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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/519/2011

ATA/720/2012 du 30.10.2012 sur JTAPI/943/2011 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.12.2012, rendu le 05.12.2013, REJETE, 1C_635/2012
Descripteurs : ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PROTECTION DES MONUMENTS ; DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE DÉMOLIR ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE) ; ÉTAGE ; LOYER ; SURVEILLANCE ÉTATIQUE ; 2E ZONE
Normes : Cst. 29; LCI.89; LCI.23; LCI.11; LDTR.2; LDTR.5
Parties : VILLE DE GENEVE - DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMENAGEMENT, ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, FAVRE ET GUTH SA, ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES, BUCHER, D'AGOSTIN ET MAULINI Jean Ph., Zaccaria et Michel, D'AGOSTIN Zaccaria, MAULINI Michel, VILLE DE GENEVE - DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMENAGEMENT
Résumé : Confirmation d'une autorisation de démolir trois immeubles et d'en construire un nouveau. L'ASLOCA n'a pas la qualité pour recourir en matière de LCI. Rappel de jurisprudence. Qualité pour recourir de la Ville de Genève laissée ouverte. La protection conférée par l'art. 89 LCI doit être conforme au principe de la proportionnalité. En l'occurrence ce point à déjà été tranché sous l'angle du refus de l'inscription à l'inventaire. Hauteur du gabarit calculée conformément à l'art. 23 LCI et dérogation de l'art. 11 al. 4 LCI préavisée favorablement par la commission d'architecture dont la consultation est obligatoire. Peu importe dès lors le préavis contraire de la Ville de Genève. Conformité du projet également à la LDTR dans la mesure où seul un immeuble voué à la démolition y est soumis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/519/2011-LDTR ATA/720/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2012

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE

et

ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES (ASLOCA) représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

Messieurs Jean-Philippe BUCHER, Michel MAULINI et Zaccaria D'AGOSTIN

représentés par Me Pascal Pétroz, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 septembre 2011 (JTAPI/943/2011)


EN FAIT

1) Monsieur Jean-Philippe Bucher est propriétaire de la parcelle n° 242, feuille 8 de la commune de Genève, section Eaux-Vives, à l'angle de l'avenue de la Grenade n° 28 et de la rue Sillem n° 3. Sur cette parcelle sont répertoriés une maison d'habitation (bâtiment B 184 - rue Sillem 3), composée d'un entrepôt, d'un atelier au rez-de-chaussée, d'un premier étage et de combles affectés au logement ainsi que de deux garages privés.

2) Monsieur Zaccaria D'Agostin est propriétaire de la parcelle n° 243, feuille 8 de la commune de Genève, section Eaux-Vives, à l'adresse 17, rue de l'Avenir, sur laquelle est érigé un immeuble d'habitation (bâtiment B 186). Le rez-de-chaussée est affecté à des activités, alors que les premier et deuxième étages, ainsi que les combles, servent à l'habitat. Selon l'extrait cadastral, la surface au sol de ce bâtiment était de 83 m2.

3) Monsieur Michel Maulini est propriétaire de la parcelle n° 244, feuille 8 de la commune de Genève, section Eaux-Vives, qui comprend le bâtiment B 187, situé au 19, rue de l'Avenir / rue Sillem 1, comportant un rez-de-chaussée voué à des activités et un premier étage et des combles affectés à l'habitat.

4) La Ville de Genève (ci-après : la ville) est propriétaire de la parcelle n° 2725 sise rue Sillem 2, faisant face à la rue Sillem nos 1 et 3.

5) Toutes ces parcelles sont sises en deuxième zone de construction.

6) Une première demande d'autorisation de démolir les bâtiments nos B 184, B 186 et B 187 et de reconstruire un immeuble d'habitation avec arcades commerciales et garages souterrains (4 étages et attique) a été déposée en novembre 2001. Les autorisations de démolir et de construire sollicitées ont été délivrées le 7 août 2003. Sur recours de la ville et de l'association Action Patrimoine Vivant (ci-après : APV), la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission), devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), a annulé ces autorisations. Cette décision a été confirmée par arrêt du Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 15 novembre 2005 (ATA/765/2005). Il résulte de cet arrêt que les bâtiments B 184 et B 187 avaient été conçus à l'origine comme des maisons individuelles comprenant une arcade artisanale et un seul logement au premier étage et dans les combles. Partant, ils n'étaient pas soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) (consid. 4). Les autorisations délivrées n'avaient pas pu être confirmées parce que les prix de vente fixés étaient fondés sur des loyers très largement supérieurs aux besoins prépondérants de la population (consid. 8). L'arrêt précité n'a pas été contesté et est entré en force.

7) Parallèlement à cette première demande d'autorisation, le propriétaire de la parcelle n° 242 a déposé deux nouvelles requêtes d'autorisation de construire et de démolir qui consistaient en un projet de rénovation / construction qui permettait le maintien du bâtiment B 184 en tête de l'îlot et offrait la possibilité de conserver également le bâtiment B 187. L'autorisation de construire délivrée le 6 août 2004 a été frappée d'un recours par les propriétaires des parcelles voisines par acte du 8 septembre 2004. Par décision du 16 février 2005, la commission a rejeté le recours et confirmé l'autorisation de construire délivrée.

8) Le 8 septembre 2003, APV a formé une demande urgente de mise à l'inventaire portant sur les immeubles B 184, B 186 et B 187 au motif que ces derniers formaient un ensemble digne d'intérêt de la partie ancienne du quartier des Eaux-Vives. Ils constituaient à ce titre un témoignage historique précieux bénéficiant d'une architecture soignée qui conservait nombre de ses qualités d'origine. Ces immeubles méritaient d'être conservés et restaurés.

a. Le conseil administratif de la ville a rendu le 10 mars 2004 un préavis favorable, en précisant qu'il restait ouvert à toute solution qui permettrait de construire un immeuble d'un gabarit raisonnable, pour autant que ce dernier puisse offrir des garanties en vue d'assurer, d'une part, la conservation des éléments patrimoniaux les plus significatifs - c'est-à-dire au minimum la conservation des deux bâtiments de tête de l'îlot - d'autre part, une liaison harmonieuse entre les diverses constructions existantes.

b. Le 7 avril 2004, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a préavisé favorablement l'inscription à l'inventaire des bâtiments de tête de l'îlot concerné, B 184 et B 187. Ces bâtiments s'inscrivaient comme témoins de l'architecture et de la formation du tissu des faubourgs et de ce fait ils présentaient un intérêt urbanistique et historique qu'il convenait de sauvegarder. En revanche, le bâtiment B 186 n'était plus dans un état permettant sa conservation.

c. Par arrêté du 27 septembre 2006 le département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis le 7 juillet 2012 le département de l'urbanisme (ci-après : le DU ou le département), a rejeté la demande d'inscription à l'inventaire. Les bâtiments concernés étaient dans un état de dégradation avancée. Leur réhabilitation n'offrant aux propriétaires aucune perspective de rentabilisation, il était excessif d'en ordonner le maintien. De surcroît, en cette période de pénurie de logements, le département privilégiait la construction d’un nouveau bâtiment.

d. Statuant sur recours de la ville, le Tribunal administratif a confirmé cette décision, l'intérêt à la construction de logements devant primer sur l'intérêt au maintien des constructions concernées (ATA/151/2007 du 27 mars 2007).

9) Le 14 août 2008, MM. Bucher, D'Agostin et Maulini ont déposé deux demandes définitives en autorisation de construire et de démolir auprès du département, visant la construction d'un immeuble de logements et d'un garage souterrain.

La demande d'autorisation de construire a été enregistrée sous n° DD 102'341-2, celle relative à l'autorisation de démolir sous n° M 6112-2.

Le projet consistait en la démolition des bâtiments existants qui, selon la demande d'autorisation de construire, comportaient cinq logements pour un total de vingt pièces (parcelle n° 242, un logement individuel de 7 pièces ; parcelle n° 243, trois logements de 3 pièces ; parcelle n° 244, un logement individuel de 4 pièces). Ils seraient remplacés par un seul bâtiment de cinq étages sur rez-de-chaussée et attique, devant comprendre douze logements (deux 4 pièces, quatre 5 pièces, quatre 6 pièces, un 7 pièces et un 8 pièces), soit soixante-sept pièces ainsi que trois étages de parkings en sous-sol.

10) Il résultait du plan n° 1182/18 « coupe transversale a.-a » visé ne varietur le 14 janvier 2011 que le gabarit « selon loi abrogée » pouvait atteindre 14,75 mètres.

Selon ce même plan, le gabarit « selon la loi modifiée 10088, H< D+6 » pouvait atteindre 17,66 mètres.

Compte tenu des constructions inscrites dans le gabarit de la toiture, la hauteur au faîte de l'immeuble projeté pouvait être au maximum de 22, 37 mètres.

La hauteur finale du bâtiment projeté atteignait en réalité 22,93 mètres, une dérogation aux gabarits légaux autorisés ayant été sollicitée en vertu de l'art. 11 al. 4 à 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Selon ce plan, la distance entre l'immeuble projeté et les bâtiments côté rue de l'Avenir était de 11,87 mètres tandis qu'elle était de 11,95 mètres du côté de l'avenue de la Grenade.

11) Divers préavis ont été recueillis dans le cadre de ces demandes en autorisation.

12) Le 8 septembre 2008, après avoir récapitulé les précédentes procédures ayant concerné les parcelles litigieuses, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a préavisé favorablement le projet de démolition M 6112-2 visant les bâtiments B 184, B 186 et B 187 et s'en est remis à l'analyse et au préavis de la commission d'architecture s'agissant du projet de reconstruction.

13) Le 10 octobre 2008, la ville a émis un préavis défavorable avec demande de révision du projet au sujet de l'autorisation de construire. Elle persistait à vouloir conserver les bâtiments B 184 et B 187 en tête de l'îlot et à privilégier la mise en œuvre d'une solution architecturale mixte permettant de construire seulement à l'arrière de ces bâtiments. Toutefois, dans le contexte de crise du logement, elle était disposée à entrer en matière sur une solution privilégiant la construction de logements sur la conservation du patrimoine. Elle a demandé une révision du projet selon les principes suivants :

a. il ne fallait pas faire une exploitation exhaustive des gabarits légaux conformes à la LCI dans un quartier déjà très dense. Elle demandait la suppression d'un étage en accord avec les gabarits des immeubles voisins ;

b. une part importante des logements prévus ne répondait pas aux besoins prépondérants de la population conformément à la LDTR, chapitre II alinéa 2. La distribution des appartements devait être revue dans la partie supérieure de l'immeuble. Seuls deux appartements luxueux de 7 et 8 pièces en duplex avec 4 salles d'eau étaient en effet prévus, alors qu'il était possible de créer un nombre plus important de logements.

14) Le 14 octobre 2008, la ville a émis un préavis défavorable s'agissant de l'autorisation de démolir en se référant à ses propres préavis antérieurs qui étaient « défavorables à la démolition des bâtiments nos B 187 et B 184 et demandaient leur inscription à l'inventaire mais favorables à la mise en œuvre d'une solution architecturale mixte permettant de conserver les bâtiments en tête de l'îlot et de démolir - reconstruire sur le bâtiment n° B 186 ».

15) Le 10 décembre 2008, le service juridique LDTR a délivré un préavis favorable selon les art. 5 et 6 LDTR en posant les conditions suivantes, compte tenu de l'arrêt du Tribunal administratif du 15 novembre 2005 (ATA/765/2005 précité) :

a. les dispositions LDTR devaient être respectées ;

b. dans l'immeuble reconstruit qui comprendrait 12 logements soit 67 pièces, les deux logements de 5 pièces situés au premier étage seraient offerts à la location et leur loyer n'excèderait pas CHF 3363.- par pièce l'an pendant une période de cinq ans à dater de leur première mise en location ; ceci en compensation de la démolition de l'immeuble sis 17, rue de l'Avenir comprenant deux logements, soit 8 pièces.

16) La commission d'architecture a émis un préavis favorable en date du 20 janvier 2009.

Elle appréciait la création d'un ensemble cohérent qui, au vu de sa situation au bout d'un système, supportait d'être plus haut que les immeubles voisins. Elle relevait la qualité et la flexibilité des typologies qui entretenaient une certaine diversité. Elle confirmait son accord pour une dérogation selon l'art. 11 LCI pour un léger dépassement de gabarit.

17) Les autres instances de préavis, dont la direction générale de la mobilité, le service de géologie, la police du feu, le service cantonal de l'énergie, la direction générale de l'eau, l'aménagement du territoire ainsi que le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants, s'étaient également prononcées en faveur du projet, parfois sous certaines réserves ou conditions.

18) Par courrier du 31 mars 2009, le département a informé les propriétaires des parcelles concernées par le projet que l'examen de la demande d'autorisation touchait à son terme et qu'il était prêt à statuer. La décision ne pourrait toutefois être notifiée qu'au moment de l'adoption, par le Conseil d'Etat, de la carte indicative des immeubles susceptibles d'être surélevés, conformément à l'art. 27 al. 3 et 4 LCI.

19) Le 9 avril 2010, le Conseil d'Etat a adopté une carte indicative relative au secteur 15 (Eaux-Vives), dont il ressortait notamment que les immeubles concernés par le projet litigieux seraient susceptibles d'être surélevés.

20) Par courrier du 17 janvier 2011, le conseiller d'Etat en charge du département a indiqué à la ville qu'il faisait délivrer l'autorisation de construire sollicitée, considérant que le projet respectait les lois et règlements applicables.

21) Par décisions M 6112-2 et DD 102'341-2 du 13 janvier 2011, publiées le 19 janvier 2011 dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le département a délivré à MM. Bucher, Maulini et D'Agostin les autorisations de démolir et de construire sollicitées. Référence était faite à l'art. 11 LCI dans l'autorisation de construire.

22) Par acte du 18 février 2011, la ville a recouru contre ces décisions auprès du TAPI, concluant également à leur annulation avec suite de dépens.

En se contentant de renvoyer à l'art. 11 LCI, sans spécifier quel alinéa de ladite disposition était applicable en l'espèce, l'autorisation de construire violait le droit d'être entendu de la recourante qui comprenait le droit à la motivation de la décision. Pour le surplus, aucune des conditions posées par l'art. 11 LCI justifiant une dérogation au gabarit n'était réalisée en l'occurrence. L'autorisation violait également l'art. 15 LCI parce que le projet litigieux était inadéquat et qu'il conduisait à une surdensification qui n'était pas souhaitable. L'art. 14 al. 1 let. a LCI était violé parce que les appartements situés dans les étages inférieurs ne présentaient pas des conditions d'habitabilité acceptables, s'agissant tant de l'air que de la lumière. Enfin, l'autorisation de construire consacrait une violation de la LDTR car elle ne prévoyait d'assujettir à cette loi que 10 pièces sur les 67 projetées.

23) Par acte conjoint du même jour, l'Association genevoise de défense des locataires (ci-après : l'ASLOCA) et APV ont également recouru contre ces décisions auprès du TAPI, concluant à leur annulation avec suite de dépens.

Les immeubles visés par l'autorisation de démolir querellée constituaient un ensemble du XIXe siècle au sens des art. 89 et ss LCI et à ce titre, ils devaient être préservés, seule une surélévation pouvant être envisagée. Les conditions de la LDTR n'étaient pas respectées, les propriétaires voulant réaliser une opération spéculative et seuls deux appartements répondant aux besoins prépondérants de la population. Pour le surplus, l'immeuble projeté ne respectait pas les gabarits fixés par la loi. En effet, compte tenu de l'étroitesse de la rue Sillem, le gabarit ne pouvait pas dépasser 15 mètres de hauteur à la corniche sur ce côté de l'îlot.

24) Le 23 mars 2011, MM. Bucher, Maulini et D'Agostin ont répondu aux deux recours en concluant à leur rejet et à ce que leur soit allouée une indemnité de procédure.

a. La ville avait pu recourir en pleine connaissance de cause, les plans visés « ne varietur » indiquant que le gabarit du bâtiment projeté avait été calculé selon la loi 10’088 sur les surélévations. La référence à l'art. 11 al. 4 à 6 LCI n'apparaissait qu'à titre subsidiaire et la ville avait pu se déterminer valablement. Le projet ne violait pas l'art. 15 LCI. La commission d'architecture avait émis un préavis favorable dûment motivé. L'appréciation des autorités avait changé depuis les premiers projets de construction, seule la ville persistant à s'y opposer. L'art. 14 LCI n'avait pas été violé, la situation des appartements de l'immeuble à construire ne pouvant être pire que la situation des appartements existants dans les immeubles dont la démolition était prévue. Quant aux appartements des immeubles voisins, ils étaient déjà entourés de bâtiments de 15 à 18 mètres de hauteur, de sorte que le bâtiment projeté ne pouvait être une source d'inconvénients graves pour le voisinage.

b. Tous les préavis étaient favorables, sauf celui de la ville. En sollicitant l'application de l'art. 89 LCI, APV et l'ASLOCA revenaient en fait sur la problématique de la conservation de ces bâtiments au titre de patrimoine qui avait été déjà définitivement tranchée par le refus de leur inscription à l'inventaire (ATA/151/2007 précité). Les immeubles litigieux étaient susceptibles d'être surélevés selon la carte indicative concernant le secteur des Eaux-Vives. Le projet était conforme à l'art. 23 al 3 LCI prescrivant que l'augmentation de la hauteur du gabarit était autorisable dans la mesure où elle ne compromettait pas l'harmonie urbanistique de la rue et qu'il était tenu compte du gabarit des immeubles voisins. Le projet respectait les gabarits des immeubles voisins du côté de l'avenue de la Grenade et de la rue de l'Avenir. La commission d'architecture avait d'ailleurs émis un préavis favorable. Le projet était également autorisable en vertu de l'art. 11 al. 4 LCI. Il était également conforme à la LDTR. En effet, seul le bâtiment n° 186 était soumis à la loi précitée. Le rez-de-chaussée de cet édifice étant affecté à des activités commerciales et les combles n'étant pas habitables au sens de l'art. 49 al. 1 LCI, seuls les logements des 1er et 2e étages entraient en ligne de compte dans l'examen du cas au regard de la LDTR. Selon le service juridique LDTR, ce bâtiment comportait deux logements de 8 pièces, raison pour laquelle il avait limité la fixation des loyers aux deux logements de 5 pièces situés au 1er étage de l'immeuble projeté. A l'appui de leur argumentation, les propriétaires produisaient les plans du bâtiment n° 186 dont il résultait que le premier étage comportait 4 pièces alors que le deuxième étage présentait 5 pièces réparties sur la même surface. Les combles avaient une hauteur sous plafond comprise entre 1,26 mètre et 2,04 mètres culminant à 2,27 mètres.

25) Le département a communiqué ses dossiers au TAPI en date du 21 avril 2011 sans observations.

26) Dans son jugement du 13 septembre 2011 (JTAPI/943/2011), le TAPI a ordonné la jonction des causes sous la procédure A/519/2011 et a rejeté les recours.

Il n'y avait pas de violation du droit d'être entendu dès lors que la ville n'avait subi aucun préjudice puisqu'elle avait compris la portée de la décision et avait eu la faculté de la contester en temps utile et en toute connaissance de cause. La question du maintien des bâtiments visés par le projet avait déjà été tranchée de manière définitive par l'arrêt du Tribunal administratif (ATA/151/2007 précité) qui avait confirmé le refus d'inscription à l'inventaire. APV ne pouvait ainsi revenir sur ce sujet en sollicitant l'application de l'art. 89 LCI. Pour le surplus, le préavis délivré par la CMNS dans le cadre de l'examen des autorisations querellées était favorable et il n'y avait aucune raison de s'en écarter. Le dépassement de gabarit avait été soumis à la commission d'architecture qui avait préavisé favorablement le projet. Le TAPI n'avait pas à substituer sa propre appréciation à celle d'une commission composée de spécialistes. De surcroît, un dépassement de 0,56 mètre sur une hauteur autorisée de 22,37 mètres ne paraissait pas excessif. Aucun élément concret n'avait été fourni pour démontrer en quoi les appartements situés aux étages inférieurs des nouvelles constructions ne présenteraient pas des conditions acceptables en matière d'air et de lumière. En conséquence, le projet respectait l'art. 14 LCI. Il respectait également l'art. 15 LCI puisqu’aucun élément ne permettait de remettre en cause le préavis de la commission d'architecture et ne démontrait en quoi le projet de construction nuirait au caractère du quartier. Les griefs invoqués sous l'angle de la LDTR devaient également être rejetés. Le service compétent avait délivré un préavis positif et s'était fondé sur les éléments retenus par l'arrêt du Tribunal administratif du 15 novembre 2005 (ATA/765/2005) pour ce faire.

27) Par acte du 14 octobre 2011, l'ASLOCA a interjeté recours auprès de la chambre administrative à l'encontre du jugement précité en concluant à son annulation ainsi qu'à ce qu'un transport sur place soit ordonné. Elle a développé les griefs déjà soulevés devant le TAPI, à l'exception de l'argumentation ayant trait à l'application de l'art. 89 LCI.

Dans le cadre de l'application de la LDTR, elle a contesté le calcul de la surface de plancher affectée au logement effectué par le département. En effet, ce dernier n'avait pas tenu compte de la surface de plancher habitable des trois immeubles en cause et avait erré en basant son calcul sur le nombre de pièces. La durée du contrôle de loyers LDTR devait être fixée à dix ans et non à cinq ans. Par ailleurs, les loyers non compensatoires des nouveaux appartements devaient également être soumis au contrôle des loyers, ce qui n'était pas le cas, ces derniers ne figurant pas dans les autorisations délivrées par le département. Les appartements prévus dans les futurs immeubles ne correspondaient pas par leur genre et leur taille aux appartements existants dans les bâtiments qui devaient être démolis. Enfin, les deux appartements de luxe de 7 et 8 pièces en duplex ne répondaient pas aux besoins prépondérants de la population. Les façades de l'immeuble projeté avaient un gabarit de 17,90 mètres qui était conforme à la LCI compte tenu de la largeur de la rue de l'Avenir et de l'avenue de la Grenade. En revanche, ce gabarit n'était pas conforme à la loi du côté de la rue Sillem, cette dernière étant beaucoup plus étroite que les précédentes. L'autorisation ne pouvait se fonder sur l'art. 11 LCI puisque cette disposition n'autorisait que de modestes dérogations de hauteur.

28) Par acte du 17 octobre 2011, la ville a également interjeté recours auprès de la chambre administrative à l'encontre du jugement précité.

L'exigence de motivation était d'autant plus élevée que l'art. 11 LCI prévoyait un régime dérogatoire. En omettant d'indiquer l'alinéa pertinent, le département avait donc bien commis une violation du droit d'être entendu. Il se justifiait de faire application de l'art. 89 LCI car dans l'arrêt du 27 mars 2007 (ATA/151/2007 précité), la juridiction de céans avait refusé l'inscription à l'inventaire des bâtiments visés par l'autorisation de démolition uniquement afin de permettre la création d'un nombre supérieur de logements répondant aux besoins prépondérants de la population. Or, les autorisations querellées ne permettaient pas la construction d'un nombre de logements répondant aux besoins prépondérants de la population supérieur au nombre de logements existants. Le projet avait été autorisé en application du nouvel art. 23 LCI et sur le régime dérogatoire de l'art. 11 LCI. En application de l'art. 23 al. 3 LCI, l'augmentation du gabarit ne pouvait être autorisée que si elle ne compromettait pas l'harmonie urbanistique de la rue en tenant compte des immeubles voisins. Or, la construction projetée aurait une hauteur à la corniche de 17,90 mètres, soit près de trois mètres de plus que les immeubles adjacents. La surélévation violait ainsi l'harmonie urbanistique de la rue et n'était donc pas admissible. De plus, le projet n'avait pas tenu compte du fait que du côté de la rue Sillem, il n'existait pas de plan d'alignement valant plan d'affectation. Seul existait un plan technique d'alignement ne prévoyant pas d'autre alignement que celui à la limite de propriété. En conséquence, il fallait tenir compte de la distance à la limite de propriété qui n'était que de 7,75 mètres du côté de la rue Sillem et non d'environ 12 mètres comme du côté de l'avenue de la Grenade et de la rue de l'Avenir. Ainsi, le gabarit éventuellement admissible du côté de la rue Sillem était de 13,75 mètres au lieu des 17,60 mètres autorisés. A l'appui de cette argumentation, elle a produit un plan du service de l’urbanisme faisant état d'une distance de 7,74 mètres entre les limites de propriété ainsi qu'un plan d'alignement technique daté de 1985. En admettant une hauteur à la corniche de 17,60 mètres, l'autorisation revenait à fixer de facto un alignement sans respecter la procédure prescrite, notamment l'enquête publique. Cela impliquait une diminution des droits de la ville sur sa parcelle qui ne pouvait reposer que sur un plan en force, ou une base légale claire ou sur l'accord de la ville. Pour le surplus, aucune des conditions de l'art. 11 al. 4 LCI n'était réalisée en l'espèce. La dérogation accordée ne se justifiait ni par son aspect esthétique ni par sa destination. C'était à tort que le TAPI avait confirmé que seuls deux appartements démolis devaient faire l'objet d'une compensation au sens de la LDTR dès lors que seuls les mètres carrés étaient pertinents pour déterminer la validité de la compensation opérée et que le nombre de mètres carrés admis était insuffisant. La construction de deux appartements de luxe en duplex ne répondait pas aux besoins prépondérants de la population et violait l'art. 6 al. 2 LDTR.

29) Le 25 octobre 2011, le TAPI a transmis les dossiers à la chambre administrative sans observations.

30) Le 30 novembre 2011, MM. Bucher, D'Agostin et Maulini ont conclu au rejet des recours et à la confirmation du jugement attaqué en reprenant l'argumentation déjà développée devant le TAPI. Il y sera fait référence ci-après dans la mesure utile.

31) Le même jour, l'ASLOCA a déposé de nouvelles observations. Les appartements prévus dans le nouvel immeuble étaient tous destinés à la vente, à l'exception de deux 5 pièces au premier étage. Cette manière de faire était contraire à la LDTR, tous les appartements devant être destinés à la location pour un montant répondant aux besoins prépondérants de la population. Pour le surplus, elle a repris les arguments déjà développés dans son acte de recours. Elle a sollicité l'audition de Madame de Senarclens.

32) Le département a conclu au rejet du recours le 22 décembre 2011.

La commission d'architecture avait rendu un préavis favorable en constatant que le projet présenté était en tout point satisfaisant tant du point de vue architectural qu'au niveau de son insertion dans le périmètre considéré. Elle avait donné son accord à la dérogation prévue par l'art. 11 LCI pour ces raisons. La motivation était claire et les recourantes pouvaient contester la décision en toute connaissance de cause.

Dans son arrêt de 2007, le Tribunal administratif avait retenu que l'intérêt patrimonial des constructions litigieuses n'était pas très élevé et ne justifiait pas une mesure de protection. Sous l'angle de la protection du patrimoine, la question avait été définitivement tranchée. Il n'y avait donc pas de violation de l'art. 89 LCI.

L'autorisation querellée avait été délivrée sur la base de l'art. 23 LCI et une dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI avait été accordée pour la partie du bâtiment qui excédait le gabarit légal fixé par ledit art. 23 LCI. Le critère de l'harmonie urbanistique était également rempli puisque la commission d'architecture avait délivré un préavis favorable. La ville ne pouvait substituer son appréciation à celle de cette dernière commission.

Seule était applicable la première phrase de l'art. 23 al. 5 LCI, le bâtiment projeté se trouvant à front de voies publiques. Il fallait donc tenir compte de la distance entre alignements. Il ressortait du plan d'ensemble joint à la requête que tous les immeubles du côté pair de la rue Sillem jusqu'à la rue du Clos étaient érigés en retrait et formaient ainsi un alignement de fait. C'était pour cette raison qu'il n'avait pas été tenu compte de la distance à la limite de propriété de la parcelle de la ville. Il n'y avait pas lieu de calculer les distances sur cour car tant les immeubles existants que l'immeuble projeté se trouvaient uniquement à front de voie publique et ne donnaient sur aucune cour.

Il était inexact de soutenir que la dérogation prévue par l'art. 11 LCI ne s'appliquait qu'au gabarit et non aux distances dans la mesure où les distances étaient un des paramètres nécessaires au calcul du gabarit. L'art. 11 al. 4 LCI n'avait pas été violé parce que la dérogation accordée sur cette base était seulement de 56 centimètres, ce qui ne permettait pas de réaliser un étage supplémentaire. Le Tribunal administratif avait tranché de manière définitive la question de l'assujettissement des bâtiments à la LDTR en retenant que seul l'immeuble B 186 y était soumis (ATA/765/2005 précité). Le nombre de logements sis dans les bâtiments B 184 et B 187, leurs surfaces et leurs pièces n'étaient pas pertinents dans le cadre de la présente procédure. Ces logements n'étant pas soumis à la LDTR, il n'existait aucune obligation de compensation à leur égard ni de contrôle de loyers, puisqu'il s'agissait d'une nouvelle construction.

En revanche, la démolition reconstruction de l'immeuble B 186 devait répondre aux conditions de l'art. 6 LDTR. Selon le préavis LDTR, cet immeuble comprenait deux logements, soit 8 pièces. En effet, les combles n'étaient pas habitables au sens de l'art. 49 al. 1 LCI, leur hauteur variant de 1,26 mètre à 2,04 mètres avec un pic à 2,27 mètres. Selon l'extrait cadastral, le bâtiment B 186 avait une surface au sol de 83 m2. Les deux logements occupant chacun un niveau, la surface de chacun des logements ne pouvait excéder 83 m2. La surface des deux appartements de 5 pièces devant servir de compensation était respectivement de 94,8 m2 et de 94,7 m2. Il s'ensuivait que la compensation était suffisante. Quant à la durée de contrôle, l'art. 12 LDTR prévoyait que celle-ci était de cinq à dix ans en cas de construction nouvelle. L'autorisation fixant la durée à cinq ans était ainsi conforme à la LDTR.

33) Le 24 février 2012, le juge délégué a effectué un transport sur place en présence des parties. Le bâtiment sis rue de l'Avenir n° 17 (B 186) était squatté par une dizaine de personnes, et douze noms étaient affichés sur la porte d'entrée. Le rez-de-chaussée ne comportait pas de chambre à coucher, on y trouvait des installations pour la musique (écran, piano, scène avec une guitare, batterie…), un garage à vélos et un WC. Le chambranle d'une des portes du premier étage portait la trace d'une sonnette. A cet étage, on dénombrait une cuisine, une salle à manger et une chambre à coucher. Sur le palier du deuxième étage, le juge délégué a pu voir la trace de deux sonnettes. Cet étage comportait 5 pièces. Le plafond de l'une d'elle s'écroulait. Il était étayé. Les combles se trouvaient à l'étage supérieur. La hauteur sous plafond était d'environ 2 mètres, à l'exception de la partie mansardée, un peu plus haute. A l'issue de la visite, l'ASLOCA a sollicité à nouveau l'audition de Mme de Senarclens, qui a été refusée par le juge délégué. Un délai a été imparti aux parties pour renvoyer le procès-verbal, la cause étant ensuite gardée à juger.

34) Par pli du 18 avril 2012, l'ASLOCA a transmis à la chambre administrative copie de ses statuts modifiés lors de son assemblée générale ordinaire du 7 mars 2012. Dès cette date, le but de l'association, vouée à la défense des locataires, a été élargi à la protection de la qualité de l'habitat, visant notamment la qualité des immeubles et leur harmonie, ainsi que la protection de l'environnement et du patrimoine.

35) Le 7 mai 2012, les propriétaires ont conclu à l'irrecevabilité du recours de l'ASLOCA. En effet, en transmettant ses nouveaux statuts, cette dernière admettait implicitement qu'elle n'avait pas la qualité pour recourir au moment du dépôt du recours.

EN DROIT

1) Les recours de la ville et de l'ASLOCA ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La qualité pour recourir de l’ASLOCA en matière de LDTR est admise de jurisprudence constante par la chambre de céans (ATA/425/2012 du 3 juillet 2012 consid. 6 et les références citées ; ATA/313/2012 du 22 mai 2012 consid. 6). Elle lui a été en revanche déniée en matière de LCI, puisque selon ses statuts antérieurs au 7 mars 2012, elle ne se vouait pas par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites et ne remplissait donc pas les conditions de l'art. 145 al. 3 LCI (ATA/425/2012 précité, consid. 4 et 5). Peu importe le changement de statuts intervenu en cours de procédure, la qualité pour recourir devait exister au moment du dépôt du recours (ATA/425/2012 précité, consid. 3). Toutefois, en l'espèce, la ville, commune du lieu de situation de l'immeuble, dispose de la qualité pour recourir en matière de LCI tant en vertu de l'art. 145 al. 2 LCI qu'en vertu de l'art. 60 al. 1 let. b LPA en sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 2725. La question peut ainsi demeurer ouverte de savoir si en application de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, la ville dispose également de la qualité pour se prévaloir de la LDTR, même si elle était partie à la procédure en première instance, au sens de l'art. 60 al. l let. a LPA. La recevabilité de l'un et l'autre des recours sera donc admise, mais dans cette mesure seulement.

3) Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais prescrits par le droit cantonal. Cette garantie constitutionnelle n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148). Ces principes s’appliquent également à la tenue d’une inspection locale en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction (ATF 120 lb 224 consid. 2b p. 229 ; 112 la 198 consid. 2b p. 202 ; ATA/463/2011 du 26 juillet 2011 consid. 3).

L'ASLOCA sollicite l'audition de Mme de Senarclens. En l’espèce, il est superflu d'ordonner cette mesure d'instruction. En effet, le dossier de pièces en possession de la chambre administrative est complet et contient les éléments nécessaires pour lui permettre de se prononcer en toute connaissance de cause.

4) Selon la ville, le TAPI aurait écarté à tort le grief qu’elle avait soulevé, relatif à la violation du droit d'être entendu par le département, celui-ci n'ayant mentionné que l'art. 11 LCI dans l'autorisation de construire, sans préciser quel alinéa avait été appliqué pour justifier la dérogation accordée.

D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient ; il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 136 V 351 consid. 4.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 135 III 513 consid. 3.6.5 ; 134 I 83 consid. 4.1 ; ATA/531/2012 du 21 août 2012 ; ATA/460/2012 du 30 juillet 2012 consid. 7a ; ATA/724/2010 du 23 novembre 2010 consid. 3).

En l'espèce, la ville a parfaitement compris la portée de l'autorisation et a été en mesure de la contester en temps utile en faisant valoir tous ses arguments. Partant, ce grief sera écarté.

5) La ville considère que les bâtiments dont la démolition a été autorisée devraient être maintenus en application de l'art. 89 LCI, leur inscription à l'inventaire n'ayant été refusée que dans la mesure où seraient construits des logements répondant aux besoins prépondérants de la population.

a. Dans son arrêt du 27 mars 2007, le Tribunal administratif a confirmé le refus de la mise à l'inventaire des bâtiments formant l'îlot Sillem en considérant qu'en faisant primer l'intérêt à la construction de logements sur l'intérêt au maintien d'un élément du patrimoine, le département, n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation (ATA/151/2007 précité). Ce faisant, il n'a pas conditionné le refus d'inscription à l'inventaire à la réalisation d'un certain type de logement. Il a confirmé que la pesée des intérêts effectuée par le département entre l'intérêt patrimonial des bâtiments et l'intérêt public à la construction de logements était correcte, dans la mesure où, compte tenu des circonstances, l'intérêt lié à la conservation du patrimoine n'était pas très élevé. Cet arrêt n'ayant fait l'objet d'aucun recours, il est devenu définitif et exécutoire.

b. Selon l’art. 89 al. 1 LCI, l’unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés en dehors du périmètre de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, ainsi que du vieux Carouge, doit être préservée.

Sont considérés comme ensembles les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d’architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l’emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d’une composition d’ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

Les ensembles dont l’unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus (art. 90 al. 1 1ère phr. LCI).

La protection conférée par ces dispositions est une mesure de protection du patrimoine. En tant que telle elle n'est pas absolue, elle doit être conforme au principe de proportionnalité et implique une pesée des intérêts public et privé en présence (ATA/162/1998 du 24 mars 1998 consid. 7 et 8).

En invoquant la protection de l'art. 89 LCI, la recourante tente en fait de revenir sur un aspect du litige qui a déjà été tranché de manière définitive par l'arrêt du 27 mars 2007 dans lequel la juridiction de céans a confirmé que la pesée des intérêts effectuée par le département était adéquate. C'est d'ailleurs en faisant référence à cet arrêt que le SMS avait délivré un préavis favorable à la démolition des bâtiments. Ce grief sera donc rejeté, la question de la conformité des logements prévus devant par ailleurs être examinée au regard de la LDTR.

6) La ville allègue que l'augmentation du gabarit de l'immeuble projeté serait contraire à l'art. 23 LCI parce qu'elle compromettrait l'harmonie urbanistique de la rue, les cartes indicatives ne conférant aucun droit aux propriétaires à cet égard. De surcroît, le gabarit retenu ne tiendrait pas compte du fait que du côté de la rue Sillem, la distance pertinente serait inférieure à celle côté rue de l'Avenir et avenue de la Grenade. En effet, côté rue Sillem, le département se serait fondé de manière erronée sur la distance entre l'alignement des immeubles de part et d'autre de la rue. Comme il n'existe pas de plan d'alignement, il aurait fallu tenir compte de la distance à la limite de propriété avec la parcelle n° 2’725 appartenant à la ville, cette distance n’étant que de 7,74 mètres.

7) Le gabarit de hauteur de l’immeuble litigieux, situé en 2ème zone, est réglé par les art. 22 ss LCI.

a. Selon l’art. 23 al. 1 LCI, à front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut dépasser de plus de 3 mètres la distance fixée entre alignements (H D + 3). L'alinéa 2 de cette même disposition stipule que la hauteur de gabarit est calculée par rapport aux limites de propriétés privées conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 1 (H < 2D + 3).

b. Le 22 février 2008, le Grand Conseil a adopté une modification de l'art. 23 LCI (loi 10’088) selon laquelle le département peut autoriser le dépassement du gabarit d'un immeuble afin de permettre la création de logements supplémentaires, à condition que cela ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue en tenant notamment compte du gabarit des immeubles voisins (al. 3). Après consultation de la commune et de la CMNS, le département établit des cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d'être surélevés. La délivrance d'une autorisation en application de l'alinéa 3 est subordonnée à l'adoption par le Conseil d'Etat de la carte applicable à l'immeuble concerné (al. 4). A front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut toutefois pas dépasser de plus de 6 mètres la distance fixée entre alignements (H  D + 6). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 2 LCI (H  2D + 6) (al. 5). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 24 mètres (H  24) ; afin de permettre la construction de logements supplémentaires au sens des alinéas 3 à 5, la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 30 mètres (H  30) (al. 6). L'alinéa 7 réserve un certain nombre de dispositions qui restent applicables, dont les art. 10 et 11 LCI.

8) En l’espèce, d'après les plans visés ne varietur, la distance des immeubles en face est de 11,95 mètres sur l'avenue de la Grenade et de 11,87 mètres sur la rue de l'Avenir. Il résulte du guichet cartographique du système d'information du territoire genevois (SITG) que la distance entre alignements entre les bâtiments de part et d'autre de la rue Sillem est de 12,28 mètres alors qu'elle n'est que de 7,74 mètres si on la calcule en tenant compte de la distance entre limites de propriété. La hauteur du gabarit retenu par le projet, selon la loi modifiée, est de 17,66 mètres. L'immeuble culmine à 22,93 mètres. Selon un document produit par la ville, les immeubles qui se trouvent derrière l'îlot Sillem, et qui sont donc adjacents au bâtiment projeté, ont une hauteur à la corniche de 15 mètres et culminent au faîte à 19,50 mètres. Les mêmes hauteurs sont relevées pour les bâtiments en vis-à-vis côté rue de l'Avenir et côté rue Sillem. En revanche, côté avenue de la Grenade, la hauteur à la corniche est de 18 mètres et la hauteur au faîte est de 22 mètres.

9) Il ressort du dossier que le calcul du gabarit a été effectué sur la base de l'art. 23 al. 3 et ss LCI et que l'autorisation a été accordée grâce à une dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI, le gabarit retenu excédant finalement les gabarits de l'art. 23 al. 3 et ss LCI. En effet, l'autorisation n'a été accordée qu'après l'adoption par le Conseil d'Etat des cartes indicatives des immeubles susceptibles d'être surélevés et la commission d'architecture, dans son préavis, fait référence à une dérogation selon l'art. 11 LCI pour un « léger dépassement de gabarit ».

a. S'il est vrai que les cartes indicatives prévues à l'art. 23 al. 4 LCI ne confèrent aucun droit aux propriétaires concernés et n'ont, partant, qu'un caractère indicatif comme leur nom l'indique (ATA/529/2012 du 21 août 2012 consid. 6 ; MGC 2006-2007 XI/2, p. 9977ss, 9982), elles illustrent les immeubles susceptibles d'être surélevés sous l'angle exclusif de l'harmonie urbanistique de la rue. Ces cartes ne constituent en aucun cas une garantie qu'une possibilité de surélévation existe, dans la mesure où il faut encore que soient réalisées les autres conditions posées à la surélévation, soit notamment une largeur de rue suffisante et une distance suffisante aux limites de propriété (MGC 2006-2007 précité).

En l'occurrence, la commission d'architecture dans son préavis du 20 janvier 2009 a apprécié la création d'un ensemble cohérent qui, au vu de sa situation au bout d'un système, supporte d'être plus haut que les immeubles voisins.

Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/313/2012 du 22 mai 2012 consid. 10 ; ATA/113/2012 du 28 février 2012 consid. 8 ; ATA/360/2010 du 1er juin 2010 et les références citées).

La commission a donc considéré que de par sa situation géographique, le nouveau bâtiment ne compromettait pas l'harmonie urbanistique de la rue même s'il était plus élevé que la plupart des immeubles environnants.

En suivant le préavis de ladite commission, composée de spécialistes, le département puis le TAPI n'ont pas mésusé de leur pouvoir d'appréciation.

b. Le bâtiment projeté se trouve à front des voies publiques. Il ressort du plan d'ensemble joint à la requête que tous les bâtiments du côté pair de la rue Sillem sont érigés en retrait de la limite de propriété sur une même ligne jusqu'à la rue du Clos et constituent ainsi un alignement de fait. Le libellé de l'art. 23 al. 1 et 5 1ere phr. LCI se référant aux bâtiments à front des voies publiques tient compte de l'alignement des bâtiments et non de l'existence d'un plan d'alignement. Dès lors que les bâtiments sont alignés des deux côtés d'une rue, il se justifie de tenir compte de la distance entre alignements pour calculer la hauteur de gabarit, l'immeuble construit à l'angle rue Sillem / rue du Clos respectant par ailleurs également cet alignement sur la rue Sillem. C'est donc à juste titre que le projet tient compte de la distance entre les alignements qui en l'occurrence est égale, voire supérieure à celles côté rue de l'Avenir et avenue de la Grenade. La hauteur de 17,66 mètres dont les plans mentionnent qu'elle a été calculée selon les nouvelles dispositions de la LCI, soit les art. 23 al. 3 et ss, est effectivement conforme à cette disposition.

10) Reste à déterminer si une augmentation de gabarit allant jusqu'à 22,93 mètres pouvait être autorisée en vertu de l'art. 11 LCI.

L' art. 23 al. 7 LCI réserve expressément l'application de l'art. 11 LCI. Le Tribunal fédéral précise que la modification législative maintient donc le régime dérogatoire prévu à l'art. 11 LCI, comme le confirme l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi modifiant la LCI (PL 10088 ad art. 23 al. 6 LCI p. 11) ; l'art. 11 LCI permet ainsi de déroger, à certaines conditions, aux prescriptions relatives aux gabarits applicables dans la zone concernée (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_362/2011 du 14 février 2012 consid. 5.5).

Selon l'art. 11 al. 4 let. c et d LCI, le département peut, après consultation de la commission d'architecture, autoriser un dépassement du gabarit prescrit par la loi lorsque les constructions prévues ne nuisent pas à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération ni à la perception de sa topographie, se justifient par leur aspect esthétique et leur destination et sont compatibles avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier.

Les possibilités de dérogations offertes par l'art. 11 LCI ne se limitent pas à celles tendant à harmoniser la hauteur d'une nouvelle construction avec celle des bâtiments qui lui sont immédiatement contigus, l'alinéa 4 ne posant d'ailleurs pas cette exigence (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_362/2011 du 14 février 2012 consid. 6.1).

En l'espèce, le dépassement du gabarit a finalement été autorisé par le biais de la clause dérogatoire de l'art. 11 al. 4 LCI ; c'est en effet l'art. 11 LCI qui est mentionné expressément dans l'autorisation de construire. Consultée, la commission d'architecture avait émis un préavis favorable, précisant le 20 janvier 2009 qu'elle donnait son accord à la dérogation susmentionnée.

La chambre de céans observe une certaine retenue dans son pouvoir d’examen lorsque l’autorité inférieure a suivi les préavis. En effet, la commission, composée pour une part de spécialistes, est plus à même de prendre position sur des questions qui font appel aux connaissances de ces derniers, que la chambre administrative, composée de magistrats (ATA/385/2011 du 21 juin 2011 consid. 4 ; ATA/649/2002 du 5 novembre 2002).

Lorsque la consultation d'une commission de spécialistes est imposée par la loi, le préavis de celle-là est déterminant dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/113/2012 précité ; ATA/703/2010 du 12 octobre 2010 et les références citées).

En l'occurrence, le préavis de la commission d'architecture qui est motivé est imposé par la loi et a donc une valeur prépondérante par rapport à celui de la ville qui n'est pas obligatoire dans l'application de l'art 11 al. 4 LCI. La commission d'architecture a admis le dépassement de gabarit en prenant en considération la situation de l'immeuble au bout de l'îlot. S'il est vrai que son gabarit est supérieur à celui de l'immeuble mitoyen, l'immeuble qui lui fait face avenue de la Grenade culmine déjà à 22 mètres.

L'autorisation litigieuse respecte dès lors l'art. 11 LCI, expressément réservé par l'art. 23 LCI. Ce grief doit ainsi être écarté.

11) Enfin, les recourantes font valoir plusieurs violations de la LDTR, notamment l'absence de prise en compte des surfaces dans les trois immeubles à démolir, la limitation du contrôle des loyers, réduite à deux appartements du nouvel immeuble, ainsi que la durée insuffisante de ce contrôle. Pour le surplus, les typologies des appartements prévus dans le nouvel immeuble ne répondent pas aux besoins prépondérants de la population.

La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). Celle-ci prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

Elle s’applique à tout bâtiment situé dans l’une des zones de construction prévues par l’article 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et qui comporte des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l’habitation (art. 2 al. 1 LDTR). Ne sont pas assujetties, les maisons individuelles ne comportant qu’un seul logement (art. 2 al. 2 LDTR).

La chambre de céans a tranché de manière définitive la question de l'assujettissement des trois immeubles à la LDTR. Les bâtiments B 184 et B 187 étaient à l'origine des maisons individuelles, comprenant une arcade artisanale et un seul appartement au premier étage et dans les combles, partant ils ne sont pas assujettis à la LDTR. Seul l'immeuble B 186 y est soumis (ATA/765/2005 précité, consid. 4).

Les bâtiments B 184 et B 187 n'étant pas soumis à la LDTR, il n'existe aucune obligation de compensation et les logements qui doivent les remplacer ne sont pas soumis au contrôle des loyers. Pour examiner si les conditions de la LDTR sont remplies, seul entre en ligne de compte le bâtiment B 186.

12) Conformément à l'art. 5 LDTR, nul ne peut, sous réserve de l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 6, démolir tout ou partie d'un bâtiment, au sens de l'art. 2 al. 1, occupé ou inoccupé.

Le département peut accorder une dérogation (art. 6 al. 1 LDTR) : lorsque l’état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité ou la santé de ses habitants ou des tiers et s’il n’est pas possible de remédier à cet état de fait sans frais disproportionnés pour le propriétaire. Dans ce cas, la construction nouvelle doit comporter une surface de plancher affectée au logement au moins équivalente (let. a) ; lorsque l’intérêt public le commande, soit pour permettre la réalisation d’opérations d’aménagement ou d’assainissement d’intérêt public, de travaux publics ou la construction d’édifices publics (let. b) ; lorsque la reconstruction permet une sensible augmentation de la surface de plancher affectée au logement, tout en tenant compte du maintien ou du développement du commerce et de l’artisanat, lorsqu’il est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier (let. c).

Le département accorde la dérogation si les logements reconstruits répondent, quant à leur genre et leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants (art. 6 al. 2): du genre des logements existants (let. a); du prix de revient des logements reconstruits (let. b); du genre de l’immeuble (let. c); du nombre de pièces et des appartements, ainsi que de la surface des logements nouvellement créés (let. d).

Par besoins prépondérants de la population, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population (art. 6 al. 3 LDTR), soit compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année (Arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population publié dans la FAO du 30 juin 2006, auquel renvoie l'art. 6 al. 3 LDTR, en vigueur à l’époque où a été délivré le préavis LDTR).

Le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers de logements après travaux (art. 10 al. 1 LDTR). Les loyers et les prix de vente maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l'Etat, pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles (art. 12 LDTR).

Le bâtiment B 186 comporte un rez-de-chaussée et trois étages. Le rez-de-chaussée n'est pas dévolu à l'habitation, ce qui n'est pas contesté par les parties. La hauteur sous plafond du dernier étage, les combles, est comprise entre 1,26 mètre et 2,04 mètres avec un pic à 2, 27 mètres. Il n'est ainsi pas habitable au regard de l'art. 49 al. 1 LCI, qui prescrit un vide d'étage de 2,60 mètres.

Sont en revanche habitables les premier et deuxième étages. Le nombre de pièces que comportent ces logements varie au gré des documents consultés : 3 pièces par étage selon la demande d'autorisation, un appartement de 4 pièces et un de 5 pièces selon les plans produits par les propriétaires, et un appartement de 3 pièces et un de 5 pièces à teneur du procès-verbal de transport sur place.

Compte tenu du caractère aléatoire de ces chiffres, on ne peut se fier de manière absolue au nombre de pièces, il y a lieu de se référer aux surfaces soumises à la LDTR.

Selon l'extrait cadastral de la parcelle n° 243, sur laquelle est édifié le bâtiment B 186, ce dernier a une surface au sol de 83 m2. Il en résulte que les deux appartements occupant chacun un étage ne peuvent avoir une surface supérieure à 83 m2 chacun.

Il ressort des plans de l'immeuble projeté, visés ne varietur, que la surface des deux appartements de 5 pièces devant servir de compensation est de 94,8 m2, respectivement 94,7 m2. Il s'ensuit que le grief portant sur une compensation insuffisante des surfaces doit être écarté.

Enfin, la durée de contrôle des loyers de cinq ans est comprise dans la fourchette prévue par l'art. 12 LDTR régissant les nouvelles constructions. Elle est donc prévue par la loi et les recourantes n'ont pas démontré en quoi le département aurait outrepassé son pouvoir d'appréciation en fixant la durée du contrôle à cinq ans. Ce grief doit ainsi également être écarté.

13) Entièrement mal fondés, les recours seront rejetés dans la mesure où ils sont recevables.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à charge de l’ASLOCA, et une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à charge de la ville, seront allouées aux intimés comme participation aux honoraires de leur conseil (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu'ils sont recevables les recours interjetés le 14 octobre 2011 par l'ASLOCA et le 17 octobre 2011 par la Ville de Genève ;

met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à Messieurs Jean-Philippe Bucher, Michel Maulini et Zaccaria D'Agostin une indemnité de CHF 1'500.- à charge de l'ASLOCA ;

alloue à Messieurs Jean-Philippe Bucher, Michel Maulini et Zaccaria D'Agostin une indemnité de CHF 1'500.- à charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de l'ASLOCA, à la Ville de Genève, à Me Pascal Pétroz, avocat des intimés, au département de l'urbanisme, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

P. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :