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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2143/2023

JTAPI/654/2024 du 27.06.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUGMENTATION(EN GÉNÉRAL);PERMIS DE CONSTRUIRE;ZONE AGRICOLE;FORMALISME EXCESSIF
Normes : LAT.22; LAT.16a; LAT.37a; OAT.43; LAT.24c; OAT.42.al3; RCI.9.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2143/2023 LCI

JTAPI/654/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SA et B______ SA, représentées par Me Mark MULLER, avocat, avec élection de domicile

C______ SÀRL et D______ SA, intervenantes, représentées par Me Mark MULLER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA et B______ SA sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de E______ (ci-après: la commune), sise pour partie en zone agricole et pour partie en zone de bois et forêts, à l'adresse 2______ F______, et sur laquelle sont cadastrés deux bâtiments, dont un restaurant d'une surface totale de 379 m2 (bâtiment n° 3______) ainsi qu'une habitation d'un logement d'une surface totale de 52 m2 (bâtiment n° 4______). La parcelle est comprise dans le périmètre du plan de protection des rives de l'Arve n° 5______.

2.             Depuis la construction du bâtiment n° 3______, plusieurs aménagements et modifications ont été autorisées :

-                 en 1978, la construction de pergolas, d'une pataugeoire, d'une place de jeux et d'un chemin sur la parcelle avec nouvelle sortie sur la F______ (DD 6______) ;

-                 en 1980, l'agrandissement du rez-de-chaussée du restaurant, la transformation d'espaces intérieurs, la création d'une terrasse couverte ainsi que la création d'une terrasse ouverte avec vitrages sur le pourtour (DD 7______) ;

-                 en 1981, l'installation de sanitaires et d'un réduit au rez-de-chaussée supérieur de la façade Nord-Est/Nord-Ouest (DD 8______) ;

-                 en 1994, l'agrandissement du restaurant et l'installation d'une verrière au rez-de-chaussée inférieur, du côté de la façade Nord-Ouest (DD 9______) ;

-                 en 1998, des modifications des espaces intérieurs (APA 10_____).

3.             Le ______ 2014, le département a enregistré une demande de renseignement concernant le changement d'affectation de locaux de bureau en dancing a été déposée (DR 11_____). Le 7 août 2014, le département a accusé réception de cette demande en indiquant que sa décision serait communiquée ultérieurement. Le dossier ne contient aucune information sur la suite donnée à cette demande.

4.         D______ SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce genevois depuis le 30 janvier 2015, dont le siège est localisé au 2______ F______. Depuis 2015, le salon de massages érotiques le « G______ » est exploité au 1er étage du bâtiment n° 3______. Au rez-de-chaussée du même bâtiment se trouve l'établissement à l'enseigne C______, soit un restaurant.

5.             Par décision du ______ 2020 (I-12_____), intitulée « divers aménagements, constructions, installations, changements d'affectation, agrandissements et transformations du bâtiment, sans autorisation », le département du territoire (ci-après : le département) a interdit à D______ SA, en application des art. 129 ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), l'exploitation du salon de massages érotiques à l'adresse précitée, avec effet immédiat, et ce jusqu'à nouvel ordre, et de rétablir une situation conforme au droit, dans un délai de 60 jours, en procédant notamment à la remise en état du bâtiment n° 3______, soit l'utilisation du rez-de-chaussée supérieur, du 1er étage et des combles, comme café-restaurant, ainsi que la suppression et l'évacuation de l'agrandissement du bâtiment réalisé sur la terrasse du 1er étage (Sud-Ouest/Nord-Ouest), y compris la toiture installée sur la pergola bois et les façades vitrées autour de la terrasse. Le garde-corps sur le muret maçonnerie en périphérie de ladite terrasse était à reconstruire, conformément aux seules autorisations en force, une fois les façades vitrées démontées ; la suppression des locaux réalisés sur la terrasse Sud-Est au rez-de-chaussée supérieur; la suppression de la terrasse réalisée sur la toiture plate du Sud-Est, au 1er étage, y compris l'évacuation de la cabane et des palissades en bois installées en périphérie de celle-ci. Des garde-corps étaient à installer sur la toiture plate précitée, séparant ainsi la voie de fuite de la partie de la toiture non accessible, conformément aux seules autorisations en force; la suppression de fenêtres de toit (type velux) réalisées sur les versants Sud-Est et Nord-Ouest de la toiture sur combles; également la suppression et l'évacuation de divers éléments notamment sur la toiture et les façades.

Si la société souhaitait essayer de légaliser la présence de l'une ou l'autre des installations et/ou constructions précitées, il lui était loisible de déposer, dans un délai de 30 jours, une requête en autorisation de construire définitive et complète.

La société devait aussi procéder à l'évacuation des véhicules et à la suppression et l'évacuation de la terrasse et des palissades en bois installées autour de celle-ci réalisées au centre de la parcelle contre le rez-de-chaussée inférieur du bâtiment n° 3______, y compris les encombrants de toute sorte.

Cette décision fait l'objet d'une procédure pendante par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal ; cause n° A/13_____), laquelle est suspendue d'accord entre les parties (DITAI/14_____).

6.             Dans un courrier du 21 mars 2022 (fourre « correspondance » du dossier du département transmis au tribunal), le mandataire professionnellement qualifié (ci-après: MPQ) de propriétaires, Monsieur H______, s'est référé à la « correspondance » du département du ______ 2020 et à une réunion de conciliation qui avait eu lieu sur place ultérieurement entre des représentants du département, l'exploitant du dancing et les représentants des propriétaires. Récapitulant les autorisations qui s'étaient succédées au sujet des constructions présentes sur la parcelle, il a fait référence notamment à la demande de changement d'affectation déposée en 2014 pour transformer une partie des locaux commerciaux situés au rez supérieur pour les transformer en dancing, précisant que ce projet avait été accepté la même année. Il renvoyait à cet égard à des annexes référencées G1 pour la demande de changement d'affectation et G2 pour l'autorisation délivrée à ce sujet. Ces deux annexes figurent dans la fourre « documents-joints » du dossier du département transmis au tribunal. Celle référencée G2 correspond au courrier du 7 août 2014 mentionné plus haut, par lequel le département accusait réception de la demande en indiquant que sa décision serait communiquée ultérieurement.

7.             Le ______ 2022______ sous la plume de leur mandataire professionnellement qualifié (ci-après: MPQ), Monsieur H______, A______ SA et B______ SA ont sollicité du département la délivrance d'une autorisation de construire portant sur l'agrandissement, la transformation et le changement partiel d'affectation d'un restaurant, l'aménagement d'un dancing et d'un salon érotique ainsi que l'installation de pergolas dans le cadre de la régularisation de l'infraction I-12_____. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 15_____.

8.             Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, notamment:

-                 le 26 juillet 2022, la commune a préavisé favorablement le projet, sous conditions;

-                 le 8 août 2022, la commission des monuments et des sites (ci-après: CMNS) a requis la modification du projet. Après analyse du dossier et vu le contexte déjà largement imperméabilisé, elle demandait un projet modifié pour conserver l'emprise et la modénature des autorisations précédentes, à savoir principalement au niveau de la terrasse du rez inférieur dont les surfaces avaient été dessinées en vert. En effet, la parcelle étant en grande partie déjà imperméabilisée, les espaces extérieurs devaient être améliorés et les surfaces imperméabilisées ne pourraient en aucun cas excéder les surfaces valablement autorisées. Elle refusait également la fermeture de la pergola située à l'étage du bâtiment qui induisait des surfaces supplémentaires en zone inconstructible ;

-                 le 10 janvier 2023, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisant (ci-après: SABRA) a émis un préavis favorable, sous conditions ;

-                 le 12 janvier 2023, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN) a émis un préavis favorable avec dérogation selon les art. 37a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700), 43 de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) et 27C de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 – LaLAT), dès lors que les aménagements projetés ne portaient pas atteinte à l'exploitation agricole des terrains avoisinants, ainsi qu'à l'art. 11 al. 2 let. b de la loi sur les forêts (LForêts – M 5 10) pour les installations et agrandissements situés dans les 20 m à la forêt. Les conditions d'application et le respect des seuils fixés à l'art. 43 OAT, notamment la légalité des aménagements d'origine, devaient être appréciés par les autorités compétentes (l'office de l'urbanisme [ci-après: OU] et l'office des autorisations de construire [ci-après: OAC]) ;

-                 le 17 janvier 2023, l'office cantonal de l'eau (ci-après: OCEau) a requis la production de pièces complémentaires, soit d'un plan indiquant les surfaces actuelles et futures situées dans la surface inconstructible liée aux eaux, différenciées selon le type de construction (parking, habitation, …) afin d'examiner la conformité du projet à l'art. 15 al. 7 de la loi cantonale sur les eaux du 5 juillet 1961 (L 2 05 - LEaux- GE), relevant que le projet était intégralement situé dans la surface inconstructible au sens de l'art. 15 al. 1 LEaux-GE et dans l'espace réservé aux eaux selon l'art. 36a de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux – RS 814.20) ;

-                 le 17 janvier 2023, l'office de l'urbanisme (ci-après: OU) a requis la modification du projet, en réduisant les surfaces artificialisées pour ne pas dépasser les surfaces présentes et dûment autorisées le ______ 1980. Sous « remarques », il était précisé que cette construction était affectée à un restaurant au ______ 1980. Dès lors, elle était au bénéfice de la garantie de la situation acquise pour les constructions à usage commercial selon l'art. 37a LAT. Concernant les travaux de rénovation, de transformation et d'agrandissement, il s'agissait de vérifier l'application de l'art. 43 OAT. Les dispositions de l'art. 42 OAT étaient aussi applicables. Devant la complexité de ce dossier, le préavis ne se prononçait que sur les modifications ne disposant pas d'une autorisation de construire selon la documentation versée au dossier de la demande. La vérification de la conformité des constructions avec lesdites autorisations n'était pas effectuée. La balustrade Est pouvait être préavisée favorablement en application de l'art. 37a LAT. Quant à la terrasse couverte à l'étage, s'agissant de la fermeture des façades sur une structure de toiture dûment autorisée au ______ 1980, cette modification ne créait pas de nouvelles surfaces. Toutefois, elle portait atteinte à l'identité du site. L'OU s'en remettait à l'avis de la CMNS pour vérifier si les conditions définies par la LAT étaient réunies, à savoir si la modification visait à « une meilleure intégration dans le paysage » (art. 24c al. 4 LAT) et si « l'identité d'origine de la construction et de ses abords est respectée par cette transformation » (art. 42 al. 1 OAT). La verrière avait été autorisée en 1994 et n'était pas étudiée dans le préavis. Les règles pour les extensions extérieures des art. 42 et 43 OAT s'appliquaient par analogie aux aménagements extérieurs. En l'occurrence, les surfaces artificialisées (perméables ou non) ne devaient pas dépasser celles présentes et dûment autorisées au ______ 1980. En l'espèce, selon le document F3, ces surfaces avaient sensiblement augmenté. Il s'agissait dès lors de réduire leur emprise à celle de 1980 et de prévoir une remise en état des sols, y compris leur végétalisation ;

-                 le 23 janvier 2023, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) s'est prononcé favorablement au projet, sans observation ;

-                 le 6 février 2023, la police du feu a requis la production de pièces complémentaires, relevant que le dossier présenté ne permettait pas de juger du respect des prescriptions de protection incendie ;

-                 le 6 février 2023, la CMNS a réitéré son préavis du 8 août 2022 et n'est pas entrée en matière sur la mise en conformité de la terrasse du rez inférieur et la fermeture de la pergola à l'étage ;

-                 le 13 mars 2023, reprenant la teneur de ses précédents préavis défavorables, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a préavisé défavorablement le projet. L'objet de la requête nécessitait une dérogation au sens de l'art. 37a LAT et 27C LaLAT. Le respect des conditions pour l'octroi d'une telle dérogation n'était pas démontré et, à cette fin, il convenait de joindre un calcul au sens de l'art. 43 OAT et son schéma explicatif. Le dossier n'était pas conforme aux critères réglementaires de dépose d'une demande définitive (art. 9 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 [RCI – L 5 05.01]). Les plans de tous les niveaux du bâtiment avec affectations autorisées et projetées et le plan de toiture étaient à remettre. Sur les plans, l'ensemble des modifications, constructions et installations qui n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation de construire devaient figurer en teintes conventionnelles. La référence pour représenter les transformations et les nouvelles constructions (y compris les « pergolas ») était l'état autorisé : les plans des requêtes non autorisées ou des demandes de renseignements n'étaient pas à prendre en compte. Pour le changement d'affectation du restaurant en dancing, le dossier de demande de renseignements n'était pas une autorisation de construire. À défaut d'une autorisation de construire délivrée par le département, l'aménagement du dancing faisait partie des transformations et changement d'affectation et devait être intégré à la requête et représenté en teintes conventionnelles. La construction n'avait pas été transformée légalement : la seule affectation autorisée était celle d'un restaurant sur trois niveaux (rez inférieur – rez supérieur – 1er étage) et des chambres dans les combles (cf. DD 6______ (1978), 16_____ (______ 1978), 17_____ (______ 1979), 18_____ (______ 1980), 19_____ (______ 2981), DD 8______ (______ 1981), DD 9______ (______ 1994) et APA 10_____ (______ 1998). L'aménagement d'un dancing n'avait pas été autorisé. Le dossier était lacunaire et ne permettait pas de statuer : le plan du rez inférieur avec affectations n'avait pas été remis, le plan du rez supérieur indiquait un aménagement non autorisé teinté en noir. Les agrandissements précédemment autorisés concernaient l'affectation « restaurant ». Les documents remis n'apportaient pas d'explications sur la nécessité des affectations « dancing » et « salon érotique » pour le maintien de l'entreprise. Par ailleurs, la fermeture de la terrasse couverte au 1er étage comportait une modification de l'enveloppe thermique et le formulaire de requête était mal renseigné. Les documents et plans remis ne répondaient que partiellement au précédent préavis et n'apportaient aucun élément supplémentaire quant à la demande de dérogation. Le plan du rez inférieur n'était toujours pas rendu et l'aménagement de la zone grise du rez supérieur n'avait pas fait l'objet d'une autorisation ;

-                 le 28 mars 2023, l'office cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN) a requis la poursuite de l'instruction.

9.             Par décision du ______ 2023, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire DD 15_____.

Le bâtiment construit sur la parcelle n° 1______ avait déjà fait l'objet d'agrandissements, par décisions du ______ 1978 (DD 7______) et du ______ 1994 (DD 9______) et, à ce jour, n'avait fait l'objet d'aucune autorisation pour un quelconque changement d'affectation, la demande de renseignement déposée en date du ______ 2014 (DR 11_____) n'ayant apparemment pas été suivie d'effet.

La DAC, dans ses différents préavis, avait attiré l'attention du requérant sur le fait que les documents déposés ne lui permettaient pas d'analyser ce dossier, aucun calcul et aucun schéma explicatif n'étant notamment proposé pour lui permettre de distinguer la situation d'origine avec celle existante, plus particulièrement pour ce qui concernait les différents agrandissements déjà autorisés et celui faisant l'objet de la présente instruction, alors que cela pouvait facilement se faire à l'aide du formulaire Q03 (tableau pour les calculs au sens de l'art. 42 al. 3 OAT). Cette instance de préavis avait mis en évidence le fait que les plans de tous les niveaux du bâtiment, avec affectations autorisées et projetées (y compris de la toiture), ne lui avaient pas été remis, contrairement à ce que prescrivait l'art. 9 RCI. Elle a également rappelé que l'activité de dancing n'avait jamais été autorisée et que les plans devaient être modifiés en conséquence afin que cette nouvelle affectation y apparaisse.

L'OCEN avait également indiqué que dans la mesure où la terrasse du 1er étage devait être fermée, cela entraînait un changement au niveau de l'enveloppe thermique du bâtiment, sans que les données nécessaires et utiles à l'instruction ne lui aient été fournies.

La police du feu avait considéré ne pas avoir à sa disposition l'ensemble des éléments lui permettant de se prononcer sur ce dossier et l'OCEau avait demandé qu'un plan indiquant les surfaces actuelles et futures situées dans la surface inconstructible du cours d'eau, en différenciant le type de construction, lui soit également fourni.

Malgré les délais et prolongations octroyés, les quelques précisions apportées s'étaient révélées largement insuffisantes pour que ces instances puissent se positionner en connaissance de cause sur les différentes dérogations à accorder. Il était aussi précisé qu'en l'état, le dossier soumis à examen ne démontrait pas remplir les conditions pour l'octroi des dérogations requises.

10.         Par acte du 23 juin 2023, sous la plume de leur conseil, A______ SA et B______ SA (ci-après: les recourantes) ont formé recours contre la décision précitée, concluant à son annulation et à ce qu'un délai supplémentaire leur soit accordé pour compléter le recours, subsidiairement au renvoi du dossier au département, le tout sous suite de frais et dépens.

Le département avait à tort retenu que les documents qu'elles avaient déposés ne permettaient pas aux instances de préavis d'analyser le dossier.

11.         Par acte complémentaire du 14 août 2023, les recourantes ont complété leurs recours.

La demande d'autorisation de construire visant la mise en conformité avait été déposée suite à l'audience tenue dans le cadre du litige encore pendant qui les opposait au département au sujet de la décision de remise en état (A/13_____). D'entente avec le département, la demande d'autorisation de construire était limitée à la mise en conformité de la terrasse couverte du 1er étage et l'agrandissement de la pergola extérieure. Les autres éléments restaient inchangés. En particulier, ni le parking ni le restaurant ne faisaient l'objet d'un changement de fréquentation. Le projet ne comptait aucune construction nouvelle et se limitait à tenter de régulariser une situation existante depuis plusieurs dizaines d'années. Les modifications apportées au bâtiment depuis 1970 avaient toutes fait l'objet d'autorisations, voire d'interventions directes des autorités dans le cadre de l'assainissement des rives de l'Arve. L'ensemble des éléments à cet égard était déjà entre les mains du département. C'était donc à tort que ce dernier avait retenu la position des instances spécialisées affirmant qu'elles ne disposaient pas des éléments pour se prononcer. Les éléments nécessaires à cette fin ressortaient du dossier de la DD 15_____. Les compléments demandés résultaient d'une application trop stricte de l'art. 9 al. 2 RCI et débordaient du cadre de la demande d'autorisation de construire, sans aucune justification autre que de satisfaire des exigences procédurales, ce qui constituait du formalisme excessif.

L'ancienneté du bâtiment rendait impossible toute recherche d'une autorisation de construire initiale. Selon toute vraisemblance, sa construction remontait au tout début du XXe siècle, voir à la fin du XIXe. A l'exception des transformations faisant l'objet de la demande de régularisation, les transformations du bâtiment avaient toutes fait l'objet d'autorisations de construire, notamment avec les DD 7______ et DD 9______. En outre, dès lors qu'il s'agissait de la régularisation d'une situation existante et ancienne, sans l'ajout de nouvelles constructions, le projet n'emportait aucun nouvel impact important sur le territoire. Le projet n'impliquait notamment aucun changement de canalisation jusqu'aux points de raccordement du système public d'assainissement.

Les plans exigés par l'art. 9 al. 2 RCI avaient pour objectif de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer définitivement les contours, rendant ainsi possible un contrôle au stade de l'exécution. Or, les éléments déjà transmis permettaient d'atteindre cet objectif. La décision litigieuse était entachée d'arbitraire dans l'application de l'art. 9 RCI, en l'obligeant à produire de nombreux documents qui ne donnaient aucune précision sur le projet en question.

12.         Le 30 août 2023, C______ Sàrl et D______ SA, locataires des espaces du bâtiments n° 3______, ont sollicité leur intervention.

13.         Par décision du ______ 2023 (DITAI/21_____), le tribunal a admis la demande d'intervention précitée.

14.         Le 2 novembre 2023, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

Les demandes de compléments émises par les instances de préavis étaient pleinement justifiées et les réponses des recourantes insuffisantes.

Le plan requis par l'OCEau afin d'examiner les conditions de l'art. 15 al. 7 LEaux-GE lui permettait d'identifier et distinguer quelles étaient les surfaces des constructions existantes et autorisées, qui étaient ensuite devenues contraire à la zone d'affectation, suite à la modification d'un plan d'affectation et qui bénéficiaient de la garantie de la situation acquise (« surfaces actuelles »), et d'identifier celles qui faisaient l'objet de la transformation/agrandissement projeté, respectivement de la régularisation (« surfaces futures »). Dans sa réponse, le mandataire avait complété un plan au 1/100e du 1er étage, daté du 3 mars 2023, indiquant en rose une nouvelle affectation « zone commerciale », un plan du rez supérieur, daté du 28 septembre 2022, indiquant en rose une surface affectée actuellement à une activité commerciale pour laquelle un changement d'affectation en salon de massage était requise et enfin un extrait de plan du registre foncier sur lequel il était indiqué en rose la surface inconstructible à 30 m du cours d'eau et en rose clair la limite inconstructible à 50 m. Les plans remis ne précisaient cependant pas les surfaces totales ni n'apportaient de précisions quant au parking qui avait été réalisé. Il manquait également un plan des combles comportant les mêmes indications, ainsi qu'un plan du rez inférieur.

La police du feu avait requis un nouveau dossier de plans d'architecte de tous les niveaux du bâtiment et les coupes nécessaires à la compréhension du projet à l'échelle 1/100 au minimum. Tous les aménagements intérieurs devaient être visibles. Elle a aussi notamment requis le formulaire O01 rempli et signé par un spécialiste en protection incendie. Cette instance avait souligné qu'en l'état, le dossier ne permettait pas de juger du respect des prescriptions de protection incendie. Or, aucun de ces éléments n'avait été transmis.

La DAC avait constaté l'absence du formulaire de calcul selon l'art. 43 OAT et son schéma explicatif, lesquels étaient nécessaires afin d'examiner les possibilités d'agrandissement selon les art. 37a LAT, 43 OAT et 27C LaLAT. Elle avait aussi relevé qu'il manquait les plans de tous les niveaux du bâtiment précisant les affectations autorisées et projetées ainsi que le plan de toiture, précisant que l'ensemble des modifications, constructions et installations qui n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation de construire devaient figurer en teintes conventionnelles et rappelant que l'activité de dancing n'avait jamais été autorisée et que des plans devaient être modifiées pour faire apparaitre cette nouvelle affectation. Au surplus, aucun élément démontrant le caractère indispensable de l'agrandissement au maintien de l'entreprise n'avait été fourni. Dans son courrier du 21 mars 2023, le mandataire avait indiqué que les surfaces autorisées s'élevaient à 518 m2, ce qui correspondait à 20% « de la construction ». Il n'avait cependant produit aucun formulaire de calcul selon l'art. 43 OAT ni schémas ou plans claires et précis permettant de vérifier son calcul.

Dans la mesure ou sa demande visait la régularisation d'une construction, hors zone à bâtir, il était essentiel de fournir des documents précis et clairs afin que l'autorité puisse comprendre le projet et en contrôler sa conformité au droit. Or, le dossier était loin de satisfaire à ces exigences et était lacunaire, peu précis et entaché d'erreurs.

Les documents demandés selon l'art. 9 al. 2 RCI poursuivaient un intérêt digne de protection. Ces exigences formelles visaient non seulement à permettre l'instruction des demandes par le département et à contrôler leur conformité au droit, mais aussi à garantir l'exercice du droit de chacun de consulter et comprendre les projets de construction, voire à assurer les possibilités de recours des personnes concernées. Les demandes de compléments avaient été transmises au mandataire et de nombreuses prolongations de délais lui avaient été accordées. Il n'y avait donc aucun formalisme excessif ni arbitraire à exiger la production de ces documents. Au surplus, les recourants se contentaient d'affirmer de manière générale et péremptoire que les informations nécessaires figuraient déjà au dossier, sans préciser desquelles elles parlaient.

Les recourantes se limitaient à analyser sommairement les conditions de l'art. 43 al. 1 OAT, sans aborder les alinéas 2 et 3, et ne démontraient en aucune façon que ces conditions étaient remplies, ce qui s'expliquait par le fait que le dossier était lacunaire, rendant impossible de vérifier le respect du pourcentage de 30%, respectivement si l'agrandissement projeté en dehors du volume bâti dépassait les 100 m2. L'ancienneté du bâtiment n'empêchait pas la remise des documents complémentaires, puisqu'il avait fait l'objet de plusieurs autorisations de construire depuis 1978. Il était donc possible pour les recourantes d'entreprendre les recherches historiques nécessaires afin d'identifier les surfaces autorisées avant et après 1980. Ce faisant, elles avaient violé leur devoir de collaboration, dès lors que ces éléments relevaient indubitablement de leur sphère d'influence.

L'analyse portait sur l'impact qu'avaient les éléments construits sans autorisation, de sorte que le fait qu'il s'agissait d'une situation existante et ancienne n'était pas pertinent.

Concernant la nouvelle affectation envisagée, elle n'était pas conforme à la zone agricole. Faute de pouvoir bénéficier d'une dérogation selon les art. 24 ss LAT, elle violait le droit fédéral.

15.         Le 27 novembre 2023, les recourantes ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur argumentation.

Elles avaient fourni les compléments requis par l'OCEau, proposant notamment un plan du registre foncier illustrant l'état actuel de la parcelle ainsi que deux plans au centième détaillant la situation visée par la demande de mise en conformité. Dans son courrier d'accompagnement du 21 mars 2023, le MPQ avait indiqué que la seule surface incorporée dans le bâtiment depuis les années 1960 était la terrasse couverte du 1er étage, laquelle avait été fermée. Les plans des combles et du 1er étage avaient été fournis les 15 avril et 17 octobre 2022 et comportaient tous les éléments relatifs au changement d'affectation demandé.

Elles avaient attiré l'attention de la police du feu sur le fait que les pièces versées au dossier comprenaient bien les plans de chaque étage et que les dispositions des volumes restaient inchangées. Hormis les éléments visés par la demande de mise en conformité, le reste du bâtiment restait inchangé. En outre, les nouvelles activités entrainaient une fréquentation nettement inférieure des locaux. Cette instance disposait donc des éléments nécessaires pour se déterminer. Le formulaire O01 avait été transmis le 25 mai 2022.

Les plans transmis permettaient de distinguer les modifications, tant concernant le changement d'affectation des locaux de la maison que la terrasse en bois située à l'extérieur. Les zones affectées au dancing étaient clairement identifiées. Les surfaces de chaque espace étaient explicitement indiquées sur les plans au centième de chaque étage produit.

La demande de régularisation avait pour objet la régularisation des locaux dans lesquelles prenaient place les activités économiques de l'immeuble, soit un restaurant, un dancing et un salon de massage. Dans le courrier du 21 mars 2023, elles avaient précisé que l'agrandissement visé était d'une surface nette de 98.4 m2, soit 103 m2 bruts. Le caractère indispensable de l'agrandissement y était au surplus réaffirmé. Les activités en cause nécessitaient un espace important pour être économiquement viables. Cet élément avait également été précisé lors de la réunion de conciliation sur place en présence de représentants du département. Les plans produits illustraient ainsi parfaitement l'utilisation rationnelle des surfaces, chaque nouvelle affectation et sa surface correspondante. Les surfaces dont l'affectation était inchangée étaient aussi identifiées. Le refus du département n'était ainsi motivé que par le non-respect de prescriptions formelles, sans rapport avec le changement d'affectation.

16.         Le 18 décembre 2023, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Pour satisfaire à la demande de l'OCEau, le mandataire aurait dû remettre un plan des surfaces conformément à ce que prévoyait la directive sur la surface inconstructible au bord des cours d'eau et du lac, ainsi que le mémento d'aide à l'application de la directive, lequel contenait un exemple de représentation desdites surfaces, avec calculs des agrandissements. Bien que ces documents eussent été publiés le 27 octobre 2023, ils correspondaient à une pratique établie de longue date.

Un formulaire O01 apparaissait certes au dossier de la DD 15_____, mais il ne répondait pas à la demande de la police du feu, puisqu'il indiquait que le projet était classifié au degré 1, alors que cette instance l'avait classifié en degré 2, ce qui exigeait en outre la signature d'un spécialiste sécurité feu. Les plans produits n'étaient pas des plans d'architecte, mais des copies de plans d'archive modifiés. Les modifications qui n'avaient pas fait l'objet d'autorisation de construire n'y figuraient pas en teinte conventionnelles. Il manquait en outre l'indication de tous les aménagements intérieurs, notamment ceux du 1er étage. Les recourantes restaient muettes quant à l'absence de transmission de la feuille de calcul et du schéma selon l'art. 43 OAT.

Les affirmations des recourantes dans le courrier du 12 mars 2023 quant aux surfaces étaient invérifiables sans le formulaire de calcul selon l'art. 43 OAT, ni schémas ni plans clairs et précis. Par ailleurs, le dépôt d'une autorisation de construire pour tenter de régulariser des travaux entrepris illégalement ne suffisait pas à démontrer que l'agrandissement projeté était indispensable au maintien de l'entreprise.

17.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d'office et, dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent pas. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; ATA/1240/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6).

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3). Ce devoir comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c et les références citées). Il incombe aux parties d'étayer leurs propres thèses, de renseigner l’autorité sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles. La jurisprudence considère que le devoir de collaboration des parties à l'établissement des faits est spécialement élevé s'agissant de faits que la partie connaît mieux que quiconque. En l'absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d'éléments probants au dossier, l'autorité qui met fin à l'instruction du dossier en considérant qu'un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l'arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_611/2020 précité consid. 2.3 ; 1C_80/2018 du 23 mai 2019 consid. 4.1 ; ATA/1132/2022 consid. 4a).

6.             En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/791/2013 du 18 juillet 2023 consid. 6.1 et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/791/2013 précité consid. 6.1 et les références citées).

7.             Les recourantes contestent la décision de refus au motif que les exigences de compléments formulés par les diverses instances de préavis et reprises par le département seraient constitutives de formalisme excessif, dès lors que les informations à disposition auraient déjà permis d'examiner la conformité au droit du projet. Sur le fond, elles font valoir une violation des art. 24c et 37a LAT, 42, 43 OAT et 27c LaLAT.

8.             En vertu de l’art. 1 al. 1 let. b LCI, nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (cf. aussi art. 22 al. 1 LAT, qui prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente). En outre, selon l'art. 1 al. 6 LCI, aucun travail ne doit être entrepris avant que l’autorisation ait été délivrée.

9.             Selon l'art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. Une autorisation est délivrée si d'une part, la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone et d'autre part, si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. a et b LAT).

10.         Les zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction (art. 16 LAT).Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice, ainsi que les constructions et installations qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 et 2 LAT).

11.         À teneur de l'art. 16a al. 1 LAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions ou installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice ; seules les constructions dont la destination correspond à la vocation agricole du sol peuvent y être autorisées, le sol devant être le facteur de production primaire et indispensable (ATF 133 II 370 consid. 4.2 ; 129 II 413 consid. 3.1 ; 125 II 278 consid. 3a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_314/2009 du 12 juillet 2010 consid. 5.1 ; 1C_72/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1). L'art. 34 al. 1 OAT reprend cette définition en précisant que sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui servent à l’exploitation tributaire du sol ou au développement interne.

12.         À Genève, ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à l'activité agricole ou horticole et aux personnes l’exerçant à titre principal (art. 20 al. 1 let. a LaLAT) et qui respectent la nature et le paysage (art. 20 al. 1 let. b LaLAT) ainsi que les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (art. 20 al. 1 let. c LaLAT).

13.         En l’espèce, sis en zone agricole, le bâtiment n° 3______ n’est pas conforme à l’affectation de la zone, dès lors qu'il ne vise manifestement aucun usage agricole mais un usage commercial, ce qui n’est pas contesté.

14.         L'art. 37a LAT se rapporte aux constructions et installations à usage commercial sises hors zone à bâtir et non conformes à l'affectation de la zone. Il habilite le Conseil fédéral à définir les conditions auxquelles sont autorisés les changements d'affectation de telles constructions, érigées avant le 1er janvier 1980, date de l'entrée en vigueur de la LAT.

15.         Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence à l'art. 43 OAT, dont la teneur est la suivante :

Les changements d’affectation et les agrandissements de constructions et installations artisanales ou commerciales devenues contraires à l’affectation de la zone peuvent être autorisés : a. si la construction ou l’installation a été érigée ou transformée légalement ; b. s’il ne résulte aucun nouvel impact important sur le territoire et l’environnement ; c. si la nouvelle utilisation ne contrevient à aucune autre loi fédérale.

La surface utilisée pour un usage non conforme à l'affectation de la zone peut être agrandie de 30 %, les agrandissements effectués à l'intérieur du volume bâti existant comptant pour moitié (art. 43 al. 2 OAT).

Si l'agrandissement de la surface utilisée pour un usage non conforme à l'affectation de la zone en dehors du volume bâti existant excède 100 m2, il ne pourra être autorisé que s'il est indispensable au maintien de l'entreprise (art. 43 a. 3 OAT).

16.         Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que le principe contenu à l'art. 43 al. 1 let. a OAT se justifie dans la mesure où il n'y a « aucune raison d'étendre la garantie de la situation acquise aux bâtiments qui ont été édifiés illégalement ou qui ont été construits légalement, puis transformés sans avoir obtenu les autorisations requises » (arrêt 1A.12/2003 du 2 juillet 2003 consid 3.2).

17.         Ces dispositions ont pour objectif de permettre aux entreprises commerciales sises hors de la zone à bâtir de maintenir leur activité, de se moderniser et de se restructurer afin de préserver les emplois, le cas échéant en changeant d'orientation. Il s'agit d'une extension de la garantie de la situation acquise (art. 24c LAT) en faveur des constructions à usage commercial (arrêts du Tribunal fédéral 1C_176/2010 du 30 juillet 2010 consid. 2.2 ; 1A.12/2003 du 2 juillet 2003 consid 3.1 ; Bernhard WALDMANN/Peter HÄNNI, Raumplanungsgesetz, Berne 2006 n° 3 ad art. 37a ; Rudolf MUGGLI in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN (éd.), Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 2010, n° 2 et 4 ad. art. 37a).

18.         Ni l'ordonnance, ni la loi ne posent expressément d'exigence quant à la continuité de l'activité commerciale. Celle-ci découle toutefois clairement des buts de la réglementation, qui est d'accorder aux entreprises commerciales ou artisanales existantes la flexibilité dont elles peuvent avoir besoin en termes d'augmentation de capacité et d'adaptation des processus de production, pour pouvoir demeurer compétitives (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2010 du 30 juillet 2010 consid. 2.2 ; Rudolf MUGGLI, op. cit, n° 16). Il ne s’agit donc en aucun cas d'ouvrir des bâtiments commerciaux ou artisanaux désaffectés à des usages tout différents (idem), ou de permettre l'installation en zone agricole d'entreprises entièrement nouvelles (arrêt 1C_176/2010 précité consid. 2.2).

Cela étant, la flexibilité résultant de l'application de ces normes, déjà généreuse en soi, n'est pas sans limite. Ne sont ainsi admissibles que les changements d'affectation qui ne génèrent aucun nouvel impact important sur le territoire et l'environnement, qui exigent tout au plus une « légère extension » des équipements existants et qui sont conformes aux exigences majeures de l'aménagement du territoire. Cela implique en particulier que ces agrandissements doivent être limités et que des équipements entièrement nouveaux sont de toute façon exclus (Rudolf MUGGLI, op. cit., n° 2, 3, 12 et 18 ad art. 37a).

19.         Par ailleurs, le cadre défini par le droit constitutionnel commande de ne pas prendre à la légère le critère de la nécessité de l'agrandissement pour le maintien de l'entreprise. Il ne suffit pas que l'agrandissement envisagé soit pratique ou commode. Eu égard aux intentions du législateur, il faut en toute logique admettre qu’un agrandissement n'est indispensable au maintien de l’entreprise que dans la mesure où il apparaît, d’après le plan de développement de cette dernière, objectivement nécessaire à une exploitation rationnelle et conforme aux exigences actuelles. Cette notion juridique indéterminée ne fournit cependant aucune limite supérieure chiffrée ; elle ne fait qu’exclure les agrandissements dont la nécessité ne peut être établie. L’ampleur maximale des agrandissements est toutefois limitée par le critère du respect de l’identité des constructions, critère qui s’applique ici du simple fait que les agrandissements s’appuient sur l’art. 24c LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., 2010, n° 14 ad art. 37a, citant en particulier l'arrêt du Tribunal fédéral 1A.227/2004 du 6 avril 2005 consid. 3.2).

20.         Aux termes de l’art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Il en va de même des bâtiments d'habitation agricoles et des bâtiments d'exploitation agricole qui leur sont contigus et ont été érigés ou transformés légalement avant l'attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral. Le Conseil fédéral édicte des dispositions pour éviter les conséquences négatives pour l'agriculture (al. 3). Les modifications apportées à l'aspect extérieur du bâtiment doivent être nécessaires à un usage d'habitation répondant aux normes usuelles ou à un assainissement énergétique ou encore viser à une meilleure intégration dans le paysage (al. 4). Dans tous les cas, les exigences majeures de l'aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

21.         Selon l’art. 27c al. 1 LaLAT, traitant des « constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et devenues non conformes à l’affectation de la zone », le département peut autoriser la rénovation, la transformation partielle, l’agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l’époque, mais qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone à la suite d’une modification de la législation ou des plans d’affectation du sol, dans les limites des art. 24c et 37a LAT et 41 à 43 OAT et aux conditions fixées par ces dispositions.

22.         Selon la doctrine, la volonté du législateur était, par l'adoption de ces dispositions, que les constructions existantes contraires à l'affectation de la zone puissent faire l'objet de certaines modifications allant au-delà de la garantie de la situation acquise conférée par le droit constitutionnel, pour empêcher que ces constructions, en principe soumises à l'interdiction de bâtir, ne tombent petit à petit en ruine. Le principe constitutionnel de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire impose de n'admettre que les transformations nécessaires à la conservation des constructions à long terme et à leur adaptation à l'évolution des besoins. Les constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise doivent, pour l'essentiel, rester identiques (art. 42 al. 1 OAT), les modifications apportées à leur aspect extérieur étant soumises à des limites strictes (art. 24c al. 4 LAT ; Rudolf MUGGLI, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, ad. art. 24c LAT n. 7 et 10).

23.         Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement (art. 41 OAT ; cf. arrêts 1C_318/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1.1 ; 1C_660/2012 du 16 octobre 2013 consid. 4.2). L’art. 41 al. 1 OAT précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5).

Cette disposition n’est ainsi pas applicable aux constructions qui sont transformées ou érigées illégalement, même si le rétablissement de l’état conforme au droit n’a pas pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption. Le fait qu’une construction illicite en zone agricole a été tolérée pendant longtemps par les autorités et que le propriétaire est dès lors protégé dans sa bonne foi, empêche également l’application de l’art. 24c LAT et s’oppose tout au plus à une remise en état des lieux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_486/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.1.1 et les références citées).

24.         L’art. 42 OAT complète l’art. 24c LAT. Selon son alinéa 1, une transformation est considérée comme partielle et un agrandissement est considéré comme mesuré lorsque l’identité de la construction ou de l’installation et de ses abords est respectée pour l’essentiel. Sont admises les améliorations de nature esthétique. L’alinéa 2 dispose que le moment déterminant pour l’appréciation du respect de l’identité est l’état de la construction ou de l’installation au moment de l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible.

25.         En vertu de l’art. 42 al. 3 OAT, la question de savoir si l’identité de la construction ou de l’installation est respectée pour l’essentiel est à examiner en fonction de l’ensemble des circonstances. Les règles suivantes doivent en tout cas être respectées : a) à l’intérieur du volume bâti existant, la surface brute de plancher imputable ne peut pas être agrandie de plus de 60 %, la pose d’une isolation extérieure étant considérée comme un agrandissement à l’intérieur du volume bâti existant ; b) un agrandissement peut être réalisé à l’extérieur du volume bâti existant si les conditions de l’art. 24c al. 4 LAT sont remplies ; l’agrandissement total ne peut alors excéder ni 30 % ni 100 m2, qu’il s’agisse de la surface brute de plancher imputable ou de la surface totale (somme de la surface brute de plancher imputable et des surfaces brutes annexes) ; les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant ne comptent que pour moitié ; c) les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l’utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire.

26.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour que l'identité de la construction soit respectée au sens de l’art. 42 al. 3 OAT, il faut que son volume, son aspect extérieur et sa destination restent largement identiques et que ne soit générée aucune incidence nouvelle accrue sur l'affectation de la zone, l'équipement et l'environnement ; les transformations doivent être d'importance réduite par rapport à l'état existant de la construction (ATF 132 II 21 consid. 7.1.1 ; 127 II 215 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 précité consid. 2.2). Il n'est pas exigé que l'ancien et le nouveau soient tout à fait semblables ; l'identité se réfère aux traits essentiels de la construction, c'est-à-dire dans toutes ses caractéristiques importantes du point de vue de l'aménagement du territoire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 5.2 ; 1C_312/2016 du 3 avril 2017 consid. 3.1). Si la condition de l'identité du bâtiment n'est pas respectée, on est en présence d'une transformation totale et l'octroi d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24c LAT n'entre pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 précité consid. 5.2).

L'identité de la construction n'est en aucun cas respectée si l'ampleur de l'agrandissement est dépassée (art. 42 al. 3 phr. 2 OAT ; Rudolf MUGGLI, in op. cit., p. 277 n. 35 ss ad art. 24c LAT).

La jurisprudence a ainsi considéré que l’identité de la construction n’était pas respectée notamment dans le cas de l’aménagement d’un WC/douche et d’un sauna dans une grange (arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2017 du 3 octobre 2017), le remplacement d’une maison d’estive par une maison habitable à l’année (arrêt du Tribunal fédéral 1C_312/2016 du 3 avril 2017), le remplacement d’un chalet traditionnel par une maison individuelle moderne (ATF 140 II 509 ; 1C_786/2013 du 8 octobre 2014), la transformation d’un chenil en maison d’habitation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2012 du 8 janvier 2014), la transformation du logement des gérants d’un établissement hôtelier en maison de vacances privée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_488/2010 du 8 septembre 2011), le remplacement d’une grange par un chalet (arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2010 du 6 juin 2011), le remplacement d’un chalet par une maison moderne (arrêt du Tribunal fédéral 1C_268/2010 du 25 novembre 2010) ou la transformation d’un rucher en maison de week-end (arrêt du Tribunal fédéral 1A_238/2003 du 17 juin 2004).

L’identité de la construction était toutefois respectée dans les cas d’une réaffectation d’un stand de tir en maison de jeunes (arrêt du Tribunal fédéral 1C_281/2015 du 28 juin 2016) ou la réaffection d’une maison de retraite en foyer pour réfugiés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_178/2015 du 11 mai 2016).

27.         Selon la directive de l’Office fédéral du développement territorial (ci-après: ARE) (cf. Autorisations au sens de l’art. 24c LAT: modifications apportées aux constructions et installations devenues contraires à l’affectation de la zone de l’Office fédéral du développement, 2007; ci-après: directive ARE), la condition du respect de l’identité, posée à l’art. 42 al. 1 et 3 OAT, s’examine à la lumière de l’agrandissement de la surface utilisée, des modifications du volume construit, des changements d’affectation et des transformations à l’intérieur du volume construit, des modifications de l’aspect extérieur, des extensions des équipements, mais aussi des améliorations du confort et des frais de transformation engagés par rapport à la valeur du bâtiment (directive ARE, point 3.1, p. 8).

Le mode de calcul des valeurs mentionnées à l’art. 43 al. 3 let. a et b est précisé par la directive ARE. À l’instar du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_429/2014 du 17 juillet 2015 consid. 3.3), l’ARE fait référence à la notion SBPu. Selon cette Directive - dont la conformité au droit a été reconnue par le Tribunal fédéral (TF 1A.10/2005; 1A.298/2004; 1A.289/2004; 1A.290/2004; 1A.78/2004) -, la surface de référence qui permet de déterminer si les valeurs mentionnées aux let. a et b de l’art. 42 al. 3 OAT sont respectées ensuite d’un agrandissement, est donnée par la somme de toutes les surfaces en-dessous et en-dessus du sol de la construction existante qui sont utilisables en permanence pour l’habitation ou le travail; à cela, il faut ajouter la somme des surfaces annexes, comme les caves et les garages (cf. directive ARE, ch. 3.2 et annexe 1). La directive précitée prévoit en outre que la surface de référence permettant d’effectuer les calculs prévus à l’art. 42 al. 3 let. a et b OAT est définie par la somme des surfaces habitables et des surfaces annexes déjà existantes au moment de la modification déterminante du droit (cf. directive ARE, ch. 3.2). L'annexe 2 de la directive de l'ARE donne des exemples de calcul pour l'application de l'art. 42 al. 3 OAT ainsi qu'un modèle de feuille de calcul à copier.

Les méthodes de calcul de l'OAT relèvent du droit fédéral et ne peuvent être ni modifiée, ni précisées par le droit cantonal, à la seule réserve de l'art. 27a LAT. (Rudolf MUGGLI, in op. cit., p. 274 s., n. 31 ad art. 24c LAT).

28.         En tant que dérogation aux principes fixés à l'art. 24 LAT, l'art. 24c LAT ne saurait être interprété extensivement, voire avec souplesse. L'art. 42 OAT pose au contraire des limites claires aux modifications qui peuvent être apportées aux constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise (arrêts du Tribunal fédéral 1C_321/2012 du 25 février 2013 consid. 4.1 ; 1C_333/2010 du 2 février 2011 consid. 5.1).

Ainsi que le relève le Tribunal fédéral, le régime prévu par les art. 24c LAT et 42 OAT, en prévoyant des exigences élevées pour l'agrandissement du volume visible du bâtiment, tend principalement à décourager – dans la zone inconstructible – les projets s'inscrivant à l'extérieur du volume bâti existant, dans l'optique de préserver le caractère typique régional du paysage (cf. TF 1C_247/2015 du 14 janvier 2016 consid. 4.2). La doctrine souligne que le principe constitutionnel de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire impose de n'admettre que les transformations nécessaires à la conservation des constructions à long terme et à leur adaptation à l'évolution des besoins. Aussi convient-il de faire la distinction entre ce que les propriétaires considèrent comme souhaitable et ce que tolère le droit constitutionnel: les constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise doivent, pour l'essentiel, rester identiques, les modifications apportées à leur aspect extérieur étant soumises à des limites strictes (Rudolf MUGGLI, op. cit, n° 10 ad art. 24c LAT).

29.         Si la condition de l'identité du bâtiment n'est pas respectée, on est en présence d'une transformation totale et l'octroi d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24c LAT n'entre pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 5.2).

30.         A la différence de l’art. 24c LAT, les art. 37a LAT et 43 LAT admettent les changements d’affectation non seulement partiels mais aussi dans certaines limites complètes. Tous deux peuvent être combinés, dans les limites de l’art. 24 cLAT, avec un agrandissement.

31.         Le fait que les changements complets d'affectation soient autorisés ne signifie toutefois pas qu'une construction à usage commercial puisse être utilisée à n'importe quelle autre fin commerciale (selon le principe: « un commerce reste un commerce »). Ne sont admissibles que les changements d'affectation qui ne génèrent aucun nouvel impact important sur le territoire et l'environnement (art. 43 al. 1 let. b OAT), qui exigent tout au plus une légère extension des équipements existants et qui sont conformes aux exigences majeures de l'aménagement du territoire. Les changements complets d'affectation doivent donc, eux aussi, s'en tenir à l'« empreinte » de la construction existante sur le territoire. Dans la tradition de la jurisprudence relative à l'art. 24 al. 2 aLAT et à l'art. 24c LAT, on pourrait aussi parler ici de l'« identité territoriale » (Rudolf MUGGLI, op.cit. n. 17 p. 370).

32.         L’art. 15 LEaux-GE prévoit qu’aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 et 50 m de la limite du cours d’eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée à cette loi (s'il existe un projet de correction du cours d'eau, cette distance est mesurée à partir de la limite future). Cette carte et ses modifications ultérieures sont établies selon la procédure prévue par la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (al. 1).

Selon l’al. 3 de cette disposition, dans le cadre de projets de constructions, le département peut accorder des dérogations, pour autant que celles-ci ne portent atteinte aux fonctions écologiques du cours d'eau et de ses rives ou à la sécurité de personnes et des biens pour des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination (let. a) ; des constructions ou installations en relation avec le cours d'eau (let. b); la construction de piscines au bord du lac, pour autant que celles-ci ne dépassent pas le niveau moyen du terrain naturel (let. c).

Ces dérogations doivent être approuvées par le département et faire l’objet, hormis pour les requêtes en autorisation de construire instruites en procédure accélérée, d’une consultation de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites (al. 4). Elles peuvent également être assorties de charges ou conditions (al. 5). Les constructions et installations existantes dûment autorisées, qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont pas conformes à l'affectation de la zone, bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise. Le département peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction (al. 6).

33.         En droit genevois, les plans de zone, qui sont des plans d'affectation du sol, comprennent les zones protégées, qui constituent des périmètres délimités à l'intérieur d'une zone à bâtir ordinaire ou de développement et qui ont pour but la protection de l'aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés (art. 12 al. 5 LaLATv).

Les rives de l’Arve, selon la LPRArve, sont notamment désignées comme zones à protéger au sens de l’art. 17 LAT (art. 29 al. 1 let. j LaLAT ; art. 2 al. 1 LPRArve).

Selon l’art. 1 LPRArve, cette loi a pour but de protéger le site de l’Arve, de ses rives et de leurs abords, de permettre des accès publics aux rives de l’Arve en des lieux appropriés, dans la mesure où il n’est pas porté atteinte à des milieux naturels dignes de protection, et de fixer des aires de détente, de loisirs et de sport pour la population.

Le périmètre du territoire à protéger, délimité par le plan n° 5______ (ci-après : le plan n° 5______) dressé par le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement le 12 août 1993, modifié les 11 janvier et 29 mars 1995, est régi par les dispositions de cette loi (art. 2 al. 1 1ère phr. LPRArve).

La rénovation, la transformation, l’agrandissement de peu d’importance, ou la reconstruction de bâtiments et d’installations existants, peuvent être autorisés (art. 6 al. 1 LPRArve).

Les requêtes en autorisation de construire font l’objet d’un préavis de la commune concernée et de l’office du patrimoine et des sites, ainsi que de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature lorsque le projet de construction touche la sauvegarde du cadre végétal (art. 5 LPRArve).

34.         Conformément à l’art. 11 al. 1 LForêts, l’implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt, telle que constatée au sens de l’art. 4 LForêts, est interdite.

L’art. 11 al. 2 LForêts prévoit que le département peut accorder des dérogations pour :

a) des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination ;

b) des constructions de peu d'importance contiguës au bâtiment principal ou des rénovations, reconstructions, transformations, ainsi que pour un léger agrandissement de constructions existantes ;

c) des constructions respectant l’alignement fixé par un plan d’affectation du sol, un plan d’alignement, ou s’inscrivant dans un alignement de constructions existantes, pour autant que la construction nouvelle soit réalisée sur un terrain en zone à bâtir et située à 10 m au moins de la lisière de la forêt et qu’elle ne porte pas atteinte à la valeur biologique de la lisière.

Les demandes d’autorisation de construire sont soumises, pour préavis, à la commune concernée ainsi qu’à l'OCAN (art. 11 al. 3 LForêts). L’octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants, ainsi qu’à la sécurité de ces derniers et des installations ; ces dérogations peuvent être assorties de conditions relatives à l’entretien de la lisière et faire l’objet de compensations en faveur de la protection de la nature et du paysage (art. 11 al. 5 LForêts).

35.         Selon le système prévu par la LCI, les préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif. L’autorité de décision, qui n’est pas liée par ces préavis, reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (art. 3 al. 3 LCI ; ATA/873/2018 du 28 août 2018 consid. 6b ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013 ; ATA/719/2011 du 22 novembre 2011 et les références citées). Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/873/2018 du 28 août 2018 consid. 6b ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 ; ATA/1187/2017 du 22 août 2017 ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 ; ATA/534/2016 du 21 juin 2016 ; ATA/442/2015 du 12 mai 2015 ; ATA/634/2014 du 19 août 2014).

36.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elles se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c, 10e et les références citées).

L'autorité chargée d'appliquer la loi dispose d'un pouvoir d'appréciation lorsque celle-ci lui laisse une certaine marge de manœuvre, laquelle peut notamment découler de la liberté de choix entre plusieurs solutions, ou encore de la latitude dont l'autorité dispose au moment d'interpréter des notions juridiques indéterminées contenues dans la loi. Bien que l'interprétation de notions juridiques indéterminées relève du droit, que le juge revoit en principe librement, le juge doit néanmoins restreindre sa cognition lorsqu'il résulte de l'interprétation de la loi que le législateur a voulu, par l'utilisation de telles notions, reconnaître à l'autorité de décision une marge de manœuvre que le juge doit respecter, étant précisé que cette dernière ne revient pas à limiter le pouvoir d'examen du juge à l'arbitraire. Viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire le tribunal, qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'interprétation défendable qu'une autorité disposant d'autonomie a opérée d'une norme déterminée (ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les différents arrêts cités).

Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose donc une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, économique, de subventions et d'utilisation du sol (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4b ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 6b ; ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7c ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

37.         Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1). Le RCI détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d'autorisation publiée dans la Feuille d'avis officielle doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des mandataires professionnellement qualifiés dans la catégorie correspondant à la nature de l'ouvrage, au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40). Demeurent réservés les projets de construction ou d'installation d'importance secondaire qui font l'objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 3).

Les pièces devant être jointes à la demande d'autorisation de construire ainsi que les visas nécessaires sont énumérés à l'art. 9 al. 2 à 7 RCI. L'art. 9 al. 2 RCI établit la liste des différents plans et coupes nécessaires. Doivent ainsi notamment être produits des plans clairs, précis, bien ordonnés et cotés de tous les étages (sous-sols, caves et combles compris) avec désignation de tous les locaux. Ils doivent notamment porter l’indication des canaux de fumée et de ventilation, des portes, des escaliers, des W.-C., des réservoirs, des dévaloirs et de la chaufferie (10 ex.); en cas de transformation, les plans doivent être teintés en deux couleurs conventionnelles, soit jaune pour ce qui est à démolir et rouge pour ce qui est à construire (10 ex.) (let. f) ; un questionnaire relatif à la sécurité incendie (let. t) ; un tableau pour les calculs au sens de l'art. 42 al. 3 OAT, et schémas explicatifs, pour les constructions et les installations nécessitant une dérogation au sens de l'art. 27C LaLAT (let. bb).

38.         Les exigences formelles imposées par l'art. 9 al. 2 RCI ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter - et de comprendre - les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause (art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).

La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/1829/2019 précité).

Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

39.         Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 I 10 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 ; 2C_607/2019 du 16 juillet 2019 consid. 3.2). Autrement dit, il y a formalisme excessif si une procédure est soumise à des conditions de forme rigoureuses sans que cette rigueur soit objectivement justifiée, ou lorsqu'une autorité applique des prescriptions formelles avec une rigueur exagérée ou pose des exigences excessives en ce qui concerne la forme d'actes juridiques et empêche ainsi de façon inadmissible un citoyen d'utiliser des voies de droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1509).

40.         En l'occurrence, la décision de refus du département se base essentiellement sur l'absence de transmission des compléments requis par différentes instances de préavis, notamment la DAC, la police du feu et l'OCEau, et, conclut, qu'en l'état du dossier, les conditions des dérogations des art. 24c et 37a LAT et 43 OAT ne sont pas remplies. De son côté, le recourant conteste la nécessité desdits compléments et estime que les documents nécessaires étaient déjà versés dossier.

A cet égard, il faut tout d'abord souligner que la réalisation du projet nécessite l'octroi de nombreuses dérogations par le département, dès lors qu'il se situe en zone agricole, mais également en zone protégée des rives de l'Arve, de sorte que son instruction nécessite une analyse approfondie et détaillée de la part des instances de préavis et du département, ainsi qu'un strict respect des exigences posées par le droit public des constructions.

Dans ses différents préavis défavorables successifs, la DAC a toujours indiqué aux recourantes qu'il lui manquait des documents nécessaires pour pouvoir se déterminer sur les conditions d'application de l'art. 43 OAT et l'octroi d'une autorisation de construire dérogatoire, notamment au sujet de la comptabilisation des surfaces avec un schéma explicatif. Cette instance a en outre toujours requis la production des plans de tous les niveaux du bâtiment détaillant les affectations autorisées. Si les recourantes ont certes transmis des documents complémentaires en date du 12 mars 2023, force est de constater que le dossier ne contient aucun formulaire de calcul des surfaces ou schéma explicatif permettant l'examen des conditions d'application de l'art. 43 OAT, conformément à ce que prévoit la directive de l'ARE ainsi que l'art. 9 al. 2 let. bb RCI, ce qui suffit déjà en soi à confirmer que cette instance, ainsi que le département, ne disposaient pas de tous les éléments nécessaires afin de se déterminer au sujet du caractère autorisable des constructions/installations concernées sous l'angle des art. 24c et 37a LAT ainsi que 43 OAT. À cet égard, le fait que dans son courrier d'accompagnement du 12 mars 2023, le MPQ a avancé des éléments chiffrés n'est pas déterminant, dès lors que les plans produits ne permettent pas de les confirmer, en raison du manque de précision de ces documents. Par ailleurs, les différents jeux de plans indiquent des surfaces différentes, notamment s'agissant du 1er étage. En effet, selon le plan du 15 avril 2022, la « terrasse » est d'une surface de 98.4 m2, alors que sur le plan du 3 mars 2023, cette même surface est de « 103 m2 brut » et « 94 m2 net ». Il n'y a également aucune indication de surface au sujet de la « terrasse ouverte » sur le plan du 1er étage du 3 mars 2023. Par ailleurs, les plans du rez-de-chaussée et du 1er étage transmis suite aux demandes de compléments ne consistent qu'en une reproduction des plans d'archive de la DD 7______, et sur lesquels les anciennes affectations autorisées et nouvelles affectations sont indiquées. Ces plans complémentaires ne sauraient ainsi être qualifiés de suffisants en regard des exigences découlant non seulement de l'art. 9 al. 2 RCI, mais également des art. 24c et 37a LAT, ainsi que de l'art. 43 OAT. Comme l'ont déjà relevé les instances de préavis, il manque en particulier la possibilité de comparer les surfaces autorisées par les autorisations mentionnées sous considérant 2 de la partie en fait ci-dessus, et les surfaces existantes, toute différence devant être signalée soit comme projet de démolition, soit comme projet de construction dépendant de l'autorisation du département. À cet égard, il convient aussi de relever que le plan du rez supérieur du 18 octobre 2022 comportait des erreurs importantes au sujet des affectations autorisées, dès lors qu'il indiquait notamment « ancienne affectation dancing sans changement », alors que l'affectation de dancing n'a manifestement jamais été autorisée, étant précisé que la quittance d'enregistrement d'une demande de renseignement ne suffit pas pour faire valider un changement d'affectation. Cette erreur manifeste justifiait ainsi la demande de production de plans complémentaires conformes. S'agissant des autres affectations, sur les plans complémentaires produits, il est uniquement indiqué « ancienne affectation zone commerciale nouvelle affectation salon de massage », sans autre précision ni respect des teintes conventionnelles jaune et rouge.

S'agissant des compléments demandés par l'OCEau, notamment d'un plan permettant d'examiner la question de l'octroi d'une dérogation selon l'art. 15 LEaux-GE sous l'angle de la garantie de la situation acquise, cette exigence vise à permettre l'examen de la conformité au projet sous l'angle de l'art. 24c LAT, de sorte que cette exigence de l'OCEau est similaire dans son but à celle formulée par la DAC à cet égard. Ce constat a également pour corolaire de démontrer davantage la nécessité de la production du formulaire de calcul et du schéma explicatif des surfaces sous l'angle de l'art. 43 OAT. Au surplus, le raisonnement développé précédemment sous l'angle des demandes de compléments de la DAC peut être repris mutadis mutandis.

Concernant les documents complémentaires sollicités par la police du feu, le dossier ne comporte à l'évidence pas les plans de tous les étages du bâtiment et ceux produits restent généraux, sans que les aménagements intérieurs ne soient visibles, à l'instar de ceux exigés notamment à l'art. 9 al. 2 let. f RCI, de sorte que cette instance de préavis ne peut en l'état pas examiner le respect des prescriptions incendie. Concernant le questionnaire sécurité incendie O01, si le dossier en comporte certes une version datée du 25 mai 2022 indiquant un degré 1 de l'assurance qualité, dans son préavis défavorable du 6 février 2023, la police du feu a relevé que vu le contexte et les éléments communiqués, le dossier était classifié dans le degré 2 de l'assurance qualité en protection incendie, étant rappelé, à toutes fins utiles, que c'est l'autorité de protection incendie qui fixe le degré de l'assurance qualité attendu en fonction de l'affectation du bâtiment, de sa géométrie (hauteur, étendue), du type de construction et des risques d'incendie particuliers qu'il présente (Association des établissements cantonaux d’assurance incendie, Directive de protection incendie – assurance qualité en protection incendie, 2021 ch. 2.3.2 et 2.3.4). Dans cette mesure, le formulaire O01 déjà produit n'est à l'évidence pas suffisant au regard des exigences formulées par la police du feu, soit l'autorité compétente en matière de protection incendie.

Dans cette mesure, c'est conformément à ce que prévoit l'art. 9 al. 2 RCI que les instances de préavis ont exigé la production de documents complémentaires afin d'examiner la question de l'éventuel octroi de dérogations et, partant, la conformité du projet en regard du droit public des constructions. On ne saurait y voir un quelconque formalisme excessif, dès lors qu'aucun document du dossier ne permet, en l'état, de refléter les informations nécessaires et essentielles à cet examen, étant rappelé qu'il s'agit ici de l'examen de l'éventuel octroi d'une autorisation dérogatoire, ce qui nécessite un examen minutieux et stricte des conditions d'octroi. La rigueur dont fait preuve l'autorité intimée est ici pleinement justifiée.

Quoi qu'il en soit, nonobstant la question de la production des pièces complémentaires, il est manifeste que le dossier ne comporte aucune information relative à la nécessité du changement d'affectation au sens de l'art. 43 al. 3 OAT, en dancing/salon de massage et les recourants ne le démontrent également pas. En effet, il est seulement indiqué dans le courrier du 12 mars 2023 que « tous les agrandissements qui ont été exécutés au fil du temps sont indispensables au bon fonctionnement de l'entreprise », sans autre précision ni explication complémentaire, alors que la jurisprudence est claire sur l'importance de cette démonstration, qui suppose notamment des explications chiffrées, ce qui suffit en soi à confirmer le refus d'autorisation de construire dérogatoire.

Par conséquent, c'est sans commettre d'excès ou d'abus de son pouvoir d'appréciation que le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée vu l'absence de transmission de documents ou de tout autre élément permettant d'examiner la conformité du projet avec les normes applicables du droit fédéral de l'aménagement du territoire.

41.         Mal fondé, le recours est rejeté.

42.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants et les intervenantes, qui succombent, sont condamnées, prises solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 juin 2023 par A______ SA et B______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourantes et des intervenantes, prises solidairement, un émolument de CHF 1'800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Aurèle MÜLLER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

La greffière