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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3710/2009

ATA/778/2011 du 20.12.2011 sur JTAPI/672/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : ; IMPÔT SUR LE REVENU ; FARDEAU DE LA PREUVE ; REMISE CONVENTIONNELLE DE DETTE ; ENTREPRENEUR ; FUSION ; SOCIÉTÉ ANONYME
Normes : LIFD.16 ; aLIPP-IV.1
Résumé : En transférant dans le capital propre d'une entreprise une dette qu'elle avait envers cette dernière, la recourante a diminué son passif. Fiscalement, cette diminution constitue un revenu et une opération taxable puisqu'elle provient d'une remise de dette.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3710/2009-ICCIFD ATA/778/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2011

1ère section

 

dans la cause

 

Madame G______ et Monsieur J______
représentés par Me Philippe Bonnefous, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2011 (JTAPI/672/2011)


EN FAIT

1. L’entreprise individuelle « M______ » a été inscrite le 1er mars 1989 au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) et avait pour but l’exploitation d’un café-restaurant à l’enseigne « F______ ».

2. Madame G______ (ci-après : la recourante ou la contribuable) était alors mariée avec Monsieur R______. Celui-ci avait eu un enfant d’un premier lit nommé W______, aujourd’hui décédé.

3. Le bilan de l’entreprise au 31 décembre 1991 montrait une créance en faveur de « H______ » de CHF 332'301,40. Cette créance a figuré au passif des bilans successifs de l’entreprise jusqu’en 1996. Dans les bilans 1997, 1998, 1999 et 2000, elle a progressivement diminué pour atteindre un montant de CHF 207'301,40 en l’an 2000, année au cours de laquelle l’intitulé a été modifié par « créancier O______ ». Le montant précité est apparu ensuite au passif des bilans suivants jusqu’en 2006, et a été ramené à CHF 0.- dans le bilan de l’entreprise en 2007. C’est au courant de cette année-là, que par contrat du 22 novembre 2007, les actifs et passifs de l’entreprise ont été transférés sous la forme d’un apport en nature à la société A______ S.A., inscrite au RC le 13 décembre 2007, date à laquelle l’entreprise individuelle a été radiée.

4. Au cours des années 1993 à 1997 ont eu lieu les événements suivants :

Par « déclaration de renonciation » du 14 juin 1993, H______ a déclaré « renoncer à toute prétention de quelque nature qu’elle soit à l’encontre du restaurant F______ et souhaité ne plus rien avoir à faire avec cet établissement » ;

Par jugement du 30 mars 1995, la contribuable a divorcé de M. R______ La liquidation du régime matrimonial a été réservée ;

En date du 23 août 1996, la contribuable s’est remariée avec Monsieur J______ ;

Le 25 février 1997 la raison de commerce du restaurant a été modifiée en « E______ » ;

M. R______ est décédé le 22 mars 1997 ; sa succession a été répudiée.

5. Dans leur déclaration 2007, les contribuables ont déclaré un bénéfice net de CHF 52'613.-.

6. Par lettre du 8 septembre 2008, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a prié les contribuables de lui remettre un bilan de la raison individuelle « restaurant F______ » au 30 juin 2007, ainsi qu’un bilan de reprise au 1er juillet 2007 de la société « A______ S.A. ». Elle leur a demandé qu’ils lui précisent l’origine des fonds qui leur avait permis d’augmenter leur fortune nette de CHF 212'344.- au cours de l’année 2007.

7. Dans leur réponse du 18 septembre 2008, les contribuables ont indiqué que dans le bilan de l’entreprise individuelle figurait un poste de fonds étrangers « créancier O______ » pour un montant de CHF 207'301,40. De fait, cette créance concernait la contribuable elle-même, et avait été constituée à l’époque où elle était mariée avec feu R______. Dans le bilan au 30 juin 2007 de l’entreprise individuelle, ce compte avait été transféré dans le compte « capital ».

8. Dans ses bordereaux ICC et IFD 2007 du 3 août 2009, l’AFC-GE a fixé le bénéfice net de l’activité indépendante de la contribuable à CHF 259'914.- (CHF 52'613.- plus CHF 207'301.-). Sous les explications des avis de taxation, elle a indiqué que le montant de CHF 52’613.- correspondait au bénéfice net selon la déclaration fiscale et que le montant de CHF 207'301.- correspondait à la libération de passifs (poste « créancier O______ »).

9. Contre ces deux bordereaux, les contribuables ont élevé réclamation le 11 août 2009. A la création du café-restaurant, la contribuable était mariée à M. R______, et c’était sous ce nom qu’elle s’était enregistrée au RC le 1er mars 1989. A cette époque, elle avait procédé à des apports. Ceux-ci avaient été portés au passif du bilan sous la rubrique « créancier O______ ». Ces apports, non porteurs d’intérêts, n’avaient jamais été remboursés à la contribuable. Après son remariage en 1996, le nom de l’entreprise avait été modifié au RC. La dette apparaissant dans les comptes de l’entreprise individuelle au 30 juin 2007 de CHF 207'301.- avait été portée dans les fonds propres de la raison individuelle. La contribuable avait donc fait des apports d’un montant de CHF 207'320.- afin de se rembourser à elle-même la dette qui figurait au passif de son entreprise. L’AFC-GE avait de manière erronée réintégré dans le bénéfice imposable un prétendu abandon de créance d’un tiers à l’égard de l’entreprise en question. Tout au plus, d’un point de vue fiscal, l’imprécision figurant dans les comptes de la contribuable pouvait avoir une influence sur la valeur en capital de l’entreprise.

10. Par deux décisions sur réclamation du 11 septembre 2009, l’AFC-GE a maintenu ses taxations. Le poste « créancier O______ » avait toujours été comptabilisé au passif du bilan de la raison individuelle dans la rubrique des fonds étrangers, ceci en diminution de l’actif imposable. Si ce montant correspondait effectivement à un apport personnel effectué lors de la création de l’entreprise, il aurait été crédité au compte capital et aurait alors été porté dans les fonds propres de celle-ci et imposé en tant que tel. Dans le cadre d’une raison individuelle, son titulaire ne pouvait être le créancier de sa propre entreprise puisque les deux entités se confondaient ; la raison individuelle n’avait aucune personnalité juridique. Les comptes commerciaux régulièrement déposés et qui ne pouvaient être modifiés a posteriori justifiaient que l’augmentation de fortune provenant de la diminution du poste « créancier O______ », sans prélèvement correspondant au niveau des actifs, ait été considéré comme un revenu imposable provenant de l’exercice de l’activité lucrative indépendante de la contribuable.

11. Le 9 octobre 2009, les contribuables ont déposé un recours à l’encontre des décisions précitées auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à leur annulation, à ce que le revenu provenant de l’activité indépendante soit ramené à CHF 52'613.-, et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

La contribuable avait repris la dette que son ex-mari avait contre la raison individuelle dans le cadre de leur liquidation du régime matrimonial. Cette créance n’avait pas été modifiée dans les comptes de l’entreprise et avait été maintenue au passif du bilan sous rubrique « créancier O______ ». Lors de la modification de la raison individuelle en société anonyme, la rubrique « créancier O______ » de CHF 207'301.- avait été portée dans les fonds propres de la raison individuelle. La contribuable avait ainsi effectué un apport à son entreprise de CHF 207'301.- qui avait permis de rembourser la dette de l’entreprise individuelle à son créancier, soit elle-même.

12. L’AFC-GE a répondu le 15 juin 2010 en concluant au rejet du recours. Les contribuables, à qui le fardeau de la preuve incombait, n’avaient pas démontré par pièces la reprise de la créance litigieuse au moment de la liquidation du régime matrimonial, ni que son titulaire était au départ l’ex-mari de la contribuable. Constatant qu’un poste du passif de l’entreprise ne figurait plus dans ses bilans, il y avait eu abandon de créance imposable.

13. Les parties ont répliqué et dupliqué par écritures des 8 septembre et 1er octobre 2010.

Les contribuables ont produit un extrait du jugement de divorce du 30 mars 1995 réservant la liquidation du régime matrimonial. Ils ont précisé qu'il n’y avait pas de documents relatifs à la liquidation proprement dite du régime matrimonial et que le seul témoin était l’ex-mari décédé en 1997. Ce dernier, étant juriste de formation, il n’aurait pas manqué de réclamer dans le cadre de cette liquidation une créance envers son ex-épouse s’il l’avait détenue, ce qui n’avait pas été le cas, ni de son vivant, ni par ses héritiers après son décès. Il n’existait effectivement pas de preuves écrites de la reprise de la créance, il était en revanche établi selon les contribuables que l’ex-mari ou ses héritiers n’avaient jamais réclamé en quinze ans la créance litigieuse.

Pour l’administration, aucune nouvelle pièce justificative n’avait été produite infirmant une autre interprétation que la sienne.

14. Dans le cadre de son instruction, la commission a demandé aux parties de lui remettre tous documents portant sur la reprise ou non de la créance par les héritiers de l’ex-mari, son intégration ou non dans la masse successorale, ainsi que son abandon ou sa cession à la contribuable par les héritiers.

En réponse à cette demande, les contribuables ont indiqué qu'au moment de son décès, l’ex-mari ne s’était pas remarié et qu’il avait comme héritiers légaux ses cinq enfants tous majeurs. Ceux-ci avaient répudié la succession comme l’attestait les publications dans la Feuille d’Avis Officielle de la République et canton de Genève justifiant sa liquidation sommaire.

15. L’AFC-GE a confirmé à la commission la répudiation de la succession et que les deux derniers enfants du de cujus étaient issus de son mariage avec la contribuable.

16. Par jugement du 14 juin 2011, le TAPI a rejeté le recours.

En substance, la recourante avait bénéficié d’un abandon de créance lors de la transformation de son entreprise individuelle en société anonyme et n’avait pas pu prouver qu’elle était titulaire de cette créance envers son entreprise individuelle selon les règles du fardeau de la preuve qui lui incombaient. Elle n’avait en particulier pas démontré que les fonds à l’origine de cette dette avaient été apportés par elle-même ni qu’elle avait repris une créance de son ex-mari dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial. Cet abandon de créance était dès lors taxable puisque d’un point de vue comptable, le passage de l’entreprise individuelle en société anonyme était une transformation ne respectant pas la neutralité fiscale au sens des art. 19 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 4 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14).

17. Contre ce jugement, les contribuables ont interjeté recours le 25 juillet 2011 en concluant à l’annulation dudit jugement, des décisions de l’AFC-GE du 11 septembre 2009, des bordereaux de taxation ICC et IFD 2007, au renvoi de la cause à l’AFC-GE afin qu’elle procède à une nouvelle taxation 2007 sur la base d’un bénéfice net de CHF 52'613.-, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

M. R______ avait apporté des fonds pour permettre la création puis par la suite la rénovation du café-restaurant Le F______ » de 1978 à 1991. Pour des raisons que la recourante ignorait, cette créance avait été enregistrée dans les comptes au nom du fils de M. R______, soit M. W______, décédé depuis lors. Suite à un arrangement entre le père et le fils, M. W______ avait déclaré en date du 14 juin 1993 qu’il n’avait aucune prétention à l’égard du café-restaurant. M. et Mme S______ avaient tacitement liquidé leur régime matrimonial renonçant l’un à l’égard de l’autre à toute prétention. La dette s'était éteinte lors de la répudiation de la succession.

Le fait que la créance figurait dans les dettes de la raison individuelle ou dans les fonds propres de celle-ci n’avait aucune espèce d’incidence. La recourante avait très bien pu en 2007 se rembourser le montant de CHF 207'301,40 figurant dans le bilan au 31 décembre 2006 et apporter le même montant à son entreprise, montant qui aurait alors été comptabilisé dans les fonds propres.

Le jugement violait enfin les principes de la capacité contributive et de l’interdiction de l’arbitraire.

18. Le 9 août 2011, le TAPI a transmis son dossier et a persisté dans les considérants et le dispositif de son jugement.

19. Dans sa réponse du 15 septembre 2011, l’AFC-GE a repris l’argumentation développée dans ses précédentes écritures. En sus, la contribuable n’était pas devenue débitrice d’elle-même même si par impossible on considérait que la dette « O______ » n’avait pas été revendiquée au moment de la liquidation de la succession de feu R______. En maintenant le poste « créancier O______ » dans les passifs de l’entreprise individuelle, la nature de la dette n’avait pas été modifiée. Selon le principe de la véracité du bilan, ce poste était resté une créance d’un tiers ce qui avait permis à la contribuable de bénéficier de cette déduction sur les actifs durant de nombreuses années, à savoir depuis le décès de son ex-époux en 1997.

20. L’AFC-CH a renoncé à déposer des observations.

21. Le 21 octobre 2011, les recourants ont été invités à faire part d'observations éventuelles d'ici au 4 novembre 2011, sans quoi la cause serait gardée à juger à cette date.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'article 69 abroge les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (LIPP I à V).

L'art. 72 al. 1 LIPP dispose que cette loi s'applique pour le première fois pour les impôts de la période fiscale 2010, et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En l'espèce, le recours concerne la période fiscale 2007. Il s'ensuit que la présente cause est régie par les dispositions de l'ancien droit.

4. Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, dont le pendant au niveau cantonal est l'art. 1 aLIPP-IV, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques.

Tout revenu que la loi n'exclut pas expressément de son champ d'application est considéré comme faisant partie du revenu imposable. Celui-ci comprend l'ensemble des revenus du contribuable, quelle qu'en soit leur nature ou leur forme ; l'impôt frappe le revenu global (ATA/110/2009 du 3 mars 2009 et les références citées).

Il résulte de ce qui précède que le droit positif suisse a généralement adopté la théorie de l'accroissement de la fortune nette, c'est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu, défini comme l'ensemble des biens économiques qui entrent dans le patrimoine d'un contribuable pendant une période donnée et dont il peut disposer pour satisfaire ses besoins, sans diminuer le patrimoine qu'il avait au début de la période (RDAF 1993 p. 28 ; J.-M. RIVIER, Introduction à la fiscalité de l'entreprise, Lausanne 1990, p. 44, n° 9.4.2).

Le revenu imposable peut prendre la forme d'un abandon de créance, en ce sens que la diminution du passif du contribuable peut constituer en un revenu si elle provient d'une remise de dette (J.-M. RIVIER, op. cit. p. 45 n. 9.5.4).

5. Lorsqu'une personne physique ou morale qui tient une comptabilité contracte une dette, elle doit la reporter dans son bilan. Doit également y apparaître la contrepartie. Le montant de la dette est ainsi comptabilisé dans le compte correspondant au passif alors que la contrepartie est passée dans le poste concerné à l'actif du bilan. Si le débiteur se voit remettre une partie de sa dette, il enregistre un bénéfice qui sera comptabilisé comme produit. Un abandon de créance signifie qu'un poste passif diminue sans que le débiteur soit contraint à un versement prélevé sur les actifs. La contrepartie reçue initialement n'est pas touchée par l'opération. Une remise de dette pour un débiteur principal correspond donc à un bénéfice imposable (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.112/2004 du 7 avril 2005 consid. 2.1). Ainsi, selon la jurisprudence, il résulte de l'extinction totale ou partielle d'une dette en vertu d'un abandon de créance, un produit qui affecte le compte de pertes et profits dans la mesure où l'extinction de la dette n'entraîne pas une diminution correspondante aux actifs (ATA/956/2004 du 7 décembre 2004 et les références citées).

6. En application du principe de l'autorité du bilan commercial (principe de déterminance), les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1).

7. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (E. BLUMENSTEIN/P. LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., Zurich 2002, p. 403/404 ; J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2e éd., Lausanne 1998, p. 139). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; M. ZWEIFEL, Die Sachverhaltsermittlung im Steuerveranlagungsverfahren, Zürich 1989, p. 109 consid. 4.3).

Il peut arriver, même après l'instruction menée par l'autorité, qu’un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (E. BLUMENSTEIN/P. LOCHER, op. cit., p. 416 et les nombreuses références citées). Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations. Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2). L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.347/2002 du 2 juin 2003, consid. 2.1 et les références citées ; ATA/607/2008 du 2 décembre 2008 consid. 7a).

8. Dans la mesure où la nature de l’impôt le permet, les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Cette disposition concrétise, dans le domaine du droit fiscal, le principe général de l'égalité de traitement (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3ème éd., 2007, p. 30 n. 16 ss).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le principe de l'imposition d'après la capacité contributive, chaque personne doit participer aux charges financières de l'Etat selon ses moyens. Les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; en revanche, s'ils sont dans des situations de fait différentes, qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et être adaptée en conséquence (ATF 133 I 206 consid. 7.1 et 7.2 ; 118 Ia 1 consid. 3a et arrêts cités).

9. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D.30/2008 du 21 mai 2008 consid. 5.1). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée ; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.1 et les arrêts cités ; ATA/381/2008 du 29 juillet 2008 consid. 4a). Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre de céans suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/344/2008 du 24 juin 2008 consid. 6a).

10. En l'espèce, la contribuable allègue être titulaire de la créance litigieuse à l'encontre de sa propre entreprise depuis la liquidation de son régime matrimonial avec feu R______. La répudiation de la succession de ce dernier par ses descendants prouverait selon elle que ladite créance n'a de surcroît jamais été réclamée depuis 1997 et qu'elle s'est donc éteinte au plus tard à ce moment-là. Reste alors à déterminer d'une part, si la recourante a rapporté la preuve de cette titularité, ce fardeau lui incombant au vu de ce qui précède, et si la décision dont est recours viole les principes de l'interdiction de l'arbitraire et de la capacité contributive.

Les pièces versées au dossier montrent que l'entreprise a bénéficié au moment de sa constitution d'un prêt inscrit au passif de son bilan sous les fonds étrangers poste « Créancier H______ ». Ce créancier, fils de feu R______, a par une « déclaration de renonciation » du 14 juin 1993 renoncé à toute prétention à l'encontre du restaurant de la recourante. Or, jusqu'en 1996 le poste précité a continué à figurer sous le même intitulé et pour le même montant au passif des bilans successifs de l'entreprise permettant à la recourante de réduire d'autant le bénéfice imposable. La contribuable n'allègue pas pour autant qu'elle aurait par cette déclaration de 1993 bénéficié d'un abandon de créance. A l'inverse, elle soutient qu'à cette époque, le créancier du montant litigieux était son ex-mari, M. R______. Les documents produits ne permettent cependant pas de corroborer cette version des faits. Rien en particulier ne démontre que celui-ci aurait été le créancier ab initio de l'entreprise, ni qu'il se serait substitué à H______ en 1993. Entre 1997 et 2000, la créance de CHF 332'301,40 a progressivement diminué pour atteindre un montant de CHF 207'301,40, sans pour autant qu'apparaisse à l'actif du bilan sa contrepartie. Ces opérations revêtent certes les caractéristiques d'un abandon partiel de créance. Cela étant, le solde de la créance de CHF 207'301.40 a été maintenu au passif du bilan jusqu'en 2006 sous un nouvel intitulé « Créancier O______ ». En 2000, la recourante était pourtant déjà remariée à M. J______ et avait pris la peine de faire modifier sa raison de commerce auprès du RC dans ce sens. Elle n'a pas pour autant remplacé l'intitulé précité dans son bilan, alors qu'elle soutient qu'elle était à ce moment-là titulaire de la créance litigieuse. Aussi, la chambre administrative ne saurait suivre le « cheminement juridique de la créance » présenté par la contribuable dans son recours, ledit cheminement n'étant aucunement corroboré par les pièces versées au dossier, ni ne pouvant être déduit par recoupement des documents produits. La contribuable n'a en conséquence pas pu prouver qu'elle est devenue titulaire de la créance en 1997. Celle-ci a dès lors été maintenue dans les bilans de l'entreprise jusqu'en 2007, son intitulé a certes été modifié en 2000 mais non pas au nom de J______.

Les comptes établis par la recourante présentent une dette envers l'entreprise dès son origine, dette ayant été ramenée à zéro en 2007 et injectée dans les fonds propres de l'entreprise. A aucun moment au cours des années d'existence de l'entreprise, il n'a été fait mention d'un abandon total de créance, ni voire même d'une donation en faveur de la contribuable. A l'inverse, la dette a été maintenue dans le bilan engendrant ainsi une diminution significative du bénéfice imposable de l'entreprise et de là une réduction de sa taxation pendant de nombreuses années. Au regard de sa comptabilité, la recourante a généré en 2007 une opération taxable en transférant la dette dans le capital propre de l'entreprise ; l'imposition de cette opération n'est par conséquent pas arbitraire. La taxation litigieuse étant conforme aux dispositions légales et aux directives applicables, elle est donc identique à celle de toute autre contribuable dans une situation similaire, et ne viole pas pour cette raison le principe de la capacité contributive.

11. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté et la décision de la commission confirmée. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Aucune indemnité ne sera versée. (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2011 par Madame G______ et Monsieur J______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Bonnefous, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :