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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1396/2018

ATA/1240/2018 du 20.11.2018 ( ENERG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1396/2018-ENERG ATA/1240/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 novembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A_____

contre

 

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Madame A_____ est propriétaire du bien-fonds sis B______, 1228 Plan-les-Ouates et domiciliée à cette adresse.

2. Le 29 septembre 2017, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) lui ont adressé une facture de consommation d'eau et d'électricité n° 1_____ portant sur la période du 29 mars au 25 septembre 2017 (cent quatre-vingt-un jours) pour un montant total de CHF 2'516.60.

La facture se composait de :

- CHF 652.46 pour l’électricité, toutes taxes comprises (ci-après : TTC), pour 2'741 kWh.

Le compteur n° 2_____ avait indiqué des index de 349'860 le 25 septembre 2017 alors que le précédent, relevé le 29 mars 2017, indiquait 347'119 ;

- CHF 1'838.76 TTC pour l’eau, pour une consommation totale de 360 m3.

Le compteur n° 3_____ avait indiqué des index de 10'713 le 12 septembre 2017 alors que le précédent, relevé le 29 mars 2017, indiquait 10'363, soit une consommation de 350 m3 ; le nouveau compteur n° 4_____ avait indiqué des index de 0 le 13 septembre 2017 et de 10 le 25 septembre 2017, soit une consommation de 10 m3.

3. Le 3 octobre 2017, Mme A_____ a formulé auprès des SIG son opposition à cette facture, indiquant qu'il fallait « voir avec le précédent propriétaire ».

4. Le 7 novembre 2017, les SIG lui ont expliqué avoir constaté, suite au départ de son prédécesseur en mars 2017, qu'il y avait eu de la consommation à cette adresse alors qu'il n'y avait plus d'abonné. Des recherches au registre foncier avaient permis d'établir qu'elle était propriétaire du bien-fonds depuis le 26 juillet 2016, de sorte que l'abonnement avait été mis à son nom. Elle était invitée à convenir d'un arrangement avec l'ancien propriétaire si elle estimait qu'une partie de cette consommation ne la concernait pas.

5. Le 16 novembre 2017, Mme A_____ s'est déclarée insatisfaite des explications fournies et a persisté à s'opposer à la facture. Elle n'avait pas souscrit d'abonnement à cette adresse car elle habitait alors encore à une autre. Elle estimait que cette consommation élevée concernait l'abonné précédent et demandait, le cas échéant, la preuve du contraire.

6. Le 1er décembre 2017, les SIG ont persisté dans leurs précédentes explications selon lesquelles de la consommation avait été enregistrée après le départ du précédent abonné, laquelle lui incombait en tant qu'actuelle propriétaire.

7. Le 4 décembre 2017, Mme A_____ a réitéré sa demande aux SIG de prouver que cette consommation élevée ne concernait pas le précédent abonné.

8. Le 21 décembre 2017, les SIG ont maintenu leur position, fondée sur l'art. 2 al. 5 du règlement pour l’utilisation du réseau et la fourniture de l’énergie électrique adopté par le Conseil d’administration des SIG le 27 août 1992, approuvé par le Conseil d’État le 10 février 1993, dans sa teneur au 1er septembre 2013 (C.1.1 - ci-après : RE).

9. Le 11 janvier 2018, Mme A_____ s’est opposée une nouvelle fois à la facture litigieuse. Lors de l'achat du bien-fonds, lorsqu'elle s'était renseignée auprès des SIG s'agissant des démarches pour couper l'eau et l'électricité, il lui avait été répondu qu'elle ne pouvait pas résilier un abonnement établi au nom du précédent propriétaire, mais qu'il fallait attendre sa résiliation (sic !). Par ailleurs, les SIG n'avaient toujours pas, afin de dissiper tout malentendu, fourni la preuve que la consommation ne concernait pas le précédent abonné.

10. Par décision du 28 mars 2018, les SIG ont rejeté la réclamation de Mme A_____ du 3 octobre 2017 et confirmé la facture de consommation n° 1_____ du 29 septembre 2017 d'un montant de CHF 2'516.60.

Au départ du précédent titulaire du rapport d'usage le 28 mars 2017, les SIG avaient procédé au relevé des compteurs, ce qui leur avait permis de résilier son abonnement à cette date et de lui facturer le solde de sa consommation réelle. Depuis lors, le compteur SIG avait enregistré une consommation d'électricité dans les locaux inoccupés, raison pour laquelle Mme A_____ était, en tant que propriétaire, responsable du paiement de la facture.

11. Le 26 avril 2018, Mme A_____ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant implicitement à son annulation.

Elle maintenait son opposition à la facture SIG n° 1______ d'un montant de CHF 2'516.60 et renouvelait sa demande visant à obtenir les relevés précis des compteurs avec les dates de relevés, le nom de la personne ayant effectué ces relevés, ainsi que la copie de la dernière facture émise au précédent titulaire du rapport d'usage, respectivement propriétaire.

La facture, exorbitante, portait sur des consommations très importantes qui ne pouvaient pas concerner uniquement la période mentionnée, puisque le
bien-fonds n'avait pas été occupé entre mars et fin juillet 2017. Il lui avait d'ailleurs été rapporté que les compteurs n'étaient plus relevés par les SIG depuis plusieurs années. Comme l'admettaient les SIG, toutes les consommations jusqu'au 28 mars 2017 étaient à la charge de l'ancien propriétaire. Or, ils n'avaient pas pu relever les compteurs à cette date, dans la mesure où elle avait elle-même reçu les clés de sa maison ce jour-là. Aucune facture n'avait été émise avant le 29 septembre 2017, soit six mois après les prétendus relevés. De plus, les SIG étaient venus changer le compteur d'eau lorsqu'elle avait annoncé son transfert d'adresse entre son ancien domicile et son domicile actuel sis B______, ce avant qu'elle ait pu relever l'index de l'ancien compteur.

À ce jour, le compteur d'eau affichait 154 m3 pour la consommation depuis le 12 septembre 2017, à savoir environ deux cent vingt jours, soit bien moins que les 350 m3 facturés pour quatre mois d'inoccupation et un mois et demi d'occupation. Compte tenu des circonstances et de l'incapacité des SIG à lui fournir les preuves demandées, il était évident que les consommations facturées ne reflétaient pas la réalité.

12. Le 29 mai 2018, les SIG ont notamment conclu au rejet du recours de Mme A_____ et à sa condamnation aux frais de la présente procédure.

Conformément aux pièces produites à l'appui de la réponse, à savoir la facture litigieuse et une photo prise par les SIG dans leurs ateliers après dépose dudit compteur le 12 septembre 2017, la valeur d'index relevée pour l'ancien compteur d'eau n° 3_____ était de 10'713 m3.

Le compteur précité était en fonction depuis plus de dix ans et avait fait l'objet d'un renouvellement comme n'importe quel autre compteur fonctionnant depuis longtemps.

Pour l'établissement de la facture contestée, un relevé des index des compteurs SIG avait été effectué le lendemain de la résiliation effective du rapport d'usage de l'ancien titulaire, soit le 29 mars 2017, et un autre relevé avait été fait le 25 septembre 2017. Dès lors, l'allégation de la recourante selon laquelle aucun relevé n'aurait été effectué avant l'établissement de la facture n° 1_____ n'était pas pertinente, puisqu'elle ne concernait pas la consommation d'eau et d'électricité antérieure au 29 mars 2017.

Au surplus, des travaux privés au sein de la villa sise B______ étaient en cours d'exécution lors du relevé sur place du 29 mars 2017, travaux susceptibles d'expliquer la forte consommation d'eau et d'électricité et dont les SIG n'étaient pas responsables dès lors qu'ils concernaient exclusivement le domaine privé de la recourante.

Les dispositions applicables au sujet de la responsabilité du propriétaire foncier concernant le paiement des consommations d'énergie pour des locaux inoccupés étaient claires, de sorte que les SIG maintenaient leur position.

13. Mme A_____ a répliqué le 19 juin 2018, persistant dans ses précédentes conclusions.

La seule chose qu'elle contestait était la consommation exorbitante de la facture litigieuse. Les SIG, qui persistaient à se référer à un relevé des index des compteurs le 29 mars 2017, ne produisaient toujours pas les pièces y relatives, de sorte qu'elle maintenait sa demande. Sans ces justificatifs, elle considérait que la facture était nulle.

14. Sur demande du juge délégué, les SIG ont produit :

- la copie de la facture au 9 mars 2017 de l’ancien titulaire du rapport d’usage ;

- le détail des relevés des 29 mars et 25 septembre 2017 de Mme A_____ ;

- copie des factures de Mme A_____ pour la période entre mars et septembre de 2018. Celle d’août et septembre 2018 portait sur cinquante-cinq jours, pour 294 m3 d’eau et CHF 1'339,85 pour ce seul poste.

15. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 18 octobre 2018.

a. La recourante a relevé que les relevés de l’eau n’avaient pas été produits. Ceux du 29 mars 2017 versés au dossier indiquaient avoir été établis à minuit. Elle était devenue propriétaire du bien-fonds avec son époux début mai 2016. Ils avaient reçu les clés fin mars 2017. Ils avaient déménagé dans le bâtiment en septembre 2017, mais s’y rendaient occasionnellement depuis mars 2017. Ils avaient effectué des travaux dans la maison dès fin mars 2017 qui avaient duré cinq mois et avaient consisté principalement dans la réfection des sols et peintures. Ils avaient aussi refait les salles de bains. Le jardin avait été aménagé courant 2018. La piscine consistait en une coque qui devait rester remplie, ce qu’elle était déjà en mars 2017. L’arrosage automatique n’était pas en service en 2017. Ils s’en étaient occupés au printemps 2018.

Elle contestait le fait que quelqu’un « soit entré dans la maison en mars 2017 sans aucune autorisation ou en tous les cas qu’il n’y ait pas eu quelqu’un de présent ».

Elle ne contestait pas qu’il y ait eu une consommation d’eau et d’électricité entre fin mars et leur emménagement compte tenu des travaux. Elle n’en contestait que le montant. Il n’y avait pas eu de travaux extérieurs en 2017. S’agissant de la dernière facture de consommation août-septembre 2018, leur consommation avait été exceptionnelle. L’été avait été très chaud et ils venaient d’aménager le jardin. De surcroît, leur voisin les avait informés que leur arrosage automatique, qu’ils venaient de mettre en service, avait des fuites.

Tant son interlocuteur lorsqu’elle avait téléphoné en septembre 2017 aux SIG, que le collaborateur qui était passé faire le relevé à la même période lui avaient indiqué que le bien-fonds n’avait pas fait l’objet de relevés de compteur depuis plus de trois ans. Les SIG lui avaient aussi indiqué que la résiliation par l’ancien propriétaire devait être exclusivement faite par lui et que les nouveaux propriétaires ne pouvaient pas avoir d’influence sur la date. Les nouveaux propriétaires se rendraient compte du changement d’usager lorsque l’eau et l’électricité seraient coupées.

b. Les représentants des SIG ont indiqué que l’heure du relevé électricité n’était due qu’à une question de synchronisation informatique. Si un nouveau propriétaire s’annonçait, cela provoquait la résiliation de l’ancien rapport d’usage. Il ressortait du dossier que leur collaborateur avait mentionné en mars 2017 que la villa était en travaux. Pendant lesdits travaux, les ouvriers avaient dû lui laisser l’accès au compteur comme cela se faisait usuellement.

Il n’y avait pas eu formellement de résiliation du prédécesseur. Le dernier relevé datait de 2013. En l’absence de relevés pendant trois ans, le système alertait les SIG. Une facture délibérément plus élevée était produite dans l’optique de susciter une réaction. En l’espèce, il n’y avait pas eu de réaction. S’en suivait normalement une lettre recommandée. L’ancien propriétaire n’y avait pas non plus réagi. Dans de telles circonstances, un agent de terrain, spécialisé, était envoyé sur les lieux. Cela s’était en l’occurrence fait le 28 mars 2017.

Ils contestaient les réponses faites oralement à la recourante. Elles n’étaient pas conformes à ce qui se pratiquait usuellement.

16. Dans le délai imparti, les SIG ont produit les relevés d’eau aux 28 mars 2017 et 29 septembre 2017.

17. Dans ses observations finales, Mme A_____ a persisté dans ses conclusions. Elle a produit différents documents.

18. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. À titre liminaire, il convient de définir le droit applicable à la présente procédure.

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu’un changement de droit intervient au cours d’une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l’angle du nouveau ou de l’ancien droit se pose. En l’absence de dispositions transitoires, s’il s’agit de tirer les conséquences juridiques d’un événement passé constituant le fondement de la naissance d’un droit ou d’une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 403 ss).

Le 1er mai 2018 est entrée en vigueur la loi sur l’organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24), laquelle a notamment eu pour conséquence de modifier la loi sur l’organisation des SIG du 5 octobre 1973 (LSIG - L 2 35). Au vu des principes rappelés ci-dessus et les faits examinés in casu ayant eu lieu avant le 1er mai 2018, il sera fait application de la LSIG dans sa version en vigueur au moment de leur déroulement (ci-après : aLSIG).

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 36A aLSIG ; art. 50 al. 2 du règlement pour la fourniture de l'eau adopté par le Conseil d'administration des SIG le 9 septembre 2014, approuvé par le Conseil d'État le 26 novembre 2014, dans sa teneur au 1er janvier 2015
(A.1.1 - ci-après : RO) ; art. 57 al. 2 RE ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3. Le litige porte sur la décision sur réclamation du 28 mars 2018 confirmant la facture de consommation d'eau et d'électricité n° 10'302'611 pour un montant de CHF 2'516.60 adressée par les SIG le 29 septembre 2017 à la recourante, laquelle conteste être débitrice de cette somme et sollicite la production de justificatifs.

4. Les SIG ont notamment pour but de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz et l’électricité (art. 1 aLSIG), ils sont dotés de la personnalité juridique et sont autonomes dans les limites fixées par la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) et par la loi (art. 2 aLSIG).

Les organes administratifs des SIG sont le conseil d'administration et le conseil de direction. Le conseil d'administration est l'autorité supérieure des SIG. Sous réserve des compétences du Grand Conseil et du Conseil d'État, le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion des SIG. Parmi ses attributions, il établit les conditions des contrats d'abonnement et les tarifs de vente. Les conditions des contrats d'abonnement et les tarifs de vente sont soumis à l'approbation du Conseil d'État. L'art. 16 al. 1 en relation avec l'art. 38 let. a LSIG/GE constitue une base légale suffisante pour la détermination des tarifs de vente de l'eau (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 5.3).

5. a. L’eau et l'électricité fournies à l’usager sont mesurées par des compteurs et autres instruments de mesure (ci-après : instruments de mesure) mis à disposition par les SIG qui en restent propriétaires. En principe, pour chaque branchement, il est installé un compteur mesurant la totalité de l’eau et de l'électricité passant par le branchement (art. 41 al. 1 et 2 RO ; art. 46 RE).

La consommation de l’eau et de l'électricité fournies aux instruments de mesure est relevée à intervalles périodiques par les SIG. Le coût de l’eau et de l'électricité fournies et les taxes et redevances tarifaires sont facturés à intervalles périodiques déterminés par les SIG qui adressent un bordereau à l’usager (art. 46 al. 1 et 2 RO ; art. 46bis RE).

Selon les art. 5 al. 2 RE et 5 al. 2 RO, le propriétaire de l’immeuble est responsable vis-à-vis des SIG du paiement de la rémunération de l’utilisation du réseau et de l’énergie consommée, respectivement de l'eau consommée par ledit immeuble, ainsi que de toutes autres redevances et taxes pour des locaux inoccupés et des installations inutilisées.

Lorsque, par suite d’un défaut technique ou d’une erreur de raccordement, la quantité d’eau enregistrée aux instruments de mesure n’est pas exacte, il sera alors procédé à une évaluation de la consommation. Cette estimation sera établie en prenant comme base la consommation habituelle d’une période similaire pour autant que les conditions d’utilisation des installations de l’usager soient restées sensiblement les mêmes (art. 44 RO). En cas de contestation sur les indications d’un instrument de mesure, ce dernier sera contrôlé dans les ateliers des SIG. Si l’erreur dépasse plus ou moins de 5 %, les factures contestées seront rectifiées (art. 45 al. 1 RO ; art. 48 et 49 RE).

b. La jurisprudence du Tribunal fédéral a encore rappelé récemment que la réglementation applicable à la fourniture d'eau pose le principe selon lequel la consommation d'eau s'apprécie en fonction des mesurages opérés par les compteurs installés à l'entrée des installations des privés. Ce n'est que s'il est avéré que les compteurs sont frappés de dysfonctionnements techniques que les mesures qu'ils livrent ne comptent pas (art. 44 RO ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_783/2017 du 25 janvier 2018 consid. 1.2.3).

6. En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d’office et, dans la mesure où l’on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s’appliquent pas. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; ATA/1058/2017 du 4 juillet 2017 consid. 5 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 518 n. 1563).

7. Dans la première phrase de son recours, l’intéressée mentionne qu’elle a fait opposition à l’encontre de « cette facture exorbitante qui semble ne pas nous incomber entièrement ».

8. a. A qualité d'usager, le titulaire du rapport d’usage expressément désigné comme tel par une décision arrêtée par les SIG (art. 2 al. 1 RO et RE).

Le propriétaire d’un immeuble est responsable vis-à-vis des SIG du paiement de l'eau et de l’électricité consommées par ledit immeuble, ainsi que de toutes autres redevances et taxes, pour des locaux inoccupés et des installations inutilisées (art. 2 al. 5 RO et RE).

Toute personne désireuse d'obtenir des SIG la fourniture de l'eau ou de l’électricité doit leur adresser une requête à cet effet (art. 35 al. 1 RO et 39 al. 1 RE). Si une personne utilise de l'eau ou de l’électricité sans avoir préalablement adressé une requête aux SIG, ces derniers peuvent mettre à charge de l'usager les frais de déplacement, d’enquête et de gestion administrative résultant de cette omission (art. 35 al. 3 RO et 39 al. 4 RE).

b. En l’espèce, la facture litigieuse couvre la période du 29 mars 2017 au 25 septembre 2017.

La facture établie le 29 mars 2017 pour la consommation antérieure a été adressée au précédent propriétaire, alors titulaire du rapport d’usage. Il n’est pas contesté que la recourante et son époux étaient propriétaires du bien immobilier le 29 mars 2017 et que l’ancien propriétaire n’y logeait plus. La recourante a par ailleurs confirmé avoir eu les clefs de la maison « avant fin mars 2017 ».

La recourante fait grief à l’autorité intimée de l’absence de contrat de « reprise ». Conformément à l’art. 35 RO, il appartient à l’usager de contacter les SIG, ce qu’elle ne démontre pas avoir fait.

Dans ces conditions, la recourante et son mari sont responsables vis-à-vis des SIG du paiement de l'eau et de l’électricité consommées par ledit immeuble pour la période précitée, au sens de l’art. 2 al. 5 RO.

9. La recourante conteste la quantité d’eau facturée.

a. S’agissant des quantités consommées, elle ne remet pas en cause le fait qu’il y ait eu une consommation pendant cette période compte tenu des travaux qu’elle et son mari ont entrepris dès mars 2017, jusqu’à leur emménagement en septembre 2017. Dans ses dernières écritures, elle confirme l’existence de « travaux sur cinq mois de manière discontinue ».

b. Est notamment litigieux l’index de référence de mars 2017 en matière de consommation d’eau relevé en l’absence de la recourante.

La recourante conteste le relevé du compteur en mars 2017, au motif principalement que l’autorité intimée serait entrée sans droit, sans autorisation et même sans l’en avertir, dans sa propriété.

À teneur de l’art. 46 al. 1 RO, la consommation de l'eau fournie aux instruments de mesure est relevée à intervalles périodiques par les SIG. L'usager doit donner toutes facilités à l'agent chargé de cette opération.

En l’espèce, le relevé du 29 mars 2017 concernait l’usager précédent et non la recourante. Les SIG étaient en conséquence en droit de relever le compteur sans l’en informer. Le grief est infondé.

c. S’agissant du bien-fondé de l’index relevé le 29 mars 2017, le dossier comprend, notamment, la facture de l’ancien propriétaire au 29 mars 2017 laquelle indique les numéros de compteurs et les relevés à cette date.

L’index d’eau initial, soit au 29 mars 2017, ressort en conséquence tant de la facture établie le même jour que du relevé établi par Monsieur C_____, agent n° 5______, le 28 mars 2017. Ce relevé est de surcroît cohérent avec celui effectué le 25 septembre 2013 à hauteur de 8'465, ce qui représente une consommation d’eau de 1'898 m3 pour mille deux cent quatre-vingt jours. La question de savoir si l’accès à l’eau avait été coupé à l’ancien propriétaire, comme le soutient la recourante en s’appuyant sur les dires du fils de celui-ci, allégations reprises dans une expertise médicale relative à l’ancien propriétaire, ou si ledit accès ne l’avait pas été, comme le soutiennent les SIG, souffrira de rester indécise compte tenu du relevé, établi à satisfaction de droit le 29 mars 2017.

Il sera en conséquence retenu que l’index d’eau était de 10'363 le 29 mars 2017, et 10'713 au moment du changement de compteur, ce qu’une photo atteste. Les 10 m3 supplémentaires, suite à la pose du nouveau compteur ne sont pas contestés.

d. La recourante considère qu’il appartient aux SIG d’amener la preuve de sa propre consommation.

Conformément à l’art. 41 RO, l’eau fournie à l’usager est mesurée par des compteurs.

En l’espèce, les nombreuses pièces produites, les factures des 29 mars 2017 et 9 septembre 2017, les relevés des compteurs, la photo du compteur n ° 3_____ permettent d’établir à satisfaction de droit la réalité de la consommation et donc de la facture pour les cent quatre-vingt-un jours concernés.

La recourante échoue pour sa part à établir que cette consommation serait erronée. En effet, elle ne conteste pas que des travaux ont eu lieu pendant les six mois litigieux, lesquels ont notamment porté sur les salles de bain. Aucune preuve contraire ne démontre que les entreprises sur place et les travaux sollicités n’ont pas engendré cette consommation.

De surcroît, il ne peut être procédé en application de l’art. 45 al. 1 RO qui exige une évaluation de la consommation, en se basant sur la consommation habituelle d’une période similaire. La recourante soutient en effet que la consommation pour l’année 2018, largement supérieure, impliquait des travaux d’extérieurs, faits en 2018, et l’arrosage automatique, comprenant une fuite, mis en place en 2018 seulement. Elle soutient en conséquence que les conditions d’utilisation des installations de l’usager n’étaient pas les mêmes.

Enfin, rien n’indique que le compteur aurait été frappé de dysfonctionnements techniques, ce que la recourante n’allègue pas. Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence, les mesures qu'il livre servent de base à la facturation.

e. Les allégations de la recourante sur ce qui lui aurait été dit par des représentants des SIG tant téléphoniquement qu’au moment de leur passage à son nouveau domicile ne peuvent pas être retenues. Outre que les SIG en contestent la teneur, ces allégations ne sont pas prouvées.

f. Aucun élément tangible ne permet de remettre en cause les relevés des compteurs et, par voie de conséquence, le bien-fondé de la facture querellée, établie cent quatre-vingt-un jours plus tard.

En conséquence, la décision sur réclamation du 28 mars 2018 confirmant la facture de consommation d'eau et d'électricité n° 1_____ pour un montant de CHF 2'516.60 adressée par les SIG à la recourante le 29 septembre 2017 est conforme au droit.

10. Mal fondé, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 avril 2018 par Madame A_____ contre la décision des Services industriels de Genève du 28 mars 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A_____ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A_____, ainsi qu'aux Services industriels de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :