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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2566/2018

ATA/1427/2019 du 24.09.2019 sur JTAPI/232/2019 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2566/2018-ICCIFD ATA/1427/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

M. A______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 mars 2019 (JTAPI/232/2019)


EN FAIT

1) Le litige concerne les années fiscales 2008 à 2010.

2) Durant les années en cause, M. A______ a travaillé comme médecin urgentiste pour B______ SA (ci-après : B______), avec qui il a été lié par des contrats dits de « franchise ».

Selon le ch. 9 de ces contrats, le médecin était rémunéré à raison d'un pourcentage du montant des honoraires découlant des consultations. L'art. 4.3 du règlement faisant partie du contrat, intitulé « encaissement sur place » (ci-après : ESP), prévoyait que le médecin ne demandait pas d'honoraires sur place, sauf si le patient n'avait pas d'adresse en Suisse. La société prélevait alors un émolument forfaitaire de CHF 50.- par intervention. L'art. 4.3 précisait encore : « À la fin de chaque mois, un décompte des consultations non facturées est remis à chaque médecin. Le médecin vérifie chaque mois l'exactitude de cette liste. »

3) Selon les déclarations fiscales 2008 à 2010, le contribuable a perçu des revenus bruts de B______ de respectivement CHF 127'710.-, CHF 62'266.- et CHF 15'910.-.

4) Dans un courrier du 4 décembre 2014 de B______ aux médecins travaillant pour elle, la société leur a indiqué qu'elle faisait l'objet d'une révision fiscale portant sur les ESP. Elle traitait ces revenus de manière transparente et les deux contrôles AVS avaient admis sa manière de les traiter, à savoir de « les tenir hors de vos revenus acquis à travers B______ ». Ce point était contesté par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). Un contrôle portant sur les ESP serait mené dans ses locaux par celle-ci le 16 décembre suivant. L'employeur suggérait aux médecins n'ayant pas annoncé ces revenus, de procéder à une annonce spontanée. La procédure n'était possible que si l'annonce était faite avant l'intervention, le 16 décembre suivant, de l'AFC-GE.

Dans un courriel séparé, du 4 décembre 2014 également, le responsable de B______ indiquait à M. A______ : « Les inspecteurs des finances m'ont annoncé leur visite ce 16 décembre afin de disposer des informations qu'ils m'ont demandées lors de leur première visite, soit toute la comptabilité des encaissés sur place. [...] Nous sommes ainsi contraints d'annoncer au fisc que tu as obtenu un gain complémentaire ». B______ suggérait à son employé : « soit tu as déjà annoncé ces gains [...] et tu n'as rien à faire, soit tu n'as pas fait de déclaration complémentaire et tu risques un redressement [...] à moins que tu en fasses l'annonce avant le 16 décembre ». Suivaient les montants des ESP, à savoir CHF 4'946.- pour 2004 à 2007, CHF 7'100.- pour 2008, CHF 5'100.- pour 2009 et CHF 1'000.- pour 2010.

5) Par courrier recommandé du 4 décembre 2014, l'AFC-GE a ouvert à l'encontre de M. A______ une procédure en rappel d'impôt ainsi qu'une procédure en soustraction d'impôt pour l'ICC et l'IFD 2005 et suivantes.

6) Le 12 décembre 2014, le contribuable a écrit à l'AFC-GE en se prévalant des dispositions sur la dénonciation non punissable. La société l'avait informé que les ESP, qui totalisaient CHF 18'146.- de 2004 à 2010, n'avaient pas été indiqués sur ses attestations de salaire.

7) Le 23 septembre 2016, l'AFC-GE a informé le contribuable, qu'elle avait constaté, dans le cadre d'un contrôle mené auprès de la société, que des éléments de revenus encaissés auprès de clients d'hôtels (i.e. : les ESP) permettaient d'envisager des déclarations inexactes ou incomplètes. Selon les « revenus complémentaires » annoncés pour les années 2007 à 2010, des reprises seraient effectuées, qui ne seraient pas traitées sous l'angle de la dénonciation spontanée non punissable et l'AFC-GE lui notifierait des bordereaux de rappel d'impôt ainsi que des bordereaux d'amende.

8) Le 28 octobre 2016, le contribuable a exposé à l'AFC-GE qu'il prenait bonne note de l'édition de bordereaux de rappel d'impôts.

Selon le courrier de son employeur du 4 décembre 2014, le contrôle de l'AFC-GE se tiendrait le 16 décembre suivant. Par conséquent, avant qu'il ne procède à sa dénonciation spontanée, l'autorité fiscale n'avait pas connaissance des ESP non déclarés. Aucune amende ne devait dès lors lui être infligée.

Il ignorait de toute manière que ces revenus ne figuraient pas dans ses attestations annuelles de salaire. À supposer qu'il ait commis une faute, celle-ci devait être qualifiée de légère, de sorte que la quotité de l'amende devait être fixée au tiers des impôts soustraits. Enfin, il transmettait une formule de demande de dénonciation spontanée non punissable signée par son épouse.

9) Par courriers du 19 avril 2018, l'AFC-GE a informé le contribuable de la clôture des procédures en rappel et en soustraction d'impôt pour les années 2005 à 2013.

Elle lui a notifié des bordereaux de rappel d'impôt pour les années 2007 à 2013 et lui a communiqué des bordereaux d'amende pour les périodes 2008 à 2010. Tenant compte du fait que les montants en jeu étaient peu importants, du caractère unique des soustractions, de l'absence de circonstances particulières et de la faute commise par négligence, la quotité des amendes était arrêtée à la moitié des impôts soustraits. Les amendes se sont montées pour 2008 à CHF 961.- (ICC) et CHF 312 (IFD), pour 2009 à CHF 754.- (ICC) et CHF 331.- (IFD) et, pour 2010, à CHF 137.- (ICC) et CHF 65.- (IFD).

L'AFC-GE a renoncé à la poursuite pénale concernant Mme C______ et, s'agissant de son époux, pour les périodes fiscales 2011 à 2013.

10) Dans sa réclamation contre les bordereaux d'amende, le contribuable a insisté sur le fait qu'il avait spontanément déclaré les ESP. Il venait alors d'apprendre que son employeur tenait une comptabilité séparée en ce qui concernait les ESP, qui n'avaient pas été intégrés dans son certificat annuel de salaire. Le fait que celui-ci fasse l'objet d'un contrôle fiscal ne lui était pas opposable, l'AFC-GE n'étant pas en train d'investiguer sur son propre cas. Il avait par ailleurs collaboré sans réserve avec le fisc et réglé le rappel d'impôt. Enfin, il s'agissait de sa première dénonciation spontanée.

11) Par décision du 22 juin 2018, l'AFC-GE a admis la réclamation en tant qu'elle concernait le rappel d'impôt 2007 et l'a rejetée pour le surplus.

Les conditions de la dénonciation spontanée non punissable n'étaient pas réunies. Lors d'un contrôle effectué auprès de la société, elle avait constaté que certains montants perçus auprès des médecins salariés n'avaient pas été inclus dans leurs certificats de salaire. L'AFC-GE avait ainsi déjà connaissance des soustractions. L'employeur avait d'ailleurs informé le contribuable de l'existence de cette procédure.

12) Le contribuable a recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de cette décision.

Il n'avait commis aucune négligence. Il était parti du principe que les certificats de salaires étaient complets, dans la mesure où son employeur gérait toute la comptabilité de l'activité médicale, y compris celle des ESP. Son contrat de travail ne mentionnait pas que cette rémunération n'était pas incluse dans son certificat de salaire. Les ESP représentaient moins de 1 % du revenu réalisé, si bien que l'on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir remarqué une inexactitude. L'on ne saurait faire assumer à l'employé les manquements de son employeur. Ce n'était qu'à réception de la lettre du 4 décembre 2014 qu'il avait appris que les ESP n'étaient pas inclus dans ses revenus annuels, ce dont il avait immédiatement informé l'AFC-GE. Ces circonstances démontraient sa bonne foi, si bien qu'il convenait de renoncer à lui infliger une amende.

Subsidiairement, les conditions de la dénonciation spontanée non punissable étaient remplies. L'AFC-GE n'avait, avant sa dénonciation, donné aucune information relative à sa situation, ni précisé qu'elle était en train d'enquêter sur son dossier. En utilisant l'expression générale « des médecins », elle démontrait qu'elle avait constaté des irrégularités, mais sans indiquer qu'elle avait connaissance d'inexactitudes concernant le contribuable. Une investigation de la société n'avait pas pour corollaire la connaissance de la soustraction dans le cas particulier. La dénonciation spontanée avait eu lieu avant le contrôle effectué auprès de l'employeur, et c'était sur la base de la déclaration du contribuable que les reprises avaient été calculées. Enfin, il avait collaboré avec l'AFC-GE et acquitté le montant du rappel d'impôt.

13) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

De 2008 à 2010, le contribuable n'avait pas déclaré les ESP alors qu'il avait l'obligation de le faire. Ces revenus représentaient respectivement 5.6 %, 8.2 % et 6.3 % de ses revenus, soit bien plus que 1 % comme indiqué par l'intéressé. Il n'avait pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle. Il y avait lieu de tenir compte de sa formation de médecin, puis d'avocat. Le fait que son employeur n'ait pas inclus les ESP dans son certificat de salaire ne l'exonérait pas de toute faute, car il avait l'obligation de vérifier le contenu des attestations remises par ce dernier. La quotité des amendes fixée à la moitié des droits soustraits se révélait mesurée et s'inscrivait dans son large pouvoir d'appréciation.

Enfin, les conditions de la dénonciation spontanée non punissable n'étaient pas remplies. L'intéressé avait été motivé d'annoncer ses revenus par crainte que l'AFC-GE ne découvre ses manquements dans le cadre du contrôle mené auprès de son employeur.

14) Dans sa réplique, le contribuable a relevé que les ESP totalisaient moins de 10 % de son revenu annuel. Il ne s'était pas rendu compte de leur non-inclusion dans son certificat annuel de salaire. Les obligations de vérification que l'AFC-GE lui reprochait d'avoir violées se révélaient en-dehors de toute réalité pratique. Il était parti de bonne foi du principe que les informations étaient exactes. Durant les années en cause, il n'avait pas encore obtenu son brevet d'avocat, mais suivait des études de droit à 50 %. Par ailleurs, ce n'était pas par crainte de l'autorité qu'il avait annoncé les ESP non déclarés, mais pour être en conformité avec les faits qu'il venait d'apprendre. Il était heurté de devoir payer une amende en raison des manquements commis par son ancien employeur.

15) Par jugement du 11 mars 2019, le TAPI a admis le recours et annulé les bordereaux d'amende.

Les raisons pour lesquelles le contribuable avait annoncé l'existence des ESP non inclus dans ses certificats annuels de salaire étaient dépourvues de pertinence. Le fait qu'il se serait dénoncé sous la crainte que le fisc découvre des manquements commis dans le cadre du contrôle mené auprès de la société n'était pas déterminant.

Était seule pertinente la question de savoir si, lorsque le contribuable avait déposé sa dénonciation, le 12 décembre 2014, l'AFC-GE était au courant des soustractions d'impôt qu'il avait commises. Or, à cette date, il pouvait, de bonne foi, partir du principe que tel n'était pas le cas. En effet, la lettre du 4 décembre 2014 jointe à sa dénonciation, se référait à un contrôle auquel s'exposait la société et non lui-même. L'AFC-GE ne prétendait pas qu'à cette date, elle disposait d'informations lui permettant de croire que le contribuable aurait commis une soustraction d'impôt. Le contribuable s'était acquitté des suppléments d'impôts. Il n'était en outre pas contesté qu'il avait collaboré pleinement avec l'AFC-GE.

16) Par acte déposé le 15 avril 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice, l'AFC-GE a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l'annulation.

Elle a fait valoir qu'elle avait déjà connaissance du fait que des éléments de revenus n'avaient pas été déclarés avant la « dénonciation spontanée » du contribuable, dès lors que ses investigations avaient commencé avant le mois de décembre 2014. Par ailleurs, le TAPI avait interprété de manière erronée la notion de spontanéité de la dénonciation.

Elle a produit deux pièces nouvelles, soumises au secret fiscal.

17) Le contribuable a conclu au rejet du recours.

Il n'avait appris que le 4 décembre 2014 que son employeur n'avait pas inclus dans son certificat de salaire les ESP. L'AFC-GE n'indiquait pas en quoi elle détenait, avant sa dénonciation spontanée, des informations spécifiques le concernant relatives à la soustraction fiscale qu'il aurait commise. Selon le résumé des nouvelles pièces couvertes par le secret fiscal produites par l'AFC-GE, celle-ci aurait, en novembre 2014, « découvert que de nombreux médecins avaient perçu des ESP ». Cette formulation ne permettait pas de retenir que l'AFC-GE avait alors connaissance des irrégularités commises par lui. Celle-ci avait d'ailleurs repris les montants qu'il avait déclarés, ce qui démontrait que c'était bien sa déclaration qui avait permis à l'AFC-GE de déterminer les montants soustraits. Il avait ignoré jusqu'au 4 décembre 2014 que les certificats de salaire de son employeur étaient incomplets.

Les motifs pour lesquels il avait procédé à la dénonciation spontanée n'étaient pas pertinents.

S'étant fondé sur les certificats de salaire, soit un titre au sens de l'art. 110 al. 4 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) pour établir ses déclarations fiscales, il avait été de bonne foi. Son contrat de travail ne précisait pas que les ESP n'étaient pas inclus dans son certificat de salaire.

18) Par courrier du 31 mai 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 53 LPFisc ; art. 145 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la question de savoir si les conditions permettant de retenir une dénonciation spontanée non punissable sont remplies.

a. Aux termes de l'art. 175 LIFD, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2). Lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôts, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance, qu'il collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôts, qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôts dû (al. 3). Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l'amende est réduite au cinquième de l'impôt soustrait si les conditions prévues à l'al. 3 sont remplies (al. 4).

Les art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et l'art. 69 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

Selon la doctrine et la jurisprudence, la notion de dénonciation suppose que le contribuable annonce de lui-même son infraction à l'autorité fiscale, alors que celle-ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_797/2017 du 19 mars 2018 consid. 4.1 ; 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.1 et les références citées). Le caractère spontané fait ainsi défaut lorsque la déclaration intervient alors que les autorités fiscales sont déjà en train d'enquêter sur le dossier du contribuable (Pietro SANSONETTI, ad art. 175 LIFD, in Commentaire romand de la LIFD, 2008, n. 49 p. 1502 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, n. 49 ad art. 175). La déclaration spontanée de l'art. 175 al. 3 LIFD conduisant désormais à l'impunité, un parallèle peut en outre être fait en ce qui concerne la soustraction fiscale avec la déclaration spontanée de l'art. 13 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 - DPA - RS 313.0 ; arrêt 2C_188/2009 du 7 juillet 2009 consid. 2.6, in StE 2010 B 101.9.12), dont la pratique déduit qu'elle n'est réalisée que lorsque l'auteur se dénonce spontanément ("de son propre mouvement") dans un esprit de repentir (ATF 119 IV 220 consid. 4 ; arrêt du tribunal fédéral 2C_76/2014 consid. 9.1 ; ATA/226/2017 du 21 février 2017 consid. 7e; ATA/652/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2e).  

Il ne peut en d'autres termes être renoncé à la poursuite pénale que si les autorités fiscales ignorent tout de la soustraction au moment de la dénonciation spontanée (Message concernant la loi fédérale sur la simplification du rappel d'impôts en cas de succession et sur l'introduction de la dénonciation spontanée non punissable du 18 octobre 2006, FF 2006 8347, p. 8370). Le contribuable ne doit donc pas être amené à procéder à une déclaration spontanée sous l'emprise d'une crainte fondée quant à l'imminence de la découverte de la soustraction par l'autorité fiscale (Pietro SANSONETTI, Commentaire romand - Impôt fédéral direct - Commentaire sur la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2008, ad art. 175, p. 1502, n. 49; ATA/687/2013 du 15 octobre 2013 consid. 17e).

b. En l'espèce, ce n'est que lors d'un contrôle de l'AFC-GE en relation avec les gains non déclarés par son employeur que le contribuable a informé celle-ci des éléments de revenus, qu'il n'avait pas mentionnés dans ses déclarations fiscales. Comme cela ressort du courriel annexé au courrier adressé le 4 décembre 2014 par l'animateur de B______ à l'intimé, le premier a fait savoir au second que le fisc lui avait, à la suite de sa première visite, demandé des informations complémentaires relatives aux ESP ; il était ainsi contraint d'annoncer au fisc que l'intimé avait obtenu des gains complémentaires. Compte tenu de ces circonstances, la démarche du contribuable ne peut être qualifiée de dénonciation spontanée non punissable au sens défini ci-dessus. En effet, celui-ci a signalé les revenus non déclarés alors qu'il avait connaissance des investigations menées par la recourante portant précisément sur les ESP. La condition voulant qu'aucune autorité fiscale n'ait connaissance de la soustraction avant la dénonciation n'était ainsi pas réalisée.

Il convient donc d'admettre, avec l'AFC-GE, que la dénonciation du contribuable - intervenue, au demeurant, en raison de la crainte concrète de la découverte imminente des montants soustraits - ne remplit pas les conditions d'impunissabilité prescrites par l'art. 175 al. 3 LIFD.

Le grief de l'AFC-GE est ainsi bien fondé.

3) Il convient encore d'examiner si les conditions d'une amende pour soustraction sont remplies.

a. Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/859/2018 précité et la référence citée).

b. La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence de l'art. 175 LIFD et de l'art. 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 CP : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1 et les références citées).  

c. En l'espèce, les éléments objectifs de la soustraction fiscale sont remplis. L'intimé a soumis des déclarations fiscales incomplètes, contrevenant ainsi à son obligation de déclarer l'ensemble de ses revenus (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc). Par ailleurs, une perte d'entrées fiscales en est résultée.

Les parties s'opposent toutefois sur l'appréciation de l'élément constitutif subjectif.

Selon l'art. 4.3 du règlement faisant partie du contrat conclu entre l'employeur et l'intimé, les honoraires peuvent être encaissés sur place si le patient n'a pas d'adresse en Suisse. B______ perçoit alors un émolument forfaitaire de CHF 50.-. Il est encore précisé : « À la fin de chaque mois, un décompte des consultations non facturées est remis à chaque médecin. Le médecin vérifie chaque mois l'exactitude de cette liste ». Il ressort de ce libellé que l'employeur ne perçoit que CHF 50.- des ESP, ceux-ci revenant pour le surplus au médecin, ces honoraires étant considérés comme des « consultations non facturées » par l'employeur. En outre, le contrat liant l'intimé à B______ ne prévoyait pas que les ESP devaient être rétrocédés à l'employeur ; l'intimé n'allègue d'ailleurs pas qu'il aurait reversé les montants en question à celui-ci.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'intimé ne pouvait ignorer que les ESP - qui faisaient l'objet d'une liste mensuelle dont il avait l'obligation contractuelle de vérifier l'exactitude - ne figuraient pas dans les fiches de salaire et, partant, le certificat de salaire établis par son employeur. Il ne peut donc être suivi lorsqu'il soutient qu'il était, de bonne foi, fondé à considérer que les certificats de salaire comportaient les ESP. Au contraire, il convient de retenir que l'intimé devait avoir conscience du fait que les ESP n'apparaissaient pas dans les décomptes de salaire établis par son employeur ; il aurait en tout cas dû s'en rendre compte en portant l'attention que l'on pouvait attendre de lui à la lecture des documents remis par son employeur. À cet égard, sa formation tant de médecin que ses études de droit alors en cours lui permettaient de comprendre tant le traitement contractuellement réservé aux ESP que les fiches de salaire établies par son employeur.

En ne signalant pas ces revenus complémentaires au fisc ou, à tout le moins, en ne posant pas à celui-ci la question de savoir comment ceux-ci devaient être traités fiscalement, l'intimé doit se voir reprocher de s'être rendu coupable d'une soustraction fiscale commise, à tout le moins, par négligence.

Le grief de l'AGC-GE sera donc admis.

4) En dernier lieu, il convient d'examiner si les amendes infligées à l'intimé sont conformes au droit.

a. La quotité de l'amende est, en général, fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 2 LHID et art. 69 al. 2 LPFisc). Il en découle qu'en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l'amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d'augmentation de sa quotité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.2).

Il convient notamment de réduire le montant de l'amende lorsque le contribuable a agi par négligence, celle-ci devant être considérée comme un cas de faute légère au sens de l'art. 175 LIFD (Diane MONTI, Les contraventions fiscales en droit fiscal harmonisé, 2001, p. 70).

b. Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende (ATF 114 Ib 27 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013 consid. 5.2) et l'autorité de recours ne censure que l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/42/2011 du 25 janvier 2011 consid. 6 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 consid. 10a).

c. En l'espèce, l'autorité recourante a fixé les amendes à la moitié des impôts soustraits.

Il convient de tenir compte, à la décharge de l'intimé, de sa bonne collaboration et du fait que les soustractions ont porté sur des montants peu élevés, à savoir CHF 7'100.- pour 2008, CHF 5'100.- pour 2009 et CHF 1'000.- pour 2010. Pèse en défaveur de l'intimé la circonstance que les soustractions ont duré plusieurs années.

Au regard de l'ensemble des circonstances, il convient cependant de retenir que la faiblesse des montants soustraits et la très bonne collaboration de l'intimé justifient d'arrêter le montant des amendes au minimum, à savoir au tiers des montants soustraits. Ainsi, le recours sera admis sur le principe de la soustraction fiscale, mais la quotité de l'amende sera réduite à un tiers.

Le dossier sera donc renvoyé à l'AFC-GE pour fixer les amendes au tiers de des montants soustraits.

5) Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 300.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 87 al. 1 LPA), qui succombe sur l'essentiel, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 avril 2019 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 mars 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement précité ;

rétablit la décision sur réclamation du 22 juin 2018 en ce qu'elle inflige des amendes ICC et IFD pour les années fiscales 2008 à 2010, l'annule en ce qui concerne la quotité des amendes et renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de M. A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à M. A______, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :