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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7257/2018

AARP/5/2024 du 12.12.2023 sur JTCO/11/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : DOL ÉVENTUEL;MEURTRE;HOMICIDE PAR NÉGLIGENCE;EXPOSITION À UN DANGER;INTERDICTION D'EXERCER UNE PROFESSION;LÉSION CORPORELLE GRAVE
Normes : CP.12.al2; CP.111; CP.117; CP.122; CP.127; CP.67.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7257/2018 AARP/5/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 12 décembre 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

A______ et B______, parties plaignantes, comparant par Me Julien MARQUIS, avocat, MING HALPÉRIN BURGER INAUDI, AVOCATS, avenue Léon-Gaud 5, case postale, 1211 Genève 12,

appelants,

 

contre le jugement JTCO/11/2023 rendu le 26 janvier 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

C______, domiciliée ______, France, comparant par Me D______, avocat,

intimée.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) ainsi que A______ et B______ appellent du jugement JTCO/11/2023 du 26 janvier 2023, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a reconnu C______ coupable d'homicide par négligence (art. 117 du Code pénal [CP]) et d'exposition (art. 127 CP), l'a condamnée à une peine privative de liberté de trois ans, dont un an ferme et deux ans avec sursis pendant quatre ans, et l'a expulsée de Suisse pour une durée de cinq ans. Le TCO l'a en outre condamnée à payer CHF 50'000.- à A______ et une somme identique à B______ à titre de tort moral, ainsi que CHF 11'720.80 à titre de dommages-intérêts. Enfin, il l'a condamnée au versement à A______ et B______ de CHF 50'755.95 pour leurs frais en lien avec la procédure préliminaire et de première instance et au paiement de 80% des frais de procédure s'élevant à CHF 41'654.85, soit CHF 33'323.88, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.-.

b. Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à la condamnation de C______ du chef de meurtre, à sa condamnation à une peine privative de liberté de six ans et au prononcé d'une interdiction de dix ans de toute activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

A______ et B______ entreprennent partiellement ce jugement, concluant à la condamnation de C______ du chef de meurtre pour le complexe de faits visé par le par. 2 du dispositif du jugement querellé.

C______ conclut au rejet de l'appel et au maintien du jugement attaqué.

c. Selon l'acte d'accusation du 28 septembre 2022, il est reproché ce qui suit à C______ :

Entre le mois de janvier 2018 et le 12 avril 2018 à Genève, elle a secoué violemment E______ d'avant en arrière, lui causant des lésions traumatiques cérébrales. Le 9 janvier 2018, elle lui a en particulier causé un hématome sous-dural bilatéral, un hématome en forme de monocle à l'œil gauche ainsi qu'une ecchymose au nez.

Le 12 avril 2018, E______ a fait un malaise alors qu'il était enveloppé dans un linge par C______ à la sortie de la baignoire. Celle-ci l'a alors violemment secoué d'avant en arrière à plusieurs reprises bien que sa tête ne fût plus tenue. L'enfant a en conséquence subi des lésions cérébrales de type "syndrome du bébé secoué" (SBS), ce qui a entraîné son décès le ______ avril 2018 aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).


 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. C______, née le ______ 1983, est une citoyenne française. Elle vit à F______ [France]. Elle est mère de deux enfants nés en 2009 et 2015, dont le père est son époux, G______.

a.b. Ayant obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (C.A.P.) d'accompagnante éducative petite enfance, elle a travaillé environ trois ans à F______ dans une crèche où elle s'occupait des bébés. Elle a ensuite travaillé pendant deux ans dans une crèche à H______ à Genève. Puis, elle a pris un emploi en France, dans un foyer pour enfants placés judiciairement, suivi d'un poste d'aide à domicile pour personnes âgées et handicapées. Après avoir pris un congé parental suite à la naissance de son second enfant, elle a débuté une activité en tant que nurse, puis d'assistante maternelle en janvier 2017.

b.a. Entendu par le TCO, son époux a déclaré qu'il était en couple avec C______ depuis 21 ans et qu'il ne l'avait jamais vue lever la main sur leurs enfants. Elle ne s'énervait pas facilement.

b.b. Selon I______, directrice de la crèche de F______, l'équipe avait été très satisfaite du travail de C______. Celle-ci était professionnelle, rigoureuse et douce avec les enfants. Elle avait eu complètement confiance en elle.

b.c. J______, amie de C______, a déclaré que celle-ci avait gardé sa fille et qu'elle lui faisait totalement confiance. Quand son amie était fâchée, elle râlait mais elle ne l'avait jamais vue faire un geste inapproprié envers un enfant, en particulier user d'une sanction physique. À l'époque des faits, tout allait bien pour C______.

b.d. Selon leur déclaration écrite au TCO, K______ et L______, voisins les plus proches de la famille [de] C______, n'avaient jamais entendu la prévenue crier sur ses enfants.

b.e. Plusieurs connaissances et amis de C______, soit notamment M______, N______, O______, P______, Q______, R______ et S______ ont rapporté par écrit qu'ils avaient confié leurs enfants à C______ et qu'ils avaient eu pleine confiance en elle.

c. E______ est né le ______ juin 2017. Il était le premier enfant de A______ et B______ et résidait avec ses parents au chemin 1______ no. ______ à T______ [GE]. Il s'agissait d'un bébé au caractère calme et d'humeur joviale. Il avait des difficultés à dormir sans interruption pendant la nuit mais sa santé générale était bonne.

d. Ses parents ont engagé C______ par contrat du 23 novembre 2017 en tant que nounou à raison de 19 heures hebdomadaires, réparties en principe sur deux jours. Elle a débuté son travail le 5 décembre de la même année. Elle s'est tout de suite bien entendue avec ses employeurs et avec E______.

e. Le 9 janvier 2018 aux alentours de 12h15, les parents de B______, qui résident au chemin 1______ no. ______, ont vu arriver C______ en pleurs tenant E______ dans ses bras. La nounou leur avait expliqué qu'elle avait trébuché dans l'escalier alors qu'elle tenait l'enfant dans ses bras et que celui-ci s'était cogné la tête sur la rambarde. Informés de l'évènement peu avant 14h30 par leur employée, A______ et B______ ont exprimé leur mécontentement que la chute de leurs fils ne leur eût pas été communiquée plus rapidement. Ils lui ont demandé d'être informés immédiatement si un tel évènement devait se reproduire à l'avenir.

f. Le jeudi 12 avril 2018, C______ a gardé E______ au chemin 1______ no. ______. L'enfant a bu son biberon puis, vers 10h40, l'a en partie recraché. Elle s'est alors rendue avec lui à la salle de bain se trouvant à l'étage afin de le nettoyer dans la baignoire.

g.a. Entendue par la police et par le MP, C______ a expliqué que l'enfant avait joué dans la baignoire avec l'eau pendant qu'elle était occupée à laver son body. Elle l'avait ensuite soulevé pour le sécher avec une serviette. Tandis qu'il était nu dans ses bras et qu'ils se regardaient dans le miroir, son regard était devenu vide, ses bras s'étaient crispés puis il avait émis un petit son. Il avait alors perdu connaissance et était devenu tout mou, tout relâché, sa tête partant tout en arrière ou en avant comme une poupée de chiffon. Elle sentait toutefois encore son souffle. Elle l'avait secoué environ cinq fois en le tenant sous les aisselles, tout en criant son nom et lui demandant de respirer. Elle ne souvenait plus avec certitude des mouvements de sa tête à cette occasion, mais ne pouvait pas exclure qu'elle eût bougé d'avant en arrière. À un moment, avant ou après les secousses, du vomi avait commencé à sortir du nez de l'enfant. Celui-ci avait eu quelques grandes respirations saccadées puis il avait cessé de respirer et elle avait eu l'impression que son cœur avait cessé de battre.

À la police, elle a mentionné qu'il était possible qu'elle eût secoué l'enfant après qu'il avait cessé de respirer. Sur question, elle a déclaré qu'elle avait été informée du fait qu'il avait eu des hématomes au cerveau mais que les problématiques d'une maltraitance ou d'un bébé-secoué avaient, à sa connaissance, été écartées. Elle avait secoué E______ parce qu'il avait perdu connaissance et en aucun cas par énervement ou parce qu'il pleurait.

Au MP, elle a précisé qu'elle avait secoué à plusieurs reprises l'enfant avant et pendant ses grandes inspirations et avant qu'il commence à vomir par le nez. Ses secouements avaient probablement été "assez intenses" (cf. audition du 9 mars 2021, p. 15). Elle avait mal géré la panique. Elle savait qu'il ne fallait pas secouer un bébé car cela pouvait engendrer de graves séquelles, voire la mort. Suite aux résultats de l'expertise médico-légale, elle était d'avis que c'était le fait qu'elle eût secoué E______ qui avait causé son décès.

g.b. Lors d'une reconstitution filmée au MP le 17 novembre 2021, C______ a mimé la scène et expliqué qu'elle avait séché l'enfant puis avait posé le linge dans le lavabo. À ce moment, elle le tenait assis dans ses bras et ils se regardaient dans le miroir situé au-dessus dudit lavabo. Tout d'un coup, il était devenu moins réactif et son regard avait tourné, puis elle avait senti une soudaine sensation de lourdeur dans ses propres bras, suivie d'une fermeture des yeux de l'enfant. Elle l'avait interpellé et avait constaté qu'il avait perdu connaissance, et que sa tête ne tenait plus. Elle avait eu l'impression qu'il ne respirait plus. Elle avait paniqué et secoué l'enfant plusieurs fois en hurlant son nom et lui demandant de respirer, alors que sa tête ne tenait plus. Il était devenu tout blanc et du vomi avait commencé à sortir de son nez. Puis il avait pris de grandes inspirations bloquées, s'était rétracté et avait fait une sorte de gazouillis, mais elle ne savait plus dans quel ordre, et enfin il n'avait plus eu aucune réaction,

g.c. Interrogée par le TCO sur les différences entre ses deux versions quant à l'ordre de survenance des symptômes, C______ a expliqué que, lors de ses premières auditions, tous les symptômes étaient pour elle liés au malaise de l'enfant et qu'elle les avait énumérés sans réfléchir en particulier à leur ordre, dont elle ne pensait pas qu'il avait une importance particulière. Lors de la reconstitution en revanche, elle avait essayé de reproduire les évènements le plus fidèlement possible. Elle avait détaillé une nouvelle fois ce déroulement des faits à l'audience du MP.

Devant le TCO et la Chambre de céans, elle a déclaré qu'elle n'avait jamais envisagé la possibilité de causer des lésions mortelles à E______ ni n'avait voulu lui faire du mal. Les secousses données étaient une réaction maladroite dans une situation de panique. Elle se sentait fautive.

g.d. Entendue par la police le 20 avril 2018, A______ a déclaré avoir parlé avec C______ vers 16h00 le 12 avril en question. Celle-ci lui avait dit qu'au moment où elle allait rhabiller son enfant, après l'avoir nettoyé dans la baignoire, il s'était contracté, avait pris de grandes respirations, puis n'avait plus répondu et qu'elle avait cru qu'il était mort. Elle lui avait mimé la scène où elle secouait légèrement l'enfant. Le 14 avril 2018, C______ était venue à l'hôpital voir E______ sans savoir qu'il allait mourir. Elle avait alors communiqué à sa mère qu'avant de faire son malaise, son fils allait bien et n'avait pas souffert.

g.e. Également entendu par la police, B______ a déclaré que C______ lui avait dit le 12 avril 2018 que l'état de son fils s'était détérioré à la sortie de la baignoire et qu'il avait eu des problèmes respiratoires avant de perdre connaissance. Elle avait appelé à plusieurs reprises l'enfant par son prénom. Il ne souvenait pas qu'elle eût mentionné une stimulation ou un secouement. Entendu postérieurement par le MP, il a précisé qu'alors qu'il venait d'arriver chez lui et que la police était encore sur place, C______ lui avait indiqué que l'enfant avait vomi, qu'il avait fait un malaise et que tout un coup il n'avait plus respiré. Un peu plus tard à l'hôpital, elle lui avait dit l'avoir secoué suite au malaise.

g.f. Entendue par le TCO, J______ a déclaré que C______ lui avait expliqué, le jour des faits, avoir fait du mieux qu'elle avait pu et qu'il s'était agi d'un accident. Elle avait ensuite tourné en boucle sur la question de savoir comment cet accident avait été possible. Depuis les évènements, son amie n'approchait quasiment plus des bébés d'autrui, alors qu'auparavant elle aimait vraiment les enfants en bas âge.

g.g. Sur des photos de la salle de bain prises par les policiers le 12 avril 2018, il est possible de constater la présence d'un linge et d'un body dans l'évier situé sous le miroir évoqué par C______. Une couche-culotte et une douchette avec un filet d'eau sont visibles dans la baignoire.

h.a. Alors que E______ était inconscient dans ses bras et que du vomi sortait en quantité de son nez, C______ s'est rendue à l'étage inférieur. À 11h09, elle a tenté de joindre A______ et B______, sans succès. Elle a alors pris le cahier de suivi de l'enfant où étaient inscrits les numéros d'urgence et a appelé le 118 à 11 heures et 13 minutes.

h.b. Après une tentative infructueuse de l'opérateur de transférer l'appel au 144, la communication a été coupée. C______ a alors appelé directement ce dernier numéro. Il ressort de l'enregistrement de cet appel, d'une dizaine de minutes, qu'elle se trouvait dans un état de grande panique. Elle a mentionné à plusieurs reprises que l'enfant avait fait une syncope, que son cœur ne battait plus et se questionnait sur la cause de cette situation. Elle faisait également référence au fait qu'elle l'avait lavé dans la baignoire après qu'il avait vomi et qu'il avait ensuite perdu connaissance.

h.c. Entendue par le MP, C______ a expliqué qu'elle avait appelé les parents avant les secours en raison des reproches qui lui avaient été fait après l'évènement du 9 janvier 2018.

i.a. Une fois sur place, les sauveteurs de la REGA ont pu réanimer E______. Celui-ci a ensuite été emmené par hélicoptère aux HUG.

i.b. Dans un échange ultérieur du même jour à 13h31 entre l'opératrice et le sauveteur de la REGA, ce dernier a rapporté que C______ lui avait dit qu'elle avait insufflé l'enfant avant d'appeler le 118 puis le 144. Celle-ci avait ensuite procédé à un massage cardiaque sur les instructions de l'opératrice.

j. À son arrivée aux HUG, l'enfant n'avait déjà presqu'aucune chance de survie. Après deux jours de tentatives pour le sauver, il est apparu que son cerveau avait subi des dommages critiques. E______ s'est éteint le ______ avril 2018 à 16h52 dans les bras de sa mère, son père à ses côtés.

k.a. Selon le rapport d'autopsie, le décès de E______ avait été causé par un traumatisme crânio-cérébral non accidentel par secouement (SBS). Les hémorragies intracrâniennes, rétiniennes, de la charnière crânio-cervicale et les lésions axonales cérébrales constatées devaient en effet être considérées comme étant d'origine traumatique en l'absence de pathologies associées et préexistantes pouvant favoriser leur survenance spontanée.

k.b. Selon l'expertise médico-légale, les symptômes décrits par C______, notamment la crispation des bras, suivis d'un relâchement et l'état comateux avec dysfonction cardio-respiratoire étaient évocateurs d'une souffrance cérébrale. Il s'agissait de symptômes apparaissant typiquement juste après qu'un bébé avait été secoué ; le tableau clinique était typique d'un SBS sous sa forme aigüe. C'était le fait qu'il eût été secoué qui avait causé le décès de E______. Son pronostic vital avait été engagé immédiatement après les secousses. La prise en charge aux HUG n'aurait pas été différente si l'origine de l'atteinte à sa santé avait été connue peu après son arrivée aux urgences.

Le SBS faisait référence non à des gestes pouvant être réalisés usuellement dans la vie quotidienne mais à un comportement d'une grande violence. Un tel acte ne pouvait être assimilé à un acte de réanimation, même inapproprié. Les symptômes apparaissaient immédiatement avec le secouement de la victime. Selon une étude suisse publiée en 2010, il menait à la mort dans 18% des cas et à des séquelles graves à modérées dans 53% des cas. Dans une étude de 2015 portant sur 66 victimes, seules 15% d'entre elles n'avaient pas eu de séquelles. Selon l'étude suisse de 2010, l'incidence du SBS était de 14 cas pour 100'000 naissances (0.014%).

k.c. Entendus au MP, les experts ont abordé l'existence de controverses scientifiques sur les critères de diagnostic du SBS en précisant qu'en l'espèce, le tableau lésionnel était extrêmement complet, que les hypothèses alternatives envisageables étaient en particulier une chute d'une hauteur importante ou un accident de la circulation et qu'elles pouvaient donc être exclues. Une perte de connaissance chez un enfant de moins d'un an était rare mais elle pouvait par exemple être causée par un malaise vagal et durer plusieurs secondes. En revanche, une contraction des membres avec plafonnement du regard était symptomatique de lésions cérébrales.

Après avoir assisté à la reconstitution des évènements mentionnée plus haut, les experts ont précisé devant le MP et le TCO qu'à l'aune de la version présentée lors de la reconstitution, il était tout à fait possible que E______ eût fait un malaise bénin avec perte de connaissance, même si un tel malaise n'était pas fréquent, et que les symptômes typiques du SBS soient survenus après les secousses. Un malaise bénin durait rarement plus de 20 ou 30 secondes.

l. L'expertise médico-légale a été reçue par le MP le 21 septembre 2020. Entre cette réception et le dépôt de l'acte d'accusation le 28 septembre 2022, les seuls actes d'enquête notables ont été la tenue de deux audiences en présence des experts, la seconde incluant une reconstitution partielle.

m. La disparition de E______ a été extrêmement douloureuse pour ses parents. L'existence et la durée de la procédure pénale a prolongé et amplifié leurs souffrances. La vie professionnelle et sociale de B______ a été fortement impactée. Il a notamment subi plusieurs arrêts de travail et nécessite toujours un soutien d'ordre psychothérapeutique dans sa vie quotidienne. A______ a également connu plusieurs arrêts de travail et dû se faire accompagner par un psychiatre. Ils ont dû quitter leur maison du chemin 1______ no. ______ car les souvenirs liés à leur fils étaient trop difficiles à supporter. Ils ont du mal à faire confiance à autrui s'agissant de la garde de leurs deux filles nées le ______ 2019 et le ______ 2021.

B______ a en outre déclaré qu'il avait été particulièrement douloureux d'avoir initialement pensé que le décès de leur enfant résultait d'une cause naturelle, avant d'apprendre, au moment de la réception du rapport d'autopsie, qu'elle était d'origine traumatique.

C. a. La Chambre d'appel et de révision (CPAR) a tenu audience au cours de laquelle C______ ainsi que A______ et B______ ont été entendus. Leurs déclarations dans ce cadre ont, en substance, été rapportées ci-avant.

b.a. Le MP plaide que, s'il est établi que C______ n'a pas voulu la mort de E______ et que celui-ci a subi un malaise avant qu'elle l'ait secoué, son comportement relève néanmoins du dol éventuel. Elle ne pouvait en effet ignorer que le fait de secouer l'enfant puis de le placer dans une chaise haute alors qu'il était inconscient constituait des comportements contraires à ses devoirs d'assistante maternelle et que cela comportait un risque élevé d'issue fatale. Il se justifiait donc de la condamner pour meurtre par dol éventuel. Sa peine devait être fixée à six ans de peine privative de liberté pour tenir compte de la gravité de sa faute et de sa collaboration moyenne, sans prise de conscience aboutie.

b.b. Par la voix de leur conseil, A______ et B______ défendent que le fait de causer un SBS devrait en principe être considéré comme un cas de dol éventuel et pas uniquement d'homicide par négligence. Il convenait donc de faire évoluer la jurisprudence pour tenir compte principalement des connaissances de l'auteur, de la violence des secousses et des circonstances de l'acte. Les circonstances postérieures audit acte ne devaient en revanche pas être prises en considération. Dans le cas d'espèce, la version du malaise avant les secousses de C______ n'était pas crédible. Celle-ci avait en réalité adapté ses déclarations initiales suite aux résultats de l'expertise. Elle avait de surcroît appelé tardivement les secours. Dans ces circonstances, un verdict de meurtre par dol éventuel s'imposait.

b.c. Par la voix de son conseil, C______ plaide que l'existence d'un malaise est la question centrale de la cause. Il convenait en effet de distinguer clairement le cas où une personne secoue un bébé dans le cadre d'une réaction inadéquate à un malaise, et celui où les secousses sont causées par le fait que l'auteur est excédé par un enfant, cas typique du SBS qui relevait du meurtre par dol éventuel. En l'espèce, rien n'indiquait qu'elle eût spontanément secoué E______ et tout laissait penser qu'elle avait au contraire réagi inadéquatement à un évènement extérieur, à savoir un malaise de l'enfant. Le verdict d'homicide par négligence était donc juste.

D. C______ a débuté à la mi-juin 2023 un travail d'auxiliaire de vie qui consiste à se rendre chez des personnes âgées pour leur prodiguer des soins. Elle réalise à ce titre un revenu mensuel d'environ EUR 1'500.-. Elle est copropriétaire, avec son conjoint, de sa maison à F______, un crédit obtenu à cette fin n'étant à ce jour pas entièrement payé. Elle n'a pas d'autre fortune, ni de dettes.

Selon ses déclarations, le décès de E______ avait été un traumatisme accompagné de difficultés émotionnelles. Elle avait un suivi psychothérapeutique et prenait un traitement médicamenteux sous le forme d'antidépresseurs. Elle avait en outre été surprotectrice envers ses propres enfants, et notamment son fils qui avait deux ans à l'époque du décès. En effet, elle avait à tout moment craint qu'il fît un malaise.

Son casier judiciaire au 9 novembre 2023 est vierge.

E. MD______, défenseur d'office de C______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 11.6 heures d'activité de chef d'étude et 4.9 heures d'activité de collaborateur, hors débats d'appel, lesquels ont duré deux heures et 30 minutes (2.5 heures). L'activité déclarée est composée de 1.5 heure d'entretien avec la précitée et de 15 heures de travail de fond du dossier en vue de l'audience.

En première instance, son activité a été indemnisée à hauteur de 38 heures et 55 minutes.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre-appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses également probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

2.1.2. L'appréciation du résultat d'une expertise officielle relève de l'appréciation des preuves par le juge pénal (ATF 141 IV 305 consid. 6.6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1271/2021 du 12 septembre 2022 consid. 1.2 ; 6B_755/2021 du 1er juin 2022 consid. 1.1.1). Celui-ci n'est pas formellement lié par une expertise officielle ; toutefois, il ne peut s'écarter de celle-ci que s'il existe des indices importants qui en ébranlent sérieusement la crédibilité (ATF 146 IV 116 consid. 2.1 ; 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 141 IV 369 consid. 6.1).

2.2.1. S'agissant de la période pénale allant du mois de janvier 2018 au 11 avril 2018, les parties plaignantes ne contestent pas l'acquittement de l'intimée en appel. De son côté, le MP n'exclut certes pas expressément ce complexe de faits de sa déclaration d'appel, alors même que l'art. 399 al. 3 let. a CPP exige en principe une telle précision justement à des fins de clarté sur l'objet de la procédure d'appel. À la lecture de cette déclaration, on comprend toutefois qu'il conteste uniquement le verdict de première instance concernant les évènements ayant mené à la mort de la victime. Il n'y a donc pas lieu de réexaminer les faits relatifs à cette période pénale.

2.2.2. Eu égard aux évènements du 12 avril 2018, il n'est pas débattu que l'intimée a secoué violemment l'enfant et que ces secousses ont causé sa mort, comme cela ressort clairement de ses déclarations, du rapport d'autopsie et de l'expertise médico-légale. En revanche, la thèse d'un malaise précédant les secousses, défendue par la défense et le MP, mais laissée ouverte par le TCO, est contestée par les parties plaignantes. Comme l'avance la défense, cette question est centrale pour la qualification juridique du comportement de l'intimée, de sorte qu'il convient de la trancher.

Comme l'avancent les parties plaignantes, la version de l'intimée a évolué. L'examen attentif des procès-verbaux de ses différentes auditions révèle que cette évolution concerne, d'une part, le moment de la survenance d'une crispation des membres supérieurs de l'enfant et, d'autre part, le fait qu'il respirait encore faiblement au moment des secousses. À la police et lors de sa première audition au MP, la crispation survient alors que E______ est encore conscient. Dans la version présentée lors de la reconstitution et devant le TCO, elle se produit en revanche après la perte de connaissance et les secousses. Quant aux difficultés respiratoires, l'intimée a précisé lors de sa première audition qu'elle avait constaté que l'enfant respirait encore après qu'il avait perdu connaissance, alors que lors de la reconstitution elle a affirmé qu'elle ne voyait plus sa poitrine bouger juste avant de le secouer. Pour le reste, bien que les déclarations initiales de l'intimée soient moins précises que celle de la reconstitution, l'ordre des évènements décrits est relativement clair : tout d'abord la sortie du bain, corroborée par la présence d'un reste d'eau sur les photos de la baignoire prises par la police, ensuite le séchage de E______ dans ses bras, le jeu avec le miroir, l'apparition d'un voile vitreux dans son regard et d'un sentiment de lourdeur, une perte de connaissance et de tonus musculaire, la réalisation de plusieurs fortes secousses par l'intimée accompagnée de hurlements pour tenter de le réveiller, la survenance de plusieurs grandes respirations saccadées par la bouche et de vomi sortant du nez, puis, enfin, une perte totale de la respiration et possiblement un trouble critique du rythme cardiaque. Il ressort des explications des experts qu'un tel déroulement est compatible avec la survenance d'un malaise bénin ayant engendré une syncope, suivie par de violentes secousses de l'intimée ayant entraîné des lésions cérébrales et les graves symptômes qui y sont associés, comme une dysfonction cardio-respiratoire. L'expertise et ses compléments oraux, fondés sur les résultats de l'examen du corps, ne permettent donc pas de trancher entre l'hypothèse de secousses réalisées suite à un malaise lié à une perte de connaissance et celle de secousses ayant causé l'ensemble des symptômes susmentionnés.

Il ressort du dossier que l'intimée a tenté de joindre les parties plaignantes à 11h09, soit au plus quelques minutes après la réalisation des secousses, avant d'appeler les secours. Cet ordre revêt une importance particulière car il semble improbable qu'une assistante maternelle qui a violemment secoué un enfant par énervement au point de causer un SBS tente de contacter les parents de la victime avant de requérir une assistance médicale. D'une part, dans une telle situation, il est plus vraisemblable que l'auteure appelle immédiatement les secours en espérant que les troubles qu'elle a causés puissent être rapidement résolus, ou à tout le moins atténués, avant de devoir se confronter aux parents. D'autre part, il ressort de l'audition des parties plaignantes que l'intimée leur a communiqué le jour même qu'elle avait secoué l'enfant pour le réanimer suite à un malaise. Or, il apparaît également improbable qu'une personne qui sait qu'elle est à l'origine de l'ensemble des symptômes parce qu'elle a secoué violemment un bébé juste avant la survenance de ceux-ci mentionne immédiatement ces secousses aux parents de la victime. Ces éléments penchent donc en faveur de la thèse d'un malaise. Cette hypothèse est également soutenue par le contenu des enregistrements des échanges entre l'intimée et la centrale du 144 sur lesquels elle apparaît fortement choquée par la survenance d'une situation inattendue et évoque, de façon authentique, la perte de connaissance subite de l'enfant après sa sortie de la baignoire. Le fait que, s'adressant à l'opératrice du 144 puis aux policiers arrivés sur place, l'intimée se soit interrogée sur l'origine de la perte de connaissance de E______ penche également en faveur de la thèse du malaise. En outre, les photos prises dans la salle de bain, sur lesquelles on peut distinguer des traces d'eau tant dans le lavabo ayant servi à nettoyer le body de l'enfant que dans la baignoire, ainsi que le linge ayant visiblement servi à le sécher, correspondent à la version des faits donnée par l'intimée. Ces photos ne contiennent en tout cas aucun élément entrant en contradiction avec les déclarations initiales de celle-ci aux parents de la victime et à la police. Enfin, la témoin J______, a déclaré que l'intimée lui avait dit le jour des faits qu'elle avait fait du mieux qu'elle avait pu et qu'il s'était agi d'un accident, puis qu'elle avait tourné en boucle sur la question de savoir comment celui-ci s'était produit. Ce témoignage indirect penche donc également en faveur de l'hypothèse de la réaction à un évènement impromptu.

Comme l'avance à juste titre la défense, il faut enfin mettre en perspective l'hypothèse de secousses en l'absence de malaise avec l'historique de l'intimée, mère de deux enfants, en ayant gardé de nombreux autres parmi ses amis et connaissances, ayant travaillé plusieurs années dans une crèche et au parcours professionnel sans tache, le tout sans jamais avoir eu recours à la violence physique. À cette aune, la plausibilité de l'hypothèse selon laquelle l'intimée aurait secoué E______ dans un état d'énervement alors même qu'il était connu pour être un enfant calme et jovial apparaît faible, même en sachant que l'intimée l'a effectivement secoué violemment. De surcroît, l'intimée a été constante dans ses déclarations selon lesquelles elle jouait avec l'enfant en regardant le miroir au moment du déclenchement des évènements, circonstance qui va à l'encontre de l'hypothèse d'une réaction colérique de sa part. Il est ainsi plus vraisemblable qu'elle ait réagi à un évènement extérieur soudain et inattendu, à savoir le malaise.

Au vu de ce qui précède, les seules variations partielles de l'intimée dans ses déclarations, notamment quant au moment où est survenue la crispation des membres supérieurs ou la perte de la coloration de l'enfant, ne suffisent pas à écarter l'hypothèse d'une perte de connaissance due à un malaise. Comme l'a avancé de manière convaincante le TCO, ces variations peuvent s'expliquer par le fait qu'elle a rapidement suspecté que ses secousses avaient eu un effet néfaste sur E______, au vu de la chronologie des symptômes, et qu'elle a, dans un premier temps, cherché consciemment ou inconsciemment à atténuer le rôle joué potentiellement par celles-ci en ne les liant pas avec l'apparition des symptômes les plus graves. Cela expliquerait en particulier qu'elle n'ait pas fait mention des secousses en relatant le déroulement des faits lors de sa première audition par le MP avant d'être spécifiquement interrogée sur ce point. Il est également possible que le choc qu'elle a subi en lien avec la mort de E______ et l'absence de rôle prédominant joué par l'ordre d'apparition des symptômes lors sa première audition à la police ait conduit à la version du déroulement des faits plus confuse en résultant. Dans cette optique, il n'apparaît pas incongru que des contradictions mineures subsistent avec la version des faits détaillée lors de la reconstitution et devant le TCO, soit lorsque l'ordre d'apparition des symptômes était devenu un élément important suite à la reddition du rapport d'expertise médico-légale. Sur ce point, ses explications sont plausibles.

En conclusion, la juridiction d'appel est intimement convaincue de la survenance d'un malaise bénin chez la victime et retient le déroulement des faits suivant :

Au matin du 12 avril 2018, E______ a régurgité son lait. L'intimée l'a alors amené dans la salle de bain pour le nettoyer, ainsi que son body. À la sortie de la baignoire, alors qu'elle le tenait dans les bras, celui-ci a subi une perte bénigne de connaissance sans perte de la fonction respiratoire. Paniquée face à cette syncope, l'intimée l'a violemment secoué, tout en hurlant son nom, dans l'objectif de lui faire reprendre ses esprits. La tête de l'enfant n'étant plus du tout maintenue en raison de sa perte de connaissance, ces secousses ont engendré des lésions cérébrales critiques. Celles-ci ont immédiatement conduit à des symptômes de type SBS sous sa forme aigüe, soit une respiration agonale, des vomissements par le nez puis une dysfonction cardio-respiratoire. Elles ont finalement entraîné le décès de E______ le ______ avril 2018 aux HUG.

3. 3.1.1. Selon l'art. 111 CP, se rend coupable de meurtre quiconque tue intentionnellement une personne. Selon l'art. 117 CP, se rend coupable d'homicide par négligence quiconque, par négligence, cause la mort d'une personne.

Les éléments constitutifs objectifs de ces deux infractions sont similaires. L'auteur doit avoir réalisé un comportement (1) qui est la cause (2) de la mort de la victime (3) (pour le meurtre : AARP/236/2023 du 5 juillet 2023 consid. 3.2.1 ; AARP/179/2023 du 26 mai 2023 consid. 3.1 ; pour l'homicide par négligence : ATF 122 IV 45 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_244/2019 du 10 avril 2019 consid. 2.2 ; 6B_551/2018 du 27 juillet 2018 consid. 2.1).

Lorsque le décès de la victime est intentionnel, il suffit qu'il existe entre le comportement de l'auteur et la mort de la victime un lien de causalité naturelle (ATF 143 IV 330 consid. 2.5 ; AARP/236/2023 du 5 juillet 2023 consid. 3.2.3). En revanche, lorsque la mort de la victime résulte d'une négligence de l'auteur, son comportement doit être la cause non seulement naturelle, mais aussi adéquate du décès (ATF 130 IV 7 consid. 3.2).

Un comportement constitue la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue une des conditions sine qua non ; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 142 IV 237 consid. 1.5.1 ; 135 IV 56 consid. 2.1 ; 133 IV 158 consid. 2.1). Un comportement constitue la cause adéquate d'un résultat dommageable lorsque ledit comportement est propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ; il n'est pas nécessaire que le résultat en cause se produise régulièrement ou fréquemment dans de telles circonstances mais il doit demeurer dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 145 III 72 consid. 2.3.1 ; 144 IV 285 consid. 2.8.2 ; 142 IV 237 consid. 1.5.2). La causalité adéquate peut en outre être interrompue par un événement extraordinaire auquel on ne pouvait s'attendre et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du résultat et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à provoquer celui-ci – y compris le comportement imputable au prévenu (ATF 146 III 387 consid. 6.3.1 ;
142 IV 237 consid. 1.5.2 ; 135 IV 56 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid 4.4.2).

3.1.2. Les infractions de meurtre et d'homicide par négligence diffèrent en revanche quant à leur élément constitutif subjectif. L'auteur commet un meurtre s'il désire la mort de la victime (dol direct) ou s'il l'accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel) (cf. art. 12 al. 2 CP). En revanche, si l'auteur ne se rend pas compte des conséquences mortelles de son comportement mais que cette imprévoyance est coupable, l'auteur commet un homicide par négligence (cf. art. 12 al. 3 CP).

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il existe une négligence. D'une part, le comportement de l'auteur doit violer les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires ; un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, une personne raisonnable placée dans la même situation aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte qu'il mettait le bien juridique du lésé en danger (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.3 ; 145 IV 154 consid. 2.1 ;
143 IV 138 consid. 2.1). D'autre part, le comportement constituant une violation du devoir général de prudence doit lui-même être fautif ; autrement dit, il faut en principe qu'il soit lui-même réalisé intentionnellement et puisse ainsi être considéré comme une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid. 4.2.3 ; 133 IV 158 consid. 5.1 ; 129 IV 119 consid. 2.1).

Pour déterminer si un comportement négligent doit être qualifié de dol éventuel et, en conséquence, être puni comme une infraction intentionnelle, il faut déterminer si l'auteur s'est accommodé de la survenance d'un fait qui n'est pas soumis à son contrôle direct, comme en particulier d'un résultat ; en l'absence d'aveux convaincants, il faut se fonder sur les circonstances extérieures du cas d'espèce et en particulier sur l'importance de la probabilité que survienne le résultat en cause dans le cas d'un comportement négligent du type de celui commis par l'auteur (1), de la gravité de la violation par celui-ci de son devoir de prudence (2), ainsi que de son ou ses mobile(s) (3) et de la manière dont l'acte a été commis (4) (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1 ; 138 V 74 consid. 8.4.1 ; 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; 134 IV 26 consid. 3.2.2 ; 133 IV 222 consid. 5.3 ; 133 IV 1 consid. 4.1 ; 130 IV 58 consid. 8.4). Savoir ce qu'une personne voulait ou acceptait constitue une question de fait qui concerne le contenu de la pensée d'un individu (fait interne), en revanche le concept d'intention est une notion de droit (ATF 149 IV 57 consid. 2.2 ; 147 IV 439 consid. 7.3.1 ; 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; 133 IV 9 consid. 4.1).

Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt 6B_953/2017, le Tribunal fédéral a retenu une infraction de lésions corporelles graves par dol éventuel dans le cas d'un couple ayant maltraité sa petite fille de moins d'un an en lui donnant notamment des claques et en la secouant parce qu'elle pleurait (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_953/2017 du 28 mars 2018 consid. 2.2 à 2.4). Dans un arrêt 6B_1059/2019, il a retenu le meurtre par dol éventuel s'agissant d'un parâtre ayant violemment secoué l'enfant de sa compagne dans un contexte de maltraitances de plus en plus importantes au point de lui donner la mort, alors même qu'il avait connaissance de la gravité de son comportement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1059/2019 du 10 novembre 2020 consid. 4.4.7 et 4.4.8). Dans un arrêt de 2021, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois (CAPE) a retenu l'homicide par négligence en concours avec l'exposition par dol éventuel s'agissant d'un père qui avait secoué son enfant en bas âge parce qu'il était excédé par ses pleurs et ses cris qui lui causaient une "angoisse intolérable", mais qui, suite à son acte, avait appelé les secours et procédé à un massage cardiaque (cf. TC-VD, CAPE 2021/1 du 19 janvier 2021 consid. 5.3.2 et 5.3.3, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_432/2021 du 21 février 2022 consid. 2.2.2). Dans un autre cas, qui concernait une nounou ayant secoué un enfant qui pleurait beaucoup parce qu'elle était excédée, la CAPE a retenu l'infraction de lésions corporelles graves par dol éventuel (cf. TC-VD, CAPE 2019/382 du 11 décembre 2019 consid. 3.2).

3.2.1. En l'espèce, il est établi que les fortes secousses exercées par l'intimée ont causé la mort de E______. Les éléments constitutifs objectifs des infractions de meurtre et d'homicide par négligence sont donc remplis. Il n'est pas contesté que le fait de secouer un enfant en bas âge était de nature à causer potentiellement un résultat du type de celui qui s'est produit, à savoir la mort, et qu'il n'existe pas d'autre cause fatale qui relèguerait à l'arrière-plan le comportement de la précitée.

3.2.2. Sur le plan subjectif, comme l'a admis l'intimée lors de l'audience d'appel, le fait d'avoir secoué violemment un enfant âgé de dix mois évanoui dans le but de le réanimer constitue un comportement négligent. Placée dans une telle situation, une personne raisonnable aurait en effet appelé les secours par le biais du 118 ou du 112 (numéro d'urgence général valable dans tous les pays européens) pour avoir accès à un professionnel ayant des connaissances médicales. Cela vaut même s'agissant d'une personne n'ayant pas connaissance du SBS dans la mesure où il est manifeste qu'un bébé inconscient ne peut maintenir sa tête. La négligence de l'intimée est d'autant plus caractérisée qu'en sa qualité d'assistante maternelle chargée d'un bébé, elle se devait de maîtriser les rudiments des premiers secours et surtout de ne pas procéder à des gestes susceptibles de détériorer l'état de santé de l'enfant sous sa garde. De surcroît, elle a reconnu avoir su déjà à l'époque des faits qu'il ne fallait jamais secouer un bébé car cela pouvait engendrer de graves séquelles, voire la mort. Partant, son comportement doit être qualifié pour le moins de négligence coupable.

Il convient maintenant d'examiner si ce comportement relève du dol éventuel portant sur la mort ou, à tout le moins, sur des lésions corporelles graves subies par l'enfant.

Comme le soutiennent à juste titre tant les parties plaignantes et le MP que la défense, il doit être retenu qu'un adulte qui, excédé par un enfant en bas âge, le secoue violemment et lui cause par-là un SBS accepte à tout moins de lui causer des lésions corporelles graves, voire la mort selon les circonstances du cas d'espèce et en particulier la violence des secousses. En ce sens, la jurisprudence antérieure de la Chambre de céans, concernant une nounou ayant causé la mort d'une enfant bas âge en la secouant parce qu'elle était excédée par ses pleurs, dans laquelle ni l'infraction de lésions corporelles graves ni celle de meurtre n'avaient été retenues (AARP/301/2016 du 19 juillet 2016 consid. 3.5.3), ne saurait être maintenue. En effet, il faut considérer que l'impérative nécessité de ne jamais secouer un bébé incapable de tenir sa tête, quelles que soient les difficultés auxquelles fait face l'adulte concerné, est désormais notoire, contrairement à ce qui avait été retenu à l'époque.

Il a toutefois été établi plus haut que les faits de la présente cause ne correspondaient pas à cette typicité. L'intimée n'a pas secoué E______ parce qu'elle était excédée ou pour lui faire du mal mais, dans une tentative inadéquate, pour le réanimer. Il faut à cet égard tenir compte du fait qu'un malaise avec perte de connaissance d'un bébé est un évènement particulièrement impressionnant pour une personne n'appartenant pas au corps médical et que, placé dans une telle situation, une perte de sang-froid n'indique pas que l'auteur accepterait une issue fatale ou la survenance de séquelles graves chez l'enfant. Cela vaut d'autant plus que l'intimée n'avait jusqu'alors jamais secoué violemment un bébé et n'était pas une personne qui recourait à la violence physique. Enfin, face aux symptômes inquiétants directement survenus après ses secousses, elle a appelé les secours puis pratiqué un massage cardiaque avec insufflations jusqu'à leur arrivée, ce qui ne va pas dans le sens d'une acceptation des conséquences funestes de ses actes. Ces circonstances doivent être prises en considération dès lors qu'elles précèdent l'achèvement de l'infraction, à savoir la mort de la victime, et visent justement à conjurer celle-ci.

Bien que les circonstances de chaque cause soient différentes et qu'une comparaison ne puisse être effectuée qu'avec retenue, le cas d'espèce se distingue nettement de ceux dans lesquels des tribunaux supérieurs ont retenu le meurtre par dol éventuel, et également de ceux dans lesquels le prévenu a été condamné pour lésions corporelles graves par dol éventuel. Dans les cas susmentionnés, les coupables avaient fait en effet preuve de comportements odieux en causant la mort ou de graves séquelles à des bébés par méchanceté ou pour des motifs futiles, même s'ils ne recherchaient pas directement ces conséquences. Tel n'est pas le cas de l'intimée qui s'est retrouvée devant une situation inattendue et a mal réagi en aggravant catastrophiquement la situation, à l'opposé du but poursuivi. En conséquence, il ne peut être retenu qu'elle a accepté de causer la mort ou des lésions corporelles graves à E______.

En conclusion, la condamnation de l'intimée du chef d'homicide par négligence doit être confirmée et les infractions de meurtre et de lésions corporelles graves par dol éventuel écartées. Les appels seront rejetés sur ce point.

4. Les appelants contestent implicitement le verdict de culpabilité d'exposition au sens de l'art. 127 CP, infraction qu'ils considèrent devoir être absorbée par celle de meurtre. Cette dernière étant écartée, il n'y a pas lieu, en l'absence d'appel de la prévenue, d'examiner plus avant les conditions de l'exposition qui est réalisée et entre en concours avec l'homicide par négligence (cf. ATF 136 IV 76 consid. 2.7 ; A. DONATSCH, Orell Füssli Kommentar StGB, 21ème éd. 2022, n. 9 ad art. 127 ; G. GUNHILD, Handkommentar StGB, 4ème éd. 2020, n. 5 ad art. 127 ; S. MAEDER, Basler Kommentar StGB, 4ème éd. 2019 n. 37 ad art. 127 ; A. STETTLER, Commentaire romand CP II, 2017, n. 25 ad art. 127).

5. 5.1.1. L'infraction d'exposition est réprimée d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Quant à l'infraction d'homicide par négligence, elle est punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

5.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution, ainsi que par les éléments subjectifs relatifs à l'acte, à savoir l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur ; à ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 149 IV 217 consid. 1.1 ; 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5.5, 5.6 et 5.7), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 149 IV 217 consid. 1.1 ; 144 IV 313 consid. 1.2 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 35 consid. 2.1). L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4). Il en va de même de l'utilisation par le prévenu de son droit à ne pas coopérer volontairement à la procédure pénale (ATF 149 IV 9 consid. 5.1.3).

5.1.3. Lorsque l'auteur est condamné au titre de plusieurs chefs d'accusation (concours) et que les peines envisagées pour chaque infraction prise concrètement sont de même genre (ATF 147 IV 225 consid. 1.3 ; 144 IV 313 consid. 1.1.1), l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents et, dans un second temps, d'augmenter cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2 ; 144 IV 217 consid. 3.5.1).

5.1.4. Selon l'art. 43 al. 1 et 2 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur, la partie à excéder ne pouvant excéder la moitié de la peine. Selon l'art. 43 al. 3 1ère phr. CP, tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins. Dès lors que la peine infligée à un condamné dépasse deux ans, seul le sursis partiel de l'art. 43 CP entre en ligne de compte si le pronostic de récidive n'est pas défavorable (ATF 144 IV 277 consid. 3.1.1 ; 134 IV 1 consid. 5.5.1). Le pronostic de récidive se détermine sur la base d'une appréciation d'ensemble des circonstances pertinentes, y compris de la personnalité de l'auteur (ATF 144 IV 277 consid. 3.2 ; 134 IV 1 consid. 4.2.1).

La durée du délai d'épreuve se détermine quant à elle sur la base de la probabilité de récidive au vu notamment de la personnalité du condamné (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1040/2022 du 23 août 2023 consid. 4.4.1 ; 6B_1227/2015 du 29 juillet 2016 consid. 1.2.1 ; 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 5.5).

5.2.1. S'agissant de l'homicide par négligence, la culpabilité de l'intimée est très importante. Comme mentionné plus haut, celle-ci a gravement violé son devoir de prudence. Surtout, cette violation a eu pour conséquence la mort de E______, portant atteinte à la vie humaine, laquelle est l'un des biens juridiques les plus essentiels, si ce n'est le plus essentiel, de ceux protégés par le droit pénal. Ce décès a en outre causé une souffrance incommensurable aux parties plaignantes, la perte d'un enfant étant l'une des plus dures épreuves pouvant frapper un parent. Leur santé ainsi que leur vie sociale et professionnelle en ont été considérablement affectées. À décharge, l'état de panique soudain dans lequel l'intimée s'est retrouvée plongée suite au malaise inattendu de l'enfant, évènement objectivement impressionnant, même pour une personne ayant l'habitude de travailler avec les enfants en bas âge, doit être pris en compte. Il en va de même de sa réaction après la survenance des symptômes du SBS puisqu'elle a rapidement appelé les secours et activement tenté de sauver l'enfant en procédant à un massage cardiaque pendant un peu moins de dix minutes.

Les circonstances personnelles et familiales de l'intimée n'ont pas de lien avec son acte. Sa prise de conscience est avancée. Elle regrette profondément ses actes. Si elle n'a pas activement concrétisé son repentir envers les parties plaignantes, cet élément doit être relativisé au vu de la note procédurale au procès-verbal du 18 décembre 2018 (p. 10), où il apparaît que toutes les parties s'étaient mises d'accord pour ne plus avoir de contact à tout le moins jusqu'à la fin de la procédure. Son comportement fautif a au demeurant eu un impact notable sur elle-même, puisqu'elle a dû recourir à un suivi psychothérapeutique et à la prise d'antidépresseurs, même si sa souffrance ne saurait être en rien comparée à l'intensité de celle subie par A______ et B______. Sa collaboration peut être qualifiée de moyenne dans la mesure où elle a rapidement mentionné avoir secoué l'enfant et n'a pas cherché à reporter sa faute sur autrui, tout en tenant compte qu'elle a varié dans ses déclarations et tenté d'atténuer le rôle des secousses dans un premier temps. Son casier judiciaire est vierge, ce qui a une influence neutre sur la peine à prononcer.

Compte tenu de ce qui précède, une peine privative de liberté de 24 mois au titre de l'infraction d'homicide par négligence apparaît appropriée.

5.2.2. Eu égard à l'infraction d'exposition, la culpabilité de l'intimée peut être qualifiée de moyenne. En effet, s'il a été retenu que par ses gestes, elle a exposé la victime à un danger grave et imminent, elle ne l'a pas envisagé sur le moment, n'ayant jamais accepté la survenance d'un résultat. Le fait d'avoir argué de sa méconnaissance du SBS n'est cependant pas soutenable compte tenu de ses qualités de professionnelle de la petite enfance et de la position de garant qu'elle endossait vis-à-vis des parents de l'enfant, au regard du risque qu'elle a fait courir à celui-ci, lequel s'est funestement concrétisé.

S'agissant des circonstances personnelles pertinentes pour la fixation de la peine, elles sont identiques à celles mentionnées plus haut en lien avec l'infraction d'homicide par négligence.

Au vu de ce qui précède, une peine privative de liberté de 24 mois au titre de l'infraction d'exposition est adéquate.

5.2.3. Au regard des peines-menaces des infractions commises par l'intimée, la plus grave est celle d'exposition. La peine privative de 24 mois réprimant celle-ci doit donc être accrue d'un total de 16 mois de peine privative de liberté en lien avec l'infraction d'homicide par négligence (peine hypothétique de 24 mois).

Comme l'a à juste titre mentionné le TCO, le principe de célérité a été violé par le MP dans le cas d'espèce. En effet, bien que l'intimée n'ait pas fait l'objet d'une détention provisoire ou de mesures de substitution, deux ans se sont écoulés entre la réception de l'expertise médico-légale et le dépôt de l'acte d'accusation, durée principalement utilisée pour tenir deux audiences. Au vu de la gravité des faits reprochés et de la souffrance engendrées pour toutes les parties par la procédure, cela n'est pas justifiable. Il convient en conséquence de réduire la peine à infliger à l'intimée, une réduction de quatre mois apparaissant comme appropriée (cf. ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1 et 1.4.2 ; 143 IV 49 consid. 1.8.2).

La peine d'ensemble de l'intimée sera donc fixée à 36 mois de peine privative de liberté (24 + 16 – 4).

5.2.4. Même si le risque de récidive apparaît faible dans la mesure où l'intimée a changé d'orientation professionnelle pour s'occuper de personnes âgées et que ses comportements coupables ont eu lieu dans le contexte d'un évènement rare et inattendu, il n'en reste pas moins qu'elle n'a pas contesté en appel la peine ferme de 12 mois lui ayant été infligée. En l'absence de critique sur ce point, il ne revient pas à la Chambre de céans d'examiner d'office cette question.

Eu égard à la durée du délai d'épreuve, la durée de quatre ans retenue par le TCO est appropriée au vu de l'importance du risque lié aux infractions dont l'intimée a été reconnue coupable.

5.2.5. Il s'ensuit que l'intimée sera condamnée à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 12 mois ferme et 24 mois avec sursis pendant quatre ans.

6. 6.1. Selon l'art. 67 al. 2 CP, si l'auteur a commis un crime ou un délit contre un mineur ou une autre personne particulièrement vulnérable et qu'il y a lieu de craindre qu'il commette un nouvel acte de même genre dans l'exercice d'une activité professionnelle ou non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables, le juge peut lui interdire l'exercice de cette activité pour une durée d'un à dix ans.

Pour ordonner l'interdiction d'exercer une profession, il faut qu'il existe une vraisemblance de nouveau crime ou délit en lien avec l'exercice de cette activité professionnelle, un risque de récidive moyen étant en tout cas suffisant, et que le degré de cette vraisemblance et la gravité de l'infraction justifiée priment sur l'atteinte aux droits de la personnalité de l'auteur au regard du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_151/2022 du 10 novembre 2022 consid. 5.2 ; 6B_123/2020 du 26 novembre 2020 consid. 9.1 ; 6B_97/2019 du 6 novembre 2019 consid. 5.3). Cette mesure poursuit un but de pure prévention spéciale, son prononcé ne dépend donc pas de l'intensité de la culpabilité de l'auteur (N. HAGENSTEIN, Basler Kommentar, 4ème éd. 2019, n. 33 ad art. 67).

6.2. En l'occurrence, la gravité de l'infraction d'exposition commise par l'intimée est de nature à fonder une interdiction d'exercer une profession impliquant le travail avec des enfants en âge préscolaire. Cependant, comme déjà mentionné plus haut, le risque de récidive de l'intimée apparaît si ce n'est nul, à tout le moins faible. Il est dans tous les cas suffisamment réduit par le biais du prononcé d'une peine privative de liberté ferme de 12 mois accompagnée d'une peine de 24 mois avec sursis. Les conditions du prononcé d'une interdiction d'exercer ne sont donc pas remplies.

En conséquence, l'appel du MP sera rejeté et le jugement de première instance confirmé s'agissant de l'absence d'interdiction d'exercer.

7. Le montant du tort moral et des dommages-intérêts octroyés à chacun des parents de la victime par le TCO, ainsi que des indemnités en lien avec l'activité de leur conseil pendant la procédure préliminaire et de première instance n'ont pas été contestés en appel. Ces aspects du jugement de première instance sont par conséquent entrés en force (cf. ATF 148 IV 89 consid. 4.3 ; 147 IV 167 consid. 1.2).

8. 8.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné.

Selon l'art. 428 al. 3 CPP, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ; pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_182/2022 du 25 janvier 2023 consid. 5.1 ; 6B_143/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 11.2 ; 6B_1232/2021 du 27 janvier 2022 consid. 3.3.2). Seul le résultat de la procédure d'appel elle-même est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.1).

8.2.1. S'agissant des frais de la procédure préliminaire et de première instance, l'intimée a été acquittée des accusations portées contre elle en lien avec la période allant de janvier au 11 avril 2018 mais reconnue coupable concernant les évènements du 12 avril 2018. Sa condamnation à payer 80% des frais retenue par le TCO ne prête pas le flanc à la critique. Partant, il y a lieu de confirmer sa condamnation au paiement à l'État de CHF 33'323.88 (CHF 41'654.85 x 0.8).

8.2.2. En ce qui concerne la procédure d'appel, les appelants succombent entièrement. La portée de l'appel du MP était toutefois bien plus étendue que celui des parties plaignantes qui se sont limitées à contester la qualification d'homicide par négligence retenue en lien avec le décès de leur fils.

Au vu de ce qui précède, 10% des frais de la procédure d'appel, lesquels s'élèvent à CHF 1'825.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-, seront mis solidairement à la charge des parties plaignantes appelantes, le solde de 90% restant à charge de l'État.

9. 9.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise aux juridictions genevoises, le règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ) s'applique. L'art. 16 al. 1 RAJ prescrit que le tarif horaire est de CHF 200.- pour un avocat chef d'étude. Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues ; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 2.1 ; 6B_1362/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1.1 [considérant non-publié à l'ATF 149 IV 91]).

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de trente heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (AARP/255/2023 du 24 juillet 2023 consid. 12.1 ; AARP/207/2023 du 21 juin 2023 consid. 9.1). Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense ; la rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice est arrêtée à CHF 100.- pour un chef d'étude (AARP/207/2023 du 21 juin 2023 consid. 9.1 ; AARP/191/2023 du 8 juin 2023 consid. 8.1)

9.2. L'activité de la défense en lien avec la procédure d'appel se compose de 14.1 heures de travail d'un chef d'étude et de 4.9 heures d'activité de collaborateur, laquelle a eu trait exclusivement à l'examen du dossier. Dans la mesure où MD______ a assuré seul la préparation de l'audience et la défense de sa mandante lors de celle-ci, l'activité de collaborateur susmentionnée apparaît ne pas avoir trouvé de concrétisation concrète dans la procédure, de sorte qu'elle ne sera pas indemnisée. Une durée de 14.1 heures est surcroît adéquate en tenant compte à la fois d'une certaine complexité de la cause mais également de la clarté et de la qualité de la motivation du jugement de première instance qui ont rendu plus aisé le travail du défenseur d'office, ce dont celui-ci a fait mention lors de l'audience d'appel.

En conclusion, la rémunération de MD______ pour la procédure d'appel sera arrêtée à CHF 3'448.60, correspondant à 14.1 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 2'820.-) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 282.-), la vacation au Palais de justice (CHF 100.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 246.60).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par Ministère public et par A______ et B______ contre le jugement JTCO/11/2023 rendu le 26 janvier 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/7257/2018.

Les rejette.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'820.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-, met 10% de ceux-ci à la charge solidaire de A______ et B______ et en laisse le solde à l'État.

Fixe à CHF 3'448.60, TVA comprise, l'indemnité due à MD______ pour ses frais et honoraires en procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte C______ de lésions corporelles graves (art. 122 CP), de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP) et d'exposition (art. 127 CP), en lien avec les chiffres 1.2, 1.5 et 1.6 de l'acte d'accusation.

Déclare C______ coupable d'homicide par négligence (art. 117 CP) et d'exposition (art. 127 CP).

Condamne C______ à une peine privative de liberté de 3 ans (art. 40 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 12 mois.

Met pour le surplus C______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à 4 ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit C______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Constate une violation du principe de célérité (art. 5 al. 1 CPP).

Renonce à ordonner une interdiction au sens de l'art 67 al. 2 CP.

Ordonne l'expulsion de Suisse de C______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. b CP).

Dit que l'exécution de la partie ferme de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Condamne C______ à payer à B______ CHF 50'000.-, avec intérêts à 5% dès le ______ avril 2018, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).

Condamne C______ à payer à A______ CHF 50'000.-, avec intérêts à 5% dès le ______ avril 2018, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).

Condamne C______ à payer à B______ et A______ CHF 11'720.80, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2018, à titre de dommages-intérêts pour les frais liés au décès (art. 45 CO).

Condamne C______ à verser à B______ et A______ CHF 50'755.95, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Ordonne la restitution à B______ et A______ des cubes en plastique figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire du 27 septembre 2022.

Fixe à CHF 25'066.55 l'indemnité de procédure due à Me D______, défenseur d'office de C______ (art. 135 CPP).

Condamne C______ à 80% des frais de la procédure, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 41'654.85, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Tribunal correctionnel.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

41'654.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

110.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'825.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

43'479.00