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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23634/2020

AARP/179/2023 du 26.05.2023 sur JTCO/137/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 27.06.2023, rendu le 08.08.2023, IRRECEVABLE, 6B_875/2023
Descripteurs : MEURTRE;HOMICIDE PAR NÉGLIGENCE;MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;EXPULSION(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.111; CP.117; CP.59; CP.66a.al1.letb
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23634/2020 AARP/179/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 22 mai 2023

Entre

Monsieur A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant joint,

 

contre le jugement JTCO/137/2022 rendu le 13 octobre 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

Madame D______ et Monsieur E______, comparant par Me F______, avocat,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnu coupable d'homicide par négligence (art. 117 du Code pénal suisse [CP]) ainsi que de lésions corporelles graves (art. 122 CP), et l'a acquitté de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI]). Le TCO l'a condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 676 jours de détention avant jugement et à une mesure thérapeutique institutionnelle de traitement des troubles mentaux (art. 59 CP), et l'a de surcroît expulsé de Suisse pour une durée de cinq ans. Il l'a en outre condamné au paiement de deux indemnités pour tort moral d'un montant de CHF 30'000.- chacune en faveur de D______ et de E______, avec intérêts à 5% dès le 7 décembre 2020. Le TCO a enfin condamné A______ au paiement des frais de la procédure préliminaire et de première instance s'élevant à CHF 35'662.50, y compris un émolument de jugement de CHF 4'500.-.

b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant principalement à son acquittement d'homicide par négligence, au rejet des conclusions civiles des parties plaignantes et à la mise à charge de l'État des frais de l'ensemble de la procédure. Il conclut en outre au paiement en sa faveur par l'État d'un montant de CHF 165'200.- à titre d'indemnité en tort moral selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP.

Le Ministère public (MP) dépose un appel joint, concluant à la condamnation de A______ du chef de meurtre (art. 111 CP), à sa condamnation à une peine privative de liberté de quatre ans et demi, sous déduction de la détention avant jugement, à son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans et à sa condamnation au paiement des frais de l'ensemble de la procédure.

D______ et E______ concluent au rejet de l'appel principal et s'en remettent à la justice quant aux conclusions de l'appel joint.

c. Selon l'acte d'accusation du 1er juin 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 7 décembre 2020, aux environs de 15h40, une altercation l'a opposé à G______. Après avoir tenté de frapper ce dernier à réitérées reprises, A______ lui a foncé dessus et l'a plaqué au sol de tout le poids de son corps, faisant chuter G______ en arrière sans mécanisme de protection et sans qu'il puisse amortir la chute. La tête de ce dernier a alors heurté violemment la chaussée lui faisant perdre connaissance et lui causant une hémorragie intracrânienne avec effet de masse, laquelle a entraîné son décès le ______ 2021.

Il était en outre reproché à A______ d'avoir séjourné sur le territoire suisse, notamment à Genève, sans avoir été titulaire des autorisations nécessaires et alors qu'il était démuni des ressources financières suffisantes.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______, né le ______ 1985, est un ressortissant polonais sans résidence actuelle connue. Dès ses quatre ans, il a été diagnostiqué qu'il souffrait d'un trouble de l'attention.

a.b. Vers l'âge de 25 ans, suite à une rupture avec sa conjointe, le précité a quitté la Pologne pour l'Australie, où sa présence est attestée au premier trimestre 2016, en ne maintenant le contact qu'avec un nombre réduit de personnes, dont sa mère et sa fille. À une date indéterminée, il est rentré en Europe où il mène depuis une vie d'errance.

b.a. Le 13 août 2020, A______ s'est rendu au Service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) affirmant être en rupture de traitement et avoir des idées de suicide scénarisé et d'alcoolisation massive. Il a été examiné le 15 août 2020 par l'Unité d'urgences psychiatriques. À cette occasion, il a mentionné qu'il envisageait de s'alcooliser massivement puis de se jeter du haut d'un pont. Un diagnostic de personnalité borderline a été retenu.

b.b. Le 16 août 2020, il s'est rendu aux urgences de l'Hôpital H______ et a déclaré avoir fait une tentative de suicide à l'aide de médicaments et d'alcool. Les médecins ont diagnostiqué un trouble dépressif sévère récidivant sans symptômes psychotiques et un trouble de l'attention, sans risque hétéro-agressif. Il a été hospitalisé jusqu'au 20 août suivant.

b.c. Le 25 août 2020, A______, fortement alcoolisé, s'est à nouveau rendu aux urgences de l'Hôpital H______ au motif d'une nouvelle tentative de suicide avec médicaments et alcool. Il a été hospitalisé en psychiatrie jusqu'au 8 septembre, puis de nouveau du 11 au 14 septembre 2020.

b.d. Le 28 septembre 2020, le prénommé s'est à nouveau rendu aux HUG. Après un examen par l'Unité d'urgence psychiatrique, un trouble de personnalité borderline, un trouble de l'attention avec hyperactivité, et un trouble mental et du comportement lié à la consommation d'alcool ont été retenus.

b.e. Le 3 novembre 2020 à 22h08, il a été appréhendé à I______, dans le canton de Zurich, alors qu'il dormait sur la voie publique et était fortement alcoolisé. Il était en en possession d'une ordonnance du Service de psychiatrie de l'Hôpital J______. Après le prononcé d'un placement à des fins d'assistance, il a été emmené au Centre de psychiatrie de K______ (K______/L______ [ZH]).

b.f. Le 9 novembre 2020, il a été appréhendé par la police alors qu'il dormait dans un bus à l'aéroport de Kloten dans le canton de Zurich. Il était fortement alcoolisé. Au vu de son comportement menaçant, les policiers ont procédé à son arrestation à des fins de dégrisement. Il a été relâché le lendemain au matin.

b.g. Le 12 novembre 2020, A______ s'est présenté aux urgences de l'Hôpital H______ fortement alcoolisé et avec des taches de sang sur ses vêtements. Il a affirmé vouloir faire du mal à lui-même ou à autrui et avoir peur de perdre le contrôle, mais sans perte de contact avec la réalité. Le diagnostic de dépendance à l'alcool a été rajouté à ceux précédemment retenus.

b.h. Le 2 décembre 2020, le prénommé s'est à nouveau rendu aux urgences psychiatriques des HUG au motif qu'il souffrait d'envies de suicide par alcoolisation massive. Hospitalisé à la Clinique psychiatrique M______, il l'a quittée dès le lendemain en refusant un suivi ambulatoire.

b.i. Le 4 décembre 2020, il a été emmené aux urgences du Centre hospitalier N______ [dans le département français] O______ par les pompiers car il déambulait sur les voies ferrées en gare de P______, en région frontalière. Il a réitéré ses envies de suicide.

b.j. Le 6 décembre 2020, il s'est présenté aux urgences des HUG avec un taux d'alcool dans l'air expiré de 2.17 mg/l, déclarant avoir des idées auto- et héteroagressives envahissantes. Il a été gardé pour la nuit et a quitté l'hôpital après son examen par un médecin à 10h33.

c.a. Le 7 décembre 2020, aux environs de 15h40, une altercation a éclaté sur la voie publique entre A______ et G______ à la hauteur du no. ______, rue 1______.

Le premier, d'une taille de 182 cm, pesait environ 82 kg. Il était alcoolisé avec un taux d'alcool dans l'air expiré situé entre 0.94 et 1.18 mg/l (ce qui correspond à un taux de 1.88 à 2.36 g/kg dans le sang) selon un étyhlotest effectué à 15h43. Il était en outre sous l'influence de lorazépam, dans la fourchette des valeurs thérapeutiques, substance appartenant à la famille des benzodiazépines, lesquelles ont notamment des effets anxiolytiques, sédatifs et hypnotiques.

Le second mesurait 198 cm pour une masse d'environ 126 kg. Il était alcoolisé avec un taux d'alcool dans le sang compris entre 0.97 et 1.49 g/kg. Il était en outre sous l'influence de flurazépam, dans la fourchette des valeurs thérapeutiques, substance appartenant à la famille des benzodiazépines, ainsi que de zolpidem, dans la fourchette haute des valeurs thérapeutique avec un effet potentiellement toxique, substance qui est une imidazopyridine avec un effet hypnotique rapide. Du fait de la combinaison des effets de ces substances, G______ présentait un ralentissement psychomoteur sous la forme d'une baisse de ses capacités motrices et de ses réflexes d'équilibre et de coordination.

c.b. La police et le MP ont entendu quatre témoins directs de l'altercation. Q______ a été entendue le 7 décembre 2020 à 18h26, soit immédiatement après les faits, puis à nouveau le 15 janvier 2021. R______, une connaissance de G______ qui se trouvait sur les lieux, a été entendu le 18 décembre 2020, puis à nouveau le 27 janvier 2021. S______, qui s'est annoncée suite à un appel à témoin, a été entendue le 8 février 2021. Enfin, T______, qui a également contacté les autorités suite à l'appel à témoins, a été entendu le 9 février 2021. Le lieu des évènements n'a pas été filmé par des caméras de vidéosurveillance.

c.c. Au vu des déclarations concordantes des témoins, il apparaît qu'une dispute a éclaté entre A______ et R______ lorsque le premier est venu s'assoir à côté du second le long du bâtiment [du magasin] U______ à la rue 1______, non loin de l'angle avec la rue 2______. R______ a demandé à A______ de quitter les lieux car celui-ci lui apparaissait ne pas être dans un état normal et il ne tenait pas à être assimilé à un consommateur de drogues. Après l'intervention de la police municipale, A______ s'est brièvement déplacé avant de revenir s'installer au même endroit, ce qui a fortement agacé R______.

Arrivé sur les lieux peu après, G______ a demandé à R______ pourquoi il était de mauvaise humeur, sur quoi ce dernier lui a répondu que la présence de A______ l'importunait. G______ s'est alors adressé à celui-ci en lui demandant de quitter les lieux et en tapant trois fois légèrement sur la visière de sa casquette, puis l'a levé en le tenant par le bras.

c.d. Les versions des témoins divergent partiellement sur la suite de l'altercation.

Selon Q______, A______ et G______ s'étaient disputés verbalement au milieu des rails de tram. Ils se trouvaient alors à une distance d'environ deux mètres à deux mètres et demi l'un de l'autre. Ensuite, ils s'étaient déplacés sur le trottoir tout en se rapprochant au point d'être très proches. Elle avait eu le sentiment que les deux concernés n'étaient pas lucides et qu'ils avaient le comportement de personnes n'ayant pas de réflexes, surtout G______, lequel se déplaçait en outre lentement. Aucun des protagonistes n'avait donné de coup à l'autre mais ils se disputaient et donnaient l'impression de vouloir se battre. A______ s'était ensuite jeté sur G______ et l'avait fortement poussé avec tout le poids de son corps. Ce dernier était alors tombé sans utiliser ses bras pour amortir sa chute, comme "un bout de bois, quelque chose de pas vivant". Il avait touché le sol avec le bas du dos et les fesses puis avec la tête. Au moment de la chute, A______ était tombé sur G______ mais avait roulé de côté en tombant, passant par-dessus la tête de ce dernier. Un tiers était intervenu et avait maintenu le premier à terre jusqu'à l'arrivée de la police. Dans sa première déclaration, la témoin a précisé que la chute de A______ était due au fait qu'il avait été empoigné par G______, ce qui expliquait que celui-ci n'ait pas utilisé ses mains pour se retenir. Dans ses déclarations ultérieures, elle a toutefois déclaré ne plus être certaine de ce point précis. Q______ se trouvait à environ un mètre des protagonistes au moment de la chute.

Selon R______, les deux protagonistes s'étaient déplacés sur les rails du tram alors que A______ tentait de frapper G______ et que celui-ci le tenait à distance en le repoussant sans chercher à le frapper. A______ était héroïnomane mais pas alcoolisé, au contraire de G______ qui n'avait pas le comportement d'une personne alcoolisée ou autre. Au moment où ils étaient parvenus sur le trottoir devant U______ et qu'ils se trouvaient à environ un mètre d'écart, le premier s'était jeté sur le second et l'avait poussé sur le torse avec les deux mains en faisant usage de tout le poids de son corps. G______ était alors tombé sur les fesses et surtout sur la tête. Entraîné par son geste, A______ était tombé sur lui. Remarquant que ce dernier allait continuer à frapper G______ bien qu'il se trouvât au sol, R______ était intervenu, maintenant A______ à terre jusqu'à l'arrivée de la police. Le témoin se trouvait à environ deux mètres 50 des protagonistes au moment de la chute.

Selon S______, les deux protagonistes se chamaillaient sur les voies de tram en tenant leurs poings devant eux en position de boxeur. Elle n'avait pas vu que des coups eussent été échangés, mais elle se rappelait que G______ invectivait A______ ainsi que des déplacements en va et vient des prénommés. Elle n'avait pas vu si ce dernier avait des problèmes d'équilibre mais G______ apparaissait manquer d'équilibre à la façon des personnes alcoolisées ou droguées. Après cette dispute, celui-ci s'était dirigé vers R______ qui était assis par terre à droite de l'entrée de U______, tournant le dos à A______ qui l'avait suivi en marchant rapidement. Alors qu'ils étaient très proches, G______ s'était retourné et A______ lui avait alors sauté dessus avec de l'élan en le poussant avec ses mains au niveau du torse. Le premier avait chuté tout droit et lourdement sans se retenir avec les mains et s'était cogné la tête contre le sol. Le second lui était tombé dessus. Les évènements avaient duré une dizaine de minutes. La témoin était située sur le trottoir non loin au moment du drame. Elle n'avait pas suivi l'entier du début de l'altercation car une femme avait détourné son attention en lui demandant ce qui se passait.

Selon T______, A______ avait marché quelques mètres après que G______ lui avait demandé de quitter les lieux. Le premier avait ensuite rebroussé chemin en invectivant le second. Celui-ci lui avait alors dit "je t'avais dit de dégager" et lui avait mis une forte claque au visage alors qu'ils se trouvaient sur les voies de tram. Selon T______, G______ avait de la peine à se déplacer, ce qui correspondait à sa démarche les autres fois où il avait pu l'apercevoir. A______ était quant à lui probablement ivre, vu comme il "gueulait", mais il tenait debout. G______ s'était ensuite dirigé vers U______ tout comme A______. Alors qu'ils se trouvaient à cinq ou six mètres l'un de l'autre, le second avait pris de l'élan puis frappé le premier, probablement avec un coup de pied "chassé" (un coup de pied droit porté avec la plante du pied), et celui-ci était tombé d'un coup. Sa tête avait alors frappé le sol. Les évènements avaient duré une dizaine de minutes. Le témoin se trouvait à environ un mètre de G______ au moment de sa chute.

c.e. Entendu par la police le jour des faits, A______ a affirmé ne se souvenir de rien si ce n'était d'être passé à l'hôpital le matin même puis d'avoir consommé de l'alcool. Il a réitéré cette version lors de ses auditions devant le MP. Après avoir entendu les témoignages de R______ et de D______, il a néanmoins précisé qu'il n'avait jamais voulu tuer quelqu'un et préférerait être mort à la place de G______.

c.f. Arrivés sur place, des agents de la police de proximité ont immédiatement arrêté A______ et appelé une ambulance pour G______, bien que celui-ci se fût réveillé après avoir été inconscient pendant plusieurs minutes et souhaitât pouvoir quitter les lieux par ses propres moyens.

c.g. Une fois aux HUG, l'état neurologique de G______ s'est rapidement détérioré. Un scanner cérébral a été réalisé, lequel a révélé une hémorragie dans la boîte crânienne avec un hématome sous-dural à gauche qui comprimait l'encéphale (effet de masse). Cette hémorragie a été causée par l'énergie cinétique qu'a subi la boîte crânienne de G______ lors du choc de sa tête sur le sol dur du trottoir, bien que son crâne n'eût pas été fracturé et que son cerveau n'eût pas été directement endommagé. Le personnel médical a immédiatement procédé à une opération de craniectomie, opération de la dernière chance consistant à retirer une partie du crâne afin de réduire la pression intracrânienne. Lors de celle-ci G______ a présenté un arrêt respiratoire et perdu quatre litres de sang, soit environ la moitié de son sang total. Il a néanmoins pu être réanimé et transféré aux soins intensifs.

c.h. Son état neurologique s'est ensuite lentement amélioré. Un traitement anticoagulation lui a été administré en lien avec un risque de thrombose. En raison des dangers posés par ce traitement au vu de l'hémorragie dont il avait souffert, un filtre cave destiné à prévenir la migration, potentiellement fatale, de caillots vers les poumons a été posé et le traitement anticoagulant temporairement arrêté, puis repris en date du 3 janvier 2021.

c.i. Le 11 janvier, l'état neurologique de G______ s'est brusquement détérioré et un scanner a révélé un important saignement intracrânien avec hernie extra-crânienne du tissu cérébral. Après la réalisation d'une dérivation ventriculaire externe, et devant la péjoration de l'état clinique du prénommé impliquant de graves lésions cérébrales, le corps médical a pris la décision de ne pas tenter de réanimation. G______ s'est éteint le ______ 2021.

c.j. Selon la doctoresse V______, spécialiste en médecine légale, qui a procédé à l'autopsie du défunt avec le docteur W______, médecin interne au sein de l'Unité X______ du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), il n'y aurait pas eu de raison, en l'absence du traumatisme initial survenu le 7 décembre 2020, que G______ subît une hémorragie intracrânienne du type de celle ayant entraîné son décès. Bien que G______ eût des prédispositions génétiques à la formation de caillots, n'importe qui aurait pu faire des thromboses dans les conditions consécutives à l'atteinte initiale, laquelle avait été directement causée par le choc de son crâne sur le sol lors de sa chute le 7 décembre 2020. Selon la Dresse V______ : "Tout pouvait être considéré comme des complications liées au traumatisme initial, sauf ce facteur prédisposant qui était propre à M. G______ du fait de sa maladie génétique.". Le Dr W______ a encore précisé que le jour où l'hémorragie fatale s'était déclenchée, la mesure de l'anticoagulant administré au défunt était dans une fourchette conforme à la cible visée d'une anticoagulation à visée thérapeutique et que la maladie dont souffrait celui-ci ne changeait pas la dose nécessaire à obtenir l'effet escompté.

d. D______ et E______ ont été profondément et durablement affectés par la mort inattendue de leur père. Ils ont en particulier souffert de n'avoir pu communiquer verbalement avec lui lors de l'hospitalisation ayant précédé son décès alors qu'il était encore conscient.

e.a. Sur requête du MP, une expertise psychiatrique a été réalisée par les docteurs Y______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et Z______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie avec formation postgrade en psychiatrie et psychothérapie forensique. Dans leur rapport d'expertise du 6 octobre 2021 et leur rapport complémentaire du 28 février 2022, ils ont retenu que A______ souffrait d'un trouble mixte de la personnalité, avec des traits borderline et schizotypiques, d'un trouble de perturbation de l'activité et de l'attention, d'un trouble dépressif récurrent, épisode moyen lors des faits, et d'un syndrome de dépendance à l'alcool, avec alcoolisation aigüe lors des faits. Selon le Dr Z______, l'expertisé démontrait clairement des idées sub-délirantes de persécution. Le trouble mixte de la personnalité devait être considéré comme grave.

L'effet cumulé des trois premiers troubles sur la faculté volitive pouvait être considéré comme "de faible importance". Ils n'étaient en revanche pas de nature à avoir empêché l'expertisé de percevoir le caractère illicite de ses actes. En raison de son intoxication alcoolique aigüe lors des faits, évaluée à 2.36 g/kg, il fallait toutefois considérer que cette faculté était légèrement diminuée au moment des faits. Dans l'ensemble, il convenait de retenir que la responsabilité était moyennement restreinte du fait d'une limitation faible de la capacité de A______ à percevoir le caractère illicite de ses actes et d'une capacité moyenne de celui-ci à se déterminer.

Ses troubles psychiques étaient en relation avec les infractions qui lui étaient reprochées. Une analyse du risque de récidive violente révélait que celui-ci était moyennement élevé, en lien notamment avec un risque d'instabilité sur le plan comportemental et de consommation excessive d'alcool. Les experts recommandaient une mesure visant à soigner les pathologies psychiatriques de A______. Au vu de la très grande difficulté d'une prise en charge ambulatoire de ce dernier depuis son incarcération à la prison de B______ et d'un risque de fuite, ils préconisaient le prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle de traitement des troubles mentaux en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP à effectuer dans un établissement spécialisé, par exemple à AA_____. Ce traitement pouvait être mis en œuvre de manière efficace même sans le consentement de l'expertisé qui était ambivalent vis-à-vis des soins recommandés. En outre, une telle mesure pouvait produire des effets après une année déjà et devrait être suivie d'un traitement ambulatoire de durée indéterminée. En cas d'efficacité de la mesure de traitement institutionnelle, le risque de récidive à cinq ans serait réduit. Une mesure d'internement n'était en revanche pas recommandée.

Lors de son audition subséquente, le Dr Z______ a précisé qu'il ne pouvait pas confirmer ou infirmer la véracité des déclarations de l'expertisé relatives à son absence de souvenir des faits reprochés. Cette absence n'avait pas pu être causée par ses troubles psychiatriques durables, mais elle pouvait potentiellement avoir été engendrée par son alcoolisation aigüe lors des faits, étant entendu qu'un tel effet de "blackout" n'était pas altéré ou diminué par un effet d'accoutumance.

e.b. Lors de ses auditions par la police et au MP, A______ a affirmé avoir de multiples troubles mentaux et des envies de suicides et avoir besoin d'aide. Le 27 janvier 2021, il a notamment expliqué que l'alcool engendrait chez lui des paranoïas et qu'il avait des idées sombres consistant à se faire du mal à lui-même ou à autrui. En outre, il se sentait tout le temps observé et ne savait pas ce qui était réel et ce qui ne l'était pas.

f. Les parties ont été informées de la clôture prochaine de l'instruction par courrier du MP du 30 mars 2022 et ont disposé d'un délai de 30 jours pour déposer des réquisitions de preuve complémentaires. Le prévenu a été mis en accusation par ordonnance du 1er juin 2022.

g. Lors de son audition par le Tribunal correctionnel le 13 octobre 2022, A______ a déclaré qu'il se souvenait très bien de ce qui s'était passé à l'hôpital le 6 décembre 2020 et notamment qu'un médecin lui avait dit d'arrêter de boire. Il se souvenait également être sorti ensuite de l'hôpital. En revanche, il n'avait aucune mémoire de ce qui s'était passé ensuite jusqu'à son réveil en détention.

C. a.a. Le 21 novembre 2022, en annexe à sa déclaration d'appel, A______ a déposé un certificat médical du Service de médecine pénitentiaire du 11 octobre 2022. Celui-ci mentionnait que sa prise en charge avait été initialement particulièrement difficile, avec notamment plusieurs tentatives de pendaison et de strangulation, mais que suite à une modification radicale de celle-ci dès le mois d'août 2022, un impact positif avec été constaté sur son état psychique. Depuis plusieurs mois, sa participation au traitement était bonne. Il convenait donc d'envisager une poursuite de la prise en charge dans un cadre pénitentiaire adapté, comme celui de l'Établissement fermé de AB_____.

a.b. Sur requête de la Chambre de céans, les Drs Y______ et Z______ ont rendu un rapport d'expertise psychiatrique complémentaire daté du 2 mars 2023. Il en ressort que A______ a fait l'objet de neuf hospitalisations, avec plusieurs tentatives de suicide et placements à des fins d'assistance, entre le 6 octobre 2021 et le jour de rédaction de ce complément d'expertise, dont la dernière fois du 9 au 24 janvier 2023 et au cours du mois de février 2023. Il présentait parfois des éléments délirants lors de décompensations avec un glissement hors de la réalité, sans qu'on pût encore parler de psychose. En outre, il faisait par ailleurs preuve non seulement d'auto-agressivité mais se montrait aussi parfois tendu et menaçant envers autrui. Une hospitalisation en milieu institutionnel fermé sur une période suffisamment longue était recommandée, un traitement ambulatoire apparaissant voué à l'échec. Pour le surplus, les conclusions de l'expertise initiale étaient confirmées.

a.c. Entendu par la Chambre de céans le 13 mars 2023, A______ a réitéré ne pas se souvenir des faits reprochés. À de nombreuses reprises, il a semblé que ses pensées fuyaient, le précité monologuant parfois sur des sujets sans lien avec les questions qui lui étaient posées. Il a affirmé souffrir de sa détention, en particulier car ses vêtements étaient en permanence mouillés par un produit de nature huileuse utilisé pour nettoyer les sols et qui lui causait en outre des problèmes respiratoires. Il a en outre mentionné qu'il n'était pas possible de savoir quel était son état au moment des faits en raison de l'absence de caméras de surveillance, contrairement à ce qui était le cas aux États-Unis d'Amérique qui garantissait la liberté d'expression.

b.a. Par la voix de son conseil, A______ a contesté l'appréciation des preuves réalisée par le TCO. Selon lui, la version de la chute retenue par cette instance ne correspondait pas aux déclarations des témoins. Il fallait en particulier écarter tout effet de surprise, les protagonistes s'étant empoignés lors de la chute. En outre, contrairement à ce qu'avait retenu l'autorité précédente, les problèmes d'équilibres de G______ n'étaient pas flagrants de sorte que A______ ne pouvait imaginer que celui-ci allait chuter. D'ailleurs, s'il lui était tombé dessus, c'était parce qu'il ne s'attendait pas à ce que G______ chute. La fragilité d'une victime ne pouvant être déterminante que si celle-ci était connue de l'auteur, tant le dol éventuel que la négligence devaient être écartés. Une simple poussée était à qualifier de voies de fait selon la jurisprudence. Les substances retrouvées dans le sang de G______ étaient de surcroît déterminantes dans sa chute, et il n'existait pas de causalité adéquate entre sa poussée et sa mort plusieurs semaines plus tard à l'hôpital du fait de complications médicales.

À titre subsidiaire, A______ a fait valoir qu'il se trouvait dans une situation de légitime défense au moment de pousser G______. Quant à une éventuelle peine, il a fait valoir une violation du principe de célérité relative à la période entre novembre 2021 et juin 2022, à savoir qu'un délai de sept mois entre l'audition des experts et la mise en accusation apparaissait excessif.

b.b. Selon le MP, le TCO avait apprécié incorrectement les éléments de preuve. À lecture des témoignages, il apparaissait que A______ était revenu à la charge alors que l'altercation entre ce dernier et G______ avait pris fin. A______ avait pris de l'élan avant d'effectuer un placage soudain qui n'avait laissé aucune chance à la victime de réagir, puis avait tenté de la frapper au sol. Au vu de la soudaineté de l'attaque, l'absence des substances retrouvées dans le sang de G______ n'aurait de toute façon rien changé à la manière dont celui-ci avait chuté. Par ailleurs, A______ avait clairement exprimé des idées hétéroagressives quelques heures avant ces évènements. Il fallait en conclure qu'il avait accepté les conséquences potentiellement fatales de son acte au moment de réaliser son placage. En conséquence, il devait être condamné pour meurtre par dol éventuel au sens de l'art. 111 CP. Quant à la peine et à la durée de l'expulsion, il convenait de se montrer sévère vu la faute très importante de A______ et son absence de remords.

b.c. Par la voix de leur conseil, D______ et E______ ont soutenu que le mode opératoire de A______ n'était pas compatible avec une situation de légitime défense. Dès lors qu'une chute en arrière du type de celle subie par G______ était de nature à causer la mort et que l'absence d'erreur médicale était établie, il fallait en outre considérer que le comportement de A______ était bien en relation de causalité avec la mort de leur père. Il fallait encore souligner qu'au vu de l'état psychique dans lequel se trouvait celui-ci, on devait retenir qu'au moment de l'altercation fatale, il était prêt à accepter non seulement la perte de sa propre vie, mais également de celle d'autrui. Cela valait également pour le moment où il avait commencé à boire, d'autant que son amnésie n'était pas crédible.

D. A______ est divorcé et père d'une fille âgée de quinze ans qui vit en Pologne avec sa mère et avec laquelle il entretient des contacts réguliers. Avant de quitter la Pologne, il a travaillé dans une entreprise publicitaire. Depuis son retour en Europe, il vit notamment sur ses économies en menant une vie d'errance.

Son casier judiciaire suisse est vierge. En revanche, il a été condamné pour des vols mineurs aux Pays-Bas en date du 7 février et du 6 juin 2018, ainsi que du 9 décembre 2020, et au Danemark en date du 13 mars et du 1er avril 2019.

E. a. MC______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, six heures d'activité de chef d'étude et vingt-et-une heures et 40 minutes (1'260 minutes) d'activité d'avocate collaboratrice, hors débats d'appel, lesquels ont duré 200 minutes.

En première instance, MC______ a été indemnisé pour plus de 30 heures d'activité (59 heures et 30 minutes).

b. MF______, conseil juridique gratuit de D______ et E______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 350 minutes d'activité de chef d'étude, hors débats d'appel.

En première instance, MF______ a également été indemnisé pour plus de 30 heures d'activité.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398, 399, 400 al. 3 let. b et 401 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre-appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude des éléments de preuve à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses également probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

2.2. L'appréciation du résultat d'une expertise officielle relève de l'appréciation des preuves par le juge pénal (ATF 141 IV 305 consid. 6.6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1271/2021 du 12 septembre 2022 consid. 1.2 ; 6B_755/2021 du 1er juin 2022 consid. 1.1.1). Celui-ci n'est pas formellement lié par une expertise officielle ; toutefois, il ne peut s'écarter de celle-ci que s'il existe des indices importants qui en ébranlent sérieusement la crédibilité (ATF 146 IV 116 consid. 2.1 ; 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 141 IV 369 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1271/2021 du 12 septembre 2022 consid. 1.2).

3. 3.1. Selon l'art. 111 CP, est coupable de meurtre celui qui a intentionnellement tué une personne, pour autant que les conditions prévues aux articles suivants ne soient pas réalisées. Selon l'art. 117 CP, est coupable d'homicide celui qui, par négligence, a causé la mort d'une personne.

Les éléments constitutifs objectifs de ces deux infractions sont similaires. L'auteur doit avoir réalisé un comportement (1) qui est la cause (2) de la mort de la victime (3) (pour le meurtre : M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 3 ad art. 111 ; pour l'homicide par négligence : ATF 122 IV 45 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_244/2019 du 10 avril 2019 consid. 2.2 ; 6B_551/2018 du 27 juillet 2018 consid. 2.1 ; 6B_1371/2017 du 22 mai 2018 consid. 1.1).

3.2. En revanche, ces infractions diffèrent quant à leur élément constitutif subjectif. L'auteur commet un meurtre s'il désire la mort de la victime (dol direct) ou s'il l'accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel) (cf. art. 11 al. 2 CP). En revanche, si l'auteur ne se rend pas compte des conséquences mortelles de son comportement mais que cette imprévoyance est coupable, l'auteur commet un homicide par négligence (cf. art. 11 al. 3 CP).

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il existe une négligence. D'une part le comportement de l'auteur doit violer les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires ; un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, une personne raisonnable placée dans la même situation aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte qu'il mettait le bien juridique du lésé en danger (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.3 ; 145 IV 154 consid. 2.1 ; 143 IV 138 consid. 2.1 ; 135 IV 56 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid. 4.2.3). D'autre part, le comportement constituant une violation du devoir général de prudence doit lui-même être fautif ; autrement dit, il faut en principe qu'il soit lui-même réalisé intentionnellement et puisse ainsi être considéré comme une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid. 4.2.3 ; 133 IV 158 consid. 5.1 ; 129 IV 119 consid. 2.1).

Pour déterminer si un comportement négligent doit être qualifié de dol éventuel et, en conséquence, être puni comme une infraction intentionnelle, il faut déterminer si l'auteur s'est accommodé de la survenance d'un fait qui n'est pas soumis à son contrôle direct, comme en particulier d'un résultat ; en l'absence d'aveux convaincants, il faut se fonder sur les circonstances extérieures du cas d'espèce et en particulier sur l'importance de la probabilité que survienne le résultat en cause dans le cas d'un comportement négligent du type de celui commis par l'auteur (1), de la gravité de la violation par celui-ci de son devoir de prudence (2), ainsi que de son ou ses mobile(s) (3) et de la manière dont l'acte a été commis (4) (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1 ; 138 V 74 consid. 8.4.1 ; 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; 134 IV 26 consid. 3.2.2 ; 133 IV 222 consid. 5.3 ; 133 IV 1 consid. 4.1 ; 130 IV 58 consid. 8.4).

3.3. Lorsque le décès de la victime est intentionnel, il suffit qu'il existe entre le comportement de l'auteur et la mort de la victime un lien de causalité naturelle (ATF 143 IV 330 consid. 2.5). En revanche, lorsque la mort de la victime résulte d'une négligence de l'auteur, son comportement doit être la cause non seulement naturelle, mais aussi adéquate du décès (ATF 130 IV 7 consid. 3.2).

Un comportement constitue la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue une des conditions sine qua non ; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 143 III 242 consid. 3.7 ; 142 IV 237 consid. 1.5.1 ; 135 IV 56 consid. 2.1 ; 133 IV 158 consid. 2.1). L'existence ou l'absence de la causalité naturelle entre deux évènements est une question de fait qui est soumise au degré de preuve de la haute vraisemblance (ou vraisemblance prépondérante) (ATF 135 IV 56 consid. 2.2 ; 133 III 462 consid. 4.4.2 ; 133 IV 158 consid. 6.1 ; 130 IV 7 consid. 3.2).

Un comportement constitue la cause adéquate d'un résultat dommageable lorsque ledit comportement est propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ; il n'est pas nécessaire que le résultat en cause se produise régulièrement ou fréquemment dans de telles circonstances mais il doit demeurer dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 145 III 72 consid. 2.3.1 ; 144 IV 285 consid. 2.8.2 ; 143 III 242 consid. 3.7 ; 142 IV 237 consid. 1.5.2 ; 138 IV 57 consid. 4.3.1). La causalité adéquate peut en outre être interrompue par un événement extraordinaire auquel on ne pouvait s'attendre et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du résultat et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à provoquer celui-ci – y compris le comportement imputable au prévenu (ATF 146 III 387 consid. 6.3.1 ; 142 IV 237 consid. 1.5.2 ; 135 IV 56 consid. 2.1 ; 134 IV 255 consid 4.4.2). Un état de santé déficient ou une prédisposition chez une victime ne constitue en principe pas une circonstance propre à rompre un lien de causalité adéquate (ATF 131 IV 145 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 4.3.1 ; 6B_466/2016 du 23 mars 2017 consid. 3.4.3).

4. 4.1.1. En l'occurrence, les versions des quatre témoins divergent quant aux circonstances précises ayant mené à la chute de la victime.

Les témoins Q______ et R______ n'ont pas fait mention d'une césure dans la confrontation ayant opposé l'appelant à la victime. Selon leurs souvenirs, les protagonistes s'étaient disputés tout en se déplaçant sur les voies de tram puis le trottoir devant U______. Ces deux témoins et le témoin S______ ont en outre clairement mentionnés que les protagonistes étaient très proches l'un de l'autre jusqu'avant la chute de G______. Tous trois ont aussi confirmé que l'appelant avait bondi et violemment poussé la victime avec le haut de son corps, soit avec ses mains, R______ et S______ ayant évoqué une poussée au niveau du torse. Ce déroulement des faits ne correspond pas à celui avancé par le témoin T______ qui a mentionné une prise d'élan de l'appelant suivie d'un coup de pied droit ("chassé"). Les témoignages de Q______ et de R______ juste après les faits doivent être considérés comme ayant une force probante particulière, d'autant qu'aucun des deux n'avait connaissance de l'issue fatale où moment où il a déposé. Q______ était en outre située à environ un mètre du lieu de la chute et avait donc, sans nul doute, une vision particulièrement claire des évènements. Il convient donc d'écarter la version différente avancée par le témoin T______, d'autant que celui-ci a admis ne pas avoir vu le coup de pied qu'il estimait avoir été porté à la victime. Un tel coup de pied n'est en outre pas compatible avec la chute de l'appelant sur la victime, soit vers l'avant. De même, le témoin S______ a dit que les protagonistes s'étaient séparés avant que l'appelant ne revînt subitement à la charge, mais a aussi précisé que son attention avait à ce moment-là été détournée par un tiers, de sorte que cette version est clairement moins vraisemblable que celle d'un affrontement constant décrites par les témoins Q______ et R______.

Les témoins Q______, R______ et S______ ont décrit la chute de la victime comme lourde, la première décrivant celle-ci comme la chute d'"un bout de bois, quelque chose de pas vivant". Quant à T______, il a mentionné que la victime était tombée "d'un coup". Q______ et R______ ont également fait mention d'un contact initial des fesses de la victime avec le sol avant que sa tête heurtât le trottoir sans que ladite victime n'eût agi pour amortir sa chute. Par ailleurs, l'ensemble des témoins a clairement mentionné que l'appelant était tombé sur la victime. Sur ces points, les déclarations concordantes emportent la conviction. Au contraire, la version du témoin R______ selon laquelle l'appelant allait s'en prendre à la victime se trouvant inconsciente au sol au moment où il était intervenu manu militari n'est pas corroborée par un autre témoin et doit donc être écartée comme non-suffisamment établie. Cela vaut d'autant plus que cette version est le fait de la personne intervenue et qu'il existait donc un intérêt compréhensible de R______ à exagérer postérieurement la menace que représentait l'appelant pour légitimer ladite intervention musclée à l'encontre d'une personne venant de mettre à terre une de ses connaissances. R______ n'avait d'ailleurs mentionné ni la tentative d'acharnement de l'appelant sur la victime au sol, ni son intervention musclée, lors de sa déposition initiale à la police un jour après les faits.

S'agissant des substances retrouvées dans le sang de la victime par les toxicologues, les experts ont été formels sur le fait que leur combinaison avait engendré chez G______ un ralentissement psychomoteur sous la forme d'une baisse de ses capacités motrices et de ses réflexes d'équilibre et de coordination. Ce manque d'équilibre a d'ailleurs été remarqué par les témoins qui ont tous souligné qu'il était visible que la victime se déplaçait avec difficultés, Q______ mentionnant un comportement de "quelqu'un qui n'a pas de réflexes" et S______ qu'il titubait et avait le comportement d'une personne alcoolisée ou droguée. Le seul à décrire un comportement normal chez la victime est R______, ce dernier ayant néanmoins précisé qu'elle avait des soucis d'équilibre. Il convient donc de retenir, d'une part, que le manque d'équilibre de la victime était facilement observable au moment des faits et, d'autre part, que les substances retrouvées dans le sang de la victime ont joué un rôle déterminant dans la manière dont elle a chuté. Au vu des caractéristiques physiques respectives des protagonistes au moment des faits, à savoir une masse d'environ 82 kg (pour 182 cm) pour l'appelant et une masse de 126 kg (pour 198 cm) pour la victime, il apparaît hautement improbable que celle-ci aurait chuté sans aucun mécanisme de défense si elle n'avait pas été sous l'influence de ces substances. Comme le souligne à raison la défense, une chute aussi soudaine n'avait d'ailleurs pas été prévue par l'appelant. En effet, R______ a précisé que celui-ci avait été entraîné par son élan et Q______ qu'il avait roulé au sol en tentant d'éviter la victime, ces témoignages emportant la conviction de la Chambre de céans pour les motifs mentionnés précédemment. Par ailleurs, en vertu du principe de la présomption d'innocence, il s'imposerait de toute façon de retenir la version factuelle la plus favorable à l'appelant lorsqu'après appréciation des preuves aucune hypothèse parmi plusieurs possibles ne l'emporterait clairement sur l'autre.

Enfin, il convient d'écarter la version ressortant du témoignage de T______ selon laquelle la victime aurait frappé violemment l'appelant au visage. En effet, aucun des trois autres témoins n'a fait mention d'un tel geste, qui, s'il avait eu lieu, aurait difficilement pu passer inaperçu de Q______, S______ et R______ au vu la différence de carrure entre les protagonistes. En revanche, les invectives réciproques entre ceux-ci, respectivement leur comportement bagarreur ont bien été relevés par les témoins Q______ et S______, R______ ayant également fait mention qu'ils s'étaient battus, tout en précisant que le comportement de G______ se limitait à tenir à distance l'appelant en le repoussant en tendant la main paume ouverte.

Au vu ce qui précède, il convient de retenir que les faits se sont déroulés comme suit :

Le 7 décembre 2020, vers 15h40, une altercation a éclaté entre l'appelant et la victime lorsque celle-ci a fermement incité le premier à quitter le lieu où il s'était assis, non loin de R______, notamment en tapant trois fois légèrement sur la visière de sa casquette. Il s'en est suivi des invectives réciproques, les deux protagonistes ayant adopté un comportement menaçant sans recourir à la violence physique, tout en se rapprochant peu à peu jusqu'à être très proches l'un de l'autre. À ce moment-là, l'équilibre précaire de la victime était facilement reconnaissable pour l'appelant. Celui-ci a alors volontairement bondi et puissamment poussé le torse de la victime. Du fait de cette poussée et d'un ralentissement psychomoteur engendré par les substances retrouvées dans son sang, la victime a lourdement chuté touchant le sol en béton du trottoir avec les fesses puis avec la tête, sans parvenir à amortir sa chute. L'appelant, emporté par son élan, a également chuté, puis roulé au sol pour tenter d'éviter la victime. Il ne s'est pas acharné sur elle alors qu'elle gisait inconsciente sur le trottoir.

4.1.2. Il ressort clairement des déclarations des experts légistes que la chute de la victime a causé un choc dans sa boîte crânienne, choc qui a engendré une hémorragie et un hématome sous dural gauche intracrânien, lequel a comprimé l'encéphale de G______. En raison de ce grave trouble à la santé immédiatement menaçant pour sa vie, l'équipe médicale a dû procéder à une opération de craniectomie, laquelle constitue une opération de la dernière chance. Les suites de cette intervention médicale ont nécessité une hospitalisation prolongée de la victime aux soins intensifs, hospitalisation qui a contraint le personnel médical à tenter de trouver un équilibre entre les deux risques antagonistes potentiellement fatals qu'étaient le risque hémorragique et le risque de thrombose. Le premier de ces risques s'est matérialisé au 11 janvier 2021, entraînant le décès de la victime deux jours plus tard. Selon les déclarations des Drs V______ et W______, n'importe qui aurait pu faire des thromboses à la suite des interventions médicales d'urgence du 7 décembre 2020 visant à sauver la vie de G______. En outre, le Dr W______ a précisé que la mesure de l'anticoagulant était dans une fourchette conforme à la cible visée d'une anticoagulation à visée thérapeutique le jour où l'hémorragie fatale s'était déclenchée, sans que les prédispositions génétiques dont souffrait le défunt n'aient eu d'influence sur la dose nécessaire.

Au vu de ces déclarations, qu'aucun autre élément de preuve ne permet de mettre en doute, il convient de considérer que la poussée de l'appelant et la chute de la victime qui s'en est suivie sont en lien de causalité naturelle avec le décès de celle-ci ______ 2021, dès lors que ledit décès ne se serait pas produit en leur absence.

4.2.1. Le comportement de l'appelant, à savoir sa forte poussée sur le torse de la victime, a joué un rôle causal dans la mort d'un être humain.

Selon l'expérience générale de la vie, le fait qu'une violente poussée vers l'arrière sur une surface bétonnée d'une personne certes massive, mais avec un problème d'équilibre immédiatement observable, ait entraîné la mort ne constitue pas un déroulement des évènements si improbable qu'il faille en conclure que la mort de la victime ne peut raisonnablement être imputée à l'appelant. Autrement dit, il faut considérer qu'il existe une causalité adéquate entre ces deux évènements. De plus, le fait que la victime fût sous l'influence de plusieurs substances ayant eu un effet délétère sur son équilibrioception, n'a pas joué un rôle à ce point prépondérant dans la mort de G______ qu'il mènerait à reléguer à l'arrière-plan le geste de l'appelant, celui-ci ayant au contraire été déterminant dans l'enchaînement fatal des évènements. Quant aux prédispositions génétiques à la formation de caillots de la victime, elles ne sont clairement pas de nature à rompre la causalité adéquate comme cela ressort de la jurisprudence fédérale.

Au vu de ce qui précède, l'appelant remplit les éléments constitutifs objectifs des infractions de meurtre et d'homicide par négligence.

4.2.2. Sur le plan subjectif, il ressort de l'appréciation des preuves que l'appelant a tenté d'éviter la victime lorsqu'il a chuté et ne s'est pas acharné sur elle au sol. On peut donc d'emblée exclure qu'il ait eu la volonté de lui ôter la vie, sous la forme d'un dol direct.

En revanche, le fait de pousser violemment vers l'arrière sur un sol bétonné une personne ayant ostensiblement des problèmes d'équilibre constitue une violation du devoir général de prudence, un tel comportement étant de nature à provoquer des atteintes à l'intégrité physique de la personne visée, ce que toute personne raisonnable placée dans la situation de l'appelant devait savoir. En outre, la poussée de celui-ci était intentionnelle. Partant, son comportement doit être qualifié pour le moins de négligence coupable.

Reste à examiner si ce comportement pourrait relever du dol éventuel.

Si, certes, l'appelant aurait pu se rendre compte des difficultés d'équilibre de la victime, il ne pouvait en revanche pas intégrer le ralentissement moteur général induit par les substances retrouvées dans le sang de G______. Au vu des éléments connus ou devant être connus de l'appelant, la plausibilité que son comportement menât au décès de la victime apparaît faible à très faible. Il n'existait pas de conflit sous-jacent entre eux ou d'historique qui laisserait penser que l'appelant se serait volontiers accommodé du décès de celle-ci. En outre, comme déjà mentionné, l'appelant ne s'est pas acharné sur la victime alors qu'elle se trouvait sans défense au sol. Enfin, s'il est établi que leur dispute a impliqué des invectives, sans menaces explicites de mort, et des postures agressives réciproques, il n'y a pas eu de coups donnés par l'appelant jusqu'au geste qui s'est avéré fatal à la victime.

Dans un arrêt AARP/357/2020, la Chambre de céans a écarté le dol éventuel s'agissant d'une tentative de meurtre reprochée à un auteur qui avait frappé la victime au cou avec un tesson de bouteille de petite taille avant de prendre la fuite alors que celle-ci était prise en charge par des tiers (AARP/357/2020 du 29 octobre 2020 consid. 3.6.1). Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_213/2019, celui-ci a retenu une tentative de meurtre par dol éventuel suite à une violente poussée de l'auteur, mais celle-ci avait la particularité d'avoir projeté la victime sur les rails de la gare principale de Zurich alors qu'un train était immédiatement en approche (arrêt du Tribunal fédéral 6B_213/2019 du 26 août 2019 consid. 4.4). Dans un arrêt AARP/410/2017, la CPAR a exclu un meurtre par dol éventuel s'agissant d'un videur très aguerri aux techniques de combat qui, dans le cadre de son activité professionnelle, avait asséné un coup de tête à la victime, puis deux coups de poing au visage de celle-ci la faisant chuter en arrière avec une issue fatale (AARP/410/2017 du 21 décembre 2017 consid. 2.3.1 et 2.3.2). Enfin, le Tribunal fédéral a retenu la commission de lésions corporelles simples par dol éventuel et de lésions corporelles graves par négligence eu égard à un joueur de hockey sur glace ayant chargé dans le dos à pleine vitesse un autre joueur qui s'apprêtait ostensiblement à tirer au but, le faisant chuter la tête la première sur la glace sans possibilité d'atténuer les conséquences y relatives (ATF 134 IV 26 [du 24 octobre 2007] consid. 3.3.3).

Bien que les circonstances de chaque cas d'espèce soient différentes et qu'une comparaison ne doive être effectuée qu'avec retenue, il faut en conclure qu'un dol éventuel de l'appelant portant sur la mort de la victime ne peut être retenu.

4.3. En conclusion, l'appelant a réalisé l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction d'homicide par négligence. Partant, c'est à juste titre que le TCO l'a condamné de ce chef. Le jugement querellé doit être confirmé sur ce point et tant l'appel que l'appel joint doivent être rejetés.

5. Dans ses conclusions, l'appelant n'a pas contesté sa condamnation pour lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 CP. La chambre de céans étant en principe limitée dans son examen par les conclusions des parties (art. 404 al. 1 CPP ; ATF 148 IV 89 consid. 4.3 ; 147 IV 167 consid. 1.5.3) et cette condamnation n'apparaissant pas inéquitable au sens de l'art. 404 al. 2 CPP, elle doit être considérée comme définitive et prise en compte dans le calcul de la peine.

6. 6.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5.5, 5.6 et 5.7), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 35 consid. 2.1).

6.1.2. Selon l'art. 19 al. 1 CP, l'auteur d'une infraction n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Selon l'alinéa 2 de la même norme, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. L'art. 19 CP concerne la faculté d'un auteur de percevoir la réalité ; cette question ne concerne pas les éléments constitutifs d'une infraction mais la culpabilité de l'auteur (ATF 147 IV 193 consid. 1.4.4).

6.1.3. Lorsque l'auteur est condamné au titre de plusieurs chefs d'accusation (concours) et que les peines envisagées pour chaque infraction prise concrètement sont de même genre (ATF 147 IV 225 consid. 1.3 ; 144 IV 313 consid. 1.1.1), l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents et, dans un second temps, d'augmenter cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2 ; 144 IV 217 consid. 3.5.1).

Une infraction intentionnelle et une infraction par négligence entrent en concours idéal même si elles protègent le même bien juridique (ATF 136 IV 76 consid. 2.7 [concours entre homicide par négligence et mise en danger de la vie d'autrui] ; 134 IV 26 consid. 4.1 [concours entre lésions corporelles graves par négligence et lésions corporelles simples]).

6.2.1. En l'espèce, la culpabilité objective de l'auteur est importante dès lors que son comportement irréfléchi a eu pour conséquence le décès de la victime, l'un des biens juridiques protégés par le droit pénal les plus précieux ; cela même si la gravité de l'acte causal lui-même, à savoir la violente poussée avec les deux mains sur le torse de la victime, est d'une gravité limitée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1288/2016 du 8 novembre 2017 consid. 2). Les motifs de l'appelant étaient futiles et il aurait très bien pu mettre fin à l'altercation sans avoir recours à la violence, notamment en quittant les lieux.

La collaboration de l'appelant à la procédure a été mauvaise, indépendamment de la réalité de son absence de mémoire des faits, et sa prise de conscience est nulle, dès lors qu'il n'a en aucun cas cherché à se remettre en question ou fait preuve d'empathie envers la famille de la victime. Le fait qu'il soit père d'une jeune adolescente ne peut être retenu en sa faveur puisqu'il a quitté sa famille pour vivre une vie d'errance. L'appelant ne prétend d'ailleurs à juste titre pas que les circonstances de sa vie justifieraient son comportement. Il est en enfin connu des autorités pénales européennes pour de nombreux antécédents de vols, ceux-ci étant toutefois de faible importance au vu des peines prononcées

Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que la peine hypothétique pour l'infraction d'homicide par négligence commise par l'auteur devrait être fixée à 18 mois de peine de privative de liberté.

6.2.2. S'agissant de la responsabilité de l'appelant au moment des faits, le TCO a retenu qu'elle était moyennement restreinte en se basant sur l'opinion des experts. Selon eux, "il faut constater que plusieurs pathologies mentales étaient présentes au moment des faits et ont perturbé, d'une part, légèrement la faculté de l'expertisé à percevoir le caractère illicite des actes reprochés et d'autre part, par leurs effets cumulés, moyennement sa faculté à se déterminer". Les experts ont également noté que l'effet cumulé des troubles psychiatriques durables de l'appelant sur sa faculté de volonté ("faculté volitive") restait limité. Quant à son état momentané d'intoxication alcoolique, en lien avec un taux d'alcool de 2.36 g/kg dans le sang, il diminuait légèrement sa faculté de conscience, respectivement sa faculté de percevoir le caractère illicite de son acte, en conformité avec la jurisprudence (cf. ATF 122 IV 49 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1307/2021 du 9 janvier 2023 consid. 1.1.1).

Il s'agit là de considérations de faits arrêtées par des experts et qu'aucun juste motif ne permet de remettre en doute. Le taux de 2.36 g/kg, qui constitue l'hypothèse la plus favorable à l'appelant, ayant été retenu à juste titre en vertu du principe de la présomption d'innocence dans l'appréciation des preuves.

La question de savoir dans quelle mesure les restrictions des facultés de l'appelant limitent sa responsabilité relève en revanche du droit. En l'espèce, au vu des considérations des experts, il faut retenir que la limitation de responsabilité de l'appelant était moyenne tendant plutôt vers le faible. Sa culpabilité est donc réduite dans la même mesure.

Au vu de ce qui précède, la peine hypothétique fixée à 18 mois de peine de privative de liberté doit être réduite de six mois pour tenir compte de la responsabilité partiellement restreinte de l'appelant, soit une peine privative de liberté hypothétique de 12 mois.

6.2.3. L'appelant a été condamné en première instance tant du chef de lésions corporelles graves commise par dol éventuel que du chef d'homicide par négligence, la peine d'ensemble ayant été fixée à 24 mois.

Selon l'art. 122 CP qui punit la commission de lésions corporelles graves, cette infraction est réprimée par une peine privative de liberté allant de six mois à dix ans. Dans le cas d'espèce, les lésions en cause sont constituées par la grave atteinte portée à l'intégrité physique de la victime qui a mis sa vie immédiatement en danger, ce risque s'étant d'ailleurs par la suite matérialisé. L'intégrité corporelle de la victime a donc été atteinte avec une intensité très importante. Les autres éléments pertinents pour l'appréciation de la peine correspondent à ceux examinés plus haut en lien avec la peine liée à l'infraction d'homicide par négligence. Dans une telle situation et sauf circonstances particulières, il n'apparaît pas adéquat de prononcer une peine privative de liberté d'uniquement 18 mois, soit une peine située juste au-dessus du premier décile du cadre de la peine prévu par l'art. 122 CP. Or, il n'existe en l'espèce aucun élément qui permettrait de retenir une peine si faible en dépit d'une culpabilité importante.

Au vu de ce qui précède, la peine hypothétique pour l'infraction de lésions corporelles graves devrait être fixée à 48 mois de peine privative de liberté. Cette peine doit cependant être réduite de 18 mois pour tenir compte de la responsabilité limitée de l'appelant, soit une peine privative de liberté de 30 mois.

6.2.4. Au regard des peines-menaces des infractions commises par l'appelant, la plus grave est celle de lésions corporelles graves. La peine de 30 mois réprimant celle-ci doit donc être accrue d'un total de huit mois en lien avec l'infraction d'homicide par négligence (peine hypothétique de 12 mois) pour obtenir une peine d'ensemble de 38 mois.

En conséquence, l'appelant doit être condamné à une peine privative de liberté de 38 mois, sous déduction des 897 jours de détention avant jugement effectués jusqu'au jour du présent jugement. L'appel joint du MP est bien fondé dans cette mesure.

S'agissant de la violation du principe de célérité invoquée par l'appelant, elle doit être rejetée. En effet, contrairement à ce qu'il affirme, le dernier acte principal d'enquête est constitué par la reddition du rapport complémentaire des médecins légistes du 28 février 2022. Les parties ont ensuite été informées de la clôture prochaine de l'instruction par courrier du 30 mars 2022 et ont disposé d'un délai de 30 jours pour déposer des réquisitions de preuve complémentaires. L'acte d'accusation a été déposé le 1er juin 2022, soit environ un mois plus tard. Dès lors, une violation du principe de célérité est exclue et il n'y a pas lieu, partant, de réduire la peine d'ensemble prononcée à l'encontre de l'appelant.

7. 7.1.1. Selon l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel si celui-ci a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et qu'il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble (let. b). Selon l'art. 56 al. 2 CP, le prononcé d'une mesure suppose que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l'auteur ne soit pas disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité.

La notion de "trouble mental" selon l'art. 59 al. 1 let. a CP est une notion fonctionnelle en ce sens qu'elle vise tous les comportements pathologiques dont l'infraction commise est un symptôme (ATF 146 IV 1 consid. 3.5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_871/2022 du 15 février 2023 consid. 5.1.2 ; 6B_995/2020 du 5 mai 2021 consid. 4.1.3) ; la notion de "trouble mental" n'englobant en outre pas l'ensemble des personnalités pouvant être considérées socialement comme "déviantes", il est nécessaire que la pathologie en cause ait un impact majeur sur les fonctions psychosociales du prévenu dans sa vie courante, à moins que la pathologie en cause s'exprime par essence au travers de comportements pénalement répréhensibles (ATF 146 IV 1 consid. 3.5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1143/2021 du 11 mars 2022 consid. 3.2.3). Un lien indirect entre le trouble mental en cause et la commission d'infractions suffit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1143/2021 du 11 mars 2022 consid. 3.2.4 ; 6B_487/2011 du 30 janvier 2012 consid. 3.5). Un trouble mental doit être considéré comme grave en fonction de l'intensité du lien entre l'existence de celui-ci et la commission d'infractions (ATF 146 IV 1 consid. 3.5.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_871/2022 du 15 février 2023 consid. 5.1.2 ; 6B_995/2020 du 5 mai 2021 consid. 4.1.3). Un trouble mental peut être grave lorsque le prévenu démontre une combinaison d'anomalies comportementales qui, prises isolément, ne suffiraient pas, mais qui, prises dans leur ensemble, se renforcent en s'influençant mutuellement de remplir les critères juridiques de "grave trouble mental" (ATF 146 IV 1 consid. 3.5.6).

La condition selon laquelle il faut qu'il soit à prévoir que la mesure détournera l'auteur de nouvelles infractions en relation avec son trouble mental est réalisée lorsqu'il est suffisamment vraisemblable qu'un traitement institutionnel entraînera dans les cinq ans de sa durée normale une réduction nette du risque de récidive (ATF 140 IV 1 consid. 3.2.4 ; 134 IV 315 consid. 3.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1403/2020 du 5 mai 2021 csonsid. 1.2 ; 6B_995/2020 du 5 mai 2021 consid. 4.1.4 ; 6B_1143/2019 du 31 octobre 2019 consid. 1.1). Le seul fait qu'un auteur se déclare initialement catégoriquement opposé à participer à une mesure thérapeutique institutionnelle ne suffit pas à considérer que celle-ci n'a aucune chance de succès ; il suffit qu'il existe une possibilité qu'un état d'esprit coopératif existe ultérieurement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1221/2021 du 17 janvier 2022 consid. 1.5.2 ; 6B_1287/2017 du 18 janvier 2018 consid. 1.3.3 ; 6B_463/2016 du 12 septembre 2016 consid. 1.3.3).

7.1.2. Selon l'art. 59 al. 3 première phrase CP, le traitement s'effectue dans un établissement fermé tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Cette question relève de la compétence de l'autorité d'exécution, mais le juge pénal de fond peut communiquer à celle-ci son appréciation dans son jugement (ATF 142 IV 1 consid. 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_703/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.1.2). Le placement institutionnel des troubles mentaux doit avoir lieu dans un établissement fermé en cas de risque de fuite ou de risque qualifié de récidive ; le risque est qualifié lorsqu'il est concrètement hautement probable que de nouvelles infractions contre des biens juridiques essentiels soient commises en absence de placement dans un établissement fermé, de simples difficultés de comportement ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 1.1 ; 6B_1026/2018 du 1er mai 2019 consid. 1.5 ; 6B_1216/2018 du 16 janvier 2019 consid. 1.1).

7.2.1. En l'espèce, les experts ont retenu que l'appelant souffrait de plusieurs troubles psychiatriques au moment des faits, et notamment d'un grave trouble mixte de la personnalité, avec des traits borderline et schizotypiques et des idées sub-délirantes de persécution, ainsi que d'un syndrome de dépendance à l'alcool. Selon les experts, ces troubles sont en relation avec l'homicide qu'il a commis. Son risque de récidive violente est moyennement élevé, en lien notamment avec un risque d'instabilité sur le plan comportemental et de consommation excessive d'alcool. Dans leur rapport complémentaire du 2 mars 2023, les experts ont confirmé leurs conclusions initiales en notant que l'appelant se montrait parfois tendu et menaçant envers autrui et présentait parfois des éléments délirants lors de décompensations avec un glissement hors de la réalité, sans qu'on pût encore parler de psychose.

Au vu de ce qui précède, il ne fait pas de doute que l'appelant souffre d'un trouble mental ayant un impact majeur sur sa vie et susceptible d'engendrer la commission d'infractions violentes selon l'art. 59 al. 1 let. a CP. La Chambre de céans a elle-même pu constater lors de l'audition de l'appelant qu'il apparaissait détaché des faits qui lui étaient reprochés et concentré sur des idées de persécution, avec de fréquentes fuite dans son discours y relatif. Les conclusions de l'expertise sont également corroborées par l'historique médical de l'appelant. Celui-ci a en effet fait l'objet de multiples hospitalisations dans plusieurs hôpitaux de Suisse en lien avec des idées de suicide liées à des alcoolisations massives. À une reprise, il a notamment été recueilli à l'hôpital H______ avec des taches de sang sur ses vêtements, affirmant vouloir faire du mal à lui-même ou à autrui et avoir peur de perdre le contrôle. Un jour avant de commettre un homicide par négligence, il s'est par ailleurs présenté aux urgences des HUG en déclarant avoir des idées auto- et héteroagressives envahissantes.

Selon les experts, seul un traitement institutionnel en milieu fermé dans un établissement spécialisé du type de AA_____ et sur une période suffisamment longue est susceptible d'améliorer le pronostic de récidive de l'appelant. Une telle mesure pourrait produire des effets après une année déjà, et ce bien que l'expertisé soit en l'état ambivalent vis-à-vis de la nécessité d'un tel traitement, niant notamment souffrir d'un trouble mixte de la personnalité. En cas d'efficacité de la mesure, le risque de récidive à cinq ans de l'appelant serait significativement réduit.

Il apparaît ainsi hautement vraisemblable que le prononcé d'une mesure institutionnelle des troubles mentaux à l'encontre de l'appelant, incluant une prise en charge structurante, permettrait de stabiliser son état psychique tout en prenant en charge son addiction à l'alcool, et ainsi de réduire son risque de récidive. Le manque de coopération initial de l'appelant ne suffit en tous les cas pas pour exclure un tel résultat. Il en résulte que la condition de l'art. 59 al. 1 let. b CP est également remplie.

Dans leur rapport complémentaire, les experts ont précisé qu'une mesure ambulatoire serait vouée à l'échec étant donné les difficultés de compliance au traitement présentées par l'appelant. Un traitement psychiatrique ambulatoire a d'ailleurs été mis en place dans l'attente du jugement au fond et n'a pas produit de résultats notables, les troubles psychiatriques de l'appelant ayant au contraire subi une évolution négative dans le cadre carcéral. Les considérations contraires contenues dans le certificat médical du Service de médecine pénitentiaire du 11 octobre 2022 ne reflètent donc pas la réalité de l'état de santé de l'appelant et doivent être écartées. Une mesure ambulatoire ne saurait suffire dans le cas d'espèce.

Pour le surplus, la restriction importante causée à la liberté personnelle de l'appelant par la mise en œuvre d'une mesure thérapeutique institutionnelle apparaît proportionnée en comparaison du risque qu'une libération sans traitement ferait courir à l'ordre public. Comme l'ont relevé les experts, le risque de récidive de l'appelant lié à ses pathologies psychiatriques est directement influencé par sa consommation excessive d'alcool et il est à craindre que celle-ci reprenne en cas de libération. En outre, comme souligné par le conseil des parties plaignantes, la combinaison d'un délire de persécution et de pertes ponctuelles de contact avec la réalité avec la volonté exprimée par l'appelant de terminer sa vie, ce qui résulte de son état dépressif, constitue à l'évidence une menace sérieuse pour la société.

En conséquence, c'est à juste titre que le TCO a ordonné une mesure thérapeutique institutionnelle sous la forme d'un traitement des troubles mentaux à l'encontre de l'appelant. L'appel de celui-ci sur ce point doit donc être rejeté. Conformément à l'art. 57 al. 2 CP, l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle primera la peine privative de liberté prononcée conjointement.

7.2.2. S'agissant de la mise en œuvre de cette mesure, la question relève du Service d'application des peines et mesures (SAPEM). On peut toutefois d'ores et déjà mettre en exergue que, conformément aux assertions des experts, il existe un certain risque de fuite de l'appelant en cas de placement en milieu ouvert, outre le risque très important d'auto-agressivité, sinon la possibilité d'actes hétéro-agressifs.

8. 8.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. b CP, l'étranger qui est condamné pour une infraction de lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 CP est obligatoirement expulsé de Suisse pour une durée minimale de cinq ans. En présence d'un risque de récidive à l'encontre d'un bien juridiquement protégé de première importance comme l'intégrité physique, il suffit que celui-ci soit minimal pour que la condition posée l'art. 5 de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP) soit remplie (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2 ; 145 IV 55 consid. 3.3 et 4.4).

La durée d'une expulsion pénale doit être fixée sur la base de la culpabilité de l'auteur et du risque pour la sécurité publique, ainsi que de l'intensité des liens du condamné avec la Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1079/2022 du 8 mars 2023 consid. 9.2.1 ; 6B_249/2020 du 27 mai 2021 consid. 6.2.1 ; 6B_1270/2020 du 10 mars 2021 consid. 9.5). Le juge pénal dispose à cet égard d'une large marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1079/2022 du 8 mars 2023 consid. 9.2.2 ; 6B_1508/2021 du 5 décembre 2022 consid. 4.2.1 ; 6B_399/2021 du 13 juillet 2022 consid. 2.2.1).

8.2. En l'espèce, la culpabilité de l'appelant est notable, les infractions qu'il a commises touchent notamment à certains des biens les plus précieux protégés par le code pénal et leur intensité est importante. Le risque que fait en l'état courir l'appelant à l'ordre public est également conséquent. Enfin, ses liens avec la Suisse sont extrêmement ténus, l'appelant n'étant arrivé sur le territoire helvétique que peu avant les faits et ne possédant pas de proche en Suisse.

Au vu de ce qui précède, il ne fait pas de doute que les conditions d'une expulsion sont remplies. La durée d'expulsion de cinq ans retenue en première instance, soit la durée minimale prévue par la loi, apparaît de surcroît excessivement clémente. Sur ce point, il convient donc de réformer le jugement du TCO et de prononcer une expulsion de Suisse pour une durée de dix ans, comme requis par le MP dans son appel joint.

Conformément à l'art. 66c al. 2 CP, l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle puis, éventuellement, de la peine privative de liberté prononcée conjointement primeront l'exécution de l'expulsion.

9. 9.1. Selon l'art. 41 al. 1 CO, celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence, est tenu de le réparer. Selon l'art. 47 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO), le juge peut en cas de mort d'homme allouer aux membres de la famille du défunt une indemnité équitable à titre de réparation morale.

Le juge doit fixer l'importance d'un tort moral en équité en tenant compte avant tout de la gravité objective de la lésion, de la gravité des souffrances consécutives à l'atteinte subie par la victime, de la culpabilité de l'auteur et d'une éventuelle faute concomitante de la victime, le tout d'un point de vue objectif (ATF 146 IV 231 consid. 2.3.1 ; 141 III 97 consid. 11.2 ; 132 II 117 consid. 2.2.2)

9.2. Comme précédemment établi, l'appelant est responsable du décès de G______. Au vu des souffrances très importantes subies par les enfants du défunt, jeunes adultes, en lien avec le décès inattendu et prématuré de leur père et du fait que ceux-ci ont en outre dû subir pendant plusieurs semaines son hospitalisation avec l'espoir d'un rétablissement, et ce sans pouvoir lui parler, le montant de CHF 30'000.- attribué à chacun d'eux à titre de réparation morale apparaît adéquat. Dès lors qu'un montant plus élevé aurait également pu être retenu, la somme de CHF 30'000.- devrait par ailleurs être qualifiée d'appropriée même dans l'hypothèse où il aurait fallu tenir compte d'une légère faute concomitante de la victime, question qui souffre donc de rester indécise au vu des circonstances.

Ainsi, la condamnation de l'appelant au paiement de CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 7 décembre 2020, à chacun des enfants de la victime sera maintenue et l'appel rejeté sur ce point.

10. 10.1. Selon l'art. 428 al. 3 CP, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure. Selon l'art. 426 al. 1 CP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné, sous réserve des frais afférents à sa défense d'office.

Selon l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ; pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_143/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 11.2 ; 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_44/2020 du 16 septembre 2020 consid. 11.1.1). Seul le résultat de la procédure d'appel ou de recours elle-même est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.1).

10.2. En l'occurrence, la condamnation de l'appelant en première instance est intégralement maintenue, de sorte qu'il doit être condamné au paiement de l'entier des frais de la procédure préliminaire et de première instance.

En ce qui concerne la procédure d'appel, l'appelant succombe sur l'entier de ses conclusions. L'appelant joint succombe quant à lui sur sa conclusion essentielle relative à un verdict de meurtre, mais l'emporte sur la durée de la peine privative de liberté et sur la durée de l'expulsion prononcée à l'encontre de l'appelant.

Les frais de la procédure d'appel s'élèvent à CHF 5'141.55, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.-. Au vu de ce qui précède, il convient de les faire supporter pour 4/5èmes par l'appelant, le solde devant être supporté par l'État.

11. Dès lors que la durée de peine privative de liberté infligée à l'appelant dépasse la durée de sa détention avant jugement jusqu'au jour du présent jugement, la conclusion en paiement en sa faveur par l'État d'une indemnité en tort moral pour détention injustifiée selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP, doit être rejetée.

12. 12.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ) s'applique. L'art. 16 al. 1 RAJ prescrit que le tarif horaire est de CHF 200.- pour un avocat chef d'étude et de CHF 150.- pour un avocat collaborateur, débours de l'étude inclus. Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues ; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1362/2021 du 26 janvier 2023 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.1.1).

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à trente heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de trente heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; AARP/370/2022 du 29 novembre 2022 consid. 5.2 ; AARP/318/2022 du 17 octobre 2022 consid. 10.2).

Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP ; la rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice est arrêtée à CHF 100.- pour le chef d'étude et à CHF 75.- pour l'avocat collaborateur (AARP/319/2022 du 13 octobre 2022 consid. 7.2 ; AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 7.3).

12.2.1. En l'espèce, MC______, défenseur d'office de A______, a requis l'indemnisation de 360 minutes d'activité de chef d'étude et de 1'260 minutes d'activité de collaborateur. Au vu de la complexité de la cause mais également des 59 heures et 30 minutes déjà prises en compte en première instance, une durée totale de travail de douze heures hors audience, soit 720 minutes, apparaît adéquate. L'activité réalisée par la collaboratrice ne sera donc indemnisée que dans cette mesure. Il faut rajouter à cette durée, les 200 minutes qu'ont duré les débats d'appel, soit un total de 920 minutes (15.33 heures). S'agissant des 360 minutes de travail par le chef d'étude sous la forme d'entretiens avec l'appelant en prison, elles doivent être indemnisées vu le contexte psychiatrique et sa prise en charge.

L'activité reconnue pour l'ensemble de la procédure dépassant trente heures, le forfait à ajouter en sus sera de 10%.

En conclusion, la rémunération du défenseur d'office de l'appelant sera arrêtée à CHF 4'226.65, correspondant à 15.33 heures d'activité au tarif de CHF 150.-/heure (CHF 2'299.50), six heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'200.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 349.95), la vacation au Palais de justice pour l'audience d'appel (CHF 75.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 302.20).

12.2.2. MF______, conseil juridique gratuit des parties plaignantes, a requis l'indemnisation de 350 minutes d'activité de chef d'étude.

Considéré globalement, cet état de frais satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient toutefois de rajouter à la durée de 350 minutes, les 200 minutes qu'ont duré les débats d'appel, soit un total de 550 minutes (9.17 heures).

L'activité reconnue pour l'ensemble de la procédure dépassant trente heures, le forfait à ajouter en sus sera de 10%.

En conclusion, la rémunération du conseil juridique gratuit des parties plaignantes sera arrêtée à CHF 2'280.45, correspondant à 9.17 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'834.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 183.40), la vacation au Palais de justice pour l'audience d'appel (CHF 100.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 163.05).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public du canton de Genève contre le jugement JTCO/137/2022 rendu le 13 octobre 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/23634/2020.

Rejette l'appel principal et admet partiellement l'appel joint.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et d'homicide par négligence (art. 117 CP).

Acquitte A______ du chef de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 38 mois, sous déduction de 897 jours de détention avant jugement.

Ordonne que A______ soit soumis à un traitement des troubles mentaux (art. 59 CP).

Ordonne la transmission du présent jugement et des rapports d'expertise psychiatrique du 28 juillet 2021 et du 2 mars 2023 au Service d'application des peines et mesures.

Dit que la peine sera suspendue au profit du traitement institutionnel des troubles mentaux

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans.

Dit que l'exécution de la peine et de la mesure prime celle de l'expulsion.

Condamne A______ à payer à D______ CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 7 décembre 2020, à titre de réparation de son tort moral.

Condamne A______ à payer à E______ CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 7 décembre 2020, à titre de réparation de son tort moral.

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 à 15 de l'inventaire n° 3______ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à D______ de la clé figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 4______.

Ordonne la restitution à D______ du téléphone figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 5______.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, lesquels s'élèvent à CHF 35'662.50.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 5'141.55, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.-, met quatre cinquièmes de ces frais, soit CHF 4'113.25, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Prends acte de ce que l'indemnité de procédure due à MC______, défenseur d'office de A______, a été arrêtée à CHF 14'528.75, TVA comprise, pour la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête à CHF 4'226.65, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de MC______ pour la procédure d'appel.

Prends acte de ce que l'indemnité de procédure due à MF______, conseil juridique gratuit de D______ et E______, a été arrêtée à CHF 15'875.30, TVA comprise, pour la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête à CHF 2'280.45, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de MF______ pour la procédure d'appel.

 

 

 

 

 

 

 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Service d'application des peines et mesures, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

35'662.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

2'976.55

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

5'141.55

Total général (première instance + appel) :

CHF

40'804.05