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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1905/2019

ATA/185/2021 du 23.02.2021 sur JTAPI/403/2020 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;LOGEMENT;MARCHÉ LOCATIF;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION);EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LDTR.10; LDTR.12
Parties : ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)& AUTRES, TASSAN DIN Tomaso, VISCONTI Valeria / BRANDENBURG VAN DER GRONDEN Thi, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Résumé : L'autorisation de construire portant sur des travaux de rénovation dans un appartement, délivrée a posteriori par le département, apparaît conforme au droit. Vu les circonstances, ce dernier n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en renonçant à la fixation d'un loyer maximal après les travaux datant de plus de vingt-cinq ans. Par ailleurs, il ne peut lui être reproché d'avoir arbitrairement considéré que la période de contrôle de trois ans devait débuter, dans le cas où un loyer maximal devait être fixé, à la fin des travaux, voire à la conclusion du bail avec la première locataire de l'appartement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1905/2019-LDTR ATA/185/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

 

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)

Monsieur Tomaso TASSAN DIN

Madame Valeria VISCONTI
représentés par Me Romolo Molo, avocat

contre

Madame Thi Bao BRANDENBURG VAN DER GRONDEN
représentée par Me Julien Pacot, avocat

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 (JTAPI/403/2020)


EN FAIT

1) Madame Thi Bao BRANDENBURG VAN DER GRONDEN (ci-après : la propriétaire) est propriétaire d'un appartement de six pièces de 193 m2 (lot 5.01), doté d'un balcon, de deux loggias, ainsi que d'une cave et d'une place de parking, au 3ème étage de l'immeuble soumis au régime de la propriété par étages (PPE) érigé sur la parcelle n° 1'850 de la commune de Genève-Plainpalais, à l'adresse 26, avenue de Champel.

Elle a acquis ce bien pour un montant de CHF 636'350.-, selon acte du 8 juillet 1998. Avant l'achat et depuis 1986, elle a joui de l'usage de ce logement en sa qualité d'actionnaire de la société immobilière qui en était alors propriétaire.

2) Le 29 juillet 1987, la propriétaire s'est vu délivrer une autorisation de construire (APL 5'058) en vue de l'exécution de divers travaux dans cet appartement, notamment l'aménagement d'une salle de bains dans une pièce jusqu'alors utilisée comme chambre. Elle avait estimé le coût de ces travaux à CHF 60'000.- et indiqué que les lieux étaient inoccupés. Elle et son époux, locataires d'un autre logement à Genève, envisageaient éventuellement d'y habiter.

3) Le 14 septembre 2006, Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN a conclu un contrat de bail à loyer portant sur cet appartement avec Monsieur et Madame Philippe et Muriel BOURGEOIS pour la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2009. Le loyer annuel était fixé à CHF 106'800.-, charges et place de parking comprises, soit CHF 8'900.- par mois, alors que celui pratiqué à l'égard de la précédente locataire, Madame Sharon ABRAMS, s'élevait depuis le 15 janvier 2004 à CHF 96'000.-. À teneur de l'avis officiel de fixation du loyer initial communiqué aux époux BOURGEOIS, daté du 18 septembre 2006, cette hausse était motivée par la mise à disposition de meubles.

4) Le 31 août 2007, le bail des époux BOURGEOIS a été transféré par convention de cession à Madame Valeria VISCONTI et Monsieur Tomaso TASSAN DIN (ci-après : les locataires), avec effet au 1er septembre 2007. Aux termes de cette convention, le loyer mensuel était fixé à CHF 7'900.- jusqu'à l'échéance contractuelle, arrêtée au 30 septembre 2009, étant précisé qu'à compter du 1er octobre 2009, en cas de renouvellement du bail, il s'élèverait à CHF 8'900.-. La convention précisait toutefois que les cessionnaires s'engageaient à ne pas demander le renouvellement du bail à son échéance.

5) Ce contrat de bail s'est néanmoins poursuivi après l'échéance précitée. Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN ont continué à s'acquitter d'un loyer mensuel de CHF 7'900.- jusqu'à sa fin, intervenue le 30 septembre 2012, date de leur départ.

6) Dans le cadre de procédures civiles, la propriétaire a réclamé aux locataires un montant de CHF 36'000.- au titre de loyers impayés. Elle a déposé une demande en paiement devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL). Par jugement du 16 janvier 2018, contesté en appel, cette juridiction a condamné les locataires au paiement de cette somme.

Pour leur part, les locataires ont déposé une requête en fixation judiciaire du loyer, concluant à ce que la fixation du loyer initial du 18 septembre 2006 soit déclarée nulle en raison de sa motivation non conforme. Leur requête a été rejetée par jugement du TBL du 25 avril 2016, confirmé le 28 août 2017 par la chambre des baux et loyers de la Cour de justice, laquelle a rejeté le recours déposé devant elle par les locataires.

7) Le 16 septembre 2014, parallèlement à ces procédures civiles et par l'intermédiaire de l'Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA), les locataires ont interpellé la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département).

L'immeuble dans lequel se trouvait l'appartement avait été construit entre 1919 et 1945. La salle de bains et la cuisine, comme cela ressortait des photos annexées à leur courrier, avaient été rénovées à une époque ultérieure. Au vu de la prescription trentenaire, ils invitaient la DAC à déterminer la date et le montant dépensé pour les travaux effectués, et à prendre, le cas échéant, une décision s'il y avait eu un changement d'affectation qualitatif. Ils se constituaient comme partie à la procédure.

8) Le 17 décembre 2015, après de nombreux échanges avec l'ASLOCA et les locataires, le département, par l'intermédiaire de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), s'est adressé à la propriétaire, lui octroyant un délai pour lui faire part de ses observations, accompagnées de tous documents utiles relatifs à la nature et au coût de l'ensemble des travaux réalisés dans l'appartement. Ces travaux, pour lesquels le département n'avait été saisi d'aucune requête en autorisation de construire, étaient susceptibles d'être assujettis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

9) Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN a répondu par courriers des 23 décembre 2015, 6 janvier et 1er février 2016.

10) Interpellé par l'OCLPF, l'administrateur de la PPE a répondu le 14 mars 2016. Il avait établi un récapitulatif des travaux entrepris dans l'appartement suite à un dégât des eaux en juin 2011. Il n'avait eu aucune demande de travaux de la part de la propriétaire depuis 2003 et n'avait pas connaissance d'autres travaux que ceux effectués suite au sinistre précité.

11) Le 14 juin 2017, l'OCLPF a relancé la propriétaire. Il avait bien reçu le courrier du 1er février 2016 mais revenait sur le dossier dans la mesure où il ne disposait pas de toutes les informations nécessaires. Il réitérait donc sa demande sur la date, les coûts et l'ampleur des différents travaux.

12) Le 24 octobre 2017, toujours par le biais de l'ASLOCA, Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN, indiquant faire suite à leurs courriers de 2014 et aux nombreux rappels émis depuis lors, ont demandé au département à être entendus avant qu'il ne prenne une décision. Afin d'exercer leur droit de consulter le dossier, ils le priaient de les informer de la production de nouvelles pièces. Leur démarche était motivée par le fait qu'ils avaient été condamnés à verser une importante somme d'argent à la propriétaire et qu'ils souhaitaient compenser cette somme avec le trop-perçu de loyer qui résulterait d'une décision de fixation rétroactive de loyer selon la LDTR.

13) Les 19 janvier et 8 février 2018, sous la plume de leur conseil, Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN ont mis le département en demeure de rendre une décision quant à l'assujettissement à la LDTR des travaux effectués dans l'appartement et, le cas échéant, de fixer le loyer licite, à défaut de quoi ils saisiraient la juridiction administrative compétente d'un recours pour déni de justice formel. Un « ultime délai » était fixé au 15 février 2018.

14) Le 16 février 2018, le département, s'excusant du délai pris pour sa réponse et prenant acte du fait les locataires sollicitaient le prononcé d'une décision quant à l'assujettissement à la LDTR d'éventuels travaux effectués sans autorisation, a indiqué qu'il poursuivait l'instruction du dossier. Dans la mesure où il ressortait des documents qu'ils lui avaient transmis que le loyer mensuel du logement était de CHF 7'900.- lorsqu'ils avaient repris le contrat de bail, il renoncerait au contrôle rétroactif du loyer dans le cadre d'une éventuelle autorisation de construire. Un tel loyer dépassait en effet de deux fois et demie le loyer répondant aux besoins prépondérants de la population (art. 10 al. 2 let. b LDTR).

15) Le 19 février 2018, Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN ont répondu qu'il s'agissait de déterminer le loyer avant travaux. Or, selon toute vraisemblance, ces travaux avaient été effectués non seulement avant le début de leur bail et de celui des époux BOURGEOIS, mais également avant le début du bail de Mme ABRAMS, le 15 janvier 2004. Il y avait donc lieu d'interroger la propriétaire quant à la date des travaux et au loyer avant ceux-ci.

16) Le 13 mars 2018, le département a renouvelé auprès de Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN sa requête, restée sans réponse, de lui communiquer ses observations, accompagnées des documents sollicités quant aux travaux réalisés dans son logement, ainsi que les précisions requises concernant l'état locatif. Il lui demandait en outre un plan coté du logement et de préciser s'il y avait eu des travaux dans ce logement depuis le moment où elle l'avait acquis et, dans l'affirmative, leurs dates, leur ampleur et leurs coûts, en précisant ceux liés à la fuite d'eau. Il sollicitait aussi l'historique des différents utilisateurs du logement, avec précision des noms et des loyers de chacun et mention de la part du loyer proprement dit, de la place de parking, des meubles (avec inventaire et date d'acquisition) et des charges, pour lui permettre de déterminer le loyer net.

17) Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN n'a pas donné suite à cette demande.

18) Le 4 juin 2018, Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN, relevant que le département indiquait poursuivre l'instruction de ce dossier, alors que leur dénonciation - qui faisait état d'un loyer après travaux s'élevant à CHF 96'000.- depuis le 15 janvier 2004, soit CHF 16'000.- par pièce et par année pour un appartement construit avant la guerre, ce qui était intolérable - remontait au 16 septembre 2014, ont indiqué qu'ils en avaient assez de son « incurie ». Ils lui fixaient un « ultime délai » au 18 juin 2018 pour donner suite à leur requête, à défaut de quoi ils déposeraient un recours pour déni de justice formel.

19) Le 25 juin 2018, Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN ont recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) pour déni de justice formel, sollicitant une décision en bonne et due forme quant à l'assujettissement ou non à la LDTR des travaux de rénovation entrepris sans autorisation dans l'appartement. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/2181/2018.

20) Le 11 juillet 2018, le département a imparti à Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN un délai au 13 août 2018 pour déposer une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée (APA).

21) Le 20 juillet 2018, la régie PILET & RENAUD, devenue administratrice de la PPE, a confirmé au département que les informations qu'il sollicitait lui avaient déjà été fournies par ses soins le 14 mars 2016 et que les travaux détaillés dans ce courrier avaient été réalisés suite à des dégâts d'eau. À sa connaissance, hormis la décoration réalisée à l'acquisition de l'appartement, la propriétaire n'avait pas entrepris de travaux de réfection.

22) Par jugement du 18 septembre 2018, le TAPI a déclaré irrecevable le recours dont il avait été saisi, après avoir rejeté la demande d'appel en cause de l'ASLOCA dans la procédure, formulée le 27 juillet 2018.

23) Le 29 octobre 2018, Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, visant le « changement des sanitaires anciens, des agencements de la cuisine + du carrelage au sol ».

À l'appui de cette demande, elle a expliqué que son époux et elle avaient pris possession de l'appartement en 1986, tout en étant locataires d'un autre logement, à travers l'acquisition d'actions de la SI Plateau de Champel. L'immeuble avait ensuite été soumis au régime de la PPE en 1998. L'appartement était dans un état vétuste. Ils y avaient entrepris de nombreux travaux, dont elle livrait la liste détaillée, sans toucher aux murs porteurs et sans changer la répartition des pièces. Le coût de ces travaux s'était élevé à environ CHF 150'000.-, auxquel s'était ajouté un montant de CHF 5'000.- à titre de « décoration et lustrerie ».

Cette demande a été enregistrée sous la référence APA 301'933.

24) Le 14 novembre 2018, donnant suite à une demande formulée par le service des monuments et des sites (ci-après : SMS), la propriétaire a produit diverses photographies de l'appartement prises après les travaux entrepris pour sa rénovation après son acquisition en 1986, précisant qu'elle n'était pas en mesure de produire de clichés - inexistants - avant travaux et que, par la suite il n'y avait pas eu d'autres travaux de rénovation hormis d'entretien courant.

25) Le 15 novembre 2018, elle a précisé au département que les travaux, exécutés entre 1987 et 1992, avaient duré plus longtemps que prévu, car elle avait dû partir travailler en Angleterre dès l'automne 1987. Son absence avait beaucoup retardé le choix des matériaux et, par la suite, le délai de livraison des commandes, s'agissant notamment des revêtements du sol et des murs. La réfection des moulures du plafond dans toutes les pièces avait pris énormément de temps, avant que la peinture puisse être faite. La réfection du parquet et des plinthes n'avait pu avoir lieu qu'en dernier lieu.

Entre 1993 et 1997, son mari et elle louaient un autre appartement à Genève, avec un bail précaire renouvelable d'année en année. Une offre d'achat de ce logement leur avait été faite dès le début des années 1980. En achetant l'appartement de Champel, dans une situation de forte pénurie, ils avaient pensé y déménager au cas où ils ne pourraient pas acheter le bien qu'ils louaient. Ils étaient dans l'attente de la décision des propriétaires, qui devait être unanime. Pendant cette période d'attente, ils ne pouvaient pas louer leur appartement de Champel, ni d'ailleurs le vendre, puisqu'il avait été acheté sous la forme d'actions d'une SI. Une procédure de transformation en PPE avait été initiée quelque temps avant 1997, lorsqu'elle était revenue vivre à Genève. À son retour, son mari et elle-même avaient renoncé à attendre la décision unanime des propriétaires de l'immeuble dans lequel ils étaient locataires et avaient décidé de déménager à
Collonge-Bellerive.

Leur appartement de Champel, remis à neuf, avait alors été loué à Mme ABRAMS vers fin 1998 pour une période de cinq ans renouvelable. Elle avait rencontré à une seule reprise en 2005 cette dernière, qui avait dû quitter la Suisse pour des raisons professionnelles avant la fin de son bail.

En 2006, l'appartement avait été loué aux époux BOURGEOIS pour une période de trois ans et un loyer mensuel de CHF 8'900.-. Gravement malade, Mme BOURGEOIS avait dû retourner à Paris pour se faire soigner et son mari n'avait pas souhaité rester dans l'appartement, demandant à pouvoir résilier le bail ou le transférer à un autre locataire. Une agence genevoise lui avait alors présenté Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN. Ceux-ci devaient partir en 2009 sans pouvoir bénéficier d'un renouvellement de leur bail. À cause de la pénurie extrême qui sévissait en 2009, M. TASSAN DIN lui avait demandé de pouvoir renouveler le bail dans les mêmes termes et conditions, tout en lui assurant qu'il cherchait activement une villa. Elle avait accepté et, plus tard, était allée le voir pour lui demander de respecter les termes du bail, car ses paiements trimestriels étaient en retard de CHF 1'000.- chaque mois. Il lui avait promis que tout rentrerait dans l'ordre avant son départ. Tel n'avait pas été le cas, puisque non seulement il avait refusé de payer le solde dû, avec un retard de paiement pour les deux derniers mois, mais avait quitté l'appartement en le laissant dans un état déplorable de saleté et en faisant disparaître un meuble. Il avait aussi refusé de faire évacuer les 3 m3 de déchets laissés dans le couloir de la cave, malgré les relances de la régie. Depuis le départ des locataires en octobre 2012, son mari et elle avaient utilisé l'appartement comme résidence secondaire en ville.

26) Le 21 novembre 2018, Monsieur Daniel HAAS, collaborateur de l'OCLPF, s'est rendu dans l'appartement. Son rapport, daté du lendemain, a fait état de ce qui suit :

« Constat : Bref relevé : 3 chambres, 2 salles de bains, 1 wc visiteur, un séjour et salle à manger (non séparés), cuisine et hall d'entrée. Le logement est en très bon état.

« État pièces sèches : sol, murs, plafonds, électricité et chauffage remis à neuf.

« État pièces humides : sol, murs, plafonds, électricité, accessoires et chauffage remis à neuf. Les locaux des salles de bains sont recouverts de marbre, les accessoires également avec du marbre. Lavabo, douche, wc, baignoire, batterie, miroirs, luminaires remis à neuf et d'un standard élevé. Une seule salle de bains entre ch1 et ch2, (voir si réunion de deux locaux). Une climatisation a été installée au-dessus de l'armoire dans la chambre 3.

« Réseaux généraux : électricité : tableau changé, chauffage : la plupart des radiateurs ont été remplacés (vannes thermostatiques).

« Il n'y a pas les 3 fermetures au salon et à la salle à manger (transforme un logement de 6 pièces en 5 pièces selon RGL). Transformation du hall pour créer 2 armoires dans le couloir.

« [...]

« Conclusion : travaux de rénovation et transformation sans autorisation mais aurait dû être soumis LDTR à l'époque. Les informations données par Mme Brandenburg (voir courriers d'accompagnements du 10.10.2018 et 15.11.2018) sont tout à fait cohérentes par rapport aux dates des différentes interventions et travaux.

« [...]

« Documents annexés : Commentaire de la propriétaire et 12 photos

« Commentaire de la propriétaire :

« Les propriétaires n'ont jamais habité ce logement, mais loué vide ou meublé. Ils habitent Vésenaz.

« Mme Brandenburg confirme que les travaux ont été réalisés peu après son achat (effectué en 1987), pour initialement habiter avec son mari. "C'était ancien". Pour le projet, les portes du salon et salle à manger ont été ôtées (3 passages). Alcôve d'armoire côté couloir pris dans le hall. Elle précise que le logement était vide après les travaux puis il y a eu des locataires. Il y a eu 3 locataires successifs. D'abord loué sans meubles (Mme Adams 1ère locataire) puis loué meublé et qu'il manque un meuble aujourd'hui. Actuellement, le logement est très peu utilisé, il est partiellement meublé.

« Elle n'a plus de documents ni de facture ni la connaissance précise du coût des travaux, mais ils ont voulu rénover avec des matériaux haut de gamme.

« Electroménager : la plaque Vitrocéramique Miele type SE80 Deluxe n° 00/703633 est de l'époque des travaux peu après l'achat, plus de facture. Plus tard, ils ont remplacé le micro-onde Miele M8161 (2006) à l'arrivée des locataires Mme et M. Visconti Tassan Din. Également, ils ont remplacé la colonne
lave-linge séchoir Bosch Logixx et Ecologixx dû à une panne, plus de facture, environ 2007 2008, pendant la présence des locataires Mme et M. Visconti Tassan Din. Le four Siemens dHB531EOF/02 FD9501 100032 date d'après la sortie des locataires Mme et M. Visconti Tassan Din, environ 2015, en remplacement de l'existant dégradé ».

27) Par arrêt du 11 décembre 2018, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), statuant sur le recours formé par Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN contre le jugement du TAPI du 18 septembre 2018, a constaté que la cause n° A/2181/2018 était devenue sans objet et l'a rayée du rôle.

28) Le 12 décembre 2018, faisant suite à une demande de l'OCLPF, la propriétaire a notamment indiqué qu'elle ne connaissait pas la valeur de son appartement en 1992 et n'était pas en mesure de communiquer la valeur des charges d'exploitation moyennes avant la première mise en location, vu l'ancienneté de la date. La régie de l'époque n'existait plus et la régie actuelle ne pouvait fournir des données qu'elle ne possédait pas.

29) Le 9 janvier 2019, le SMS a préavisé favorablement la demande APA 301'933, sous conditions, relevant notamment qu'au vu du descriptif des travaux et du plan de l'appartement concerné, il s'agissait vraisemblablement pour l'essentiel de travaux d'entretien courant ainsi que d'une amélioration du confort des locaux sanitaires et de la cuisine.

30) Dans son préavis du 12 février 2019, favorable sous conditions, le service LDTR de l'OCLPF a notamment indiqué qu'il renonçait à fixer le montant maximal du loyer après travaux, dès lors que ceux-ci avaient pris fin environ vingt-cinq ans plus tôt.

31) Par décision du 8 avril 2019, le département, compte tenu des préavis favorables, parfois sous conditions, de l'ensemble des instances auxquelles il avait soumis le dossier, a délivré l'autorisation de construire APA 301'933 requise par Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN, sous l'intitulé « rénovation d'un appartement au 3ème étage », précisant que les conditions notamment posées par les préavis du SMS du 9 janvier 2019 et du service LDTR de l'OCLPF du 12 février 2019 devraient être strictement respectées.

32) Le 16 mai 2019, Mme VISCONTI, M. TASSAN DIN et l'ASLOCA ont recouru contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que le TAPI fixe le loyer licite après travaux, ordonne à Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN de rectifier rétroactivement le contrat de bail de Mme ABRAMS et des époux BOURGEOIS et de leur notifier des avis officiels de fixation du loyer initial rectifiés, ainsi que de rembourser le trop-perçu de loyer à Mme VISCONTI et à M. TASSAN DIN. À titre subsidiaire, ils ont conclu à ce que le loyer annuel de l'appartement soit fixé à CHF 48'375.- au maximum dès le 15 janvier 2004 (« plus subsidiairement » dès le 1er octobre 2006 et « encore plus subsidiairement » dès le 1er septembre 2007), et à ce qu'il soit ordonné à l'intimée de rembourser à Mme VISCONTI et à M. TASSAN DIN le trop-perçu de loyer par rapport au loyer ainsi fixé à Mme ABRAMS, aux époux BOURGEOIS et aux deux précités. À titre préalable, ils demandaient que le tribunal ordonne à la propriétaire de produire, notamment, le bail, l'avis de fixation du loyer initial et tout avis de majoration de loyer notifiés à Mme ABRAMS, les extraits de son compte bancaire ou postal et ses déclarations fiscales et avis de taxation faisant état des loyers versés par cette dernière, les factures pour tous les travaux effectués dans la cuisine et la salle de bains de l'appartement, notamment la facture d'achat et le numéro de fabrication de l'appareil Bosch WTW86560 se trouvant dans la cuisine, ainsi que ses déclarations fiscales et les avis de taxation pour les années concernées par les travaux, indiquant les dates et le montant de ceux-ci. Subsidiairement, ils ont invité le tribunal à ordonner à l'administration fiscale de produire les déclarations fiscales et avis de taxation faisant état des loyers versés par Mme ABRAMS jusqu'en 2005 et indiquant les dates et le montant des travaux effectués, pour les années 1998 à 2008.

33) Le 21 juin 2019, Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN a conclu à ce que les demandes de production de pièces formulées par les recourants soient écartées et au rejet du recours.

Les travaux de rénovation en question avaient été accomplis entre 1987 et 1992. Elle avait été dans l'impossibilité de retrouver les documents y relatifs, au vu du nombre d'années (près de trente ans) écoulées. Elle ne possédait plus aucun document datant de cette époque, étant précisé que l'obligation de conserver ses documents comptables existait uniquement pour une période de dix ans au plus. De même, il était normal qu'elle ne soit pas en mesure de retrouver aujourd'hui le contrat de bail de la première locataire.

Après avoir emménagé dans l'appartement, les recourants s'étaient plaints du fait que le lave-linge qui y était installé était vieux et qu'il n'y avait pas de sèche-linge. Le lave-linge était effectivement ancien, dans la mesure où il avait été posé lors des travaux de rénovation dans les années 1990. Elle l'avait donc fait changer et fait installer un sèche-linge sur celui-ci. Ces deux machines n'avaient donc pas été installées avant l'arrivée des recourants.

Depuis 2013, elle avait régulièrement habité dans l'appartement, en raison de l'hospitalisation de son mari aux HUG. Ce dernier était décédé en début d'année.

34) Le 22 juillet 2019, le département a conclu au rejet du recours.

35) D'autres échanges d'écritures entre les parties ont eu lieu entre les 23 août et 4 novembre 2019.

Le 7 octobre 2019 notamment, Mme VISCONTI, M. TASSAN DIN et l'ASLOCA ont conclu à l'annulation de la décision querellée, à ce que le TAPI fixe le loyer annuel de l'appartement litigieux à CHF 19'350.- par année dès le 1er janvier 1999 et condamne l'intimée à rembourser à Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN la somme de CHF 293'787.50, avec intérêts à 5 % dès le 16 mai 2019. À titre subsidiaire, ils ont conclu à ce que le tribunal leur donne acte de ce qu'ils persistaient dans toutes leurs conclusions du 16 mai 2019, hormis la production des courriers de la propriétaire des 12 et 13 juillet 1987.

36) Par jugement du 19 mai 2020, le TAPI a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé Mme VISCONTI, M. TASSAN DIN et l'ASLOCA contre l'autorisation de construire APA 301'933 délivrée le 8 avril 2019 à Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN par le département du territoire.

Vu l'issue du litige, la question de savoir si les recourants avaient un intérêt digne de protection à ce que la décision entreprise soit annulée ou modifiée pouvait rester indécise, tout comme celle de la recevabilité des conclusions nouvellement formulées dans leurs écritures du 7 octobre 2019.

Il n'y avait pas lieu de donner suite aux offres de preuves nombreuses et variées formulées par les recourants, certaines d'entre elles se rapportant à des faits non pertinents et l'état du dossier permettant de trancher le litige.

Il n'était pas contesté que l'appartement litigieux était soumis à la LDTR, en particulier aux dispositions applicables en cas de transformations et concernant la fixation des loyers et des prix dans un tel contexte.

Le département avait en l'occurrence suivi le préavis émis par le service compétent en la matière et considéré qu'il y avait lieu de renoncer à fixer le montant maximal du loyer après travaux, une telle exigence s'avérant disproportionnée dans la mesure où ceux-ci avaient été exécutés environ
vingt-cinq ans plus tôt. Aucun élément au dossier ne permettait de retenir que les travaux auraient été effectués à une époque ultérieure à celle dont faisait état la propriétaire. Si celle-ci n'avait pas fait preuve d'une collaboration sans faille pendant la procédure ayant précédé le dépôt de sa requête d'autorisation de construire en octobre 2018, il fallait rappeler que le département l'avait seulement questionnée à propos de travaux exécutés dès 2003. Ses explications apparaissaient plausibles et cohérentes et avaient été corroborées par le constat opéré sur place. Il était possible d'admettre que ces travaux, effectués en grande partie illicitement, l'avaient été avec ou dans le prolongement direct de ceux ayant été autorisés en 1987. Le fait que l'intimée ne soit plus en possession des pièces, anciennes, susceptibles d'étayer ses explications ne permettait pas d'infirmer leur véracité.

Les recourants, dont les allégations au sujet du moment de l'exécution des travaux avaient passablement varié au cours de la procédure et reposaient sur des hypothèses non étayées, ne fournissaient aucun élément ni pièce susceptibles de remettre en cause cet état de fait. Ils ne faisaient que substituer leur propre appréciation à celle de l'autorité intimée, sans toutefois parvenir à l'étayer par des moyens de preuve. Le fait que cette dernière avait procédé à une appréciation différente de la leur ne permettait pas de retenir qu'elle s'était fondée sur des critères et considérations dénuées de pertinence et étrangers au but visé par la loi.

La conclusion du département selon laquelle les travaux avaient été réalisés entre 1987 et 1992 n'était ainsi pas critiquable. L'analyse à laquelle il avait procédé n'apparaissait pas non plus inappropriée. Celle-ci n'était pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat. Au vu des circonstances, il ne pouvait pas être admis qu'il aurait excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en forgeant sa décision sur la base du préavis du service LDTR de l'OCLPF, ni violé le principe d'interdiction de l'arbitraire.

Même à supposer que le département aurait violé la loi parce que le motif retenu, tenant à l'ancienneté de plus de vingt ans des travaux, n'était en soi pas suffisant pour renoncer à fixer le montant maximal du loyer après travaux, ou alors parce qu'il fallait admettre que ceux-ci avaient été exécutés à une époque plus récente, à savoir entre 1998 et fin 2003, en fonction des différentes hypothèses avancées par les recourants, ces derniers ne pouvaient de toute manière pas prétendre au remboursement d'un quelconque trop-perçu de loyer. En effet, le début de la période de contrôle de trois ans devait en toute hypothèse être fixé à l'entrée en vigueur du bail conclu par la propriétaire avec Mme ABRAMS, à savoir à fin 1998, voire, dans l'hypothèse la moins plausible, le 15 janvier 2004. Or, Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN n'étaient devenus locataires de l'appartement qu'à compter du 1er septembre 2007, soit après l'échéance de cette éventuelle période de contrôle. Leurs conclusions, à supposer que le tribunal pût entrer en matière à leur sujet, devaient donc dans tous les cas être rejetées.

Dans ces circonstances, il n'y avait pas lieu de traiter les autres sujets abordés par les parties, s'agissant notamment des questions liées à la prescription de la créance dont se prévalaient Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN. Enfin, ces derniers, qui n'occupaient plus les lieux depuis le 30 septembre 2012, ne pouvaient pas prétendre à ce qu'un bail rectifié et/ou une nouvelle formule officielle soient établis en leur faveur.

37) Par acte du 16 juin 2020, Mme VISCONTI, M. TASSAN DIN et l'ASLOCA ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire APA 301'933. Ils sollicitaient la fixation du loyer licite après travaux et à ce qu'il soit ordonné à Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN de rembourser aux locataires le trop-perçu de loyer. Subsidiairement, ils demandaient le renvoi de la cause au TAPI afin qu'il procède à des mesures d'instruction en ordonnant à la propriétaire de produire, notamment, le bail, l'avis de fixation du loyer initial et tout avis de majoration de loyer notifiés à Mme ABRAMS, les extraits de son compte bancaire ou postal, ses déclarations fiscales et avis de taxation faisant état des loyers versés par cette dernière, les factures pour tous les travaux effectués dans la cuisine et la salle de bains de l'appartement, notamment la facture d'achat et le numéro de fabrication de l'appareil Bosch WTW86560 se trouvant dans la cuisine, ainsi que ses déclarations fiscales et les avis de taxation pour les années concernées par les travaux, indiquant les dates et le montant de ceux-ci, et en ordonnant au département de produire les courriers que Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN lui avait adressés les 12 et 13 juillet 1987. Plus subsidiairement, ils ont invité la chambre administrative à ordonner à l'administration fiscale de produire les déclarations fiscales et avis de taxation faisant état des loyers versés par Mme ABRAMS jusqu'en 2005 et indiquant les dates et le montant des travaux effectués, pour les années 1998 à 2008.

Le jugement attaqué aboutissait à une conclusion contraire au droit, voire arbitraire, en retenant que le début de la période de contrôle étatique de trois ans débutait fin 1998, voire, dans l'hypothèse la moins plausible, le 15 janvier 2004. Cela entrait en contradiction avec ce qui était exposé concernant la fixation du loyer licite, soit que « le blocage du loyer peut porter rétroactivement sur la période entre la fin des travaux exécutés illicitement et, en soi, l'entrée en force de l'autorisation de construire obtenue après coup, avec obligation de rembourser le trop-perçu au locataire ; afin que le département puisse fixer les loyers rétroactivement, le propriétaire doit donc indiquer la date exacte du début des travaux et transmettre l'état locatif de tous les appartements à cette date ; le [département] peut fixer d'office les loyers en cas d'absence de collaboration de ce dernier ». Les premiers juges faisaient ainsi commencer la période de contrôle avant même qu'elle n'ait commencé et traitaient la propriétaire, qui avait violé la loi, de la même manière qu'un propriétaire qui aurait requis une autorisation. En l'occurrence, la période de contrôle ne pouvait débuter qu'à la date de l'APA 301'933 attaquée, à savoir le 8 avril 2019, ce que la doctrine confirmait en estimant que le point de départ de la durée du contrôle des loyers se situait au moment où l'autorisation était délivrée.

Le département avait confondu le délai de prescription de trente ans de la mesure de fixation rétroactive des loyers avec celui de la prescription de dix ans de l'ordre de rembourser le trop-perçu au locataire. Compte tenu de cette prescription décennale, l'obligation de rembourser le trop-perçu de loyer devait être calculée rétroactivement à partir de la dénonciation des travaux illicites, soit le 16 septembre 2014 voire, dans l'hypothèse la moins favorable aux recourants, le 8 avril 2019. Cela devait conduire au remboursement d'un trop-perçu de loyer en faveur des locataires pour la période du 8 avril 2009 au 30 septembre 2012. Le loyer licite ne devait pas excéder le loyer plafond de la loi au moment où l'autorisation aurait dû être demandée, soit entre 1987 et 1992 selon la propriétaire. Par gain de paix, les recourants admettaient un montant de six fois CHF 3'225.-, correspondant à la limite supérieure au 1er janvier 1999, soit CHF 19'350.- par an.

Dès lors qu'entre 1999 et 2012 la propriétaire avait perçu des loyers pour un total de CHF 1'378'200.-, montant à mettre en rapport avec le prix de l'acquisition de l'appartement (CHF 636'350.-) et des travaux (CHF 150'000.-), le bénéfice correspondait à plus de 12 % par année, alors que le rendement licite n'avait jamais été supérieur à 3,5 % à partir de 2005. Le montant à rembourser par Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN à Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN apparaissait ainsi peu élevé si l'on considérait qu'elle avait loué l'appartement depuis 1998 à un loyer illicite et grossièrement abusif.

La propriétaire avait menti systématiquement concernant la date des travaux ; la chronologie et ses explications n'étaient pas crédibles. En particulier, de nombreux indices laissaient à penser que le sèche-linge installé dans la cuisine l'avait été après 2003, dans le cadre de travaux non autorisés. De plus, il était contesté que Mme ABRAMS se serait acquittée d'un loyer de CHF 96'000.- par an pour un appartement qui n'aurait pas été entièrement rénové à l'époque. Dès lors, il fallait admettre qu'une grande partie des travaux, à concurrence du montant total de CHF 200'000.- n'avait pas été réalisée en 1992 ou 1998 comme le prétendait la propriétaire, mais à une époque indéterminée après 2003. Il était ainsi faux de renoncer à fixer le montant maximal du loyer après travaux dès lors que ces derniers auraient pris fin depuis environ vingt-cinq ans, étant précisé qu'une bonne partie de l'écoulement du temps était dû à la passivité du département dans ce dossier.

38) Le 6 juillet 2020, Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.

Les recourants persistaient à invoquer de manière confuse leurs arguments et à substituer leur appréciation à celle du TAPI, sans parvenir à démontrer que les travaux n'auraient pas été effectivement réalisés entre 1987 et 1992.

Il était contesté que la période de contrôle aurait débuté à la date de l'autorisation de construire ; dès lors que, comme constaté par le département, les travaux avaient été terminés avant 1998, ladite période, commençant dès la fin des travaux, ne pouvait s'étendre au-delà de 2001.

De tout temps, y compris au moment de la reprise du bail par Mme VISCONTI et M. TASSAN DIN, le loyer de l'appartement avait été plus de deux fois et demie supérieur à celui répondant aux besoins prépondérants de la population, de sorte qu'il fallait renoncer au contrôle rétroactif dans le cadre d'une éventuelle autorisation de construire. Par ailleurs, le fait que les travaux de rénovation avaient pris fin depuis plus de vingt-cinq ans constituait également un motif permettant de renoncer au contrôle, une telle exigence s'avérant, dans ce cas, disproportionnée. Le département n'avait ni violé la loi, ni abusé de son pouvoir d'appréciation. En tout état, les recourants ne pouvaient pas prétendre au remboursement d'un quelconque trop-perçu de loyer, puisque la période de contrôle était terminée depuis plusieurs années au moment de leur emménagement. Dès lors qu'à ce jour la propriétaire habitait elle-même dans l'appartement, fixer un loyer contrôlé au sens de la LDTR à compter de l'entrée en force de l'autorisation de construire n'aurait aucun sens. Il était évident que toute éventuelle prétention en restitution d'un trop-perçu ayant pu exister entre 1998 et 2001 était largement prescrite, puisque le délai absolu de dix ans était arrivé à échéance en 2011.

Enfin, les demandes d'instruction et de production de pièces des recourants étaient dénués de pertinence pour l'issue du litige, et la plupart des pièces dataient de plus de trente ans et n'existaient plus.

39) Le 20 juillet 2020, le département a également conclu au rejet du recours.

C'était en application de la LDTR, faisant référence à des situations exemplatives, et du principe de la proportionnalité qu'il avait considéré n'avoir d'autre choix que de renoncer à la fixation du loyer de l'appartement litigieux après travaux. Il n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Compte tenu de l'ancienneté des faits et de l'impossibilité pour Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN de produire un certain nombre de documents vu le temps écoulé et la cessation d'activité de son ancienne régie, il aurait été disproportionné d'exiger du département qu'il détermine, sans aucun élément à l'appui, le montant du loyer devant être contrôlé pendant la période de trois ans. Les recourants ne remettaient d'ailleurs pas en cause ce constat dans leur recours.

Le calcul de la période de contrôle devait débuter dès la fin des travaux de rénovation. Il apparaissait toutefois logique, en cas de vacance de l'appartement concerné, de la faire commencer à la date du début de relocation, qui correspondait en l'espèce à la date à laquelle avait débuté le contrat de bail de Mme ABRAMS, à savoir fin 1998 voire, dans l'hypothèse la moins plausible, le 15 janvier 2004. Les recourants ne pouvaient en conséquence pas prétendre que la période de contrôle devait débuter au plus tôt à la date à laquelle l'autorisation de construire avait été délivrée à la propriétaire.

40) Les recourants ont répliqué le 19 août 2020, persistant dans leurs conclusions.

Les intimés confondaient l'ordre de modification rétroactive des loyers et le contrôle des loyers futurs, découlant d'une autorisation de construire. Le premier constituait une mesure qui n'avait rien à voir avec la période de trois ans de fixation des loyers par l'autorisation administrative.

Dès lors que Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN avait admis avoir effectué des travaux pour un montant de CHF 200'000.- et que le prix d'acquisition de l'appartement était connu, le calcul du rendement était possible, même sans factures. L'absence de ces dernières était ainsi sans pertinence quant à la décision abusive du département de ne pas fixer le loyer après travaux.

Même à considérer que les travaux auraient pris fin en 1992, l'infraction n'était pas prescrite car le délai de trente ans n'était pas échu. Les considérations selon lesquelles la période de contrôle devait commencer à la fin des travaux ne s'appliquaient qu'à un propriétaire ayant respecté la loi et sollicité une autorisation, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Les recourants étaient bel et bien bénéficiaires d'une créance en remboursement du trop-perçu. La prescription de l'enrichissement illégitime de la propriétaire était de dix ans dès le signalement de l'infraction, soit le 16 septembre 2014. Au moment de la reprise du bail, le montant du loyer était illicite et constituait le fruit d'une infraction ; sans la rénovation à grands frais de la salle de bains et de la cuisine, l'appartement n'aurait jamais pu être loué pour de tels montants. Le loyer devait être modifié rétroactivement, depuis la fin des travaux jusqu'à la date d'autorisation, ainsi que pour trois ans à partir de cette dernière.

41) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) S'agissant de la question de la qualité pour agir des recourants, qui n'a pas été tranchée dans le jugement attaqué, la chambre de céans considérera également qu'au vu de l'issue du litige, celle-ci pourra demeurer indécise.

3) À ce stade de la procédure, le litige porte sur la conformité au droit de l'autorisation de construire APA 301'933 délivrée sous conditions par le département à la propriétaire le 8 avril 2019, ainsi que du jugement du TAPI la confirmant.

En particulier, les recourants allèguent que le département aurait abusé de son pouvoir d'appréciation en renonçant à fixer rétroactivement le loyer maximal de l'appartement qu'ils ont occupé entre le 1er septembre 2007 et le 30 septembre 2012, dans lequel des travaux de rénovation ont été réalisés, en partie sans autorisation. Ils reprochent également au TAPI d'avoir arbitrairement considéré que la période de trois ans de contrôle étatique du montant du loyer commençait à la date de la fin des travaux, soit à fin 1998, voire à l'entrée en vigueur du bail conclu avec la première locataire de l'appartement le 15 janvier 2004. Selon eux, la période de contrôle ne pouvait débuter qu'à la date de l'APA 301'933 attaquée, à savoir le 8 avril 2019. Ils estiment que le trop-perçu des loyers qui en découle devrait leur être restitué.

4) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150
consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

5) a. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). Elle prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9
al. 1 LDTR). Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 1ère phr. LDTR).

Plus spécifiquement, la LDTR vise à éviter la disparition de logements à usage locatif (arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006
consid. 3.3 ; ATA/675/2017 du 20 juin 2017) et correspond à un intérêt public évident (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 ; 113 Ia 126 consid. 7a ; 111 Ia 23
consid. 3a et les arrêts cités).

b. Lorsqu'il accorde une autorisation en cas de démolition ou de transformation d'un immeuble soumis à la LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux (art. 10 al. 1 1ère phr. LDTR).

L'art. 10 al. 2 LDTR prévoit l'exception selon laquelle le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l'al. 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés (let. a) ou lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d'ores et déjà d'au moins deux fois et demie les besoins prépondérants de la population (let. b).

c. En rapport avec ce dernier point, un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux besoins prépondérants de la population lorsque son loyer est compris entre CHF 2'536.- et CHF 3'405.- la pièce par année (arrêté du Conseil d'État du 24 août 2011 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population - ArRLoyers - L 5 20.05), ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'art. 25 LDTR. Selon l'arrêté déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (ArAppart -
L 5 20.03) déterminant au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur, il y a pénurie dans toutes les catégories d'appartements d'une à sept pièces inclusivement (ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 6).

Au 1er janvier 1999, les loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population étaient compris entre CHF 2'400.- et 3'225.- la pièce par année. Avant cette date, cette fourchette n'était pas codifiée. Depuis 1996, ces loyers devaient se situer entre CHF 3'500 et 5'200.- (Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, La LDTR : démolition, transformation, changement d'affectation et aliénation. Immeubles de logement et appartements, 2014, p. 135). Entre 1996 et 1999, la limite de la pénurie était arrêtée aux appartements jusqu'à six pièces inclus (Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 132).

d. L'art. 10 al. 2 LDTR n'énonce que trois cas de figure exemplatifs (« notamment »), de sorte que le département peut renoncer à fixer le loyer dans d'autres circonstances (Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 275).

De façon générale, le principe de la proportionnalité, auquel la disposition précitée se réfère, commande que la mesure étatique soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 144 I 306 consid. 4.4.1 ;
143 I 403 consid. 5.6.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2).

e. Selon l'art. 44 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la loi est passible des mesures et sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 de la LCI, sous réserve des peines plus élevées prévues par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Le département notifie aux intéressés par lettre recommandée les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par cette autorité (art. 131 LCI).

f. Parmi les mesures administratives à disposition de l'autorité compétente, figure l'ordre de remise en conformité (art. 129 let. e LCI). L'objectif d'une telle mesure est de rétablir une situation conforme au droit.

De jurisprudence constante, une mesure visant les loyers, notamment le remboursement du trop-perçu de loyer et l'établissement d'un nouveau bail conforme aux conditions de l'autorisation de construire accordée, constitue une forme de remise en état au sens de l'art. 129 let. e LCI (ATA/269/2012 du 8 mai 2012 consid. 5 ; ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 5 et les références citées).

À cet égard, le Tribunal fédéral considère que le contrôle des loyers sous l'angle de l'art. 12 LDTR implique que le propriétaire doit rectifier les baux indiquant un loyer qui ne correspond pas à celui fixé par le département (arrêts du Tribunal fédéral 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.1 ; 1C_496/2012 du
12 février 2013 consid. 3.2.2; 1C_468/2008 du 15 décembre 2008).

g. Dès lors que l'art. 12 LDTR institue un contrôle des loyers après l'exécution des travaux de rénovation, l'obligation faite au propriétaire sous cet aspect inclut celle d'inscrire, dans le contrat de bail concerné, le montant du loyer fixé dans l'autorisation de rénover pendant le contrôle et de rectifier un bail à loyer qui s'en écarterait (arrêts du Tribunal fédéral 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.1 ; 1C_496/2012 du 12 février 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_250/2010 du 26 août 2010 ; 1C_468/2008 du 15 décembre 2008 consid. 2.2 ; 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.3.1 ; ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 11a et les autres arrêts cités). En revanche, cette règle ne lui permet pas d'intervenir sur le loyer postérieur à la période de contrôle en imposant aux parties la conclusion d'un nouveau bail, qui tiendrait compte du loyer fixé dans l'autorisation de rénover en application de la LDTR (arrêts du Tribunal fédéral 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.1 ; 1C_496/2012 du 12 février 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.3).

L'obligation de rectifier les baux initiaux n'a donc pas pour effet de prolonger le contrôle étatique au-delà du délai légal, ni d'empêcher le bailleur, s'il l'estime justifié, de majorer le loyer selon les règles du droit civil après la fin de la période de contrôle (arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005
consid. 2.3.2), la LDTR ne s'appliquant pas à la fixation du montant du loyer après ladite période (arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2010 du 26 août 2010
consid. 3.3). Cela dit, si le contrôle effectif du loyer doit intégralement cesser à l'issue de cette période, l'ordre de rectifier le bail initial peut avoir de facto une incidence sur la détermination du loyer admissible une fois l'objet immobilier sorti du contrôle cantonal, dès lors que le dernier loyer peut servir de critère dans la mesure prévue par les règles du droit fédéral du bail (arrêt du Tribunal fédéral 1C_496/2012 du 12 février 2013 consid. 2.2 et 3.2.2 ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.3.2 ; sur cette question, et sous l'angle civil, cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 4A_356 du 10 décembre 2018).

Ainsi, le blocage du loyer peut porter rétroactivement sur la période entre la fin des travaux exécutés illicitement et, en soi, l'entrée en force de l'autorisation de construire obtenue après coup, avec obligation de rembourser le trop-perçu au locataire ; afin que le département puisse fixer les loyers rétroactivement, le propriétaire doit donc indiquer la date exacte du début des travaux et transmettre l'état locatif de tous les appartements à cette date ; le DT peut fixer d'office les loyers en cas d'absence de collaboration de ce dernier. Une autre mesure est de prévoir le blocage pour l'avenir seulement dès l'entrée en force de l'autorisation requise après travaux (Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., n. 2.3.1 et 2.3.2 p. 274 et la référence citée).

S'agissant des locataires ayant déjà quitté l'appartement incriminé et qui ont versé un loyer supérieur à celui bloqué après coup, il n'y a pas lieu d'imposer au propriétaire d'établir un nouveau bail corrigé, ni de notifier une nouvelle formule officielle auxdits locataires, car un tel ordre n'aurait aucun sens et serait excessif ; en revanche, le département est en droit d'ordonner au propriétaire de rembourser le trop-perçu de loyer à ces locataires (Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, op. cit., n. 3.3.2 p. 482 ; ATA/269/2012 du 8 mai 2012 consid. 7), l'obligation de restituer le loyer ne valant que pour la durée du contrôle étatique instaurée par la LDTR (ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 9).

La chambre de céans est toutefois partiellement revenue sur sa précédente jurisprudence (ATA/269/2012 précité), considérant que la solution pourrait être autre s'agissant de la formule de fixation du loyer, laquelle est nécessaire lors de l'établissement de tout nouveau bail ou de toute modification du montant du loyer. Dès lors que cette dernière résulte d'un acte unilatéral du bailleur, le départ des locataires n'empêcherait aucunement une régie d'établir une nouvelle formule, document essentiel puisqu'à même de documenter l'augmentation du loyer de l'appartement litigieux. La notification, selon les règles du droit du bail, d'une nouvelle formule indiquant le montant du loyer fixé pendant trois ans serait une mesure nécessaire pour le rétablissement d'une situation conforme au droit au sens de l'art. 129 let. e LCI. Néanmoins, l'ordre de remise en état matérialisé par une autorisation de construire n'impose pas expressément l'établissement d'une nouvelle formule de fixation du loyer, contrairement à ce qui a pu être ordonné dans d'autres décisions du département telle notamment celle ayant fait l'objet de l'ATA/269/2012 précité. Au vu de l'interdiction de la reformatio in pejus, la chambre de céans ne peut dans ce cas pas ordonner l'établissement de ladite formule.

6) En l'espèce, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi par le représentant de l'OCLPF, architecte de profession, suite à sa visite de l'appartement, que des travaux de rénovation ont été exécutés en grande partie sans autorisation, vraisemblablement dans le prolongement de ceux ayant été autorisés en 1987. Les explications fournies, bien que tardivement, par la propriétaire, toutefois cohérentes et corroborées par le rapport précité, confirment également la réalisation de travaux, pour un montant d'environ CHF 200'000.- durant cette période. Aucun élément ne permet de considérer que les travaux auraient eu lieu à une autre époque. Le seul fait que la propriétaire ne soit plus en mesure de produire les pièces susceptibles d'étayer ses explications au vu de leur ancienneté ne permet pas de remettre en cause ce qui précède.

En revanche, les recourants ne parviennent pas à prouver de manière concrète et satisfaisante leurs allégations, en particulier sur le fait que la propriétaire aurait constamment menti ou encore au sujet du moment de l'exécution des travaux. À titre d'exemple, leur argumentation concernant le
sèche-linge installé dans la cuisine après 2003 ne s'avère aucunement pertinente, ni suffisante pour contredire les intimés. Les recourants ne font qu'opposer leur propre appréciation de la situation à celle du département. Or, le fait que celui-ci ait procédé à une appréciation différente de la leur ne permet pas de retenir qu'elle se serait fondée sur des critères et considérations dénués de pertinence et étrangers au but visé par la loi.

La conclusion du département après instruction, selon laquelle les travaux ont effectivement été réalisés entre 1987 et 1992, voire 1998, apparaît cohérente, de même que son analyse sous l'angle de l'art. 10 al. 2 LDTR, qui lui confère une certaine marge d'appréciation. La décision du département de délivrer l'autorisation de construire en renonçant à fixer le loyer maximal n'est en conséquence pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat.

C'est donc bien en application de l'art. 10 al. 2 LDTR que le département a considéré, en suivant le préavis émis par le service compétent en la matière le 12 février 2019, qu'il y avait lieu de renoncer à fixer le montant maximal du loyer après travaux, une telle exigence s'avérant disproportionnée, dans la mesure où ceux-ci avaient été exécutés depuis environ vingt-cinq ans.

Le grief d'abus du pouvoir d'appréciation n'est en conséquence pas fondé.

Vu ce qui précède, il n'y a pas lieu de traiter les autres griefs abordés par les parties, s'agissant notamment des questions liées à la détermination d'une période de contrôle ou encore à la prescription dont se prévalent les recourants.

Dans ces circonstances, l'autorisation de construire APA 301'933 est conforme au droit et le département n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en renonçant à la fixation d'un loyer maximal après les travaux effectués dans l'appartement de la propriétaire, ce qu'a considéré à juste titre le TAPI. Par ailleurs, il ne peut être reproché à ce dernier d'avoir arbitrairement considéré que la période de contrôle de trois ans devait débuter, dans le cas où un loyer maximal devait être fixé, à la fin des travaux en 1998, voire à la conclusion du bail avec la première locataire de l'appartement en janvier 2004.

Compte tenu de ce qui précède, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté, pour autant qu'il soit recevable. L'autorisation de construire et le jugement querellés doivent ainsi être confirmés.

Partant, il ne se justifie pas de retourner la cause à l'instance précédente pour qu'elle instruise davantage le dossier.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge conjointe des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à Mme BRANDENBURG VAN DER GRONDEN, à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 16 juin 2020 par l'Association genevoise des locataires (ASLOCA), Madame Valeria VISCONTI et Monsieur Tomaso TASSAN DIN contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 ;

met à la charge conjointe de l'Association genevoise des locataires (ASLOCA), de Madame Valeria VISCONTI et de Monsieur Tomaso TASSAN DIN un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à Madame Thi Bao BRANDENBURG VAN DER GRONDEN une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge conjointe des recourants ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romolo Molo, avocat des recourants, à Me Julien Pacot, avocat de Madame Thi Bao BRANDENBURG VAN DER GRONDEN, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :