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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2191/2023

JTAPI/275/2024 du 26.03.2024 ( LDTR ) , IRRECEVABLE

ATTAQUE

Descripteurs : NULLITÉ;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION
Normes : LDTR.39; LPA.60
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2191/2023 LDTR

JTAPI/275/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, Monsieur C______, représentés par Me Pascal PÉTROZ, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCLPF

D______ SA, représentée par Me David BENSIMON, avocat, avec élection de domicile

E______ SA, représentée par Me Raphaël CRISTIANO, avocat, avec élection de domicile

F______ (F______), appelée en cause, représentée par Me Maurice UTZ, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             La société E______ SA a acquis « en bloc », en 1999 par voie de cession d'actions, 31 appartements dont les nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ d'un immeuble situé 7______, G______.

Cet immeuble qui comportait 34 appartements a été soumis au régime de la propriété par étage en octobre 1984.

2.             Par arrêté du 19 septembre 2022 (VA 8______), le département du territoire (ci-après : le département) a autorisé la société E______ SA à aliéner trois appartements, soit le n° 1______ de quatre pièces au 1er étage, le n° 3______ de trois pièces au 5ème étage et le n° 4______ de quatre pièces au 6ème étage, compris dans l'immeuble précité à D______ SA.

3.             Cet arrêté de vente a fait l'objet d'un recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) interjeté par l'F______ (F______) le 29 septembre 2022. La procédure a été enregistrée sous la cause A/9______.

4.             Dans le cadre de cette procédure, des conclusions d'accord ont été prises aux termes desquelles :

« 1. Le recours de l'F______ faisant l'objet de la présente procédure est retiré avec désistement.

2. D______ SA s'engage à acquérir, et E______ SA à lui vendre, en un seul bloc, tous les autres appartements dont E______ SA est propriétaire dans l'immeuble 7______, G______ sur la parcelle 10______, feuille 11______, soit notamment les lots 12______, 13______ et 14______ (…).

3. Lesdits appartements seront réunis avec les trois lots faisant l'objet de la présente procédure en bloc de 6 appartements. Ce bloc de 6 appartements ne pourra ultérieurement être aliéné qu'en bloc.

(…)

6. Toute aliénation par E______ SA des lots mentionnés sous 2 à d'autres personnes physiques ou morales autres que D______ SA sera nulle et de nul effet.

(…) ».

5.             Par jugement du ______2022 (JTAPI/15______), le tribunal a donné acte aux parties de leurs conclusions d'accord déposées le 25 novembre 2022, qui faisaient intégralement partie du dispositif de ce jugement, condamné en tant que de besoin les parties à exécuter ces dernières et rayé la cause du rôle.

6.             Par requête complémentaire du 6 février 2023 adressée au département, E______ SA, sous la plume de son notaire, a sollicité l'autorisation d'aliéner les trois appartements nos 2______, 5______ et 6______ en complément des lots nos 1______, 3______ et 4______, en faveur de D______ SA.

7.             Par arrêté du ______2023 (VA 16______), le département a annulé et remplacé l'autorisation d'aliéner du 19 septembre 2022 en autorisant E______ SA à vendre six appartements, soit les n° 1______ de quatre pièces au 1er étage avec loggia, n° 2______ de trois pièces au 3ème étage avec loggia, n° 3______ de trois pièces au 5ème étage, avec loggia, n° 4______ de quatre pièces au 6ème étage, n° 5______ de trois pièces au 7ème étage, avec loggia et n° 6______ de quatre pièces au 8ème étage, avec loggia dans l'immeuble en question à D______ SA.

8.             Cet arrêté a été publié dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du ______2023. Il était précisé que cette décision étant une mesure d'exécution d'un jugement définitif, elle n'était pas sujette à recours en vertu de l'art. 59 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

9.             En date du 24 mai 2023, Madame H______ et son fils Monsieur I______ ont recouru, sous la plume de leur conseil, contre l'arrêté précité auprès du tribunal, concluant principalement à ce que la nullité de la décision du ______2023 soit constatée en ce qu'elle autorisait la vente des lots nos 2______ et 5______, subsidiairement à l'annulation de l'arrêté du ______2023 en ce qu'il autorisait la vente des lots nos 2______ et 5______. Préalablement, ils ont sollicité du tribunal qu'il constate l'effet suspensif du recours et qu'il ordonne la production de la transaction globale passée entre E______ SA, D______ SA et l'F______, ainsi que celle du jugement du tribunal de céans y relatif ; le tout sous suite de frais et dépens.

Cette procédure a été inscrite sous A/17______.

10.         En date du 12 juin 2023, faisant référence à la procédure A/17______, Madame A______ et Monsieur B______ ainsi que Monsieur C______ ont déposé, sous la plume de leur conseil, une requête auprès du tribunal, au terme de laquelle ils ont conclu :

Préalablement, à ce qu'il soit fait droit à leur demande de restitution du délai de recours contre l'arrêté VA 16______ publié le ______2023 dans la FAO, autorisant la vente de six appartements dont le lot n° 6______, à l'adresse 7______, G______ ; à ce qu'un délai raisonnable pour compléter leur recours leur soit octroyé ; subsidiairement, à ce que leur appel en cause dans la procédure A/17______ soit ordonné ; cela fait, à ce qu'un délai raisonnable pour se déterminer leur soit accordé ;

Principalement, à ce que la nullité de la décision du ______2023 en ce qu'elle autorisait la vente du lot n° 6______, situé 7______, G______ soit constatée ; subsidiairement, à l'annulation de la décision du département du ______2023 en ce qu'elle autorisait la vente du lot n° 6______ ; le tout sous suite de frais et dépens.

Ils avaient loué un appartement de quatre pièces au 8ème étage de l'immeuble en question (lot 6______) le 23 avril 2020 et le 11 juin 2020, E______ SA leur avait octroyé une option d'achat jusqu'au 30 avril 2024 sur l'appartement précité. Courant 2022, M. C______ et E______ SA devaient conclure une promesse de vente et d'achat devant notaire. Anticipant cette promesse, ils avaient versé un acompte de 5% du prix de vente auprès du notaire.

Selon un courrier électronique du 12 août 2022 de la régie en charge de l'appartement évoquant une transaction impliquant E______ SA, ni leur appartement ni ceux de Mme H______ et de M. I______ « n'avaient fait partie de la transaction globale ».

Peu avant l'échéance du délai de recours, ils avaient eu connaissance de la décision VA 16______, publiée le _____2023 dans la FAO, autorisant la vente de six appartements dont celui qu'ils occupaient. Se fiant de bonne foi à la publication officielle, ils avaient pris acte du fait qu'il s'agissait prétendument d'une mesure d'exécution d'un jugement définitif qui n'était pas sujette à recours.

Ils avaient été surpris d'apprendre qu'une procédure contre cette décision était pendante devant le tribunal. Manifestement induits en erreur par les termes de la décision contestée, ils ne pouvaient se voir reprocher d'avoir manqué le délai de recours au 25 mai 2023, étant précisé qu'ils avaient immédiatement pris toutes les mesures utiles en contactant un avocat pour la défense de leurs intérêts. Partant, ils devaient bénéficier d'une restitution de délai aux fins de faire constater la nullité, subsidiairement annuler la vente de leur lot pour qu'il soit donné droit à son acquisition. Subsidiairement, ils sollicitaient leur appel en cause dans la procédure A/17______.

11.         En date des 16 et 28 juin 2023, le département, respectivement E______ SA et D______ SA ont transmis leurs observations concernant la requête précitée.

12.         En date du 8 juin 2023, l'F______ a sollicité son appel en cause dans la procédure A/2191/2023. En effet, elle avait été partie au jugement d'accord rendu par le tribunal le ______ 2022, de sorte qu'elle avait un intérêt digne de protection à participer à toutes procédures concernant l'aliénation, respectivement le refus d'aliénation.

13.         Par courrier du 3 juillet 2023, le tribunal a indiqué aux époux ainsi qu'à M. C______ qu'il avait enregistré leur requête du 12 juin 2023 en tant que recours, dont la recevabilité était réservée, contre la décision du ______2023 sous la référence A/2191/2023 et leur a octroyé un délai pour compléter leur recours.

Une copie de ce courrier a été transmise aux intimés.

14.         En date du 17 juillet 2023, les époux et M. C______ ont complété leur recours.

La décision contestée ne pouvait être qualifiée de mesure d'exécution non sujette à recours comme mentionné par le département. En effet, le jugement du tribunal du ______ 2022 (JTAPI/15______) avait été rendu suite au recours de l'F______ contre un arrêté de vente du département mettant en présence E______ SA et D______ SA, concernant les lots nos 1______, 3______ et 4______, à l'exclusion du lot qu'ils occupaient.

Ils ne pouvaient dès lors pas leur être reproché de ne pas avoir pris part à la procédure devant le tribunal. En effet, une décision rendue en application d'un jugement définitif ne pouvait pas être qualifiée de décision d'exécution pour des recourants qui n'avaient pas participé à la première procédure sans faute de leur part. Selon la jurisprudence, un tel jugement n'avait pas acquis l'autorité de chose jugée à leur égard.

Locataires du lot n° 6______ et au bénéfice d'une option d'achat jusqu'au 30 avril 2024 sur l'appartement accordée par E______ SA, ils disposaient de la qualité pour recourir aux fins de faire annuler la vente en question et pour qu'il leur soit donné droit à l'acquisition du lot en question.

Concernant le délai de recours, se fiant à l'indication figurant sur la décision, ils avaient pensé qu'ils ne disposaient d'aucune voie de droit pour la contester. Ils avaient ensuite obtenu une restitution du délai de recours par ordonnance du tribunal du 3 juillet 2023.

En considérant de manière erronée que la vente du lot n° 6______ bénéficiait de l'autorité de chose jugée et en s'épargnant une procédure d'autorisation fondée sur l'examen des conditions de l'art. 39 LDTR, le département avait gravement violé la loi. Partant, la décision entreprise était manifestement nulle au regard de la gravité du vice ou à tout le moins, annulable.

Leurs arguments au fond seront exposés dans la mesure utile dans la partie en droit.

15.         En date des 17 juillet et 28 juillet 2023, les parties se sont déterminées sur la demande d'appel en cause de l'F______.

16.         Par décision du ______ 2023 (DITAI/18______), le tribunal a ordonné l'appel en cause de l'F______.

17.         Le 29 août 2023, le département s'est prononcé sur le recours. Il a conclu à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

Dans la mesure où l'arrêté du ______2023 constituait une mesure d'exécution d'un jugement définitif, le recours était irrecevable en application de l'art. 59 LPA.

Ses arguments au fond seront examinés si nécessaire dans la partie en droit.

18.         En date du 1er septembre 2023, D______ SA s'est déterminée sur le recours des époux et de M. C______. Elle a conclu principalement à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet, le tout sous suite de frais et dépens.

La demande de restitution de délai était infondée. Pour que l'art. 47 LPA trouve application, on devait se trouver dans un cas de figure prévu par l'art. 46 LPA. Or tel n'était pas le cas dans la mesure où la décision querellée était une mesure d'exécution d'un jugement définitif non sujette à recours conformément à l'art. 59 LPA. Même à considérer que l'art. 47 LPA devait s'appliquer, les recourants n'avaient pas fait preuve de diligence en recherchant eux-mêmes les informations nécessaires. En effet, le destinataire d'une décision administrative reconnaissable comme telle mais ne contenant pas la mention des voies de droit devait entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits, notamment se renseigner auprès d'un avocat ou de l'autorité qui avait statué sur les moyens d'attaquer cette décision et, après avoir obtenu les renseignements nécessaires, agir en temps utile (Stéphane GRODECKI, Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, ad art. 47 LPA, p.155).

Les explications fournies par les recourants ne permettaient pas de retenir que ceux-ci avaient fait preuve de la diligence que l'on pouvait raisonnablement attendre d'eux. De surcroît, Mme A______, alors collaboratrice du J______, notoirement connu pour être spécialisé dans le domaine immobilier, aurait manifestement pu se renseigner sans délai, dès la publication dans la FAO auprès de l'une de ses collègues à l'interne.

La demande de restitution de délai devait ainsi être rejetée avec pour conséquence l'irrecevabilité du recours.

Dès lors que les recourants étaient au courant de la procédure A/9______ initiée par l'F______, – ou auraient manifestement pu, voire dû s'en rendre compte en consultant la plate-forme SAD-Consult – et donc de la non-entrée en force de la VA 8______, ils auraient dû, en faisant preuve de diligence, requérir leur appel en cause dans le cadre de cette procédure, aux fins de s'assurer qu'elle ne déboucherait pas sur l'acquisition de leur lot par D______ SA.

Dans son recours, l'F______ avait notamment fait grief à D______ SA de ne pas acquérir l'intégralité des appartements, alors propriété de E______ SA, de sorte qu'il était faux d'affirmer que la procédure A/9______ ne portait pas sur leur lot. Faute d'avoir sollicité leur appel en cause dans cette procédure, les recourants ne pouvaient pas se prévaloir d'un comportement non fautif.

La VA 16______ constituait donc bel et bien une mesure d'exécution du jugement définitif du tribunal, non sujette à recours, également opposable aux recourants.

Le transfert de propriété du lot concerné était d'ores et déjà intervenu en sa faveur, de sorte que l'on peinait à comprendre comment les recourants pourraient justifier d'un intérêt digne de protection en se raccrochant à un acte conclu sous seing privé, dépourvu de tout effet, faute d'avoir été passé en la forme authentique et échappant à la compétence des juridictions administratives.

Les recourants étaient donc dépourvus d'un intérêt actuel au moment du dépôt de leur recours le 12 juin 2023, dans la mesure où le transfert de propriété du lot litigieux avait été déposé au registre foncier le ______ 2023 à 15h15. Pour ce motif également, le recours devait être déclaré irrecevable.

Même à considérer l'application de l'art. 39 al. 3 LDTR par l'écoulement du temps, les recourants ne démontraient en rien que les autres exigences de cette disposition seraient observées. Il était d'ailleurs surprenant qu'ils passent sous silence leur droit de propriété depuis le 29 mars 2017 sur le lot no 19______ dans le même immeuble.

En outre, selon certains avis exprimés dans les travaux préparatoires, l'art. 39 al. 3 LDTR ne serait applicable que lorsque, après avoir commencé à occuper l'appartement, le locataire s'intéressait à son acquisition. En revanche, le propriétaire qui entamerait des négociations avec un acheteur potentiel, alors que la vente ne pourrait être autorisée que sur la base de l'art. 39 al. 2 LDTR et qui contournerait cette disposition en concluant bail avec un candidat dans l'idée, dès le départ de lui vendre l'appartement au bout de trois ans en application de l'art. 39 al. 3 LDTR, tenterait de contourner cette disposition.

Or en l'espèce, les recourants avaient pris en location l'appartement litigieux à compter du 1er mai 2020 et moins d'un mois et demi plus tard, soit le 11 juin 2020, une option d'achat leur avait été accordée par le propriétaire. Pour ce motif également, faute d'intérêt actuel digne de protection au moment du dépôt du recours, celui-ci devait être déclaré irrecevable.

19.         Le 1er septembre 2023, E______ SA s'est déterminée. Elle a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, le tout sous suite de frais et dépens.

Désirant se séparer de son parc immobilier à G______, elle avait initialement envisagé de vendre l'appartement no 6______ aux locataires l'occupant, soit aux époux et à M. C______. Dans cette perspective, elle leur avait accordé une option d'achat. Des discussions quant à la signature d'une promesse de vente et d'achat par M. C______ avaient eu lieu mais aucun acte notarié n'avait finalement été signé.

Selon l'extrait du registre foncier, les époux faisaient partie des copropriétaires de l'immeuble 20______ sur lequel se trouvaient les bâtiments 7______, G______.

Par jugement du ______2022, le tribunal avait homologué une transaction conclue entre elle-même, D______ SA, l'F______ ainsi que le département, aux termes de laquelle D______ SA acquérait, notamment et dans le cadre d'une vente en bloc, l'appartement n° 6______ ; toute aliénation à un tiers étant nulle. Le tribunal avait également condamné les parties à exécuter la convention. La vente de l'appartement n° 6______ selon la LDTR faisait partie du dispositif de ce jugement, lequel était entré en force et déployait autorité de chose jugée.

En conséquence, la publication effectuée par le département le ______2023 présentement querellée, ne réglait pas une question nouvelle, non prévue par une décision antérieure. En délivrant formellement l'autorisation de vente portant sur les appartements, elle ne faisait qu'exécuter le dispositif du jugement du tribunal dont la portée s'étendait à l'appartement querellé.

Le recours dirigé contre une mesure d'exécution devait pour ce motif déjà être déclaré irrecevable.

Par ailleurs, la demande de restitution de délai était irrecevable.

Les recourants motivaient leur qualité pour recourir par le fait qu'ils entendaient qu'il leur soit donné droit à l'acquisition du lot n° 6______. Or, leur grief ne s'élevait pas contre une éventuelle sortie de l'appartement du marché locatif, mais contre l'absence de suite donnée par E______ SA à l'option d'achat signée au moment de la conclusion du bail. Ce n'était pas en tant que locataires ni en tant qu'acquéreurs, mais essentiellement en tant que potentiels acheteurs intéressés qu'ils agissaient. Dans cette mesure, ils n'étaient pas plus touchés que la généralité des administrés et ne pouvaient dès lors pas se plaindre d'une atteinte particulière. Admettre leur qualité pour recourir dans de telles circonstances reviendrait à autoriser toute personne intéressée par une acquisition à recourir. Le fait que des « options d'achat » aient été conclues n'y changeait rien. À défaut d'acte authentique (art. 216 al. 2 CO), ces documents ne faisaient pas naître d'obligation de contracter une vente immobilière. Les recourants se trouvaient dès lors dans la même situation que d'autres tiers intéressés.

L'art. 39 al. 3 LDTR prévoyait que, à certaines conditions, le locataire d'un appartement était autorisé à en faire l'acquisition. La loi ne prévoyait toutefois aucune obligation pour le propriétaire d'aliéner un appartement au locataire, ni même de lui donner la priorité sur d'autres acquéreurs intéressés. Aucune disposition n'introduisait d'ailleurs de droit d'être entendu du locataire lorsque l'appartement était vendu à une tierce personne. Le tribunal n'avait pas non plus jugé pertinent d'appeler en cause les recourants dans la procédure A/9______ avant de ratifier les conclusions d'accord des parties concernant en question.

Les recourants ne disposaient pas non plus d'intérêt personnel direct et actuel à l'annulation de la vente, respectivement au constat de nullité. En effet, si le recours était admis et la vente annulée cela ne conduirait pas directement à l'acquisition de l'appartement par les recourants. D'une part, le transfert de propriété de ce bien en faveur de D______ SA avait été requis auprès du registre foncier, de sorte qu'elle avait d'ores et déjà disposé du lot n° 6______ et ne saurait en conséquence en transférer la propriété. Le serait-elle toujours qu'elle ne serait pas dans l'obligation de leur vendre l'appartement dès lors qu'une convention portant sur un bien immobilier et conclue sous la forme écrite ne déployait pas de force obligatoire. Sa liberté contractuelle lui permettait ainsi de vendre le bien en question à d'autres personnes.

D'autre part, l'acquisition de l'appartement par les recourants était subordonnée à la délivrance d'une autorisation de vente par le département, qui serait amené à examiner le respect des conditions de l'art. 39 LDTR. Or compte tenu de l'âge de M. C______ (21 ans) et du fait que les époux étaient déjà copropriétaires au sein de la PPE 7______, G______, rien ne garantissait l'approbation du département sur ce point. Si la requête se fondait sur la disposition précitée, il faudrait de surcroît recueillir l'approbation de la vente par 60 % des locataires. Cette condition n'était pas remplie à ce jour et sa survenance n'était qu'hypothétique. Au surplus, on ne discernait pas pour quelle raison les autorités délivreraient aux locataires une autorisation de vente qui avait pour effet de sortir l'appartement du marché locatif.

Ainsi, la décision contestée ne constituait pas un obstacle dont la levée conduirait immédiatement à la conclusion d'un contrat avec les recourants. Leur intérêt n'était ainsi ni direct ni ne s'inscrivait dans le but visé par la LDTR. En définitive, le seul intérêt des recourants était de tenter de contourner la voie civile qu'ils devraient emprunter pour faire valoir d'éventuelles prétentions contre elle en raison de la signature de l'option d'achat. Cet intérêt n'était pas protégé par la LDTR et n'avait pas vocation à occuper les juridictions administratives.

Ses arguments sur le fond seront examinés en tant que de besoin.

20.         Le 11 septembre 2023, l'F______ s'est déterminée sur le recours. Elle s'en rapportait à justice quant à sa recevabilité et concluait à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Les accords et transactions entre E______ SA et les recourants ne ne conféraient à ces derniers aucuns droits et étaient même illicites. En effet, ces accords concernaient une acquisition future des appartements en cause conclus bien avant l'expiration de la durée de location de trois ans imposée par la loi, dans le but manifeste de la contourner et de mener à terme la vente à la découpe de l'immeuble par des professionnels de l'immobilier. Conformément à la jurisprudence, même une durée de location de 40 ans ne garantissait pas le droit d'acheter un appartement. Toutes prétentions éventuelles des recourants pourraient élever à propos de la vente était renvoyées devant le juge civil.

21.         Le 2 octobre 2023, les recourants ont répliqué.

La décision querellée ne pouvait être qualifiée de mesure d'exécution à leur égard dès lors qu'ils n'avaient pas participé à la première procédure sans faute de leur part. Il ne pouvait pas leur être reproché de n'être pas intervenus dans la procédure A/9______ puisque que la décision querellée ne portait pas sur le lot dont ils étaient locataires. Ils n'avaient, alors, pas la qualité pour recourir, faute d'intérêt digne de protection.

Le fait qu'un accord confidentiel intervenu entre les intimés s'étende soudainement au lot qu'ils entendaient acquérir sans qu'ils n'en soient informés, à tout le moins par une nouvelle décision publiée dans la FAO et sans qu'aucune autre voie de droit ne leur soit ouverte ultérieurement, violait gravement leur droit d'être entendu.

Au-delà du fait que selon la jurisprudence, le jugement JTAPI/15______ n'avait pas acquis l'autorité de chose jugée à leur égard, il convenait de retenir que leur droit d'être entendu ne pouvait être garanti, à tout le moins réparé que dans la mesure où ils avaient la possibilité de s'exprimer dans le cadre de la présente procédure.

Partant la décision entreprise était sujette à recours.

Ils entendaient faire constater la nullité de la décision entreprise, subsidiairement la faire annuler afin de pouvoir mener à bon terme la procédure d'acquisition de leur lot à un prix qu'ils ne trouveraient pas ailleurs. L'option d'achat qui leur avait été octroyée et qu'ils avaient exercée le 13 septembre 2023 constituait de toute évidence une source de responsabilité contractuelle suffisante pour mener E______ SA à respecter ses engagements, étant précisé qu'ils demeuraient parfaitement en droit de solliciter une demande d'autorisation en application de l'art. 39 al. 3 LDTR.

Lors de la signature des baux, une option d'achat leur avait été précisément octroyée jusqu'au 31 mars 2024, soit après une période d'occupation de plus de trois ans pour leur permettre de bénéficier de l'art. 39 al. 3 LDTR.

Ils disposaient donc d'un intérêt certain, directs et actuel à obtenir gain de cause pour faire exécuter le droit qui leur avait été donné d'acquérir un bien immobilier au prix convenu. Pour cette raison, le tribunal devait leur reconnaître la qualité pour agir.

Leurs arguments au fond seront examinés dans la partie en droit en tant que de besoin.

22.         Le 12 octobre 2023, le DT a indiqué qu'il persistait dans son argumentation.

23.         Le 16 octobre 2023, l'F______ a dupliqué.

24.         En date du 13 novembre 2023, les recourants ont produit des observations complémentaires. Ils faisaient état d'une procédure de vente d'un appartement situé dans un immeuble sis à G______, 21______ à Meyrin qui révélait, selon eux, la mauvaise foi des intimées. Il y sera revenu dans la mesure utile.

25.         Par courriers distincts des 21, 27 novembre et 13 décembre 2023, l'F______, le DT et E______ SA ont campé sur leurs positions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté devant la juridiction compétente, l’acte de recours, qui contient la désignation de l'acte attaqué et les conclusions des recourants, est recevable de ce point de vue, en application des art. 64 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les recourants concluent, à titre principal, à la constatation de la nullité de la décision du ______2023.

4.             D'après la jurisprudence, la nullité d'un acte commis en violation de la loi, qui peut être invoquée en tout temps, devant toute autorité et doit être constatée d'office (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_333/2007 du 24 juillet 2008 consid. 2.1), doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question. En d'autres termes, hormis les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (cf. ATF 121 III 156 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_538/2013 ; 6B_563/2013 du 14 octobre 2013 consid. 5.3 ; 2C_34/2013 du 21 janvier 2013 consid. 6.3). Ainsi, selon la jurisprudence, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de procédure spécifiques comme l'incompétence de l'autorité qui a pris la décision conduisent à la constatation de la nullité de cette dernière (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; 132 II 21 consid. 3.1 ; 129 I 361 consid. 2.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_538/2013, 6B_563/2013 du 14 octobre 2013 consid. 5.3 ; 2C_34/2013 du 21 janvier 2013 consid. 6.3), mais tout vice de forme n'entraîne pas une telle conséquence.

L'illégalité d'une décision (reposant sur des vices de fond) ne constitue en revanche pas, par principe, un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (cf. not. ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1).

5.             En l’espèce, les recourants invoquent la nullité de la décision du ______2023 au motif que le département aurait gravement violé l'art. 39 LDTR. Or, conformément à la jurisprudence citée supra, la potentielle illégalité d’une décision reposant sur des vices de fond, comme cela serait le cas à suivre les arguments des recourants, ne saurait, même si ces vices devaient être avérés, conduire à la constatation de la nullité de l’acte en cause. En effet, il s’agit d’arguments qui doivent être invoqués par le biais des voies de droit ordinaire, ce que les recourants font d’ailleurs, dès lors qu’ils concluent également, dans le cadre de leur recours, à l’annulation de la décision attaquée.

6.             Pour le surplus, force est de constater que l’autorisation litigieuse a été délivrée par l’autorité compétente, ce que les recourants ne contestent pas. En outre, aucun motif de nullité, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, ne ressort des éléments au dossier et les recourants ne démontrent pas davantage, ni même invoquent, l’existence de tels motifs.

7.             Partant, le tribunal ne saurait constater la nullité de la décision attaquée.

8.             Les intimés, dont le département, font valoir que la décision querellée serait une mesure d'exécution du jugement du ______ 2022 (JTAPI/15______), de sorte qu'elle ne serait pas sujette à recours.

Les recourants contestent cette qualification au motif que le jugement du tribunal précité ne leur serait pas opposable.

9.             À teneur de l’art. 59 let. b LPA, le recours n’est pas recevable contre les mesures d’exécution des décisions. L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’art. 53 al. 1 let. a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu (ATA/448/2007 du 4 septembre 2007 ; ATA/841/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/240/2004 du 16 mars 2004). La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre ATA/1033/2023 du 19 septembre 2023 et les arrêts cités).

Une décision de base ne peut en principe pas être remise en cause, à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute l’acte de base (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 398 et 399 n. 1150). Le contrôle des décisions administratives en force est aussi en principe exclu, que ce soit par un tribunal ou par une autorité administrative, notamment à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute la décision de base (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 231 n. 640). Si un recours n’est pas formé contre une décision de principe, le requérant est forclos pour se prévaloir de sa non-validité au moment où il voudra mettre en cause les décisions prises en conséquence de cette première décision. La décision de principe ne peut donc pas être revue incidemment à l’occasion d’un recours contre des décisions d’exécution (ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b).

10.         En l'occurrence, il doit être observé que même si les recourants ont pu avoir connaissance de la procédure de recours dirigée contre la VA 8______, il semble difficile de leur reprocher de ne pas y avoir participé, leur qualité pour recourir n'étant alors, à première vue, pas donnée et une éventuelle demande d'appel en cause vraisemblablement pas fondée, compte tenu de l'objet du litige.

Cela étant, cette question souffrira de demeurer ouverte compte tenu de l'issue du litige.

11.         Dès lors que les recourants ont également conclu à l’annulation de la décision attaquée, il convient d’examiner, à ce stade, s'ils peuvent se prévaloir de la qualité pour recourir sous l’angle de l’art. 60 LPA.

12.         La qualité pour recourir est notamment reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 al. 1 let. b LPA).

13.         Cette notion d'intérêt digne de protection s'interprète à la lumière de la jurisprudence fédérale rendue en application de l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_246/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.1 ; 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 3.2 ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 ; ATA/289/2014 du 29 avril 2014 consid. 3 ; ATA/208/2011 du 29 mars 2011 consid. 4).

D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers entend recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3 ; 131 II 652 consid. 3.1 ; 131 V 300 consid. 3 ; 124 II 504 consid. 3b et les références citées). Il découle d'ailleurs du texte de l'art. 89 al. 1 let. b LTF que le législateur a voulu rendre encore plus stricte la condition de l'intérêt personnel au recours, puisqu'il est précisé que le recourant doit être « particulièrement atteint » par l'acte attaqué (ATF 133 II 468 consid. 1 et les auteurs cités ; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER Droit administratif, vol. 2, 2011, pp. 734 s.).

14.         L'intérêt digne de protection, qui ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 142 V 395 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1), réside dans le fait d'éviter de subir directement un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre, qui serait causé par la décision entreprise. Il implique que le recourant, qui doit pouvoir retirer un avantage réel et pratique de l'annulation ou de la modification de la décision, doit se trouver dans une relation spécialement étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation et doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de façon à exclure l'action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 1.2.1 ; 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1 ; 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). Tel n'est notamment pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 138 V 292 consid. 4 ; 130 V 202 consid. 3 ; 133 V 188 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1054/2016, 2C_1059/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/988/2016 du 22 novembre 2016 consid. 2d ; ATA/229/2016 du 15 mars 2016 consid. 4 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3d).

Le recours ne sert donc pas à faire contrôler abstraitement la légalité objective de l’activité étatique, mais plutôt à procurer un avantage pratique à la partie recourante. Le simple objectif d’empêcher l’adverse partie d’accéder à un avantage censément illicite ne suffit en outre pas à conférer la qualité pour recourir, si cet objectif ne se rattache pas à un avantage digne de protection pour le recourant (ATF 141 II 307 consid. 6.2 ; 141 II 14 consid. 4.4). Cela signifie que le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général et abstrait à la correcte application du droit ou dans l'intérêt de tiers est irrecevable, parce qu'assimilable à une action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2 ; 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 ; 1C_236/2010 du 16 juillet 2010 consid. 1.4 et 1.5 et les références citées ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 consid. 8 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3c).

Par ailleurs, pour qu'un recours soit - ou demeure - recevable, il faut que l'intérêt digne de protection du recourant à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée, respectivement à faire examiner les griefs soulevés, soit actuel (cf. ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 ; 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 138 II 42 consid. 1 ; 135 I 79 consid. 1 ; ATA/1094/2020 du 3 novembre 2020 consid. 2 ; ATA/201/2017 du 16 février 2017 consid. 2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours, celui-ci étant irrecevable lorsque l'intérêt actuel fait défaut au moment du dépôt du recours, alors que si cet intérêt disparaît en cours de procédure, parce qu'un fait nouveau affecte l'objet du litige et lui enlève tout intérêt, le recours devient sans objet et doit être rayé du rôle (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 23 consid. 1.3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_611/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1 ; 8D_6/2019 du 4 février 2020 consid. 1.3 ; 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 1.2 ; 2C_228/2017 du 21 juillet 2017 consid. 1.4.2).

15.         S'agissant d'un recourant, tiers locataire, il convient d'apprécier l'enjeu de la procédure pour lui, en fonction de sa situation concrète, soit d'apprécier la gravité de l'atteinte portée par le projet à ses intérêts. Le Tribunal fédéral a jugé que s'il existe un moyen de droit privé, même moins commode, à disposition de l'intéressé pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondé sur l'intérêt digne de protection doit lui être niée (arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005, consid. 3.3.3).

16.         Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail, complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (cf. ATA/710/2021 du 6 juillet 2021 consid. 4b et les arrêts cités ; ATA/985/2020 du 6 octobre 2020 consid. 3b ; ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3b). Le Tribunal fédéral a ainsi en particulier dénié la qualité pour recourir à un locataire, dont la résiliation de bail venait pourtant d'être annulée par le bailleur, dans le cadre d'un recours contre la vente de son appartement selon la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41). L'intérêt du recourant, quoiqu'actuel, ne pouvait être considéré comme direct et concret, au motif que le succès de son recours en matière administrative lui permettait de retirer l'avantage convoité, à savoir le prononcé de la nullité de son contrat de bail, seulement de manière indirecte. De plus, le but recherché par le recourant, soit se prémunir contre une prochaine résiliation du bail, sortait manifestement des objectifs de la LFAIE. L'intérêt invoqué par le recourant n'était ainsi pas dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 131 II 649 consid. 3.4 ; cf. aussi arrêt 2C_621/2009 du 23 septembre 2010 consid. 4.3). Dans ces cas, l'intérêt du recourant est considéré comme insuffisant, voire inexistant, lorsqu'il a à sa disposition un autre moyen de droit pour régler le fond de l'affaire (cf. ATA/985/2020 du 6 octobre 2020 consid. 3b et la référence citée ; ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3b).

17.         En l'occurrence, les recourants soutiennent qu'ils ont un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision querellée au motif que s'il leur était donné gain de cause, ils pourraient faire exécuter le droit qui leur a été donné d'acquérir le bien immobilier en question.

Or, nonobstant les options d'achat octroyées par E______ SA sur ces lots - peu après la signature de leurs baux - l'annulation de l'arrêté de vente litigieux n'aurait pas pour effet direct et concret de leur assurer l'acquisition des deux lots convoités. D'une part, avec les intimés, il y a lieu d'observer que E______ SA qui a désormais transféré son bien à D______ SA, n'en dispose plus. Partant, si les recourants estiment que celle-là était liée par les options d'achat accordées, c'est par la voie civile qu'ils pourraient demander le respect d'un engagement voire des dédommagements. D'autre part, une autorisation d'aliénation devrait encore leur être accordée par le département en application de l'art. 39 al. 3 LDTR, ce qui suppose la réalisation des conditions posées par cette disposition, lesquelles ne sont à ce stade pas réunies, de sorte que la perspective d'obtenir une telle autorisation reste en l'état toute théorique, incompatible avec la notion d'intérêt direct et concret.

Partant, l'admission du recours n'étant pas apte à leur procurer un avantage pratique, ils ne peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection.

À cela s'ajoute que le but recherché par les recourants de se porter acquéreurs d'appartements pour des motifs de pure convenance personnelle sort manifestement des objectifs poursuivis par la LDTR, à savoir préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment l'aliénation des appartements destinés à la location (art. 1 al. 1 et 2 let. c LDTR), étant rappelé que l'acquisition d'un logement par un locataire demeure l'exception (titre marginal de l'alinéa 3 de l'art, 39 LDTR).

18.         Ainsi, les recourants ne se trouvent pas dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation, de sorte qu'ils ne disposent pas de la qualité pour recourir.

19.         En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, le recours sera déclaré irrecevable, sans qu'il soit nécessaire d'examiner également sa recevabilité sous l'angle du respect du délai de recours.

Compte tenu de cette issue, les arguments au fond ne seront pas non plus examinés.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'400.- ; il partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

21.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure, à la charge des recourants, sera allouée à raison de CHF 1'400.- en faveur de E______ SA, CHF 1'400.- en faveur de D______ SA et de CHF 1'400.- en faveur de l'F______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 12 juin 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ ainsi que Monsieur C______ contre la décision du département du territoire du ______2023 ;

2.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'400.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

3.             condamne Madame A______ et Monsieur B______ ainsi que Monsieur C______, conjointement et solidairement, à verser une indemnité de procédure de :

- CHF 1'400.- à E______ SA,

- CHF 1'400.- à D______ SA,

- CHF 1'400.- à l'F______ (F______) ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, Claire BOLSTERLI, Thierry ESTOPPEY et Diane SCHASCA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière