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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/4040/2016

AARP/236/2023 du 05.07.2023 sur JTCR/2/2022 ( PENAL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 29.08.2023, rendu le 10.05.2024, ADMIS, 6B_1011/2023
Descripteurs : ADMINISTRATION DES PREUVES;APPRÉCIATION DES PREUVES;IN DUBIO PRO REO;HOMICIDE PAR NÉGLIGENCE;RAPPORTS SEXUELS;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ;DÉTENTION PROVISOIRE;SURSIS PARTIEL À L'EXÉCUTION DE LA PEINE;PEINE PÉCUNIAIRE;CONFISCATION(DROIT PÉNAL);DESTRUCTION;RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);FRAIS JUDICIAIRES;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : LCR.90.al2; CP.117; CPP.339.al2; CPP.389.al1; CPP.189; CPP.10.al3; CP.47; CP.40; CP.51; CP.43; CP.34; CP.42; CP.44; CP.69; CPP.428; CPP.429
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4040/2016 AARP/236/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 9 mars 2023

 

Entre

A______, actuellement en exécution anticipée de peine à l'Établissement fermé de B______, ______, comparant par Me BV______, avocate,

appelant,

intimé sur appel joint,

 

contre le jugement JTCR/2/2022 rendu le 13 mai 2022 par le Tribunal criminel,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé,

appelant joint.

 


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTCR/2/2022 du 13 mai 2022, par lequel le Tribunal criminel (TCR) l'a reconnu coupable de meurtre (art. 111 du Code pénal suisse [CP]), de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 13 ans, sous déduction de 57 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, à CHF 500.- l'unité, avec sursis durant trois ans. Diverses mesures de confiscation/destruction/restitution ont été ordonnées en sus. A______ a été condamné aux frais de la procédure (en CHF 116'430.50, y compris un émolument de jugement de CHF 6'000.-) et ses conclusions en indemnisation ont été rejetées (art. 429 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

b. A______ a d'abord entrepris intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, avant de retirer son appel s'agissant de sa condamnation pour violation grave de la LCR, par courrier du 23 juin 2022 (pièce 5, classeur I CPAR).

À titre de réquisitions de preuve, il a initialement sollicité une nouvelle expertise judiciaire, la production par le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (CURML) des clichés réalisés le 6 février 2019, la détermination de l'inspiration pulmonaire maximale en cmH20, des tests sur l'oreiller "C______" saisi et l'examen de son tissu, des photographies de la plume indiciaire, les auditions des Professeurs D______, E______, F______ et G______, du Dr H______ et de I______, ainsi que le dépôt de la liste des appels entrants et sortants de son téléphone portable le lundi 29 février 2016 entre 06h30 et 12h00.

c. Le Ministère public (MP) forme appel joint, concluant au prononcé d'une peine privative de liberté de 14 ans. Il s'est opposé aux réquisitions de preuve.

d. Le 24 janvier 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a rejeté les réquisitions de preuve sollicitées (pièce 73, classeur II CPAR).

e.a.a. Selon l'acte d'accusation du MP du 17 décembre 2021, les faits suivants sont encore reprochés à A______ :

Dans la nuit du ______ au ______ février 2016, dans l’appartement sis no. ______ chemin 1______, au J______ à Genève, A______ a intentionnellement tué son épouse, K______, en lui obstruant de force le nez et la bouche, causant ainsi sa mort par suffocation. Il a appuyé contre son visage, de force, durant plusieurs minutes, un objet souple empli de plumes, oreiller ou duvet, lui maintenant les mains et les bras et/ou la frappant pour l’empêcher de se débattre, alors qu’elle tentait de le faire, de sorte à obstruer son nez et sa bouche, l’empêchant de respirer et causant son décès par asphyxie mécanique. Il lui a causé de la sorte de multiples petites dermabrasions du visage, à hauteur de la bouche, du nez et de la mandibule, de multiples petites plaies superficielles et ecchymoses à hauteur de la muqueuse des lèvres et de la bouche, des dermabrasions à hauteur du coude et de la main gauche, plusieurs ecchymoses sur les membres supérieurs, notamment sur le dos des mains, sur les poignets et les avant-bras, quelques ecchymoses sur la jambe gauche, la cheville droite et le pied droit et des infiltrations hémorragiques profondes des muscles triceps et biceps droits. Au cours de ses agissements, son épouse tentant de se défendre pour sauver sa vie, A______ a été blessé au doigt, de sorte à lui causer une amputation subtotale de l'extrémité distale du cinquième doigt de la main droite avec une luxation de l'ongle et une fracture de la phalange distale. Dans ses efforts désespérés pour respirer, juste avant son décès, K______ a inhalé une plume qui a pénétré dans sa bronche souche gauche.

e.a.b. Par le même acte d'accusation, les faits suivants étaient également reprochés à A______, lesquels ne sont désormais plus contestés en appel (supra, let. A.b.) :

 

À Genève, le 11 octobre 2017 à 14h55, sur la route de Lausanne, à la hauteur du Vengeron, en direction de Genève, A______ a circulé au volant de son véhicule automobile de marque et type L______/2______, immatriculé SO 3______, à la vitesse de 91 km/h (marge de sécurité déduite), alors que la vitesse maximale autorisée à cet endroit est de 60 km/h, soit un dépassement de la vitesse de 31 km/h.

 

e.b. Invité par la CPAR à envisager cette possibilité au vu des révélations du prévenu communiquées le 31 janvier 2023 (infra, let. C.a), le MP a, le 1er mars 2023, au cours des débats d'appel, déposé un acte d'accusation subsidiaire des chefs de meurtre au sens de l'art. 111 CP (infra let. e.b.a) ou d'homicide par négligence selon l'art. 117 CP (infra let. e.b.b) et d'omission de prêter secours d'après l'art. 128 CP (infra let. e.b.c), reprochant à A______ ce qui suit :

 

e.b.a. Dans la nuit du ______ au ______ février 2016, dans l’appartement sis no. ______ chemin 1______, à J______, A______ a tué son épouse, K______, en lui obstruant le nez et la bouche, causant ainsi sa mort par suffocation. Au cours d'une relation sexuelle faisant intervenir la pratique de l'asphyxie érotique, il a appuyé avec force sur le bas du visage de K______, avec sa main et un objet souple contenant des plumes, lui obstruant le nez et la bouche, de manière à bloquer sa respiration. Il a maintenu la pression pendant au moins trois à quatre minutes sans discontinuer, appuyant fortement sur le visage de son épouse, malgré ses réactions et ses efforts désespérés pour aspirer de l'air induits par la sensation de mort imminente que causait à son organisme le manque d'oxygène, de sorte à causer son décès par asphyxie par obstruction bucco-nasale. Dans ses efforts désespérés pour respirer, juste avant son décès, K______ a inhalé une plume qui a pénétré dans sa bronche souche gauche. Pendant les faits précités, et alors que son épouse tentait de parvenir à respirer pour sauver sa vie, A______ a été blessé au doigt, de sorte à lui causer une amputation subtotale de l'extrémité distale du cinquième doigt de la main droite avec une luxation de l'ongle et une fracture de la phalange distale. Lorsqu'il a constaté que son épouse ne bougeait plus, il s'est levé du lit, s'est rendu aux toilettes pour uriner, puis s'est agenouillé à côté du lit, sans tenter de manœuvres de réanimation ni appeler les secours. Il lui a causé de la sorte de multiples petites dermabrasions du visage, à hauteur de la bouche, du nez et de la mandibule, de multiples petites plaies superficielles et ecchymoses à hauteur de la muqueuse des lèvres et de la bouche, des dermabrasions à hauteur du coude et de la main gauche, plusieurs ecchymoses sur les membres supérieurs, notamment sur le dos des mains, sur les poignets et les avant-bras, quelques ecchymoses sur la jambe gauche, la cheville droite et le pied droit et des infiltrations hémorragiques profondes des muscles triceps et biceps droits, ainsi qu'une infiltration hémorragique sous-cutanée de l'angle mandibulaire gauche et une infiltration hémorragique d'un ganglion mandibulaire et du muscle masséter, à gauche. En obstruant les voies respiratoires de K______, tant au niveau de la bouche qu'au niveau du nez, pendant une durée d'à tout le moins trois minutes, en persistant à maintenir une très forte pression et à empêcher son épouse de respirer malgré ses réactions et ses efforts désespérés pour aspirer de l'air, induits par la sensation de mort imminente que causait à son organisme le manque d'oxygène, il n'a pu qu'envisager le risque de causer sa mort par suffocation, et l'a accepté.

 

e.b.b. Dans la nuit du ______ au ______ février 2016, dans l’appartement sis no. ______ chemin 1______, à J______, A______ a causé la mort de son épouse, K______, en lui obstruant le nez et la bouche, causant ainsi sa mort par suffocation. Au cours d'une relation sexuelle faisant intervenir la pratique de l'asphyxie érotique, il a maintenu fermement les mains et les bras de son épouse, puis appuyé avec force sur le bas du visage de K______, avec sa main et un objet souple contenant des plumes, lui obstruant le nez et la bouche, de manière à bloquer sa respiration. Il a maintenu la pression pendant au moins trois à quatre minutes sans discontinuer, appuyant fortement sur le visage de son épouse, malgré ses réactions et ses efforts désespérés pour aspirer de l'air induits par la sensation de mort imminente que causait à son organisme le manque d'oxygène, de sorte à causer son décès par asphyxie par obstruction bucco-nasale. Lorsqu'il a constaté que son épouse ne bougeait plus, il s'est levé du lit, s'est rendu aux toilettes pour uriner, puis s'est agenouillé à côté du lit, sans tenter de manœuvres de réanimation ni appeler les secours. Il lui a causé de la sorte de multiples petites dermabrasions du visage, à hauteur de la bouche, du nez et de la mandibule, de multiples petites plaies superficielles et ecchymoses à hauteur de la muqueuse des lèvres et de la bouche, des dermabrasions à hauteur du coude et de la main gauche, plusieurs ecchymoses sur les membres supérieurs, notamment sur le dos des mains, sur les poignets et les avant-bras, quelques ecchymoses sur la jambe gauche, la cheville droite et le pied droit et des infiltrations hémorragiques profondes des muscles triceps et biceps droits, ainsi qu'une infiltration hémorragique sous-cutanée de l'angle mandibulaire gauche et une infiltration hémorragique d'un ganglion mandibulaire et du muscle masséter, à gauche. En obstruant les voies respiratoires de son épouse tant au niveau de la bouche qu'au niveau du nez, pendant une durée d'à tout le moins trois minutes, en omettant de vérifier au cours de cet acte, dont il ne pouvait ignorer l'extrême dangerosité et le risque élevé de décès, que sa partenaire ne manquait pas d'air de manière à la mettre en danger, en ne prenant pas les précautions nécessaires pour exercer cette pratique en toute sécurité, en ne maintenant pas un contact visuel constant avec sa partenaire afin de s'assurer de son état de conscience, en ne tenant pas compte des tentatives de cette dernière pour respirer, en maintenant excessivement longtemps une pression telle sur le visage de son épouse qu'il lui a causé de profondes lésions, il a fautivement violé les règles de prudence élémentaires à respecter dans le cadre de la pratique de l'asphyxie érotique, ce dont il ne pouvait pas ne pas avoir conscience, et a ainsi causé le décès de K______, étant rappelé qu'une privation d'oxygène de cette durée est notablement de nature à causer un tel décès.

 

e.b.c. Alors que, dans les circonstances décrites ci-dessus, il avait causé l'évanouissement de son épouse en lui obstruant le nez et la bouche, de manière à bloquer sa respiration, qu'il lui avait causé les multiples lésions susdécrites (supra, let. e.b.a et e.b.b.) et avait empêché l'approvisionnement de son cerveau en oxygène, la mettant ainsi en danger de mort imminent, A______ a omis de procéder à des manœuvres de réanimation et n'a pas appelé les secours, alors qu'il en aurait eu la possibilité, afin d'éviter de devoir parler à des tiers des circonstances de la perte de conscience de son épouse.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

De la situation personnelle des époux A______/K______ et de leur relation conjugale

a.a. A______, avocat et notaire de formation, est né en 1950 à Soleure et est domicilié dans ce canton, à M______. Il s'est marié, une première fois, en 1983, avant de se séparer de son épouse en 2000 et de divorcer en 2005. En 1999, il a été atteint d'un cancer, lequel est en rémission depuis. Entre sa séparation et son divorce, il a eu une relation amoureuse durant deux ans, puis est resté célibataire jusqu'à sa rencontre avec K______, dont les circonstances du décès, survenu le ______ février 2016, font l'objet de la présente procédure (C'2069 ; p-v TCR du 09.05.2022 p. 4).

Il a trois enfants, issus de sa première union (C'2069 ; p-v TCR du 09.05.2022 p. 4), soit N______ (née en 1985 et domiciliée à Zurich), O______ (né en 1987 et domicilié à Zoug) et P______ (né en 1990 et domicilié à Zurich).

a.b. K______, née en 1949, s'est mariée une première fois en 1971 avec Q______, avant qu'ils ne divorcent en 2009. Ce dernier est décédé en ______ 2014 (C-2'328). De leur union, sont nés trois enfants, soit R______ (né en 1974), S______ (né en 1976) et T______ (née en 1980).

Depuis 1976, K______ vivait dans une villa au chemin 1______, à J______, à Genève. Sa fille résidait dans la maison située sur la parcelle adjacente, chemin 1______ no. ______, et son fils cadet louait le corps de ferme sis au chemin 1______ no. ______.

a.c. A______ et K______ se sont rencontrés lors d'un dîner de charité en 2006, organisé par U______ (C-2'072 ; C-2'161 ; p-v TCR du 09.05.2022 p. 5). Ils sont devenus intimes en février 2007 et se sont mariés le ______ 2011 (C-2'072). K______ a annoncé aux autorités son départ de Genève pour M______ le 22 février suivant (p-v TCR du 09.05.2022 p. 6 ; rapport Dr V______ du 15.02.2023 p. 18).

a.d. Les époux A______/K______ avaient tous deux une situation financière confortable, bien que les revenus et la fortune de A______ étaient nettement supérieurs à ceux de son épouse (C-2'177 ; C-2'395).

Ils ont conclu un contrat de séparation de biens. Ils ont, en particulier, renoncé à toutes prétentions sur leurs biens immobiliers respectifs et ont prévu qu'au décès de l'un des époux, le conjoint survivant ne toucherait qu'un quart de la fortune mobilière du prédécédé, ceci afin de favoriser les enfants de ce dernier (C-2'071 et Y-172).

a.e. Selon leurs parents et amis, les époux A______/K______ étaient heureux et complices (C-2'062 ; C-2'133 ; C-2'161 ; C-2'328 ; C-2'345 ; C-2'354 ; C-2'465 ; rapport Dr V______ du 15.02.2023 p. 20-25).

Il ressort des messages échangés entre eux qu'ils étaient très épris l'un de l'autre, presque tous leurs messages contenant de fervents témoignages d'affection et d'amour. Aucun élément propre à mettre en évidence un conflit n'a été décelé par la police (C-2'438 ss). Des messages de tendresse avaient été échangés entre eux jusqu'à quelques semaines avant les faits du ______ février 2016 (C-2'440 ; pièces 22 et 23 du chargé de pièces complémentaire de la défense du 24 février 2023).

Après avoir visionné et consulté la quasi-totalité des fichiers qui leur étaient accessibles dans les appareils pour lesquels elle avait obtenu des extractions, la police a constaté l'absence d'éléments propres à fonder un éventuel mobile (C-2'442 ; C-2'446).

A______ est décrit par son entourage comme étant un homme gentil, attentionné, intelligent et généreux (C-2'062 ; C-2'138 ; C-2'150 ; C-2'160). K______ était dépeinte comme discrète, sociable et coquette (C-2'138 ; C-2'140 ; C-2'161).

Des évènements significatifs survenus dans la vie du couple avant les faits incriminés

b.a.a. Le 30 septembre 2014, la villa de K______ a pris feu au milieu de la nuit, alors qu'elle dormait seule à l'étage, A______ étant parti le soir même pour Soleure. L'incendie s'est déclaré sous le canapé du salon en raison d'un problème électrique. K______ est parvenue à s'extraire de la maison, en flammes, en sautant par la fenêtre de sa chambre, et s'est notamment fracturé le plateau tibial et a été hospitalisée. La maison a été entièrement détruite (C-2'052 ; C-2'057 ; C-2'073).

Le 17 mars 2015, l'assurance a remboursé, sur le compte bancaire personnel de A______, la somme de CHF 210'000.- pour ce bien (C-20'451 et Y-171). Le 11 mai 2015, ce dernier a acheté à l'hoirie de Q______ la parcelle de la maison incendiée au prix de CHF 3'130'890.-, le projet des époux A______/K______ étant d'y reconstruire une maison, sur laquelle K______ aurait l'usufruit à vie. Un permis de construire a été délivré en novembre 2015 dans cette optique (C-2'071).

Après l'incendie, K______ a occupé un appartement de deux pièces situé au chemin 1______ no. ______, soit au premier étage du corps de ferme.

b.a.b. À la suite de cet événement, l'état de santé de K______ a connu un déclin, celle-ci ayant été très choquée par l'incendie, lors duquel elle a perdu l'intégralité de ses biens et de ses souvenirs (C-2'058 ; C-2'074 ; C-2'151 ; C-2'162 ; C-2'328 ;
C-2'353 ; C-2'523). Des proches ont témoigné du fait qu'elle a commencé à souffrir, peu après, notamment de pertes de mémoire, d'absences, de fatigue et de migraines (C-2'660 ; C-2'665 ; C-2'670).

Au mois d'octobre 2014, K______ a entrepris un suivi bi-mensuel auprès de la Dresse W______, psychiatre, en raison d'un stress aigu survenu à la suite de l'incendie (C-2'504 ; C-2'522). Le 13 décembre suivant, elle a eu un malaise. Au cours de sa prise en charge aux Hôpitaux Universitaires Genevois (HUG), le diagnostic d'un ictus amnésique, soit une probable amnésie globale transitoire, a été posé (C-2'504 ; C-10'182).

En février 2015, K______ a été soumise à un bilan cardiologique complet, qui n'a rien révélé de particulier (C-2'504 ; C-10'193). En mars 2015, la Dresse X______, médecin généraliste, a fait une anamnèse complète de K______ et a relevé que la patiente présentait occasionnellement des palpitations la nuit, sans qu'une cause n'ait pu être identifiée (C-2'504 ; C-2'506 ; C-10'152). En novembre 2015, K______ a, à nouveau, consulté la Dresse X______ pour des problèmes de fatigue, de troubles du sommeil et urinaires. La patiente avait exprimé de l'angoisse à l'approche du premier anniversaire de l'épisode d'ictus amnésique (C-2504). K______ poursuivait son traitement habituel, comprenant notamment 100 mg d'aspirine cardio par jour depuis son malaise en 2014 (C-2'505). Du 2 au 3 décembre 2015, après un nouveau malaise, K______ a été hospitalisée et un diagnostic d'état confusionnel transitoire d'origine indéterminée a été retenu (C-10'175). Elle a consulté la Dresse W______ pour de l'anxiété et des troubles du sommeil (C-2'523 ; C-2'524). Le 14 décembre suivant, K______ a consulté la Dresse Y______, neurologue, pour qui le diagnostic le plus probable en lien avec les deux épisodes neurologiques était celui d'une migraine basilaire acéphalalgique, avec ictus amnésique-like chez une patiente connue pour des migraines communes (C-2'505 ; C-10'173). Lors des fêtes de fin d'année 2015, N______ a mentionné que sa belle-mère était fatiguée, avait des maux de tête et des accès de faiblesse, de sorte qu'elle n'avait pas participé à toutes les activités (C-2'465).

Au mois de janvier 2016, la Dresse W______ a constaté chez sa patiente une période de doutes en raison de ses problèmes de santé, tout en conservant la faculté d'éprouver du plaisir et de conserver une vie sociale, de sorte qu'elle n'avait pas posé le diagnostic de dépression. Un antidépresseur à faible quantité a toutefois été prescrit à K______, pour son effet sédatif, afin d'améliorer le sommeil. La Dresse W______ a relevé que le mari de la patiente, surtout présent le week-end et pendant les vacances, était un élément stabilisateur pour cette dernière (C-2'523-C-2'524). Elle avait revu sa patiente, pour la dernière fois, le 1er février 2016. Celle-ci allait mieux, bien qu'éprouvant toujours une angoisse de la mort, un sentiment d'insécurité et de la fatigue (C-2'524-C-2'526). Le travail n'avait pas porté sur sa relation de couple, qui semblait harmonieuse, mais sur le deuil. K______ était une personne discrète et introvertie, qui se qualifiait de "vraie protestante genevoise" (C-2'525). Le 8 février suivant, elle a consulté la Dresse Z______, neurologue, qui a conclu, concernant les deux épisodes de décembre 2014 et 2015, à un accident ischémique transitoire d'origine indéterminée (AIT), avec un risque de répétition (C-2'505 ; C-2'512 ; C-2'513 ; C-2'525 ; C-10'167 ss).

b.b. Le 12 février 2016, les époux A______/K______ sont partis en vacances dans les Grisons. Durant celles-ci, K______ allait très bien (C-2'076).

Alors qu'ils entendaient poursuivre leur séjour jusqu'au 26 février 2016, ils ont dû rentrer à Genève le mercredi 24 février, afin de se rendre à l'enterrement de AA______, leur ami et l'époux de U______ (C-2'059 ; C-2'076 ; C-2'139 ; C-2'444).

b.c. Le jeudi 25 février 2016, K______ a indiqué à son mari être très fatiguée et s'est beaucoup reposée (C-2'076). Ce dernier s'était d'abord inquiété, mais, le soir, elle lui avait paru en pleine forme (C-2'389). Les époux A______/K______ sont alors allés dîner chez une amie vers BL______, en France (C-2'059 ; C-2'076).

b.d. Le vendredi 26 février 2016, à midi, K______ est allée déjeuner avec des amies au centre-ville de Genève (C-2'059 ; C-2'077).

En fin d'après-midi, T______ a vu sa mère, laquelle lui a indiqué se porter bien, mais être très fatiguée. Si lors d'un téléphone plus tôt dans la journée, elle avait été interpellée par le fait que sa mère lui posait des questions déjà abordées la veille, cette dernière ne tenait pas de propos incohérents et semblait en bonne forme, autant physique que morale, lors de sa visite (C-2'059).

Le soir, les époux A______/K______ ont diné chez R______, à AB______ (C-2'059 ; C-2'077 ; C-2'327). K______ a fait part à son fils du fait qu'elle avait été très fatiguée durant la journée (C-2'327).

A______ a notamment pris du Cialis à cette date (médicament en cas de dysfonction érectile) (C-2'244).

b.e. Le samedi 27 février 2016, à midi, le couple A______/K______ est allé déjeuner avec un couple d'amis près de BG______ (C-2'059 ; C-2'077 ; C-2'131 ss). La voisine de table de K______, AC______, l'a trouvée "très en forme", bien que touchée par le décès de AA______ (C-2'163 ; C-2'164).

Dans l'après-midi, le couple s'est arrêté dans un centre commercial (C-2'077).

Le soir, les époux A______/K______ ont dîné à AD______, près de AE______ [VD], chez des amis en présence d'un autre couple d'invités (C-2'059 ; C-2'077 ; C-2'131 ss). La soirée avait été chaleureuse (C-2'140 ; C-2'152). L'hôte de maison, AF______, avait partagé, au cours de la soirée, un moment d'intimité avec K______ et l'avait trouvée en forme, élégante et avec les idées claires (C-2'140). A______ était attentionné envers son épouse, posant sa main sur sa cuisse, tandis que cette dernière l'appelait "chéri" (C-2'141). L'humeur du couple A______/K______ avait été normale (C-2'152).

Personne n'a mentionné que K______ aurait toussé la journée du samedi ou lors de la soirée, ni n'a remarqué de traces sur son visage ou ses mains ce jour-là ou les jours précédents (C-2'060 ; C-2'140 ; C-2'142 ; C-2'152 ; C-2'164 ; C-2'661 ; C-2'666-2'667 ; C-2'671).

Des faits incriminés survenus le ______ février 2016

c.a. Les époux A______/K______ sont rentrés à leur appartement genevois peu avant minuit le 27 février 2016 (C-2'077 ; C-2'132).

Avant d'aller se coucher, K______ a pris deux antidépresseurs, dont un à effet sédatif (Trittico) (C-2'077 ; C-2'524 ; C-10'037). Elle mettait usuellement des boules Quies pour dormir (C-2'079 ; C-2'661).

Le ______ février 2016, à 01h11, A______ a marqué la page qu'il lisait sur sa tablette AG______ (AG______/4______ dans une fourre noire ; C-2'960 ; C-3'016).

À 06h37, il a téléphoné à sa belle-fille, T______, pour lui demander de venir, l'appel ayant duré 15 secondes (C-2'051 ; C-2'437). Celle-ci est arrivée quelques minutes plus tard et a constaté le décès de sa mère.

c.b. À 06h52, A______ a appelé la centrale d'urgence de la police (144) et indiqué que son épouse était morte. Ému, il a expliqué qu'une demi-heure auparavant, après avoir été réveillé par un bruit, il avait vu son épouse couchée par terre dans la salle de bains. Ayant tout d'abord cru qu'elle était vivante, il l'avait "mise" dans le lit, puis avait constaté "qu'elle ne bougeait plus". L'appel a duré 1 minutes et 37 secondes
(C-2'100 ; C-2'437).

Il a relaté le même déroulement des faits à sa belle-fille (C-2'061).

Des constatations de la police et des secours lors des faits incriminés

d.a. À 06h56, le cardio-mobile, composé du Dr AH______, médecin- urgentiste, et de AI______, ambulancier, a reçu l'alarme pour une intervention au domicile des époux A______/K______ à J______. Une ambulance de l'aéroport a également été envoyée sur place (B-1 ; C-2'197 ; C-2'225 ; C-2'534).

d.b. Arrivé sur les lieux à 07h06, le Dr AH______ a constaté le décès de K______ à 07h07 (B-4 ; C-2'225). Selon son rapport, la mort de cette dernière était "évidente". Elle présentait une rigidité des membres supérieurs et des membres inférieurs, avec des lividités sur toutes les parties déclives, ainsi qu'une mydriase aréactive bilatérale. Compte tenu des antécédents médicaux rapportés, le médecin-urgentiste a émis l'hypothèse d'un arrêt cardio-vasculaire, sur accident vasculaire cérébral (AVC) massif. Toutefois, au vu du relativement jeune âge de la patiente et du fait qu'elle avait eu un bilan neurologique dans la norme en décembre 2015, le Dr AH______ a décidé de rédiger un constat de décès (C-2'225).

Les ambulanciers ont aussi constaté que des lividités cadavériques étaient déjà présentes chez la défunte (C-2'534).

Au vu de l'état du corps, il a été renoncé à toute manœuvre de réanimation (B-2).

d.c. Dépêchée également sur place, la police a constaté que K______ reposait sur son lit en décubitus dorsal. Elle était nue et recouverte par un duvet, sa tête reposant sur un coussin anatomique. La moquette au pied du lit était souillée par un liquide qui semblait être de l'urine. Un second coussin était disposé normalement sur le lit. Une tache d'environ 10 centimètres de diamètre et de couleur légèrement brunâtre, compatible avec l'écoulement d'un fluide corporel, était située au milieu du lit (C-2'046). Les lunettes et les boules Quies de K______ étaient posées sur sa table de nuit (C-2'045).

d.d. A______, qui paraissait très affecté par le décès de son épouse, a expliqué, tant à la police qu'aux secours, avoir été réveillé vers 05h45 par un bruit qu'il a associé à celui de la chute de son épouse au sol. Confronté au délai qui s'était écoulé avant que les secouristes ne soient avisés, il a indiqué s'être, dans un premier temps, occupé de réinstaller son épouse dans son lit, puis avoir appelé sa belle-fille et attendu son arrivée. Ce n'était qu'une fois cette dernière présente, et à son initiative, qu'il avait composé le numéro 144. Selon son interprétation, son épouse étant à l'évidence décédée, il n'avait pas ressenti l'urgence de faire intervenir une équipe de secours
(C-2'046 ; C-2'534 ; C-2'545 ; C-2'611 ; C-2'647). Il a relevé l'état de santé particulièrement inquiétant de son épouse le jeudi précédent, celle-ci ressentant une extrême fatigue, se sentant nauséeuse et étant sujette à des pertes de mémoire (B-1).

d.e. D'après le rapport de levée de corps établi par la police le ______ février 2016, aucun élément favorisant une autre hypothèse qu'un décès induit par une cause médicale n'avait été retrouvé, la défunte étant allongée en décubitus dorsal sur son lit et aucune trace de lutte n'étant visible (B-2).

d.f. Une autopsie, ainsi que des examens toxicologiques, ont été ordonnés par le MP auprès du CURML (B-4). A______ et les enfants de K______ ne s'y sont pas opposés (B-2 ; C-2'046).


 

Des actes de A______ consécutifs au décès de son épouse

e.a. Le dimanche ______ février 2016, aux alentours de 14h00, A______ a pris le train pour Soleure, où il est arrivé vers 16h00 (C-2'446). Sa fille est venue le chercher à la gare et l'a amené directement aux urgences de l'Hôpital de Soleure, où il a été pris en charge à 16h40 (C-2'247 ; C-2'464).

A______ présentait une amputation subtotale de l'extrémité distale du cinquième doigt de la main droite, avec une luxation de l'ongle et une fracture de la phalange distale. Il a expliqué s'être blessé en tentant de s'agripper à une clôture en fil, après avoir glissé alors qu'il se promenait (C-2'021 ; C-2'249).

T______ a indiqué que A______ lui avait demandé un pansement plus tôt dans la journée, de sorte qu'elle avait constaté qu'il était blessé à un doigt, sans qu'ils n'en discutent davantage (C-2'663).

e.b. Le lundi 29 février 2016, A______ s'est fait prescrire du Xanax (C-2'244).

Le même jour, il est revenu à Genève et a jeté la literie du lit conjugal, soit à tout le moins les draps, la housse du duvet et les taies d'oreillers (C-2'260 ; C-2'307 ;
C-2'388). T______ a confirmé que son beau-père lui avait demandé, au préalable, si cela la dérangeait qu'il enlève les draps, ce à quoi elle avait répondu par la négative. Ils s'étaient tous deux rendus au domicile de K______ ce jour-là, afin de relever des effets personnels (C-2'663). A______ n'a pas débarrassé les affaires personnelles de son épouse (C-2'341 ss ; C-2'329 ; C-2'354).

De l'autopsie du corps de K______ et de sa mise en sûreté

f.a. Le 29 février 2016, l'autopsie de K______ a été réalisée au CURML. D'après le rapport préliminaire établi le 2 mars 2016 par la Dresse AJ______, médecin cheffe de clinique et spécialiste en médecine légale (B-10), cet examen a notamment révélé :

-                        de multiples petites dermabrasions du visage, en région périnasale, péribuccale et mandibulaire gauche, du coude gauche et de la main gauche ;

-                        de multiples petites plaies superficielles et ecchymoses de la muqueuse labiale et buccale ;

-                        une infiltration hémorragique sous-cutanée de l'angle mandibulaire gauche ;

-                        une infiltration hémorragique d'un ganglion mandibulaire et du muscle masséter, à gauche ;

-                        plusieurs ecchymoses en forme circulaire, regroupées, des membres supérieurs ;

-                        une infiltration hémorragique des muscles triceps et biceps à droite ;

-                        des traces de sang séché au niveau de la main gauche, qui se révélera être celui de A______ (C-2'120) ;

-                        des pétéchies des téguments et de la muqueuse des bassinets ;

-                        un emphysème pulmonaire ;

-                        un corps étranger dans la bronche souche gauche (ayant l'aspect d'une plume) ;

-                        une congestion viscérale.

Le CURML indiquait, comme conclusion provisoire, que la cause du décès était indéterminée, mais que l'hypothèse d'une asphyxie mécanique par suffocation ("obstruction oronasale") devait être évoquée. Des examens complémentaires, notamment toxicologiques et histologiques, étaient en cours. Le cerveau de la défunte a été prélevé en totalité pour un examen neuro-pathologique ultérieur (B-10).

f.b. Le 1er mars 2016, la Dresse AJ______ a contacté la police et le MP pour leur faire part d'éléments "inquiétants" constatés lors de l'autopsie, soit notamment la présence d'importants hématomes au niveau des membres supérieurs de la défunte lesquels évoquaient les séquelles d'une saisie manuelle de légères dermabrasions dans la partie basse du visage (autour du nez et de la bouche), des pétéchies (atypiques) et la présence d'une plume dans les voies aériennes (B-12).

À la demande de la police, la Dresse AJ______ a contacté le Centre Médical [du quartier] de AK______, où la défunte avait été examinée à deux reprises courants 2015, lequel a confirmé qu'aucun hématome ou problème de peau n'avait été relevé chez cette dernière (B-12).

f.c. Après avoir ordonné la libération du corps de K______ et sa remise à sa famille le 1er mars 2016 (B-7), le MP a ouvert une instruction pénale à l'encontre de A______ le lendemain (C-2'000).

f.d. Par courrier adressé le 17 mars 2016 au MP, le conseil de A______ a sollicité que le corps de K______ soit acheminé de la maison funéraire au CURML, afin d'y être conservé en milieu réfrigéré en vue d'un éventuel complément d'expertise (C-2'027), interrompant ainsi le processus d'incinération (C-2'239).

f.e. Par ordonnance du 18 mars 2016, le MP a ordonné la rétention et la mise en sûreté du corps de K______ au CURML, où il se trouve depuis lors (C-2'028).

Des analyses ADN réalisées

g.a. La trace de sang séché décelée sur le membre supérieur gauche de K______ présentait un profil ADN de mélange, dont la fraction majeure correspondait au profil ADN de A______ (C-2'120 ; C-2'128).

g.b. La présence de sang humain pour le prélèvement sous-unguéaux de la main droite de K______ s'était révélée négative, mais positive pour la main gauche. L'analyse des deux prélèvements avait mis en évidence des profils ADN de mélange de deux personnes, comprenant ceux de la victime et de A______ (C-2'234).

g.c. Le frottis buccal externe effectué sur K______ a détecté du sang et n'a mis en évidence que le profil ADN de celle-ci (C-2'234).

g.d. S'agissant de la tache constatée sur le tapis de la chambre des époux A______/K______, la recherche de la présence d'urine s'est révélée non concluante, ce qui pouvait s'expliquer par la présence d'une très faible quantité du fluide. Le prélèvement a mis en évidence un profil ADN de mélange, comprenant ceux de la victime et de A______ (C-2'234).

g.e. La trace rouge retrouvée par la police sur l'autre coussin que celui utilisé par la défunte contenait de l'ADN correspondant au profil de A______ (C-2'046 ; C-2'123 ; C-2'129).

g.f. La trace de sang sur le matelas contenait de l'ADN correspondant au profil de K______ (C-2'126 ; C-2'129).

g.g. La recherche de la présence de sang humain pour le prélèvement effectué le 4 mars 2016 sur les clous saillants de la clôture extérieure, à l'endroit où A______ indiquait être tombé, s'est révélée négative, aucun ADN n'ayant pu être mis en évidence (C-2'215 ; C-2'261).

g.h. Le frottis de la narine de K______ a détecté du sang et a mis en évidence le profil ADN de celle-ci, à l'exclusion d'un profil masculin (C-2'596-C2'597).

De l'audition des secouristes intervenus le ______ février 2016

h.a. À la police (C-2'195 ss) et au MP (C-2'469 ss), le Dr AH______ a notamment ajouté avoir, lors de son intervention le ______ février 2016, procédé à un statut "tête-pied" de K______ et ne pas avoir constaté d'hématome ou de sang sur sa tête. Il avait examiné la région occipitale, sans rien noter de particulier. Les lèvres de sa bouche étaient intactes. Il n'y avait pas de blessure au niveau du cou. Il n'avait rien vu d'anormal sur les bras, ni sur les jambes, et en particulier pas d'hématomes. D'ailleurs, il n'avait pas mentionné d'ecchymoses dans son rapport.

Par la suite, en revisualisant la scène, il a indiqué qu'il s'était peut-être fait la réflexion, qu'au niveau des bras, la couleur de la peau n'était pas pareille, étant un peu plus rouge. Il avait songé qu'il y avait déjà des ecchymoses sur les bras, mais que la pièce était sombre, si bien qu'il avait mal vu. Il n'avait toutefois rien observé de semblable à ce qui était visible sur la planche photographique du corps soumise. Il a ajouté que dans la bouche, au niveau des gencives, il y avait un peu de sang coagulé. Il n'avait pas noté la présence de dermabrasions sur le visage.

Il se remémorait également avoir remarqué la présence de trois taches rouges, de la taille d'un ongle de pouce, qu'il avait attribué à des traces de sang, sur le carrelage de la salle de bain, devant la cabine de douche. Il a d'abord indiqué ne pas en avoir fait état à A______, puis que ce dernier lui les avait signalées, avant de ne pouvoir le certifier.

A______ lui avait paru très touché par l'annonce formelle du décès de son épouse. Lorsqu'il lui avait en outre fait part de sa décision de délivrer un constat de décès, plutôt qu'un certificat de décès, la mort de K______ n'étant pas attendue ni complètement claire, A______ n'avait pas paru choqué ni contrarié et lui avait répondu qu'il devait faire ce qu'il s'imposait. Il n'avait pas pour autant nourri de soupçons de mort suspecte. Ses supérieurs n'avaient toutefois pas adhéré à la version d'un AVC au vu de la rapidité du décès.

h.b. AI______ a déclaré que la défunte présentait des lividités cadavériques au niveau dorsal, ce qui signifiait que le décès était survenu depuis un petit moment, dans la mesure où celles-ci apparaissaient entre une et trois heures après le décès, suivant la température et l'environnement. Il avait également observé des rigidités naissantes, remarqué des taches de sang sur le sol de la salle de bain ainsi qu'une trace d'urine. Il n'avait pas constaté d'ecchymoses flagrantes sur la défunte, ni de blessure sur A______ (C-2'609 ss).

h.c. AL______ et AM______, autres ambulanciers intervenus, ne se souvenaient pas avoir remarqué de lésion sur la défunte ou sur A______ (C-2'647).

De l'examen médico-légal de A______

i.a. Le 4 mars 2016, après les funérailles de K______, A______ s'est présenté à la police pour un examen de lésions traumatiques sur sa personne. Informé des résultats des analyses du sang sur la main de la défunte, il a immédiatement indiqué que ce sang devait être le sien car il s'était blessé au petit doigt la nuit du décès en allant chercher le courrier à minuit, ce qu'il a également expliqué au médecin légiste l'ayant examiné. Après avoir indiqué à la police qu'il n'avait pas mis de pansement pour "laisser sécher la plaie" (C-2'048), il a expliqué au médecin légiste avoir mis un pansement sur sa blessure en rentrant, avant de l'enlever pendant la nuit, son doigt ne saignant plus (C-2'245). Lorsqu'il avait "soulevé" son épouse, inconsciente, pour la mettre dans son lit, la blessure s'était rouverte et il avait saigné abondamment
(C-2'047-C-2'048 ; C-2'245).

i.b.a. D'après le rapport d'expertise établi le 8 août 2016 par la Dresse AN______, médecin légiste, et le Dr AO______, médecin légiste adjoint, auprès du CURML, A______, dont le gabarit était alors de 110 kg pour 194 cm (C-2'245), a fait l'objet d'un examen de lésions traumatiques les 4 et 10 mars 2016 (C-2'243). Il en ressortait que les lésions suivantes pouvaient entrer chronologiquement en lien avec les faits survenus entre le soir du 27 et le matin du ______ février 2016 : des rougeurs et des croûtes au niveau du cuir chevelu et du visage (front et régions temporales), une petite dermabrasion linéaire au niveau du dos de la main gauche, trois croûtes au niveau du dos de la main droite et une croûte au niveau du dos de la main gauche, ainsi que la plaie à bords irréguliers en voie de cicatrisation au niveau du cinquième doigt de la main droite (C-2'250).

A______ indiquait avoir subi un traitement dermatologique au niveau du visage pour des "taches cutanées" jusqu'au 27 février 2016 (C-2'244). D'après l'attestation médicale établie le 6 février 2017 par le Professeur AP______, dermatologue à Soleure, il avait consulté les 5 et 15 février 2016, ainsi que le 2 mars 2016, dans le cadre d'un traitement pour une kératose actinique. Ce traitement avait pour effet de causer des rougeurs et des croûtes hémorragiques, comme cela apparaissait sur les photographies de A______ prises le 4 mars 2016 (C-2'248 ; C-2'590-C-2'591). Selon R______, A______ avait des rougeurs sur le visage le vendredi 26 février 2016, suite à ce traitement (C-2'330).

Les médecins légistes ont conclu que la lésion au cinquième doigt de la main droite était la conséquence d'un traumatisme contondant, compatible avec le mécanisme allégué par A______. Les dermabrasions étaient trop peu spécifiques pour en déterminer l'origine. Elles étaient la conséquence de traumatismes contondants, avec une composante tangentielle. Les rougeurs cutanées et les croûtes au niveau du visage pouvaient s'expliquer par des lésions dermatologiques (C-2'251 ; C-2'591).

i.b.b. Les clichés de A______, produits par les médecins légistes, démontrent qu'il avait notamment des croûtes rougeâtres sur la tempe droite (C-2'580-C-2'581 ; C-2'585).

i.c. Devant le MP (C-2'578 ss), la Dresse AN______ a précisé que la fracture sous-capitale avait pu survenir à la suite d'une chute, avec un impact violent sur le doigt, ou en tentant de se rattraper lors de celle-ci (C-2'579). Les explications de A______ concernant la survenance de sa lésion au cinquième doigt le 27 février 2016 étaient compatibles avec les constatations des médecins légistes. La blessure sur le dos de sa main gauche pouvait correspondre à une trace de frottement, de grattage ou une griffure. Les lésions sur son visage pouvaient être le résultat de griffure ou de grattage, en particulier au niveau de la tempe droite, et étaient compatibles avec son traitement. Celles sur sa jambe droite pouvaient être des traces de grattage, survenues entre le ______ février et l'examen du 4 mars 2016 (C-2'580-C-2'581).

De la perquisition des lieux

j.a. Une perquisition de l'appartement de J______ a eu lieu le 4 mars 2016 (C-2'258).

Dans la chambre à coucher se trouvaient un lit double avec une table de nuit de chaque côté, ainsi qu'une chaise. Un duvet, contenant des plumes (C-2'263), et deux coussins, l'un en mousse et l'autre en plumes étaient placés sur le lit double
(C-2'260). Deux autres coussins, à plumes, étaient disposés sur le canapé dans le séjour (C-2'260 ; C-2'263). La comparaison de la plume (P001) retrouvée dans les voies respiratoires de K______ avec celles des plumes de ces trois coussins et du duvet ne permettait pas d'exclure l'une ou l'autre de ces quatre sources (C-2'263 ;
C-2'264).

Outre la tache de sang dans le coin de l'oreiller rempli de plumes de A______ (oreiller P002 ; C-2'263), qui était le sien d'après les analyses C-2'123), la police a découvert deux petites plumes sur le sol de la chambre à coucher (C-2'262).

Les analyses effectuées ont en outre confirmé la présence d'une petite tache de sang sur les catelles de la salle de bain, vers la douche, sans pouvoir déterminer s'il s'agissait d'un mélange de sang ou uniquement de sang masculin ou féminin. Les profils ADN de A______ et K______ étaient compris dans le profil ADN de mélange (trace no 12/T011, C-2'262 ; C-2'268 ; C-2'638).

17 traces ont réagi au Luminol (C-2'556 ss), sans que les tests effectués mettent en évidence la présence de sang humain dans la plupart de ces traces, soit en raison de la quantité infime de sang, soit encore en raison de l'absence de sang, des réactions positives étant connues pour l'eau de javel, la peroxydase contenue dans certains légumes ou dans certains métaux (C-2'262 ; C-2'638 ; C-2'831).

Les policiers ayant procédé aux analyses effectuées avec le Luminol ont indiqué ne pas avoir constaté de trace de nettoyage évidente sur le sol de la salle de bain
(C-2'832), ni dans la chambre, excepté s'agissant du retrait de la literie (C-2'835).

j.b. La boîte aux lettres des époux A______/K______ se situe sur le chemin 1______, à environ 60 mètres de l'appartement. Pour y accéder, il faut descendre les escaliers extérieurs d'accès à l'appartement, traverser une zone de parking en gravier, poursuivre sur un chemin en dalles, parcourir un chemin non goudronné, lequel passe devant le chantier de la villa incendiée, sur la droite, protégé par une barrière en bois, dont plusieurs éléments métalliques sont saillants (C-2'259 ; C-2'270 ; C-2'836 ss ;
C-2'914 ss ; C-3'001 ss).

T______ a confirmé que sa mère recevait un grand nombre de correspondance, étant abonnée à beaucoup de journaux (C-2'662).

Aucune trace de sang n'a été relevée tant sur la barrière qu'aux alentours du trajet effectué par A______, ainsi que sur les clous saillants de la clôture, à l'endroit où ce dernier indiquait être tombé, étant précisé qu'il pleuvait le 4 mars 2016, ce qui pouvait réduire la persistance de traces ADN en milieu extérieur (C-2'261 ; supra, let. B.g.g.).

j.c. Les objets suivants ont été séquestrés et portés aux inventaires : le coussin taché de sang et le duvet blanc figurant sur le lit des époux A______/K______, ainsi que les deux coussins se trouvant sur leur canapé (chiffres 1 à 4 de l'inventaire n°5______) ; la serpillère blanche, le torchon blanc et la serviette blanche saisis dans la buanderie, ainsi que les deux plumes retrouvées sur le sol à côté du lit (chiffres 1 à 5 de l'inventaire n°6______) ; le morceau de tapis blanc découpé dans la chambre à coucher (chiffre 1 de l'inventaire n°7______) ; la liseuse AG______ contenue dans la fourre bleue ainsi que celle contenue dans la fourre noire (celle utilisée par A______ ; C-2'959-C'2960 ; C-3'016) (chiffres 1 et 2 de l'inventaire n°8______).


 

Des déclarations de A______ durant l'instruction

k.a.a. Le 10 mars 2016, A______ a été entendu par la police (C-2'068 ss), qui lui a indiqué, dans un premier temps, que la cause du décès de K______ n'avait pas encore pu être clairement établie par les médecins légistes.

A______ a exposé avoir eu une belle entente et une bonne complicité avec son épouse. Il l'avait épousée alors qu'il s'était promis de ne plus jamais se marier après son divorce.

Le samedi 26 février 2016, lors de leur retour vers 23h00, il était allé chercher le courrier dans la boîte aux lettres installée en bordure de route, à l'entrée de la propriété. Alors qu'il faisait sombre et qu'il tentait d'éviter des flaques d'eau, il avait glissé, basculé en arrière et agrippé la barrière qui longeait le chemin avec la main droite, ce qui lui avait occasionné sa blessure au doigt. De retour à l'appartement, il avait remis le courrier à son épouse, mis son doigt sous l'eau froide et y avait apposé un pansement. Sur le moment, cette blessure, qui ne saignait pas abondamment, était pour lui de peu d'importance.

Il avait ensuite lu quelques pages sur sa tablette AG______, puis s'était endormi, alors qu'il lui semblait que son épouse dormait déjà. Son sommeil avait été interrompu en entendant un bruit, qui l'avait réveillé, un peu brusquement, vers 05h30. Tendant le bras vers son épouse, il avait constaté qu'elle ne se trouvait pas à ses côtés. Remarquant que la porte de la salle de bains était ouverte, il avait allumé sa lampe de chevet, fait le tour du lit et vu son épouse, nue, au sol, le visage contre le carrelage, tandis que ses jambes étaient dans la chambre. Il s'était penché vers elle, l'avait touchée et sa température lui semblait normale.

Il avait alors eu pour seul désir de replacer son épouse dans le lit. Il ne se rappelait plus précisément quelles manœuvres il avait effectuées à cet effet pour la soulever. Il avait glissé ses bras sous ses aisselles, sans se souvenir s'il l'avait saisie par les épaules ou les bras avec ses mains. Avec peine, il était parvenu à l'asseoir sur le bas du lit, l'avait maintenue dans cette position tout en faisant le tour du lit, puis était monté sur celui-ci et l'avait hissée vers le haut pour la coucher sur le dos. Lorsqu'il l'avait lâchée, il avait constaté que son épouse n'était plus en vie. Elle ne respirait plus et n'avait plus de battements cardiaques, de sorte qu'il avait compris qu'elle était décédée. Il l'avait pleurée.

C'était en soulevant son épouse qu'il avait ressenti une douleur dans son doigt et que la blessure avait saigné abondamment. N'ayant plus de pansement, qu'il avait dû perdre au cours de la nuit, il avait emballé son doigt dans des kleenex saisis sur sa table de nuit, sans remarquer que son sang s'était écoulé sur le sol de la salle de bains, ce qu'il ne pouvait pas exclure. Il n'avait procédé à aucun nettoyage.

En raison d'un traitement dermatologique, il avait souffert de croûtes à la tête, qui avaient pu occasionner des saignements sur son oreiller.

Il avait appelé T______ environ un quart d'heure après son réveil et les manœuvres décrites. Confronté au fait qu'il s'était écoulé plus d'une heure entre son réveil à 05h30 et son appel à sa belle-fille (à 06h37), il a rétorqué qu'il n'avait pas de repère précis pour déterminer l'heure à laquelle il s'était concrètement levé.

Après coup, il avait remarqué, sur la moquette entre les deux pièces, un écoulement qui, d'après l'odeur, paraissait être de l'urine. Il avait également constaté qu'une tache, ressemblant à un liquide incolore contenant du sang, se trouvait au milieu du lit. Le lundi suivant, en parlant avec T______, ils avaient jugé opportun de jeter les draps du lit. Il n'avait aucune explication quant à la présence d'une plume dans les voies respiratoires de son épouse. À son sens, l'édredon, non composé de plumes, était synthétique. Il se souvenait que la veille au soir, son épouse avait toussé de temps à autre, sans que cela ne soit pire que d'habitude.

k.a.b. Informé par la police de l'hypothèse des médecins légistes quant à une mort par asphyxie mécanique par suffocation ("obstruction oronasale"), A______ a indiqué n'avoir aucune explication et en être abasourdi.

Interrogé quant au fait de savoir si son épouse s'était blessée les jours précédents, il a répondu que celle-ci marquait facilement, sans qu'il n'ait lui-même constaté quoi que ce soit de particulier. Son conseil lui ayant alors demandé si la nature de leurs relations sexuelles serait à même d'occasionner certaines blessures, A______ a répondu que leurs derniers rapports intimes remontaient au matin du vendredi 26 février et qu'il lui arrivait de tenir fort les mains ou les bras de sa partenaire, tandis qu'elle pouvait le griffer. Leur dernier rapport avait été intense, mais K______ était un peu habituée à cela. Il était déjà arrivé que son épouse ait quelques ecchymoses après leurs étreintes. Informé de la constatation d'importantes ecchymoses sur les mains et les avant-bras de son épouse, ainsi que de dermabrasions sur le bas de son visage, A______ a relevé que le vendredi matin, cela faisait deux jours qu'il ne s'était pas rasé.

k.b. Devant le MP le 11 octobre 2016 (C-2'302 ss), A______ a nié avoir tué son épouse, en confirmant ses premières déclarations et a indiqué ne pas avoir d'explication à fournir en rapport avec les conclusions du rapport d'autopsie du 16 septembre 2016 (infra, let. B.m.a).

Il n'avait pas immédiatement appelé les urgences lorsqu'il avait constaté que son épouse était décédée, car cela ne servait plus à rien. Entre la découverte de K______ sur le sol de la chambre et son téléphone à T______, il n'avait que pleuré. À son sens, K______ présentait des ecchymoses et des dermabrasions au visage ainsi qu'aux membres du fait des manipulations qu'il avait effectuées pour la remettre au lit, en la saisissant par les poignets, fort, comme elle était lourde. Informé que, d'après le rapport d'autopsie, les lésions avaient été causées avant la mort de K______, il a indiqué n'avoir alors qu'une seule explication, d'ordre intime, liée à leurs rapports sexuels, que son épouse aimait être pratiqués avec force, de sorte qu'il l'avait souvent tenue par les poignets. Il n'avait constaté aucune lésion au visage de son épouse et ne pouvait dès lors pas les expliquer. Il avait lui-même pris un somnifère avant de dormir.

K______ et lui n'avaient pas eu de différents d'ordre financier.

Depuis le décès de son épouse, il s'était rendu en Autriche, chez des amis, puis à une assemblée générale à Bruxelles en avril, à AQ______ [Italie] en mai, pour ses activités liées à la fondation pour la garde pontificale et en France, chez des amis. En août 2016, il était allé avec son fils à AR______ [Royaume-Uni], puis chez des amis en Espagne. Quinze jours auparavant, il était parti à BA______ [Italie], pour préparer le mariage de son fils, prévu en 2017.

k.c. Le 2 novembre 2016 devant le MP (C-2'386 ss), A______ a expliqué s'être rendu à Soleure le ______ février 2016, principalement pour voir ses enfants, ceux-ci ayant manifesté ce souhait à la suite des faits survenus la veille. Il en avait également éprouvé le besoin.

Il avait constaté des taches de sang sur la taie de son oreiller avant de la jeter. Au vu des saignements provenant des croûtes qu'il avait sur le visage, K______ la lui changeait auparavant quasiment tous les jours.

Durant la nuit du ______ au ______ février 2016, en raison de sa prise tardive de Stilnox (n.d.l.r. somnifère), il s'était trouvé dans un état comateux, raison pour laquelle il ne s'était pas soucié de l'heure à son réveil.

Des témoignages des proches des époux A______/K______

l.a. Dès le début de la procédure, les enfants de K______ n'ont pas cru à l'hypothèse d'un meurtre et se sont accordés sur le fait que leur mère était très éprise de A______, et réciproquement. Aucun élément n'était de nature à faire douter de leur harmonie (C-2'322), et ils avaient en outre été témoins de la tristesse de A______ après le décès de leur mère (C-2'331 ; C-2'345 ; C-2'357).

l.b. AS______, ex-épouse de A______, a indiqué n'avoir vécu aucun épisode de violence, que ce soit physique ou verbale, de la part de ce dernier. Elle avait décidé de le quitter parce qu'ils s'étaient éloignés l'un de l'autre émotionnellement. Elle avait été abasourdie d'apprendre la procédure dirigée contre son ex-mari (C-2'323). Si A______ pouvait se mettre en colère si quelque chose l'énervait, il n'était en revanche pas impulsif (C-2'367).

Des conclusions des experts judiciaires

m.a.a. Le 16 septembre 2016, les Dresses AJ______ et AT______, ainsi que les Professeurs AU______ et AO______, spécialistes en médecine légale auprès du CURML (ou ci-après : les experts judiciaires), ont rendu leur rapport d'autopsie médico-légale, suite à l'examen du corps de K______ pratiqué le 29 février 2016 dès 10h30 (C-10'002 ss).

Les experts ont exclu que la cause du décès de la précitée puisse être d'origine naturelle. Au vu du tableau lésionnel, ils ont conclu que le décès était survenu à la suite d'une asphyxie mécanique, par suffocation (obstruction nasale et buccale). Il s'agissait, par ailleurs, d'une hétéro-agression et l'auteur avait utilisé un objet souple contenant des plumes à cet effet. L'ensemble des lésions ne s'expliquait pas par une chute au sol (C-10'026 – C-10'028).

Les experts ont, en particulier, fait les constatations suivantes, en relation avec un mécanisme de suffocation : la présence d'un corps étranger dans la bronche souche gauche de la défunte (ayant l'aspect d'une plume d'environ 4,5 cm de longueur), qui ne pouvait s'expliquer que par un phénomène actif d'inspiration ; un emphysème pulmonaire aigu, de multiples petites dermabrasions du visage (en région périnasale, péribuccale et mandibulaire gauche), d'aspect frais ; de multiples petites plaies superficielles et ecchymoses de la muqueuse labiale et buccale, d'aspect frais ; une infiltration hémorragique sous-cutanée de l'angle mandibulaire gauche, d'aspect frais ; une infiltration hémorragique au pourtour d'un ganglion sous-mandibulaire et du muscle masséter, à gauche, d'aspect frais (C-10'024 - C-10'026). Les lésions traumatiques suivantes avaient également un caractère frais : des dermabrasions du coude gauche et de la main gauche ; plusieurs ecchymoses en forme arrondie et ovalaire, regroupées, des membres supérieurs ; quelques ecchymoses de la jambe gauche, de la cheville droite et du pied droit ; une infiltration hémorragique des muscles triceps et biceps à droite ; quelques suffusions hémorragiques de la face profonde du cuir chevelu à gauche (C-10'024).

Une trace évocatrice de sang séché, d'aspect glissé (de type essuyage), a par ailleurs été décelée au niveau du membre supérieur gauche. Celle-ci contenait un mélange d'ADN, dont la fraction majeure correspondait au profil de A______ et la fraction mineure à celui de K______ (C-10'024 ; C-10'027).

Une petite plaie superficielle était relevée au niveau de la région externe de la petite lèvre de la vulve à droite, légèrement saignante au contact, située au fond d'un pli
(C-10'006).

La petite dermabrasion du dos de la main gauche était une lésion traumatique contuse, à composante tangentielle. Elle était trop peu spécifique pour pouvoir se prononcer sur son origine précise (objet heurtant le corps ou contre lequel le corps est heurté ; C-10'026).

Les ecchymoses constatées étaient également des lésions traumatiques contuses (objet heurtant le corps ou contre lequel le corps est heurté ou encore préhension ferme). La forme et la localisation de la plupart de celles-ci, constatées aux membres supérieurs, évoquaient des préhensions fermes. Certaines pouvaient être interprétées comme des lésions défensives, en particulier celles situées au niveau du dos des mains, poignets et des avant-bras (C-10'026).

Celles présentes sur les membres supérieurs, ainsi que les infiltrations hémorragiques sous-cutanées et musculaires, étaient vitales et fraîches, de sorte qu'elles étaient survenues peu avant le décès (C-10'019).

Les analyses toxicologiques et de chimie clinique effectuées n'ont rien révélé de particulier, si ce n'est la présence de trazodone (substance active de l'antidépresseur Trittico) et de duloxétine (substance active de l'antidépresseur Cymbalta), en concentration compatible avec le traitement prescrit à la défunte (C-10'026 ;
C-10'027 ; C-10'035 ; C-10'040).

Différents organes ont été prélevés pour des examens complémentaires (C-10'014). Le cerveau était sans lésion macroscopique et microscopique (C-10'015 ; C-10'030 ; C-10'031) et l'analyse du cœur sans particularité (C-10'015).

S'agissant du moment de la survenance du décès, les experts ont indiqué qu'il n'était pas possible de le déterminer précisément, en l'absence de constatations spécifiques effectuées sur place. Aucun élément n'entrait en contradiction avec l'hypothèse d'un décès survenu vers 05h45 le ______ février 2016. Cela étant, les constatations du médecin cardiomobiliste étaient plutôt évocatrices d'un décès survenu plusieurs heures avant son intervention à 07h07. La survenue d'une rigidité précoce pouvait toutefois être également envisagée à la suite d'un effort physique intense (C-10'021 ; C-10'027).

m.a.b. Les photographies du corps de K______ (C-10'042 ss) montrent notamment des ecchymoses flagrantes au niveau de ses bras, poignets et mains (C-10'043 ; C-10'051-C-10'060).

m.b. Lors de leur audition devant le MP les 10 novembre 2016 (C-2'418 ss), 8 décembre 2016 (C-2'485), 31 janvier 2017 (C-2'566), 5 juillet 2017 (C-2'675 ss) et 17 octobre 2017 (C-2'692), les experts judiciaires ont relevé que différentes hypothèses liées à un décès naturel avaient été explorées, puis écartées (C-2'422 ;
C-2'678).

Bien que la prise d'aspirine cardio ne favorisait pas l'apparition d'ecchymoses, elle pouvait les rendre plus importantes (C-2'423). Le tableau lésionnel de K______ était extrêmement complet pour un cas d'aspyhxie mécanique par obstruction naso-buccale, de sorte qu'il s'agissait "d'un cas d'école" (C-2'424). Aucun élément n'appuyait l'hypothèse d'une chute de K______ au sol peu de temps avant ou au moment de son décès (C-2'488 ; C-2'679 ; C-2'698). La forme et la disposition des ecchymoses constatées sur les membres supérieurs évoquaient des préhensions fermes, faites avec "une certaine énergie", la force déployée par l'agresseur dépendant de sa corpulence (C-2'567). Les lésions étaient plus profondes à droite, tandis qu'à gauche elles restaient dans les tissus sous-cutanés. L'aspect des lésions était similaire, de sorte qu'elles devaient avoir été causées dans un laps de temps très réduit (C-2'489).

La température rectale n'avait pas été prélevée, dès lors qu'aucun médecin légiste n'était intervenu lors de la levée du corps, ce qui empêchait d'établir avec précision l'heure du décès (C-2'425).

Le décès d'une personne par obstruction naso-buccale n'était pas instantané, mais précédé d'une perte de connaissance. Un intervalle de temps entre quatre et cinq minutes paraissait vraisemblable, étant relevé que le décès pouvait survenir plus rapidement si la personne luttait (C-2'426). Les experts estimaient la durée de l'agression jusqu'au décès de trois à six minutes (C-2'567).

Une perte d'urine pouvait survenir suite au relâchement des tissus au moment du décès ou avant celui-ci en cas de souffrance cérébrale. En tout état de cause, il s'agissait d'un élément aspécifique, qui ne donnait en soi aucune indication sur la cause de la mort (C-2'490 ; C-2'678).

La plume retrouvée dans la bronche n'avait pas provoqué le décès, mais constituait un élément supplémentaire appuyant l'hypothèse d'asphyxie par occlusion des voies aériennes. Il s'agissait d'un signe de vitalité démontrant qu'il y avait eu un mouvement d'aspiration, ainsi qu'un indice de l'objet utilisé pour provoquer l'asphyxie (C-2'490 ; C-2'568). Les experts ont d'abord indiqué qu'il n'était pas possible d'établir à quel moment, par rapport à la survenance du décès, la plume avait été inhalée. L'inhalation d'une telle plume avait nécessairement provoqué des symptômes, sous forme d'une toux persistante et forte. Par la suite, ils ont précisé qu'en l'absence de toux consécutive à l'inhalation de la plume, on pouvait en déduire que le décès était survenu très peu de temps après. L'inhalation d'un corps étranger provoquait en effet immédiatement une très grosse toux, pouvant nécessiter une prise en charge médicale en urgence (C-2'569). Aucune manifestation d'une inflammation témoignant de la présence prolongée de la plume dans les bronches n'avait été constatée. Pour les experts, le fait qu'une réaction inflammatoire n'ait pas eu le temps de se produire signifiait que K______ était décédée rapidement après l'inhalation de cette plume (C-2'571).

L'expression "aspect frais" indiquait que le moment de la survenance des lésions était intervenu jusqu'à quelques heures avant le décès, du vivant de la personne, ce qui infirmait le fait qu'elles puissent être consécutives à la manipulation d'un corps décédé (C-2'680). Les dermabrasions du visage et les plaies de la muqueuse labiale et buccale résultaient d'un mouvement de frottement (C-2'491). L'hémorragie autour du ganglion pouvait être due à un traumatisme tel qu'une lésion contuse ou une pression locale importante. Les lésions profondes, telles que celle d'aspect légèrement hémorragique à la musculature paramédiane droite de la lèvre inférieure et l'infiltration hémorragique du muscle masséter gauche, pouvaient avoir été provoquées par un traumatisme contendant, une pression forte ou un coup porté. Les ecchymoses au niveau de la lèvre supérieure des deux côtés et l'infiltration hémorragique à proximité de la commissure labiale à gauche étaient des lésions contuses, soit des lésions traumatiques provoquées par un choc ou une pression locale forte. Les lésions avaient été causées avant le décès (C-2'492). Celles sur les avant-bras, les poignets et les mains pouvaient être considérées comme étant défensives. Leur localisation et leur forme faisaient penser à un geste de préhension ferme. Les autres lésions constatées sur le dos des mains pouvaient provenir d'un geste défensif, tel qu'un barrage de coups (C-2'493). En définitive, les traumatismes constatés sur la peau, les lèvres, la muqueuse buccale et la musculature étaient des lésions consécutives à un mécanisme de compression dans la région péri-nasale et péri-buccale (C-2'567). Elles étaient ainsi compatibles avec un mécanisme d'asphyxie par obstruction oro-nasale. L'asphyxie provoquait des lésions cérébrales induisant le décès. Il pouvait y avoir un bref état d'inconscience consécutif à celle-ci (C-2'681). À cela s'ajoutait qu'à l'histologie, des signes d'emphysème aigu avaient été constatés (C-2'568).

Dans le cadre du processus de suffocation par obstruction oro-nasale, les mécanismes de préhension et de défense se recoupaient. En effet, pour se défendre, la victime essayait de se dégager et l'auteur créait le geste hétéro-agressif en l'empêchant de le faire. Le geste hétéro-agressif était ainsi en même temps un geste de préhension ferme. Il s'agissait d'un cadre dynamique, pouvant entraîner un mélange de lésion défensive et de préhension (C-2'704). L'auteur n'avait pas forcément étouffé et tenu les mains de la victime en même temps (C-2'705), le mécanisme ayant pu se dérouler en plusieurs phases. La médecine légale distinguait la défense active, lors de laquelle la victime utilisait ses mains pour bloquer son agresseur, cas dans lequel ses paumes étaient exposées face à l'agresseur, de la défense passive, lorsque la victime se contentait de protéger son visage en montrant le dos des mains face à l'agresseur. Dans le cas présent, il ne s'agissait certainement pas de défense active (C-2'705).

Aucune trace de morsure, ni lésion traumatique, n'avait été décelée sur la langue de K______ (C-2'566-C'2'567). Aucune lésion n'avait aussi été constatée au niveau du cou, région non concernée par le mécanisme d'asphyxie par obstruction naso-buccale (C-2'567).

D'après l'analyse toxicologique réalisée, les concentrations mesurées dans le sang post-mortem, compatibles avec une prise thérapeutique, n'étaient pas susceptibles d'entraîner un affaiblissement de la part du sujet (C-2'567).

Le cerveau de K______ avait été analysé en détail dans la mesure où l'hypothèse de décès avancée par les policiers après la levée du corps était un AVC (C-2'573). Cet examen n'avait cependant pas mis en évidence de lésion pathologique pouvant expliquer le décès (C-2'694). Le cœur de la défunte était dans la norme (C-2'574). Les experts n'avaient constaté aucun élément permettant de conclure qu'elle souffrait d'arythmie cardiaque (C-2'575 ; C-2'697).

m.c.a. Au cours de l'instruction, la défense a produit un "avis technique sur pièces" établi le 21 février 2018 par la Professeure E______, expert en médecine légale auprès de la Cour d'Appel de BN______ [France], réfutant les affirmations des experts judiciaires quant à l'exclusion de la survenance d'un AVC de K______ et concluant au fait que les dires de A______ ne pouvaient pas être rejetés (C-2'716).

m.c.b. Dans un complément d'expertise du 31 août 2018, après avoir pris connaissance de cet avis technique, les experts judiciaires ont confirmé leur rapport d'expertise (C-2'762).

De la reconstitution des faits

n.a. Le 28 janvier 2019, A______ a produit, devant le MP, un certificat médical daté du même jour et attestant du fait qu'en raison d'une intervention chirurgicale (prostato-vesiculectomie radicale) subie le 23 octobre 2018, il n'était pas en mesure de porter des charges de plus de 15 kg jusqu'au 28 février 2019 (C-2'902 ; C-2'903).

n.b. Le 29 janvier 2019, une reconstitution des faits a été filmée (C-2'963 ; C-2'965 ss).

Lors de celle-ci, A______ a, en substance, expliqué avoir tiré son épouse, inconsciente, par un bras, dans une manœuvre destinée à modifier la position qu'elle avait au sol, puis l'avoir trainée par terre. Elle s'était alors retrouvée allongée par terre sur la moquette, et il l'avait encore tirée par les poignets, les mains et les doigts pour l'adosser au lit. Il était monté sur le lit et l'avait prise par les bras et les mains, lui-même se trouvant derrière, pour la hisser sur le lit. Le tout devait avoir duré dix à quinze minutes. Confronté à ses déclarations à la police et à l'étroitesse des lieux, il a affirmé avoir envisagé de la prendre sous les aisselles.

Selon le film tiré de la reconstitution, il apparaît qu'il a été extrêmement difficile de déplacer le corps en reproduisant les gestes indiqués par A______, étant relevé que ce dernier s'est prévalu du certificat médical produit la veille pour ne pas effectuer lui-même la plupart des gestes.

n.c. Selon les experts, si certaines manœuvres décrites par le prévenu lors de la reconstitution pouvaient causer quelques-unes des lésions retrouvées sur le corps de la défunte, notamment les ecchymoses, celles-ci n'expliquaient pas l'ensemble du bilan lésionnel, notamment les lésions au visage et celles visibles dans la profondeur des muscles des membres supérieurs ni l'étendue des lésions hémorragiques constatées. Celles au visage devaient avoir été provoquées au moment de la suffocation. Les ecchymoses, d'aspect rond et regroupé, faisaient penser à des gestes de préhension. Il n'y avait pas de lésions de trainage. Les lésions constatées, fraîches et vitales, avaient été causées du vivant de K______ (C-3'068 ; C-3'069 ; C-3'073). Dans l'hypothèse où un objet était appuyé contre les voies respiratoires de la victime, cette dernière mettait en œuvre toute sa capacité inhalatoire, ce qui était susceptible d'expliquer la présence de la plume dans les voies aériennes (C-3'084). Un AIT ne pouvait pas être à l'origine du décès (C-3'065).


 

Des investigations financières

o. Des ordres de dépôt ont été adressés par le MP à différents établissements bancaires (C-20'000 – C-20'995). Aucun élément pertinent n'est ressorti des pièces bancaires produites par ceux-ci (C-20'000 – C-20'995), si ce n'est que, le 9 mars 2016, A______ a donné l'instruction à la banque AV______ de transférer, depuis le compte de son épouse – sur lequel il bénéficiait d'une procuration –, la somme de CHF 15'780.- à la société AW______ SA, gérant l'hôtel AX______ à AY______ [GE], où avait eu lieu la cérémonie d'hommage à K______ (C-2'668 ;
C-20'015 ; C-20'196 ; C-20'225).

Du résultat des écoutes téléphoniques

p. Du 1er mars 2016 (C-5'526) au 26 février 2019 (C-5'770-C-5'772), différents raccordements utilisés par A______ ont été placés sous écoute.

L'écoute des conversations de A______ n'a pas livré d'éléments intéressant véritablement l'enquête, hormis le fait que le précité s'épanchait sur son deuil auprès de ses interlocuteurs (C-3'256 ; C-5'536 ; 5'558 ; C-5'587 ; C-5'603 ; 5'620 ; C-5'639 ; C-5'658 ; C-5'681 ; C-5'776 ; pièce 1 chargé de pièces complémentaire de la défense du 26 février 2023).

Dans une conversation du 5 octobre 2017 avec AZ______, avec laquelle il a débuté une relation sentimentale dès septembre 2017, A______ a, en particulier, évoqué la dernière année passée avec K______, qu'il considérait, a posteriori, comme ayant été très difficile. Il y relatait les difficultés auxquelles son épouse avait été confrontée suite à l'incendie de sa maison et son changement après cet évènement. Il indiquait avoir voulu la rendre heureuse et lui donner de la joie, reconnaissant toutefois l'avoir également repoussée. Il exprimait avoir passé tout de même de beaux moments en sa compagnie, même si leur relation n'était plus la même et qu'ils ne partageaient plus autant de choses qu'avant (C-3'344 ; C-5'659).

Pour le reste, les écoutes n'ont pas permis de mettre en lumière un mobile du crime, ni d'orienter les enquêteurs sur les circonstances de la mort de K______ (C-5'776).

Des mesures de contrainte ordonnées à l'encontre de A______

q. A______ a été placé en détention provisoire le 11 octobre 2016 (Y-100), puis libéré sous mesures de substitution le 2 décembre 2016 (interdiction de quitter la Suisse et d’aliéner tout bien immobilier ; dépôt de toute pièce d'identité ; sûretés de CHF 4'000'000.-, ramenées à CHF 3'900'000.- en octobre 2018, puis à CHF 3'600'000.- en décembre 2020/janvier 2021 ; obligation de se présenter à toute convocation / Y-203 ; Y-523).

En raison des mesures de substitution ordonnées, et régulièrement prolongées notamment en raison du risque de fuite, A______ n'a pas pu effectuer certains déplacements à l'étranger, en particulier pour le mariage de son fils à BA______ [Italie] entre les 27 septembre et 3 octobre 2017 (Y-256 ; Y-260 C ;
Y-785 ; Y-2'043).

Des débats de première instance

r.a.a. Devant le TCR, A______ a persisté dans ses précédentes déclarations, soutenant que son épouse était décédée de mort naturelle. Le père de K______ était mort de la même manière que cette dernière, à savoir qu'il s'était levé la nuit et était tombé en raison d'un AVC. Il s'était opposé à une expertise psychiatrique sur sa personne, dès lors qu'il était innocent.

Les ecchymoses présentes sur les membres supérieurs de son épouse pouvaient avoir été causées lors de leurs relations sexuelles, ou plutôt en la soulevant, dès lors qu'il ne les avait pas remarquées avant le décès de celle-ci. K______, qui prenait de l'aspirine cardio, avait tout le temps des hématomes.

Il pouvait avoir taché son coussin avec son petit doigt ou ses problèmes dermatologiques. Après qu'il avait été informé de la libération du corps de K______ par la police pour ses funérailles, il avait jeté les draps de leur lit, comme cela se faisait habituellement dans sa famille.

Il avait veillé à passer plus de temps avec son épouse en raison de ses problèmes de santé. La dernière année avait été difficile, mais ces difficultés les avaient rapprochés.

Il avait maintenu de bonnes relations avec les enfants de son épouse après le décès de celle-ci.

r.a.b. La défense a notamment produit les expertises privées de la Professeure E______ du 16 février 2022, du Professeur F______, médecin auprès du Centre hospitalier universitaire de BB______ [Allemagne], du 14 mars 2022 et du Dr G______, médecin légiste auprès de l'Hôpital de BC______ [Canada], du 28 mars 2022, décrédibilisant en substance l'hypothèse d'une mort par asphyxie mécanique de K______.

r.b. Les experts judiciaires ont persisté dans leurs conclusions, les expertises privées produites ne les remettant pas en cause. Ils ont ajouté que les ecchymoses présentes sur les membres supérieurs de la défunte devaient être visibles lors de l'intervention du médecin-urgentiste, celles-ci apparaissant après quelques instants. Ce dernier pouvait toutefois ne pas les avoir remarquées dans la mesure où cela ne relevait pas de sa spécialité. Il était possible que la blessure au doigt de A______ résulte d'une morsure, mais elle n'en avait pas l'aspect typique. Renseignements pris par les experts auprès d'un spécialiste de la chirurgie de la main, ladite blessure était compatible avec les explications du prévenu, étant précisé qu'en cas de morsure, la blessure était plus sale et s'infectait, ce qui n'avait pas été le cas.

r.c. S______ et R______ ont indiqué ne pas avoir connaissance de la procédure, si ce n'est par le biais de A______ ou de son avocat, et ne pas croire à la culpabilité de ce dernier.

r.d. À l’issue des débats de première instance, le TCR a ordonné le placement de A______ en détention pour des motifs de sûreté. Ses demandes successives de mise en liberté ont, par la suite, toutes été rejetées.

C. De la procédure d'appel

Des révélations de A______

a. Le 31 janvier 2023, par l'intermédiaire de ses conseils, A______ a adressé une lettre à la Direction de la procédure d'appel (pièce 76, classeur II CPAR).

En substance, il y exposait qu'après discussion avec ses avocats et sa psychologue, BD______, il trouvait enfin le courage d'écrire pour "briser un secret". K______ et lui s'étaient aimés profondément et avaient été heureux jusqu'à ce que le "drame" survenu le ______ février 2016 détruise leur bonheur. Ce jour-là, "un accident" s'était produit et il avait été empêché d'en parler par honte.

En effet, K______ et lui faisaient souvent l'amour la nuit. Ils commençaient en douceur et ajoutaient, peu à peu, de la force à leurs ébats. Ils avaient pris l'habitude de pratiquer "des jeux sexuels, parfois extrêmes". K______ recherchait, en particulier, une sensation d'étouffement, avec la main ou autre chose, pratique qu'ils avaient ainsi adoptée régulièrement pendant des années, afin d'atteindre, tous deux, un orgasme plus intense. Ils s'étaient mis d'accord pour qu'elle lui signifie l'arrêt de cette pratique en tapant sur son bras, ce qui avait auparavant bien fonctionné.

Cela étant, alors qu'ils s'étaient à nouveau adonné à cette pratique la nuit du ______ février 2016, avec l'édredon, comme fréquemment, K______ ne lui avait fait aucun signe. "Tout d'un coup pendant l'acte", il avait réalisé qu'elle ne réagissait plus comme c'était le cas normalement, de sorte qu'il avait tout de suite arrêté la pratique. K______ n'avait rien dit et sa jambe droite sortait du lit. Il s'était alors mis à genoux à son chevet et avait senti la moquette humide. Voyant qu'elle était inerte, il l'avait redressée. À partir de ce moment-là, il avait "totalement paniqué". Réalisant que son épouse était morte, il s'était positionné à ses côtés, l'avait embrassée et avait pleuré. Terrifié et dévasté, il avait appelé la fille de K______, celle-ci habitant à côté. Il avait été incapable de dévoiler à cette dernière ce qui venait de se passer, soit que K______ et lui venaient de faire l'amour "de cette façon-là" et qu'il était survenu "un terrible accident", dont il ne savait même pas la cause exacte.

Son épouse et lui étant très pudiques au sujet de leur intimité, il était resté dans ce silence par honte et par peur. Il s'était "psychologiquement emprisonné dans un tunnel" dont il n'avait pas pu sortir. Il voulait se protéger, ainsi que son épouse. Il regrettait son mensonge et s'en excusait auprès des autorités pénales et de ses proches. Il s'agissait d'un acte d'amour qui avait tourné au drame. Il n'était pas un meurtrier.

Des documents produits par la défense

b. La défense a notamment produit en appel :

b.a. Un avis de la Professeure E______ du 30 juin 2022, selon lequel un doute certain demeurait quant à l'absence d'une cause médicale naturelle au décès de K______ (pièce 6bis, classeur I CPAR).

b.b. Un rapport d'expertise privée établi le 3 janvier 2023 par la Professeure BE______, directrice de l'Institut de médecine légale de l'Université de BO______ (pièce 89, classeur II CPAR), décrédibilisant l'hypothèse d'une mort de K______ en raison d'une asphyxie par le recouvrement des voies respiratoires au moyen d'un coussin et privilégiant également une cause naturelle.

b.c. Un rapport établi le 5 janvier 2023 par le Professeur BF______, ancien professeur de médecine légale de l'Université de BG______, (pièce 89, classeur II CPAR), concluant au fait que la cause du décès de K______ était indéterminée, les lésions cutanées de son visage ne pouvant notamment pas être mises en lien avec une manœuvre d'asphyxie bucco-nasale.

b.d. Des rapports de suivi psychothérapeutique établis les 2 et 23 février 2023 (pièces 79, classeur II CPAR et pièce 2 du chargé de pièces de la défense du 24 février 2023, classeur III CPAR) par BD______, psychologue auprès du Service de médecine pénitentiaire (SMP) de BH______, et visés par le Dr BI______, psychiatre, d'après lesquels A______ était suivi sur le plan psychologique depuis le 1er juin 2022, à un rythme hebdomadaire.

Lors d'un entretien le 18 janvier 2023, le patient avait fait part de son besoin de révéler être à l'origine du décès de son épouse. Il avait expliqué avoir accidentellement provoqué la mort de celle-ci lors d'un jeu sexuel, régulièrement pratiqué par le couple sans aucun problème auparavant. Son épouse n'avait pas utilisé, ce matin-là, le geste d'alerte convenu, avant qu'il réalise qu'elle ne respirait plus. Lors de ses révélations, le patient s'était montré touché et ému, avec des émotions congruentes au récit. Il avait expliqué s'être ensuite enfermé dans un "tunnel" de mensonges dont il n'arrivait plus à sortir, notamment à cause de la honte et de la culpabilité ressenties par rapport aux circonstances du décès de son épouse, mais également en raison de l'attitude virulente et à charge de la procureure s'étant occupée du début de l'instruction pénale. Il était soulagé d'avoir enfin pu dire la vérité, avec l'aide de ses avocats, mais ressentait une grande culpabilité du fait d'avoir menti, particulièrement envers ses proches.

Suite à ces révélations, le patient avait présenté une tristesse et une anxiété plus importantes, qui avaient nécessité l'introduction d'un traitement anxiolytique et une prise en charge bi-hebdomadaire.

b.e. Un rapport d'expertise privée du Dr V______, psychiatre et expert auprès de la Cour d'appel de BO______ [France], du 15 février 2023 (pièce 89, classeur II CPAR), basé sur des entretiens avec A______ à la prison les 15 septembre 2022, 6 et 27 janvier 2023.

Il en ressort qu'après s'être opposé durant l'instruction à une expertise psychiatrique, dont il ne percevait pas le sens du fait qu'il proclamait son innocence, le prévenu s'était montré pleinement coopérant à cette expertise privée, sans stratagème d'évitement.

Aucun trouble psychiatrique, neuropsychiatrique ou de la personnalité, ni syndrome psychotique, n'était décelé. Le patient avait notamment pour trait de caractère l'attachement à l'ordre, sans connotation pathologique. S'il avait pu s'emporter dans des moments de fragilisation, comme lors de l'annonce du divorce par sa première épouse, il n'avait jamais manifesté de la violence physique. Quand bien même celle-ci lui avait révélé éprouver un sentiment amoureux pour son meilleur ami, il n'avait pas démontré de comportement rancunier, ni de désir de vengeance. Cliniquement, la dimension d'impulsivité était absente de sa personnalité.

Le prévenu avait évoqué une sexualité intense avec son épouse, incluant la pratique de l'asphyxie érotique. Toutefois, après le premier AIT de celle-ci en décembre 2014, il était arrivé épisodiquement qu'elle "décroche" pendant leur relation sexuelle. L'expert excluait l'hypothèse d'un homicide dit "altruiste", dès lors que la défunte avait été perçue comme étant vive et enjouée dans les jours, voire les heures, précédant son décès et que rien ne permettait de penser qu'elle se croyait atteinte d'une maladie grave. Le patient n'avait cessé de s'interroger sur les raisons pour lesquelles sont épouse ne lui avait pas fait le signe convenu lors de leur pratique. L'expert considérait que l'hypothèse d'une perte de connaissance de K______ préalable au décès était probable. En préservant son secret, jusqu'à la limite du déni, le patient avait cherché à se protéger d'un effondrement personnel, familial et social.

Dans le cas où la culpabilité de A______ serait établie, sa responsabilité pénale devrait être considérée comme entière, y compris dans l'hypothèse accidentelle. Le risque de récidive était très faible.

Des documents versés à la procédure par la CPAR

c. Sur réquisitions de la CPAR, les documents suivants ont encore été versés à la procédure :

c.a. Un complément d'expertise du 21 décembre 2022 (pièce 56, classeur I CPAR), dans lequel les experts judiciaires, après avoir pris connaissance de l'avis de la Professeure E______ du 30 juin 2022 (supra, let. C.b.a), ont à nouveau confirmé leurs conclusions.

c.b. Un courrier des experts judiciaires du 15 février 2023 (pièce 92, classeur II CPAR), indiquant que les révélations contenues dans le courrier de A______ du 31 janvier 2023 (supra, let. C.a) ne remettaient en cause ni leurs constatations, ni leurs conclusions, la description des évènements devant toutefois être encore précisée par le précité.

c.c. Un rapport des experts judiciaires du 17 février 2023 (pièce 97, classeur II CPAR), indiquant que le contenu des expertises privées des Professeurs BE______ et BF______ (supra, let. C.b.b et C.b.c) n'était pas de nature à modifier leurs conclusions.

c.d. Un rapport établi le 23 février 2023 (pièces 118 et 127, classeur II CPAR) par BJ______, généticien forensique et responsable de l'unité de génétique forensique du CURML, et BK______, généticien forensique et responsable adjoint dans cette même unité (ou ci-après : les experts en génétique), faisant suite à l'analyse du frottis effectué sur la vulve de K______ le 29 février 2016 (C-2'289), laquelle n'avait jusqu'ici pas été requise.

Il en ressort que la détection de spermatozoïde était négative, tandis que celle de liquide séminal était positive. Le prélèvement n'avait pas mis en évidence une quantité significative d'ADN masculin et l'analyse de ses fractions dites épithéliale et spermatique n'avait pas décelé de profils Y. La probabilité qu'il contienne du sperme était de l'ordre de 33% (et donc de l'ordre de 67% qu'il n'en contienne pas).

Des débats d'appel

i. Des questions préjudicielles soulevées

d.a. À l'ouverture des débats d'appel, la défense de A______ a soulevé quatre questions préjudicielles, tendant aux auditions du Professeur V______, d'un expert en asphyxie érotique, ainsi que des Professeurs BE______ et BF______.

Il existait un "hiatus" entre l'homme que le prévenu était et l'acte qui lui était reproché. Contrairement aux premiers juges, le Professeur V______ s'était penché sur "le cœur" et l'état mental du prévenu, ainsi que sur l'histoire et la vie sexuelle du couple A______/K______, de sorte que son éclairage était capital. Il importait peu que le prévenu se soit opposé par le passé à l'expertise judiciaire psychiatrique que le MP souhaitait mettre en œuvre, dès lors que cela était son droit et s'expliquait par le fait qu'il contestait alors les faits. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne se positionnait pas contre l'audition d'un expert privé, mais indiquait la valeur probante qu'il fallait y attacher.

L'audition d'un expert en asphyxie érotique était nécessaire, au vu des dernières révélations du prévenu. En effet, dans un tel cas, la question des règles d'usage de la pratique BDSM et de la violation du devoir de prudence se posait. Le MP n'y était pas opposé.

Quand bien même les révélations du prévenu donnaient raison aux experts judiciaires sur certains points, leurs conclusions étaient excessives. Ils ne pouvaient pas se prononcer sur la culpabilité du prévenu. Il convenait de faire preuve de nuance et d'accepter l'apport d'autres avis, tels que ceux des Professeurs BE______ et BF______.

d.b. Le MP ne s'est pas opposé à ce que la CPAR détermine elle-même son propre expert en matière d'asphyxie érotique, pour autant qu'elle l'estime nécessaire, et a conclu au rejet des autres questions préjudicielles.

Il convenait d'apprécier le refus du prévenu de se soumettre à une expertise psychiatrique judiciaire, faite de manière contradictoire, afin de la remplacer par une expertise privée. Cela étant, le rapport du Professeur V______ avait été versé à la procédure. Le dossier était suffisamment documenté au sujet de la relation conjugale des époux A______/K______ et leur amour n'était pas contesté. L'audition de cet expert privé n'était ainsi pas nécessaire.

Le MP n'était pas opposé à l'audition d'un expert en matière d'asphyxie érotique, pour autant que celui-ci soit neutre et que les informations disponibles à ce sujet sur Internet ne soient pas suffisantes.

L'accusation avait des réticences face aux experts privés dans cette affaire, car tout un pan de leurs expertises était faux, ce que prouvaient les dernières révélations du prévenu. La Professeure BE______ avait encore récemment indiqué que la cause de la mort était naturelle, alors qu'il était à présent établi que cela était erroné. En revanche, toutes les conclusions des experts judiciaires s'avéraient correctes. Il n'y avait ainsi pas lieu de procéder aux auditions des experts privés requises.

d.c. Après délibération, la CPAR a rejeté les questions préjudicielles soulevées par la défense pour les motifs brièvement développés oralement, renvoyant au surplus les parties à la motivation figurant dans les considérants du présent arrêt (infra, consid. 2).

ii. De l'audition de l'appelant

e.a. Devant la CPAR, A______ a déclaré très mal vivre sa détention. Il avait renoncé à travailler durant celle-ci, afin de ne pas prendre la place de quelqu'un qui en aurait davantage besoin. L'écriture et la foi l'aidaient. Il poursuivait son suivi psychologique. Depuis la fin de l'année 2022, il avait une nouvelle psychologue incroyable, qui l'avait aidé à ouvrir son cœur pour dire "cette vérité".

Sa relation avec AZ______ avait commencé après le décès de K______. Ils s'étaient rencontrés à un anniversaire en juin 2017 et avaient échangé, notamment sur le deuil de leurs conjoints respectifs. Leur histoire avait progressivement débuté dès septembre 2017, chacun d'eux ayant d'abord eu honte de commencer une nouvelle relation amoureuse. Cela étant, ce nouvel attachement affectif n'avait rien changé à son amour pour K______.

S'agissant des faits incriminés, il souhaitait tout d'abord s'excuser envers tout le monde d'avoir menti. Il était vraiment "très très" difficile pour lui de parler de tout cela, mais puisqu'il avait commencé, il allait mettre de côté sa "grande pudeur". Le ______ février 2016, tôt le matin, K______ avait initié des caresses, puis ils s'étaient tous deux adonnés à des préliminaires, sans qu'il ne puisse détailler lesquels. Après que sa partenaire fut demeurée couchée un moment sur le ventre et qu'il lui embrassait le dos, elle s'était retournée et il s'était assis sur le haut de ses cuisses. K______ ayant ensuite levé ses bras, il savait que cela était le signal pour lui de lui prendre les bras ou les mains avec assez de préhension, comme elle aimait. Il s'était penché pour lui embrasser les seins. À ce moment-là, elle lui avait dit "fais-moi le truc", ce qui signifiait la pratique avec asphyxie. Tandis qu'elle avait guidé son pénis vers son vagin et qu'il l'avait pénétrée, son coude gauche appuyé sur le lit, à côté d'elle, il avait, avec sa main droite, pris un angle de l'édredon se trouvant à sa droite pour couvrir le nez et la bouche de sa partenaire, tout en exerçant une pression. D'expérience, il savait qu'il pressait avec la bonne intensité car son épouse éprouvait davantage de plaisir, ce qui augmentait le sien. Il le remarquait grâce aux mouvements de son corps et à ses sons. Son épouse n'avait pas bougé la tête. Peu après, elle avait arrêté de faire des mouvements avec son corps et d'émettre des sons, et n'avait plus eu de réaction. Ils avaient convenu qu'elle lui tape sur le bras, pour arrêter la pratique dans le cas où elle n'avait plus assez d'oxygène. Ils avaient mis ce signal en place après qu'ils aient eu un début de problème alors que K______ avait un sac plastique sur la tête. Si elle lui faisait le signe, il s'arrêtait immédiatement. Cela étant, cette fois-ci, elle ne l'avait pas tapé avant de ne manifester plus aucune réaction. Dans un premier temps, il ne s'était pas inquiété, dès lors que, depuis son premier AIT, il arrivait à K______ d'avoir un blocage et de s'arrêter pendant l'acte. Il s'était alors levé pour aller se mettre à genou à son chevet, de son côté du lit. Remarquant ensuite que son épouse avait une jambe qui sortait du lit, que la moquette était mouillée et qu'il y avait une odeur d'urine, il s'était approché d'elle et avait remonté son torse en position assise. Il avait alors réalisé que son épouse, inerte, était morte. Il en avait été "catastrophé" et l'avait embrassée. Après être resté à côté d'elle un moment, il s'était "réveillé" et s'était dit qu'il fallait faire quelque chose, sans savoir quoi. Ne se rappelant alors même plus du numéro 144, ayant eu un "black-out", il avait appelé sa belle-fille, celle-ci habitant à proximité.

Il ne pouvait pas indiquer précisément combien de temps il avait appliqué l'édredon sur le visage de K______, mais cela avait duré "un petit moment". Il était ainsi possible que son décès soit intervenu après trois à six minutes, comme les experts judiciaires l'avaient déterminé. Il n'avait pas eu de montre, mais il lui semblait qu'il n'avait pas agi différemment des autres fois. Il n'avait pas eu d'orgasme, s'étant retenu pour qu'ils y parviennent ensemble. Lorsque son épouse avait arrêté de faire des mouvements avec son corps et d'émettre des sons, il était tout de suite "sorti d'elle" et son érection était retombée, de sorte qu'il n'avait pas éjaculé. Il avait également retiré l'édredon de son visage, mais ne l'avait pas regardée, dès lors qu'il faisait encore nuit. Il ne lui avait pas non plus parlé. En fait, il s'était rendu deux minutes aux toilettes pour uriner avant de se mettre à son chevet.

Après avoir hésité quant à la possibilité qu'il y ait eu deux édredons, il a confirmé qu'il n'y en avait eu qu'un, au-dessus duquel ils devaient se trouver pendant l'acte sexuel. Il en avait saisi un angle pour s'adonner à la pratique de l'asphyxie sexuelle. En fait, il s'était d'abord positionné sur le haut des jambes de son épouse. Lorsqu'il l'avait pénétrée, il s'était allongé sur elle, ses jambes entre les siennes, avec son coude gauche posé, pendant que sa main droite exerçait l'étouffement. L'édredon couvrait la partie inférieure du visage de K______, soit de la moitié du nez jusqu'au menton. Un bout de l'édredon avait très bien pu se trouver aussi au niveau de sa gorge, mais il n'avait pas appuyé sur son cou. Pour trouver la position, il avait d'abord bougé la main. Il avait ensuite exercé la pression de façon immobile. K______ ne portait pas de lunettes durant le rapport sexuel et n'avait toussé à aucun moment. En général, il enlevait le blocage lorsque son épouse atteignait l'orgasme ou lui faisait le signe. Il n'avait pas allumé la lumière de la chambre après avoir constaté que son épouse s'était arrêtée durant l'acte sexuel. Le jour commençait à se lever, de sorte que la lumière naturelle était encore très faible. Il avait éclairé la chambre avant l'arrivée de sa belle-fille.

Les dermabrasions et ecchymoses constatées sur le visage de K______ devaient être dues à la pression exercée durant l'asphyxie érotique. Quant à celles présentes sur ses membres supérieurs, elles devaient avoir été engendrées durant la séquence où son épouse était couchée sur son dos et qu'il l'avait prise avec force, peut-être plus que d'habitude. Il n'avait pas d'explication quant aux lésions constatées sur ses membres inférieurs, si ce n'est que, prenant de l'aspirine cardio, elle avait tout le temps des hématomes. Il ne pouvait pas non plus expliquer les infiltrations hémorragiques relevées au niveau sous-cutané du visage, de la musculature profonde de la face et en profondeur des muscles du bras droit. Il était formel quant au fait qu'il n'y avait pas eu de combat entre son épouse et lui. Il ne pouvait pas préciser s'il avait exercé plus de pression que d'habitude sur la bouche et le nez de son épouse. Il n'avait pas d'explication quant au fait que l'ADN de K______ ait été mis en évidence sur la trace qui se trouvait sur le matelas du lit et sur des prélèvement sous-unguéaux, si ce n'est qu'elle l'avait caressé et gratté un peu. Quant au fait que son ADN ait été mis en évidence sur du sang séché découvert sur la main gauche de K______, cela pouvait provenir des croûtes qu'il avait au niveau du front et du crâne, ou de la blessure à son petit doigt. La trace rougeâtre qui s'étendait entre la croute et le haut de sa joue droite (C-2'585) était due à son traitement dermatologique. De même, la trace de sang décelée sur le coussin (P002) saisi dans leur chambre à coucher devait être en lien avec ses croûtes. Il ne savait pas ce qui avait causé la petite dermabrasion située au niveau du dos de sa main gauche.

Il connaissait désormais les risques de l'asphyxie sexuelle. Lorsqu'ils avaient commencé cette pratique, à l'initiative de K______, ils savaient qu'elle était risquée, raison pour laquelle ils avaient convenu du signal précédemment indiqué. Ils avaient eu confiance en l'un et l'autre et pensaient maîtriser les dangers. Ils avaient commencé à expérimenter l'asphyxie érotique environ deux ans après le début de leur relation, sans avoir d'expérience. Ils l'avaient pratiquée durant des années, environ une à deux fois par mois, sans aucun problème. Malgré les répercussions psychologiques de l'incendie de 2014 sur K______, ils avaient poursuivi cette pratique. Il ne s'adonnait pas à des actes sexuels extrêmes avec AZ______. Suite à "l'accident" avec K______, il avait rencontré des blocages psychologiques dans sa sexualité.

Malgré les termes médicaux employés, sa blessure au doigt n'avait pas été importante. Il maintenait ses précédentes explications quant aux circonstances dans lesquelles celle-ci était survenue. En rentrant à l'appartement, il avait mis un pansement, la blessure saignant à peine. Pendant l'acte sexuel, elle lui avait fait mal, en particulier lorsqu'il avait saisi le bras de son épouse. Il avait apposé l'édredon avec la main blessée. Son doigt avait peut-être saigné un peu, mais pas beaucoup. À l'arrivée du Dr AH______, il avait toujours son pansement. Il ne se rappelait pas à quel moment il s'était servi d'un kleenex. Plus tard dans la journée, il avait demandé un nouveau pansement à sa belle-fille. Durant son trajet vers Soleure, la plaie avait recommencé à lui faire mal, raison pour laquelle il avait demandé à sa fille de le conduire aux urgences.

Il avait subi une vasectomie dans les années 90. Il avait commis une "grande erreur" en ne relatant à la police que son rapport sexuel avec K______ le vendredi 26 février 2016 et en omettant de mentionner celui du ______ février 2016. Son épouse avait pris une douche entre les deux rapports. Il n'avait pas pu dévoiler les faits à sa belle-fille le matin du ______ février 2016, en raison de la grande pudeur que son épouse et lui avaient vis-à-vis de leur vie sexuelle, ayant tous deux reçu une éducation plutôt conservatrice. Il n'avait pas pu en parler non plus au Dr AH______. C'était pour lui un "pieux mensonge".

Il avait donné une première version erronée des faits sur la base d'une "intuition qui s'[était] produite dans une fraction de seconde". Il l'avait eue au moment où T______ lui avait demandé ce qu'il s'était passé. Par ailleurs, une nuit, quelques semaines avant le décès de son épouse, il l'avait retrouvée couchée sur le sol, ce qui avait été pour lui "un immense choc". Elle s'était toutefois réveillée rapidement et recouchée dans le lit. Cet incident, qui avait eu lieu chez lui à Soleure, l'avait peut-être inconsciemment amené à raconter sa première version des faits.

Il n'avait rien nettoyé dans l'appartement après le décès de K______. Il n'avait pas d'explication quant au fait que des traces situées dans la chambre à coucher avaient réagi au luminol, si ce n'est que son épouse utilisait souvent de l'eau de javel. Il ne pouvait pas non plus expliquer la présence de leurs deux ADN sur des prélèvements effectués dans la salle de bains, relevant toutefois qu'il devait nécessairement y en avoir un peu partout dans un appartement. Leurs ADN respectifs avaient été mis en évidence sur la tache d'urine située au pied du lit, du fait qu'il y avait posé son genou dénudé.

Après ses premières déclarations au Dr AH______ et à la police, il s'était très vite retrouvé dans un "tunnel psychologique", qui ne lui avait pas permis de faire le lien entre l'acte sexuel et le décès. De plus, le médecin-urgentiste avait initialement indiqué que la cause de la mort était un AVC. Ses premières explications étaient devenues "sa" vérité. Au lieu de s'ouvrir durant l'instruction, il s'était renfermé, en raison de la position accusatrice de la procureure et du CURML. Il s'était senti mal durant la reconstitution. Les expertises obtenues par la défense avaient participé à le maintenir dans la conviction que K______ était morte de manière naturelle. Il avait aussi pensé que l'autopsie pourrait le prouver, raison pour laquelle il y avait été favorable. Aujourd'hui, il réalisait que lien entre l'acte sexuel de K______ et son décès était "possible", ce qu'il regrettait infiniment, si tel était le cas. Cela le minait, n'ayant jamais voulu un tel résultat. Il avait initié un "processus de réalisation" durant les fêtes de Noël 2022, sensibilisé par la bénédiction du Pape François, le mensonge étant un pêché chez les chrétiens. Au début de l'année 2023, il avait eu un premier entretien avec la psychologue BD______, qui avait "préparé le chemin". Il avait ensuite pu confier la vérité à ses avocats mi-janvier et, par la suite, à ses proches.

Il souhaitait exprimer à quel point il avait aimé K______. Il n'aurait jamais pu lui faire intentionnellement du mal ou la tuer. Il n'avait pas pensé que son épouse pourrait souffrir un jour de la maladie d'Alzheimer, comme sa mère, mais que ses difficultés provenaient du choc lié à l'incendie de 2014 et que les médecins pourraient l'aider. Il s'était inquiété de la dégradation de la santé de son épouse, mais celle-ci avait bien été entourée. C'était "beau", même avec ces soucis qui n'avaient pas altéré leur amour. Ils avaient continué à avoir des rapports sexuels réguliers, à l'issue desquels il éjaculait le plus souvent, bien qu'il lui arrivait d'avoir des "orgasmes secs", sans éjaculation. Il n'avait pas été gêné de renoncer à certaines activités en raison des soucis de santé de son épouse, celle-ci passant en priorité. Leur vie sociale n'avait pas décliné malgré les coups de fatigue de cette dernière. K______ était restée une femme très soignée. L'idée de divorcer d'elle ne lui avait jamais traversé l'esprit. Il n'avait pas financé ses obsèques, car en principe cela se faisait avec les moyens du défunt et, durant leur vie commune, il avait tout payé. Le décès de K______ n'avait en aucun cas été un soulagement, mais un immense choc.

Les nombreux voyages qu'il avait effectués après son décès avaient été motivés par des raisons professionnelles ou à l'initiative de proches. Ces déplacements l'avaient aidé dans son deuil, même s'il n'avait pas été facile pour lui de les effectuer sans son épouse. Cela avait représenté pour lui une "grande catastrophe" que la procureure ne l'autorise pas à assister au mariage de son fils à BA______.

Il avait été en contact permanent avec les enfants de K______ jusqu'à la pandémie, durant laquelle ils s'étaient moins vus. Il regrettait son mensonge du fond de son cœur, s'excusait envers les autorités pénales et ses proches, et souhaitait rétablir la confiance avec ces derniers.

e.b. La défense de A______ a encore déposé lors des débats :

e.b.a. Un rapport de la Professeure BE______ du 27 février 2023 (pièce 133, classeur III CPAR), indiquant que certaines constatations issues de l'autopsie (notamment la présence d'un corps étranger dans la bronche principale gauche, la légère hyperinflation des poumons et les lésions discrètes au visage) ainsi que de l'examen histologique pouvaient être conciliés sans difficulté avec les révélations de A______. Lorsque les orifices respiratoires étaient recouverts de manière consensuelle, il n'y avait pas de résistance malgré la conscience préservée, ce qui expliquait les lésions minimes observées sur le visage. Les ecchymoses au niveau des bras étaient des marques de préhension fortes d'origine vitale.

e.b.b. Un rapport médical établi par le Dr BM______, urologue, en date du 10 mai 1996 (pièce 145, classeur III CPAR), mentionnant notamment que A______ a subi une vasectomie en 1992.

iii. De l'audition des experts judiciaires

f.a. Les experts en génétique, BJ______ et BK______, ont confirmé la teneur de leur rapport du 23 février 2023 (supra, let. C.c.d.). Ils ont d'abord indiqué qu'en combinant leurs données, il était plus probable qu'il n'y ait pas de sperme sur l'écouvillon analysé que le contraire. Plus précisément, il y avait une probabilité de 33% qu'il y ait du liquide séminal et de 67% qu'il n'y en ait pas. En dehors du contexte de l'affaire, leurs analyses tendaient ainsi plutôt à démontrer l'absence de sperme et donc de liquide séminal que l'inverse. Dans le cas d'espèce, il n'y avait pas d'ADN dans la fraction dite spermatique, ce qui était compatible avec une absence de spermatozoïdes et le fait qu'aucun spermatozoïde n'ait été identifié au microscope.

Informés ensuite du fait que le prévenu avait subi une vasectomie, les experts ont déclaré que cela était de nature à modifier les conclusions de leur rapport, dès lors qu'on ne s'attendait pas, dans ce cas, à identifier des spermatozoïdes par microscopie et qu'il pouvait alors y avoir des quantités moindres d'ADN. Dans une telle alternative, en utilisant les mêmes données que celles prises en considération dans leur rapport, la probabilité que l'échantillon contienne du sperme était de 75%. Il était possible qu'une personne qui n'ait pas éjaculé laisse du liquide séminal. Après un rapport sexuel, le matériel génétique déposé s'éliminait en fonction du temps, des douches favorisant notamment cette élimination.

Les quantités d'ADN masculin mesurées étaient négligeables, par rapport à celles d'ADN féminin. Différents éléments pouvaient entrer en ligne de compte pour l'expliquer, notamment les problématiques de transferts, de "bruit de fond" et de "persistance" (soit la probabilité que le matériel soit toujours présent entre le moment où il a été déposé et celui où il a été prélevé). Il était possible de ne pas retrouver l'ADN d'une personne après un contact sexuel. Dans les affaires de mœurs, quatre prélèvements étaient usuellement effectués, soit à l'endocol, au fornix, à la vulve et à l'anus, pour permettre notamment la recherche d'ADN. Si, dans le cas d'espèce, seul un de ces prélèvements avait été fait, la possibilité d'exploiter les résultats de prélèvements supplémentaires sur un corps conservé durant sept ans était douteuse.

f.b. Les experts judiciaires AO______, AU______, AJ______ et AT______ ont expliqué que le bilan lésionnel de K______ pouvait être scindé en deux catégories. La première était une série de lésions traumatiques contuses au niveau de la tête (dermabrasions, plaies superficielles, ecchymoses au niveau des muqueuses, zones d'infiltrations hémorragiques de la graisse en profondeur et zones d'infiltrations hémorragiques musculaires, soit davantage en profondeur), qui étaient interprétées dans un contexte de mécanisme d'asphyxie par obstruction du nez et de la bouche, soit un mécanisme de pression ferme, avec un certain frottement en ce qui concerne les dermabrasions. La seconde catégorie était une série de lésions traumatiques contuses localisées sur le reste du corps, davantage au niveau des membres supérieurs, dont certaines étaient profondes, avec atteinte des muscles au niveau d'un bras. Les experts avaient été inquiétés par ces lésions situées au niveau des membres supérieurs, évoquant des préhensions fermes. Certaines lésions situées aux extrémités des membres supérieurs pouvaient être interprétées comme des lésions défensives. Si K______ avait survécu, ces lésions se seraient vues pendant plusieurs jours. L'ensemble du tableau lésionnel avait été confronté au scénario d'une mort naturelle, mais avait conduit les experts à leurs conclusions.

Après avoir pris connaissance des nouvelles déclarations fournies par A______, les experts ont déclaré qu'il était possible que chacune des lésions contuses constatées sur les membres de K______ ait été causée avec le consentement de cette dernière et de son vivant. Ils avaient procédé à une étude comparative de cas examinés au CURML et constaté que les lésions aux visages de K______ étaient comparables à celles présentées dans les cas étudiés d'agressions et dans ceux d'accidents dans un contexte sexuel. Pour le reste, d'un point de vue médico-légal, K______ présentait plus de lésions aux membres supérieurs que dans les cas décrits dans le groupe accidents, soit un tableau lésionnel plus proche de celui constaté dans les cas d'agressions non consenties. En revanche, il ressortait du comparatif opéré entre le tableau lésionnel présenté par A______ et celui d'agresseurs présumés que le premier présentait beaucoup moins de lésions que ces derniers.

Au regard du déroulement des faits décrit par l'appelant, deux éléments restaient toutefois inexpliqués, soit, d'une part, le manque de réaction de K______ durant la phase de suffocation, compte tenu du besoin irrépressible de tout être humain de reprendre sa respiration, et, d'autre part, le passage d'une plume dans ses voies aériennes. Même dans le cas d'un homme s'adonnant à des pratiques BDSM et souhaitant faire délibérément l'objet d'un étouffement jusqu'à la perte de connaissance, celui-ci avait démontré une réaction, laquelle avait toutefois été mal interprétée par sa partenaire (cas de "l'homme au scotch", seul cas de suffocation pure, par blocage bucco-nasal, tiré de l'article "How safe is BDSM ?" du Dr Anouck Schori, publié le 12 août 2021, dont la référence complète figure en pièce 143, classeur III CPAR). Ce cas mettait en exergue un mécanisme d'asphyxie se rapprochant de celui décrit par A______, les experts n'ayant pas trouvé de cas similaire à celui de la présente affaire dans la littérature médicale. Un arrêt respiratoire pouvait se produire en même temps que la perte de connaissance. Cela étant, en cas d'asphyxie, il y avait en principe plusieurs phases, prenant chacune un certain temps. Lors d'une asphyxie bucco-nasale, la perte de connaissance intervenait plutôt tardivement, soit après une durée de l'ordre de deux minutes, contrairement à la strangulation, où elle pouvait intervenir après quelques secondes. Les experts confirmaient que le décès de K______ était intervenu dans un laps de temps de trois à six minutes après le début de l'asphyxie. En outre, avec l'inhalation d'une plume telle que celle retrouvée chez K______, on s'attendait à ce que la personne tousse de manière importante, étant précisé qu'il était possible de tousser tout en étant inconscient. Les experts n'avaient pas eux-mêmes émis l'hypothèse de l'inhalation d'une plume sans toux.

La lésion constatée au niveau de la région génitale de K______ n'avait pas été provoquée lors des évènements ayant conduit à son décès. Elle paraissait plus ancienne, étant en voie de guérison, et était aspécifique. Le frottis de la vulve de la défunte avait été effectué par la Dresse AJ______ au tout début de l'examen externe du corps. Le liquide séminal mis en évidence pouvait avoir été déposé à la suite d'un rapport sexuel intervenu le 26 ou le ______ février 2016.

Dans le cadre d'une asphyxie avec augmentation du gaz carbonique (CO2), diminution de l'oxygène et sécrétion d'adrénaline, la présence d'un trouble du rythme cardiaque entraînant une perte de connaissance constituerait un évènement exceptionnellement atypique. En effet, un tel trouble intervenait en phase terminale du processus d'asphyxie. Il y avait d'abord un arrêt respiratoire, puis une hypoxie cérébrale entraînant l'arrêt du cœur et donc un trouble du rythme cardiaque. Aussi, en cas d'asphyxie, la perte de connaissance n'était pas provoquée par un tel trouble. Dans la mesure où K______ avait une certaine habitude de cette pratique, son état de stress dans cette situation devait être moins élevé qu'une personne faisant face à une agression. En outre, son cœur était en bon état. Les experts ne voyaient pas d'élément indiquant une compression au niveau du glomus carotidien, qui aurait pu entraîner une perte de connaissance, puis une mort par réflexe cardio-inhibiteur. Le diagnostic d'asphyxie excluait une mort de ce type. L'appelant n'avait pas évoqué de prise ou de compression du cou de son épouse. Enfin, il fallait un mécanisme très fort pour traumatiser le glomus carotidien, celui-ci étant bien protégé par l'os mandibullaire et le muscle sterno-cleido-mastoïdien. Or, aucun infiltrat hémorragique n'avait été constaté dans cette région à l'autopsie.

Les experts ont confirmé que le frottis de la vulve avait été le seul prélèvement pratiqué dans la région génitale de K______. En principe, dans les affaires de mœurs, des prélèvements complémentaires étaient effectués. Il n'y avait pas été procédé en l'occurrence, car au moment de l'autopsie, l'hypothèse du décès n'était pas celle d'une mort violente. Compte tenu du temps écoulé et des manipulations effectuées par le CURML et les pompes funèbres sur le corps de la défunte, les experts doutaient du fait que les résultats de prélèvements supplémentaires puissent être interprétables, ceux-ci devant en principe être réalisés en amont de l'autopsie.

f.c.a. La défense a requis, à titre de réquisition de preuves complémentaires, que la CPAR ordonne que la médecine légale effectue des prélèvements supplémentaires au niveau du vagin, du fornix postérieur, de l'endocol utérin et de l'anus de K______ et que les généticiens du CURML les analysent. Au vu des rapports sexuels allégués et de l'enjeu du dossier, il convenait de combler une telle lacune, malgré l'état de conservation altéré du corps.

f.c.b. Le MP s'en est rapporté à justice, tout en relevant la probable impossibilité d'effectuer des prélèvements exploitables, au vu des processus de nettoyage et de décomposition subis par le corps.

f.c.c. Après délibérations, la CPAR a rejeté cette réquisition de preuves complémentaires, au bénéfice d'une brève motivation orale, renvoyant au surplus à la motivation du présent arrêt (infra, consid. 2).

iv. Des témoignages encore recueillis

g.a. BQ______, amie du couple, avait passé des vacances avec eux, trois ou quatre jours avant les faits. Celles-ci avaient été écourtées car les époux A______/K______ avaient dû rentrer à Genève pour les obsèques d'un de leurs amis. Le séjour avait été génial et sans aucune tension. A______ s'était montré amoureux et prévenant vis-à-vis de son épouse. Le couple avait plein de projets, notamment la construction d'une maison et des voyages. BQ______ n'avait constaté aucun changement dans leur relation au fil du temps. A______ était romantique. BQ______ et K______ faisaient partie d'un même groupe d'amies. Elles ne parlaient pas de sexualité, en raison de leur éducation. Elle n'avait jamais constaté d'hématomes ou des marques sur son amie. K______ avait été choquée par l'incendie de sa maison, mais son mari et elle avait eu le projet commun d'en reconstruire une autre, de sorte que cet évènement n'avait pas impacté leur relation, qui était "100% de bonheur".

g.b. Pour BR______, K______ avait été une "très très bonne amie". Elle n'avait jamais cru au fait que A______ ait tué son épouse, car il l'adorait. Dans la mesure où son amie avait reçu une éducation très froide et qu'elle était très cérébrale, il lui apparaissait qu'elle avait souhaité s'adonner à cette pratique, qui nécessitait de couvrir son visage, afin de pouvoir se laisser aller et accepter le plaisir. K______ demandait à son mari de lui faire "le truc", car elle n'avait sans doute pas les mots. Le témoin n'avait toutefois jamais parlé de sexualité avec cette dernière. Contrairement à son premier mariage, K______ avait été très heureuse et amoureuse durant le second. Le témoin n'avait pas constaté de déclin au niveau des sentiments du couple. A______ téléphonait notamment très souvent à son épouse jusqu'à son décès, parfois jusqu'à quatre à cinq fois durant le même après-midi. K______ avait eu très peur de mourir lors de l'incendie de sa maison, qui l'avait grandement marquée. A______ l'avait alors beaucoup soutenue.

g.c. AZ______, compagne de A______ depuis septembre 2017, a témoigné de ce que ce dernier était un homme d'une grande bonté, avec un sens très élevé de la morale et de l'éthique, intelligent, tendre et encourageant. Leur relation était empreinte d'harmonie. Ils avaient de nombreux intérêts en commun, dont la foi, et avaient beaucoup partagé en lien avec leur veuvage respectif. A______ s'était toujours très bien occupé de ses enfants.

Il lui avait relaté l'épisode de l'incendie de la maison de son épouse et le fait que cela avait été un énorme choc pour elle, qui avait engendré une dépression et une prise en charge psychologique. Il avait fait tout son possible pour l'aider, en l'emmenant notamment en voyage. Ils avaient par ailleurs eu le projet de construire une nouvelle maison. Cette épreuve les avait finalement soudés.

A______ lui avait confié, lors de leur deuxième rencontre, qu'il était accusé d'avoir tué son épouse, mais qu'il était innocent, ce qu'elle n'avait aucune raison de remettre en doute.

Après le décès de son épouse, il pensait qu'il en avait fini avec la vie de couple et qu'il ne tomberait plus jamais amoureux, parce qu'il avait été comblé avec cette relation. Le fait d'être tombé amoureux d'elle l'avait tiraillé.

AZ______ avait été "terrassée" par les révélations de son compagnon. Puis, elle l'avait compris, connaissant son grand sens de la morale et sa pudeur. Il ne pouvait en effet pas révéler quelque chose d'aussi intime et personnel, ce d'autant que K______ était décédée. Elle avait moins compris comment celui-ci avait réussi à vivre avec ce secret. Lors du parloir qu'ils avaient eu après ses aveux, A______, ému, lui avait notamment dit "c'est la vérité, c'était un accident". Beaucoup de personnes, y compris des proches, s'étaient détournés de lui. Au sein de la famille de K______, il y avait eu des réactions très fortes. De ce qu'elle avait perçu, c'était moins la pratique sexuelle adoptée que le mensonge qui avait choqué. Pour sa part, elle était prête à reconstruire un futur avec le prévenu.

v. Des plaidoiries des parties

h.a. Prenant acte du retrait d'appel de A______ s'agissant de la violation grave des règles de la circulation routière, le MP conclut à un verdict de culpabilité du chef de meurtre et requiert une peine privative de liberté de 14 ans à l'encontre de l'appelant, tout en s'en rapportant à justice quant à la question de savoir s'il fallait déduire de cette peine celle prononcée en lien avec l'infraction à la LCR.

Tandis que le TCR avait dû trancher entre la thèse de la mort naturelle et celle du meurtre, la CPAR devait à présent se prononcer entre les alternatives du meurtre ou de l'homicide par négligence, au vu des nouvelles allégations de l'appelant. Pour le MP, la thèse qui demeurait malheureusement la plus probable était toutefois celle du meurtre intentionnel, de nombreux éléments du dossier restant incompatibles avec la nouvelle version des faits du prévenu.

Les qualités personnelles de l'appelant, sa tristesse après le décès de son épouse ainsi que son amour pour elle n'étaient pas des éléments excluant en soi sa culpabilité. Le Professeur V______ avait indiqué dans son expertise privée que l'acte reproché à l'appelant ne correspondait pas à sa personnalité, tout en relevant qu'un meurtrier pouvait être une bonne personne, pas forcément atteinte d'un trouble. Il ressortait du dossier que l'appelant était un homme romantique, mais également passionné, de sorte qu'il pouvait avoir été sujet à un "coup de sang". Une autre hypothèse était celle de la désaffection, compte tenu des problèmes de santé rencontrés par K______. La réalité d'un mariage était souvent inconnue de l'entourage. En tout état de cause, le fait que le mobile de l'appelant ne puisse être précisément déterminé était sans incidence, tel que cela ressortait de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Aucun élément n'infirmait, ni ne prouvait l'existence d'une relation sexuelle entre l'appelant et son épouse le jour des faits, ainsi que leur goût pour la pratique de l'asphyxie sexuelle, hormis les déclarations de ce dernier. La crédibilité de l'appelant à cet égard était remise en cause par les importants hématomes constatés sur la victime. Il prétendait qu'ils avaient l'habitude de s'adonner à une telle pratique. Pourtant, aucun témoin n'avait remarqué la présence de marques sur K______ auparavant. Le liquide séminal retrouvé ne constituait pas la preuve absolue d'un rapport sexuel entre les partenaires le jour des faits, ce d'autant que, dans ses premières déclarations, l'appelant avait daté leurs derniers ébats à plus de 48h00 avant ceux-ci. L'état physique de l'appelant et celui de sa compagne rendaient encore l'existence d'une relation sexuelle peu plausible. K______ prenait des antidépresseurs et avait peur de mourir. Le prévenu avait initialement fait état de son état comateux en raison de la prise d'un Stilnox. Si, compte tenu de la vasectomie subie par l'appelant, il était logique que du sperme n'ait pas été retrouvé, il était surprenant que son ADN n'ait pas été décelé sur la victime à la suite des préliminaires allégués. Cela étant, le fait de savoir si le couple avait bien entretenu une relation sexuelle le jour des faits et s'il s'adonnait à la pratique de l'asphyxie érotique n'était pas déterminant. L'appelant n'avait pas pu tuer son épouse sans s'en rendre compte, la victime n'ayant pas pu succomber sans manifester de signes.

La nouvelle version de l'appelant selon laquelle K______ était subitement morte, alors qu'elle participait à la relation sexuelle, n'était pas plausible, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une situation d'asphyxie érotique par strangulation, mais par suffocation. La victime ne pouvait notamment pas prendre son plaisir calmement avec une plume de 4,5 cm dans sa bronche. Elle devait nécessairement l'avoir inhalée au cours d'une forte inspiration, alors qu'elle était en train de lutter pour sa vie, ce qui n'était pas une action anodine ni indétectable. Le fait de ne pas pouvoir respirer durant trois minutes n'était pas compatible avec la pratique de l'asphyxie érotique, l'orgasme se produisant lorsque l'oxygène revenait au cerveau.

Les experts judiciaires avaient expliqué que la victime ne pouvait décéder sans signes précurseurs. Selon eux, le tableau lésionnel parlait en faveur d'un étouffement avec préhension. En revanche, le déroulement des faits exposés par l'appelant n'était pas possible, dès lors qu'il ne décrivait aucun signe précurseur du décès et que, tels que l'avaient expliqué les experts, dans le cas de ce mécanisme mortel, le réflexe de respirer était irrépressible. La victime devait ainsi avoir eu un geste d'inspiration inévitable, personne ne prétendant qu'elle voulait mourir. L'hypothèse d'un arrêt cardiaque brutal avait été examinée et écartée par les experts, étant rappelé que le cœur de la victime était en bonne santé, de même que celle d'une compression du glomus carotidien, non plausible. Les experts judiciaires avaient procédé à l'autopsie de la victime et constaté le tableau lésionnel dans son intégralité, y compris les éléments non visibles, au contraire des experts privés. Il était toutefois désormais établi que les lésions étaient survenues ante-mortem et non post-mortem. Les experts judiciaires avaient répondu de manière honnête à toutes les interrogations posées. La défense leur reprochait de ne pas s'être basé sur un cas similaire dans la littérature médicale, mais ils n'en avaient pas trouvé, car contrairement à la pratique de la strangulation auto-érotique, celle de l'asphyxie érotique par suffocation à deux n'était en principe pas mortelle.

La blessure de l'appelant à son doigt était un élément incriminant. Contrairement à ce qu'il soutenait, il ressortait des déclarations de sa fille et du rapport médical établi qu'il ne s'agissait pas d'une blessure mineure. Après avoir indiqué qu'il avait saigné abondamment, il prétendait désormais que tel n'avait pas été le cas. Il n'avait eu de cesse d'adapter ses déclarations. L'appelant pouvait être suspecté d'avoir procédé à du nettoyage en lien avec cette blessure, de sorte qu'il ne pouvait pas être déterminé si elle était survenue pendant les faits. Une telle hypothèse permettrait pourtant d'expliquer beaucoup de choses. L'appelant prétendait que ses lésions étaient dues à son traitement dermatologique, ce qui n'expliquait pas le fait que son sang ait été retrouvé sous les ongles de la victime.

Les experts avaient jugé les autres lésions compatibles avec un mécanisme d'obstruction bucco-nasale. Si les lésions constatées étaient globalement conciliables avec le nouveau scénario des faits décrits par l'appelant, certaines étaient de nature à interpeller, telles que les infiltrations hémorragiques ou les traces sur les bras et les mains, au vu de leur ampleur. Il était douteux qu'une femme coquette, éduquée et ayant une vie sociale bien remplie acquiesce à de telles lésions.

L'absence totale de réaction de l'appelant pour tenter de sauver son épouse était inexplicable. La scène qu'il décrivait était invraisemblable, même s'il était stressé ou engourdi. Il n'avait entrepris aucune manœuvre de réanimation, ni téléphoné directement à sa belle-fille pour lui dire d'appeler immédiatement les secours. La question de savoir si l'appelant était véritablement sorti du tunnel psychologique qui l'empêchait de dévoiler toute la vérité se posait toujours. Il ne pouvait pas ne pas avoir fait de lien entre son geste et la mort consécutive de son épouse. La seule explication quant au fait que l'appelant n'ait pas tenté de réanimer son épouse, ni vérifié sa mort physiologique, était qu'il savait qu'elle était morte, parce qu'il l'avait tuée.

L'appelant avait adapté son scénario au fur et à mesure de l'évolution du dossier. La reconstitution ordonnée avait permis de démontrer l'invraisemblance de ses premières déclarations, sa capacité à adapter ses propos et à être dans la tromperie, active, consciente et maîtrisée. Il n'avait pas menti pour protéger la pudeur de son couple, mais lui-même. Il avait, du reste, initialement parlé de sexe et du fait que sa compagne aimait qu'on lui serre fortement les mains, sans gêne. En dépit des critiques de l'appelant, l'occasion de s'exprimer librement lui avait été offerte au début de la procédure. La police avait relevé plusieurs éléments à sa décharge. Dans un premier temps, tous les intervenants avaient cru à l'hypothèse d'une mort naturelle. La défense reprochait à présent au MP de ne pas avoir recherché des faits qui n'étaient pas allégués afin que le doute puisse profiter au prévenu. Cela étant, tous les actes d'instruction utiles avaient été menés. Le dévoilement de la "vérité" de l'appelant traduisait une nouvelle tentative de s'en sortir par un mensonge moins absurde que celui allégué en première instance.

Sous l'angle de la peine, il convenait de retenir que l'appelant avait tué son épouse, en accusant celle-ci d'être coresponsable de sa mort. Il avait instrumentalisé la justice, menti à ses proches ainsi qu'à la famille de K______, utilisé sa foi pour justifier son revirement et tenter d'échapper à ses responsabilités. Sa faute était grave. Il avait senti son épouse mourir sous ses doigts, tandis qu'elle avait nécessairement lutté pour sa vie. Son mobile restait mystérieux, mais était forcément futile. Sa collaboration avait été mauvaise, compte tenu de ses multiples revirements et de son comportement envers les enfants de son épouse, qu'il privait de la vérité sur la mort de leur mère. L'appelant n'avait pas d'antécédent et rien n'expliquait son geste.

La frontière entre le dol éventuel et la négligence consciente était en l'occurrence difficile à délimiter. En toute hypothèse, la victime avait peut-être consenti à souffrir, mais non à mourir. La pratique de l'asphyxie sexuelle, extrême et dangereuse, nécessitait la prise de précautions particulières, parmi lesquelles la règle primordiale de ne pas perdre un contact visuel avec le partenaire. L'appelant ne disait rien au sujet des précautions prises, si ce n'est que son épouse devait faire "le geste". Il lui faisait assumer l'entière responsabilité de sa sécurité, ce qui n'était pas acceptable. Il était notoire que ce genre de pratique pouvait conduire à une perte de conscience et que le partenaire devait prendre des mesures pour pouvoir réagir dans ce cas. Son épouse lui avait confié sa vie, mais n'avait pas pu compter sur lui. Il avait agi, à tout le moins, par négligence consciente en omettant d'enlever l'objet qui empêchait son épouse de respirer pendant au minimum trois minutes. Il avait adopté un comportement d'une dangerosité extrême, que tout un chacun pouvait envisager.

En outre, l'appelant n'avait pris aucune mesure pour tenter de sauver son épouse et avait appelé tardivement sa belle-fille, de sorte que l'art. 128 CP devait entrer en concours avec l'art. 117 CP.

Quand bien même la CPAR devait être convaincue par la nouvelle version des faits présentée par l'appelant, un verdict de culpabilité devra être retenu, ce qui excluait de faire droit à l'indemnité d'un demi-million réclamée par celui-ci pour ses frais d'avocat.

h.b.a. Par la voix de ses conseils, A______ persiste dans ses conclusions.

Le jugement de première instance consacrait une "erreur, voire une horreur judiciaire", dès lors qu'il se concentrait sur l'avis des experts et non sur lui, en tant qu'homme. Or, ce n'était pas parce que des éléments demeuraient inexpliqués qu'il fallait considérer que ceux-ci révélaient l'existence d'un crime, la médecine n'étant pas une science exacte et la présomption d'innocence prévalant.

Bien qu'ils aient commis certaines erreurs, les experts privés consultés avaient travaillé en toute conscience. Quand bien même les expertises des Professeurs BF______ et BE______ étaient favorables à la première thèse de l'appelant, ce dernier avait fait ses révélations. Le fait que celles-ci soient postérieures à ces expertises démontrait sa sincérité. La défense n'était aujourd'hui plus dans la contestation virulente de l'avis du CURML, mais dans la critique de leur position excessive. Contrairement à ce que les experts judiciaires avaient affirmé, la présente affaire ne constituait pas "un cas d'école". Le CURML avait fait preuve d'empressement, alors que si toutes les investigations avaient été d'emblée entreprises, une autre explication que celle du crime aurait pu être initialement entrevue.

La police avait d'emblée remarqué l'absence d'explication à un acte éventuel de l'appelant et relevé que si l'hypothèse de l'asphyxie se confirmait, il faudrait alors s'interroger sur son rôle. L'absence de mobile constituait un écueil dirimant, dès lors que, dans toute affaire criminelle, il y avait toujours une raison. Contrairement à ce que le MP insinuait, le couple n'était pas uni par un lien passionnel, mais par une relation amoureuse sans crispation et empreinte de pudeur, tel que cela ressortait de leurs messages et des témoignages recueillis. Leur relation n'avait pas connu d'essoufflement ou d'épreuve ayant altéré leurs sentiments. Le Dr V______ avait expliqué que lorsqu'une personne ordinaire commettait un crime, il y avait toujours un mobile, sans quoi il fallait convoquer la psychiatrie. L'hypothèse d'un homicide altruiste devait être écartée. On ne pouvait pas inférer des éventuelles inquiétudes de l'appelant vis-à-vis de l'état de santé de son épouse une quelconque intention criminelle. La conversation enregistrée entre AZ______ et lui confirmait l'amour qu'il avait pour son épouse. Ayant été marquée par plusieurs épreuves, il était compréhensible que K______ recherche du plaisir et une certaine liberté dans sa vie, notamment au travers de sa sexualité. Lors de sa première audition, l'appelant avait donné quelques éléments sur leur vie intime particulière et évoqué une sexualité forte, ce qui aurait dû être davantage investigué par les autorités pénales. Rien dans les activités du couple ayant précédé les faits et leurs derniers moments ne laissait présager le "coup de sang" suggéré par l'accusation. La version des faits rapportée par l'appelant était crédible. En prenant en compte l'émotion qui devait l'avoir envahi au moment où il avait réalisé le décès de son épouse, son silence pouvait être compréhensible. Son mensonge avait pris naissance dans sa volonté de retrancher l'intimité de son couple du déroulement des faits. Il avait toujours eu la même base, soit le fait de ne pas situer K______ dans le lit conjugal. Dans la mesure où l'appelant avait été initialement conforté par le fait que le décès de son épouse résultait d'une cause naturelle, il n'avait pas vu la nécessité de prendre le risque que l'on porte un regard sur leur intimité. En tant que prévenu, il avait eu le droit de garder le silence. Il convenait à présent de prendre acte de sa volonté de s'en extraire. Compte tenu du plein pouvoir de cognition de la CPAR, il n'était pas trop tard pour parler. De nombreux messages témoignaient du fait que l'appelant avait été dévasté par le décès de son épouse. L'hypothèse d'un meurtre intentionnel était absurde.

L'enquête diligentée avait eu pour prémisse la culpabilité de l'appelant du chef de meurtre, sans qu'une autre hypothèse ne soit envisagée. Tant la police que le MP étaient entrés, dès le début du dossier, dans un "tunnel", en ne prenant en compte qu'une intention homicide et non un scénario alternatif, malgré l'absence de mobile et le profil normal de l'appelant. Certes, ce dernier avait sa part de responsabilité dans l'erreur judiciaire prononcée, mais il n'avait aucune obligation, contrairement aux autorités qui avaient celle d'administrer les preuves. Or, l'enquête menée avait connu de nombreux dysfonctionnements. La scène de crime n'avait pas été sécurisée et certains éléments de preuve n'avaient pas été recueillis, notamment la literie. Il ne convenait pas de supposer un mobile. Le simple fait qu'un acte d'accusation pour homicide par négligence ait été déposé devait conduire à accorder de la crédibilité aux dires du prévenu. Alors que les experts judiciaires n'étaient pas convaincus par l'hypothèse d'une mort naturelle au moment de l'autopsie et que l'appelant avait évoqué une "sexualité bousculante" dès le début de l'instruction, les prélèvements génitaux d'usage, n'avaient pas été faits et il n'avait pas été procédé à l'examen du frottis de la vulve avant que la CPAR ne le demande.

Il était impossible d'exclure la survenance d'un rapport sexuel le 28 février au matin. Il résultait de l'examen des experts en génétique une probabilité de 75% en tenant compte de 5 à 10% de faux positifs, ce qui portait en réalité le résultat à 90-95% que le liquide séminal retrouvé provienne du rapport sexuel intervenu à cette date, et non le 26 février précédent, compte tenu des douches nécessairement prises par la victime dans l'intervalle.

L'acte d'accusation principal était lacunaire. Il supposait une dispute du couple au réveil, ce qui était invraisemblable. Il décrivait une scène unique et figée, dépeignant des actes matériellement impossibles à effectuer et ne permettant pas d'expliquer le tableau lésionnel mis en évidence par le CURML. En réalité, les faits s'étaient nécessairement déroulés en plusieurs actes successifs, ce qui rejoignait le déroulement des faits exposé par le prévenu. Cet acte d'accusation ne faisait en outre pas état du rapport sexuel survenu le ______ février 2016, dont le MP lui-même reconnaissait la possibilité.

Il y avait toujours une raison derrière les explications de l'appelant. Il s'était rendu aux toilettes après le rapport sexuel, car à ce moment-là, aucun élément ne lui permettait de constater le décès de son épouse. Il ne l'avait réalisé qu'à son retour de la salle de bains. Il n'était pas invraisemblable qu'il ait alors paniqué et appelé sa belle-fille, plutôt que le 144. Aucun élément ne permettait de retenir une autre heure du décès que celle indiquée par le prévenu, comme l'avait observé le TCR. La psychologue de la prison avait trouvé l'appelant authentique. Ses lésions étaient compatibles avec ses déclarations. Eu égard à sa blessure au doigt, il convenait de relever que son ADN n'avait pas été retrouvé dans la bouche de son épouse. La police s'était limitée à n'examiner qu'un seul endroit de la barrière.

Il était désormais établi que le décès de K______ était dû à une asphyxie mécanique par suffocation avec un objet souple, ce qui expliquait la présence de la plume, l'emphysème pulmonaire aigu, les dermabrasions au visage, les plaies et les ecchymoses des muqueuses labiale et buccale ainsi que les infiltrations hémorragiques sous-cutanées. Le fait que la défunte prenait de l'aspirine cardio pouvait avoir augmenté la visibilité des ecchymoses. Par ailleurs, l'appelant pouvait avoir exercé plus de pression que d'habitude. Quoi qu'il en soit, le fait qu'il n'ait aucune lésion compatible avec une agression, et bien moins de lésions que le groupe d'agresseurs examinés par les experts judiciaires, couplé au fait que les lésions constatées sur K______ avaient été causées de son vivant, étaient des éléments infirmant la thèse d'une agression violente et ouvrant la piste à une relation sexuelle consentie. En soutenant qu'il était impossible que K______ ne se soit pas débattue, l'accusation perdait de vue le fait que l'inconfort faisait partie du jeu sexuel. En outre, dans la mesure où une stimulation du glomus carotidien ne laissait pas de trace, les experts ne pouvaient pas exclure une touche à ce niveau ayant entraîné une perte de connaissance. L'appelant avait du reste décrit une phase d'absence de son épouse, durant laquelle il était allé aux toilettes, avant de réaliser le décès de celle-ci. La tache d'urine retrouvée sur la moquette était compatible avec ses déclarations. Aucun élément de l'analyse ADN n'était incompatible avec sa version. Les taches sur la literie n'étaient pas datées et il n'était pas anormal d'y trouver l'ADN de l'un ou l'autre des partenaires. La présence de sang vers la douche était due à la blessure au doigt de l'appelant. Le fait que les voisins n'aient pas entendu de cris démontait la thèse de l'agression. Il n'était pas surprenant que l'appelant ait jeté la literie dans laquelle son épouse était décédée.

L'opposition du précédent conseil de l'appelant à l'expertise psychologique ne devait pas constituer un motif suffisant pour que le MP y renonce dans une telle affaire. Quoi qu'il en soit, l'appelant n'avait pas adopté un comportement allant au-delà d'une certaine normalité. Une personne coupable aurait sans doute agi de manière totalement contraire à l'appelant et aurait notamment appelé les secours, feint des manœuvres de réanimation, tout jeté, tout nettoyé et payé les frais d'ensevelissement de la défunte.

Hormis son secret, le prévenu avait entièrement collaboré. Il s'était rendu à la police juste après les funérailles de son épouse et avait acquiescé à l'autopsie. Il savait ce qu'il avait fait, mais était loin de se douter que cela pouvait être la cause du décès. "Sa vérité" était plausible. Il n'avait jamais menti quant au fait qu'il n'avait jamais eu d'intention homicide. L'appelant avait voulu protéger son intimité et celle de son épouse par le silence. Le mensonge n'autorisait pas à construire une intention artificielle. Il convenait d'accorder à l'appelant une présomption de bonne foi et de sincérité. Un déclin de l'état de santé de K______ n'avait pas été objectivé. Le couple avait gardé une vie sociale trépidante. Le fait que l'appelant ait effectué des voyages après le décès de son épouse était irrelevant, chacun faisant son deuil à sa manière.

S'agissant de la plume, l'acte d'accusation retenait que la victime l'avait inhalée peu avant son décès, conformément aux conclusions des experts judiciaires. Ceux-ci avaient indiqué que s'il n'y avait pas eu de toux, c'était que le décès était survenu peu de temps après l'inhalation. Dès lors, l'appelant ne pouvait pas s'en rendre compte. Il avait indiqué de manière vraisemblable ne rien avoir entendu, dès lors qu'il avait constamment pressé l'édredon sur la bouche et le nez de son épouse. Dans le cas de "l'homme au scotch", la victime était également décédée en raison de la mauvaise appréciation de la situation par sa partenaire.

Si l'asphyxie érotique comportait des risques, il fallait tenir compte du fait que le couple A______/K______ l'avait pratiquée à de nombreuses reprises et avait pris les précautions nécessaires. Ils se faisaient confiance et avaient convenu d'un signal, que K______ n'avait pas pu émettre le jour des faits. Dans la mesure où des précautions avaient été prises, une ingérence du droit pénal ne pouvait pas avoir lieu, sauf à interdire complètement ce genre de pratique. L'appelant ne pouvait pas prendre de mesure supplémentaire. Chaque participant à une activité comportant des risques devait les assumer.

Une omission de prêter secours devait être écartée, dès lors qu'il devait être retenu que K______ était déjà décédée au moment où l'appelant avait constaté qu'elle était inerte, de sorte qu'il ne pouvait plus lui venir en aide.

h.b.b. A______ dépose une requête en indemnisation (pièce 121, classeur II CPAR), concluant à l'allocation, en sa faveur, d'indemnités à titre de réparation pour le tort moral subi de CHF 11'200.-, avec intérêts à 5% dès le 11 octobre 2016, et de CHF 57'400.-, avec intérêts à 5% dès le 13 mai 2022 (art. 429 al. 1 let. c CPP), ainsi que d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure de CHF 500'000.- (art. 429 al. 1 let. a CPP), en produisant les notes de frais de ses trois conseils en appel à l'appui.

L'appelant conclut aux indemnités précitées pour le tort moral subi du fait de sa détention avant jugement (alors arrêtée à 343 jours), dans la mesure où il plaide son acquittement.

Compte tenu de l'infraction initialement reprochée, l'assistance d'un avocat s'était révélée nécessaire dès sa mise en prévention. Au vu de sa participation, par son silence, à l'errance de la justice dans la conduite de la présente procédure, il se limitait à requérir une indemnité pour ses frais de défense arrêtée à CHF 500'000.- ex aequo bono, pour l'activité déployée par l'ensemble de ses conseils depuis l'ouverture de la procédure.

De la situation personnelle de l'appelant

D. a. La situation personnelle affective et familiale de A______ ressort de l'exposé des faits qui précède (en particulier, supra let. B.a.a et B.p.).

Au surplus, il possède une importante fortune mobilière et immobilière, notamment à M______, dans le canton de Soleure, où il détient une propriété, aux mains de sa famille depuis plusieurs générations, composée d'un corps de ferme, de plusieurs habitations, dont une avec piscine, de terres agricoles et d'une forêt (Y-182, C-3'313). Il a également deux appartements à BS______, sur la commune de BT______, dans les Grisons (Y-182 et C-2'175). Il était propriétaire, avec son frère et ses sœurs, d'un immeuble à BW______ [LU], vendu au prix de CHF 36.5 millions (cf. https://www.______.ch/fr/______/2021-09-30/BW______-______-______; PV TCR, p. 4).

Sur le plan professionnel, A______ a renoncé à pratiquer en qualité de notaire en 2011. Il a rejoint, puis pris la place de son père, actionnaire et CEO d'une importante entreprise de construction. En 2007, il a constitué la société BU______ GMBH, dont il est l'associé gérant, avec signature individuelle, spécialisée dans le conseil, et sise à son domicile privé de M______. A______ est devenu administrateur de plusieurs sociétés suisses ainsi que membre du conseil de fondation de diverses fondations entre 1998 et 2017, avant que ses pouvoirs ne soient radiés entre 2015 et février 2022. Il n'a désormais plus d'activités professionnelles et vit de sa fortune ainsi que des revenus de celle-ci.

Il partage avec ses deux fils la passion de la chasse.

b. D'après l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ est sans antécédent.


 

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel principal est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP). La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

L'appel ne suspend la force de chose jugée du jugement attaqué que dans les limites des points contestés (art. 402 CPP).

1.2. À titre liminaire, il sied de constater que le verdict de culpabilité retenu à l'encontre de l'appelant du chef de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), ainsi que la peine pécuniaire prononcée pour sanctionner cette infraction, ne sont plus contestés en appel et sont ainsi acquis. Seul le verdict de culpabilité rendu du chef de meurtre (art. 111 CP) demeure litigieux.

2. 2.1.1. Selon l'art. 339 al. 2 CPP, le tribunal et les parties peuvent soulever des questions préjudicielles, notamment concernant les preuves recueillies (let. d).

La voie de l'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel, laquelle ne peut se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier, mais doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1422/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.1 ; 6B_43/2012 du 27 août 2012 consid. 1.1).

2.1.2. D'après l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (al. 3). Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés.

2.1.3. Aux termes de l'art. 189 CPP, la direction de la procédure fait, d'office ou à la demande d'une partie, compléter ou clarifier une expertise par le même expert ou désigne un nouvel expert, notamment si l'expertise est incomplète ou peu claire (let. a), plusieurs experts divergent notablement dans leurs conclusions (let. b) ou si l'exactitude de l'expertise est mise en doute (let. c).

L'expertise privée n'a pas la même valeur probante qu'une expertise ordonnée par l'autorité d'instruction ou de jugement, l'expert mandaté par une partie n'étant ni indépendant ni impartial. Ainsi, les résultats issus d'une expertise privée réalisée sur mandat du prévenu sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme de simples allégués de parties (ATF 142 II 355 consid. 6 ; ATF 141 IV 369 consid. 6.2 ; ATF 132 III 83 consid. 3.4). Une expertise privée peut, selon les circonstances, tout au plus susciter des doutes sur les conclusions d'une expertise ordonnée par le tribunal ou fonder un complément d'expertise, mais une décision ne peut pas être fondée sur une expertise privée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_438/2011 du 18 octobre 2011 consid. 2.1.3).

Il découle de cette répartition des rôles entre les expertises officielles et privées qu'il n'est pas contraire au principe du procès équitable de permettre à l'expert officiel de prendre position sur l'expertise privée, sans accorder de droit de "réplique" à l'expert privé. Il suffit, sous l'angle de l'art. 6 § 1 CEDH, que le prévenu, respectivement son défenseur, ait l'occasion de se prononcer sur les conclusions de l'expert officiel se prononçant sur l'expertise privée (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 ; ATF 127 I 73 consid. 3f/bb).

2.2. L'appelant a versé à la procédure un rapport d'expertise psychiatrique privée établie par le Dr V______, détaillant l'opinion de cet expert. Ce document ne met notamment aucun trouble en exergue et apprécie la personnalité de l'appelant, ainsi que sa sexualité, principalement au regard des déclarations de ce dernier. Dans ces conditions, un tel rapport apparaît suffisant pour renseigner la CPAR au sujet de l'avis de ce psychiatre, sans qu'il n'y ait lieu de procéder en outre à son audition.

De même, la défense a produit les rapports d'expertise médico-légale privée établis par les Professeurs BE______ et BF______, développant leurs avis. Ces documents ont été soumis aux experts judiciaires. Après les avoir attentivement étudiés, ces derniers ont indiqué les raisons pour lesquelles ces rapports n'étaient pas propres à modifier leurs conclusions. Au demeurant, au vu des révélations de l'appelant transmises le 31 janvier 2023, force est de constater que le dernier avis du Professeur BF______ du 5 janvier 2023 (infra, let. C.b.c) est dénué de pertinence, tandis que celui de la Professeure BE______ du 27 février 2023 (infra, let. C.e.b.a) rejoint en substance les conclusions des experts judiciaires quant à la cause du décès de K______. Dès lors, les auditions de ces experts privés ne sont manifestement pas utiles, étant rappelé que ceux-ci n'ont par ailleurs aucun droit de "réplique".

Il n'est pas allégué que le couple A______/K______ aurait consulté un expert en asphyxie érotique. Dans la mesure où les faits sont, au demeurant, survenus dans le cadre d'un huis clos, l'audition d'un tel expert ne se justifie pas, celui-ci ne pouvant que s'exprimer sur des généralités.

Enfin, la faisabilité et l'interprétation des prélèvements supplémentaires sollicités par la défense sur le corps de K______ se heurte manifestement aux processus de nettoyage et d'altération subis par celui-ci, tel que l'ont expliqué les experts judiciaires.

Par conséquent, les réquisitions de preuve sollicitées par la défense de A______ doivent être rejetées.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses également probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b).

3.2.1. L'art. 111 CP réprime le comportement de celui qui a intentionnellement tué une personne.

L'art. 117 CP sanctionne le comportement de celui qui a, par sa négligence, causé la mort d'une personne.

Les éléments constitutifs objectifs de ces deux infractions sont similaires. L'auteur doit avoir réalisé un comportement (1) qui est la cause (2) de la mort de la victime (3) (pour le meurtre : M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 3 ad art. 111 ; pour l'homicide par négligence : ATF
122 IV 45 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_244/2019 du 10 avril 2019 consid. 2.2 et 6B_551/2018 du 27 juillet 2018 consid. 2.1).

3.2.2. En revanche, ces infractions diffèrent quant à leur élément constitutif subjectif. L'auteur commet un meurtre s'il désire la mort de la victime (dol direct) ou s'il l'accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel) (art. 12 al. 1 et 2 CP). En revanche, si l'auteur ne se rend pas compte des conséquences mortelles de son comportement mais que cette imprévoyance est coupable, l'auteur commet un homicide par négligence (art. 12 al. 3 CP).

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il existe une négligence. D'une part le comportement de l'auteur doit violer les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires ; un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, une personne raisonnable placée dans la même situation aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte qu'il mettait le bien juridique du lésé en danger (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.3 ; 145 IV 154 consid. 2.1 ;
143 IV 138 consid. 2.1). D'autre part, le comportement constituant une violation du devoir général de prudence doit lui-même être fautif ; autrement dit, il faut en principe qu'il soit lui-même réalisé intentionnellement et puisse ainsi être considéré comme une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid. 4.2.3 ; 133 IV 158 consid. 5.1).

Pour déterminer si un comportement négligent doit être qualifié de dol éventuel et, en conséquence, être puni comme une infraction intentionnelle, il faut déterminer si l'auteur s'est accommodé de la survenance d'un fait qui n'est pas soumis à son contrôle direct, comme en particulier d'un résultat ; en l'absence d'aveux convaincants, il faut se fonder sur les circonstances extérieures du cas d'espèce et en particulier sur l'importance de la probabilité que survienne le résultat en cause dans le cas d'un comportement négligent du type de celui commis par l'auteur (1), de la gravité de la violation par celui-ci de son devoir de prudence (2), ainsi que de son ou ses mobile(s) (3) et de la manière dont l'acte a été commis (4) (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1 ; 138 V 74 consid. 8.4.1 ; 137 IV 1 consid. 4.2.3).

3.2.3. Lorsque le décès de la victime est intentionnel, il suffit qu'il existe entre le comportement de l'auteur et la mort de la victime un lien de causalité naturelle (ATF 143 IV 330 consid. 2.5). En revanche, lorsque la mort de la victime résulte d'une négligence de l'auteur, son comportement doit être la cause non seulement naturelle, mais aussi adéquate du décès (ATF 130 IV 7 consid. 3.2).

Un comportement constitue la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue une des conditions sine qua non ; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 143 III 242 consid. 3.7 ; 142 IV 237 consid. 1.5.1 ; 135 IV 56 consid. 2.1). L'existence ou l'absence de la causalité naturelle entre deux évènements est une question de fait qui est soumise au degré de preuve de la haute vraisemblance (ou vraisemblance prépondérante) (ATF 135 IV 56 consid. 2.2 ; 133 III 462 consid. 4.4.2 ; 133 IV 158 consid. 6.1).

Un comportement constitue la cause adéquate d'un résultat dommageable lorsqu'il est propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ; il n'est pas nécessaire que le résultat en cause se produise régulièrement ou fréquemment dans de telles circonstances mais il doit demeurer dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 145 III 72 consid. 2.3.1 ; 144 IV 285 consid. 2.8.2 ; 143 III 242 consid. 3.7). La causalité adéquate peut en outre être interrompue par un événement extraordinaire auquel on ne pouvait s'attendre et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du résultat et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à provoquer celui-ci – y compris le comportement imputable au prévenu (ATF 146 III 387 consid. 6.3.1 ; 142 IV 237 consid. 1.5.2 ; 135 IV 56 consid. 2.1). Un état de santé déficient ou une prédisposition chez une victime ne constitue en principe pas une circonstance propre à rompre un lien de causalité adéquate (ATF 131 IV 145 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 4.3.1 ; 6B_466/2016 du 23 mars 2017 consid. 3.4.3).

3.2.4. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger qu'en participant à des jeux sexuels comportant la strangulation du partenaire et en provoquant ainsi sa mort accidentelle l'auteur s'était rendu coupable d'homicide par négligence. En l'occurrence, l'auteur ne contestait pas que les jeux sexuels auxquels il avait participé étaient la cause naturelle de la mort de son partenaire. Le cours normal des choses et l'expérience générale de la vie enseignaient par ailleurs que la strangulation pouvait provoquer la mort. Le danger particulier auquel la strangulation exposait la victime était reconnaissable pour l'auteur. Peu importe qu'il ait ignoré le risque supplémentaire que l'imprégnation alcoolique de la victime et sa position sur le ventre lui faisaient courir. Le consentement de la victime à ces jeux ne supprimait pas la culpabilité de l'auteur. Ce dernier ne pouvait raisonnablement croire que la victime était prête à accepter n'importe quel risque (ATF 114 IV 100 = JdT 1990 IV 46).

3.3. L'art. 128 CP réprime notamment le comportement de celui qui n'aura pas prêté secours à une personne qu'il a blessée ou à une personne en danger de mort imminent, alors que l'on pouvait raisonnablement l'exiger de lui, étant donné les circonstances.

Seuls sont exigés les actes de secours qui sont possibles et qui peuvent être utiles. L'auteur doit être conscient de la situation de danger de mort imminente dans laquelle se trouve la victime, et plus largement des conditions qui fondent l'obligation de porter secours. Il peut y avoir concours entre l'homicide par négligence (art. 117 CP) et l'omission de prêter secours (M. DUPUIS et. al., op. cit., n. 12, 16 et 20 ad art. 128 CP).

3.4.1. En l'espèce, il est établi que K______ est décédée le ______ février 2016, dans la chambre de son appartement au J______, alors que seul l'appelant se trouvait à ses côtés.

En outre, il est établi que la cause de son décès doit être entièrement rapportée à une asphyxie mécanique bucco-nasale, tel que l'ont déterminé les experts judiciaires aux termes d'une expertise rigoureuse et cohérente. Toute autre cause concomitante de décès est notamment exclue, l'examen du cerveau et du cœur de la défunte s'étant révélé sans particularité et celle-ci n'ayant pas pu succomber d'un AIT, aux dires des experts. Après s'être évertué à soutenir que son épouse était décédée d'une cause naturelle – en la forme probablement d'un AIT ou d'un AVC – et avoir produit diverses expertises privées soutenant cette thèse, l'appelant a reconnu, au cours de la procédure d'appel, avoir pratiqué un geste d'obstruction bucco-nasale sur sa compagne "un petit moment" au moyen de l'édredon, le ______ février 2016 au petit matin, en articulant la tranche horaire de 05h30-05h45. Les conclusions des experts judiciaires s'avèrent dès lors définitivement fondées, contrairement aux avis des experts privés en médecine légale produits, dont il ne sera ainsi pas tenu compte.

L'appelant allègue toutefois, à présent, que son geste serait intervenu dans le cadre d'une pratique sexuelle d'asphyxie érotique consentie par sa partenaire, de sorte qu'il ne traduisait aucune intention homicide et n'avait entraîné qu'accidentellement le décès de celle-ci.

Certes, ces révélations de l'appelant surviennent tardivement dans la procédure. Cela étant, sa crédibilité ne saurait être de ce seul fait mise à mal. Quand bien même il ne l'avait alors pas davantage développé – alors qu'il lui aurait appartenu de le faire –, il sied de relever que l'appelant avait fait état devant la police, en mars 2016, soit lors de sa toute première audition, du fait que son épouse et lui avaient eu une relation sexuelle et qu'il lui arrivait de lui tenir fortement les mains, tandis qu'elle pouvait le griffer, puis, devant le MP au mois d'octobre suivant, il a mentionné qu'ils pouvaient avoir des relations sexuelles avec force, au cours desquelles il la tenait par les poignets, ce qu'il a encore évoqué devant le TCR. Sa psychologue en prison a, par ailleurs, constaté que, lors de ses révélations, l'appelant s'était montré touché et ému, avec des émotions congruentes au récit. Ces éléments commandent donc de ne pas dénier d'entrée de cause toute crédibilité à ses nouvelles déclarations.

En outre, divers indices soutiennent les dernières allégations de l'appelant, tandis qu'ils permettent de sérieusement douter d'une volonté homicide de sa part.

En particulier, aucun élément ne permet d'inférer l'existence d'un conflit préalable entre les époux. Au contraire, il ressort des témoignages de leurs proches que leur relation était emprunte d'amour et harmonieuse. Les messages qu'ils se sont échangés jusqu'à quelques semaines avant les faits font état de marques de tendresse. Ils ont ensuite passé des vacances ensemble, agréables et sans tensions, selon le témoin BQ______. Aucune discorde de nature financière, ni de conflit familial n'a notamment pu être mis en exergue entre eux, étant relevé qu'ils avaient pris des dispositions successorales ne les avantageant pas et qu'ils avaient chacun une bonne situation financière, l'appelant étant lui-même davantage fortuné que son épouse. Le couple avait des projets d'avenir, notamment celui de construire une maison et d'effectuer des voyages. Après le décès de K______, plusieurs proches ou amis du couple ont été témoins de la tristesse éprouvée par A______. Ce dernier a rencontré sa nouvelle compagne, AZ______, un an et demi après le décès de son épouse.

Le soir des faits, les époux ont passé une soirée chaleureuse, au cours de laquelle K______ avait paru en bonne forme, et ils se sont montrés attentionnés l'un envers l'autre, selon le témoin AF______. Il est établi qu'en rentrant, ils se sont mis au lit et que l'appelant a lu sur sa tablette AG______ jusque vers 01h00 du matin, ce qui ne laisse pas non plus entrevoir la survenance d'un conflit peu avant les faits. Aucune trace de lutte n'a du reste été relevée par la police sur les lieux.

L'hypothèse d'un "coup de sang" de l'appelant ne trouve aucune assise dans le dossier. Certes, celui-ci ne contient pas d'expertise psychiatrique judiciaire. Cela étant, l'appelant est décrit par son entourage comme étant une personne stable, sans trait de personnalité problématique. Le témoin AS______, ex-épouse de l'appelant, a en particulier indiqué qu'il n'était pas impulsif et qu'il n'avait jamais fait preuve de marque de violence envers elle, quand bien même il n'avait pas souhaité leur séparation. Le Dr V______ n'a également mis en évidence aucun trait de personnalité pathologique chez l'appelant.

La piste d'un "homicide altruiste" n'est pas davantage corroborée. Si K______ a pu éprouver de la fatigue et des pertes de mémoire les jours précédents sa mort, il apparaît que son état de santé n'était pas plus préoccupant qu'auparavant. Au contraire, elle était alors socialement très active et des proches, notamment sa fille ainsi que les témoins AC______ et AF______, l'ont trouvée en forme. Le fait que l'appelant se soit rétrospectivement ouvert de certaines difficultés en relation avec l'état de santé de son épouse auprès de AZ______, lors de leur conversation du 5 octobre 2017, n'apparaît pas suffisamment relevant pour apprécier les circonstances précédents les faits sous un éclairage défavorable au prévenu. La Dresse W______ a d'ailleurs relevé, au cours du suivi psychiatrique de K______, que l'appelant avait été un élément stabilisateur pour sa patiente face à ses difficultés.

Ainsi, aucun mobile n'apparaît susceptible d'expliquer un passage à l'acte meurtrier intentionnel de l'appelant, lequel a, au demeurant, consenti à l'autopsie de son épouse et interrompu la procédure d'incinération de son corps dans le but de permettre sa conservation au CURML en vue d'éventuels examens supplémentaires.

En revanche, le récit de l'appelant d'une relation sexuelle incluant une pratique d'asphyxie érotique entre les partenaires le ______ février 2016, au petit matin, certes intervenu tardivement dans la procédure, ne peut être exclu, certains éléments tendant même à le corroborer. Lors de la constatation de son décès, K______ était positionnée dans son lit, nue et sans les boules Quies qu'elle mettait usuellement pour dormir, celles-ci ayant été retrouvées sur sa table de nuit. L'appelant a notamment pris son médicament contre la dysfonction érectile (Cialis) le vendredi 26 février 2016. Surtout, du liquide séminal a été mis en évidence sur le frottis effectué sur la vulve de K______, suite à l'analyse sollicitée par la CPAR. En tenant compte de la vasectomie subie par l'appelant en 1992, les experts en génétique ont expliqué que la probabilité que l'échantillon contienne du sperme était de 75%, étant relevé qu'une personne qui n'avait pas éjaculé pouvait laisser du liquide séminal. Dans la mesure où, tel que l'ont remarqué ces experts, après un rapport sexuel, le matériel génétique déposé s'éliminait en fonction du temps et que des douches favorisait cette élimination, il apparaît bien plus vraisemblable que le liquide séminal mis en évidence provienne d'un rapport sexuel survenu le ______ février 2016 plutôt que le 26 février précédent. La défunte, qui a eu plusieurs activités sociales ce week-end-là, s'est en effet très probablement douchée entre les 26 et ______ février 2016. Le fait que de l'ADN masculin n'ait été retrouvé qu'en quantité négligeable par rapport à de l'ADN féminin, sur l'écouvillon analysé, n'invalide pas la survenance d'un rapport sexuel, tel que cela ressort des explications des experts.

En outre, d'après les experts judiciaires, le tableau lésionnel de chacun des époux n'infirme pas en soi les nouvelles allégations de l'appelant. La plupart des lésions constatées sur K______ étaient d'aspect frais et en relation avec le mécanisme d'asphyxie mécanique pratiqué. Elles résultaient en particulier de frottements, de compressions et de préhensions fermes, gestes que l'appelant reconnaît finalement avoir effectués avec ses mains ou l'édredon dans le cadre de la pratique sexuelle alléguée. Selon les experts, il est possible que chacune des lésions contuses constatées sur les membres de K______ ait été causée avec le consentement de cette dernière et de son vivant. Certes, d'après leur étude comparative des cas examinés au CURML, les lésions aux visages de K______ étaient comparables à celles présentées tant dans les cas étudiés d'accidents que dans ceux d'agressions, et elle présentait plus de lésions aux membres supérieurs que dans les cas décrits dans le groupe accidents, soit un tableau lésionnel plus proche de celui constaté dans les cas d'agressions non consenties. Cela étant, les experts ont également expliqué que, dans le cadre d'un processus de suffocation par obstruction oro-nasale, les mécanismes de préhension et de défense se recoupaient, et que l'auteur n'avait pas forcément étouffé et tenu les mains de la victime en même temps. Ils ont ajouté que, dans le cas d'espèce, il ne s'agissait certainement pas de défense active, où la victime utilisait ses mains pour bloquer son agresseur. Or, le fait de ne pas faire preuve de défense active apparaît compatible avec la pratique sexuelle évoquée, étant relevé que les analyses toxicologiques effectuées ont exclu un état d'affaiblissement de K______.

Bien que les photographies de la défunte versées à la procédure montrent notamment d'importantes ecchymoses, au vu des explications des experts judiciaires, cet élément n'est pas de nature à infirmer, à lui seul, le fait que les marques de préhension visibles aient pu résulter de la pratique sexuelle consentie par les deux partenaires. Au demeurant, les experts judiciaires ont indiqué que la prise quotidienne d'aspirine cardio par la défunte pouvait rendre les ecchymoses plus importantes. Il ne peut être par ailleurs exclu que le processus d'altération du corps de la défunte, initié par sa mort, ait été de nature à renforcer la visibilité de ces traces. Cela permettrait d'expliquer que tant le médecin-urgentiste que les ambulanciers intervenus lors du constat du décès n'ont pas remarqué de lésion sur le corps de la défunte, alors qu'elles sont flagrantes sur lesdites photographies prises ultérieurement.

Tel que l'ont expliqué les experts judiciaires, la plume retrouvée dans la bronche de K______ constitue un élément supplémentaire confirmant l'asphyxie mécanique bucco-nasale survenue au moyen d'un objet souple contenant des plumes, étant relevé qu'il est établi que l'édredon utilisé par l'appelant en contenait. Cet élément ne renseigne en revanche pas sur les circonstances du décès de la victime et notamment pas sur les motivations de l'appelant. Dans la mesure où aucun élément ne permet de retenir que K______ aurait toussé consécutivement à l'inhalation de cette plume et que les experts judiciaires ont exclu l'existence d'une inflammation témoignant de la présence prolongée de celle-ci dans sa bronche, il sied de retenir que la victime a inhalé ce corps étranger que peu de temps avant de décéder. Dans ces circonstances et dans la mesure où il apparaît que l'appelant a exercé une pression avec l'édredon sur les voies oro-nasale de sa compagne sans discontinuer, il existe un doute quant au fait qu'il aurait pu percevoir la gêne occasionnée par la présence de cette plume.

S'agissant du tableau lésionnel de l'appelant, les experts judiciaires ont relevé qu'il présentait, comme lésions pouvant entrer chronologiquement en lien avec les faits, des rougeurs et des croûtes au niveau du cuir chevelu et du visage (front et régions temporales), une petite dermabrasion linéaire au niveau du dos de la main gauche, trois croûtes au niveau du dos de la main droite et une croûte au niveau du dos de la main gauche, ainsi que la plaie à bords irréguliers en voie de cicatrisation au niveau du cinquième doigt de la main droite. Cela étant, il est établi par les indications du dermatologue de l'appelant et les conclusions des médecins-légistes, que les rougeurs cutanées et les croûtes au niveau du visage de l'appelant doivent être attribuées à son traitement dermatologique. Les dermabrasions sont trop peu spécifiques pour en déterminer l'origine. Quant à la blessure au cinquième doigt de la main droite de l'appelant, elle doit être rapportée à la chute accidentelle relatée par l'appelant en allant chercher le courrier le soir des faits, étant relevé qu'il ressort de l'enquête menée que K______ était effectivement abonnée à beaucoup de journaux. Les experts ont en effet jugé que cette blessure était davantage compatible avec les explications de l'appelant qu'avec l'hypothèse d'une morsure, étant donné que le doigt n'avait pas présenté d'infection. De plus, l'ADN de l'appelant n'a pas été mis en évidence dans la bouche de la défunte et la police n'a pas décelé de traces de nettoyage évidente lors de la perquisition des lieux. Le fait que l'ADN de l'appelant n'ait pas été retrouvé sur la clôture en question n'apparaît pas déterminant, des prélèvements n'ayant pas été effectués sur l'ensemble de celle-ci, mais à l'endroit où il se remémorait avoir chuté, et au vu des intempéries survenues dans l'intervalle. Au demeurant, après leur examen comparatif, les experts judiciaires ont conclu que l'appelant présentait beaucoup moins de lésions que les agresseurs présumés examinés au CURML, alors que, tel que relevé précédemment, les lésions de K______ résultant des gestes de préhensions effectués par l'appelant étaient survenues de son vivant, sans qu'elle ne fut physiquement diminuée.

Les traces de sang de l'appelant retrouvées sur son épouse ainsi que sur son coussin ne sont pas davantage propre à infirmer les allégations de ce dernier, dès lors qu'elles peuvent s'expliquer par le saignement de ses lésions dermatologiques à la tête et de la blessure à son doigt, dans la dynamique des ébats sexuels survenus. Pour le reste, on ne peut rien déduire de la trace supposée d'urine retrouvée sur la moquette, les experts ayant affirmé qu'un tel élément ne donnait aucune indication sur la cause de la mort.

Au vu de ces éléments, il existe à tout le moins un doute sérieux quant au fait que le tableau lésionnel de chacun des époux traduise une agression plutôt qu'une relation sexuelle faisant intervenir une asphyxie érotique ainsi que des préhensions fermes avec l'assentiment des partenaires, comme allégué par l'appelant.

Il doit être retenu que, dans ce cadre, l'appelant a recouvert la bouche et le nez de son épouse au moyen de l'édredon et exercé une pression sur ces orifices, sans discontinuer, pendant au moins trois minutes, le décès étant intervenu dans un laps de temps de trois à six minutes, à dire d'experts. À cet égard, il sied de relever que la pression exercée pouvait être forte du seul fait de la corpulence de l'appelant (110 kg pour 194 cm), comme l'ont expliqué les experts.

Il est en outre admis par l'appelant que, durant son geste asphyxique, il n'a prêté attention qu'aux mouvements corporels de son épouse pour évaluer son bien-être, lesquelles témoignaient, d'après lui, de la participation de celle-ci à l'acte sexuel, en l'absence du signe interruptif convenu entre eux. De son propre aveu, il n'a procédé à aucune autre vérification, avant que sa partenaire n'arrête de bouger. L'appelant s'était pourtant déjà adonné à la pratique de l'asphyxie érotique avec son épouse et en connaissait les risques, celle-ci ayant, par le passé, rencontré un début de difficulté à une reprise (épisode du sac plastique). Selon ses explications, c'est d'ailleurs pour cette raison que le couple avait convenu d'un signe interruptif, soit de se taper sur le bras, pour précisément arrêter la pratique dans le cas où le partenaire manquait d'oxygène. Il a affirmé qu'il n'enlevait le blocage que lorsque sa femme atteignait l'orgasme ou lui faisait "le signe".

Si l'heure exacte de la mort de K______ n'a pu être établie avec précision, faute d'intervention d'un médecin légiste au moment de la levée du corps, les experts judiciaires ont néanmoins indiqué qu'aucun élément ne contredisait l'hypothèse d'un décès survenu vers 05h30-05h45, tel que cela ressort des déclarations de l'appelant. Au demeurant, cela n'entre pas en contradiction avec les observations du médecin-urgentiste et des ambulanciers intervenus à 07h07, selon lesquelles, au vu notamment des lividités cadavériques et de la rigidité de certaines parties du corps, le décès remontait à plus d'une heure, au moins. Les experts judiciaires ont par ailleurs mentionné qu'une rigidité précoce du corps pouvait survenir à la suite d'un effort physique. Or, c'est le cas d'une relation sexuelle.

Enfin, de son propre aveu, l'appelant n'a procédé à aucune mesure de réanimation, ni a appelé des secours avant son appel à sa belle-fille à 06h37. Cela étant, aucun élément ne permet de retenir que son épouse pouvait encore être sauvée lorsqu'il a constaté son inertie.

3.4.2. Aussi, sur la base du dossier et à l'issue d'une appréciation des preuves conforme au principe in dubio pro reo, il sera retenu que le 27 février 2016, peu avant minuit, après avoir passé une soirée chaleureuse chez des amis, au cours de laquelle K______ avait notamment paru en bonne forme et l'appelant s'était montré – comme à son habitude – attentionné envers elle, les époux ont regagné leur appartement de deux pièces, situé au chemin 1______ no. ______, à J______. En rentrant, l'appelant est allé chercher le courrier dans la boîte aux lettres située à 60 mètres du logement, notamment dans le but que son épouse ait les journaux qu'elle recevait à sa disposition le lendemain matin. En chemin, il a glissé et a tenté de se rattraper à une barrière en bois, dont des éléments métalliques étaient saillants, ce qui lui a occasionné la blessure diagnostiquée au cinquième doigt de sa main droite. De retour à l'appartement, il s'est dirigé dans la salle de bains pour nettoyer cette blessure et, à cette occasion, son sang a perlé à certains endroits de la pièce. Aux environs d'une heure du matin, alors que son épouse s'était déjà assoupie, l'appelant a lu sur sa tablette AG______, avant de s'endormir à son tour. Au petit matin, soit aux alentours de 05h30, les époux A______/K______ ont initié des ébats sexuels. Dans ce cadre, ils se sont adonnés à la pratique de l'asphyxie érotique, qu'ils avaient déjà précédemment expérimentée à différentes reprises. À cette fin, tout en pénétrant son épouse, l'appelant a apposé, avec sa main droite dont le cinquième doigt était blessé, un angle de l'édredon sur la moitié inférieure du visage de celle-ci, de façon à lui couvrir le nez et la bouche, en exerçant une pression conséquente, à tout le moins durant trois minutes, dans le but qu'ils atteignent tous deux l'orgasme de la sorte. Lors de cette pratique, K______ a subi la plupart des lésions constatées par les experts judiciaires et cherché, en vain, à reprendre de l'air, de sorte qu'une plume s'est glissée dans sa bronche, puis a perdu connaissance avant de décéder des suites de l'asphyxie bucco-nasale pratiquée par l'appelant. Non conscient du processus fatal qui venait de se dérouler, n'ayant pas prêté attention à d'autres signes que les mouvements corporels de son épouse lors de l'acte sexuel, ne l'ayant notamment pas entendue tousser et n'ayant pas perçu le signe interruptif convenu de la part de celle-ci, l'appelant n'a relâché la pression et découvert le visage de son épouse que lorsque celle-ci ne bougeait plus et avait déjà succombé. Lorsqu'il a, peu après, réalisé son décès, il n'a pas procédé à des manœuvres de réanimation et a laissé s'écouler une période de l'ordre de 45 minutes à une heure avant d'alerter sa belle-fille du décès de son épouse (à 06h37), puis les secours (à 06h52).

3.5.1. En agissant de la sorte, soit appliquant un édredon sur les voies respiratoires de son épouse de manière excessivement prolongée, l'appelant a entraîné la mort de celle-ci. La mort de K______ est ainsi imputable à un acte de l'appelant.

3.5.2. Quand bien même l'appelant peine encore à le verbaliser, au vu des faits retenus, il ne fait aucun doute que l'asphyxie érotique qu'il a pratiquée sur son épouse est en lien de causalité naturelle avec son décès, dès lors que celui-ci ne se serait pas produit en l'absence de cet acte.

3.5.3. Le comportement de l'appelant est également en lien de causalité adéquate avec le décès de son épouse. À l'instar de ce qui ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant la strangulation, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, le fait d'obstruer de manière prolongée les voies respiratoires d'une personne peut provoquer sa mort.

Tel que retenu précédemment, aucun autre élément, qui mènerait à reléguer à l'arrière-plan le geste asphyxique de l'appelant, n'a joué de rôle prépondérant dans la mort de K______. Au contraire, l'acte de l'appelant a été déterminant dans la survenance du décès. Il n'existe donc aucun élément de nature à rompre la causalité adéquate.

Au vu de ce qui précède, le comportement de l'appelant réalise objectivement les éléments constitutifs des infractions de meurtre et d'homicide par négligence.

3.5.4. L'appelant a violé de manière crasse les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible, dans le cadre de la pratique sexuelle alléguée. Il ne pouvait pas simplement maintenir la pression sur les voies respiratoires de sa partenaire jusqu'à l'atteinte de l'orgasme ou en l'attente d'un signe interruptif de celle-ci, mais devait veiller activement à la sécurité de sa compagne en contrôlant lui-même la durée admissible de l'asphyxie sexuelle et/ou en prêtant à tout le moins davantage attention à son regard, ce d'autant plus qu'il savait que l'état de santé de son épouse pouvait présenter certaines fragilités. Il devait se rendre compte, de par ses connaissances et ses aptitudes personnelles, qu'il devait relâcher rapidement la pression pour éviter une issue fatale, compte tenu des dangers notoirement connus d'une telle pratique. Il n'a manifestement pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir, centré sur son plaisir sexuel. Il a agi, de ce fait, fautivement.

L'appelant était en mesure d'envisager, dans les grandes lignes, que son acte pouvait conduire au résultat survenu. S'il avait respecté son devoir de diligence, celui-ci aurait été évitable.

3.5.5. Sur le plan subjectif, tel que développé précédemment, aucun mobile permettant d'entrevoir la raison pour laquelle l'appelant aurait pu souhaiter attenter aux jours de son épouse, alors qu'ils avaient une relation amoureuse harmonieuse d'après l'ensemble des témoignages recueillis, n'a pu être mis en exergue. Dans ces circonstances, on ne saurait retenir que l'appelant a eu la conscience et la volonté d'ôter la vie à son épouse, sous la forme d'un dol direct.

La frontière avec le dol éventuel est plus fine. Certes, en prêtant davantage attention aux circonstances, l'appelant aurait pu se rendre compte des difficultés rencontrées par sa partenaire lors de leur pratique sexuelle. Cela étant, ils ne s'y adonnaient pas pour la première fois et le dossier ne permet pas de retenir qu'un élément aurait été fondamentalement différent d'une autre fois. Si l'appelant devait se rendre compte du danger induit par son acte, aucun élément ne permet toutefois de retenir qu'il s'est accommodé de sa concrétisation potentielle. En tout état de cause, il existe un doute insurmontable sur ce point. Aussi, à tout le moins en application du principe in dubio pro reo, il sera retenu que l'appelant a davantage agi par négligence consciente. Par une imprévoyance coupable, il a tenu la réalisation du risque en cause pour improbable.

3.5.6. En conclusion, il sied de retenir que l'appelant a réalisé l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction d'homicide par négligence au sens de l'art. 117 CP, tel qu'exposé dans l'acte d'accusation subsidiaire déposé (supra, let. A.e.b.b.).

3.6. Il ressort des faits précédemment retenus qu'aucun élément ne permet de retenir que K______ était encore en vie lorsque l'appelant a constaté qu'elle était inerte. Dans ces conditions, il n'est pas établi que ce dernier était, à un moment donné, en mesure de lui prêter secours.

Partant, les conditions de l'infraction d'omission de prêter secours ne sont pas réunies, de sorte que cette infraction ne sera pas retenue en concours.

4. 4.1.1. L'homicide par négligence est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 117 CP). Il en va de même de la violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR).

4.1.2. Il sera fait application du droit des sanctions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2017, dès lors que les actes reprochés à l'appelant ont été commis sous l'empire de ce droit et que le nouveau droit entré en vigueur le 1er janvier 2018 qui marque globalement un durcissement ne lui apparaît pas plus favorable (l'art. 2 CP ; M. DUPUIS et al., op. cit., n. 6 ad art. 34 à 41 CP).

4.2.1. Selon l'art. 47 aCP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 ; ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

4.2.2. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante, pas plus que sa situation économique (ATF 134 IV 97 consid. 4.2 et consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

4.2.3. La durée minimale de la peine privative de liberté est de six mois au moins et de 20 ans au plus (art. 40 aCP).

4.2.4. Dans le cas des peines privatives de liberté qui excèdent la limite fixée pour l'octroi du sursis (soit entre deux et trois ans), l'art. 43 aCP s'applique de manière autonome. Le but de la prévention spéciale trouve alors ses limites dans les exigences de la loi qui prévoit dans ces cas qu'une partie au moins de la peine doit être exécutée en raison de la gravité de la faute commise (ATF 134 IV 1 consid. 5.5.1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (art. 43 al. 2 aCP). Tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins (art. 43 al. 3 aCP).

Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel –, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 1 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_584/2019 du 15 août 2019 consid. 3.1). Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Le rapport entre les deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi et sa culpabilité soient équitablement prises en compte (ATF 134 IV 1 consid. 5.6). 

4.3. Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Les mesures de substitution doivent être imputées sur la peine à l'instar de la détention avant jugement subie, la durée à imputer dépendant de l'ampleur de la limitation de la liberté personnelle en découlant pour l'intéressé, en comparaison avec la privation de liberté subie lors d'une détention avant jugement. Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation important (ATF 140 IV 74 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2018 du 27 juillet 2018 consid. 5.1).

4.4. En dépit de la déqualification opérée, la faute de l'appelant en lien avec l'homicide par négligence commis doit être qualifiée de lourde. En effet, quand bien même il doit être retenu que cela s'inscrivait dans le cadre d'une pratique sexuelle consentie, il a pratiqué sur son épouse une asphyxie érotique – geste dont la dangerosité est notoire – sans faire preuve de la prudence suffisante. Quand bien même aucune cause concomitante ne doit être retenue, dans la mesure où l'état de santé de sa compagne pouvait présenter certaines fragilités, qui lui étaient connues, il aurait dû davantage lui prêter attention. Il a trahi la confiance de sa partenaire et a agi sans égard pour elle, centré sur son seul plaisir sexuel. Il sera néanmoins tenu compte du fait qu'il a été impacté émotionnellement par sa mort.

La faute de l'appelant en rapport avec l'infraction à la LCR retenue est par ailleurs importante.

Il est admis que sa responsabilité était pleine et entière.

La collaboration de l'appelant a été exécrable la majeure partie de la procédure, au vu de ses dénégations persistantes quant à sa responsabilité dans le décès de son épouse jusqu'à la saisine de la Cour de céans. Durant près de sept ans, il a soutenu la thèse invraisemblable selon laquelle son épouse était décédée d'une mort naturelle. Il n'a pas hésité à faire retarder la procédure, en multipliant les expertises privées et les critiques quant aux conclusions des experts judiciaires. Il a caché les circonstances du décès de K______, tant aux autorités pénales qu'à ses proches, et en particulier aux enfants de celle-ci, jusque peu avant les débats d'appel. Son mensonge n'avait rien de pieux, mais était égoïste. Il sied toutefois de considérer que la collaboration de l'appelant s'est améliorée à compter de ses révélations fin janvier 2023, bien que certaines zones d'ombre demeurent, eu égard notamment au délai écoulé entre sa constatation du décès de son épouse et son appel à sa belle-fille. Si sa prise de conscience apparaît amorcée, au vu de ses aveux désormais compatibles avec les éléments principaux du dossier, elle doit toutefois encore considérablement évoluer et se consolider, l'appelant peinant toujours à reconnaître et à assumer sa pleine et entière responsabilité dans le décès de son épouse.

Rien dans sa situation personnelle n'excuse son comportement. S'agissant d'un compagnon décrit comme étant cultivé et bienveillant, il était pleinement en mesure de saisir la dangerosité de ses actes et d'y pallier.

Aucune circonstance atténuante, au sens de l'art. 48 CP, n'est plaidée ni réalisée.

L'appelant n'a pas d'antécédent judiciaire, ce qui constitue toutefois un facteur neutre eu égard à la fixation de la peine.

Compte tenu de ces éléments, il s'impose d'infliger à l'appelant une peine privative de liberté, et ce, à hauteur de la quotité maximale sanctionnant l'homicide par négligence, soit trois ans.

Au vu de cette quotité, seule la question du sursis partiel entre en considération. À cet égard, il sied de considérer que le pronostic quant au comportement futur de l'appelant n'apparaît pas défavorable, de sorte que le bénéfice du sursis partiel doit lui être octroyé. La partie ferme sera arrêtée à 18 mois et assortie d'un délai d'épreuve de trois ans, cela étant propre à sanctionner adéquatement la faute de l'appelant et à escompter un amendement durable de sa part.

S'agissant de la violation grave des règles de la circulation routière retenue, au vu du retrait de l'appel principal intervenu sur ce point, le prononcé d’une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 500.- l'unité, assortie du sursis durant trois ans, pour réprimer cette infraction est acquis à l'appelant, comme déjà indiqué (art. 34, 42 al. 1 et 44 al. 1 aCP, art. 391 al. 2 CPP).

Les jours de détention avant jugement subis seront retranchés de la peine privative de liberté prononcée (57 jours du 11 octobre au 6 décembre 2016, auxquels s'ajoutent 301 jours du 13 mai 2022 au 9 mars 2023, soit 358 jours au total à la date de reddition du dispositif de la CPAR). Tel que l'a considéré le TCR, sans que cela ne fasse l'objet d'un grief précis de l'appelant devant la CPAR, aucune déduction ne sera opérée en raison des mesures de substitution subies, celles-ci n'ayant pas entravé sa liberté de manière suffisante au regard des lourdes charges qui pesaient contre lui.

Le dispositif du jugement entrepris sera ainsi réformé dans la mesure qui précède.

5. Au vu du verdict de culpabilité retenu et de la peine prononcée, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions en indemnisation formulées par l'appelant du fait de la détention avant jugement subie (art. 429 al. 1 let. c CPP a contrario).

6. 6.1. Il ne se justifie pas de revenir sur les mesures de confiscation, destruction et restitution ordonnées par les premiers juges, celles-ci n'étant pas critiquées en appel et étant toutes justifiées (supra, let. B.j.c. ; art. 69 CP, art. 267 al. 1 et 3 CPP).

6.2. Il convient, en outre, de restituer le corps de K______, toujours retenu au CURML, aux enfants de celle-ci, soit à T______ et/ou R______ et/ou S______, afin que ceux-ci puissent légitimement organiser ses funérailles et avancer sur le chemin du deuil.

Il ne se justifie, en effet, désormais plus de retenir le corps de la défunte dans le cadre de la présente procédure, au vu notamment du rejet des réquisitions de preuves formulées par la défense quant à des prélèvements supplémentaires (supra, ch. 2.2).

7. 7.1.1. Selon l'art. 426 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (al. 1).

7.1.2. D'après l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_369/2018 du 7 février 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 IV 90).

Lorsqu'une partie qui interjette un recours obtient une décision qui lui est plus favorable, les frais de la procédure peuvent être mis à sa charge lorsque les conditions qui lui ont permis d'obtenir gain de cause n'ont été réalisées que dans la procédure de recours (art. 428 al. 2 let. a CPP)

Si le prévenu a, par exemple, conservé une preuve pour ne la faire valoir qu'en appel ou s'il a créé les conditions lui permettant d'obtenir une exemption de peine (art. 53 CP) que peu avant les débats d'appel, il serait choquant que, dans ce cas, l'État supporte les frais (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 9 ad art. 428 CPP).

Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 428 al. 3 CPP).

7.2.1. Au vu du verdict de culpabilité retenu à l'encontre de l'appelant, il ne se justifie pas de revenir sur la décision des premiers juges de mettre à sa charge les frais de la procédure de première instance.

7.2.2. En appel, l'appelant, qui sollicitait son acquittement, succombe, tout en obtenant une décision qui lui est plus favorable. Le MP, qui a présenté un acte d'accusation subsidiaire portant sur l'infraction d'homicide par négligence, retenue en définitive, obtient partiellement gain de cause.

Cela étant, force est d'admettre que l'appelant n'a pu obtenir une décision plus favorable en appel qu'en raison de ses révélations fin janvier 2023, après avoir persisté durant près de sept ans dans ses dénégations de manière infondée, et des nouveaux actes d'instruction sollicités de ce fait spontanément par la CPAR, notamment le frottis de la vulve de la défunte. Dans ces conditions, il apparaîtrait choquant de faire supporter à l'État une quelconque part aux frais de la procédure d'appel, conduite uniquement pour permettre à l'appelant de revenir sur ses manquements passés.

Par conséquent, l'ensemble des frais de la procédure seront imputés à l'appelant. Ceux-ci incluront, en appel, un émolument d'arrêt de CHF 8'000.- (art. 14 al. 1 let. e du Règlement genevois fixant le tarif des frais en matière pénale).

8. 8.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après celle des frais. Dans cette mesure, la question sur les frais préjuge de celle de l’indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_262/2015 du 29 janvier 2016 consid. 1.2).

8.2. En dépit de la déqualification opérée en appel, dans la mesure où il se justifie de mettre à la charge de l'appelant l'ensemble des frais de la procédure pour les raisons précédemment exposées (supra, consid. 7), il ne convient pas de faire droit à ses conclusions en indemnisation, qui seront par conséquent entièrement rejetées.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Statuant sur le siège le 9 mars 2023

Prend acte du retrait de l'appel de A______ s'agissant du chef de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR).

Reçoit l'appel formé par A______ pour le surplus, ainsi que l'appel joint interjeté par le Ministère public, contre le jugement JTCR/2/2022 rendu le 13 mai 2022 par le Tribunal criminel dans la procédure P/4040/2016.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'homicide par négligence (art. 117 CP) et de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de 358 jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Dit que la peine privative de liberté est prononcée sans sursis à raison de 18 mois.

Met pour le surplus A______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 43 et 44 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 500.-.

Assortit la peine pécuniaire prononcée du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, les sursis pourraient être révoqués et les peines suspendues exécutées, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté par décision séparée.

Dit qu'il sera statué dans l'arrêt motivé sur les éléments saisis, les frais de la procédure et les conclusions en indemnisation de A______.

Notifie le présent dispositif aux parties.

Le communique, pour information, à la prison de BH______ et au Service de l'application des peines et mesures.

Statuant le 26 juin 2023

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n°8______, sous chiffres 1 à 4 de l'inventaire n°5______, sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n°6______ et sous chiffre 1 de l'inventaire n°7______ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ du AG______ (fourre noire) figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n°8______.

Ordonne la libération du corps de K______ retenu auprès du Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (CURML) de Genève et sa restitution à T______ et/ou R______ et/ou S______.

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 116'430.50, y compris un émolument de jugement de CHF 6'000.- (art. 426 al. 1 CPP), ainsi qu'aux frais de la procédure d'appel, qui s'élèvent à CHF 10'345.-, y compris un émolument de jugement de CHF 8'000.- (art. 428 al. 2 let. a CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal criminel, à l'Établissement fermé de B______, au Service d'application des peines et mesures et à l'Office cantonal des véhicules.

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal criminel :

CHF

116'430.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

1'360.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

910.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

8'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

10'345.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

126'775.50