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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9687/2011

AARP/337/2021 du 01.11.2021 sur JTDP/1509/2020 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.12.2021, rendu le 22.02.2023, ADMIS, 6B_1443/2021
Descripteurs : ABUS DE CONFIANCE
Normes : CP.138
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9687/2011 AARP/337/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 1er novembre 2021

 

Entre

A______, domiciliée ______, RUSSIE, comparant par Me Romain CANONICA, avocat, CANONICA VALTICOS DE PREUX & ASS, rue Pierre-Fatio 15, case postale 3782,
1211 Genève 3,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1509/2020 rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal de police,

 

et

B______ INC, partie plaignante, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 15 décembre 2020, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 du Code pénal suisse [CP]) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, à CHF 2'000.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve de trois ans). Le TP a rejeté les conclusions en indemnisation de A______, l'a condamnée à verser à B______ INC la somme de CHF 15'742.50, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure mais a débouté la société précitée de ses conclusions civiles. Enfin, le TP a condamné A______ aux frais de la procédure.

a.b. A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, sous suite de frais et indemnités.

a.c. Egalement en temps utile, le Ministère public (MP) forme appel joint à l'encontre du jugement précité, concluant à ce que A______ soit condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 3'000.- l'unité. Le 15 septembre 2021, le MP a retiré son appel joint.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019, il est reproché ce qui suit à A______ : elle a, à Genève, de concert avec D______, au printemps 2006, amené B______ INC, soit pour elle E______, à leur accorder le financement à court terme d'une opération spécifique sur métaux précieux, obtenant de la sorte que B______ INC verse USD 300'000.- en faveur de la société F______ SA, montant qu'ils ont utilisé à d'autres fins et qu'ils n'ont pas été en mesure de représenter à l'échéance convenue, le 15 juillet 2006, puis le 25 août 2006, sous réserve des montants de CHF 55'000.- et USD 60'000.-.

b.b. Poursuivi pour les mêmes faits, D______ a été condamné et reconnu coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) par ordonnance pénale du même jour. Son opposition a été déclarée irrecevable, car tardive.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

"Loan Agreement" entre B______ INCet F______ SA

a.a. Un contrat de "prêt" a été conclu le 22 mai 2006 entre F______ SA, représentée par A______, directrice, ainsi que D______, administrateur, et la société B______ INC, représentée par E______.

Ce contrat portait sur le "prêt" de USD 300'000.- par B______ INC à F______ SA. L'échéance était fixée au 15 juillet 2006. Le remboursement était garanti par A______, D______ et F______ SA. Le taux d'intérêt était fixé à 20%. Un avenant au contrat a été signé le 17 juillet 2006 entre F______ SA et B______ INC, par lequel l'échéance a été prolongée au 25 août 2006.

F______ SA a également souscrit une lettre de change de USD 300'000.- en faveur de B______ INC payable à vue au 25 août 2006.

Le contrat ne prévoyait rien quant à l'utilisation des fonds par F______ SA.

a.b. Le 22 mai 2006 et conformément au contrat précité, B______ INC a versé l'argent sur le compte de la société G______ SA, auprès de [la banque] H______, dont A______ était bénéficiaire économique et signataire.

A______ a expliqué que les fonds avaient été versés sur le compte de G______ SA car F______ SA ne disposait pas encore de compte bancaire.

a.c. F______ SA a ouvert un compte [auprès de] I______ fin 2006.

a.d. À l'exception d'un paiement de USD 60'000.- intervenu le 26 juillet 2006, F______ SA n'a pas payé les sommes dues à l'échéance du contrat malgré ses nombreuses promesses et les demandes répétées de B______ INC.

a.e. Dans un courrier du 6 décembre 2006, F______ SA a indiqué à B______ INC qu'elle n'avait jamais reçu les fonds et a contesté être la débitrice du montant réclamé, ce à quoi B______ INC s'est formellement opposée.

a.f. F______ SA a, dans la suite de ses échanges avec B______ INC et son conseil, reconnu être la débitrice de B______ INC, y compris des intérêts. Elle a fourni toutes sortes d'explications pour justifier le retard dans le paiement des sommes dues (blocage du H______ sur les fonds versés par B______ INC, demandes de clarification par [la banque] I______ pour le transfert des fonds à F______ SA, transfert progressif des fonds à cette dernière, mariage, déplacements à l'étranger). Elle n'a jamais donné suite aux demandes de B______ INC de démontrer ses allégués de blocage, puis de la disponibilité des fonds.

a.g. Une transaction extrajudiciaire a été conclue entre F______ SA "and or its nominee" selon une annotation manuscrite, et B______ INC le 20 avril 2007, qui prolongeait en substance le paiement au 12 mai 2007 avec intérêts réduits à 18 %. Celle-ci n'a pas davantage été suivie d'effet.

a.h. Malgré de nouvelles promesses de paiement de F______ SA, toujours concernant le capital et les intérêts dus, cette fois-ci au moyen des fonds de A______, et de nouvelles explications au sujet d'un séquestre sur ces fonds qui allait prochainement être levé, aucun remboursement supplémentaire n'est intervenu.

a.i. F______ SA n'a pas répondu aux interrogations de B______ INC quant à l'affectation des fonds, se contentant d'indiquer dans un courrier du 29 septembre 2009 : "concernant la traçabilité des avoirs, ce montant est arrivé sur le compte G______ SA, propriété de A______, H______, et cet argent a servi pour une transaction commerciale avec votre cliente. Concernant toute autre allégation nous nous tenons à disposition de la justice pour démontrer le bien-fondé de nos dires ( ). Nous avons l'intention de régler notre dette ( ). Le retard que nous avons subi est indépendant de notre volonté ( )."

F______ SA n'a jamais démontré le bien-fondé de ses dires, en particulier concernant la "transaction commerciale" évoquée.

Faillite de F______ SA

a.j. Le commandement de payer notifié par B______ INC à F______ SA a conduit à sa faillite. Les tentatives de A______ d'éviter ce résultat par de nouvelles promesses de paiement à B______ INC et le transfert à F______ SA, le 25 novembre 2010, d'un kilo de cuprum qui appartenait à une autre de ses sociétés et qui valait, selon elle, USD 1'000'000.- au minimum, ont échoué, le cuprum en question s'étant avéré en réalité de médiocre qualité.

a.k. B______ INC a, selon ses déclarations, reçu CHF 55'000.- le 7 août 2009 et CHF 5'000.- ou 6'000.- suite à la faillite de F______ SA.

Examen de la documentation bancaire

b.a. Les fonds versés par B______ INC sont bien arrivés, le 23 mai 2006, sur le compte en USD de G______ SA auprès du H______ et, nullement bloqués, ceux-ci ont immédiatement fait l'objet de nombreux retraits d'espèces à la succursale Genève-Rhône, de plusieurs transferts internes en direction des comptes en CHF et en EUR de la société précitée ainsi que d'un ordre de paiement de USD 12'000.- effectué par A______ en direction de son compte personnel auprès du même établissement. Tous ces transferts ont eux-mêmes été suivis de retraits d'espèces à la succursale précitée. En deux mois, la totalité de la somme versée par B______ INC a ainsi été épuisée.

b.b. L’examen de la documentation bancaire figurant au dossier ne permet pas de déceler l’existence d’une quelconque "transaction commerciale" en lien avec les fonds versés par B______ INC. Aucun blocage ni aucune demande de clarification au sujet de la somme reçue de cette dernière ne ressort des pièces fournies par les banques, y compris H______ et I______.

Bilan de F______ SA

c. Dans un email du 21 mars 2007, puis dans une lettre du 23 novembre 2010 au conseil de B______ INC, le réviseur de F______ SA a indiqué que les fonds versés par B______ INC n'avaient pas été comptabilisés au bilan de la société.

Déclaration des parties

d.a. Entendu dans le cadre de la procédure, E______ a expliqué que D______ et A______ lui avaient été présentés par un ami comme des personnes d'affaires importantes et fortunées, actives dans le domaine financier. Celles-ci recherchaient un financement d'USD 3'000'000.- dans le cadre de "garanties bancaires avec effet de levier", plus précisément dans le trading de produits dérivés. Les précitées lui avaient indiqué qu'il pouvait investir une somme moindre, soit USD 300'000.-, avec un rendement substantiel. Il avait alors été intéressé mais avait demandé à faire affaire avec une société domiciliée en Suisse plutôt qu'avec une offshore. C'est ainsi que D______ et A______ lui avait présenté la société F______ SA et soumis l'idée d'un contrat de prêt avec cette société et un intérêt à 20%. Il ne comprenait pas grand-chose aux opérations financières mais l'objectif du contrat de prêt était un investissement dans un projet, tel qu'évoqué par D______ et A______, lequel devait lui rapporter des bénéfices, et non pas un prêt à taux fixe. L'intérêt de 20% proposé par F______ SA équivalait à sa participation aux bénéfices d'une opération ponctuelle, sans qu'il n'ait le souvenir que la transaction devait spécifiquement porter sur des métaux précieux. Sur question de son conseil, il a néanmoins confirmé qu'il était aussi question d'investir dans l'or car cela correspondait au but social de F______ SA. Il a ensuite indiqué qu'il s'agissait pour lui d'un véritable prêt et qu'il n'avait jamais été question de participer aux affaires de A______ ou D______.

d.b. D______ a expliqué, dans le cadre de la procédure civile initiée par B______ INC, que le contrat avait été conclu car F______ SA avait besoin de liquidités pour effectuer une transaction d'or de même que pour l'ouverture de lettres de crédit et de garanties bancaires.

Ensuite entendu comme témoin en cours de procédure pénale, il a confirmé que le but du prêt était, selon ce que A______ lui avait dit, de financer une affaire dans le domaine financier devant permettre à F______ SA de réaliser d'importants bénéfices. Il ignorait toutefois de quoi il s'agissait concrètement. A______ avait transféré les fonds arrivés sur le compte de G______ SA sur l'un de ses comptes personnels.

Entendu comme prévenu, il a alors expliqué que le but du contrat était l'acquisition par F______ SA de métaux précieux. Les fonds de B______ INC avaient été remis et investi par F______ SA dans l'achat de cuprum. La société détenait d'ailleurs pour USD 1'000'000.- de ce métal dans son stock. Elle n'avait pas pu rembourser B______ INC à l'échéance convenue car elle n'avait pas pu le revendre à temps et ne disposait plus de liquidités.

d.c.a. À l'audience civile, A______ a expliqué que le prêt avait été conclu dans le but d'établir une collaboration entre B______ INC et F______ SA. Comme une société russe (ndlr: B______ INC) ne pouvait pas investir dans F______ SA, le contrat avait été établi sous la forme d'un prêt. Les négociations relatives à l'achat d'or avaient toutefois échoué et seul le montant de USD 60'000.- avait pu être restitué.

Entendue comme personne appelée à donner des renseignements puis comme prévenue dans la présente procédure, elle a expliqué ne pas se souvenir exactement pour quelle raison F______ SA avait besoin de ce prêt, si ce n'était qu'à l'époque, la société traitait d'affaires en Afrique et que, selon ce que D______ lui avait expliqué, celle-ci s'attendait à réaliser d'importants bénéfices. E______, qui souhaitait entrer en partenariat avec eux mais ne voulait risquer de perdre son investissement, avait demandé à signer un contrat de prêt en garantie. Dans son esprit, si l'opération africaine devait échouer, chacun récupérait son investissement initial. Cette affaire n'avait finalement rien donné et elle avait elle-même perdu plusieurs millions. Elle a ensuite indiqué que le contrat était un simple prêt, et non un investissement, par ailleurs nullement lié à l'acquisition de métaux précieux.

Lorsqu'il avait fallu résoudre le problème du remboursement à B______ INC, F______ SA n'avait pas de fonds. Elle ne savait toutefois pas ce qui était alors advenu de l'argent versé par B______ INC. Elle ne l'avait pas utilisé et il avait en tout état été retransféré à F______ SA, comme en témoignait le bilan de la société pour l'année 2006, qu'elle produirait par le biais de ses avocats. Alors que des discussions étaient en cours avec B______ INC autour du règlement de la dette, elle avait personnellement recrédité le compte de F______ SA auprès de la banque O______ d'un montant de CHF 200'000.- en 2010 environ ou, selon ses déclarations ultérieures, de CHF 300'000.-, en 2008, mais D______ l'avait informée qu'aucun accord n'avait été trouvé, eux-mêmes ayant proposé de rembourser la somme de CHF 180'000 – 200'000.- pour solde de tout compte, et E______ exigeant le remboursement des intérêts en sus. F______ SA avait alors vraisemblablement payé d'autres dettes avec le montant de CHF 300'000.- précité. Elle ne s'était pas occupée de cela.

d.c.b. À l'appui de ses dires, A______ a produit, le 9 mars 2020, un avis bancaire et un extrait de compte portant sur un transfert effectué le 5 mars 2008, d'un montant de CHF 300'000.- de son compte personnel auprès de la banque O______ en direction du compte de F______ SA auprès du même établissement.

Ces pièces démontraient, selon elle, que"les fonds reçus à l'origine sur son compte [avaient] été retransférés sur le compte de F______ SA".

d.c.c. Il ressort de la documentation fournie par la banque O______ que le versement susmentionné de CHF 300'000.- à F______ SA, lequel a au demeurant été directement retransféré vers un destinataire tiers, n'était nullement lié à un éventuel remboursement à B______ INC mais concernait une affaire de cautionnement avec D______ et l'épouse de ce dernier, envers qui A______ avait une dette.

d.c.d A______ n'a pas produit le bilan 2006 de F______ SA, démontrant la supposée comptabilisation dans les livres de cette dernière des fonds de B______ INC.

Faits similaires dénoncés par des tiers

e. Des faits similaires qui se seraient notamment produits entre 2005 et 2007 ont parallèlement été dénoncés à l'encontre de A______ et/ou D______, lesquels avaient, selon les plaintes déposées, fait référence à l'émission de lettres de crédit et de garanties avec levier afin d'obtenir des plaignantes en cause, le versement de montants, notamment en faveur de F______ SA, qui n'avaient pas été remboursés à l'échéance prévue. Ces personnes ayant en définitive, de nombreuses années plus tard, été remboursées ou en tous les cas accepté un remboursement pour solde de tout compte, et pour l'une des lésées, en l'absence de lien avec la Suisse, les poursuites ont été abandonnées.

C. a. Par courrier des 7 avril et 25 mai 2021, A______ a refusé que la CPAR instruise la cause par la voie écrite.

Les débats d'appel ont alors été fixés au 4 octobre 2021.

Le 1er octobre 2021, A______ a, sous la plume de son conseil, et sans requérir une dispense de comparaître, informé la CPAR qu'elle ne serait pas présente à l'audience, au vu de sa dispense lors des débats de première instance et du fait qu'une procédure écrite était initialement envisagée par la Cour.

Le jour de l'audience, le 4 octobre 2021, elle a produit un certificat médical par l'intermédiaire de son conseil afin de justifier son absence.

b. À l'ouverture des débats d'appel, le Conseil de A______ a conclu à ce que l'absence de sa mandante ne soit pas considéré comme un retrait d'appel et à ce qu'il soit autorisé à la représenter et à faire valoir les arguments tant juridiques que factuels de celle-ci.

Ouï ce dernier, la Cour a décidé d'entrer en matière sur l'appel malgré l'absence de l'intéressée, pour les motifs développés ci-après (cf. infra consid. 2.1.1 à 2.1.3).

c. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Le jugement était faux juridiquement mais aussi dans les faits. Le contrat litigieux portait sur un prêt, et non un investissement, et ne prévoyait rien quant à l'affectation des fonds par l'emprunteuse, ni quant à une quelconque obligation de conserver la valeur. F______ SA pouvait ainsi librement utiliser le montant du prêt tant qu'elle remboursait à la date et avec les intérêts convenus, d'où la mise en place de garanties personnelles par A______ et D______. B______ INC avait d'ailleurs versé la somme contractuelle à la société G______ SA, nullement partie au contrat. Il lui importait ainsi peu de savoir à qui allait l'argent ou comment il était utilisé. Dans la correspondance figurant au dossier, B______ INC ne s'inquiétait nullement de l'affectation des fonds mais uniquement de la date à laquelle elle allait être remboursée. Il en allait de même de la convention d'accord du 20 avril 2007, signée une année après le contrat litigieux et plusieurs mois après l'échéance de remboursement. Sur celle-ci figurait d'ailleurs une annotation manuscrite du conseil de B______ INC précisant que le remboursement devait être effectuée par F______ SA "or its nominee", ce qui démontrait qu'il importait peu à la plaignante de savoir qui allait la rembourser. E______ avait d'ailleurs varié dans ses déclarations à propos de l'affectation prétendue des fonds, parlant tantôt d'investissement dans des produits dérivés avec effet de levier, ce qui ne voulait d'ailleurs rien dire, tantôt de transaction sur l'or. Il avait ensuite indiqué qu'il s'agissait pour lui d'un véritable prêt et qu'il n'était pas question de participer aux affaires de D______ ou A______. Il n'avait jamais entendu parler d'affaires en Afrique. L'acte d'accusation mentionnait quant à lui une transaction spécifique sur métaux précieux. En dix ans de procédure on ne savait ainsi toujours pas à quelle opération devaient soi-disant être affectés les fonds, et pour cause, aucune destination particulière n'avait été prévue et aucune instruction n'avait été donnée en ce sens.

A______ avait par ailleurs, le 5 mars 2008, transféré à F______ SA, un montant de CHF 300'000.-, correspondant exactement au montant de USD 300'000.- prêtés, au vu de la parité d'alors. Il n'était pas compréhensible que le TP reprochât à A______ d'avoir versé ce montant à F______ SA, soit la débitrice, et non directement à B______ INC. Une convention était en cours de discussion et elle n'était pas en charge des négociations si bien qu'elle ne pouvait pas verser ce montant directement à B______ INC.

Le TP n'avait en outre pas pris en compte l'achat de poudre de cuprum dont D______ avait pourtant parlé depuis le début de la procédure. Cette poudre n'avait finalement pas été considérée comme un métal précieux au vu de son taux de pureté médiocre. Il s'agissait d'un mauvais investissement mais aucunement d'une infraction pénale.

Enfin, le montant du jour-amende fixé à CHF 2'000.- par le TP était excessif. Sa situation personnelle et financière n'avait jamais été examinée. Il ne fallait pas confondre la maxime d'accusation avec le fardeau de la preuve.

D. A______ est née le ______ 1957 à J______ [Russie], en Russie, pays dont elle est originaire. Elle est mariée et mère de deux enfants majeurs. Elle est économiste de formation. Elle a été l'administratrice de plusieurs sociétés domiciliées en Suisse, parmi lesquelles figure F______ SA, liquidée après le prononcé de la faillite. D'après ses explications, elle possédait, au moment du jugement de première instance, un domaine agricole d'environ 7000 hectares dans la région de J______. Les recettes annuelles découlant de son exploitation étaient estimées à plus de USD 5 millions. Elle possédait plusieurs biens immobiliers dans la région de K______ [Russie], qu'elle avait peut-être vendus. Après les faits, elle avait travaillé sur un grand projet immobilier avec D______ en Arménie.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, elle n'a aucun antécédent judiciaire en Suisse.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L’art. 407 al. 1 let. a CPP dispose que l'appel est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré fait défaut aux débats d'appel sans excuse valable et ne se fait pas représenter. En principe, le prévenu appelant doit comparaître personnellement aux débats mais ne sera considéré comme défaillant que s’il a été cité à comparaître régulièrement et qu'il ne se présente pas à l'audience sans excuse valable. Le prévenu appelant peut toutefois demander à être dispensé de participer au débat dans les cas simples (art. 405 al. 2 CPP). S'il ne demande pas une telle dispense et qu'il ne se présente pas aux débats sans excuse valable, il sera considéré défaillant. Il en ira de même s'il ne se présente pas malgré le rejet d'une demande de dispense. En toute hypothèse, il ne sera toutefois considéré défaillant que s'il ne se fait pas représenter par son défenseur (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3, 4 et 6 ad art. 407).

2.1.2. Le code de procédure pénale n’explicite, ni à l’art. 407 al. 1 let. a ni à l'art. 336 al. 4 CPP s'agissant des débats de première instance, ni encore à l’art. 368 relatif à la demande de nouveau jugement en cas de défaut lors des débats de première instance, la notion d’ "excuse valable". Selon la jurisprudence relative au défaut en première instance antérieure à l'entrée en vigueur du code, la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme ne s’opposent pas à ce que le défaut soit considéré non excusable lorsque le prévenu refuse de participer aux débats ou lorsqu'il se place fautivement dans l'incapacité de le faire (ATF 129 II 56 consid. 6.2 p. 59 s. et les arrêts cités; arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, par. 58; Poitrimol c. France du 23 novembre 1993, Série A, vol. 277A, par. 35 ; arrêt du Tribunal fédéral du 1er mai 2006 en la cause 1P.829/2005 consid. 2.2, publié dans la SJ 2006 I 450). La Cour européenne reconnaît en outre que, devant les juridictions supérieures, la comparution de l'accusé ne revêt pas nécessairement la même importance qu'en première instance (cf. arrêt de la CourEDH KAMASINSKI c. Autriche du 19 décembre 1989, série A vol. 168 § 1060 ; arrêt du Tribunal fédéral du 19 juillet 2011 en la cause 6B_268/2011, consid. 1.1).

2.1.3. Il découle de ce qui précède que la présence de l’appelant aux débats d’appel est obligatoire. Le fait de solliciter expressément la tenue de débats d’appel, et de s’opposer ainsi à une procédure écrite, ne peut se justifier que par la volonté de s’exprimer devant l’autorité d’appel, étant rappelé que le droit à des débats d’appel est un droit du prévenu qui souhaite s’exprimer oralement. L’objectif de l’audience est ainsi essentiellement l’administration de preuves et l’audition des parties, et non l’exposé oral de leur conseil juridique.

Or la teneur des pièces transmises à la dernière minute par le conseil de l’appelante laisse penser que celle-ci n’a pas réellement eu l’intention de se présenter, ce qui pose la question du caractère excusable de l'absence de l'appelante, malgré la remise d'un certificat médical produit le jour de l'audience. Etant toutefois représentée par son conseil, celle-ci ne sera pas considérée comme défaillante, et il sera entré en matière sur l'appel, étant précisé qu'au vu des circonstances susdécrites, la Cour considère que l'appelante a ainsi renoncé à s’exprimer, notamment sur les pièces recueillies par le MP depuis sa dernière audition et sur l’éventuelle évolution de sa situation personnelle.

2.2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Le principe est violé si le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.1).

2.2.2. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

2.2.3. Sur le plan objectif, l’infraction à l’art. 138 ch. 1 al. 2 CP suppose que l’on soit en présence d’une valeur confiée, ce qui signifie que l’auteur en ait la possession en vertu d’un accord ou d’un autre rapport juridique qui implique qu’il n’en a pas la libre disposition et ne peut se l’approprier. C’est le rapport de confiance, en vertu duquel l’auteur reçoit la valeur pour en faire un certain usage dans l’intérêt d’autrui, soit la conserver, la gérer ou la remettre, selon un accord exprès ou tacite (ATF
133 IV 21, consid. 6.2 ; ATF 120 IV 276 consid. 2), qui fait apparaître qu’elle appartient économiquement à autrui, en ce sens que l’auteur n’en a pas la libre disposition (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., Berne 2010, vol. I., n. 19 ad art. 138 CP).

Pour que l'on puisse parler d'une somme confiée, il faut que l'auteur agisse comme auxiliaire du paiement ou de l'encaissement, en tant que représentant direct ou indirect, notamment comme employé d'une entreprise, organe d'une personne morale ou fiduciaire, et non qu'il reçoive l'argent pour lui-même, en contrepartie d'une prestation qu'il a fournie pour son propre compte même s’il doit ensuite verser une somme équivalente sur la base d’un rapport juridique distinct. (ATF 133 IV 21 consid. 7.2 p. 30 s, arrêt du Tribunal fédéral 6B_312/2009 du 17 juillet 2009).

2.2.4. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. Est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 ; 121 IV 23 consid. 1c p. 25 ; 119 IV 127 consid. 2 p. 128).

2.2.5. Bien que cet élément ne soit pas explicitement énoncé à l'art. 138 CP, la disposition exige que le comportement adopté par l'auteur cause un dommage, qui représente en l'occurrence un élément constitutif objectif non écrit (ATF 111 IV 19 consid. 5 p. 23 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.1).

2.2.6. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui ne s'est engagé à tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 118 IV 27 consid. 3a p. 29 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 2.2). Le dessein d'enrichissement illégitime fait notamment défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale, l'auteur en paie la contre-valeur (ATF 107 V 166 consid. 2a p. 167), s'il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de la faire ("Ersatzbereitschaft"; ATF 118 IV 32 consid. 1a p. 34). Un dessein d'enrichissement illégitime temporaire suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2017 du 2 février 2018 consid. 4.3.1.)

Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel ; tel est le cas lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF
105 IV 29 consid. 3a p. 34).

2.3.1. En l'espèce, il est établi que les fonds versés par B______ INC sur le compte de la société G______ SA appartenant à l'appelante étaient contractuellement destinés à F______ SA. L'appelante a d'ailleurs précisé que les fonds avaient été versés sur ce compte car F______ SA ne disposait pas encore de compte bancaire mais avait besoin d'un prêt ou d'un investissement, dans le cadre d'affaires qu'elle menait et desquelles elle espérait d'importants bénéfices. L'idée de ce contrat était selon elle de créer une collaboration entre B______ INC et F______ SA.

F______ SA a par ailleurs formellement reconnu être la co-contractante et la débitrice de B______ INC, ce qui ressort des diverses promesses de règlement de cette affaire et des nombreuses explications fournies à la partie plaignante pour justifier le retard dans le paiement des sommes dues, notamment le fait que, n'ayant pas reçu les fonds, en raison de prétendus blocages bancaires sur le compte de G______ SA, F______ SA ne pouvait pas procéder au remboursement. Cette dernière a encore indiqué à la partie plaignante que l'argent versé par B______ INC avait été utilisé pour une "transaction commerciale " avec elle et que le retard dans le remboursement était indépendant de sa volonté, tout en répétant qu'elle n'avait pas l'intention de se dérober à ses obligations.

Il résulte en outre de la procédure qu'il était important pour la partie plaignante de s'engager avec F______ SA, une société domiciliée en Suisse, cela représentant à ses yeux une garantie de se voir rembourser. Le fait qu'elle eut ensuite précisé, F______ SA ne s'exécutant pas, que le remboursement pouvait également provenir des fonds personnels de A______, laquelle s'était au demeurant personnellement porté garante, n'y change rien.

Il découle de ce qui précède que dans l'esprit des deux parties, le contrat, qu'il soit qualifié de prêt ou d'investissement, a manifestement conclu dans un but "commercial" entre deux sociétés, et l'appelante ne recevait nullement l'argent pour elle-même mais devait le remettre à F______ SA, ou en tous les cas en faire usage dans l'intérêt des parties, permettant en définitive à F______ SA de payer les sommes convenues à B______ INC à la date fixée. L'appelante était ainsi auxiliaire de l'encaissement des fonds et n'en avait personnellement pas la libre disposition, ni ne pouvait se les approprier. Elle ne le plaide d'ailleurs pas.

Les valeurs patrimoniales de la partie plaignante ont donc bien été confiées, au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, à l'appelante. Il importe ainsi peu de savoir si l'emprunteuse, soit F______ SA, avait elle-même reçu des instructions lui imposant d'affecter les fonds à une opération spécifique ou si elle pouvait en disposer librement. L'appelante ne s'est d'ailleurs pas trompée sur les reproches qui lui sont formulés par l'accusation puisqu'elle plaide, depuis le début de la procédure pénale, avoir bien recrédité les fonds originalement versés par B______ INC à F______ SA et avoir comptabilisé cette somme dans les livres de la société précitée (cf. art. 325 CPP ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

2.3.2. Il ne ressort toutefois nullement du dossier que les fonds originalement reçus ont été transférés à F______ SA. Au contraire, la documentation bancaire figurant au dossier montre que la somme contractuelle reçue par l'appelante sur le compte de sa société G______ SA le 23 mai 2006, nullement bloquée, a immédiatement fait l'objet de retraits cash et qu'en deux mois, la totalité de celle-ci a été épuisée.

Or l'appelante n'a jamais allégué que ces retraits auraient été effectués en lien avec l'activité de F______ SA et le contrat litigieux. Elle les a au contraire cachés à la partie plaignante, qui s'inquiétait non seulement de la date à laquelle elle allait être remboursée mais également de la disponibilité des fonds pour F______ SA et de leur affectation, et lui a fourni toutes sortes d'explications fantaisistes pour justifier le non-remboursement des sommes dues. L'appelante n'a pas davantage fait état de ces retraits en cours de procédure pénale, se contentant d'expliquer ne pas savoir ce qu’il était advenu de l'argent versé par B______ INC, soutenant que c’était D______ qui s’était occupé de cette affaire. Il ne ressort d’ailleurs nullement du dossier que F______ SA aurait acheté du cuprum avec les fonds versés par la partie plaignante. La poudre en question appartenait en réalité à une autre société de l'appelante et n’a été transférée à F______ SA qu'en 2010, dans le but d'éviter sa mise en faillite.

Les fonds de B______ INC n'ayant au demeurant, contrairement à ce que soutient l’appelante, jamais été comptabilisés au bilan de F______ SA, il est manifeste qu’elle a utilisé l’argent à des fins étrangères aux intérêts des parties au contrat.

2.3.3. Au vu de ce qui précède, l’appelante n’est tout simplement pas crédible lorsqu’elle prétend avoir retransféré à F______ SA, le 5 mars 2008, les fonds originalement reçus de la partie plaignante. Même si ce virement avait constitué un remboursement des montants retirés indûment, ce que l'appelante ne soutient pas, il ne serait de toute façon pas de nature à réhabiliter la licéité des retraits opérés. Le fait que des négociations sur la question des intérêts étaient supposément en cours en 2008 ne change rien à ce qui précède. Tout éventuel litige sur ce point n’autorisait nullement l’appelante à utiliser la somme confiée, aussitôt après sa réception, à des fins étrangères au contrat, étant relevé que F______ SA n'a remis en cause le principe des intérêts que bien après l'échéance contractuelle. En tout état, il ressort du dossier que le transfert invoqué n'était nullement en lien avec les sommes dues à B______ INC mais concernait une autre dette de l’appelante. Ce crédit a d'ailleurs été immédiatement et totalement débité du compte de F______ SA en direction d'un destinataire tiers, et n'a, pour cause, pas été comptabilisé dans ses livres.

2.3.4. Partant, l'appelante a bien employé illicitement la somme qui lui a été confiée, et qui devait être remise ou affectée d'une manière ou d'une autre à F______ SA dans l'intérêt des parties au contrat.

2.3.5. Ses explications contradictoires et inconsistantes au sujet du contexte dans lequel est intervenu le contrat et l'activité que menait alors supposément F______ SA, soit des négociations sur de l'or, des investissements dans des affaires africaines ou encore une "transaction commerciale", combinées à celles différentes et tout aussi confuses de D______ sur les besoins de liquidités de F______ SA pour l'acquisition d'or ou de cuprum, mais aussi pour l'obtention de lettres de crédit et de garanties bancaires, alimentent le soupçon que de telles affaires, censées rapporter d'importants bénéfices, quelles qu'elles fussent et quelle que fût la manière dont elles ont été présentées à B______ INC, n'existaient que dans l’imagination des protagonistes. Elles n'étaient qu'un subterfuge pour obtenir de la partie plaignante le versement de la somme litigieuse. L'appelante n'a ainsi jamais eu la volonté de remettre cette somme à F______ SA, ni de l'affecter d'une manière ou d'une autre à son activité, si tant est qu’il y en ait eu une. Le fait que d'autres personnes ont dénoncé avoir versé des montants à l'appelante dans des conditions similaires et dans le même espoir, déchu, de se voir rembourser avec d'importants bénéfices, impliquant au demeurant également la société F______ SA, plaide également en ce sens.

2.3.6. S’il ne peut être exclu que l'appelante a eu à tout moment la capacité de représenter la somme, eu égard notamment à sa fortune alléguée, il résulte de ce qui précède qu’elle n’avait aucunement la volonté de le faire. L'appelante a donc bien agi, avec conscience et volonté, dans un dessein d’enrichissement illégitime, fût-il temporaire, disposant des fonds versés par B______ INC en faveur de F______ SA, comme si elle en était l’ayant droit, dans son propre intérêt.

2.3.7. La partie plaignante pour sa part a subi un préjudice d’un montant équivalent à la somme détournée.

2.3.8. Le verdict de culpabilité du chef d'abus de confiance prononcé par le TP sera confirmé.

3. 3.1.1. L'abus de confiance est un délit instantané qui, dans la configuration de l'usage sans droit de valeurs patrimoniales confiées, est consommé lorsque l'auteur utilise, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales en s'écartant de la destination fixée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_20/2017 du 6 septembre 2017 consid. 6.2).

Il a été retenu ci-dessus que deux mois après la réception des fonds en juillet 2006, ceux-ci n'étaient plus disponibles. Aussi, au plus tard à cette date, l’infraction était consommée.

3.1.2. Le Code pénal actuel, permettant de sanctionner l'infraction d'abus de confiance d'une peine pécuniaire, est plus favorable que le droit en vigueur au moment de la commission des faits. Il sera appliqué.

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2).

3.2.2. Selon l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis le jour de l'infraction jusqu'à celui où les faits sont définitivement constatés et que la prescription de l'action pénale est près d'être acquise. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge doit se référer à la date à laquelle les faits ont été souverainement établis, et non au jugement de première instance. Ainsi, lorsque le condamné a fait appel, il faut prendre en considération le moment où le jugement de seconde instance a été rendu dès lors que ce recours a un effet dévolutif (ATF 140 IV 145 consid. 3.1 p.).

3.3. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est fixée en jours-amende dont le tribunal fixe le nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation lui permettant de procéder à une estimation du montant du jour-amende en fonction des informations dont il dispose (arrêts du Tribunal fédéral 6B_133/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1 ; 6B_568/2012 du 16 novembre 2012 consid. 2.1).

3.4. L’abus de confiance se prescrit par 15 ans (art. 97 al. 1 let. b CP, ce que prévoyait au demeurant aussi le droit en vigueur au moment de la commission des faits (art. 70 al. 1 let. b aCP).

D'après l'art. 98 let. a CP, le point de départ de la prescription est le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (ATF 134 IV 297 consid. 4.2 p. 300 et les références citées).

3.5. En l'espèce, la faute de l’appelante est sérieuse. Elle a abusé de la confiance placée en elle et s’en est ainsi prise au patrimoine d’autrui, un bien juridique important.

Elle a agi avec désinvolture, faisant primer ses intérêts sur ceux de la partie plaignante, s’assurant un enrichissement illégitime, ce qui relève du mobile égoïste de l’appât du gain.

L’appelante, absente à de nombreuses audiences malgré des mandats de comparution valablement notifiés, a livré une version des faits tout à fait inconsistante au long de la procédure et en contradiction manifeste avec les éléments du dossier, ce qui n’a d’ailleurs fait que renforcer les soupçons de sa culpabilité. Sa collaboration doit donc être qualifiée de très mauvaise.

La prise de conscience est quant à elle inexistante, l’appelante ayant persisté dans sa version des faits incohérente et tentant même de rejeter la faute sur son associé D______. Elle n'a rien entrepris pour rembourser l’intimée, l'ensemble de ses nombreuses promesses n'ayant jamais été suivi d'effet, à l'exception des remboursements très partiels susmentionnés.

Sa situation personnelle, selon ses propres dires, favorable, n'explique en rien ses agissements.

L’appelante n’a pas d’antécédent, ce qui est un facteur neutre dans la fixation de la peine.

Il a été retenu ci-dessus que l'infraction a été consommée au plus tard deux mois après la réception des fonds. Aussi, le délai de prescription de 15 ans a commencé de courir le lendemain de sorte que les deux tiers dudit délai sont largement atteints. L’appelante doit partant être mise d’office au bénéfice de la circonstance atténuante de l’art. 48 let. e CP.

Au regard des éléments qui précèdent, la peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 2'000.- l'unité fixée par le TP ne prête pas le flanc à la critique, étant précisé que l'appelante était libre de fournir plus d'informations quant à sa situation personnelle et financière que ceux, imprécis, à la disposition du premier juge tels que mentionnés plus haut, ce qu'elle n'a pas fait. Elle ne saurait ainsi être avantagée de ce fait au détriment du prévenu qui fournit tous les éléments utiles pour la fixation dudit montant. La peine fixée par le TP sera confirmée.

Le sursis, et le délai d'épreuve de trois ans, acquis à l’appelante (art. 391 al. 2 CPP) et adéquats, seront également confirmés.

4. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

Par identité des motifs, elle n'a le droit à aucune indemnité fondée sur l'art. 429 CPP.

5. 5.1. La mise à sa charge des frais de procédure de première instance sera confirmée (art. 426 CPP).

5.2.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).

La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP notamment lorsque le prévenu est condamné.

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3.). La Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude (arrêt de la Cour de justice AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).

5.2.2. En application des principes susmentionnés, le premier juge a condamné la prévenue à payer CHF 15'742.50 à la partie plaignante, ce qui sera confirmé en appel.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Prend acte du retrait de l'appel joint du Ministère public.

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1509/2020 rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal de police dans la procédure P/9687/2011.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 4'265.-, qui comprennent un émolument de CHF 4'000.-.

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 2'000.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la restitution à L______, en liquidation des 2 classeurs rouges (FINMA Antrag et M______ 2010), du classeur bleu (Audit 2011 L______) et du classeur vert (Pièces transmises par N______ à la BFIN) saisis le 23 août 2012 par le Ministère public, ainsi que des 3 classeurs gris saisis le 24 août 2012 par le Ministère public (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Déboute B______ INC de ses conclusions civiles (art. 41 et 84 CO).

Condamne A______ à verser à B______ INC CHF 15'742.50, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'539.50, y compris un émolument de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

[ ]

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 1'200.- à l'Etat de Genève."


Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Myriam BELKIRIA

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'739.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

30.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

4'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

4'265.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

8'004.50