortune.

e. En matière d’ICC, la LPGIP est applicable à la perception des impôts, rappels d’impôt, amendes et frais régis notamment par la LIPP (art. 1 let. b LPGIP). Elle prévoit ainsi que les rappels d’impôt, amendes, intérêts et frais sont perçus sur la base d’une décision de taxation ou d’un prononcé, intitulés bordereaux (art. 21 et 22 al. 1 LPGIP), et sont échus dès la notification de ceux-ci (art. 23 al. 1 LPGIP), étant précisé qu’en cas de réclamation et de recours, le terme d’échéance est maintenu (art. 23 al. 4 LPGIP). En cas de rappels d’impôt relatifs à des impôts périodiques, l’intérêt visé à l’art. 59 al. 1 LPFisc commence à courir dès le terme général d’échéance de l’année ou de la période fiscale concernée, jusqu’à la notification du rappel d’impôt (art. 27 al. 1 LPGIP).

Selon les travaux préparatoires relatifs à la LPGIP (PL 10’039-A et PL 10’039), l’art. 27 LPGIP était formulé, avant un amendement, de la manière suivante : « En cas de rappels d’impôt, l’intérêt visé à l’art. 59 al. 1 LPFisc commence à courir trente jours après le terme initial d’échéance, jusqu’à la notification du rappel d’impôt. Le terme initial d’échéance correspond à la date de notification du premier bordereau provisoire ou définitif ou, en l’absence de bordereau, au premier jour qui suit la fin de la période fiscale. Demeure réservé l’art. 26 de la présente loi ». Lesdits travaux précisent sur ce point que l’intérêt commence à courir trente jours après l’échéance initiale et s’étend jusqu’à la notification du rappel d’impôt.

L’art. 27 al. 1 LPGIP était inspiré de l’art. 364 al. 3 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) en vigueur à l’époque, qui prévoyait qu’en cas de rappel d’impôt à la suite de déclarations inexactes ou incomplètes, de fraude ou de soustraction de l’impôt à la source, l’intérêt est calculé dès l’expiration du délai de paiement du bordereau initial, mais au plus tard dès le début de la période fiscale qui suit celle pour laquelle l’impôt est dû.

Il en découle qu’en application de ces dispositions, les intérêts moratoires sur le rappel d’impôt commencent à courir dès le terme général d’échéance de l’année ou de la période fiscale concernée jusqu’à la notification dudit rappel d’impôt. Il convient ainsi de déduire les intérêts moratoires relatifs aux suppléments d’impôts pour chaque année fiscale sur lesquelles porte le rappel d’impôt, une autre solution allant à l’encontre du texte légal clair de l’art. 27 al. 1 LPGIP (ATA/56/2017 du 24 janvier 2017).

f. En l’espèce, les intérêts ont couru dès le terme général d’échéance des années fiscales concernées jusqu’à la notification des bordereaux de rappel d’impôt, ce qui n’est pas contesté. Conformément aux développements susmentionnés et sous l’angle de l’étanchéité des exercices fiscaux, les recourants pouvaient les déduire dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d’impôt. Le fait que les intérêts litigieux n’aient été exigés par l’AFC-GE qu’au moment de procéder aux rappels d’impôt et qu’ils n’étaient, avant cette date, pas échus, n’y change rien, dans la mesure où ceux-ci avaient déjà commencé à courir en fonction du terme d’échéance de chaque année concernée par les rappels d’impôt et que l’échéance de la dette ne constitue pas une condition à la déductibilité de celle-ci. C’est dès lors à juste titre que le TAPI a considéré que les intérêts moratoires relatifs aux suppléments d’impôt devaient être déduits du revenu et de la fortune des recourants pour chaque année fiscale concernée par les rappels d’impôt litigieux, de sorte que le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

10. a. Les recourants contestent le principe des amendes dont ils ont fait l’objet, alléguant qu’aucune faute ne leur serait imputable, subsidiairement qu’ils n’auraient commis qu’une faute légère, par négligence. Dans ce cadre, le TAPI a, à juste titre, constaté la prescription de l’infraction de soustraction d’impôt consommée pour les années 2002 et 2003 en application du nouveau droit, en vigueur dès le 1er janvier 2017, ce qui n’est du reste pas litigieux.

b. Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d’une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc). Celle-ci est en règle générale équivalente au montant soustrait. Elle peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant si la faute est légère et au triple de celui-ci en cas de faute grave (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc).

Pour qu’une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017 et les références citées).

c. La preuve d’un comportement intentionnel d’une soustraction incombe à l’autorité fiscale et elle est considérée comme apportée lorsqu’il est établi de façon suffisamment sûre que le contribuable était conscient que les informations données étaient incorrectes ou incomplètes. Si tel est le cas, il faut présumer qu’il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales, ou du moins qu’il a agi par dol éventuel afin d’obtenir une taxation moins élevée ; cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes. Cela est d’autant plus vrai que le contribuable peut compter avec la possibilité que l’autorité fiscale s’en tienne à sa déclaration sans l’examiner de manière plus approfondie. En revanche, l’inculpé agit avec négligence lorsque, par une imprévoyance coupable, il ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable quand le contribuable n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 18 al. 3 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 ; ATA/1416/2017 du 17 octobre 2017 et les références citées).

d. En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ont transmis à l’AFC-GE des déclarations fiscales incorrectes, contrevenant ainsi à leurs obligations, ce qui a engendré un dommage pour la collectivité, équivalant aux montants des impôts soustraits.

Les recourants contestent toutefois la réalisation de la condition subjective de l’infraction, invoquant l’existence d’une « fusion » avec la société, les ayant empêchés de séparer ce qui relevait du commercial et ce qui relevait du privé.

Ils ne sauraient être suivis sur ce point. En effet, ils ne pouvaient ignorer la nécessité d’opérer une séparation entre ce qui relevait des aspects commerciaux et privés, ce d’autant qu’ils ont affirmé durant la procédure qu’ils savaient très bien séparer les frais commerciaux des leurs et que la société n’avait de loin pas pris en charge l’intégralité de ceux de la famille. Dans ce cadre, l’on ne voit pas pour quel autre motif que pour obtenir une taxation moins élevée ils pouvaient considérer que la prise en charge de leurs nombreux frais privés pouvait avoir un caractère commercial, comme différents paiements effectués avec la carte de crédit de l’entreprise, l’acquisition d’un sac à main à l’effigie d’une marque de luxe, qui ne pouvait se justifier même si le titulaire de ladite marque était un client de la société, ou le paiement du voyage d’études de leur fille. Le fait que les époux A______ aient effectué des heures supplémentaires non payées en faveur de la société ne justifiait pas non plus la comptabilisation de leurs dépenses privées, en vertu des principes comptables de base applicables.

Il en va de même des charges mixtes, dont les époux A______ ne pouvaient prétendre ignorer l’existence jusqu’à l’ouverture des procédures fiscales litigieuses, ce d’autant qu’il était aisément reconnaissable que, par exemple, les frais d’entretien de la piscine ou de la cour extérieure ne pouvaient être supportés dans leur intégralité par la société, en l’absence de lien direct et immédiat avec son bénéfice. Dans ce contexte, les recourants ne peuvent se retrancher derrière le contrat de bail à loyer versé au dossier devant le TAPI pour justifier leur absence de faute, au regard du précédent document produit, qui en diffère sensiblement quant à sa teneur et en ôte sa force probante. D’ailleurs, s’ils n’avaient effectivement eu aucun doute au sujet de ces charges, ils n’auraient pas non plus éprouvé la nécessité de les prévoir expressément dans le cadre d’un tel contrat.

Les recourants ne peuvent pas non plus se prévaloir de leur absence de formation juridique et comptable. Ils perdent de vue qu’ils exploitent la société depuis 1983 et qu’en leur qualité d’administrateurs d’une société de capitaux, ils ne pouvaient ignorer les principes de base en matière de séparation des charges. Au contraire, la situation particulière de la manufacture, installée au domicile de la famille, devait les conduire à davantage de prudence et à strictement séparer ce qui relevait de l’aspect commercial de l’aspect privé, le cas échéant requérir l’avis de l’autorité fiscale à ce sujet. Ces irrégularités ne pouvaient ainsi leur échapper, que leurs déclarations fiscales aient été remplies par eux-mêmes ou par un mandataire, étant précisé qu’ils ne peuvent pas non plus se retrancher derrière l’organe de révision de la société, n’ayant pas démontré que celui-ci aurait procédé au contrôle de la justification commerciale des charges en cause, ce d’autant au regard des pertes subies dès 2008. Au surplus, contrairement à ce que soutiennent les recourants, ils avaient bien été rendus attentifs au sujet de la situation et de la nécessité de procéder à une séparation entre les frais privés et commerciaux lors du contrôle de la division de la TVA dont la société a fait l’objet en 2005, comme l’indique le rapport idoine.

Enfin, l’on ne voit pas en quoi le TAPI aurait procédé au renversement du fardeau de la preuve, dès lors qu’il s’est limité à discuter les divers éléments figurant au dossier conduisant à admettre l’existence d’une faute intentionnelle de leur part, commise à tout le moins par dol éventuel.

Il ressort de ce qui précède que les éléments constitutifs des infractions de soustraction fiscale et de tentative de soustraction fiscale sont remplis. Les recourants ont ainsi agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel, en envisageant le résultat dommageable et s’en accommodant pour le cas où il se produirait.

Le jugement entrepris sera dès lors également confirmé sous cet angle.

11. a. Les recourants requièrent une diminution de la quotité de l’amende.

b. En règle générale, la quotité de l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 2 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Il en découle qu’en présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en principe au montant de l’impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. Il convient notamment de réduire le montant de l’amende lorsque le contribuable a agi par négligence, celle-ci devant être considérée comme un cas de faute légère au sens de l’art. 175 LIFD. Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1487/2017 précité et les références citées).

c. En l’espèce, en fixant le montant de l’amende aux deux tiers des impôts soustraits, l’AFC-GE n’a pas excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation, les recourants ayant intentionnellement bénéficié de prestations appréciables en argent qu’il leur revenait de déclarer, pendant une longue période et pour des montants importants. L’AFC-GE a toutefois également tenu compte de leur bonne collaboration et, dans le cadre de la réclamation, par substitution de motifs et même si elle n’y était pas tenue, de la « double faute ». En effet, ce dernier aspect n’apparaît pas déterminant, la société étant une personne morale distincte de ses actionnaires, situation ne justifiant pas une réduction de la quotité de l’amende. Le jugement du TAPI sera aussi confirmé sur ce point.

12. a. Les recourants prétendent que l’AFC-GE ne pouvait prononcer des amendes pour tentative de soustraction fiscale pour les années 2010 à 2012, à défaut de taxations entrées en force.

b. Selon l’art. 176 al. 1 LIFD, celui qui tente de se soustraire à l’impôt sera puni d’une amende. La tentative de soustraction au sens de cette disposition se situe entre les actes préparatoires d’une soustraction, qui ne sont pas punissables, et la soustraction consommée au sens de l’art. 175 LIFD, qui l’est. Le comportement illicite réprimé correspond, sur le plan objectif, à celui de la soustraction fiscale au sens de l’art. 175 LIFD, nécessitant la réunion des trois mêmes éléments, étant précisé que seul un comportement intentionnel peut être réprimé. Dans la procédure de taxation, il suffit que le contribuable donne à l’autorité fiscale des renseignements inexacts, en particulier en fournissant une déclaration d’impôt incomplète et qui n’est pas conforme à la vérité au sens de l’art. 124 al. 2 LIFD. Pour qu’il y ait tentative, l’autorité de taxation doit découvrir que les renseignements fournis sont inexacts avant que la décision de taxation ne soit entrée en force, car, ensuite, la soustraction est consommée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 9.2 s ; ATA/481/2018 du 15 mai 2018 et les références citées). Une législation équivalente prévaut en matière d’impôt cantonal et communal (art. 56 al. 2 LHID ; art. 70 al. 1 et 2 LPFisc).

c. Le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer sur le point de départ de la prescription de l’infraction de tentative de soustraction fiscale dans le cadre d’un arrêt rendu en 2005, l’autorité recourante ayant soutenu que ce délai, en cas de contestation, ne commençait à courir qu’au moment où le jugement portant sur la taxation entrait en force. Il a ainsi considéré qu’une tentative de soustraction ne pouvait être établie et que le montant de l’impôt soustrait ne pouvait être chiffré avant que la décision arrêtant définitivement la taxation n’entre en force. La poursuite de l’infraction pouvait et devait donc être introduite pendant la procédure de taxation, mais elle ne pouvait être clôturée au plus tôt qu’avec l’entrée en force de la décision définitive, soit à la clôture définitive de la procédure de taxation, celle-ci étant prolongée, en cas de litige, par celles de réclamation et de recours. La prescription de la tentative de soustraction ne pouvait dès lors commencer à courir avant la clôture définitive des procédures précitées et son point de départ pouvait ainsi être plus ou moins retardé selon la durée des procédures précitées (arrêt du Tribunal fédéral 2A.719/2004 du 11 mai 2005 consid. 4).

Par ailleurs, selon la circulaire n° 21 de l’AFC-CH du 7 avril 1995 sur le droit de rappel d’impôt et le droit pénal fiscal dans la LIFD (ci-après : la circulaire n° 21), étant donné que l’amende pour tentative de soustraction se calcule essentiellement par rapport au montant d’impôt que l’on a tenté de soustraire, elle ne peut être fixée qu’après l’entrée en force de la taxation en question, ce qu’exprime du reste la réglementation de la prescription de la poursuite pénale y relative. L’amende doit être fixée par décision séparée et elle est échue avec son entrée en force (circulaire n° 21, p. 23).

d. Selon les recourants, en application de la jurisprudence susmentionnée, cette situation devait conduire l’AFC-GE à attendre la clôture de la taxation pour prononcer les amendes pour tentative de soustraction d’impôt. Ils se méprennent toutefois sur le sens et la portée de l’arrêt du Tribunal fédéral précité, lequel était amené à déterminer le point de départ de la prescription de l’infraction de tentative de soustraction fiscale, différent de celui en matière de soustraction d’impôt consommée, dès lors qu’il permet de tenir compte de la durée plus ou moins longue de la procédure de taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1). Par souci d’économie de procédure, rien ne s’oppose en effet à ce que l’AFC-GE mène en parallèle les procédures de taxation et en tentative de soustraction d’impôt, le montant de l’amende étant lié à celui du montant de l’impôt soustrait, dont la modification implique également celle de l’amende. Il est du reste également dans l’intérêt des recourants qu’il soit statué rapidement sur leur sort, en application du principe de célérité. Le jugement entrepris sera par conséquent également confirmé sur ce point.

13. a. Les recourants prétendent encore que les amendes litigieuses devaient être déduites de leur fortune, en application de l’ATA/749/2014.

b. Selon l’art. 13 al. 1 LHID, l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette. Cette disposition a été reprise à l’art. 1 al. 1 let. a aLIPP-III, selon lequel sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d’intérêts ou déclaration du créancier. Les art. 46 et 56 al. 1 et 2 LIPP ont la même teneur que les dispositions susmentionnées de l’aLIPP-III.

Pour les personnes morales, les art. 59 al. 1 let. a LIFD et 13 al. 1 let. a de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) prévoient, quant à eux, que les charges justifiées par l’usage commercial comprennent notamment les impôts fédéraux, cantonaux et communaux, mais non les amendes fiscales.

S’agissant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d’exception à l’impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées).

c. La fortune nette s’entend comme la différence positive entre les actifs et les dettes du contribuable. Toutes les dettes peuvent être déduites, à la condition d’exister au moment déterminant et ne pas être seulement potentielles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2010 du 10 mars 2011 consid. 2.2 et les références citées).

d. Une créance d’impôt se fonde dans tous les cas sur la loi. Elle naît lorsque l’état de fait auquel la loi fiscale rattache l’apparition de la créance d’impôt est réalisé. Pour qu’un assujettissement fiscal conduise dans un cas d’espèce à la naissance de la créance d’impôt, il faut que les faits générateurs auxquels la loi rattache la perception d’un impôt déterminé soient réunis, indépendamment de la taxation et de l’exigibilité de l’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012, consid. 7 et la référence citée).

e. Le rappel d’impôt ne représente pas une prétention fiscale de nature différente de la créance primitive d’impôt et porte uniquement sur la créance primitive qui ne s’est pas encore éteinte. Il en va de même lorsque le rappel d’impôt est accompagné de la poursuite d’une soustraction fiscale. Ainsi, les créances résultant de rappels d’impôt sont à rapprocher des impôts ordinaires qui sont dus en conformité avec la loi. Bien que la fixation du montant de l’impôt dû intervienne par le biais de la taxation, il n’en est cependant pas moins vrai que l’obligation fiscale existe auparavant. Pour cette raison, les créances représentant un rappel d’impôt doivent être considérées comme des charges lors de la fixation de la fortune nette imposable, même si elles n’étaient pas encore fixées à la date déterminante (ATA/749/2014 du 23 septembre 2014 et les références citées).

Il en résulte que les dettes fiscales représentant des rappels d’impôt existent avant la notification de ces derniers, dès lors qu’elles sont des créances primitives non éteintes lors de la taxation ordinaire. Les suppléments d’impôts peuvent dès lors être déduits, au titre de dette de la fortune du contribuable à partir de l’année suivant celle sur laquelle porte ledit supplément. Le fait que ces dettes fiscales proviennent des reprises d’impôt de la fortune ou des revenus non déclarés par les contribuables n’est ainsi pas pertinent (ATA/93/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/749/2014 précité).

14. Le Tribunal fédéral ne s’est pas encore prononcé sur la question de la déductibilité des amendes infligées à des personnes physiques exerçant une activité lucrative dépendante, à l’instar des recourants.

Il a toutefois jugé qu’en ce qui concerne les personnes physiques exerçant une activité lucrative indépendante, tant l’amende que les autres dépenses associées à une procédure pénale ne constituaient pas des dépenses justifiées par l’usage commercial (ATF 70 I 250 consid. 4).

Il a retenu, beaucoup plus récemment, la même solution s’agissant d’une amende infligée à une personne morale (ATF 143 II 8). Dans ce cas, il a considéré qu’en vertu du principe de l’unité de l’ordre juridique, les décisions contradictoires devaient être évitées. Ainsi, l’acceptation de la justification économique et, donc, de la déductibilité des amendes, pouvait conduire à ce qu’une sanction soit plus ou moins diminuée à travers l’application du droit fiscal. La diminution du bénéfice imposable et de l’impôt sur le bénéfice y relatif aurait comme conséquence qu’une partie de l’amende serait indirectement répercutée sur la communauté, de sorte que l’effet punitif voulu serait amoindri, voire contourné, créant une contradiction entre une décision pénale et une décision fiscale. S’il avait voulu une telle conséquence juridique, le législateur se serait exprimé expressément à ce sujet, ce qu’il n’avait pas fait (ATF 143 II 8 consid. 7.3).

15. En l’espèce, les recourants se méprennent sur le sens et la portée de l’arrêt de la chambre de céans dont ils se prévalent, dont le champ d’application se limite aux créances résultant de rappels d’impôt, qui sont à rapprocher des impôts ordinaires, ce qui n’est pas le cas des amendes prononcées pour soustraction d’impôt. Ils perdent en particulier de vue le caractère strictement personnel de ces dernières, à l’instar de toute peine pénale (ATF 134 III 59 consid. 2.3.1). Les recourants n’avancent par ailleurs aucun motif qui justifierait un traitement différent des personnes physiques exerçant une activité lucrative salariée par rapport aux personnes physiques indépendantes et aux personnes morales, pour lesquelles de telles amendes ne sont pas déductibles. Une autre solution serait d’ailleurs contradictoire et aurait pour conséquence de faire supporter par la collectivité lesdites sanctions. Le grief des recourants sera par conséquent écarté et le jugement entrepris également confirmé sur ce point.

16. Compte tenu de ce qui précède, le recours de l’AFC-GE sera partiellement admis. Quant à celui des recourants, il sera très partiellement admis, en raison du constat de la prescription intervenue pour le rappel d’impôt concernant l’ICC et l’IFD 2002 – grief au demeurant non soulevé par les intéressés –, le recours étant rejeté pour le surplus.

17. Vu l’issue du litige, un émolument légèrement réduit de CHF 1'800.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA), pris solidairement, aucun émolument n’étant mis à la charge de l’AFC-GE (art. 87 al. 1, 2ème phrase, LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera en outre allouée, vu les raisons de l’admission très partielle du recours et le fait que les recourants succombent pour l’essentiel (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1155/2017 précité).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés respectivement les 17 novembre 2017 par Madame et Monsieur A______ et 20 novembre 2017 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 octobre 2017 ;

au fond :

admet partiellement le recours de l’administration fiscale cantonale ;

admet partiellement le recours de Madame et Monsieur A______ ;

annule le jugement entrepris en tant qu’il annule les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008 du 15 novembre 2016 dans la mesure où ils retiennent un dividende dissimulé de CHF 233'293.- au lieu de CHF 202'465.- ;

rétablit les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008 du 15 novembre 2016 au sens des considérants ;

constate la prescription du droit de procéder au rappel d’impôt pour l’ICC et l’IFD 2002 ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'800.- à la charge de Madame et Monsieur A______, pris solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine E. Böhler, avocat de Madame et Monsieur A______, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :