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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9687/2011

AARP/48/2024 du 29.01.2024 sur JTDP/1509/2020 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.03.2024, 6B_240/2024
Descripteurs : ABUS DE CONFIANCE;CAPACITÉ D'ÊTRE PARTIE
Normes : CP.138; CP.48.lete; CPP.122
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9687/2011 AARP/48/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 29 janvier 2024


Entre

A______, domiciliée ______, RUSSIE, comparant par Me Romain CANONICA, avocat, CANONICA VALTICOS & ASSOCIES SA, rue Pierre-Fatio 15, case postale 3782,
1211 Genève 3,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1509/2020 rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal de police,


et


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé,

 

statuant à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1443/2021 du 13 février 2023 admettant le recours de A______ contre l'arrêt AARP/337/2021 rendu le 1er novembre 2021 par la Chambre pénale d'appel et de révision.


EN FAIT :

A. a. Par arrêt AARP/337/2021 du 1er novembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a rejeté l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1509/2020 du 15 décembre 2020 rendu par le Tribunal de police (TP), reconnaissant la précitée coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 du Code pénal [CP]) et la condamnant à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 2'000.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans.

b. A______ a formé recours auprès du Tribunal fédéral (TF) à l'encontre de cette décision, concluant principalement à son acquittement du chef d'abus de confiance, subsidiairement au renvoi de la cause devant l'autorité d'appel pour nouvelle décision.

Aux termes de son recours, elle faisait valoir une violation du principe de l'accusation (art. 9 du Code de procédure pénale [CPP]), une violation des art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et 138 ch. 1 CP, ainsi qu'une constatation manifestement inexacte de certains faits.

c. Dans son arrêt 6B_1443/2021 du 13 février 2023, le TF a admis le recours de A______, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision.

La Haute Cour a retenu une violation de la maxime d’accusation, en ce que la CPAR s'était écartée des faits décrits dans l'ordonnance pénale tenant lieu d’acte d’accusation, laquelle ne contenait pas tous les faits essentiels qui avaient permis à la Cour cantonale de condamner la recourante.

d. Selon l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019, le Ministère public (MP) reproche à A______ d'avoir, à Genève, de concert avec B______ (ci-après également : son associé), au printemps 2006, amené C______ INC. (ci-après : C______ INC., l’intimée ou le prêteur), soit pour elle E______, à leur accorder le financement à court terme d'une opération spécifique sur métaux précieux, obtenant de la sorte que C______ INC. verse USD 300'000.- en faveur de la société F______ SA, montant qu'ils ont utilisé à d'autres fins et qu'ils n'ont pas été en mesure de représenter à l'échéance convenue, le 15 juillet 2006, puis le 25 août 2006, sous réserve des montants de CHF 55'000.- et USD 60'000.-.


 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

Du contrat conclu entre C______ INC. et F______ SA

a.a. Un contrat intitulé "Loan Agreement" a été conclu, le 22 mai 2006, entre C______ INC., représentée par E______, et F______ SA, représentée par A______, directrice, et B______, administrateur, tous deux au bénéfice d'un pouvoir de signature individuelle pour le compte de la société.

a.b. Ce contrat portait sur un prêt à court terme ("short-term loan") de USD 300'000.- accordé par C______ INC. ("the Lender") à F______ SA ("the Borrower"), somme qui devait être versée en une seule fois, dès que possible après la signature de l'accord. Aux termes de ce dernier, le virement bancaire devait être effectué sur le compte indiqué par F______ SA dans l'annexe 1 du contrat, à savoir auprès de la société G______ SA. Le remboursement devait intervenir au plus tard le 15 juillet 2006, étant précisé que F______ SA, A______ et B______ s'en portaient garants. Le montant du prêt était assorti d'un taux d'intérêt mensuel de 20%.

a.c. Le contrat ne prévoyait rien quant à la destination des fonds.

De la société F______ SA

b.a. F______ SA (ci-après également l’emprunteuse), dont le siège se trouve à Genève, est active dans le domaine de l'achat et de la vente d'or, de tous métaux et minéraux précieux ou non, ainsi que de toutes valeurs matérielles et immatérielles.

b.b. A______ en était la directrice de juin 2005 à août 2010 ; elle était titulaire d’une signature individuelle, sauf entre juin 2008 et mai 2009 (signature collective à deux). Elle était également au bénéfice d'un pouvoir de signature individuelle pour le compte de la société. B______ en était l’administrateur avec signature individuelle, de la fondation de la société jusqu’au prononcé de la faillite.

De la société G______ SA

c.a. G______ SA est une société basée aux Îles Marshall. Selon ses statuts, elle a un but de portée générale, à savoir de s'engager dans tout acte ou activité légale pour lequel des sociétés peuvent être constituées en vertu des lois nationales sur les sociétés commerciales. Il ressort néanmoins des documents bancaires émanant de [la banque] H______ que le but principal de la société est le commerce du pétrole, du gaz et des métaux.

c.b. A______ est actionnaire et directrice de cette société. Elle en est également l'unique bénéficiaire économique et est seule au bénéfice d'un pouvoir de signature sur les comptes bancaires de la société auprès de H______.

De la destination de la somme versée par C______ INC. conformément au contrat du 22 mai 2006

d.a. Le 23 mai 2006, le compte USD de la société G______ SA auprès de H______ a été crédité d'un montant de USD 300'000.- versé par C______ INC. Au moment du versement de cette somme, le compte bancaire précité faisait état d'un solde nul (USD 0.06).

d.b. En deux mois, soit entre le 29 mai et le 28 juillet 2006, la quasi-totalité de la somme versée par C______ INC. a fait l'objet de retraits auprès de la succursale de Genève 1______ et un ordre de transfert de USD 12'000.- a été donné en faveur de A______.

De l'absence de remboursement par F______ SA au terme convenu

e.a. Aucun remboursement n'étant intervenu au 15 juillet 2006, F______ SA et C______ INC. ont convenu, par avenant du 17 juillet 2006, de reporter le terme de remboursement au 25 août 2006. F______ SA a également souscrit une lettre de change de USD 300'000.- en faveur du prêteur, payable à vue à la même échéance.

e.b. À l'exception d'un paiement de USD 60'000.- le 25 juillet 2006, F______ SA n'a pas payé les sommes dues dans le délai précité, ce malgré ses nombreuses promesses et les demandes répétées de C______ INC. en ce sens.

e.c. Le 20 avril 2007, les deux sociétés ont conclu une transaction extrajudiciaire ("out of court settlement"), par laquelle F______ SA s'est engagée à rembourser à C______ INC., au plus tard le 12 mai 2007, un montant de USD 279'812.80 avec intérêts à 18% l'an dès le 30 mars 2007. Cet accord n'a pas davantage été suivi d'effet.

e.d. Dans un email du 21 mars 2007 adressé à F______ SA, son organe de révision indiquait ne pas se souvenir avoir vu l'emprunt effectué auprès de C______ INC. dans les comptes de la société.

e.e. Dans une lettre du 23 novembre 2010 au conseil de C______ INC., le réviseur de F______ SA a indiqué que les fonds versés par C______ INC. n'avaient pas été comptabilisés au bilan de la société au motif que le prêt avait été effectué en faveur de A______, F______ SA ayant uniquement agi à titre fiduciaire dans cette opération.

Des échanges entre les parties

f.a. Par courrier du 6 décembre 2006, F______ SA a indiqué à C______ INC. qu'elle n'avait jamais reçu les fonds concernés par le contrat du 22 mai 2006 et que ce dernier semblait avoir été conclu avec A______. Dans la suite de ses échanges avec C______ INC., F______ SA a finalement reconnu être la débitrice des fonds réclamés. Elle a alors fourni toutes sortes d'explications pour justifier le retard dans le paiement des sommes dues (blocage de H______ sur le compte de G______ SA, demandes de clarification par la I______ pour le transfert des fonds à F______ SA, transfert progressif des fonds à cette dernière, mariage, déplacements à l'étranger), sans toutefois donner suite aux demandes de C______ INC. de démontrer la réalité desdits blocages, ainsi que la disponibilité des fonds.

f.b. À la lecture des pièces bancaires pertinentes, les différentes excuses dont s'est prévalue F______ SA étaient dénuées de toute réalité. À titre d'exemple, cette dernière a affirmé, le 29 mars 2007, que l'argent se trouvait en compte auprès de G______ SA depuis plus de deux semaines et qu'elle était en attente que "la banque le relâche". En réalité, à cette date, la somme versée par C______ INC. avait déjà été épuisée du compte de G______ SA par des retraits en espèces, le compte bancaire CHF et EURO de la société affichant un solde nul et son compte US-Dollar un solde de 603.75.

f.c. C______ INC. a requis, à plusieurs reprises, des informations quant à l'affectation réelle des fonds versés dans le cadre du contrat du 22 mai 2006. Dans un courrier du 10 juin 2009, la société précisait que si elle n'obtenait aucune détermination circonstanciée à ses demandes, elle devrait retenir "que les administrateurs de F______ n'ont jamais eu l'intention d'effectuer l'investissement sur métaux précieux susceptible de générer les plus-values annoncées lors de l'octroi du prêt litigieux mais ont utilisé en réalité les fonds confiés de manière à assainir leur situation financière personnelle et/ou à amortir l'endettement de leurs propres entreprises commerciales".

f.d. F______ SA n'a pas répondu aux demandes de C______ INC. quant à l'affectation desdits fonds, se contentant d'indiquer dans un courrier du 29 septembre 2009 : "Concernant la traçabilité des avoirs, ce montant est arrivé sur le compte [de] G______ SA, propriété de A______, à H______ et cet argent a servi pour une transaction commerciale avec votre client. Concernant toute autre allégation nous nous tenons à la disposition de la justice pour démontrer le bien-fondé de nos dires (…). [n]ous avons l'intention de régler notre dette (…). Le retard que nous avons subi est malheureusement en dehors de notre volonté (…)."

f.e. F______ SA n'a jamais démontré le bien-fondé de ses dires, en particulier concernant la "transaction commerciale" évoquée. L’examen de la documentation bancaire figurant au dossier ne permet pas non plus de déceler l’existence d’une quelconque "transaction commerciale" effectuée avec les fonds précités.

De la procédure civile initiée par C______ INC. contre F______ SA

g.a. Le 31 janvier 2008, un commandement de payer portant sur CHF 341'371.61 avec intérêts à 18% dès le 30 mars 2007 a été notifié à F______ SA. Cette poursuite, initiée par C______ INC., se fondait sur la reconnaissance de dette du 20 avril 2007.

g.b. Dans le cadre de la procédure civile qui a suivi, A______ et B______ s'accordaient sur le fait que la somme versée par C______ INC. devait servir dans le cadre de négociations relatives à l'achat d'or.

Selon A______, le prêt avait été octroyé dans le but d'établir une collaboration entre C______ INC. et F______ SA. Comme une société russe ne pouvait pas investir dans F______ SA, le contrat avait été établi sous la forme d'un prêt. Pour elle, il s'agissait toutefois bien d'un contrat d'investissement et non d'un crédit. Elle ne souhaitait d'ailleurs pas conclure un contrat de prêt. Les négociations ayant échoué, seul un montant de USD 60'000.- avait pu être remboursé à C______ INC.

B______ a quant à lui expliqué que le contrat avait été conclu afin qu'une transaction d'or puisse être effectuée. Le contrat aurait dû être immédiatement exécuté, une fois la transaction d'or effectuée, mais celle-ci n'avait pas pu se faire. Ils avaient alors voulu rembourser le capital à C______ INC. qui avait refusé, préférant percevoir les intérêts sur le capital.

g.c. Par jugement du 30 avril 2009, le Tribunal de première instance a débouté F______ SA de ses conclusions en libération de dette.

g.d. Le 16 avril 2010, C______ INC. a déposé une requête de faillite à l'encontre de F______ SA.

g.e. Dans sa requête de sursis concordataire du 24 juin 2010, ainsi que dans son appel du 25 novembre 2010, F______ SA a indiqué avoir emprunté USD 300'000.- à C______ INC. aux fins de procéder à des achats d'or. La transaction n'ayant pas pu être menée à bien, un premier montant de USD 60'000.- avait été remboursé à C______ INC.

g.f. Par jugement du 11 novembre 2010, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 13 janvier 2011, F______ SA a été déclarée en faillite.


Des déclarations des parties dans le cadre de la procédure pénale

h. C______ INC. a déposé plainte pénale le 5 juillet 2011.

h.a. A______ a expliqué ne pas se souvenir exactement pour quelle raison F______ SA avait besoin de ce prêt, si ce n'était qu'à l'époque, la société traitait d'affaires en Afrique et que, selon ce que B______ lui avait expliqué, celle-ci s'attendait à réaliser d'importants bénéfices. E______, qui souhaitait entrer en partenariat avec eux mais ne voulait pas risquer de perdre son investissement, avait demandé à signer un contrat de prêt en garantie. B______ lui avait toutefois bien dit qu'il ne s'agissait pas d'un prêt. Contrairement à ces déclarations, elle a par la suite précisé que le montant versé par C______ INC. ne correspondait pas à un investissement, mais à un crédit.

Dans son esprit, si l'opération devait échouer, chacun récupérait son investissement initial. Cette affaire n'avait finalement rien rapporté et elle avait elle-même perdu plusieurs millions.

L'argent avait été versé sur le compte de G______ SA car F______ SA n'avait pas de compte bancaire à l'époque de la signature du contrat. Elle ignorait toutefois comment les USD 300'000.- avaient été dépensés par F______ SA, dès lors que ce n'était pas elle qui signait les ordres de paiement. Elle n'avait pas utilisé cet argent, il avait été rendu à F______ SA comme en témoignait le bilan de la société pour l'année 2006 qu'elle produirait par le biais de ses avocats. Quand il avait fallu résoudre les problèmes avec C______ INC., elle avait personnellement versé CHF 300'000.- sur le compte de F______ SA. Elle ne savait toutefois pas ce qu'il était advenu de cet argent. B______ lui avait dit qu'il avait été utilisé pour payer des dettes. C'est lui qui avait la signature sur le compte.

En tout état, elle avait rendu une partie de l'argent à C______ INC., à savoir les sommes de CHF 55'000.- et USD 60'000.-. Par la suite, elle avait encore proposé de payer entre CHF 180'000.- et 200'000.- pour solde de tout compte, mais cette proposition avait été refusée.

h.b. Selon B______, le but du prêt était de financer une affaire dans le domaine financier, il ignorait toutefois de quoi il s'agissait concrètement. Cet investissement devait permettre à F______ SA de réaliser un gain substantiel en moins de 30 jours, ce qui devait lui permettre d'éviter de payer l'intérêt mensuel de 20% convenu entre les parties. S'il avait signé ce contrat, c'était parce qu'il espérait que F______ SA réaliserait une commission de 10% sur le bénéfice de l'opération que le prêt devait financer, comme le lui avaient promis E______ et A______. La somme reçue par F______ SA de la part de C______ INC. avait été transférée sur un compte personnel de A______. C'était elle qui avait signé l'ordre ou les ordres de transfert du compte de la SA. Afin de garantir la totalité de la dette contractée, il avait obtenu en dépôt un kilo de cuprum d'une valeur marchande d'environ USD 3'000'000.-.

Par la suite, B______ a précisé que les fonds de C______ INC. avaient été remis et investis dans l'achat de métaux précieux. F______ SA détenait d'ailleurs pour plus d'un million de dollars de cuprum dans son stock. Elle n'avait pas pu rembourser C______ INC. à l'échéance convenue car elle n'avait pas pu revendre les métaux précieux à temps et ne disposait plus de liquidités. Si le taux d'intérêts convenu entre les parties était aussi élevé c'était parce que l’emprunteuse avait la certitude de pouvoir revendre ces métaux à brève échéance, ce qui n'avait pas été le cas. Si l'investissement de USD 300'000.- n'avait pas été comptabilisé dans les comptes de F______ SA, c'était peut-être parce qu'il figurait, avec A______, comme emprunteurs de ladite somme. Il devait exister une lettre du réviseur disant qu'ils se portaient tous deux garants de ce montant.

h.c. Selon E______, B______ et A______ lui avaient été présentés par une connaissance comme des personnes d'affaires importantes, sérieuses et fortunées, actives dans le domaine financier, soit plus particulièrement dans le commerce de l'or mais aussi des produits dérivés. Ils cherchaient à constituer un capital de deux ou trois millions afin qu'une banque puisse émettre un produit dérivé à un montant 100 fois supérieur au capital investi. S'ils recherchaient initialement un financement de USD 3'000'000.-, ils avaient fini par accepter qu'il investisse une somme moindre, à savoir USD 300'000.- pour un rendement substantiel. Divers montages financiers, qu'il ne comprenait pas, lui avaient été présentés pour lui expliquer l'opération. Il était prêt à investir, mais il voulait des garanties. Afin de simplifier les choses, B______ lui avait proposé de signer un contrat de prêt de USD 300'000.- à 45 jours avec un intérêt mensuel de 20%, ce qui équivalait à un gain de 30% sur le capital.

Interrogé sur les motifs pour lesquels F______ SA et ses animateurs sollicitaient un prêt auprès de lui plutôt qu'auprès d'une banque, B______ lui avait répondu qu'il craignait que la banque ne s'approprie pour elle-même une opération aussi profitable. Quant à son contact, il lui avait répondu que c'était dans le cadre de "garanties bancaires avec levier", ce qui lui avait été confirmé par B______ et A______, qui avaient ajouté vouloir l'aider dans ses affaires.

E______ souhaitait signer le contrat avec une société domiciliée en Suisse plutôt qu'avec une "Offshore", raison pour laquelle F______ SA avait été mise en avant avec la précision que cette dernière était active dans l'or et les métaux précieux, ce qui lui avait paru suffisant comme référence.

S'il avait d'abord indiqué que le contrat constituait pour lui un véritable prêt et qu'il n'avait pas été question de participer aux affaires de B______ ou A______, tout en ajoutant ne pas se souvenir qu'il avait été question d'une "opération spécifique sur métaux précieux", il a affirmé, par la suite, que l'objectif du contrat était un investissement dans le projet évoqué par B______ et A______, lequel devait lui rapporter un bénéfice. Il était aussi question d'investir sur le marché de l'or dès lors que cela correspondait au but social de F______ SA.

L'intérêt de 20% proposé par F______ SA équivalait en réalité à sa participation aux bénéfices d'une opération ponctuelle. Il s'agissait d'un investissement à court terme plutôt qu'un crédit à long terme. Il ne s'agissait pas d'un prêt à taux fixe.

h.d. À l'appui de ses déclarations, A______ a produit, le 9 mars 2020, un avis bancaire et un extrait de compte portant sur un transfert de CHF 300'000.- effectué le 5 mars 2008 depuis son compte personnel auprès de la banque J______ en direction du compte de F______ SA ouvert auprès du même établissement. Ces pièces démontraient, selon elle, que "les fonds reçus à l'origine sur son compte [avaient] été retransférés sur le compte de F______".

h.e. Il ressort toutefois de la documentation fournie par la banque J______ que le versement susmentionné n'était pas lié à un remboursement à C______ INC., mais concernait une affaire de cautionnement entre B______, son épouse et A______.

h.f. A______ n'a pas produit le bilan 2006 de F______ SA démontrant la supposée comptabilisation dans les livres de cette dernière des fonds de C______ INC. En tout état, le réviseur de la société a confirmé que le montant de USD 300'000.- n'avait jamais été comptabilisé au bilan de la société.

C. a. Par courrier du 6 mars 2023, la CPAR a interpellé les parties sur la suite à donner à la procédure.

b. Le MP conclut à la confirmation du jugement du TP du 15 décembre 2020 et au traitement de la cause par la voie de la procédure écrite au sens de l'art. 406 al. 2 CPP.

c. L'appelante ne s'oppose pas à une procédure écrite. Par mémoire complémentaire du 31 mai 2023, elle persiste dans les conclusions prises dans sa déclaration d'appel du 22 mars 2021 et sollicite une indemnisation au sens de l'art. 429 CPP pour laquelle elle produit un état de frais actualisé.

Le montant prêté ne constituait pas une valeur patrimoniale confiée au sens de l'art. 138 ch. 1 CP. En particulier, le contrat de prêt conclut entre C______ INC. et F______ SA ne prévoyait aucune affectation déterminée du montant prêté ni aucune obligation d'en conserver la contre-valeur. Il ne prévoyait pas non plus que la société G______ SA devait reverser le montant prêté à la société F______ SA. D'ailleurs, dans l'avenant au contrat de prêt signé le 17 juillet 2006, ainsi que dans les courriers échangés entre les parties avant la signature de la Convention d'accord du 20 avril 2007 et dans ladite Convention elle-même, les parties ne mentionnaient aucune problématique liée à l'affectation du montant prêté. Le litige portait uniquement sur le remboursement du prêt et l'intérêt applicable.

En outre, les conditions contractuelles et la mise en place de garants étaient incompatibles avec une affectation déterminée des fonds. En réalité, le montant prêté pouvait librement être utilisé.

D'ailleurs, la société C______ INC. avait confirmé, au travers de l'audition de son directeur, E______, qu'il n'avait jamais été question d'une opération sur métaux précieux – seule hypothèse visée par l'acte d'accusation – ni d'une opération commerciale, et que le contrat conclu constituait un "véritable prêt" sans aucune affectation spécifique. Ses déclarations étaient, pour le reste, contradictoires et inconciliables.

A______ avait versé un montant de CHF 300'000.- depuis son compte personnel sur le compte de la société F______ SA le 8 mars 2008, soit avant que la société C______ INC. ne dépose plainte pénale. Au moment du dépôt de sa plainte, la société précitée était déjà radiée, de sorte qu'aucune crédibilité ne pouvait être donnée au contenu de cet acte et aux déclarations de son représentant.

d. Dans son mémoire réponse du 12 juin 2023, le MP conclut au rejet de l'appel formé par A______.

Pour nier la notion de valeur patrimoniale confiée, l'appelante retenait principalement les déclarations fluctuantes de E______. Ce faisant, elle passait sous silence ses propres déclarations, celles de B______, ainsi que les pièces à la procédure.

Or, dans le cadre de la procédure civile initiée par C______ INC., A______ avait expliqué que la forme d'un prêt avait été utilisée en raison du fait qu'une société russe ne pouvait pas signer un contrat d'investissement. Le taux d'intérêt de 20% par mois s'expliquait par le fait qu'il s'agissait d'un contrat d'investissement et non d'un crédit.

B______ avait quant à lui précisé que le contrat avait été conclu afin qu'une transaction d'or puisse être effectuée. Une fois cela fait, le contrat aurait dû être immédiatement exécuté. Selon lui, l'argent perçu avait bien servi à l'achat de métaux précieux.

De son côté, E______ avait expliqué que l'objectif du prêt était d'investir dans un projet, le remboursement devant se faire sur le bénéfice que celui-ci aurait généré.

Si les déclarations postérieures des parties n'emportaient pas conviction dans la mesure où elles avaient varié, les premières étaient en revanche corroborées par l'absence de trace dans la comptabilité de F______ SA du montant visé par le contrat. Les pièces bancaires versées à la procédure ne permettaient pas non plus de déterminer l'affectation du montant concerné, et ni A______ ni B______ n'avaient été en mesure d'expliquer ce qu'il était advenu de la somme en question.

Pour le surplus, l'indemnité de l'appelante au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP devait être réduite.

e. Dans ses observations du 24 juillet 2023, l'appelante persiste dans ses explications.

Les déclarations de E______ avaient été fluctuantes, néanmoins, il avait été précis lors de son audition du 12 septembre 2013 au cours de laquelle il avait attesté qu'il n'avait jamais été question d'une opération spécifique sur métaux précieux ni d'une opération commerciale et que le contrat de prêt constituait un véritable prêt.

La notion de valeur patrimoniale confiée ne pouvait être admise par la seule volonté de l'emprunteur. Il appartenait en effet à celui qui avait versé le montant du prêt d'assigner des instructions et non au récipiendaire des fonds. Dans le cas contraire, tout prêt sans affectation deviendrait une valeur patrimoniale confiée par une affectation subséquente spécifique décidée par l'emprunteur du montant prêté, ce qui n'était pas admissible. Lorsque la destination du prêt n'avait pas été précisée par le prêteur, l'emprunteur était donc libre d'utiliser les fonds comme il le souhaitait, à charge pour lui de rembourser la somme prêtée.

Les déclarations de A______ dans le cadre de la procédure civile étaient sans pertinence pour la qualification du montant du prêt en valeur patrimoniale confiée.

Quant aux déclarations de B______, elles étaient sans pertinence et ne liaient pas A______. Il n’en ressortait pas qu'une opération d'or avait été exigée, ni même envisagée, par E______.

Le MP ne disait rien du rôle de G______ SA dans le contrat de prêt, l'acte d'accusation mentionnant à tort que la société C______ INC. avait versé, en exécution du contrat, un montant de USD 300'000.- à la société F______ SA. Le MP ne s'était pas non plus avancé sur une éventuelle obligation, contractuelle ou non, de la société G______ SA de remettre les fonds à F______ SA.

En définitive, si la CPAR ne devait pas exclure l'existence d'une valeur patrimoniale confiée, elle devait retenir, en application du principe "in dubio pro reo", qu'un doute sérieux et irréductible existait quant à savoir si E______ avait transféré l'argent du prêt pour "en faire un usage déterminé", si leur affectation était "clairement prédéfinie" et si la somme prêtée était, à ses yeux, "affectée à un projet précis".

f. Par courrier du 27 juillet 2023, la CPAR a informé les parties de ce que la cause serait gardée à juger dans un délai de dix jours. Elle a toutefois rouvert l’instruction afin d’entendre A______, laquelle a donc comparu à l’audience du 29 novembre 2023.

g. En perspective de cette audience, le conseil de l’appelante a communiqué à la CPAR une copie du courrier adressé par l’avocat de C______ INC. au TF et l’informant ne plus être en charge de la défense de celle-ci. Il a joint à son envoi des pièces à teneur desquelles la société C______ INC. aurait été radiée depuis 2010.

C______ INC. n’a pas participé à la procédure d’appel postérieure au renvoi de la cause par le TF.

h. Lors de l'audience d'appel, A______ a précisé avoir présenté E______ à B______ car le premier voulait investir et gagner de l'argent avec son prêt. Le pourcentage d'intérêts était élevé, ce qui l'avait indignée. Il s'agissait bien d'un crédit et elle ne voyait aucunement à quel projet le plaignant faisait référence. Dans tous les cas, les termes "crédit" ou "investissement" avaient la même signification pour elle et le but du prêt était simplement de générer des intérêts.

i. Par la voix de son conseil, A______ a persisté dans ses conclusions prises en procédure écrite. La seule question à trancher était de savoir si le montant versé à la prévenue constituait une valeur confiée au sens de l'acte d'accusation. Or, les déclarations du plaignant fluctuaient sur ce point. En cas de doute, le principe in dubio pro reo devait s’appliquer.

j. Le MP n’a pas participé aux débats d’appel et n’a pas pris de nouvelles conclusions.

D. A______ est née le ______ 1957 à N______, en Russie, pays dont elle est originaire. Elle est veuve et mère de deux enfants majeurs. Elle est économiste de formation. Elle a été l'administratrice de plusieurs sociétés domiciliées en Suisse, parmi lesquelles figure F______ SA, liquidée après le prononcé de la faillite. D'après ses explications, elle possédait, au moment du jugement de première instance, un domaine agricole d'environ 7000 hectares dans la région de N______. Les recettes annuelles découlant de son exploitation étaient estimées à plus de USD 3.5 à 4 millions. À la suite du décès de son époux, elle a hérité d'une licence d'exploitation pour une mine d'or valant entre USD 7 et 10 millions à la vente. Elle possédait plusieurs biens immobiliers dans la région de Moscou, qu'elle avait peut-être vendus. Après les faits, elle avait travaillé sur un grand projet immobilier avec B______ en Arménie.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, elle n'a aucun antécédent judiciaire en Suisse.

EN DROIT :

1. 1.1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b et 103 IV 73 consid. 1) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 131 III 91 consid. 5.2). Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis, même implicitement, par ce dernier. L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_588/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1 et 6B_534/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.2).

La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2).

1.2. En l'occurrence, le TF a renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision s'agissant de la culpabilité. Ce faisant, la Haute Cour ne s'est prononcée sur aucune question de fond. Partant, l'autorité d'appel est libre de revoir le jugement du 15 décembre 2020 rendu par le TP tant en ce qui concerne la culpabilité que la peine.

2. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). Le tribunal saisi de la cause pénale juge les conclusions civiles indépendamment de leur valeur litigieuse (art. 124 al. 1 CPP). Il statue sur celles-ci lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).

Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 148 IV 170 consid. 3.3.1).

Dès lors que la société intimée a été radiée, n'existe plus et que personne n'a repris la procédure pénale en son nom, la qualité de partie à la procédure doit être niée. Au vu de son absence de qualité de partie, ses conclusions civiles seront déclarées irrecevables. Le présent arrêt ne lui sera pas notifié, faute de toute existence.

La date précise à laquelle cette société a perdu sa qualité de partie n’est toutefois pas déterminée ; lors de la première procédure d’appel elle a encore participé, par le truchement d’un avocat, à l’instruction de la cause. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de nier sa qualité de partie ex tunc, mais uniquement dans le cadre de la procédure d’appel.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

3.2. Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à l'existence de ce fait, une certitude absolue ne pouvant toutefois être exigée (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).

3.3. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1).

3.4. L'appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin – même prévenu dans la même affaire – dont la déclaration va dans un sens qu'à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse ; il peut fonder une condamnation sur une chaîne ou un faisceau d'indices ; en cas de "parole contre parole", il doit déterminer laquelle des versions est la plus crédible, de même qu'en cas de versions successives du prévenu (notamment de rétractation d'aveux), ou de déclarations contradictoires de co-prévenus. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (J.-M. VERNIORY, in Y. JEANNERET / A. KHUN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 34 ad. art. 10 CPP).

4. 4.1.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

4.1.2. Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4 ; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.1 ; 6B_20/2017 du 6 septembre 2017 consid. 5.2 ; 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1).

L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données ; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1, p. 259 ; 121 IV 23 consid. 1c p. 25 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_717/2018 du 10 septembre 2018 consid. 5.1 ; 6B_1383/2016 du 16 mai 2018 consid. 1.1 ; 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1 ; 6B_507/2015 du 25 février 2016 consid. 1).

4.1.3. Selon la jurisprudence, la question de savoir si les prêts sont soumis à une obligation de maintien de la valeur doit être examinée au cas par cas. Dans le cas d'un prêt pour lequel aucune utilisation précise n'a été convenue, l'emprunteur n'est pas tenu de conserver la valeur du bien. Une telle obligation peut toutefois être admise lorsque le prêt a été octroyé dans un but précis et que ce but correspond également aux intérêts du prêteur, par exemple en limitant son risque de perte (cf. ATF 129 IV 257 consid. 2.2.2 ; 124 IV 9 consid. 1d ; 120 IV 117 consid. 2f). L'auteur utilise les valeurs patrimoniales de manière illicite lorsqu'il en fait un usage contraire aux instructions données, c'est-à-dire lorsqu'il passe outre le but d'utilisation fixé (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_150/2017 du 11 janvier 2018 consid. 3.2, non publié in: ATF 144 IV 52 ; 6B_1422/2019 du 28 mai 2021 consid. 4.4.1).

4.1.4. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 118 IV 27 consid. 2a p. 34 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1 ; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1). Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel ; tel est le cas lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF
133 IV 21 consid. 6.1.2 p. 27 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.1 ; 6B_1022/2014 du 9 juillet 2015 consid. 1.2). Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui ne s'est engagé à tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 118 IV 27 consid. 3a p. 29 s.). Le dessein d'enrichissement illégitime fait en revanche défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale, l'auteur en paie la contre-valeur, s'il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de le faire ("Ersatzbereitschaft" ; ATF 118 IV 32 consid. 2a p. 34) ou encore s'il était en droit de compenser (ATF 105 IV 29 consid. 3a p. 34 s.).

4.1.5. Bien que cet élément ne soit pas explicitement énoncé par l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, la disposition exige que le comportement adopté par l'auteur cause un dommage, qui représente en l'occurrence un élément constitutif objectif non écrit (ATF
111 IV 19 consid. 5 p. 23 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_249/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1 in medio ; 6B_224/2017 du 17 novembre 2017 consid. 3.2.1).

4.1.6. Lorsque les valeurs sont confiées à une personne morale et que le devoir de les utiliser de la manière convenue incombe à cette dernière, l'art. 29 let. a CP permet de punir l'organe qui a utilisé les valeurs à d'autres fins (arrêts du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.3 ; 6B_162/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.1 ; 6B_528/2012 du 28 février 2013 consid. 4.3). Selon le Conseil fédéral, la notion d'organe correspond à celle du droit civil (FF 1999 1820). La pratique a considéré la notion pénale comme plus étendue, comprenant toutes les personnes qui ont un pouvoir de décision propre dans le cadre des activités sociales (ATF
100 IV 38, consid. 2c, fr. ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 7 ad. 29).

4.2.1. L'art. 18 al. 1 CO prévoit que, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.2.2).

4.2.2. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante, qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ; si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n'est pas conclu. Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance ; en pareil cas, l'accord est de droit (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 p. 97 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.2.2).

4.2.3. En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.2.2).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.2.2 et les références citées).

4.3. En l'espèce, il est établi, et non contesté par l'appelante, qu'une somme de USD 300'000.- a été versée par le prêteur en faveur de l’emprunteuse, sur le compte bancaire d’une société tierce, dans le cadre d'un contrat signé le 22 mai 2006, et que son remboursement n'a pas été effectué dans les différents délais impartis. À cet égard, il importe finalement peu de savoir si les parties entendaient initialement conclure un contrat d'investissement ou un contrat de prêt, dès lors qu'un abus de confiance est susceptible d'avoir été commis quelle que soit la qualification juridique retenue. La question est en revanche celle de savoir si les fonds versés l'ont été dans un but précis ou, en d'autres termes, si l’emprunteuse devait faire un usage déterminé des fonds versés et, dans l'affirmative, si elle a utilisé les valeurs qui lui avait été confiées conformément aux instructions reçues ou non. Il faut examiner dans ce contexte si l’appelante peut le cas échéant se voir pénalement imputer les actes de l’emprunteuse.

Des valeurs patrimoniales confiées

Le contrat conclu par les parties le 22 mai 2006 ne précisait rien quant à l'utilisation des fonds, de sorte qu'il convient d'examiner les échanges subséquents entre les parties et leurs déclarations en cours de procédure.

Si le prêteur s'est rapidement enquis de l'absence de remboursement des fonds au terme convenu, il s'est également inquiété de l'affectation de la somme versée à l’emprunteuse, sollicitant à plusieurs reprises des explications à ce sujet. L'intimé se préoccupait ainsi tout particulièrement du fait que les fonds avaient pu ne pas faire l'objet de l'investissement sur métaux précieux qui aurait été susceptible de générer les plus-values annoncées lors de la signature du contrat. Face aux demandes (légitimes) du prêteur, l’emprunteuse n'a, à aucun moment, justifié de l'utilisation des fonds versés dans le cadre du contrat du 22 mai 2006. Elle n'a pas non plus démenti l'affectation prêtée aux fonds par le prêteur dans ses différentes communications, se contentant de répondre que l'argent était arrivé sur le compte de la société tierce, propriété de l’appelante, et que celui-ci avait servi pour une "transaction commerciale" avec le prêteur.

Dans le cadre du litige civil, antérieur à la procédure pénale, l'appelante et son associé ont tous deux confirmé que le contrat du 22 mai 2006 avait été conclu dans le but d'effectuer une transaction sur le marché de l'or. C'était également ce qui ressortait de la requête de sursis concordataire du 24 juin 2010 déposée par l’emprunteuse et de son appel du 25 novembre 2010 auprès de la Cour de justice.

Si les déclarations des parties ont ensuite varié dans le cadre de la procédure pénale, notamment quant à l'investissement spécifique concerné et aux motifs pour lesquels le remboursement n'avait pas pu être effectué dans les délais, il ressort néanmoins des déclarations des différents protagonistes que le contrat conclu entre les parties avait pour objectif le financement à court terme d'une opération spécifique sur le marché des métaux précieux. L'intérêt mensuel de 20% convenu entre les parties avait pour but de sécuriser la participation du prêteur aux bénéfices de l'opération, tout en limitant ses risques de perte. En réalité, ce taux d'intérêt particulièrement élevé s'expliquait par le fait que l’emprunteuse s'attendait à pouvoir reverser un bénéfice substantiel au prêteur suite à l'opération prévue dans les 30 jours suivant la conclusion du contrat et ainsi éviter la mise en œuvre de cette clause.

Les déclarations de la prévenue selon laquelle, si l'opération devait échouer, chacun récupérerait son investissement initial et que finalement cette affaire n'avait rien rapporté constituent également des indices sur le fait qu'il existait bien un projet spécifique auquel étaient destinés les USD 300'000.-.

Nonobstant les contradictions apparues entre les différents témoignages récoltés au cours de la procédure pénale, il ressort ainsi des déclarations de l’appelante et de son associé dans le cadre de la procédure civile, ainsi que du très court délai initialement convenu par les parties pour le remboursement, voire du taux d’intérêts inusuel, que celles-ci ont bien conclu le contrat du 22 mai 2006 avec l'objectif d'utiliser les fonds dans un but déterminé, à savoir de procéder à un investissement spécifique sur le marché des métaux précieux. L'appelante n'en avait ainsi pas la libre disposition et ne pouvait se les approprier.

De l'utilisation sans droit des valeurs patrimoniales confiées

Il ressort du dossier de la procédure, soit en particulier de la documentation bancaire fournie par H______, que la somme de USD 300'000.- versée par l’intimée a fait l'objet de nombreux retraits en espèces depuis les comptes bancaires de la société tierce pour lesquels l’appelante seule était au bénéfice d'un pouvoir de signature. C'est ainsi qu'en l'espace de deux mois, soit entre le 29 mai et le 28 juillet 2006, la quasi-totalité des fonds a été vidée des comptes bancaires de cette société sans qu'il ne soit possible de savoir ce qu'il en était advenu.

L'appelante, organe de l’emprunteuse, n'a d'ailleurs jamais allégué que ces retraits auraient été effectués en lien avec l'activité de l’emprunteuse et le contrat litigieux. Elle a même déclaré, en cours de procédure, ne pas savoir ce qu'il était advenu de cet argent. Elle n'a, de ce fait, jamais apporté la preuve que les fonds avaient été utilisés conformément à ce qui avait été convenu entre les parties.

Les excuses mises en avant par l'appelante, son associé et l’emprunteuse pour expliquer le retard dans le remboursement de la somme au préteur ne convainquent par ailleurs pas, celles-ci étant dénuées de toute crédibilité. En effet, ni l'appelante, ni son associé et encore moins l’emprunteuse n'ont été en mesure d'apporter la preuve de l'affectation des fonds versés. Par courrier du 29 mars 2007, l’emprunteuse est même allée jusqu'à prétendre que l'argent se trouvait toujours sur le compte de la société tierce et qu'elle était dans l'attente que la banque "le relâche". En réalité, à cette date, la somme versée par le prêteur avait déjà été vidée des comptes bancaires de la société récipiendaire, dont les comptes bancaires en CHF et en EUR affichaient un solde nul et le compte en USD un solde de 603.75.

Dans ces circonstances, les fonds confiés par le prêteur n'ont pas été utilisés conformément à ce qui avait été convenu entre les parties lors de la conclusion du contrat du 22 mai 2006. Le sort qui leur a été effectivement réservé souffre de demeurer incertain, n’étant pas pertinent pour répondre aux questions posées dans la présente procédure.

L'intimée a dès lors subi un dommage qui se chiffre au montant de son investissement, sous déduction des remboursements partiels effectués par l'appelante.

Par ailleurs, vu sa qualité de directrice de l’emprunteuse et le rôle central qu'elle a joué dans le cadre de la conclusion du contrat, l'appelante possédait un pouvoir de décision propre dans le cadre des activités de la société, de sorte que le comportement reproché ci-dessus doit lui être imputé (art. 29 let. a CP).

Au vu de ce qui précède, l'appelante s'est appropriée les valeurs patrimoniales confiées et les a utilisées illicitement, soit dans un but contraire aux instructions reçues de l'intimée. Sur le plan subjectif, elle a agi intentionnellement poursuivant un dessein d'enrichissement illégitime, n'ayant à tout le moins jamais eu la volonté de restituer la somme à l'intimée. Partant, tant les éléments objectifs que subjectifs de l'infraction d'abus de confiance sont réalisés et le verdict de culpabilité retenu par le premier juge sera confirmé.

5. 5.1. L'abus de confiance est un délit instantané qui, dans la configuration de l'usage sans droit de valeurs patrimoniales confiées, est consommé lorsque l'auteur utilise, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales en s'écartant de la destination fixée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_20/2017, 6B_21/2017 du 6 septembre 2017 consid. 6.2).

Il a été retenu ci-dessus que deux mois après la réception des fonds, soit au 29 juillet 2006, ceux-ci n'étaient plus disponibles (sous réserve d’un solde de USD 2'318.33), ayant fait l'objet de divers retraits en espèces. L'infraction a donc été consommée à cette date au plus tard.

5.2. L'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP est actuellement passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Le droit actuel permettant de sanctionner l'infraction d'abus de confiance d'une peine pécuniaire est plus favorable que le droit en vigueur au moment de la commission des faits qui prévoyait la réclusion pour cinq ans au plus ou l'emprisonnement, il sera donc appliqué (art. 2 al. 2 CP).

Le TF n'ayant pas examiné la question de la peine, la CPAR peut la refixer librement, dans les limites de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), faute d'appel du MP et de la partie plaignante.

5.3. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

5.4.1. À teneur de l'art. 34 al. 1 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

Selon l'art. 34 al. 2 2ème phr. CP, le juge fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital. Le jour amende est en principe de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus.

5.4.2. La peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a lieu, en règle générale, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_714/2015 du 28 septembre 2015 consid. 1.1 et 6B_894/2014 du 25 mars 2015 consid. 2.1).

5.5. Selon l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis le jour de l'infraction jusqu'à celui où les faits sont définitivement constatés et que la prescription de l'action pénale est près d'être acquise. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés (ATF 140 IV 145 consid. 3.1).

5.6. L'abus de confiance se prescrit par 15 ans (art. 97 al. 1 let. b CP, ce que prévoyait au demeurant aussi le droit en vigueur au moment de la commission des faits (art. 70 al. 1 let. b aCP et 389 al. 1 CP). D'après l'art. 98 let. a CP, la prescription court dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable.

5.7. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1). Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 140 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.1).

Aux termes de l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.

5.8. En l'espèce, la faute de l’appelante est sérieuse. Elle s'en est prise au patrimoine d'autrui, un bien juridique important, en abusant de la confiance qui avait été placée en elle.

Elle a agi avec désinvolture, faisant primer ses propres intérêts sur ceux de la partie lésée, s’assurant un enrichissement illégitime important, ce qui relève du mobile égoïste et de l’appât du gain.

La collaboration de l'appelante a été mauvaise tout au long de la procédure. Elle a en effet livré des versions contradictoires lors des différentes auditions auxquelles elle a pris part et a toujours contesté les faits qui lui étaient reprochés, malgré les éléments à charge du dossier. Elle n'a en particulier jamais expliqué ce qu'il était advenu des montants importants qu'elle avait retirés en espèces depuis les comptes bancaires de G______ SA, précisant ne pas savoir comment les USD 300'000.- avaient été dépensés par F______ SA.

Sa prise de conscience est inexistante, l’appelante ayant persisté dans sa version des faits incohérente et tentant même de rejeter à plusieurs reprises la faute sur son associé. Elle n'a en outre rien entrepris pour rembourser l’intimée, ses nombreuses promesses n'ayant jamais été suivies d'effet, à l'exception de remboursements partiels, ce alors-même qu'à la suivre, elle serait, avec feu son époux, à la tête d'une importante fortune.

Sa situation personnelle, particulièrement favorable selon ses propres dires, n'explique en rien ses agissements, bien au contraire.

L’appelante n’a pas d’antécédent, ce qui est un facteur neutre dans la fixation de la peine.

L'infraction ayant été quasi intégralement consommée au plus tard deux mois après la réception des fonds, soit à la fin du mois de juillet 2006, et le délai de prescription de 15 ans ayant commencé à courir dès le lendemain, les deux tiers dudit délai sont déjà largement atteints. L’appelante doit partant être mise d’office au bénéfice de la circonstance atténuante de l’art. 48 let. e CP, laquelle avait déjà été prise en compte dans le cadre du jugement de première instance.

Au regard des éléments qui précèdent, la peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 2'000.- l'unité fixée par le TP ne prête pas le flanc à la critique, étant précisé que l'appelante était libre de fournir des informations actualisées et détaillées quant à sa situation personnelle et financière si celle-ci devait avoir changé, ce qu'elle n'a pas fait.

La peine fixée par le TP sera, partant, confirmée.

Le sursis, acquis à l'appelante, et le délai d'épreuve de trois ans, adéquat, seront également confirmés.

6. Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours et renvoie la cause à l'autorité précédente, en l'occurrence à la juridiction d'appel cantonale, pour nouvelle décision, il appartient à cette dernière de statuer sur les frais sur la base de l'art. 428 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1).

Les frais de la procédure d'appel postérieurs à un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral doivent être laissés à la charge de l'Etat si l'autorité d'appel doit revoir favorablement sa décision à la suite de l'arrêt de renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1). Tel n’est pas le cas en l’espèce. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP). L’émolument de décision ne sera toutefois pas augmenté par rapport à celui de l’AARP/337/2021.

Par identité de motifs, elle n'a le droit à aucune indemnité fondée sur l'art. 429 CPP.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Prend acte de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1443/2021 du 13 février 2023 qui a annulé l'arrêt AARP/337/2021 en ce qu'il portait sur la condamnation de A______ pour abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) et a renvoyé la cause à la Chambre pénale d'appel et de révision pour nouvelle décision.

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1509/2020 rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal de police dans la procédure P/9687/2011.

Le rejette.

Déclare irrecevables les conclusions civiles déposées par C______ INC. et constate que celle-ci n’a plus la qualité de partie à la procédure.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 4'365.-, qui comprennent un émolument de CHF 4'000.-.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

" Déclare A______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 2'000.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la restitution à K______ SA, en liquidation des 2 classeurs rouges (FINMA Antrag et L______ 2010), du classeur bleu (Audit 2011 K______) et du classeur vert (Pièces transmises par M______ à la BFIN) saisis le 23 août 2012 par le Ministère public, ainsi que des 3 classeurs gris saisis le 24 août 2012 par le Ministère public (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

(…)

Condamne A______ à verser à C______ INC. CHF 15'742.50, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'539.50, y compris un émolument de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

(…)

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 1'200.- à l'État de Genève. "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'739.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

130.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

4'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

4'365.00

Total général (première instance + appel) : CHF 8'104.50