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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1194/2024

JTAPI/1171/2024 du 26.11.2024 ( LDTR ) , REJETE

REJETE par ATA/797/2025

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;LOYER CONTRÔLÉ
Normes : LDTR.9; LDTR.10; LDTR.11.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1194/2024 LDTR

JTAPI/1171/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Régie Moser Vernet & Cie SA, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après : la commune), sise en zone 2, accueille un bâtiment d’habitation à plusieurs logements avec rez-de-chaussée commercial, situé rue de C______ 3______ [GE].

Elle appartient à A______.

2.             Par demande du 4 mars 2024 enregistrée sous le n° APA 2______/1, A______, par le biais de sa mandataire MOSER VERNET & Cie (ci-après : la régie), a requis auprès du département du territoire (ci-après : DT) une autorisation de construire en procédure accélérée en vue de la rénovation d’un appartement, qualifié par ses soins de 2 pièces, d’une surface brute de plancher de 27 m2, au 3ème étage de l’immeuble précité, pour un coût total estimé à CHF 54'107.- TTC.

Plusieurs documents étaient joints, notamment :

-          un courrier d’accompagnement de la régie du 4 mars 2024, à teneur duquel, dans la mesure où le loyer de l’ancien locataire ne couvrait pas les coûts de la propriétaire, il convenait d’appliquer l’art. 11 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) pour déterminer le loyer admissible avant travaux et celui après travaux ;

-          le formulaire LDTR D12 daté du 4 mars 2024, à teneur duquel l’appartement concerné était inoccupé depuis le 31 janvier 2024, date du départ du dernier locataire. Dans la rubrique « situation actuelle (avant travaux) », le « loyer annuel net actualisé » – indiqué en rouge avec la mention « calcul de rendement » et accompagné d’un montant barré de CHF 5'712.- – se montait à CHF 10'709.- et le loyer annuel net à la pièce – indiqué en rouge avec la mention « calcul de rendement » et accompagné d’un montant barré de CHF 2'856.- – était de CHF 5'355.-. Le terme « actualisé » mentionné ci-dessus était accompagné d’un astérisque renvoyant à la précision suivante « pour les baux en cours (lorsque le locataire reste le même après travaux). Le montant total des travaux était de CHF 43'303.-. La rubrique « plan financier » indiquait – avec la mention en rouge « à ajouter au loyer avant travaux » - une hausse totale théorique du loyer de CHF 2'311.-/an, soit CHF 1'156.-/pièce/an ; le loyer net théorique indiqué en rouge était de CHF 13'020.-/an (avec un montant barré de CHF 8'023.-), soit CHF 6'510.- pièce/an (montant barré de CHF 4'012.-). Quant à la situation future, le loyer après travaux, indiqué en rouge, serait de CHF 13'020.-/an (montant barré : CHF 7'056.-), soit, en rouge toujours, CHF 6'510.-/pièce/an (montant barré : CHF 3'528.-) ;

-          des tableaux établis par la régie, intitulés respectivement « surfaces et pièces », « liste de toutes les charges 2016-2021 », « calcul de rendement » et « charges 2016-2021 pour le calcul de rendement » relatifs aux immeubles, sis rue de C______ 4______ et 3______ ;

-          le bail à loyer de l’ancien locataire du logement concerné, lequel était décrit comme un appartement de 2 pièces, conclu le 25 septembre 1985, ainsi qu’un avis de majoration de loyer du 12 avril 2010 faisant état d’un nouveau loyer annuel de CHF 5'712.- à compter du 1er octobre 2010.

3.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande :

-          la direction des autorisations de construire et la police du feu se sont prononcées favorablement, respectivement sans observations le 4 mars 2024 et sous conditions le 5 mars 2024 ;

-          l’office cantonal du logement et de la planification foncière – section LDTR (ci-après : OCLPF) s’est prononcé favorablement le 11 mars 2024, moyennant le respect des conditions suivantes : « Les dispositions de la LDTR seront respectées (art. 9 LDTR) » (condition n° 1) ; « Le loyer de l’appartement de 1.5 pièces (RGL) situé au 3e étage n’excédera pas après travaux son niveau actuel soit 5'712 francs par an, soit 3'808 francs la pièce par an. Ce loyer sera appliqué pour une durée de 3 ans à dater de la remise en location après la fin des travaux (art. 10 al.1, art. 11 et art. 12 LDTR) » (condition n° 2) et « Toute modification devra faire l’objet d’une demande complémentaire » (condition n° 3).

4.             Par décision du ______ 2024, le DT a délivré l’APA 2______/1 autorisant la rénovation d’un appartement au 3ème étage dans l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______.

À teneur de la condition n° 7 de cette autorisation, les conditions figurant dans les préavis de l’OCLPF et de la police du feu devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de cette dernière.

5.             Par acte du 11 avril 2024, A______ a interjeté recours, sous la plume de sa régie, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), contre l’APA 2______/1 en ce qu’elle retenait que l’appartement concerné était un logement d’1.5 pièce et en ce qu’elle fixait le montant du loyer bloqué de cet appartement à CHF 5'712.-/an, soit CHF 3'808.-/pièce/an, en considérant 1.5 pièce pour la relocation après les travaux autorisés.

Elle a conclu, préalablement, au retrait de l’effet suspensif au recours et, ainsi, à ce qu’elle soit autorisée à commencer sans attendre les travaux autorisés et, sur le fond, à l’admission de son recours, à la constatation que l’appartement concerné était un 2 pièces pour le calcul du loyer après travaux et à la modification de la décision attaquée en ce sens que le loyer après travaux devait être fixé à CHF 13'020.-/an pendant les trois ans de contrôle, sous suite de frais et dépens.

À l’appui de sa demande de retrait de l’effet suspensif, elle proposait de rechercher un locataire prêt à payer le loyer tel qu’elle l’avait calculé dans son calcul de rendement et de conclure un bail à ce montant, en précisant dans ledit bail que ce montant faisait l’objet d’une procédure en cours et qu’elle communiquerait au locataire, à l’issue de la présente procédure, le loyer définitivement retenu avec effet dès le début du bail. Cette manière de procéder visait à sauvegarder de manière équilibrée ses intérêts et ceux du futur locataire qui, soit obtiendrait un remboursement de loyer (dans l’hypothèse d’un rejet du recours), soit n’aurait rien à payer comme solde (dans l’hypothèse d’une admission du recours), mais qui n’aurait en tout cas rien à verser rétroactivement.

En qualité de fondation institutionnelle, elle était soumise à la surveillance de l’office fédéral des assurances sociales, dans un contexte légal et financier complexe et strict. Elle gérait les avoirs des employés/rentiers d’entreprises suisses et investissait notamment dans l’immobilier afin d’assurer les rendements minimaux légaux des avoirs confiés par les futurs pensionnés encore professionnellement actifs et de verser des rentes à ses pensionnés, toujours plus nombreux et vivant toujours plus longtemps. Cette problématique notoire du financement des retraites du 2ème pilier constituait d’ailleurs un défi pour les 20 prochaines années. Fin novembre 2020, elle avait acquis trois immeubles, notamment ceux sis rue de C______ 4______ (pour un montant de CHF 12'358'000.-) et 3______ (pour un montant de CHF 12'653'000.-).

L’appartement faisant l’objet de l’APA 2______/1 avait été occupé par l’ancien locataire depuis le mois d'octobre 1985. Le bail y relatif indiquait qu’il s’agissait d’un logement de 2 pièces et c’était le nombre de pièces qui avait été appliqué pendant 38 ans. En outre, tous les autres appartements identiques à celui-ci, sis dans les deux immeubles précités, étaient également considérés comme des 2 pièces depuis des décennies.

Le calcul de rendement fondé sur l’art. 269 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) des immeubles sis rue de C______ 4______-3______ montrait que, pour couvrir tous ses frais, elle devait obtenir un état locatif de CHF 1'348'593.-/an, soit CHF 5'355.-/pièce/an pour les appartements. Or, le loyer avant travaux du locataire sorti était de CHF 5'172.-/an, soit CHF 2'856.-/pièce/an pour cet appartement de 2 pièces. Pour couvrir les frais de cet appartement avant travaux, il faudrait un loyer de CHF 10'709.-/an, soit deux fois CHF 5'355.-/pièce/an. À ce loyer avant travaux s’ajoutait la hausse de loyer de CHF 2'311.-/an, calculée via le formulaire D12, pour rentabiliser ces derniers. Le loyer après travaux devait dès lors se monter à CHF 13'020.-/an, soit CHF 6'510.-/pièce/an. Le formulaire précité détaillait tous les travaux de rafraîchissement prévus, pour un montant de CHF 43'303.-, précisait que la hausse de loyer découlant des travaux était de CHF 2'311.-/an et mentionnait le loyer avant travaux de CHF 5'712.-/an du locataire sorti. Comme ce formulaire ne permettait pas d’intégrer le calcul de rendement, ce document bloquait automatiquement le loyer après travaux au plafond LDTR de CHF 3'508.-/pièce/an, soit à CHF 7'065.-/an. Ainsi, elle avait ajouté en rouge dans le formulaire D12 le loyer avant travaux permettant de couvrir les coûts selon le calcul de rendement précité, à savoir CHF 10'709.-/an d’une part puis, d’autre part, le loyer après travaux de CHF 13'020.-/an (= CHF 10'709.-/an + CHF 2'311.-/an).

L’OCLPF avait bloqué le loyer à celui avant travaux de CHF 5'712.-/an pendant trois ans dès la relocation après travaux, considérant que l’appartement en question serait d’1.5 pièce et non de 2 pièces, pour en déduire que le loyer avant travaux devait être de CHF 3'808.-/pièce/an (soit CHF 5'712.- divisé par 1.5). Vu que ce montant était supérieur au plafond LDTR actuel de CHF 3'528.-/pièce/an, l’OCLPF avait bloqué le loyer après travaux au montant du loyer avant travaux, tout en écartant le calcul de rendement.

Toutefois, de nombreuses exceptions permettaient de fixer le loyer d’un appartement dont le loyer avant travaux répondait aux besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP). En premier lieu, la détermination du loyer avant travaux, dont le calcul pouvait aboutir à un montant supérieur au plafond BPP (art. 11 al. 1 let. d LDTR se référant aux autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss CO). En second lieu, une fois ce montant de loyer avant travaux déterminé (à un montant inférieur ou supérieur au plafond BPP) et s’agissant alors de la détermination du loyer après travaux, le loyer avant travaux pouvait encore être augmenté pour couvrir les coûts des travaux (art. 9 al. 5 et 6, art. 11 al. 1 let. d et al. 3 LDTR). En effet, lorsque plusieurs motifs justifiaient de fixer le loyer après travaux au-delà du plafond LDTR, les hausses de loyer calculées selon chaque motif s’additionnaient.

S’agissant de la première étape de la détermination du loyer avant travaux, l’art. 11 al. 1 let. d LDTR se référait aux trois méthodes prévues par le CO, soit : la méthode absolue du calcul de rendement (art. 269 CO), généralement utilisée pour fixer le loyer d’un nouveau bail avec un nouveau locataire, mais aussi parfois en cours de bail (par exemple lorsque le loyer identique depuis des années ne couvrait pas/plus les coûts ou lorsque l’immeuble changeait de propriétaire) ; l’autre méthode absolue des loyers usuels du quartier (art. 269a CO), également utilisée pour les loyers des nouveaux baux pour de nouveaux locataires, mais parfois aussi en cours de baux et la méthode relative visant à faire évoluer le loyer en cours de bail lorsque les facteurs relatifs suivants avaient évolué entre deux moments : le taux hypothécaire de référence (art. 269a let. b CO), les charges d’exploitation de l’immeuble et le renchérissement, soit l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (ci-après : ISPC) (art. 269a let. e CO).

En cas de travaux portant sur plusieurs appartements en même temps, l’OCLPF avait parfaitement compris l’art. 11 al. 1 let. d LDTR puisque, dans son formulaire D13 intitulé « État locatif avant/après travaux » figurait une colonne « Loyer annuel net actualisé à la pièce ». Cette colonne devait toutefois être utilisée non pas seulement pour les immeubles faisant l’objet de travaux avec des locataires en place (méthode relative généralement applicable sauf exceptions) mais aussi pour des immeubles faisant l’objet de travaux sans locataires avec remises en location à d’autres locataires à la fin des travaux. Lorsque les travaux portaient sur un appartement isolé comme in casu, le formulaire D12 à utiliser mentionnait également que le loyer avant travaux devait être réactualisé s’agissant des baux en cours. Cette réactualisation était toutefois également nécessaire lorsque le loyer avant travaux ne couvrait pas les coûts (conformément à l’art. 269 CO). Quant à la méthode du calcul de rendement, elle était à utiliser lorsque le loyer avant travaux ne permettait pas de couvrir les coûts actuels de l’immeuble ramenés à cet appartement. Il s’agissait alors de faire ce calcul de rendement visant à déterminer le loyer minimal avant travaux permettant au propriétaire de payer ses factures en-dehors de tous travaux pour ce logement. En l’espèce, le loyer avant travaux de CHF 5'712.-/an, soit CHF 2'856.-/pièce/an que payait le précédent locataire ne couvrait pas les coûts de la recourante. Le calcul de rendement produit dans le cadre de la demande d’autorisation de construire montrait que le loyer avant travaux (soit sans travaux) devait être de CHF 10'709.-/an, soit 2 pièces x CHF 5'355.-/pièce/an.

Dans ce contexte, il convenait de répartir équitablement les coûts entre les surfaces louées de façon à ce que le loyer calculé pour le logement litigieux soit juste. C’était exactement ce qu’elle avait fait, en vérifiant que tous les appartements des mêmes nombres de pièces au sein des deux immeubles sis rue de C______ 4______-3______ aient des surfaces similaires. Or, c’était effectivement le cas, puisqu’à teneur du tableau récapitulant les surfaces et pièces de tous les appartements de ces immeubles, les logements de 26 m2, y compris celui faisant l’objet de la présente procédure, étaient considérés comme des 2 pièces, les 3 pièces faisant tous environ 35 m2 et les 4 pièces environ 64 à 65 m2. Cette répartition équilibrée des 172 pièces au total permettait de déterminer le loyer à la pièce nécessaire pour couvrir les coûts des deux immeubles. Ce loyer était de CHF 5'355.-/pièce/an, soit l’état locatif nécessaire pour les deux immeubles rue de C______ 4______-3______ de CHF 1'348'593.-/an réparti préalablement proportionnellement selon les surfaces commerciales totales et les surfaces de logements totales, l’état locatif pour les logements de CHF 920'975.-/an étant divisé par les 172 pièces au total. Ceci permettait ensuite d’obtenir par la règle de trois le loyer avant travaux de l’appartement de CHF 10'709.-/an (soit 2 pièces x CHF 5'355.-/pièce/an).

Vu ce qui précèdait, le nombre de pièces de ce logement ne pouvait simplement être réduit à 1.5 pièce en application du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) pour ce seul logement, comme l'avait fait l’OCLPF dans son préavis. Il faudrait alors revoir le nombre de pièces de tous les logements de l’immeuble. En effet, s'agissant de treize logements de 2 pièces, leur nombre total de pièces serait de 19,5 pièces et non plus de 26 pièces. Cette réduction de 0.5 pièce par logement, qui devrait aussi être vérifiée/appliquée pour tous les autres appartements de l’immeuble par équité, réduirait le nombre total de pièces des deux immeubles, et donc augmenterait le loyer/pièce/an minimal nécessaire pour couvrir les coûts et donc aboutir à un loyer par appartement similaire à celui calculé avec le nombre de pièces actuel. Dans la mesure où l’exigence de l’OCLPF compliquait inutilement le calcul équitablement effectué par la recourante, il convenait de maintenir l’appartement concerné en tant que 2 pièces, comme autorisé par l’art. 2B RGL.

Quant à la détermination du loyer après travaux, il convenait d’appliquer l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR (méthode Fracheboud-LDTR) qui expliquait comment calculer la hausse du loyer pour rentabiliser les coûts des travaux de l’appartement. Si le loyer avant travaux répondait au BPP quant à son montant et à son nombre de pièces, ce qui était le cas ici, le loyer après travaux devait en principe répondre aux BPP, c’est-à-dire être augmenté jusqu’au plafond actuel de CHF 3'528.-/pièce/an. Cela étant dit, plusieurs exceptions permettant d’augmenter les loyers au-dessus du plafond LDTR étaient invocables ici. En effet, le but de la LDTR était de fixer des règles sur les loyers, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires. Ainsi, l’art. 9 al. 4 à 6 LDTR prévoyait plusieurs circonstances particulières justifiant de dépasser le plafond LDTR, qui n’étaient pas exhaustives, de sorte que le DT disposait d’une importante latitude de jugement. Le législateur avait souhaité que l’OCLPF applique le principe de proportionnalité et la loi de manière raisonnable afin d’éviter que la LDTR ne devienne si contraignante que les propriétaires n’entretiennent plus leurs immeubles ni ne les valorisent en raison des coûts trop importants à investir. De même, en cas de travaux importants induisant des coûts considérables, il convenait d’appliquer intégralement la hausse des loyers calculée en application de l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR.

Lorsque plusieurs motifs justifiaient de fixer le loyer après travaux au-delà du plafond LDTR, les hausses de loyer calculées selon chaque motif devaient s’additionner, conformément à la jurisprudence. En outre, comme c’était le cas ici, le loyer répondant aux BPP avant travaux devait être supérieur aux BPP après travaux lorsque le propriétaire ne pouvait pas supporter les coûts sans majoration de loyer (art. 9 al. 5 LDTR, à propos duquel l’art. 11 al. 3 LDTR s’appliquait par analogie avec l’art. 5 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01). Ceci ressortait de l’ATA/86/2006 (consid. 6-7) qui portait, comme in casu, sur un loyer avant travaux inférieur au plafond LDTR, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) ayant alors indiqué que le propriétaire n’avait pas produit, au cours de l'instruction, le calcul de rendement permettant de fixer le loyer au-dessus du plafond, malgré les invitations expresses du DT qui se devait d’appliquer dans son appréciation tous les facteurs de fixation du loyer des art. 269 et 269a CO.

Ainsi, lorsque le loyer auquel aboutissaient les calculs de hausse mentionnés supra ne permettait pas de couvrir les coûts de l’appartement comme in casu, il convenait de faire un calcul de rendement comme prescrit à l’art. 11 al. 1 let. d LDTR, qui renvoyait à l’art. 269 CO. Or, c’était exactement ce qu’elle avait fait ici en procédant à un calcul de rendement de ses deux immeubles, qui montrait que « pour tourner financièrement » avant travaux, l’appartement concerné devait avoir un loyer de CHF 13'020.-/an (= loyer avant travaux permettant de couvrir les coûts avant travaux de CHF 10'709.-/an + hausse de CHF 2'311.-/an du formulaire D12 pour rentabiliser les travaux). Dans le cas où le loyer avant travaux ne suffisait pas à couvrir les coûts d’exploitation du bien à rénover et que celui après travaux ne couvrait pas non plus les coûts, il fallait effectuer ce calcul de rendement avec ces deux étapes, qui ne s’appliquait pas uniquement lorsque les loyers avant travaux étaient supérieurs au plafond LDTR, mais également lorsqu’ils étaient inférieurs à celui-ci.

En effet, s’il était exact que l’art. 11 al. 3 LDTR permettait de faire un calcul de rendement en vue d’augmenter le loyer après travaux lorsque celui-ci dépassait avant rénovation le niveau des loyers répondant aux BPP, il ne fallait pas s’en tenir à cette interprétation littérale qui laissait penser qu’un tel calcul de rendement ne serait inversement pas possible lorsque le loyer avant travaux était inférieur au plafond LDTR. Si le législateur avait accepté d’être souple avec un propriétaire qui percevait un loyer déjà plus élevé que CHF 3'528.-/pièce/an avant travaux, le DT devait être d’autant plus souple avec le propriétaire qui touchait un loyer inférieur à ce plafond avant travaux lui permettant encore moins de couvrir ses frais de travaux, selon le principe « qui peut le plus peut le moins ». Ce principe avait parfaitement été appliqué dans l’ATA/86/2006 précité, lequel avait trait, comme ici, à un loyer avant travaux inférieur au plafond LDTR, se référant au calcul de rendement à effectuer lorsque le propriétaire ne pouvait pas supporter les coûts sans majoration de loyer. Le législateur avait en outre rappelé à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’appliquer la loi de manière souple en tenant compte du principe de proportionnalité et de toutes les circonstances, notamment la réalité des coûts, afin d’éviter que les immeubles ne se dégradent.

En l’espèce, le calcul de rendement effectué par ses soins permettait d’obtenir l’état locatif minimal nécessaire pour payer tous les coûts de ses deux immeubles. L’objectif était qu’elle puisse être à même de payer ses charges d’exploitation, en obtenant le rendement admissible selon la loi permettant de payer encore les rendements sur les avoirs de prévoyance de ses assurés cotisants encore actifs, les rentes de ses pensionnés, les impôts, les coûts ne pouvant pas être pris en compte dans les charges d’exploitation lors du calcul de rendement en application de la jurisprudence fédérale, comme les frais de contentieux, les loyers perdus des locaux vacants, les frais de publicité pour trouver des locataires, etc. Dès lors, le loyer fixé après travaux pour l’appartement litigieux à CHF 5'712.-/an par l’OCLPF portait atteinte aux art. 1, 10 al. 2, 11 al. 1 let. a à d et 11 al. 3 LDTR.

En outre, une violation du droit de la propriété au sens de l’art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) était à déplorer, au vu du droit du propriétaire à pouvoir toucher des loyers lui permettant au moins de payer les factures relatives à son immeuble. De ce fait, sa liberté économique avait également été violée. Dans ce contexte, l’OCLPF avait également violé la primauté du droit fédéral, à savoir le droit du bail s’agissant du calcul de rendement de l’art. 269 CO, qui donnait au bailleur la garantie d'obtenir un loyer couvrant ses coûts, l'art. 269 CO étant une illustration de la protection de la garantie de la propriété.

Plusieurs documents étaient joints, dont le contenu sera repris dans la partie « En droit » ci-après en tant que de besoin, notamment :

-          un calcul de rendement de l’appartement avant et après travaux ;

-          un tableau des surfaces et pièces des immeubles, sis rue de C______ 4______-3______ ;

-          les frais d’acquisition de ceux-ci ;

-          un tableau listant toutes les charges desdits immeubles ;

-          un tableau listant les charges de ces immeubles retenues pour le calcul de rendement ; et

-          les plans de l’appartement avant et après travaux.

6.             Après que le DT s’en soit rapporté à justice quant à la requête de retrait de l’effet suspensif au recours le 22 avril 2024 (tout en demandant qu’il soit rappelé, dans l’hypothèse où cette requête serait admise, que la recourante consentait par avance à ce que les coûts relatifs aux travaux ne puissent par hypothèse être rentabilisés en cas de location de l’appartement durant les trois ans suivant la fin des travaux qu’à hauteur du loyer maximum autorisé si celui-ci devait être confirmé) et que la recourante ait persisté dans sa demande y relative le 26 avril 2024, le tribunal, par décision du 30 mai 2024 (DITAI/330/2024), entrée en force, a admis la demande de retrait de l’effet suspensif au recours.

Il était précisé que, par sa demande de pouvoir entamer immédiatement les travaux, la recourante consentait par avance à ce que les coûts y relatifs ne puissent par hypothèse être rentabilisés, en cas de location de l’appartement durant les trois ans suivant la fin des travaux, qu’à hauteur du loyer maximum autorisé, au cas où le chiffre 7 de la décision querellée serait confirmé à l’issue de la présente procédure.

7.             Dans ses observations sur le fond du 11 juin 2024, le DT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais.

Le recours portait uniquement sur la fixation et blocage du loyer de l’appartement concerné à CHF 5'712.-/an, soit CHF 3'808.-/pièce/an pendant trois ans à compter de la remise en location après la fin des travaux, motif pris du fait que l’OCLPF aurait dû appliquer la méthode absolue du calcul de rendement pour fixer le montant du loyer avant travaux et, dans ce cadre, retenir que le nombre de pièces de l’appartement concerné était de 2 au lieu d’1.5 puis, dans un second temps, appliquer cette même méthode absolue du calcul de rendement pour déterminer le loyer après travaux.

S’agissant de la fixation du loyer avant travaux, l’appartement d’1.5 pièce en cause faisait partie de la catégorie d’appartements où sévissait une pénurie et le loyer avant travaux à prendre en compte était de CHF 3'808.-/pièce/an, de sorte que la fixation du loyer par l’OCLPF était parfaitement justifiée. Ce loyer avant travaux ne pouvait être fixé selon la méthode absolue du calcul de rendement. Selon la jurisprudence, les critères de calcul retenus à l’art. 11 LDTR s’inspiraient déjà des règles de droit fédéral contenues à l’art. 269a CO en matière de fixation des loyers, dans la mesure où ils faisaient intervenir des éléments liés au rendement des fonds investis dans les travaux par le propriétaire. La finalité de l’art. 11 LDTR était cependant différente, cet article s’intégrant dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien, en faveur de toutes les catégories de la population, d’un parc de logements dont les caractéristiques et les loyers correspondaient à leurs besoins. Le renvoi de l’art. 11 al. 1 let. d LDTR aux art. 269 ss CO visait les cas où les calculs de loyer selon les lettres a à c de cette disposition conduiraient à un loyer qui serait encore abusif (ATA/508/2008 [recte : ATA/502/2008] du 30 septembre 2008 consid. 7b). La chambre administrative avait retenu que seuls les facteurs de l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR pouvaient être appliqués pour justifier une hausse de loyer avant travaux (méthode relative du calcul de loyer). La méthode alternative, basée sur la comparaison avec les loyers du quartier (art. 11 al. 1 let. d LDTR renvoyant à l’art. 269a CO) ne pouvait être appliquée que subsidiairement, si la méthode des coûts de l’art. 11 al. 1 let. a à c LDTR avait conduit à un loyer abusif.

Ainsi, pour effectuer le calcul de répercussion du coût des travaux sur les loyers, il fallait en premier lieu réactualiser les loyers avant travaux en appliquant la méthode relative, soit en utilisant les autres facteurs de hausse et de baisse du loyer selon le droit du bail (art. 11 al. 1 let. d LDTR). Cependant, cette réactualisation devait être faite uniquement en cas de maintien des locataires dans leurs appartements, conformément à la doctrine. Or, in casu, le logement concerné étant vide, une réactualisation du loyer n’était pas possible et il convenait de prendre en compte le dernier loyer appliqué avant travaux dans le cadre du calcul selon l’art. 11 LDTR. Partant, il n’y avait pas lieu de retenir le loyer fictif présenté par la recourante ; la thèse qu’elle défendait avait pour seul but de pouvoir prendre comme base un loyer initial plus élevé et, ainsi, de pouvoir se départir des cautèles spécifiquement mises en place par la LDTR pour éviter des abus de la part des propriétaires.

La recourante n’amenait en outre aucune preuve que le montant de ce loyer, qui respectait les limites légales prévues pour préserver des intérêts prépondérants, ne lui permettait pas de couvrir ses coûts. Se borner à affirmer le contraire ne suffisait pas. De plus, les travaux ne portaient que sur un seul appartement et le bâtiment ne bénéficiait d’aucune mesure de protection patrimoniale pouvant éventuellement justifier des coûts de travaux plus élevés que d’ordinaire. En tout état, même en droit privé, les mécanismes de calcul du rendement au sens de l’art. 269 CO développés par la pratique du droit du bail n’étaient pas destinés à assurer un rendement minimal au propriétaire, de sorte que la recourante pouvait d’autant moins se prévaloir de cette disposition en lien avec la fixation des loyers prévus par la LDTR, dont le but était de préserver l’habitat et les conditions de vie existants.

Enfin, le nombre de pièces retenu par l’OCLPF était conforme à l’art. 1 al. 5 RGL puisque la surface de l’appartement concerné était de 24 m2 (surface du séjour, de la cuisine et de l’entrée), ce qui était inférieur au minimum de 26 m2 pour 2 pièces. Pour le surplus, dès lors qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer ici la méthode absolue du calcul de rendement, les considérations de la recourante quant au nombre de pièces de l’appartement ne pouvaient être retenues.

S’agissant de la fixation du loyer après travaux, la recourante tentait de défendre, par un raisonnement confus, que le loyer après travaux devait, lui aussi, faire l’objet d’un calcul du rendement et être rehaussé, tout en citant les exceptions prévues à l’art. 9 al. 4 à 6 LDTR permettant de dépasser le plafond prévu par la LDTR en cas de circonstances particulières.

Or, d’une part, elle se limitait à mentionner la jurisprudence et doctrine y relatives sans démontrer les éléments de son dossier qui lui permettraient de retenir concrètement qu’une des circonstances particulières citées lui serait applicable. D’autre part, la prémisse de son raisonnement était fausse, puisqu’à l’inverse de ce qu’elle avançait, le loyer avant travaux dépassait le plafond des loyers répondant aux BPP. Ainsi, une hausse des loyers n’était en tout état pas admissible en application de l’art. 11 al. 3 LDTR.

Selon les travaux préparatoires relatifs à cette disposition légale, celle-ci visait à permettre la rénovation d’immeubles dont le loyer dépassait déjà, avant travaux, le niveau des loyers répondant aux BPP, en autorisant une augmentation desdits loyers, pour autant que ceux-ci aient été précédemment équitablement fixés. De plus, selon la jurisprudence, l’application de l’art. 11 al. 3 LDTR était limitée aux logements loués à un prix qui apparaissait, avant travaux, comme abusivement élevé et qui correspondait déjà à ce qui serait admissible après transformation, une telle interprétation étant en accord avec le texte légal et les travaux préparatoires (Mémorial du Grand Conseil 1999, pp. 1087-1088). Ainsi, comprise de façon restrictive, cette disposition légale était susceptible d’une interprétation conforme à la Cst ; elle n’allait pas au-delà de la protection contre les loyers procurant un rendement abusif et répondait à un objectif de politique sociale. Par ailleurs, la réserve selon laquelle le blocage des loyers devait être économiquement supportable permettait à l’autorité de respecter le principe de proportionnalité lors de l’application de cette disposition.

En outre, la chambre administrative avait récemment confirmé (ATA/1333/2023 consid. 10.6) que le fait que le loyer avant travaux eût été supérieur aux loyers correspondant aux BPP n’était pas exceptionnel à Genève et constituait une circonstance déjà appréhendée par l’art. 11 al. 3 LDTR. Dans cette affaire, qui portait sur l’application de l’art. 10 al. 2 LDTR : il avait été considéré que renoncer à la fixation du loyer pour ce seul motif reviendrait à appliquer trop fréquemment l’exception prévue par l’art. 10 al. 2 LDTR, ce qui contreviendrait aux objectifs poursuivis par la loi, notamment celui consistant à conserver sur le marché des logements répondant à un besoin en raison de leur prix ; si le loyer avant rénovation dépassait le plafond des BPP, la recourante concernée n'avait pas soutenu, ni n'avait démontré, qu’un loyer non majoré ne lui aurait pas permis de supporter économiquement le coût des travaux ; partant, la chambre administrative avait considéré que c’était à bon droit que le DT avait maintenu le loyer au même niveau que le précédent, en application de l’art. 11 al. 3 LDTR.

Or, ce raisonnement s’appliquait au cas d'espèce puisque la recourante n’avait aucunement démontré, dans le cadre de l’instruction de sa requête, que le loyer avant travaux ne lui permettrait pas de supporter économiquement le coût des travaux des logements existants, alors même qu’il dépassait déjà le plafond des loyers répondant aux BPP. Elle se bornait en effet uniquement à affirmer, dans son courrier du 4 mars 2024, mais sans le démontrer, que le loyer de l’ancien locataire avant travaux ne couvrait pas ses coûts. Ainsi, l’application de l’art. 11 al. 3 LDTR ne prêtait pas le flanc à la critique et c’était à juste titre que le loyer après travaux avait été maintenu à son niveau précédent.

Enfin, aucune violation du principe de la primauté du droit fédéral n’était à déplorer. Dans un cas vaudois portant sur la fixation de loyer après transformation (arrêt 1C_110/2017 consid. 4.1.2 et 4.2.2), le Tribunal fédéral, après avoir procédé à une analyse détaillée de toutes les conditions permettant une restriction des droits fondamentaux, avait retenu que la fixation du loyer et, partant, l’intérêt public à la préservation d’un parc locatif répondant aux besoins de la population ,était légitime et justifiait l’atteinte aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique des propriétaires.

8.             Par réplique du 2 juillet 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le DT se référait à l’art. 269a CO et à un article de doctrine qui concernait cette même disposition légale. Or, celle-ci traitait des facteurs relatifs de hausse de loyer « Fracheboud-LDTR » à appliquer après travaux, notamment les fonds propres investis pour lesdits travaux. Ces éléments étaient à distinguer des éléments financiers à prendre en compte pour fixer le loyer minimal permettant de couvrir les coûts avant travaux visés par l’art. 11 al. 1 let. d LDTR (l’art. 269 CO concernant la méthode de calcul de rendement), que l’auteur ne traitait pas dans sa contribution doctrinale car il se référait à des jurisprudences rendues sous l’empire de l’ancienne LDTR de 1989 qui ne réglait pas ce sujet, lequel était en revanche réglé par l’art. 11 al. 1 let. d LDTR dans sa version actuelle, entrée en vigueur le 23 mars 1996.

L’ATA/508/2008 mentionné par le DT, qui était en réalité l’ATA/502/2008, renvoyait à la contribution doctrinale précitée et concernait l’art. 269a CO, de sorte qu’il n’était pas pertinent pour le présent cas. En ce sens, le consid. 7b de cet arrêt (qui se référait à la méthode relative) était illogique et non pertinent dès lors qu’il portait sur la méthode des loyers usuels du quartier. Au consid. 7d de cet arrêt, la chambre administrative avait expliqué que la méthode des loyers du quartier de l’art. 269a let. a CO ne s’appliquerait pas lorsque le loyer obtenu avec le calcul LDTR aboutirait à un loyer qui serait encore abusif. Cette instance n’avait donc pas exclu l’application de la méthode des loyers du quartier, mais semblait avoir uniquement retenu que cette méthode absolue ne pourrait pas être appliquée si le loyer était déjà abusif en application de l’autre méthode absolue du calcul de rendement de l’art. 269 CO. Or, dans le présent cas, il s’agissait précisément d’appliquer la méthode absolue du rendement pour calculer le socle minimal de loyer non abusif en application de l’art. 269 CO permettant à la recourante de couvrir ses frais.

La doctrine à laquelle le DT se référait pour retenir que la réactualisation des loyers avant travaux devait se faire uniquement en cas de maintien des locataires dans leur appartement, soit Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, La LDTR, Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation, Immeubles de logements et appartements, 2014, p. 282-283, n’indiquait en réalité rien de tel. C’étaient les pages 284 et 285 de cet ouvrage qui traitaient de la réactualisation des loyers fondée sur la méthode relative lorsque des travaux avaient lieu en cours de bail. Ce chapitre 10.4.2.1-10.4.2.2 traitait uniquement de la méthode relative, en rappelant qu’elle ne s’appliquait qu’en cours de bail, mais ne disait pas qu’une réactualisation ne pouvait avoir lieu qu’en cours de bail. La LDTR n’excluait pas que le loyer puisse être réactualisé entre deux locations sur la base de la méthode absolue du rendement afin que la propriétaire puisse couvrir les coûts de l’appartement concerné avant travaux en application de l’art. 269 CO, auquel renvoyait l’art. 11 al. 1 let. d LDTR.

Elle avait prouvé que le loyer fixé ne lui permettrait pas de couvrir ses coûts, dès lors qu’elle avait produit, avec sa requête d’autorisation, un calcul de rendement complet avec justificatifs démontrant que, pour couvrir ses coûts, il lui faudrait précisément le loyer avant puis après travaux calculé à CHF 13'020.-/an. Ce loyer n’était pas abusif puisque justement calculé selon la méthode du rendement aboutissant au loyer minimal nécessaires pour couvrir tous les frais, auquel s’ajoutait l’augmentation de loyer induite par les travaux.

Quant à la référence à l’arrêt 1C_110/2017 rendu dans une affaire relative à la LDTR vaudoise dont le système de calcul différait de celui de la LDTR genevoise, le TF avait retenu, selon sa compréhension, que l’art. 269 CO permettait au bailleur d’obtenir un loyer maximal qui pourrait donc être inférieur, et non un loyer minimal. Toutefois, cette jurisprudence était dépassée par la jurisprudence plus récente de la Cour de droit civil fédérale. En effet, le Tribunal fédéral (4A_239/2018) avait expliqué comment un bailleur devait procéder pour établir un calcul de rendement de son bien en vue d’obtenir un loyer plus élevé suffisant, mais non abusif. En l’occurrence, dans cette affaire ; comment démontrer que son congé économique était valide, en produisant les documents nécessaires en vue du calcul de rendement à effectuer (documents précisément non produits, ce qui avait conduit à l’annulation de son congé). Or, il s’agissait exactement du calcul de rendement qu’elle avait elle-même effectué dans le présent cas. Par ailleurs, la Cour de droit public fédérale semblait oublier que le montant du rendement sur fonds propres (qui était l’un des postes du calcul de rendement) était considérablement, voire pleinement, utilisé pour payer les impôts et, s’agissant de propriétaires institutionnels comme ici, pour verser les rentes aux pensionnés et assurer les rendements minimaux des montants épargnés par les assurés actifs, mais aussi toutes les autres charges non prises en compte dans les charges d’exploitation des immeubles alors qu’elles existaient pourtant.

Il était donc erroné de soutenir que le loyer calculé selon l’art. 269 CO serait un loyer maximal. Le Tribunal fédéral en avait pris conscience après 2018, puisqu’en automne 2020, il avait effectué un important changement de jurisprudence, en retenant que, tant que le taux hypothécaire de référence était inférieur ou égal à 2%, il convenait d’ajouter à ce taux, un taux de 2% pour obtenir le taux de rendement admissible sur fonds propres (et non plus seulement 0,5% comme prévu par la jurisprudence depuis 1986 et jusqu’alors). Partant, il était faux de soutenir que le montant du loyer bloqué ne violait pas la garantie de sa propriété.

Le DT ne motivait pas son allégation selon laquelle l’art. 9 al. 4 et 5 LDTR ne s’appliquait pas au présent cas. Quant à l’argument du précité selon lequel l’art. 11 al. 3 LDTR ne s’appliquerait pas davantage, depuis le Mémorial de 1999 cité, les coûts d’entretien, de rénovation et d’exploitation avaient augmenté. Par ailleurs, les loyers contrôlés LGL et LGZD fondés sur les coûts étaient supérieurs à ce plafond de CHF 3'528.-/pièce/an, de sorte que ledit plafond pouvait parfois, comme ici, être économiquement insoutenable.

L’ATA/1333/2023 cité par le DT faisait l’objet d’un recours pendant devant le Tribunal fédéral et son état de fait était différent du présent cas, de sorte qu’il n’était pas pertinent.

Enfin, si, par impossible, l’appartement concerné devait être un logement d’1.5 pièce comme allégué par le département et donc avoir un loyer supérieur au plafond BPP avant travaux, l’art. 11 al. 3 LDTR s’appliquerait avec le calcul de rendement produit.

9.             Dans sa duplique du 24 juillet 2024, le DT a persisté dans ses conclusions.

Le loyer de référence était le dernier loyer brut avant travaux. Selon la jurisprudence et la doctrine (GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 285), le rendement, et donc une réactualisation du loyer, pouvait être pris en compte dans le loyer avant travaux uniquement lorsque le locataire restait le même après les travaux.

Les éléments relevant du droit privé allégués par la recourante pour justifier d'une application du rendement dans le calcul du loyer ne lui étaient d’aucune aide, même à envisager leur application au présent cas. En effet, selon le Tribunal fédéral (arrêt 1C_471/2018 consid. 2.2 et 2.3 in SJ 2020 I 109), les principes applicables en matière de contrôle des loyers selon le droit public et de fixation des loyers selon le droit privé étaient différents et ne prenaient pas en compte les mêmes intérêts. Si, en règle générale, les loyers fixés par l’autorité publique ne devaient pas dépasser trop largement les loyers déterminés au terme d’un calcul de rendement selon l’art. 269 CO pour le marché libre, l’inverse ne s’appliquait pas ; c’était au contraire l’essence des loyers contrôlés que d’être moins chers que les loyers libres.

Il n’avait jamais soutenu que l’art. 11 al. 3 LDTR ne serait pas applicable, le contraire ressortant précisément de ses écritures. Le loyer fixé permettait économiquement à la recourante de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer et cette dernière ne démontrait pas le contraire. De simples affirmations relatives à la hausse générale des coûts n’étaient pas suffisantes à cet égard.

Enfin, l’ATA/1333/2023 conservait sa pertinence, nonobstant le recours pendant puisque le raisonnement tenu par la chambre administrative était fondé.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

5.             L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités).

6.             À titre liminaire, le tribunal constate, eu égard aux conclusions de la recourante et conformément à la jurisprudence citée supra, que le présent recours porte uniquement, d’une part, sur le montant du loyer LDTR fixé à CHF 5'712.- par an dans le préavis de l’OCLPF du 11 mars 2024, lequel fait partie intégrante de l’APA 2______/1 querellée, et, d’autre part, sur la qualification du logement concerné de 1,5 pièce.

Le présent litige sera par conséquent circonscrit à ces deux questions.

7.             La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones prévues (art. 1 al. 1 et 2 LDTR).

À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment l’encouragement à des travaux d’entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d’habitation (art. 1 al. 2 let. b LDTR).

8.             Plus spécifiquement, la LDTR vise plusieurs objectifs : notamment d'améliorer la protection des locataires (MGC 1997 64/X 10562) et de conserver sur le marché certains types de logements qui répondent à un besoin en raison de leur prix et de leur conception (ATF 116 Ia 401 consid. 9c).

Sont ainsi notamment visés ; les travaux de rénovation qui ont pour conséquence de faire basculer des catégories de logements conçues pour des familles modestes et nombreuses dans des catégories de logements destinées à des personnes aisées et sans enfant, ou des catégories d’immeubles à loyers bas ou modérés vers des loyers d’appartements de luxe (ATA/859/2010 du 7 décembre 2010 consid. 6b et la référence citée).

9.             Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. L'autorisation est accordée notamment pour les travaux de rénovation au sens de l'art. 3 al. 1 let. d LDTR (art. 9 al. 1 let. e LDTR).

10.         Le département accorde l’autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux BPP (art. 9 al. 2 LDTR). Il s'agit d'hypothèses alternatives (Emmanuelle GAIDE/ Valérie DÉFAGO GAUDIN, op.cit., p. 133).

Par BPP, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population (art. 9 al. 3 LDTR).

11.         Selon l’arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population du 12 janvier 2022, en vigueur dès le 14 janvier 2022 (ArLoyers - L 5 20.05), les loyers correspondant aux BPP, fondés sur le revenu brut médian des contribuables personnes physiques 2018, sont compris entre CHF 2'627.- à CHF 3'528.- la pièce par année.

12.         Un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux BPP notamment lorsqu'il entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'art. 25 LDTR.

Ainsi, en particulier, un logement répond aux BPP lorsque son loyer est supérieur au plafond LDTR et que son nombre de pièces entre dans une catégorie en pénurie (cas où seule la condition alternative du genre est remplie) (ATA/185/2021 du 23 février 2021 consid. 5c ; ATA/1736/2019 du 3 décembre 2019 consid. 7e).

13.         Selon l'arrêté déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 15 novembre 2023, en vigueur dès le 1er janvier 2024 (ArAppart – L 5 20.03), il y a pénurie dans toutes les catégories d'appartements d'1 à 7 pièces inclusivement.

14.         Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, le département se réfère à l'art. 1 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), qui s’applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), à l'exception des logements d’utilité publique. La chambre administrative admet depuis de nombreuses années que, dans la mesure où les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relèvent d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, on peut parfaitement appliquer la disposition précitée, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR (cf. not. ATA/334/2014 du 13 mai 2014 et les références citées).

15.         À teneur de l’art. 1 al. 4 RGL, pour le calcul du nombre de pièces des logements, il est tenu compte de la surface nette, telle que définie à l’art. 4 RGL.

L’art. 1 al. 5 RGL prévoit que le nombre de pièces du logement, cuisine comprise, est de 1,5 pièce pour une surface nette minimum de 20 m2 et de 2 pièces pour une surface nette minimum de 26 m2.

16.         L’art. 2B al. 1 RGL prévoit que le département peut déroger aux art. 1 et 2 RGL pour des immeubles existants transformés ou rénovés. Ce dernier statue après consultation de la commission d’architecture (al. 3).

17.         Par surface nette du logement, il faut entendre l’addition des surfaces des pièces, d’au moins 9 m2, et des demi-pièces, d’au moins 6 m2, habitables du logement et de la cuisine, ainsi que du laboratoire (art. 4 al. 1 RGL).

18.         En l’espèce, au vu des plans visés ne varietur figurant au dossier, il convient de constater que le calcul des pièces effectué par le service LDTR apparaît correct, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas.

Elle prétend toutefois que l’appartement concerné - loué en tant que 2 pièces à teneur du contrat de bail conclu avec l’ancien locataire en 1985 et considéré comme tel dans le calcul de rendement de l’immeuble, au même titre que les autres appartements identiques des immeubles 4______ et 3______ de la rue de C______ - aurait dû être maintenu en tant que 2 pièces, en application de l’art. 2B RGL, afin de ne pas compliquer le calcul équitablement effectué par ses soins.

À ce titre, le tribunal relève que cette disposition réglementaire offre au département la possibilité de déroger à la règle de calcul des pièces au sens de l’art. 1 RGL précité mais ne contraint nullement ce dernier à procéder de la sorte. Aucun motif autre que l’intérêt personnel de la recourante n’ayant ici été invoqué, l’on distingue mal sur quelle base il pourrait être retenu que le DT aurait erré en appliquant le règlement sans faire usage d’une éventuelle possibilité qui lui est offerte à bien plaire.

Partant, il convient de retenir que c’est à bon droit que l’autorité intimée a considéré que le logement concerné était un appartement de 1,5 pièce et non de 2 pièces, comme mentionné par la recourante dans sa demande d’autorisation de construire.

Cette requalification du nombre de pièces du logement a une incidence sur le loyer avant travaux par pièce. En effet, le loyer avant travaux, en tant que logement de 2 pièces, était de CHF 2'856.- la pièce/l’an. Il était alors compris dans la fourchette des loyers correspondant aux BPP telle que prévue par l’ArRLoyers cité plus haut. Suite à sa requalification en tant que 1,5 pièce, son loyer à la pièce par an s'élève désormais à CHF 3'808.- et dépasse ainsi la fourchette de loyers des BPP précitée.

Cela étant, même si ce loyer est désormais supérieur au plafond LDTR, il n’en demeure pas moins que le logement en cause correspond aux BPP, puisqu’il fait partie de la catégorie de logements pour lesquels règne une pénurie, étant rappelé que les deux conditions du loyer et du genre sont alternatives. Il entre donc toujours bien dans le champ d’application de la LDTR, conformément à la jurisprudence citée supra, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.

19.         Selon l’art. 10 LDTR, le département fixe, comme condition de l’autorisation de construire, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l’art. 11 LDTR.

20.         À teneur de l’art. 11 al. 1 LDTR, le département prend en considération l’ensemble des travaux à effectuer, sous déduction des subventions éventuellement octroyées et fixe le montant des loyers ou des prix de vente maximaux, en tenant compte du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au‑dessus de l’intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève, le taux de rendement étant fonction de l’incidence dégressive des amortissements (let. a) ; de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5% (let. b) ; des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération (let. c) ; des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 et ss CO (let. d).

21.         L’art. 11 al. 2 LDTR prévoit que lorsque les logements répondent aux BPP quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux BPP.

22.         Selon l’art. 11 al. 3 LDTR, si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux BPP, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu’il apparaît qu’il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer.

23.         Conformément à l’art. 5 al. 4 RTDR, dans la situation décrite à l’art. 11 al. 3 LDTR, il appartient au requérant de démontrer, par toutes pièces utiles, que le propriétaire n’est pas en mesure de supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer. Par pièces utiles, le département fait prioritairement référence à un calcul de rendement de l’immeuble. Subsidiairement, il peut être recouru à une étude comparative entre les loyers de l’immeuble et ceux résultant des statistiques publiées chaque année par le canton, étant précisé, qu’à année de construction égale, la limite au-delà de laquelle le propriétaire est présumé pouvoir supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer est fixée, sauf exception, au 3e quartile. Le département tient compte, dans son appréciation, des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération au sens des art. 269 ss CO.

24.         L'art. 11 al. 3 LDTR a été introduit avec l'adoption du PL 7'752 le 25 mars 1999. À teneur des travaux préparatoires, il vise à permettre la rénovation d'immeubles dont les loyers dépassent déjà, avant travaux, le niveau des loyers répondant aux BPP, en autorisant une augmentation desdits loyers, pour autant toutefois que ces derniers aient été précédemment équitablement fixés (MGC 1999 9/II 1070, p. 1086 ss ; ATA/675/2017 du 20 juin 2017 consid. 8c).

Dans ce cas, il appartient au requérant de démontrer, par toutes pièces utiles, que le propriétaire n’est pas en mesure de supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer. Par pièces utiles, le département fait prioritairement référence à un calcul de rendement de l’immeuble. Subsidiairement, il peut être recouru à une étude comparative entre les loyers de l’immeuble et ceux résultant des statistiques publiées chaque année par le canton. Le département tient compte, dans son appréciation, des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération au sens des art. 269 ss CO (ATA/253/2011 du 19 avril 2011 consid 8 ; Emmanuelle GAIDE/ Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 315).

25.         L'application de l'art. 11 al. 3 LDTR est limitée aux cas des logements qui, sans être des logements de luxe, sont loués à un prix qui apparaît, avant les travaux, comme abusivement élevé et qui correspond déjà à ce qui serait admissible après transformation. La réserve selon laquelle le blocage des loyers doit être économiquement supportable permettra à l'autorité de respecter le principe de la proportionnalité lors de l'application de cette disposition (cf. MGC 1999 9/II 1070, p. 1087-1088; arrêt du Tribunal fédéral 1P.664/1999 du 1er septembre 2000 consid. 6; Alain MAUNOIR, La LDTR genevoise: les principes et quelques applications, in RDAF 2002 I p. 21). Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a confirmé que cette interprétation était en accord avec le texte légal, relevant qu’elle correspondait d'ailleurs aux travaux préparatoires. Ainsi, comprise de façon restrictive, la disposition attaquée est susceptible d'une interprétation conforme à la Cst. Elle ne va pas au-delà de la protection contre les loyers procurant un rendement abusif et répond à un objectif de politique sociale.

L’historique de cette disposition montre notamment que le législateur entendait l’appliquer de façon limitée aux seuls cas où les loyers étaient abusivement élevés, supérieurs à la fourchette des loyers BPP avant travaux, mais ne concernaient pas des logements de luxe. Le Tribunal fédéral a jugé que cette interprétation restrictive était en accord avec le texte légal et correspondait aux travaux préparatoires. Ce texte n’allait pas au-delà de la protection contre les loyers abusifs et répondait à un objectif de politique sociale. Par ailleurs, la réserve selon laquelle le blocage des loyers devait être économiquement supportable, permettait à l’autorité de respecter le principe de la proportionnalité lors de l’application de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 1P.664/1999 précité consid. 6 c).

26.         Ce blocage au niveau du loyer avant travaux au-dessus du plafond LDTR a deux conséquences pour le département. Celui-ci peut s'abstenir de faire le calcul de hausse de loyer fondé sur les coûts de l'art. 11 al. 1 LDTR. En revanche, il ne peut pas réduire le loyer après travaux au plafond LDTR : tout au plus, peut-il le bloquer au montant du loyer avant travaux. Du point de vue du propriétaire, ce blocage du loyer empêche tout rendement sur travaux, voire implique un rendement négatif sur travaux (GAIDE/ Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 308).

27.         L'art. 12 LDTR précise que la durée de contrôle est de trois ans pour les immeubles rénovés ou transformés. Elle peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde.

La conformité de cette disposition avec le droit fédéral a été admise par le Tribunal fédéral (2C_184/2013 du 8 janvier 2014), qui a confirmé que les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectaient le principe de primauté du droit fédéral (arrêt 1P.20/2005 du 18 mars 2005), tout en précisant que cette intervention étatique était limitée dans le temps, les parties demeurant libres de modifier le contrat de bail à l'issue de la période de contrôle. La LDTR ne permet ainsi pas au département d'intervenir sur le loyer postérieur à la période de contrôle en imposant aux parties la conclusion d'un nouveau bail qui tiendrait compte du loyer fixé dans l'autorisation de rénover en application de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.3).

28.         En l’espèce, le loyer avant travaux de l’appartement concerné − qui doit être considéré, comme vu supra, comme un 1,5 pièce − se monte à CHF 5'172.- l’an, soit CHF 3'808.- la pièce l’an, avec dès lors un loyer avant travaux supérieur à la fourchette LDTR de CHF 3'528.-.

Par conséquent, en application de l’art. 11 al. 3 LDTR et comme rappelé dans la jurisprudence citée ci-dessus, c’est ce loyer avant travaux qui doit être pris en compte pour la fixation du loyer après travaux. Ainsi, c’est à bon droit que l’autorité intimée a bloqué ledit loyer, après travaux autorisés, pour une durée de trois ans.

Seule pourrait ici être prise en compte l’éventuelle impossibilité économique pour la recourante de supporter le coût des travaux sans majoration du loyer. Toutefois, force est de constater que l’existence d’une telle impossibilité n’a pas été démontrée par la recourante.

En effet, le calcul de rendement versé au dossier ne prouve pas que la recourante ne peut supporter les frais afférents aux travaux autorisés sans augmenter le loyer du logement concerné, le calcul de rendement produit englobant tant l’immeuble abritant l’appartement visé par l’autorisation litigieuse qu’un second immeuble lui appartenant, lequel n’est cependant en rien concerné par le présent litige. En outre, les données du calcul de rendement produit par la recourante sont erronées. En effet, dans le calcul qu'elle a produit, tous les appartements identiques à l’appartement litigieux ont été − à tort − considérés comme des logements de 2 pièces et non de 1,5 pièce. Par conséquent, ce document ne saurait démontrer que l’exception prévue par l’art. 11 al. 3 LDTR, dont la mise en œuvre est précisée par l’art. 5 al. 4 RDTR, est remplie dans le présent cas, étant rappelé, pour le surplus, que la recourante, qui supporte le fardeau de la preuve, aurait eu tout le loisir de produire en cours d'instruction un nouveau calcul, ce qu'elle n’a cependant nullement fait.

Il convient donc de retenir que le loyer de l’appartement concerné avant travaux correspond déjà au loyer admissible après travaux au regard, notamment, des considérations figurant dans les travaux préparatoires relatifs à l’art. 11 al. 3 LDTR précités. En outre, comme relevé par la doctrine mentionnée ci-dessus, le blocage du loyer avant travaux au-dessus du plafond LDTR a pour conséquence que le DT peut s’abstenir de faire le calcul de hausse de loyer fondé sur les coûts de l’art. 11 al. 1 LDTR et que ce blocage de loyer peut empêcher tout rendement sur travaux, voire impliquer un rendement négatif sur travaux.

Pour le surplus, les facteurs de hausse et de baisse à prendre en compte dans la fixation du loyer, notamment en lien avec les art. 269 et ss CO, prévus à l’art. 11 al. 1 let. d LDTR, ne trouvent pas à s’appliquer ici, dès lors que le loyer litigieux a été fixé, à juste titre, en application du mode de calcul particulier prévu à l’art. 11 al. 3 LDTR.

Enfin, quant à l’ATA/86/2006 invoqué par la recourante pour en déduire qu’un calcul de rendement doit être effectué lorsque le propriétaire ne peut pas supporter les coûts sans majoration de loyer, même en présence d’un loyer avant travaux inférieur au plafond LDTR, force est de constater qu’il ne saurait trouver application par analogie dans le présent cas, qui porte sur un loyer supérieur – et non inférieur – au plafond LDTR. Pour le surplus, en tout état, cet arrêt n’a pas la portée que lui prête la recourante. En effet, dans cette jurisprudence cantonale, qui date de plus de 18 ans, la chambre administrative avait retenu que le propriétaire n’avait pas démontré que le loyer fixé par le DT était erroné faute notamment d'avoir produit le calcul de rendement permettant de fixer le loyer au-dessus du plafond LDTR. Elle n'avait cependant pas, contrairement à ce que soutient la recourante, retenu que le département se devait d’appliquer, dans son appréciation, tous les facteurs de fixation du loyer des art. 269 et 269a CO, ces deux dispositions légales n’étant d’ailleurs pas même mentionnées dans son raisonnement. Partant, cette jurisprudence n’est d’aucun secours à la recourante.

Par conséquent, mal fondé, le grief sera écarté.

29.         La recourante estime que le loyer avant travaux à prendre en considération dans le cadre de la fixation du loyer après travaux n’est pas celui que payait effectivement l’ancien locataire, soit CHF 5'172.- l’an, dans la mesure où celui-ci ne couvrait pas ses coûts, mais un loyer supérieur calculé en tenant compte du rendement de l’appartement, en application des art. 11 al. 1 let. d LDTR et 269 CO.

30.         Conformément à la jurisprudence et à la doctrine, les critères de calcul retenu à l’art. 11 LDTR s’inspirent déjà des règles de droit fédéral contenues à l’art. 269a CO en matière de fixation de loyer dans la mesure où ils font intervenir des éléments liés au rendement des fonds investis dans les travaux par le propriétaire (Alain MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, in RDAF 1996 p. 327). La finalité de l’art. 11 LDTR est cependant différente : il s’intègre dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien en faveur de toutes les catégories de la population d’un parc de logements dont les caractéristiques et les loyers correspondent à leur besoin. La loi impose un contrôle des loyers pour une durée limitée, dont l’objectif est de contenir l’augmentation des loyers des logements les plus fortement recherchés en période de pénurie pour qu’il en subsiste sur le marché (ATA/502/2008 du 30 septembre 2008 consid. 7b).

31.         Le Conseil d’Etat a le devoir de déterminer une fourchette de loyers, entre lesquels le loyer maximum doit se situer, qui est arrêtée en fonction de données moyennes, tenant compte de l’évolution des revenus, mais en référence au revenu moyen net imposable des contribuables genevois (A. MAUNOIR, op. cit., page 323, qui se réfère à l’ATA du 7 octobre 1997 résumé dans SJ 1998 p. 304 et ATA du 7 décembre 1994, publié dans SJ 1994 p. 225 et RDAF 1994, p. 107 ss, 117).

32.         Le fait que le loyer avant travaux soit supérieur à celui de loyers correspondant aux BPP n’apparaît pas comme une situation exceptionnelle à Genève et constitue une circonstance déjà appréhendée par l’art. 11 al. 3 LDTR. Renoncer à la fixation du loyer pour ce seul motif reviendrait ainsi à appliquer trop fréquemment l’exception prévue par l’art. 10 al. 2 LDTR, ce qui contreviendrait aux nombreux objectifs poursuivis par la loi, en particulier celui consistant à conserver, sur le marché, des logements qui répondent à un besoin en raison de leur prix (ATA/1333/2023 du 12 décembre 2023 consid. 10.6).

33.         La jurisprudence cantonale a eu l’occasion de préciser que le renvoi effectué par l’art. 11 al. 1 let. d LDTR aux art. 269 et ss CO visait les cas où le calcul de loyer selon les lettres a à c de l’art. 11 al. 1 LDTR s’avérerait conduire à un loyer qui serait encore abusif (ATA/502/2008 précité consid. 7d).

34.         Une réactualisation des loyers avant travaux n’est acceptée par la jurisprudence et la doctrine qu’en cas de maintien des locataires dans leurs appartements et non lorsque les logements sont loués à de nouveaux locataires après les travaux. En effet, la méthode relative appliquée pour réactualiser les loyers, soit en déterminant l’évolution des facteurs de hausse et de baisse de loyers selon les règles du droit du bail, ne s’applique pas pour calculer les loyers de nouveaux baux (ATA/502/2008 précité consid. 7d ; ATA/662/2024 du 4 juin 2024 consid. 6.2 ; Emmanuelle GAIDE, Valerie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 282 ch. 4.1.1 et 285 ch. 4.2.2 ;).

35.         En l’espèce, il sera constaté que, comme vu supra, l’OCLPF, suivi en cela par l’autorité intimée, a retenu un loyer de CHF 5'172.- l’an, soit CHF 3'808.- la pièce/l’an s’agissant de l’appartement litigieux.

Le loyer après travaux, supérieur avant travaux aux BPP, a ainsi été maintenu à son niveau antérieur pour une durée de trois ans.

Pour le surplus, l’appartement étant, à teneur du dossier, en particulier du formulaire D12 produit, vide d’occupant depuis le 31 janvier 2024, une réactualisation du loyer avant travaux en vue de louer, après travaux, le logement concerné à un nouveau locataire, n’entre pas en ligne de compte, conformément à la doctrine et à la jurisprudence exposées supra.

Ainsi, l’argument de la recourante, qui invoque un rendement insuffisant découlant de l’ancien loyer pour solliciter l’application de l’art. 11 al. 1 let. d LDTR au loyer du logement en question, pour rappel vacant, afin d’obtenir un résultat différent dans le cadre du calcul du loyer après travaux, lequel est, comme vu supra, conforme à l’art. 11 al. 3 LDTR, ne saurait être suivi.

Il en va de même de l’allégation selon laquelle le considérant 7 de l’ATA/502/2008 précité serait « illogique », la recourante se contentant en cela d’opposer son interprétation à celle de l’instance de recours cantonale de deuxième instance. Partant, cet argument tombe à faux.

Il sera également rappelé que le fait que le loyer avant travaux soit supérieur à celui de loyers correspondant aux BPP n’apparaît pas comme une situation exceptionnelle à Genève et constitue, pour le surplus, une circonstance déjà appréhendée par l’art. 11 al. 3 LDTR.

Eu égard à ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité intimée a pris en compte le dernier loyer effectif de l’appartement en cause dans le cadre de la fixation du loyer après travaux.

Infondé, le grief y relatif sera donc écarté.

36.         La recourante se prévaut de l’existence d’une situation justifiant le dépassement de la fourchette des loyers LDTR, invoquant notamment l’art. 9 al. 5 LDTR.

37.         Selon l’art. 9 al. 4 LDTR, la fourchette des loyers peut exceptionnellement être dépassée si la surface brute locative des pièces est importante.

Elle peut également l’être si des circonstances particulières le justifient, soit si la protection du patrimoine génère des coûts supplémentaires, selon l’art. 9 al. 5 LDTR.

L’art. 9 al. 6 LDTR prévoit des mesures, en lien avec la consommation d’énergie, qui peuvent également être répercutées sur les loyers à certaines conditions.

38.         Contrairement à la surface brute, dont la loi précise qu'elle ne peut qu’« exceptionnellement » justifier un dépassement de loyer (art. 9 al. 4 LDTR ; MGC 2001-2002/ VII D/36 1938 ss), la notion de « circonstances particulières » de l'art. 9 al. 5 LDTR ne contient pas de mention semblable. Bien que l'usage du mot « soit » à l'art. 9 al. 5 LDTR plaide en général en faveur de l'exhaustivité des motifs énumérés à sa suite, cette disposition doit être interprétée comme ne visant pas exclusivement les coûts générés par la protection du patrimoine, sous peine de conduire à des restrictions trop sévères à la garantie de la propriété et à la liberté économique des propriétaires (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 consid. 11).

Le département dispose corrélativement d'une importante latitude de jugement dans l'interprétation de la notion des « circonstances particulières » visées à l'art. 9 al. 5 LDTR pouvant justifier un dépassement de la fourchette fixée par l'ArRLoyers (ATA/391/2013 précité consid. 13).

39.         Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a admis la conformité à l'art. 9 LDTR du loyer de logements à transformer répondant aux BPP lorsque le calcul du loyer effectué par le département apparaissait conforme à l'art. 11 LDTR.

40.         Si elle a pu admettre, comme répondant aux BPP, un loyer de CHF 9'666.- par pièce l'an (CHF 57'996.- par an, soit CHF 4'833.- par mois) pour des appartements de 6 pièces de 112 m2 et de 126 m2, dont la création impliquait une surélévation de l'immeuble (ATA/313/2012 du 22 mai 2012), respectivement un loyer de CHF 11'549.- par pièce l'an (CHF 69'298.- par an, soit CHF 5'774.80 par mois) pour un logement de 6 pièces d'une surface de 106 m2 (ATA/66/2013 du 6 février 2013 consid. 6), sa jurisprudence s’est depuis durcie, la chambre administrative considérant que les derniers loyers autorisés s'écartaient trop de la fourchette des montants figurant dans l'arrêté du Conseil d'Etat, faisant perdre peu à peu leur substance à dit arrêté et à l'art. 9 al. 3 LDTR (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/824/2013 du 17 décembre 2023). Elle a en particulier souligné que, pour respecter la lettre de la loi et les buts poursuivis par la LDTR en cette période de grave pénurie sur le marché locatif, il convenait de revenir à des loyers plus proches de cette fourchette, en priant les propriétaires ; soit de justifier leur loyer par l'un ou plusieurs des motifs figurant à l'art. 9 al. 4, 5 et 6 LDTR, soit de procéder à des travaux moins coûteux (lorsque le calcul opéré en vertu de l'art. 11 LDTR ne permettait pas de parvenir à des loyers accessibles à la majorité de la population), soit encore de réduire leurs exigences de rendement (ATA/865/2022 du 30 août 2022 consid. 6f ; ATA/391/2013 précité consid. 13).

Ces dernières jurisprudences, qui concernent des nouveaux logements créés dans les combles, sont critiquées par la doctrine qui relève qu'elles vont à l’encontre de la volonté du législateur, du texte de loi et de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 116 Ia 401 consid. 11a), mais également de sa jurisprudence constante en la matière, considérant pour le surplus irréaliste, eu égard notamment à la très forte pénurie de logements que connait le canton, d'estimer, tout en admettant que les coûts de construction sont très élevés à Genève, que les propriétaires doivent effectuer des travaux moins coûteux ou qu'il leur soit demandé de réduire leur exigence de rendement alors que le taux hypothécaire de référence est déjà particulièrement bas (GAIDE/ Valérie DÉFAGO GAUDIN, opt. cit. p. 321ss n° 5.6.2 « Exemples de loyers de logements créés dans les combles ou dans des surélévations »).

41.         Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté, sans motif prépondérant et dûment établi, du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA 581/2014 précité consid. 5 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 9a ; ATA/313/2012 du 22 mai 2012 consid. 10).

42.         Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

43.         En l’espèce, il ne ressort pas des éléments au dossier que la recourante pourrait se prévaloir de circonstances particulières au sens de l’art. 9 al. 5 LDTR, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence citée supra, elle supporte le fardeau de la preuve.

Pour le surplus, même dans l’hypothèse, non réalisée in casu, où la présence de circonstances particulières au sens de la disposition légale précitée aurait été prouvée, il sera rappelé que l’art. 9 al. 5 LDTR offre la possibilité à l’autorité intimée de dépasser la fourchette des loyers LDTR dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui est le sien. Partant, la recourante ne peut, en tout état, se prévaloir d’un droit à un dépassement de la fourchette des loyers sur cette base.

À toutes fins utiles, il sera encore relevé que les conditions d’un dépassement dudit plafond sur la base des hypothèses prévues aux al. 4 et 6 de l’art. 9 LDTR ne sont pas remplies dans le présent cas.

Enfin, contrairement à l’allégation de la recourante, la considération de la chambre administrative dans le cadre des ATA/391/2013 et ATA/824/2013, selon laquelle les loyers s’écartaient trop de la fourchette des montants figurant dans l’arrêté du Conseil d’État, faisant ainsi perdre peu à peu de sa substance à celui-ci et à l’art. 9 al. 3 LDTR conserve sa pertinence quant au principe retenu, même si les deux arrêts précités concernaient la fixation du loyer de nouveaux logements créés dans des immeubles existants, contrairement au présent cas.

Partant, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en ne retenant pas de circonstances particulières permettant l’application des exceptions des art. 9 al. 4 à 6 LDTR.

Mal fondé, ce grief sera également écarté.

44.         Dans un dernier grief, la recourante se prévaut d'une atteinte à son droit à la propriété, ainsi qu'à sa liberté économique, dans la mesure où le loyer fixé par le département ne lui permettrait pas de couvrir le montant des factures liées à son immeuble.

45.         Comme tout droit fondamental, la garantie de la propriété et la liberté économique, ancrées aux art. 26 al. 1 et 27 al. 1 Cst., ne sont pas absolues et, elles peuvent être restreintes aux conditions fixées à l’art. 36 Cst. La restriction doit être fondée sur une base légale, les restrictions graves devant être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. L’al. 2 de cette norme dispose que toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui. En outre, toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.), l’essence des droits fondamentaux étant inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).

46.         Le but poursuivi par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important et reconnu (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 ; 113 Ia 126 consid. 7a ; 111 Ia 23 consid. 3a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_416/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.3 ; 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.3 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011). Par ailleurs, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété. Pour qu'une telle restriction soit conforme à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), l'autorité administrative doit effectuer une pesée des intérêts en présence et évaluer l'importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu (ATF 116 Ia 401 consid. 9 ; 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2012 du 3 mai 2013 consid. 2.3 ; 1C_141/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.2). La restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2016 du 27 mars 2017).

47.         Dans une affaire vaudoise, s’agissant en particulier du principe de la fixation et contrôle du loyer durant cinq ans après transformation, le Tribunal fédéral a retenu, après avoir procédé à une analyse détaillée de toutes les conditions permettant une restriction aux droits fondamentaux que la fixation du loyer, et partant l’intérêt public à la préservation d’un parc locatif répondant aux besoins de la population était légitime et justifiait l’atteinte aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique des propriétaires (arrêt du Tribunal fédéral 1C_110/2017 du 29 mai 2018 consid. 4.1.2 et 4.2). Cet intérêt public étant également poursuivi par la LDTR genevoise, les principes dégagés par cette jurisprudence ne sauraient être écartés. Pour le surplus, la chambre administrative a eu l'occasion de confirmer la compatibilité de la LDTR avec les dispositions concernant le droit à la propriété et la liberté économique (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 6).

48.         Le Tribunal fédéral a déjà jugé que la LDTR, y compris dans la mesure où elle prévoit un contrôle des loyers après transformations, était conforme à la garantie de la propriété et à la liberté économique (ATF 116 Ia 401 consid. 9c ; 111 Ia 401 consid. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.3 ; 1C_110/2017 du 29 mai 2018 consid. 4.1.2 et 4.2).

49.         En l’espèce, il ressort des jurisprudences précitées que l'atteinte à la garantie de la propriété de la recourante se fonde sur une base légale suffisante et répond à un intérêt public prépondérant.

Elle s'avère également proportionnée, dans la mesure où l'autorité intimée a effectué une pesée des intérêts en présence et a évalué l'importance des motifs fondant les mesures prononcées, à savoir la préservation du parc locatif genevois, au regard des intérêts, notamment économiques, de la recourante.

Les intérêts publics poursuivis par la LDTR doivent ainsi l’emporter sur l’intérêt privé, purement économique, de la recourante à pouvoir louer son logement avec un rendement supérieur.

L’atteinte à la garantie de la propriété de cette dernière n’apparait également pas disproportionnée dans la mesure où le loyer fixé par le département atteint quasiment la limite maximale de la fourchette prévue par la loi.

Le même raisonnement s’applique s’agissant de la garantie de la liberté économique (art. 27 Cst.).

Enfin, il convient de prendre en considération le fait que le blocage du loyer de l’appartement concerné au montant querellé n’est prononcé que pour trois ans. Or, cette durée peut être qualifiée, à l’échelle d’un investissement immobilier, de très courte. Par conséquent, l’atteinte subie par la recourante doit donc être qualifiée de peu grave, selon l’appréciation faite par le Tribunal fédéral, notamment dans l’arrêt 1C_110/2017 précité (consid. 4.1.2) dans lequel la haute cour retient qu’une restriction opérée sur cinq ans ne saurait être qualifiée de grave.

L’argument de la recourante selon lequel l’arrêt 1C_110/2017 précité serait « dépassé » par une jurisprudence civile plus récente, en l’occurrence l’arrêt 4A_239/2018 rendu par la Cour de droit civil du Tribunal fédéral, ne saurait emporter conviction, étant rappelé que le présent recours porte sur une question de droit public administratif, dont l’application est de la compétence du tribunal, et non de droit civil.

Partant, infondés, les griefs de la recourante sont écartés.

50.         En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

51.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 avril 2024 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, François HILTBRAND, Ricardo PFISTER et Romaine ZÜRCHER, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière