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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/706/2016

ATA/675/2017 du 20.06.2017 sur JTAPI/1226/2016 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.08.2017, rendu le 01.03.2018, REJETE, 1C_428/2017
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; CHANGEMENT D'AFFECTATION ; IMMEUBLE D'HABITATION ; LOGEMENT ; USAGE COMMERCIAL ; BUREAU(LOCAL) ; PRESCRIPTION ; LOYER CONTRÔLÉ ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LDTR.3.al1 ; LDTR.9 ; LDTR.3.al3 ; LDTR.3.al4 ; LDTR.7 ; Cst.9 ; Cst.5.al3 ; LDTR.10.al1 ; LDTR.11
Parties : MUHLEBACH Gabriel et Olivier, MUHLEBACH Olivier / DURET Dominique, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC
Résumé : Réaffectation à l'usage d'habitation d'un appartement utilisé comme bureaux depuis plus de 30 ans sans autorisation. Recours contre le jugement du TAPI en tant qu'il confirme la soumission au contrôle des loyers prononcée par le DALE. Pour l'application de l'art. 3 al. 4 LDTR, l'usage commercial doit être licite. En 1966, le changement d'affectation était déjà soumis à autorisation. La prescription trentenaire n'a pas pour effet de rendre licite un changement d'affectation non autorisé. Absence de violation du principe de la bonne foi. L'art. 11 al. 3 LDTR concerne le maintien après transformation ou rénovation du loyer fixé pour les locaux d'habitation et le loyer des locaux en tant que bureaux ne permet pas son application. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/706/2016-LDTR ATA/675/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2017

 

dans la cause

 

Messsieurs Gabriel et Olivier MÜHLEBACH
représentés par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2016 (JTAPI/1226/2016)


EN FAIT

1.1) Selon le registre foncier (ci-après : RF), Messieurs Gabriel et Olivier MÜHLEBACH sont propriétaires de la parcelle no 2'834, feuillet 61 de la commune de Genève-Cité, sise en deuxième zone de construction et sur laquelle se trouve le bâtiment C118, immeuble d'habitation avec rez-de-chaussée commercial ayant notamment pour adresse le 2, rue de Fribourg (ci-après : l'immeuble).

2.2) a. Le 27 octobre 2015, MM. MÜHLEBACH, soit pour eux Monsieur Dominique DURET de la société Bory & Cie Agence Immobilière SA (ci-après : Bory), ont déposé, auprès de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), rattaché au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, référencée sous dossier APA 43'656, afin de transformer, au premier étage de l'immeuble, des locaux de bureaux en un logement, à la demande du DALE (réaffectation à l'utilisation initiale).

b. Ils ont joint à leur demande plusieurs documents. Selon des plans et un devis, les travaux, estimés à CHF 65'716.60, visaient l'aménagement d'un appartement de deux pièces, notamment par la création d'une salle de douche et d'une cuisine. Conformément à un contrat de bail de locaux commerciaux du 13 mai 2005 et à un avis de majoration de loyer du 22 novembre 2008, les locaux avaient été loués à la société Interaf SA (ci-après : Interaf) en tant que bureaux du 1er décembre 2005 au 30 novembre 2010, le dernier loyer annuel s'élevant à CHF 13'920.-.

3.3) Par préavis du 6 novembre 2015, transmis par l'OAC aux intéressés le 11 novembre 2015, le service chargé de l'application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20 ; ci-après : le service LDTR), rattaché à l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), lui-même rattaché au DALE, a demandé des pièces complémentaires, soit un plan financier modifié et l'autorisation du changement d'affectation de logement en locaux commerciaux ou, à défaut, la copie du dernier bail à loyer pour appartement et de la dernière majoration de l'objet.

4.4) Le 12 novembre 2015, Bory a indiqué que les locaux étaient déjà utilisés comme bureaux lorsque qu'Interaf les avaient loués en 1994 à la régie Roch & Cie, qui était alors chargée de la gérance. L'autorisation APA 20'079-1, délivrée par le DALE le 9 mai 2003, mentionnait clairement le bureau au premier étage et les vingt-quatre appartements soumis à la LDTR.

5) Le 30 novembre 2015, le service LDTR a préavisé favorablement la demande, sous conditions.

Les dispositions de la LDTR devaient être respectées. Le loyer annuel de l'appartement après travaux n'excèderait pas CHF 6'810.-, soit CHF 3'405.- par pièce par année, pendant une durée de trois ans à dater de la remise en location.

6.6) Par décision du 27 janvier 2016, l'OAC a délivré l'autorisation sollicitée, publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 février 2016. Les conditions figurant dans le préavis du service LDTR du 30 novembre 2015 devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

7.7) Par acte du 29 février 2016, MM. MÜHLEBACH ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, avec laquelle ils n'étaient pas d'accord.

L'objet était loué en tant que bureaux depuis plus de trente ans et il ne devait pas y avoir de contrôle de loyer, vu la modification de la LDTR du 19 juin 2015.

8.8) a. Le 15 mars 2016, MM. MÜHLEBACH ont complété leur recours.

L'entreprise individuelle Arthur Zufferey (ci-après : AZ) avait été domiciliée, du 29 juin 1966 au 25 avril 1991, au 2, rue de Fribourg. Dès 1981, la totalité des arcades au rez-de-chaussée étaient louées à Monsieur Habibollah et Madame Monique KHAN-MOHAMMAD. A fortiori, AZ louait les bureaux du premier étage, seul autre local commercial de l'immeuble. Selon les informations fournies au téléphone par l'office des faillites, la faillite d'AZ avait été close en 1993 et le domicile de Monsieur Arthur ZUFFEREY ne se trouvait pas au siège de son entreprise, ce qui tendait à démontrer qu'il louait effectivement un bureau. Monsieur Hagop AVAKIAN, locataire de l'immeuble depuis trente-huit ans, attestait de l'existence des bureaux loués par M. ZUFFEREY. L'absence de cuisine et de douche ou baignoire apparaissant sur l'état des lieux fait en 1994 démontrait qu'il s'agissait bien de bureaux.

b. MM. MÜHLEBACH ont annexé plusieurs documents à leur recours. Selon les extraits du RF concernant AZ, le siège de cette dernière se trouvait au 2, rue de Fribourg, depuis son inscription au RF, le 29 juin 1966, jusqu'à sa radiation, le 31 juillet 2012. Conformément à différents contrats, Mme KHAN-MOHAMMAD avait loué les quatre arcades commerciales au rez-de-chaussée de l'immeuble, dont l'une donnait sur la rue de Fribourg, premièrement seule dès le 1er décembre 1981, puis conjointement avec son époux à partir du 19 juin 1986, le dernier contrat, de durée déterminée, venant à échéance le 31 janvier 2001, mais étant renouvelable tacitement d'année en année. À teneur du bail à loyer de locaux commerciaux du 7 novembre 1994 conclu avec la Société immobilière rue des Alpes 18, ancien propriétaire de l'immeuble, Interaf avait loué, à compter du 16 novembre 1994, les locaux de deux pièces au 1er étage de l'immeuble, exclusivement destinés à l'usage de bureaux. Selon l'état des lieux d'entrée du même jour, les locaux étaient constitués d'un hall, d'une salle de bains, d'un bureau, d'une chambre et d'une demi-pièce du hall, sans comporter de cuisine, de toilettes séparées ou de douche.

9.9) Le 20 avril 2016, Bory, sous la signature de M. DURET, a indiqué ne pas avoir d'autres observations à formuler que celles de MM. MÜHLEBACH.

10.10) Par réponse du 3 mars 2016, le DALE a conclu au rejet du recours.

La modification de la LDTR, entrée en vigueur le 25 juillet 2015, n'avait pas pour vocation de permettre à des locaux d'habitation retirés du marché illégalement de retrouver leur affectation d'origine sans contrôle des loyers. Transformé en bureau sans autorisation de construire, l'objet en cause était légalement toujours resté affecté au logement.

Les pièces produites ne démontraient pas que l'appartement aurait été affecté à une activité commerciale depuis plus de trente ans, le seul document valable étant le contrat de bail à loyer du 7 novembre 1994, contrebalancé par le RF et datant de moins de trente ans. La prescription trentenaire n'était pas acquise. Si toutefois une telle preuve venait à être apportée durant la procédure, le DALE serait disposé à réexaminer la situation du cas d'espèce en ce qui concernait la fixation du loyer.

Le service LDTR avait fixé le loyer avec les éléments à sa disposition, en l'absence de transmission du dernier bail d'habitation, et avait fait preuve de mansuétude, puisqu'il avait retenu le montant maximum répondant aux besoins prépondérants de la population.

11.11) Le 17 mai 2016, Bory, toujours sous la signature de M. DURET, a confirmé qu'elle souhaitait être mise hors de cause.

12.12) Par courrier reçu par le TAPI le 13 octobre 2016, sur demande de ce dernier, Mme KHAN-MOHAMMAD a confirmé ne jamais se rendre à l'arcade sise au 2, rue de Fribourg, utilisée uniquement par son époux, décédé, de sorte qu'elle n'avait aucune connaissance d'éventuels bureaux dans cet immeuble.

13.13) Le 18 octobre 2016 a eu lieu une audience de comparution personnelle et d'enquête.

a. Le président du TAPI a informé les parties du fait que, selon la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations, M. ZUFFEREY avait été domicilié, entre 1964 et 1983, à la rue Viollier puis, de 1983 à son décès, à la rue Beaulacre.

b. MM. MÜHLEBACH ont maintenu leur recours et ont versé à la procédure l'autorisation de construire APA 20'079-7 délivrée par le DALE le 9 mai 2003, mentionnant l'existence de vingt-quatre appartements et soixante-trois pièces et se référant à l'état locatif du 4 mars 2003, dans lequel figuraient les bureaux loués par Interaf.

c. Selon son représentant, le DALE persistait dans sa position. Si la preuve de l'affectation commerciale depuis plus de trente ans devait être apportée, cela signifierait uniquement que le DALE ne demanderait pas sa réaffectation en logement, si les intéressés souhaitaient le maintien de son affectation commerciale.

d. À teneur de ses déclarations, M. AVAKIAN était locataire depuis 1978 de l'arcade dont l'entrée se trouvait au 2, rue de Fribourg, mais donnait en réalité sur la rue des Alpes et la rue de Neuchâtel. L'immeuble du 2, rue de Fribourg comportait deux arcades, l'une occupée par une épicerie et l'autre par un tabac. Peu après son arrivée, ces arcades avaient été reprises par M. KHAN-MOHAMMAD, locataire de toutes les arcades du 2, rue de Fribourg. Lorsque lui-même était arrivé, un des objets du premier étage était exploité comme bureaux par AZ. Ces bureaux avaient ensuite été repris par une fiduciaire. S'il n'avait pu se rendre qu'une seule fois dans ce bureau, il était certain que les locaux étaient utilisés comme un bureau et non comme appartement. Il voyait M. ZUFFEREY arriver et partir aux heures de bureau.

14.14) Par jugement du 22 novembre 2016, expédié pour notification le 25 novembre 2016, le TAPI a mis hors de cause M. DURET et rejeté le recours.

L'objet était, à teneur du RF, affecté au logement et il n'apparaissait pas qu'une autorisation de changement d'affectation avait été délivrée. Il ressortait des déclarations de M. AVAKIAN, des extraits du RF concernant AZ et du domicile de M. ZUFFEREY, qu'il était utilisé en tant que bureaux depuis plus de trente ans, de sorte que le DALE ne pouvait demander le rétablissement de la situation antérieure. L'affectation commerciale restait néanmoins illégale et les locaux avaient donc gardé leur affectation de logement. Les intéressés ne pouvaient bénéficier de l'exception prévue par l'art. 3 al. 4 LDTR.

15.15) Par acte du 11 janvier 2017, MM. MÜHLEBACH ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, au renvoi de la cause au TAPI pour qu'il statue dans le sens des considérants et à l'allocation d'une indemnité à titre de « dépens ».

Lors du changement d'usage des locaux, la première version de la LDTR mentionnant le changement d'affectation, de 1983, n'était pas encore en vigueur, de sorte qu'il ne pouvait leur être reproché de ne pas s'être pliés à des exigences qui n'existaient pas. Le jugement attaqué était contraire au principe de non-rétroactivité des lois et l'art. 3 al. 4 LDTR devait être appliqué.

Le TAPI avait appliqué une jurisprudence relative à une dépendance agricole utilisée depuis plus de trente ans en tant qu'habitation dont la rénovation n'avait pas été autorisée, alors qu'elle différait du cas d'espèce sur plusieurs points, puisque celle-là traitait d'un cas de construction hors de la zone à bâtir non conforme à la zone d'affectation, alors que celui-ci concernait l'exécution de travaux non remis en cause par le DALE et que l'art. 24c al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) prévoyait expressément la condition de la légalité de la transformation du bâtiment, ce qui n'était pas le cas dans l'art. 3 al. 4 LDTR.

Utilisés comme bureaux, les locaux avaient un usage commercial. En retenant que l'art. 3 al. 4 LDTR n'était pas applicable aux locaux devenus commerciaux par l'écoulement du temps, le TAPI allait à l'encontre du but de cet article, visant l'augmentation de logements.

Dans sa réponse devant le TAPI, le DALE avait précisé que, si une preuve de l'acquisition de la prescription trentenaire était fournie, il serait disposé à réexaminer le dossier quant à la fixation du loyer. Or, le TAPI avait constaté que la prescription trentenaire était acquise. Il était par conséquent contraire au principe de la bonne foi de conditionner la délivrance de l'autorisation au respect d'un loyer fixé par le DALE.

Le loyer annuel avant transformation, de CHF 13'920.-, dépassait le niveau du loyer annuel répondant aux besoins prépondérants de la population, de CHF 6'810.-, de sorte qu'il devait être maintenu.

16.16) Le 17 janvier 2017, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

17.17) Par réponse du 16 février 2017, accompagnée de son dossier, le DALE a conclu au rejet du recours, reprenant et complétant son argumentation précédente.

L'ancienne loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements du 17 octobre 1962 (ci-après : aLDTR) et son règlement d'application du 25 juin 1963, de même que l'ancienne loi sur les constructions et les installations diverses du 25 mars 1961 (ci-après : aLCI), soumettaient déjà les changements d'affectation à autorisation. Le changement d'affectation était déjà illégal en 1966.

La jurisprudence, retenant que la prescription trentenaire n'avait pas pour effet de rendre licite la construction, était applicable de manière générale.

Lors de l'audience devant le TAPI, le représentant du DALE avait précisé les propos figurant dans la réponse de ce dernier du 3 mai 2016. C'était la preuve d'un changement d'affectation légal qui aurait amené le DALE à réexaminer sa position, preuve qui n'avait en l'occurrence pas été fournie. En tout état de cause, les intéressés se prévalaient de déclarations postérieures à la décision et aucune assurance ne leur avait été donnée, même en cas d'apport de la preuve par pièce.

Les loyers des locaux commerciaux étant plus élevés que ceux appliqués pour les habitations, il serait contraire au but de la LDTR et incohérent de prendre en compte le dernier loyer fixé pour l'appartement loué en tant que local commercial, puisque cela reviendrait à récompenser les changements d'affectation illicites. Au vu de l'absence de production du dernier bail d'habitation, le DALE avait fixé le loyer au montant maximum répondant aux besoins prépondérants de la population.

18.18) Le 28 mars 2017, en l'absence de requêtes complémentaires ou de réplique dans le délai au 8 mars 2017 imparti aux intéressés par le juge délégué, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) Le recours porte sur la conformité au droit de la confirmation par le TAPI de la décision de l'autorité intimée en tant qu'elle soumet au contrôle du loyer les locaux de deux pièces sis au premier étage du 2, rue de Fribourg, après leur transformation et en tant qu'elle fixe le loyer annuel maximal à CHF 6'810.-.

3.3) a. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). Elle prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

Plus spécifiquement, la LDTR vise à éviter la disparition de logements à usage locatif (arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.3 ; ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 5a ; ATA/281/2016 du 5 avril 2016 consid. 8a)

  Est soumis à la LDTR tout bâtiment  situé dans l'une des zones de construction prévues par l'art. 19 de la loi d'application de la LAT du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), ou construit au bénéfice des normes de l'une des quatre premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement (let. a), et comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation (let. b ; art. 2 al. 1 LDTR).

b.  Par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation (let. a), la création de nouveaux logements, notamment dans les combles (let. b), la création d'installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines (let. c) et la rénovation, c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve des travaux d'entretien (let. d ; art. 3 al. 1 LDTR).

Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. L'autorisation est notamment accordée lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers (let. a), lorsque la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public le commande (let. b), lorsque les travaux permettent la réalisation de logements supplémentaires (let. c), lorsque les travaux répondent à une nécessité ou qu'ils contribuent au maintien ou au développement du commerce et de l'artisanat, si celui-ci est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier (let. d) et pour les travaux de rénovation (let. e ; art. 9 al. 1 LDTR).

Le DALE accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population. Il tient compte, dans son appréciation, du genre, de la typologie et de la qualité des logements existants (let. a), du prix de revient des logements transformés ou nouvellement créés, notamment dans les combles (let. b), du genre de l'immeuble (let. c), du nombre de pièces et de la surface des appartements ainsi que de la surface des logements nouvellement créés (let. d) et des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine (let. e ; art. 9 al. 2 LDTR). Par besoins prépondérants de la population, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population (art. 9 al. 3 1ère phr. LDTR).

c. Par changement d'affectation, on entend toute modification, même en l'absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel. Sont également assimilés à des changements d'affectation le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels (let. a), le remplacement de résidences meublées ou d'hôtels par des locaux commerciaux, lorsque ces résidences ou ces hôtels répondent aux besoins prépondérants de la population (let. b), l'aliénation d'appartements loués, en application de l'art. 39 LDTR (let. c ; art. 3 al. 3 LDTR). Il n'y a pas de changement d'affectation au sens de la LDTR lorsque des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel sont affectés à l'habitation. Il n'y a pas non plus de changement d'affectation au sens de la LDTR lorsque ces locaux retrouvent leur destination commerciale, administrative, artisanale ou industrielle antérieure. Le loyer ou le prix des locaux convertis en logement ne peut pas être contrôlé au sens de la LDTR. Est réservé l'éventuel contrôle existant déjà au sens d'une autre loi en matière d'immeubles subventionnés et se poursuivant aux conditions de celle-ci (art. 3 al. 4 LDTR).

Sous réserve de l'art. 3 al. 4 LDTR, nul ne peut, sauf si une dérogation lui est accordée au sens de l'art. 8 LDTR, changer l'affectation de tout ou partie d'un bâtiment au sens de l'art. 2 al. 1 LDTR, occupé ou inoccupé (art. 7 LDTR).

d. En l'espèce, l'autorité intimée a retenu que l'affectation initiale des locaux à l'habitation n'ayant jamais fait l'objet d'un changement autorisé, il convenait de les considérer comme un logement. Il s'agissait donc d'une transformation au sens de l'art. 3 al. 1 LDTR, soumise à autorisation et à contrôle du loyer en application des art. 9 et 10 ss LDTR. Les recourants contestent cette appréciation, affirmant qu'il s'agirait d'une conversion de locaux commerciaux en locaux d'habitation, de sorte que l'art. 3 al. 4 LDTR devrait trouver application et qu'il ne pourrait y avoir de contrôle du loyer du nouvel appartement.

Il convient dès lors de déterminer si les locaux en cause doivent être considérés comme des locaux d'habitation, s'agissant alors d'un cas de transformation d'un logement existant, impliquant un contrôle du loyer, ou comme des locaux commerciaux, auquel cas il s'agirait d'une conversion d'un bureau en logement, non soumise au contrôle du loyer.

4.4) Les recourants ne contestent pas que les locaux étaient, par le passé, voués à l'habitation et qu'il n'y a jamais eu d'autorisation de changement d'affectation pour leur utilisation en tant que bureaux. Ils affirment cependant que l'existence d'un usage commercial, même non autorisé, suffirait à rendre l'art. 3 al. 4 LDTR applicable.

a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Dans le cas où plusieurs interprétations sont possibles, le juge recherche la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but recherché, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important. Lorsqu'il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant une pluralité de méthodes, sans soumettre les différents éléments d'interprétation à un ordre de priorité (ATF 140 V 485 consid. 4.1 ; ATF 140 V 227 consid. 3.2 et les arrêts cités).

b. Selon les travaux préparatoires du projet de loi (ci-après : PL) 11'394, entré en vigueur le 25 juillet 2015, le nouvel art. 3 al. 4 LDTR a pour but de favoriser la détente du marché du logement, en crise, en favorisant la conversion de surfaces commerciales en locaux d'habitation, en ne soumettant ladite conversion ni à autorisation, ni à contrôle des loyers (MGC [en ligne], séance du vendredi 19 septembre 2014 à 20h30, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394A.pdf, p. 2 et 7 ; MGC [en ligne], séance 28 du 13 mars 2014 à 17h00, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394.pdf, p. 3). Vu la sérieuse détente constatée sur le marché des surfaces commerciales, il s'agissait de donner le choix au propriétaire de locaux commerciaux entre, d'une part, relouer en affectation commerciale et devoir baisser très sensiblement son prix, surtout s'agissant de bureaux, afin de pourvoir relouer son bien, mais en restant exposé à la conjoncture, ou, d'autre part, convertir son bien en logement, et louer à des conditions équivalentes à une location en affectation commerciale, après ajustement du loyer. En cas de relocation « commerciale », suite à une adaptation du loyer, le loyer pratiqué se situerait certainement très nettement au-dessus des prix correspondants selon la LDTR, mais pour inciter le propriétaire à convertir ses locaux en logements, il fallait accepter que cela fasse sens pour lui (MGC [en ligne], séance du vendredi 19 septembre 2014 à 20h30, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394A.pdf, p. 3 ; (MGC [en ligne], séance 28 du 13 mars 2014 à 17h00, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394.pdf, p. 3). Il était en effet absurde d'alourdir une conversion de surfaces commerciales en logements, qui allait dans l'intérêt de tous, de contraintes - soit le contrôle des loyers - qui n'existaient pas avant la conversion projetée, ceci d'autant plus que, la plupart du temps, les travaux liés à celle-ci, notamment la création d'une cuisine et/ou de locaux sanitaires, restaient eux soumis à autorisation, (MGC [en ligne], séance du vendredi 19 septembre 2014 à 20h30, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394A.pdf, p. 3, 4 et 6 ; MGC [en ligne], séance 28 du 13 mars 2014 à 17h00, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394.pdf, p. 3).

Lors de l'élaboration du PL 11'394, le risque que certains promoteurs construisent des locaux commerciaux pour ensuite les convertir en logements non soumis à la LDTR a été évoqué. Ce risque a cependant été écarté, car il était difficile de concevoir qu'un propriétaire ait un intérêt à procéder ainsi, vu la réglementation en matière de constructions et s'agissant pour lui d'un non-sens économique (MGC [en ligne], séance du vendredi 19 septembre 2014 à 20h30, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11394A.pdf, p. 17 et 18).

c. Au vu de ce qui précède, si le texte de l'art. 3 al. 4 LDTR ne précise pas que l'usage commercial doit être licite, les interprétations historique et téléologique démontrent que tel est le cas. En effet, admettre le contraire reviendrait à rendre possible le contournement de la loi de par la conversion temporaire et non autorisée de logements en locaux commerciaux pour ensuite effectuer une nouvelle conversion en sens inverse, ceci avec pour effet l'absence de tout contrôle des loyers. Or, non seulement, une telle situation irait clairement à l'encontre du but de la LDTR consacré à son art. 1, mais les travaux préparatoires du PL 11'394 démontrent la volonté du législateur d'éviter toute utilisation de l'art. 3 al. 4 LDTR dans un but d'éluder le contrôle des loyers. Par conséquent, seuls des locaux légalement affectés à un usage commercial peuvent bénéficier de l'art. 3 al. 4 LDTR.

Cette conclusion ne va pas à l'encontre du but du PL 11'394, contrairement à ce qu'affirment les recourants, puisque ce dernier vise à inciter les propriétaires de locaux commerciaux à les convertir en logements et non à encourager les propriétaires de locaux d'habitation utilisés illégalement à des fins commerciales à revenir à l'affectation initiale autorisée en se soustrayant au contrôle des loyers.

Dans ces circonstances, les recourants ne peuvent pas se prévaloir de l'usage commercial non autorisé des locaux pour obtenir l'application de l'art. 3 al. 4 LDTR et remettre en cause le contrôle du loyer pour une durée de trois ans prononcé par l'autorité intimée.

5.5) Les recourants affirment toutefois que lors du changement d'affectation des locaux de logements en bureaux, ce changement d'affectation n'était pas soumis à autorisation, de sorte que le TAPI aurait violé le principe de non-rétroactivité des lois, que le changement d'affectation aurait été conforme au droit en vigueur au moment dudit changement et que les locaux devraient aujourd'hui être considérés comme légalement affectés à un usage commercial et bénéficier de l'art. 3 al. 4 LDTR.

a. En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/412/2017 du 11 avril 2017 consid. 6 et les références citées ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, 3ème éd., 2012, vol. 1, p. 184).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst.

L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 ; 119 Ia 254 consid. 3b et la jurisprudence citée). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 125 I 182 consid. 2b/cc ; ATF 122 V 405 consid. 3b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_366/2016 du 13 février 2017 consid. 2.1 ; 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; ATA/412/2017 précité consid. 6).

b. L'art. 1 aLDTR prévoyait qu'aussi longtemps que sévissait la pénurie de logements, nul ne pouvait démolir ou faire démolir, en tout ou en partie, ni modifier ou faire modifier sensiblement la destination d'une maison d'habitation occupée ou inoccupée (MGC 1962 III 20297, p. 2330). Par ailleurs, selon l'art. 1 al. 2 let. b aLCI, sur tout le territoire du canton, nul ne pouvait, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement la destination d'une construction ou d'une installation (MGC 1961 II 1305, p. 1323).

c. En l'espèce, la question de savoir si le changement d'affectation des locaux était soumis à autorisation doit être examinée au moment où ledit changement a été opéré. Le recourant n'ayant en l'occurrence pas démontré un usage commercial antérieur à 1966, il convient d'examiner le droit applicable à ce moment-là. Or, l'aLDTR - tout comme d'ailleurs l'aLCI - prévoyait alors déjà que le changement de destination non mineur d'un logement était soumis à autorisation.

Au vu de ce qui précède, le changement d'affectation des locaux de logements en bureaux était déjà soumis à autorisation en 1966 et le grief sera écarté.

6.6) Les recourants soutiennent cependant qu'en raison de la prescription trentenaire, les locaux en cause devraient tout de même pouvoir bénéficier de l'art. 3 al. 4 LDTR.

a. Selon la jurisprudence, le rétablissement d'une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de trente ans s'est écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux (ATA/829/2016 du 4 octobre 2016 consid. 7 et les références citées ; ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299 consid. 1). Il serait en effet choquant et contraire à la sécurité du droit que l'autorité puisse contraindre un propriétaire, après plus de trente ans, à éliminer une situation contraire au droit. Une telle solution doit aussi être écartée pour des raisons pratiques, vu la difficulté extraordinaire pour élucider les circonstances de fait et de droit existant plus de trente ans auparavant. Une dérogation à ce principe peut être admise lorsque le rétablissement d'une situation conforme au droit s'impose pour des motifs de police au sens étroit (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299 consid. 1).

La prescription trentenaire s'applique également aux cas de changement d'affectation, la sécurité du droit devant être garantie également en la matière (ATA/607/2007 du 27 novembre 2007 consid. 5a ; ATA/487/2007 du 2 octobre 2007 consid. 4b ; ATA/632/2005 du 27 septembre 2005 consid. 9b). La prescription court dès le changement d'affectation (ATA/607/2007 du 27 novembre 2007 consid. 5bi).

b. La jurisprudence susmentionnée vise uniquement la question du rétablissement d'une situation conforme au droit. Selon le Tribunal fédéral, le fait qu'une affectation illégale perdure depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et cantonales - et donc le fait que la prescription trentenaire soit acquise - n'a pas pour effet de la rendre licite, mais s'oppose tout au plus à une remise en état des lieux (arrêt du Tribunal fédéral 1A.42/2004 du 16 août 2004 consid. 3.2).

c. En l'espèce, les recourants affirment que la prescription trentenaire devrait leur permettre de bénéficier de l'art. 3 al. 4 LDTR, l'arrêt du Tribunal fédéral 1A.42/2004 précité ne pouvant être appliqué, s'agissant d'un cas concernant la rénovation d'une construction hors zone à bâtir non conforme à la zone d'affectation et l'art. 24c al. 2 LAT prévoyant expressément la condition de la légalité de la transformation du bâtiment, contrairement à la disposition ici en cause.

Outre le fait que, conformément à l'analyse effectuée précédemment, l'art. 3 al. 4 LDTR vise uniquement l'usage commercial licite, les recourants perdent de vue que, malgré les circonstances différentes des deux cas d'espèce, la question qui s'est posée dans l'arrêt en cause est bien la même que dans la présente affaire, soit les effets de la prescription trentenaire. En effet, le cas traité par le Tribunal fédéral était précisément celui d'un changement illicite d'affectation survenu plus de trente ans auparavant. Il a ainsi examiné la question de savoir si l'acquisition de la prescription trentenaire impliquait que ce changement d'affectation devait être considéré comme licite, question à laquelle il a répondu par la négative.

Par conséquent, l'acquisition de la prescription trentenaire a uniquement pour effet de permettre aux recourants de poursuivre l'utilisation des locaux comme bureaux s'ils le souhaitent - l'autorité intimée ne pouvant leur ordonner de rétablir l'affectation d'origine -, sans toutefois que cela rende licite le changement d'affectation survenu il y a plus de trente ans. L'affectation commerciale reste donc illicite et les recourants ne peuvent se prévaloir par ce biais de l'art. 3 al. 4 LDTR.

7.7) Les recourants affirment ensuite que l'autorité intimée se serait engagée à réexaminer le dossier en cas d'apport de la preuve d'acquisition de la prescription trentenaire, de sorte que le contrôle du loyer ne pourrait être maintenu.

a. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3 ; 2C_970/2014 du 24 avril 2015 consid. 3.1).

b. Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 ; 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 in RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 569 s. p. 193). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 569 p. 193 et les références citées). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

c. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d'abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l'égard d'une personne déterminée. Il faut ensuite que l'autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n'ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, qu'elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu'elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n'ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/17/2017 du 10 janvier 2017 consid. 9 et les références citées).

d. En l'espèce, il est vrai que dans sa réponse devant l'instance précédente, l'autorité intimée s'est déclarée disposée à réexaminer la situation en ce qui concernait la fixation du loyer « si une telle preuve par pièce venait à être apportée », soit, vu les développements précédant immédiatement cette indication, une pièce prouvant l'acquisition de la prescription trentenaire. Or, le fait d'indiquer être disposée à réexaminer une situation ne constitue aucunement une assurance d'absence de contrôle du loyer en cas d'acquisition de la prescription trentenaire. À cela s'ajoute le fait que l'autorité intimée a apporté un rectificatif à cette indication lors de l'audience devant le TAPI, expliquant que la preuve de l'affectation commerciale depuis plus de trente ans n'impliquerait pas que l'appartement pourrait bénéficier de l'art. 3 al. 4 LDTR, mais simplement que sa réaffectation en logement ne serait pas demandée.

Au vu de ce qui précède, aucune promesse n'a été donnée aux recourants par l'autorité intimée, de sorte que ces derniers ne peuvent se prévaloir du principe de la bonne foi pour remettre en cause le contrôle du loyer.

Dans ces circonstances, le cas d'espèce concerne bien une transformation, impliquant un contrôle du loyer.

8) Les recourants soutiennent subsidiairement que le loyer annuel avant transformation devrait être maintenu.

a. Le DALE fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux (art. 10 al. 1 ab initio LDTR). Prenant en considération l'ensemble des travaux à effectuer, sous déduction des subventions éventuellement octroyées, le DALE fixe le montant des loyers, en tenant compte du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur les 70 % au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l'intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève, le taux de rendement étant fonction de l'incidence dégressive des amortissements (let. a), de l'amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de dix-huit à vingt ans, soit de 5,55 % à 5 % (let. b), des frais d'entretien rentés en règle générale à 1,5 % des travaux pris en considération (let. c), et  des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss de la loi fédérale complétant le code civil suisse (titre cinquième : droit des obligations) du 30 mars 1911 (code des obligations - CO - RS 220 ; let. d ; art. 11 al. 1 LDTR).

b. Lorsque les logements répondent aux besoins prépondérants de la population quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux besoins prépondérants de la population (art. 11 al. 2 LDTR).

Au 1er janvier 1999, les loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population sont compris entre CHF 2'400.- et CHF 3'225.- la pièce par année. Les loyers répondant aux besoins prépondérants de la population peuvent être révisés tous les deux ans par le Conseil d'État en fonction de l'évolution du revenu brut fiscal médian des contribuables personnes physiques (art. 9 al. 3 LDTR). La fourchette des loyers peut exceptionnellement être dépassée si la surface brute locative des pièces est importante (art. 9 al. 4 LDTR). La fourchette des loyers peut être dépassée si des circonstances particulières le justifient, soit si la protection du patrimoine génère des coûts supplémentaires (art. 9 al. 5 LDTR). Les mesures destinées à réduire les pertes énergétiques de l'enveloppe du bâtiment, les mesures visant à une utilisation rationnelle de l'énergie, les mesures destinées à réduire les émissions des installations techniques, les mesures visant à utiliser les énergies renouvelables, ainsi que le remplacement d'appareils ménagers à forte consommation d'énergie par des appareils à faible consommation peuvent également être répercutés sur les loyers, aux conditions prévues par l'art. 14 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF - RS 221.213.11 ; art. 9 al. 6 LDTR).

Les loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population, fondés sur le revenu brut médian des contribuables personnes physiques 2007, sont compris entre CHF 2'536.- et CHF 3'405.- la pièce par année (arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population du 26 août 2011 - ArRLoyers - L 5 20.05).

c. Si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, il est maintenu par le DALE au même niveau lorsqu'il apparaît qu'il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer (art. 11 al. 3 LDTR).

Cette disposition a été introduite avec l'adoption du PL 7'752, le 25 mars 1999. Initialement, le PL prévoyait que le loyer après travaux devait être en principe maintenu au même niveau s'il dépassait déjà, avant transformation ou rénovation, le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, de sorte qu'il ne faisait aucune distinction entre les loyers correctement fixés - quand bien même élevés - et les loyers maintenus à un montant abusivement élevé. Selon les travaux préparatoires, le nouvel article finalement adopté vise ainsi à permettre la rénovation d'immeubles dont les loyers dépassent déjà, avant travaux, le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, en autorisant une augmentation desdits loyers, pour autant toutefois que lesdits loyers aient été précédemment équitablement fixés. Le DALE peut exiger du propriétaire qu'il produise toutes les pièces utiles à l'appréciation de l'état locatif avant travaux (soit pour pouvoir procéder à un calcul de rendement, soit pour s'assurer, dans le cadre d'immeubles anciennement subventionnés, que la réserve pour travaux, si elle était positive à la sortie du contrôle, ait été affectée en totalité aux travaux de rénovation, etc.). Si le propriétaire rechigne à produire les pièces et renseignements requis par le DALE, ce dernier sera alors fondé à refuser toute majoration de loyer. Il en fera de même s'il apparaît, au vu du dossier (notamment si l'état locatif de l'immeuble reflète une grande disparité de loyer) que les loyers avant travaux sont surfaits (MGC 1999 9/II 1070, p. 1086 ss).

Par rapport au futur art. 11 al. 3 LDTR, les travaux préparatoires rappellent expressément que les loyers des surfaces commerciales ne sont pas soumis au contrôle institué par la LDTR (MGC 1999 9/II 1070, p. 1087).

d. En l'espèce, le loyer que les recourants souhaitent voir maintenu est un loyer fixé pour l'utilisation commerciale des locaux, de sorte qu'il ne s'agit pas du loyer applicable aux locaux en cause en tant que logement. Or, comme le confirment les travaux préparatoires, l'art. 11 al. 3 LDTR concerne le maintien après la transformation ou rénovation, du loyer fixé pour les locaux d'habitation avant ladite transformation ou rénovation. Le loyer des locaux en tant que bureaux ne revêt dès lors aucune pertinence au regard de l'art. 11 al. 3 LDTR, dont il ne permet pas l'application, comme le confirment les travaux préparatoires.

L'autorité intimée n'a dès lors à juste titre pas appliqué l'art. 11 al. 3 LDTR et le grief sera écarté.

Au surplus, les recourants ne contestent pas le loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population fixé par l'autorité intimée.

9) Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée ainsi que le jugement du TAPI la confirmant sont conformes au droit et le recours à l'encontre de ce dernier, entièrement mal fondé, sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 janvier 2017 par Messieurs Gabriel et Olivier MÜHLEBACH contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Messieurs Gabriel et Olivier MÜHLEBACH, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat des recourants, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :