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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2119/2016

ATA/873/2018 du 28.08.2018 sur JTAPI/789/2017 ( LCI ) , ADMIS

Parties : DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC / RGC IMMOBILIER SA, SOPRIMMO SA, AUBERT Charles et autres parties, AUBERT Paul-Eric, HARALABOPOULOS Eliane, METHENITIS Jacqueline, POUILLOT Monique, TONSI Nelly
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2119/2016-LCI ATA/873/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 août 2018

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

contre

Messieurs Charles et Paul-Eric AUBERT

Madame Eliane HARALABOPOULOS

Madame Jacqueline METHENITIS

Madame Monique POUILLOT

Madame Nelly TONSI
représentés par CGI CONSEILS, mandataire

 

et

RGC Immobilier SA

représentée par CGI CONSEILS, mandataire

et

SOPRIMMO SA

représentée par CGI CONSEILS, mandataire

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
29 juin 2017 (JTAPI/789/2017)


EN FAIT

1) Messieurs Charles et Paul-Eric AUBERT ainsi que Mesdames Eliane HARALABOPOULOS, Jacqueline METHENITIS, Monique POUILLOT et Nelly TONSI (ci-après : les consorts AUBERT) étaient propriétaires de la parcelle n° 3'697, feuille 11 de la commune de Chêne-Bourg (ci-après : la commune), sise 3, chemin du Printemps, sur laquelle est érigée une villa comprenant deux logements ainsi qu'un bâtiment de 31 m2 au sol. Ladite parcelle, d'une superficie totale de 2'103 m², est située en cinquième zone à bâtir (ci-après : zone villa ou cinquième zone).

2) a. Le 20 septembre 2013, le Grand Conseil a adopté le plan directeur cantonal Genève 2030 (ci-après : PDCn 2030). Ce document de référence et de coordination pour l'aménagement du territoire cantonal est composé d’un concept de l’aménagement cantonal, qui énonce les principes de l’organisation du territoire à l'horizon 2030, et d’un schéma directeur cantonal comprenant plusieurs fiches qui en constituent le volet opérationnel et précisent les conditions de la mise en œuvre de la politique d’aménagement. Le PDCn 2030 a été approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015.

b. À teneur de la carte dénommée « carte n° 1 - principes de densification, annexe aux fiches A01 à A08 » établie par la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI), la parcelle n° 3'697 se trouve dans un périmètre visé par le PDCn 2030.

c. La carte du schéma directeur cantonal du PDCn 2030 renvoie pour ce périmètre à la fiche A03 intitulée « Étendre la densification de la zone villas par modification de zone ». Ladite fiche indique que l'objectif est de promouvoir l'extension de la « ville dense » par déclassement de secteurs dans la zone villa et que les principes d’aménagement et de localisation doivent permettre de procéder à la densification de secteurs de cette zone, par mutation progressive, afin de créer de nouveaux quartiers denses d'habitat ou d'affectations mixtes, intégrés dans la structure urbaine et répondant à des besoins d'intérêt général.

d. La parcelle n° 3'697 est par ailleurs située dans le périmètre du Grand projet (ci-après : GP) Chêne-Bourg/Chêne-Bougeries visé par le PDCn 2030 (Fiche P06 du PDCn 2030).

3) a. Le 26 mars 2014, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un projet de loi 11'411 modifiant la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; ci-après : PL 11'411), proposant notamment un allongement des délais de refus conservatoire à cinq ans, le délai de mise à l’enquête publique de la modification des limites de zones passant à quatre ans.

b. Le 15 mai 2015, la commission d’aménagement du canton (ci-après : CAC) a déposé son rapport relatif au PL 11'411.

Le même jour, des membres de la CAC ont présenté une proposition de motion 2'278 pour préserver le potentiel de densification prévu par le PDCn 2030 pour certains secteurs de la zone villas (ci-après : M 2'278).

c. Le 5 juin 2015, le Grand Conseil a adopté la M 2'278 - en lieu et place du PL 11'411, lequel a alors été clos - , laquelle invitait le Conseil d’État à :

-          appliquer les dispositions du droit fédéral, le cas échéant, par voie réglementaire, en vue de permettre l’adoption par le Conseil d’État pour une durée provisoire de cinq ans au plus, de zones réservées dans les secteurs de la zone villas destinées à une densification, selon la fiche A03 du PDCn 2030, et pour lesquels une modification de zone est prévue dans un délai de cinq ans ;

-          faire une application restrictive de l’art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villas destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans ;

-          adopter une pratique administrative qui permette néanmoins aux propriétaires de terrains, sis dans des secteurs de la zone villas voués à faire l’objet de mesures de densification au titre de la fiche A03 du PDCn 2030 et qui ne font pas l’objet de refus conservatoire au sens de de l’art. 13B LaLAT, des agrandissements modérés de constructions existantes ou des nouvelles constructions de peu d’importance, ne créant aucun nouveau logement.

4) Le 1er juillet 2015, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : le département) a publié une pratique administrative intitulée « Régimes auxquels sont soumises les requêtes en autorisations de construire selon les secteurs de la carte densification secteurs villas ».

Celle-ci prévoyait, en cas de requête portant sur la création d’un nouveau logement pour la zone villa dont le développement était prévu à terme par le PDCn 2030, de ne pas appliquer la dérogation prévue par l’art. 59 al. 4 LCI permettant d’augmenter la densité des constructions. En cas de modification de zone en cours, un refus conservatoire de maximum deux ans serait prononcé pour toute requête créant un nouveau logement. L’administration disposait d’un délai de deux ans à compter du refus pour adopter une modification de zone. Il était par ailleurs prévu d'instaurer une zone réservée.

Des nouvelles versions de cette pratique administrative ont été publiées les 27 juillet 2015 et 26 avril 2018, sans modification pour les requêtes portant sur la création d’un nouveau logement pour la zone villa dont le développement est prévu à terme par le PDCn 2030.

5) Le 14 juillet 2015, le département a mis en ligne sur son site internet une carte du canton intitulée « programme de densification des quartiers de villas »
(ci-après : la carte de densification des secteurs villas), laquelle désignait les périmètres de la zone villas faisant l'objet de modification de zones en cours, ainsi que ceux sur lesquels il envisageait l'instauration d'une zone réservée. La légende de cette carte précisait qu'il n'y aurait pas d'application de la dérogation prévue par l'art. 59 al. 4 LCI (ou dans une mesure limitée pour des travaux d'agrandissement et d'amélioration d'une villa existante) et qu'un refus conservatoire serait prononcé pour les modifications de zone en cours d'élaboration ou les zones réservées sur les zones 5, ZD 5, 4B protégée et ZD 4A.

Le périmètre englobant la parcelle concernée par le projet litigieux y portait la légende « pas de dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI ».

Cette carte a été modifiée le 22 mars 2016 puis, la dernière fois, le 27 juillet 2017, sans que le statut du périmètre concerné ne soit modifié.

6) Lors de sa séance du 29 janvier 2016, le Grand Conseil a voté le renvoi du rapport M 2'278-A, déposé par le Conseil d'État le 9 décembre 2015, sur la
M 2'278 à la CAC.

7) Le 29 janvier 2016, l'entreprise Prokesch Immobilier SA (ci-après : Prokesch) a déposé, pour le compte des consorts AUBERT, auprès du département une demande préalable en autorisation de construire sur la parcelle
n° 3'697 portant sur la construction d'un habitat groupé de six appartements de standard de haute performance énergétique (HPE 44 %), d'une surface brute de plancher de 925 m².

Dans un courrier annexé, elle exposait que la villa de deux étages de 77 m² sise sur la parcelle était vétuste, ce qui rendait peu probable la vente de ce bien. Pour mieux valoriser la parcelle, les consorts AUBERT avaient fait dessiner un projet d'habitat groupé par un architecte, projet qui avait reçu un accueil favorable des autorités communales, mais pas du département, en raison du nouveau programme de densification des quartiers villas. Les propriétaires avaient alors tenté, en août 2014, de vendre la parcelle à la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif (ci-après : FPLC), laquelle avait toutefois refusé, compte tenu du fait que la densification du quartier n'interviendrait pas avant 2030. Ils déposaient par conséquent la présente demande en autorisation préalable de construire tout en sollicitant qu'une dérogation leur soit accordée. Était notamment joint un jeu de plans, coupes et façades du projet d'habitat groupé.

La requête a été enregistrée sous le numéro de dossier DP 18652/1.

8) Au cours de l’examen de cette demande préalable d’autorisation de construire, plusieurs instances de préavis se sont prononcées.

a. Le 10 février 2016, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a requis la modification du projet afin que la largeur des escaliers soit augmentée à un mètre vingt minimum et qu'une demande de démolition soit déposée. Elle a également mentionné que la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI ne s'appliquait pas, la parcelle étant située dans une « zone réservée », sous réserve du préavis du SPI.

b. Le 12 février 2016, la direction de la mensuration officielle s'est déclarée favorable.

c. Le 1er mars 2016, la police du feu a rendu un préavis favorable sous conditions.

d. Le 8 mars 2016, la direction générale des transports (ci-après : DGT) a demandé la modification du projet afin que deux places de stationnement pour vélos soient ajoutées.

e. Le 8 mars 2016 également, la commission d'architecture (ci-après : CA) s'est déclarée favorable à la dérogation selon l'art. 59 LCI, sous les conditions suivantes : régler les mouvements de terrain en y apposant des murs de soutènement plutôt que des talus, revoir la coursive froide qui était trop exiguë et trouver une solution pour éclairer le hall d'accès du sous-sol.

f. Le 10 mars 2016, la commune s'est déclarée favorable « au projet présenté avec un coefficient de 0.44 », bien que « la parcelle 3'697 soit maintenant située dans une zone réservée telle que définie par l'arrêté du Conseil d'État du 17 juin 2015 ».

g. Le 16 mars 2016, le SPI a émis un préavis favorable sous conditions, relevant que le projet était situé dans un secteur identifié par le PDCn 2030 qui préconisait une densification par modification de zones (Fiche A03), de sorte qu'à teneur du programme de densification des quartiers de villas (état au 14 juillet 2015), l'art. 59 al. 4 LCI ne s'appliquait pas.

Le même jour, le SPI a rendu un nouveau préavis défavorable annulant le précédent, vu l'indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 0,44 % nécessitant l'application de la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI. À teneur du programme de densification des quartiers de villas (état au 22 mars 2016), le projet était sis dans un périmètre dans lequel l'art. 59 al. 4 LCI ne s'appliquait pas.

h. Le 17 mars 2016, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) s'est déclarée favorable sous condition.

i. Le 22 mars 2016, la direction générale de l'eau a émis un préavis favorable sous conditions.

9) Par décision DP 18'652-3 du 23 mai 2016, le département a refusé l’autorisation de construire préalable sollicitée, faisant sien le préavis du SPI.

Conformément à sa pratique du 1er juillet 2015, confirmée pour ce secteur sur la carte de densification des secteurs villas, ce service avait demandé que seuls les projets de construction ne nécessitant pas l'application de la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI soient autorisés, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le département considérait ainsi que les circonstances du cas d'espèce ne justifiaient pas l'octroi d'une dérogation qui viendrait mettre en péril l'aménagement du quartier. Il n'entendait donc pas, pour des motifs d'opportunité, accorder la dérogation sollicitée.

La requête n'était, au demeurant, pas autorisable en l'état au vu des demandes de pièces complémentaires formulées par la DGT et la DAC, lesquelles n'avaient pas été transmises aux requérants par économie de procédure, vu ce qui précédait.

10) Par acte du 23 juin 2016, les consorts AUBERT ont interjeté recours à l'encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à son annulation et à l'octroi de l'autorisation préalable sollicitée, avec suite de frais et de dépens.

La carte de densification des secteurs villas ainsi que la pratique administrative y relative n'avaient aucune valeur légale. Elles avaient été adoptées à la suite de la M 2'278 selon laquelle il fallait faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI. Une telle motion n'avait cependant aucune valeur législative et ne pouvait justifier le refus de toute autorisation de construire nécessitant l'application de cette disposition sans examen de la situation spécifique.

Le département avait également fait un usage excessif de son pouvoir d'appréciation en refusant l'octroi de l'autorisation préalable de construire en application d'une nouvelle directive dépourvue d'une base légale valable et alors même que les préavis de la commune et de la CA étaient favorables.

Le refus du département s'apparentait à une expropriation matérielle, dont les conditions étaient remplies en l'espèce, et une indemnisation devrait être envisagée en cas de maintien de ce dernier.

Finalement, le but ultime du PDCn 2030, dans lequel s'insérait parfaitement leur projet de construction, était de favoriser la densification de la zone villas. Or, en cas de maintien de la décision de refus, ils se verraient dans l'obligation de vendre leur parcelle à des tiers intéressées par la construction de deux villas, projet autorisable sans dérogation, mais qui irait à l'encontre du but précité.

11) Le 5 juillet 2016, la commune a indiqué au TAPI qu'elle ne souhaitait pas intervenir dans le cadre de la procédure et qu'elle maintenait les termes de son préavis du 10 mars 2016.

12) Dans sa réponse du 26 août 2016, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 23 mai 2016, sous suite de dépens.

Son refus ne résultait pas seulement de la M 2'278, mais se basait – en plus de l'examen des préavis recueillis et du cas concret – sur le PDCn 2030, ayant force obligatoire pour les autorités, et les objectifs d'aménagement cantonal. La
M 2'278 venait toutefois confirmer la politique de densification des zones villas poursuivie par le PDCn 2030 puisqu'elle démontrait que la volonté du législateur - en invitant le Conseil d'État à faire une application restrictive de l'art. 59
al. 4 LCI dans les secteurs identifiés par la carte du 22 mars 2016 - était de favoriser une densification accrue de ces parcelles.

Le grief de violation de l'art. 59 al. 4 LCI tombait à faux, cette disposition lui permettant précisément d'exercer son pouvoir d'appréciation et de statuer en opportunité, ce qu'il avait fait en estimant que les objectifs d'aménagement préconisés par le PDCn 2030 justifiaient le refus d'une dérogation.

Il s'était à juste titre écarté du préavis de la commune, qui ne prenait en compte ni le PDCn 2030 ni son plan directeur communal (ci-après : PDCom) lequel lui imposait d'effectuer des études directrices de quartiers avant d'autoriser un projet, et de celui de la CA, dès lors que ce n'était pas l'architecture de la construction qui fondait le refus, mais l'incompatibilité de la densité prévue avec le développement futur préconisé par la planification cantonale. En tout état, ces préavis restaient consultatifs de sorte que l'autorité pouvait s'en écarter en raison d'un intérêt public supérieur ou pour des motifs pertinents.

S'agissant de l'expropriation matérielle alléguée, ce grief était manifestement exorbitant et irrecevable, puisque les intéressés pouvaient continuer d'utiliser leur parcelle de manière conforme à la zone ou vendre leur bien à un tiers intéressé par la construction d'un projet ne nécessitant pas l'octroi d'une dérogation.

Finalement, sa décision de refus ne faisait pas obstacle à une densification accrue du secteur, mais visait au contraire à préserver le périmètre pour pouvoir le densifier davantage par modification de zone.

13) Par réplique du 19 septembre 2016, les consorts AUBERT ont persisté dans leur recours.

Le PDCn 2030 ne leur était pas opposable, de sorte qu'il ne constituait pas une base légale suffisante.

En tant qu'elle leur imposait de déposer une nouvelle demande d'autorisation de construire portant sur une construction de densité réduite, la décision du département était disproportionnée et ce dernier abusait de son pouvoir d'appréciation. Le fait que le département statue en opportunité ne signifiait pas qu'il puisse faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif.

Pour le surplus, la commune n'était pas allée à l'encontre de son PDCom en préavisant favorablement le projet, dans la mesure où des études directrices de quartiers n'étaient pas nécessaires pour autoriser un tel projet, mais seulement préconisées.

Finalement, les préavis rendus sous conditions, notamment ceux de la DGT et de la DAC, n'empêchaient pas l'octroi de l'autorisation préalable puisque ces points seraient revus lors de la demande d'autorisation définitive de construire.

14) Par duplique du 12 octobre 2016, le département a persisté dans les termes de son écriture du 26 août 2016.

Il avait fait preuve de proportionnalité en refusant l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI puisque l'objectif était de limiter un développement de la parcelle qui viendrait contrecarrer une densification souhaitée plus importante et, qu'en cas de construction de six logements, il faudrait convaincre plus de propriétaires de céder leur parcelle.

Même si le PDCom « préconisait » des études directrices de quartier, elles étaient grandement utiles et recommandées dans le cas d'espèce. En tout état, cela ne changeait pas le fait que les autorités communales étaient liées par le PDCn et devaient adapter leur politique d'aménagement du territoire en fonction de ce dernier.

Il relevait enfin qu'il n'avait pas terminé l'instruction du dossier. Partant, si sa décision venait à être cassée, le dossier devrait lui être retourné pour complément d'instruction.

15) Par courrier du 28 avril 2017, le département a transmis au TAPI, à sa demande, la carte de densification des secteurs villas dans sa dernière teneur, soit au 22 mars 2016.

Il a également relevé que la parcelle litigieuse se situait dans le périmètre du GP Chêne-Bourg/Chêne-Bougeries et dans un secteur appelé à être densifié par modification de zone à moyen terme, selon la fiche A03 du PDCn 2030. C'était précisément à ce titre qu'il avait estimé que les circonstances ne justifiaient pas d'accorder la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, les autres dispositions de la LCI restant pour le surplus applicables. Pour cette raison, le refus d'octroyer la dérogation était uniquement conditionné à un projet de modification de zone ou à des objectifs d'urbanisme et non à un délai strict pour les mettre en œuvre.

16) Le 10 mai 2017, les consorts AUBERT ont relevé qu'après avoir indiqué en août 2015 à la FPLC, laquelle envisageait alors d'acquérir leur parcelle, qu'aucune densification ne pourrait intervenir avant 2030, ce qui l'avait conduite à renoncer à son acquisition, le département indiquait maintenant que le secteur litigieux était désormais amené à être densifié à moyen terme. Force était toutefois de constater que le moyen terme invoqué par le département était au minimum d'une quinzaine d'années.

17) Par jugement du 29 juin 2017, le TAPI a admis partiellement le recours et renvoyé le dossier au département pour qu'il reprenne l'instruction de la
DP 18'652-1 et rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le TAPI devait examiner l'application que le département avait faite de
l'art. 59 al. 4 LCI, qu'il ne sanctionnerait pas s'il considérait, d'une part, que le département pouvait en tirer la décision qu'il avait prise tout comme il aurait pu en tirer la décision inverse, et, d'autre part, que dans ce choix, il avait respecté le but et l'esprit de la loi ainsi que les principes constitutionnels.

L'État disposait de deux instruments juridiques permettant d'empêcher les propriétaires, notamment en zone villa, de disposer librement de leur terrain pour y construire selon les normes de la zone dans laquelle ils se trouvaient, à savoir le refus conservatoire et l'adoption d'une zone protégée. Ils entraînaient une restriction admissible de la garantie de la propriété puisque celle-ci se fondait sur une base légale formelle, poursuivait un intérêt public (l'aménagement du territoire) et respectait le principe de la proportionnalité dans la mesure où cette restriction était limitée à une durée déterminée, soit deux ans s'agissant du refus conservatoire et cinq ans en cas de zone protégée.

En dehors de ce cadre, l'autorité intimée ne pouvait, aux fins de protéger l'intérêt public que représentait l'aménagement du territoire, refuser l'application de l'art. 59 al. 4 LCI dans les portions de la zone villa qui étaient visées par le PDCn 2030 comme de futures zones de densification au sens de la fiche A03 du schéma directeur cantonal.

Tout d'abord, l'adoption de l'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas eu lieu dans une optique de planification territoriale, mais simplement dans l'idée de permettre de densifier davantage la zone villa par voie dérogatoire. Les normes de construction usuelles de la zone villa continuaient à s'appliquer de manière ordinaire, cette zone n'étant elle-même aucunement transformée en un autre type de zone. Les propriétaires étaient au demeurant parfaitement libres de demander ou non l'application de l'art. 59 al. 4 LCI. Par conséquent, l'octroi ou le refus de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI ne pouvait obéir qu'aux objectifs initiaux de cette disposition, à savoir la densification de la zone villa, sous peine de la détourner de son but et, par conséquent, de constituer un abus de droit.

Ensuite, et surtout, le refus d'octroyer la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI ne connaissait aucune limite temporelle. Ainsi, même si les intéressés tentaient, cinq ans ou plus après le premier refus qui leur avait été opposé, de demander à nouveau l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, aucun obstacle juridique ne s'opposait à ce que le département leur notifie un nouveau refus. Une telle hypothèse contrevenait clairement au principe de la proportionnalité et causait une atteinte inadmissible à la garantie de la propriété, étant précisé que rien n'indiquait aujourd'hui que le périmètre faisant l'objet du litige serait effectivement versé en zone protégée ou ferait l'objet d'une modification de zone en vue de sa densification.

Le PDCn 2030 était un instrument de planification à moyen terme, mais devait évoluer et s'adapter à des paramètres susceptibles de se modifier ou d'apparaître au fil des années. Les limites qu'il fixait actuellement pour les zones de densification en zone villa ne seraient peut-être plus les mêmes dans dix ans. Compte tenu de cette incertitude, la balance entre la garantie de la propriété et l'intérêt public à l'aménagement rationnel du territoire ne pouvait trouver un équilibre satisfaisant que si les instruments mis à disposition de l'État limitaient sa capacité à restreindre les droits des particuliers, notamment sous l'angle temporel.

Le texte du futur art. 13C LaLAT démontrait par ailleurs la volonté du législateur que les propriétaires retrouvent le plein et entier exercice de leurs droits au-delà des cinq ans, en excluant toute possibilité pour l'État, par quelque mesure que ce soit, de prolonger matériellement (et non pas formellement) la durée du blocage. Cette disposition concernait notamment la manière dont le département avait interprété et appliqué l'art. 59 al. 4 LCI.

C'était à tort que le département, donnant la priorité au préavis du SPI plutôt qu'aux préavis favorables de la CA et de la commune, avait refusé l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI et donc de l'autorisation de construire préalable sollicitée. Cette solution entraînait certes « un durcissement du foncier » sur toutes les parcelles en zone villa sur lesquelles étaient érigées des constructions avec un IUS de 0,44 ou 0,48. L'État disposait toutefois d'instruments expressément destinés à éviter une telle évolution, qu'il lui appartenait de mettre en œuvre.

Au vu des pièces manquantes, le dossier devait être retourné au département pour qu'il poursuive l'instruction de la requête.

18) Le 16 août 2017, RGC Immobilier SA (ci-après : RGC) et Soprimmo SA (ci-après : Soprimmo) ont acquis auprès des consorts AUBERT la parcelle
n° 3'697, à raison d'une moitié chacune. À teneur de l'acte de vente, le prix de vente final serait fixé à CHF 2'065'000.- si la demande d'autorisation préalable
DP 18'652 était accordée par le département, le cas échant suite à un jugement du TAPI ou de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) et à CHF 1'755'000.- dans toutes les autres hypothèses.

19) Par acte mis à la poste le 14 septembre 2017, le département a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation, à la confirmation de sa décision de refus du 23 mai 2016 et à ce que les intimés soient condamnés à tous les frais de l'instance.

Si le législateur entendait permettre une densification de toute la zone villa, il était conscient qu'elle se ferait en partie par des modifications de zone et en partie uniquement par une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI. Le législateur, en adoptant ladite disposition, avait considéré que celle-ci laissait une marge de manœuvre suffisante au département pour lui permettre de l'appliquer à bon escient, soit pour les seuls secteurs appelés à rester en zone villa car ne se prêtant pas à un déclassement en zone 3 ou 4, ceci afin de ne pas risquer de compromettre la mise en œuvre du potentiel constructible du PDCn. Le législateur était conscient du fait qu'en modifiant cette disposition, il pouvait entrer en contradiction avec d'éventuelles modifications de zone. Or, il avait clairement exprimé sa volonté de ne pas contrecarrer le PDCn, raison pour laquelle il avait laissé au département la possibilité d'apprécier l'opportunité ou non d'accorder une dérogation sous cet angle.

La volonté du législateur de ne pas contrecarrer le PDCn 2030 ressortait par ailleurs de la M 2'278 adoptée le 5 juin 2015, laquelle invitait le département à faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030.

Sous l'angle du respect du principe de la proportionnalité, le département ne refusait pas systématiquement d'accorder une dérogation dans un secteur identifié comme étant à densifier par modification de zone d'ici 2030. Dans le cas d'espèce, il s'était également fondé sur le préavis du SPI. Au vu de son pouvoir d'appréciation, il avait considéré que les conditions d'octroi d'une dérogation n'étaient pas remplies, un objectif d'aménagement cantonal pouvant au surplus parfaitement constituer une circonstance à prendre en compte.

La restriction à la garantie de disposer de son terrain librement devait, pour être admissible, reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité. En l'espèce, le refus d'autorisation reposait sur l'art. 59 al. 4 LCI. La condition de l'intérêt public était également donnée dès lors que la décision se fondait sur l'objectif de densification de la zone villa par modification de zone selon le PDCn 2030. Enfin, la condition de la proportionnalité était réalisée dans la mesure où le refus permettait d'éviter que la future densification prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. L'intérêt public au maintien de l'état actuel de la parcelle en vue d'une utilisation judicieuse du sol par le déclassement en application du PDCn 2030 l'emportait, d'une part, sur l'intérêt public à une densification de la zone villa à court terme et, d'autre part, sur l'intérêt privé économique des propriétaires. La décision attaquée n'empêchait en tout état pas les intéressés de continuer à profiter de leur bien, de solliciter une autorisation respectant le régime ordinaire du rapport des surfaces ou de soumettre une nouvelle requête comprenant un nombre plus élevé de logements lorsqu'un plan d'affectation aurait été adopté. Le refus de la dérogation ne constituait ainsi pas une atteinte à leur droit de propriété.

20) Le 19 septembre 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

21) Dans leur réponse du 17 octobre 2017, les consorts AUBERT, RGC et Soprimmo (ci-après : les intimés) ont conclu, à titre préalable, à ce que RGC et Soprimmo soient admises en qualité de parties à la procédure, en tant que nouvelles propriétaires de la parcelle litigieuse et, principalement, à ce que le jugement du TAPI du 29 juin 2017 soit confirmé et à ce que le département soit condamné en tous les frais de l'instance, comprenant une indemnité équitable valant participation à leurs frais d'avocat.

Il ressortait des travaux préparatoires que le but du projet de loi 10'891 modifiant la LCI du 15 novembre 2011 (ci-après : le PL 10'891) était d'éviter au maximum le déclassement de la zone villa. Les travaux préparatoires étaient toutefois inutiles, dès lors que le texte de l'art. 59 al. 4 LCI était clair. La seule question était de savoir si le département pouvait interdire d'office l'application de cette disposition par la simple publication d'une carte, laquelle n'était fondée sur aucune base légale.

Le refus systématique d'appliquer l'art. 59 al. 4 LCI représentait une violation de la garantie de la propriété, qui ne respectait pas le principe de la proportionnalité puisque cette violation ne permettait pas pour autant d'atteindre le but visé et qu'elle n'était pas limitée dans le temps.

22) Le 14 novembre 2017, le département a indiqué qu'il n'entendait pas solliciter d'autres actes d'instruction.

23) Le 12 décembre 2017, le département a répliqué.

Il s'en rapportait à justice concernant la qualité de partie des sociétés RGC et Soprimmo, relevant toutefois que ces dernières n'étaient pas requérantes de l'autorisation litigeuse.

En se prononçant sur l'opportunité de refuser ou non le projet en question en lien avec la première condition de l'art. 59 al. 4 let. a LCI, le TAPI avait outrepassé le cadre de son contrôle prévu à l'art. 61 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). S'agissant de l'examen de la seconde condition posée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, le contrôle ne pouvait se faire que sous l'angle de l'arbitraire. Or, le TAPI avait critiqué la pesée des intérêts effectuée par le département et non l'arbitraire de la décision. Pour ces motifs, le jugement devait être annulé.

Contrairement à ce que retenait le TAPI, l'art. 59 al. 4 LCI avait pour but d'assurer une planification territoriale cohérente, allant dans le sens du PDCn 2030. Par l'adoption de la M 2'278, le Grand Conseil avait également validé l'interprétation de cette disposition défendue par le département. L'absence de disposition légale sur la manière dont l'art. 59 al. 4 LCI devait être interprété - qui était l'une des invites de ladite motion - démontrait que le législateur avait entendu permettre une telle pratique et qu'il considérait que le Conseil d'État l'avait appliqué correctement.

Enfin, le fait que les nouveaux propriétaires de la parcelle envisageaient la construction de trois villas démontrait que le régime ordinaire leur garantissait des droits à bâtir suffisants pour considérer leur droit à la propriété comme respecté.

24) Le 22 janvier 2018, les intimés ont persisté dans leur argumentation.

Contrairement à ce que relevait le département, le TAPI ne s'était pas prononcé dans son jugement en opportunité, mais avait basé son raisonnement sur le fait que la limitation de l'application de l'art. 59 al. 4 LCI était arbitraire car elle violait le principe de la propriété, notamment du fait qu'elle n'était pas limitée dans le temps. Le fait que le département se soit exclusivement fondé sur « cette nouvelle pratique arbitraire » rendait la décision finale de refus elle-même arbitraire.

25) Le 23 janvier 2018, la cause a été gardée à juger.

26) Il ressort du site internet du département qu'aucune zone réservée n'a été adoptée ni mise à l'enquête dans le périmètre comprenant la parcelle des intimés (https://www.ge.ch/consulter-plans-amenagement-adoptes/autres-plans-affectation, consulté le 25 juillet 2018). Il n'apparaît pas non plus qu'un plan de modification des limites de zones aurait été mis à l'enquête ou publié.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) À titre préalable, les intimés sollicitent l'admission de RGC et Soprimmo en qualité de partie à la procédure.

a. Selon l’art. 7 LPA, ont qualité de partie les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d'un moyen de droit contre cette décision.

b. Selon l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais également toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b).

La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3b et les nombreux arrêts cités).

c. En l'occurrence, il apparaît dans les circonstances particulières du cas d'espèce que les consorts AUBERT, bien qu'ils ne soient plus propriétaires de la parcelle concernée par le projet litigieux, conservent un intérêt digne de protection dans la présente procédure, dès lors que le prix qu'ils recevront pour la vente de ladite parcelle dépend de la délivrance ou non de l'autorisation préalable de construire faisant l'objet de ce litige.

Par ailleurs, RGC et Soprimmo, en tant que nouvelles propriétaires inscrites au registre foncier de la parcelle litigieuse, disposent d'un intérêt digne de protection dans le cadre du présent litige, ce que le département ne conteste pas en tant que soi.

3) Le litige porte sur le refus du département d'accorder une autorisation de construire préalable en tant qu'elle requiert la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, en raison de l’incompatibilité du projet avec l’objectif de densification de la cinquième zone concernée par des modifications de zones, tel que prévu dans le PDCn 2030.

Il convient d’examiner si c’est à bon droit que le TAPI a considéré que la dérogation sollicitée avait été refusée à tort.

4) Le département considère que l'octroi de la dérogation sollicitée par les intimés violerait l'art. 59 al. 4 LCI.

5) En cinquième zone, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 1 LCI).

Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI).

6) a. Avant d’autoriser un projet de construction en cinquième zone, dont la densité correspond à celle prévue par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, le département doit ainsi recueillir les appréciations de la CA, respectivement celles de la commune du lieu de situation exprimées sous forme de préavis rendu par l’exécutif municipal (art. 59 al. 4 let. a LCI ; art. 48 let. h et 30 al. 1 let. s a contrario de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013 ; ATA/719/2011 du 22 novembre 2011). Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/417/2009 du 25 août 2009 ; ATA/902/2004 du 16 novembre 2004). Dans le système prévu par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/699/2015 précité).

c. Il n’en demeure pas moins que la délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11c ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/699/2015 précité).

d. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références citées). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/373/2016 précité). De même, s’agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d’examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 précité).

7) a. Lorsque la loi autorise l’autorité administrative à déroger à l’une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un pouvoir d’appréciation qui n’est limité que par l’excès ou l’abus, la chambre de céans n’ayant pas compétence pour apprécier l’opportunité des décisions prises (art. 61 al. 2 LPA).

Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de le préciser, la première condition imposée par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l’opportunité, que la chambre de céans ne peut pas contrôler, alors que la seconde relative à la compatibilité du projet pose des critères relatifs à l’esthétique et à l’aménagement du territoire conférant un large pouvoir d’appréciation à l’autorité qui doit s’exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relève non pas de l’opportunité, mais de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, dont la chambre administrative est habilitée, selon
l’art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l’excès ou l’abus (arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2 et les références citées ; ATA/1485/2017 du 14 novembre 2017 consid. 8a).

La compatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier exigée par l’art. 59 al. 4 LCI est une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 et la jurisprudence citée).

b. L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/514/2018 du 29 mai 2018 consid. 4b ; ATA/281/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 consid. 5c et les références citées).

8) La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

Bien que les travaux préparatoires ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d’intérêt et peuvent s’avérer utiles pour dégager le sens d’une norme (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Ils ne seront toutefois pris en considération que s’ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu’ils trouvent expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b).

9) a. Depuis l'entrée en vigueur de la LCI en 1988, l'art. 59 LCI a fait l'objet de différentes modifications législatives (MGC 1989 22/II 2564-2573 ;
MGC 1993 29/IV 4128-4146 ; MGC 2002-2003 X A 5742-5745). L’art. 59 al. 4 let. a LCI, dans sa teneur actuelle, a été adopté le 30 novembre 2012 et est entré en vigueur le 26 janvier 2013. Il est issu d’une modification législative qui visait à promouvoir une utilisation plus intensive du sol en zone villas pour répondre à la crise du logement sévissant à Genève (exposé des motifs du PL 10'891, MGC 2011-2012 II A p. 1335). Cette modification a, tout d’abord, porté l’IUS usuellement applicable dans ladite zone de 0,2 à 0,25 (0,275 lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique et 0,3 lorsqu’elle est conforme à un standard de très haute performance énergétique ; art. 59 al. 1 LCI). Pour les projets de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé, le législateur a, ensuite, augmenté, dans la mesure rappelée
ci-dessus, les IUS dérogatoires susceptibles d’être autorisés par le département après consultation de la commune et de la CA (art. 59 al. 4 let. a LCI). Pour des projets de même type, mais implantés sur une parcelle ou un ensemble de parcelles contiguës d’une surface supérieure à 5'000 m2, des IUS dérogatoires encore plus élevés ont été prévus (0,5, 0,55 lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique et 0,6 lorsqu’elle est conforme à un standard de très haute performance énergétique), sous réserve que le département obtienne l’accord de la commune exprimé sous forme de délibération municipale et consulte ici encore la CA (art. 59 al. 4 let. b LCI).

Il ressort encore de l'exposé des motifs que ce projet de loi visait à fournir une alternative aux déclassements de la zone villas, laquelle était essentielle à l'équilibre sociologique du canton et à son attractivité (exposé des motifs du PL 10'891, MGC 2011-2012 II A p. 1335-1336). Auditionné lors des travaux en commission, le président de la Fédération des architectes et ingénieurs de Genève (ci-après : FAI) a relevé que ce projet de loi ne devrait s’appliquer qu’aux zones villas traditionnelles et non pas aux zones villas situées en zones urbaines et proches des moyens de transport puissants qui étaient vouées au déclassement. Il a précisé qu'en conséquence ce projet de loi n’était pas antagoniste aux déclassements. Également auditionné à cette occasion, le président de l'association genevoise d'architectes (ci-après : AGA) a rappelé que ce projet de loi visait à densifier la zone villas en créant davantage de logements. Il ne s’agissait pas dans son esprit d’aller à l’encontre du projet de PDCn. Dans cette mesure, il saluait sa rédaction (rapport de la CAC du 28 août 2012 sur le PL 10’891, MGC 2012-2013 II A p. 1438).

Lors des débats devant le Grand Conseil, une députée a relevé que ce projet de loi admettait la nécessité de densifier la couronne urbaine. Il s'était toutefois arrêté à mi-chemin : il préconisait de densifier la zone villas par de la villa alors que la solution, en fait, était de déclasser en zone 3 pour utiliser au maximum le potentiel de ces parcelles. Il était à craindre que, si ce projet de loi était élu dans l'esprit de ses auteurs, il ne serve en réalité qu’à infléchir la politique de développement de la zone villas et à freiner la lutte contre la pénurie de logements. Cela étant, le débat en commission avait amélioré cette proposition et lui permettait aujourd'hui d'accepter ce projet de loi comme étant une contribution à la densification pour les secteurs situés en zone villas qui ne se prêteraient pas à un déclassement en zone 3 (intervention Madame Irène BUCHE lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC 2012-2013 II D/9 p. 798). Un autre député a également relevé au cours de ce débat que : « (…) toute la zone villas ne sera pas déclassée ! C'est un fantasme de dire que toute la zone villas va disparaître ! Il est évident qu'elle ne sera pas déclassée. Elle doit être maintenue et elle doit être valorisée lorsque les déclassements en zone 3 ou en zone 4 ne sont pas nécessaires » (intervention de Monsieur François LEFORT lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC 2012-2013 II D/9 p. 799-800).

b. L'exposé des motifs du PL 11'411 relève notamment qu'un nombre important d'autorisations de construire avaient été délivrées ou étaient en cours d'examen dans les secteurs de la zone villas voués à une densification différenciée par modification de zone (fiche A03 du PDCn 2030) et utilisaient souvent les possibilités de densification offertes par les nouvelles dispositions de la LCI, modifiée le 30 novembre 2012, concernant les zones villas. Or, il était à noter que dans son esprit, cette nouvelle législation visait à permettre une densification modérée des zones villas dont le déclassement n’était pas envisagé pour 2030, mais en évitant de rendre plus difficile la mise en valeur de celles appelées à être densifiées de manière plus importante, par voie de modification des limites de zones (p. 3 et 4).

c. Au cours des travaux préparatoires relatifs à la modification de l'art. 59 LCI il a également été discuté de la question de savoir si le département devait être lié au texte législatif et donc obligé de délivrer une autorisation de construire lorsque les conditions de la loi étaient réunies, soit notamment celles de l’art. 59 al. 4 let. a LCI (MGC 2012-2013 II A 1435), ce que le projet de loi initial prévoyait effectivement. En l'occurrence, un amendement visant à revenir à la situation antérieure en indiquant que le département « peut autoriser » et ainsi lui rendre un pouvoir d'appréciation étendue a été adopté (MGC 2012-2013 II A 1446).

10) a. À titre préalable, il n'est pas contesté que la parcelle concernée par le projet litigieux se trouve dans un périmètre inscrit dans le PDCn 2030 et que le schéma directeur cantonal du PDCn 2030 renvoie pour ce périmètre à la fiche A03 qui prévoit une densification de la zone villa par modification de zone. À ce jour, il n'apparaît pas qu'un plan de modification des limites de zones ait été mis à l'enquête ou publié concernant la parcelle litigieuse.

Comme le relève le TAPI, la modification de l'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas pour origine une volonté de planification territoriale, mais visait à permettre de densifier davantage la zone villas par voie dérogatoire. Toutefois, il ressort également des travaux préparatoires relatifs au PL 10'891 que si elle a été adoptée pour offrir une alternative aux déclassements, elle visait, dans l'esprit de plusieurs députés, à permettre la densification des secteurs situés en zone villas ne se prêtant pas à un déclassement selon le PDCn 2030. Cette interprétation de la volonté du législateur est d'ailleurs confortée tant par l'exposé des motifs du
PL 11'411 précité que par l'adoption ultérieure de la M 2'278 invitant le Conseil d'État à faire une application restrictive de l’art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villas destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans.

b. En l'occurrence, le département a considéré que les circonstances du cas d'espèce ne justifiaient pas l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sous peine de mettre en péril l'objectif de densification de la zone villas par modification de zone tel que défini par le PDCn 2030. Ce faisant, le département a considéré que la première condition de l’art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, n'était pas remplie, ce qu'il continue d'affirmer dans le cadre de la présente procédure. Or, comme susmentionné, cette condition relève de l’opportunité. La chambre de céans - tout comme le TAPI - n'est ainsi pas compétente pour apprécier la question de savoir si les circonstances justifiaient ou non la dérogation en question.

Il est vrai que tant la commune que la CA - dont les préavis sont obligatoires - ont délivré un préavis favorable à la délivrance de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sous réserve, pour la CA, de quelques modifications du projet (régler les mouvements de terrain en y apposant des murs de soutènement plutôt que des talus, revoir la coursive froide qui est trop exiguë et trouver une solution pour éclairer le hall d'accès du sous-sol). Toutefois, rien ne permet de considérer que le département se serait laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Il apparaît au contraire que le département a fondé sa décision - suivant alors également le préavis du SPI et de la DAC - sur le fait que l'octroi de la dérogation sollicitée risquait de compromettre la densification de la zone villas par modification de zone prévue par le PDCn 2030. Ce faisant, le département n'a pas arbitrairement étendu son pouvoir d'examen en tenant compte d'éléments relevant de la planification cantonale et a rendu une décision conforme à la loi, dont les buts ressortent notamment des travaux préparatoires susmentionnés et de la
M 2'278.

Dans ses circonstances, il convient de retenir que le département ne s'est pas écarté sans motifs prépondérants, dûment pesés, des préavis requis, de sorte que le TAPI ne pouvait y substituer sa propre appréciation et considérer que ce dernier avait violé l'art. 59 al. 4 LCI en refusant d'octroyer la dérogation sollicitée.

11) Le TAPI a retenu, suivant la position des intimés, que le refus d'accorder à ces derniers la dérogation litigieuse violait la garantie de propriété et plus particulièrement le principe de la proportionnalité, ce que conteste le département.

a. À teneur de l’art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la propriété est garantie. Cette garantie constitutionnelle comprend la faculté de disposer de son terrain dans les limites des lois et des plans d’affectation du sol. Pour être admissible, sa restriction doit répondre aux exigences de l’art. 36 Cst., soit reposer sur une base légale (al. 1 ; ATF 135 I 233 consid. 2.1), répondre à un intérêt public (al. 2 ; ATF 140 I 201 consid. 6.7 ; 137 I 167 consid. 3.6) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3 ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; 135 I 233 consid. 3.1).

En matière de restrictions aux droits fondamentaux, une atteinte grave exige en principe une base légale formelle, claire et précise, alors que les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale
(ATF 135 I 233 consid. 2.1 ; 130 I 16 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2015, n. 481). Constituent une atteinte grave à la garantie de la propriété, nécessitant une base légale formelle, les mesures par lesquelles la propriété foncière se trouve enlevée de force, ou les interdictions et prescriptions qui rendent impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation conforme à la destination (ATF 115 Ia 365). En revanche, l'obligation de réserver une partie d'un bâtiment à une affectation déterminée ne constitue pas une atteinte grave
(ATF 115 Ia 378 consid. 3b/bb).

Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité); il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts) (ATF 140 I 168 consid. 4.2.1; 135 I 233 consid. 3.1).

b. En l'occurrence, il est douteux que l'on puisse considérer que le refus d'accorder la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI constitue une véritable restriction à la garantie de propriété dès lors qu'il n'est pas fait interdiction aux intimés de disposer de leur parcelle dans les limites des lois et des plans d’affectation du sol relatifs à la zone villas ; seule une dérogation auxdites limites leur est refusée. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

D'une part, le projet litigieux ne respecte pas la législation applicable à la zone villas, celui-ci dépassant les indices du sol ordinaires prévus à l'art. 59
al. 1 LCI, ce qui explique la nécessité d'obtenir une dérogation en application de
l'art. 59 al. 4 LCI. Or, comme exposé ci-avant, les conditions permettant d'obtenir ladite dérogation ne sont pas réalisées en l'espèce. Par conséquent, la décision de refus querellée repose sur une base légale, qui plus est formelle, et non pas uniquement sur une pratique administrative comme semblent le soutenir les intimés.

D'autre part, la condition de l'intérêt public est également remplie - ce que la chambre de céans a déjà admis dans l'ATA/659/207 précité consid. 6c portant sur une affaire similaire - dans la mesure où la décision attaquée se fonde sur l’objectif de densification de la cinquième zone par modification de zone selon la fiche A03 du PDCn 2030 qui prévoit de classer, notamment, la parcelle litigieuse dans des zones permettant de densifier de manière plus importante et de construire ainsi un nombre de logements plus élevé que celui prévu par le projet refusé. En effet, comme le relève le département, le projet des intimés prévoit un IUS de 0,44, lequel est nettement inférieur aux IUS de 0,80 et 1,20 de la fiche A03 du PDCn 2030. Or, la nécessité de construire un nombre plus important de logements en cas de pénurie dans ce domaine satisfaisait à l'exigence d'un intérêt public (ATA/436/2018 du 8 mai 2018 consid. 8f et 8g et la référence citée). Cet intérêt public est du reste expressément indiqué par le Grand Conseil à l’appui de la
M 2'278. En outre, l’intérêt public d’une densification par modification de zone prime sur l’intérêt privé des intimés à densifier leur parcelle au sens de la dérogation prévue par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, dans ce contexte de pénurie de logements.

La condition de la proportionnalité est également réalisée dans la mesure où le refus de l’autorisation de construire est apte à produire le résultat escompté, soit éviter que la future densification par modification de zone prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. Ce refus respecte en outre la règle de la nécessité, puisque l'objectif visé ne peut pas être atteint par une mesure moins incisive. Il ressort de plus du paragraphe précédent que la pesée des intérêts en présence respecte le principe de la proportionnalité au sens étroit. Le TAPI, pas plus que les intimés, ne démontre de manière convaincante que l'intérêt à la dérogation primerait sur les objectifs de densification ressortant du PDCn 2030. Contrairement à ce qui prévaut par exemple lors de l'adoption d'une zone réservée, les requérants ne sont pas empêchés en l'espèce de construire sur leur terrain conformément à la zone villas. La décision de refus du département ne prive ainsi pas les intimés de la possibilité de soumettre une nouvelle requête pour un projet de construction prévoyant une surface habitable compatible avec l'art. 59 al. 1 LCI et, partant, ne nécessitant pas de dérogation. Ils pourront également soumettre une nouvelle requête comprenant un nombre plus élevé de logements lorsqu’un plan d’affectation aura été adopté.

S'agissant de l'argument soulevé par le TAPI - selon lequel le refus d'octroyer la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI ne connaît aucune limite temporelle - il n'est pas de nature à modifier ce qui précède. D'une part, il existe une limite temporelle fixée à l'horizon 2030, laquelle résulte de la mise en œuvre du PDCn 2030. Par ailleurs, s'il est indispensable que des instruments juridiques tels que le refus conservatoire et l'adoption d'une zone protégée - lesquels empêchent les propriétaires de disposer librement de leur terrain pour y construire selon les normes en vigueur dans la zone concernée - connaissent une limite temporelle précise, tel n'est pas le cas pour le refus d'accorder une dérogation lequel ne prive pas les propriétaires de pouvoir édifier des constructions conformes à la zone topique. Contrairement à ce que semblent soutenir le TAPI et les intimés, la manière dont le département fait application de l'art. 59 al. 4 LCI n'est aucunement assimilable à une mesure conservatoire, laquelle ne serait effectivement pas admissible faute de base légale formelle. Toute analogie avec l'art. 13C LaLAT qui traite des zones réservées est ainsi sans fondement.

C'est ainsi à tort que le TAPI a considéré que le refus d'accorder la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI et, partant, l'autorisation sollicitée, violait la garantie de la propriété et le principe de la proportionnalité.

12) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le jugement querellé sera annulé. La décision de refus d’autorisation sera rétablie.

13) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des intimés, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2017 par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2017 ;

rétablit la décision de refus d'autorisation de construire du département du territoire du 23 mai 2016 ;

met à la charge de Messieurs Charles et Paul-Eric AUBERT, Madame Eliane HARALABOPOULOS, Madame Jacqueline METHENITIS, Madame Monique POUILLOT, Madame Nelly TONSI, RGC Immobilier SA et Soprimmo SA, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire, à CGI CONSEILS, mandataire des intimés, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Thélin, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :