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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1107/2023

JTAPI/129/2024 du 15.02.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;VOISIN;SURFACE
Normes : LPA.14; Cst.29; LPA.46; LCI.59.al4; LCI.59.al4bis; LCI.59.al8; LCI.14
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1107/2023 LCI

JTAPI/129/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 février 2024

 

dans la cause

Mesdames A______ et B______, Madame C______ et Monsieur D______, Madame E______ et Monsieur F______, Madame G______ et Monsieur H______, Madame I______ et Monsieur J______ et Messieurs K______ et L______, représentés par Me Olivier FAIVRE, avocat, avec élection de domicile

contre

M______SA, représentée par Me Paul HANNA, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

N______SA


 

EN FAIT

1.             M______SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de U______, en zone 5, à l'adresse ______[GE]. Une maison y est érigée, mais dont la démolition a été autorisée (M 2______).

2.             Madame A______ est propriétaire de la parcelle n° 3______, Madame B______ de la parcelle n° 4______, Madame C______ et Monsieur D______ de la parcelle n° 5______, Madame G______ et Monsieur H______ de la parcelle n° 6______, Monsieur L______ de la parcelle n° 7______, Madame I______ et Monsieur J______ de la parcelle n° 8______, Madame E______ et Monsieur F______ de la parcelle n° 9______ et Monsieur K______ de la parcelle n° 10_____. Toutes ces parcelles sont situées à proximité de la parcelle n° 1______.

3.             Le 22 décembre 2021, par le biais de leur mandataire, les anciens propriétaires de la parcelle n° 1______ ont déposé une requête en autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après: le département) portant sur la construction d'un habitat groupé (44% HPE), d'une pompe à chaleur (ci-après: PAC) ainsi que sur l'abattage d'arbres. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 11_____.

4.             Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été consultées, notamment:

-                 le 26 septembre 2022, la commune a rendu un préavis favorable avec dérogations et souhaits, relevant notamment que le gabarit du nouveau bâtiment était bien plus imposant que la volumétrie des constructions environnantes, ce qui n'était pas le cas du projet initial. Cependant, l'implantation et l'alignement avec les bâtiments existants ainsi que le volume proposé (niveaux en décalage), côté ______[GE] spécialement, semblait être une intervention sensible et mesurée.

-                 le 22 novembre 2022, l'office cantonal des transports (ci-après: OCT) a préavisé favorablement le projet, sous conditions;

-                 le 6 décembre 2022, la commission d'architecture (ci-après: CA) a rendu un préavis favorable avec dérogations et sous conditions, relevant que l'application des art. 59 al. 4 et 59 al. 10 LCI était acceptée, le projet répondant aux remarques émises dans les précédents préavis;

-                 le 7 décembre 2022, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisant (ci-après: SABRA) a rendu un préavis favorable, sous conditions ;

-                 le 8 décembre 2022, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a émis un préavis portant la mention « instruction à poursuivre », tout en étant favorable à l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI.

5.             Sur recours, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal, par jugement du 8 décembre 2022 (JTAPI/12_____), puis la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative), par arrêt du 9 août 2023 (ATA/13_____), ont confirmée l'autorisation de démolir précitée (A/14_____). Un recours est actuellement pendant au Tribunal fédéral.

6.             Suite à un courriel du 25 janvier 2023 de la N______SA (ci-après: N______) informant le département de la volonté de renoncer au projet, le département a clos l'instruction du dossier par décision du 6 février 2023.

7.             Le 14 février 2023, la N______ a requis la réouverture de l'instruction du dossier, invoquant une erreur interne et un défaut de représentation, ce à quoi le département a donné suite en reprenant l'instruction de la DD 11_____.

8.             Sur la base des préavis recueillis, en reconsidération de la décision du 6 février 2023, le département a délivré l'autorisation de construire précitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis Officielle (ci-après: FAO) du même jour.

9.             Par acte du 22 mars 2023, sous la plume de leur conseil, Mme A______ et Mme B______, Mme C______ et M. D______, Mme E______ et M. F______, Mme G______ et M. H______, Mme I______ et M. J______, M. K______ et M. L______ (ci-après: les recourants) ont formé recours contre la décision précitée auprès du tribunal, concluant à titre principale à son annulation, subsidiairement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la cause A/14_____, le tout sous suite de frais et dépens.

La renonciation au projet du 15 janvier 2023 était définitive et irrévocable. La décision querellée était donc caduque.

Le département aurait dû solliciter l'avis des recourants quant au bien-fondé d'une reprise de la procédure, de sorte que leur droit d'être entendu avait été violé. En outre, le département avait occulté leur demande de réexamen du projet depuis le début.

La procédure devait être suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la chambre administrative (A/14_____) au sujet de la démolition de la villa.

Le projet prévoyait un taux d'utilisation du sol de 44%, de sorte qu'une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI était nécessaire. Or, le projet était manifestement incompatible avec les caractéristiques du quartier. En effet, il s'agissait d'un immeuble de huit appartements s'élevant sur trois étages hors sol avec toit plat, alors que l'ensemble du chemin ne comprenait que des villas individuelles avec toit en pente et de petits gabarits, d'un ou deux étages.

Le respect des normes relatives au calcul des surfaces était douteux. Le projet frôlait les maximums légaux tant que ce qui concernait la surface brute de plancher (ci-après: SBP), la dimension des sous-sols et la taille totale des constructions de peu d'importance (ci-après: CDPI).

Le chemin du ______[GE] était un chemin d'importance secondaire dont la fréquentation était problématique à cause du trafic. Le projet querellé entrainerait une fréquentation supplémentaire de pas moins de quinze véhicules, lesquels seraient appelés à manœuvrer à proximité d'un carrefour très fréquenté puisque les véhicules étaient censés se garer l'un après l'autre via un système d'ascenseur. Cette augmentation du trafic serait source d'inconvénients graves pour le voisinage. Le projet serait également source de nuisances visuelles graves, par la création de terrasses et balcons en toiture par rapport à l'intimité du voisinage.

10.         Par courrier du 4 avril 2023, le département a informé le tribunal s'opposer à la demande de suspension.

11.         Le 11 avril 2023, les anciens propriétaires de la parcelle n° 15_____, alors parties à la procédure, se sont opposés à la suspension.

12.         Le 15 mai 2023, ils ont informé le tribunal que la société M______SA avait acquis la propriété de la parcelle n° 15_____ le 14 avril 2023. De ce fait, ils sollicitaient du tribunal qu'il prononce la substitution de partie, ce que le tribunal a fait par courrier du 17 mai 2023.

13.         Le 26 mai 2023, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

Le grief relatif à la renonciation communiquée par la N______ le 25 janvier 2023 n'était pas recevable, dès lors que la reprise de l'instruction n'affectait pas de manière particulière les recourants. En effet, il aurait suffi de redéposer la requête en autorisation de construire pour aboutir au même résultat. En tout état, la jurisprudence citée par les recourants en matière d'irrévocabilité du retrait concernait la procédure pénale. Enfin, l'irrévocabilité des droits formateurs souffrait de quelques exceptions, notamment celle du consentement du destinataire, ce qui était le cas en l'espèce. Quoiqu'il en fut, suivre l'avis des recourants revenait à faire preuve de formalisme excessif. En outre, l'absence de mandat des anciens propriétaires en faveur de la N______ n'était pas de nature à influencer le litige, cette question relevant des relations internes entre requérant et propriétaire, soit du droit privé.

Une suspension de la procédure ne se justifiait pas.

Le droit d'être entendu ne portait pas en principe sur la décision projetée et l'autorité n'avait pas à soumettre par avance aux parties le raisonnement qu'elle entendait tenir pour prise de position. La LCI ne prévoyait pas de procédure d'instruction spécifique au cours de laquelle les tiers éventuellement touchés dans leurs droits se verraient reconnaitre le droit de se déterminer avant que ne soit délivrée une autorisation de construire. À toutes fins utiles, les procédures de publication de la requête d'observations et de publication de l'autorisation de construire avaient été respectée, ce que les recourants ne contestaient pas.

S'agissant des doutes quant au calcul des surfaces, vu l'absence d'éléments concrets de nature à remettre en cause l'appréciation des instances compétentes, les recourants ne faisaient que de tenter de substituer leur appréciation à celles de ces dernières.

Au sujet des nuisances alléguées, la création de cinq logements supplémentaires n'était pas susceptible de causer une augmentation de trafic conséquente, ce que confirmait le préavis favorable de l'instance compétente. De plus, les normes en matière de construction n'avaient pas pour vocation de protéger l'intimité des habitants.

14.         Le 26 juin 2023, la société M______SA a transmis ses observations, concluant au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Elle s'opposait à la demande de suspension.

S'agissant de l'irrévocabilité du prétendu retrait de la requête, la jurisprudence à laquelle les recourants se référait avait trait uniquement à l'irrévocabilité d'une renonciation à faire recours ou au retrait de celui-ci en matière pénale. L'art. 186 du code de procédure pénale (CPP - RS 312.0) ne s'appliquait qu'aux situations où une décision avait d'ores et déjà été contestée devant une autorité judiciaire. En procédure non contentieuse, le requérant d'une autorisation demeurait libre d'y renoncer en cours d'instruction, de déposer une nouvelle requête ou encore de demander la reprise de l'instruction d'une requête préalablement retirée s'il le souhaitait. En outre, la déclaration de retrait de requête était la conséquence d'une mauvaise compréhension de la part de la collaboratrice de la N______, que celle-ci n'était pas formellement habilitée à représenter. Enfin, un simple courriel ne suffisait pas à s'assurer clairement et de manière irrévocable de la volonté d'un requérant.

Le département avait traité la demande de la N______ comme une demande de reconsidération de la décision du 6 février 2023 qui constatait l'abandon de l'instruction, ce qu'il avait le droit de faire. La décision querellée comprenait ainsi deux volets distincts, soit une décision incidente relative à la reprise de l'instruction et une décision finale autorisant le projet querellé. Les recourants ne pouvaient dès lors attaquer la décision incidente, le délai de dix jours étant dépassé.

La requête avait fait l'objet d'une publication dans la FAO. Les recourants avaient ainsi été dûment informés de son dépôt selon les modalités prévues par la loi et avaient eu la possibilité de consulter le dossier et d'adresser leur éventuels observations au département. Ils avaient par ailleurs fait valoir leur droit d'être entendu à plusieurs reprises lors de l'instruction en date des 9 mars, 6 septembre et 5 octobre 2022. Par la suite, ils avaient pu suivre la poursuite de la procédure depuis le 15 février 2023 en consultant la plateforme SAD-Consult et auraient pu transmettre spontanément leur point de vue, ce qu'ils n'avaient pas fait. En sus, il n'appartenait pas au département de solliciter l'avis des opposants au projet avant de rendre une décision sur le bien-fondé de la requête qui lui était soumise. En tout état, ils avaient pu faire valoir l'ensemble de leurs griefs devant le tribunal.

L'octroi d'une dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI avait fait l'objet d'un examen approfondi de la CA, laquelle avait demandé la refonte totale du projet, afin notamment que celui-ci ne s'étala pas sur la parcelle avec une disproportion entre le bâti et la pleine terre. Les cheminements avaient également été revus. Les questions architecturales et esthétiques avaient été au centre de l'analyse de l'octroi de cette dérogation, préavisée favorablement par l'instance compétente. Au demeurant, la densité du projet correspondait à la volonté de densification accrue de la commune pour ce secteur, laquelle s'était également montrée favorable au projet, en saluant son implantation, son alignement avec les bâtiments existants ainsi que le volume proposé (niveaux en décalage). Les recourants ne tentaient en définitive que de substituer leur propre appréciation à celle de l'instance compétente.

Les recourants n'expliquaient pas en quoi le calcul du rapport de surfaces serait à la limite de ce que permettait la loi. Ils ne présentaient aucun calcul et ne faisaient référence à aucune surface précise. Le grief était ainsi purement appellatoire. À toute fins utiles, le projet respectait les limites légales : la SBP totale était de 1'047.43 m2 et les CDPI s'élevaient à un total de 72.62 m2. Ces calculs avaient été vérifiés et validés par la DAC.

Le projet ne violait pas les art. 14 et 15 LCI. L'utilisation de l'ascenseur ainsi que son accès, tout comme les modalités d'exercice de la servitude de passage avaient été étudiés minutieusement par l'OCT, lequel avait demandé des précisions et modifications avant de valider le projet. La circulation des éventuels futurs véhicules des habitants ne causeraient ainsi aucune nuisance ou inconvénients graves au voisinage. Le bien-être des voisins n'en serait également pas altéré. Le projet était parfaitement adapté à ses environs ainsi qu'à la configuration de la parcelle et l'argument de la perte d'intimité n'était pas convaincant. La terrasse du 1er étage donnait sur le chemin du ______[GE] et les deux balcons étaient orientés au sud de la parcelle. Les habitations avoisinantes ne seraient ainsi pas visibles depuis ces surfaces extérieures, étant précisé que leur hauteur était trop basse et leur positionnement trop lointain des autres bâtiments du voisinage pour bénéficier d'une vue plongeante chez les voisins. La terrasse en attique s'inscrivait dans les gabarits légaux, de sorte qu'elle ne pouvait être source de nuisances.

15.         Le 21 août 2023, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et argumentation.

Ils sollicitaient l'audition de différents témoins, soit Monsieur O______, l'un des anciens propriétaires de la parcelle n° 15_____, de Madame P______, courtière au sein de Q______ et de Madame R______ et de son supérieur, Monsieur S______, collaborateurs au sein de la N______. Ces auditions étaient nécessaires afin de clarifier les circonstances exactes de la renonciation.

Ils sollicitaient également un transport sur place afin que le tribunal put se rendre compte de la dangerosité de la sortie des véhicules.

Les anciens propriétaires de la parcelle n'avaient plus d'intérêt digne de protection dans la présente procédure, et n'avaient ainsi plus la qualité de partie. M______SA ne disposait d'aucun intérêt digne de protection à intervenir dans la procédure, puisqu'elle avait acquis la propriété du bien-fonds en avril 2023, soit après le dépôt du recours. La substitution de partie n'était admissibile qu'avec le consentement de la partie adverse. Or, les recourants n'avaient ni implicitement ni explicitement donné leur consentement à la substitution de partie et leur détermination n'avait pas été sollicitée sur le sujet.

La renonciation était un acte formateur qui engendrait l'extinction de la relation de droit administratif de manière irrévocable. La procédure d'autorisation de construire permettait aux tiers dont les intérêts étaient touchés de se prémunir des lourdes conséquences d'une décision contraire au droit, de sorte que la procédure devait être rigoureusement respectée. Ainsi, le retrait intervenu le 25 janvier 2023 faisait obstacle à la délivrance de l'autorisation de construire litigieuse. Une nouvelle demande aurait dû être déposée et instruite depuis le début.

La décision querellée était nulle, subsidiairement annulable, au motif que la procédure de publication aurait été viciée.

Ils n'avaient jamais été informés de la reprise de la procédure par le département tout comme le tribunal de céans ne les avait jamais informés de la substitution de partie.

Ils comptaient saisir le Tribunal fédéral dans la cause A/14_____ relatif à l'autorisation de démolir et l'association T______ avait déposé une demande de mise à l'inventaire de la maison existante, ce qui justifiait la suspension de la procédure.

Le projet conduisait à un taux d'utilisation du sol atteignant exactement 44%, de sorte qu'une dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI était nécessaire. Le PDCom n'avait toujours pas été approuvé par le Conseil d'État, de sorte qu'il ne pouvait être appliqué en l'état.

Le projet prévoyait un sous-sol de 753.7 m2, dont 514 m2 non comptabilisés pour les voitures. Cette surface était largement supérieure à ce que permettaient l'art. 59 al. 8 et 9 LCI, puisqu'elle correspondait à 32 % de la surface totale de la parcelle. Au niveau du sous-sol, il était prévu seize places de stationnement. Ce sous-sol important impliquait la création d'un ascenseur à véhicule, lequel s'avérait dangereux pour les utilisateurs du chemin et bruyant pour les voisins immédiats. Une place visiteur était aussi prévue le long du chemin du ______[GE]. De plus, plusieurs CDPI, notamment un imposant local à poubelles et à vélos, étaient projetées, lesquelles ne s'intégraient pas dans l'esthétique du quartier. Ils contestaient de manière générale les calculs indiqués par l'intimée, en particulier le gabarit du local poubelles et vélos, dès lors qu'il était impossible que ledit local de 20 m2 put contenir les déchêts de huit ménages et des vélos. On ignorait également si la place visiteur extérieure bénéficierait d'un couvert.

Outre l'augmentation de la fréquentation de la route par les véhicules, les odeurs qui se dégageraient du local poubelles causeraient un préjudice évident pour le voisinage. À cela s'ajoutait une nuisance visuel, dès lors que le projet n'avait pas sa place dans un chemin résidentiel.

16.         Le 14 septembre 2023, le département a dupliqué, maintenant ses conclusions et son argumentation.

Les développements des recourants sur la qualité de partie n'avaient aucune influence sur l'issue du litige. Il en allait de même des mesures d'instruction sollicitées, dès lors qu'elles ne visaient qu'à donner des informations sur des rapports internes ou des liens contractuels, et le dossier contenait toutes les informations nécessaires s'agissant de l'impact du projet sur la sécurité du trafic.

Au surplus, les recourants n'apportaient aucun élément nouveau.

17.         Le 28 septembre 2023, M______SA a dupliqué.

Les mesures d'instruction sollicitées n'étaient pas pertinentes, le dossier contenant déjà tous les éléments nécessaires.

Sa situation n'était pas celle d'un intervenant, mais bien du propriétaire au bénéfice du permis de construire. En cas de changement de propriétaire en cours de procédure, les règles de la procédure civile sur la substitution de partie s'appliquaient par analogie. C'était donc à juste titre que le tribunal avait prononcé la substitution de partie par décision du 17 mai 2023, laquelle n'avait pas été remise en cause.

18.         Le 13 octobre 2023, les recourants ont transmis des observations spontanées.

19.         Le 26 octobre 2023, M______SA s'est déterminée sur le courrier du 13 octobre 2023 des recourants.

20.         Le 1er novembre 2023, le département s'est aussi déterminé sur le courrier du 13 octobre 2023 des recourants.

21.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que ses auteurs disposent de la qualité pour recourir.

4.             La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 let. b LPA).

Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1).

5.             En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1). Les intérêts d’un voisin peuvent être lésés de façon directe et spéciale aussi en l’absence de voisinage direct, lorsqu’une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b). La qualité pour recourir a ainsi été admise pour des distances variant entre 25 et 150 m (ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2c et les références citées).

6.             La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 11b). Le recourant doit rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/ 2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).

7.             En particulier, l’intérêt digne de protection des voisins est admis lorsqu’ils se prévalent de normes ayant des effets concrets ou juridiques sur leur situation (ATF 133 II 249 consid. 1.3.2). À cet égard, la chambre administrative (à l’époque le tribunal administratif) a considéré qu’en cas de trottoir « traversant », lequel élargit l’espace dévolu aux piétons et aménage le profil de la voie publique afin de ralentir la circulation automobile, on ne voit guère quels intérêts une personne habitant à proximité immédiate d’une telle installation pourrait effectivement invoquer pour recourir contre la décision autorisant un tel trottoir (ATA/522/2002 du 3 septembre 2002).

8.             En l'occurrence, les recourants sont propriétaires de parcelles directement voisines ou situées à proximité immédiate de celle sur laquelle le projet litigieux est prévu. Ils disposent ainsi a priori de la qualité pour recourir.

9.             L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions, respectivement griefs, formulés par un recourant sont recevables.

10.         En effet, un recourant ne peut pas présenter n’importe quel grief ; il ne se prévaut d’un intérêt digne de protection, lorsqu’il invoque des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Tel est souvent le cas lorsqu’il est certain ou très vraisemblable que l’installation ou la construction litigieuse sera à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le grief soulevé (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b).

11.         En l'occurrence, les recourants se prévalent d'une violation de leur droit d'être entendu, du fait que le département ne les aurait pas avertis au préalable de la reprise de l'instruction du dossier, d'une violation de l'art. 59 al. 4 LCI, d'un calcul du rapport de surfaces irrégulier s'agissant de la SBP, de la dimension du sous-sol et du calcul des CDPI, ainsi qu'une violation de l'art. 14 LCI. Ils se prévalent ainsi de griefs tirés du droit des constructions qui, s'ils sont admis, peuvent avoir une influence sur leur situation concrète. Leur qualité pour recourir contre l'autorisation de construire sera donc admise.

En revanche, s'agissant du grief relatif à la renonciation de la N______ au projet, lequel serait selon eux définitif et irrévocable, aucune norme du droit des constructions ne prévoit une telle conséquence en cas de renonciation à un projet de construction en cours d'instruction, contrairement, par exemple, à ce que prévoit l'art. 89 al. 1 LPA en cas de retrait du recours. La jurisprudence citée par les recourants a d'ailleurs trait à l'art. 386 al. 3 du code de procédure pénale (CPP - RS 312.0) au sujet de la renonciation ou au retrait du recours, lequel n'est manifestement pas applicable, même par analogie, à la présente procédure. Par ailleurs, on peine à concevoir en quoi l'admission d'un tel grief toucherait les recourants dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée. En effet, aucune norme de la LCI ou de son règlement n'impose au département d'interpeller les parties à une future procédure en sus de la publication de la requête et de la décision finale dans la FAO (art. 3 al. 1 et 5 LCI). En tout état, il convient de relever que le projet n'a subi aucune modification entre le moment de l'annonce de la renonciation et la demande de reprise de l'instruction du dossier, quelques jours après, de sorte que la reprise du dossier depuis le début d'instruction ne modifierait selon toute vraisemblance pas l'issue de la procédure d'instruction auprès du département et un renvoi pour nouvelle instruction ne constituerait ainsi qu'une simple formalité.

Dans cette mesure, ce grief sera déclaré irrecevable.

12.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

13.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 6a et les références citées).

14.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/ 2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e).

15.         Dans son jugement, le tribunal prend en considération l'état de fait existant au moment où il statue, en tenant compte des faits et des moyens de preuve nouveaux invoqués pendant la procédure de recours et qui sont déterminants dans l'appréciation du bien-fondé de la décision entreprise (cf., par analogie, arrêts du Tribunal administratif fédéral E-5824/2018 du 14 février 2020 consid. 2 et l'arrêt cité ; D-573/2020 du 12 février 2020 ; F-235/2018 du 4 avril 2019 consid. 3 et la jurisprudence citée ; F-3202/2018 du 28 février 2019 consid. 3 ; F-3460/2017 du 25 janvier 2019 consid. 2 et l'arrêt cité).

16.         À titre préalable, les recourants sollicitent la suspension de la procédure, en application de l’art. 14 al. 1 LPA, jusqu'à l'issue de la procédure de recours intentée auprès de la chambre administrative dans la cause A/14_____ au sujet de la démolition de la villa et jusqu'à l'issue de la demande de mise à l'inventaire de la villa existante.

17.         Selon l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

L’art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie. La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 Cst. d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/1278/2021 du 23 novembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités).

18.         En l’occurrence, par arrêt du 9 août 2023, la chambre administrative a rejeté le recours contre l'autorisation de démolir dans le cadre de la procédure A/14_____, de sorte que le motif de suspension invoqué par les recourants n'existe plus, quand bien même ces derniers ont interjeté recours contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. Il n'apparait pas nécessaire de suspendre la cause dans l'attente de la décision de cette juridiction, le tribunal disposant des éléments nécessaires pour trancher le cas d'espèce. S'agissant du dépôt de la demande de mise à l'inventaire, il ressort du de l'arrêt de la chambre administrative du ______ 2023 (ATA/16______ consid. 5.4) que dans le cadre de l'instruction de l'autorisation de démolir la villa existante, le SMS s'était déterminé sur cette question et avait précisé que le bâtiment était recensé en valeur « intérêt secondaire ». Si cette valeur était maintenue dans le recensement en cours de validation, l'autorité administrative ne serait pas concernée en cas de travaux. Or, la villa existante ayant subi différent travaux, la substance d'origine avait été perdue, de sorte que l'adoption d'une mesure de protection n'était pas envisagée. Partant, il est manifeste que le dépôt de la demande de mise à l'inventaire n'est pas suffisant pour suspendre la présente procédure. En outre, aucun motif de suspension au sens de l'art. 78 LPA n'est manifestement donné, étant précisé que le département et l'intimée s'y sont expressément opposés.

Partant, la demande de suspension de la cause sera rejetée.

19.         Les recourants sollicitent aussi l'audition de différents témoins ainsi que la tenue d'un transport sur place.

20.         Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2s p. 157 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1).

Cependant, l’ensemble des actes d’instruction ne sont pas obligatoires (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d, s'agissant de l'audition orale des parties ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 et ATA/384/2011 du 21 juin 2011, s'agissant de l'inspection locale) dès lors qu’ils n'apparaissent pas indispensables, si le dossier contient déjà les éléments utiles et nécessaires permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le litige (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 III 208 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_109/2015, 2C_110/2015 du 1er septembre 2015 consid. 4.1 ; 1C_61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1).

Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

21.         En l'espèce, le tribunal estime disposer d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. En effet, le projet litigieux a été soumis à l'examen minutieux de plusieurs instances spécialisées, dont notamment l'OCT et la CA, lesquels ont rendu des préavis détaillés après analyse des éléments du projet. En outre, la consultation du Système d'Information du Territoire à Genève (ci-après : SITG) ainsi que du dossier de la requête en autorisation de construire litigieuse, accompagné notamment des plans produits, permettent d'avoir une image suffisamment nette et précise de la situation actuelle. Enfin, les recourants ont eu la possibilité de faire valoir leurs arguments, dans le cadre de leur recours et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ces écritures, sans qu'ils n'expliquent quels éléments la procédure écrite les aurait empêchés d'exprimer de manière pertinente et complète. En outre, les auditions sollicitées visent à apporter un éclairage quant à la renonciation de la requérante à l'instruction de sa requête. Or, cet argument n'étant pas recevable, les auditions sollicitées n'apparaissent manifestement pas pertinentes. Dans ces circonstances, le tribunal, procédant à une appréciation anticipée des preuves, considère que tant la tenue d'un transport sur place que les auditions sollicitées ne seraient pas de nature à changer sa conviction. En conséquence, les demandes de mesures d'instruction, non obligatoires, sont rejetées.

22.         Au fond, les recourants invoquent une violation de leur droit d'être entendu, au motif que le département ne les aurait pas informés préalablement de la reprise de l'instruction du dossier et qu'il n'aurait pas pris en compte leur demande de reprise complète de l'instruction depuis le début. En outre, ils reprochent au tribunal de céans de ne pas les avoir interpellés sur la question de la substitution de partie avant de la prononcer. Ils prétendent aussi que la décision querellée serait nulle, au motif que la publication de l'autorisation de construire querellée serait viciée, en se référant à la jurisprudence relative au mauvais choix de la procédure d'instruction.

23.         La garantie du droit d'être entendu, dont les fondements juridiques ont déjà été présentés dans les considérants qui précèdent, constitue une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi, mais constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsque l'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée pour ce seul motif (arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2014 du 21 août 2014 consid. 3.1.3 ; 4A_153/2009 du 1er mai 2009 consid. 4.1 ; 2P.20/2005 du 13 avril 2005 consid. 3.2).

24.         L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 123 I 63 consid. 2d ; 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1 ; 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4.1).

Ce droit implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision (ATF 146 II 335 consid. 5.1). L’art. 46 al. 1 LPA fait ainsi obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées. Selon une jurisprudence constante, le droit d’être entendu implique pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_468/2022 du 12 janvier 2023 consid. 1.1). L’autorité peut passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l’évidence non établi ou sans pertinence. Il n’y a ainsi violation du droit d’être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2).

25.         L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 3.1 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018 p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 136 I 184 consid. 2.2.1 p. 188 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2014 du 15 janvier 2015 consid. 5.1 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.1 ; 1C_246/2013 du 4 juin 2013 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/679/2015 du 23 juin 2015 consid. 7 et les arrêts cités).

26.         La nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Si de graves vices de procédure, tels que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision, peuvent constituer des motifs de nullité, des vices de fond n'entraînent qu'à de très rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; 136 II 489 consid. 3.3 ; 133 II 366 consid. 3.2 ; ATA/845/2022 du 23 août 2022 ; ATA/835/2022 du 23 août 2022).

La nullité d'une décision doit être effectué d'office, en tout temps, par l'ensemble des autorités étatiques (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2).

27.         En l'espèce, le droit des constructions prévoit deux étapes clés afin de permettre aux tiers de s'exprimer sur un projet de construction : la phase de l'enquête publique, permettant à tout un chacun de formuler ses observations indépendamment de la qualité de partie et la publication dans la FAO de la décision une fois rendue, permettant aux tiers ayant la qualité de partie et s'estimant lésés d'interjeter recours contre la décision concernée. Les différentes étapes de l'élaboration d'un projet ne sont ainsi pas soumises à une obligation du département d'avertir personnellement l'ensemble des tiers potentiellement touchés par un projet de construction. Les recourants ne sauraient ainsi se baser sur une norme particulière du droit des constructions pour fonder leur grief. À cet égard, il ressort des éléments du dossier que la procédure de publication imposée par la LCI a été entièrement respectée et que les recourants ont pu exprimer leur point de vue à l'occasion de différents courriers pendant l'instruction du dossier. Quoi qu'il en soit, les recourants ont été à même de formuler leurs griefs à l'égard de la décision querellée, en toute connaissance de cause devant le tribunal de céans, de sorte qu'une éventuelle violation de leur droit d'être entendu aurait, de toute façon, été guérie.

S'agissant de la substitution de partie, force est de constater que celle-ci a été admise par la chambre administrative dans le cadre de la procédure A/14_____ relative à l'autorisation de démolir (ATA/16______ du ______ 2023 consid. 2), de sorte qu'il en va logiquement de même dans le cadre de la présente procédure, quoiqu'en dise les recourants, lesquels n'ont pas manifesté leur désaccord dans le cadre de la procédure de recours par devant la chambre administrative. Au demeurant, on peine à concevoir en quoi cette substitution de partie aurait conduit à un quelconque préjudice pour les recourants sous l'angle de leur droit d'être entendu, dès lors qu'ils ont pu faire valoir leurs griefs à l'occasion de leur recours contre le projet autorisé, indépendamment de l'identité de la partie adverse. Par conséquent, l'intimée n'est ainsi pas une simple intervenante, mais bien la nouvelle propriétaire de la parcelle litigieuse.

Concernant la question la prétendue nullité de la décision en raison d'un vice dans sa publication, nonobstant la question de sa recevabilité, on comprend mal sur quelle base les recourants formulent ce grief, dès lors que la décision querellée a été rendue suite à une instruction sous la forme d'une demande définitive, et que la procédure de publication de la requête, puis de la décision finale, conformément à ce que prévoit le droit des construction, a été respectée, de sorte à permettre aux tiers touchés par cette décision de recourir efficacement à son encontre.

Au vu de ce qui précède, on ne saurait retenir qu'en délivrant l'autorisation de construire querellée, le département aurait prononcé une décision entachée de nullité ou violant leur droit d'être entendu. Le grief est écarté.

28.         Les recourants estiment que le département n'aurait pas dû accorder la dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI, dans la mesure où le projet ne serait pas compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier.

29.         L'art. 59 al. 4 let. a LCI prévoit, dans sa version actuelle adoptée le 1er octobre 2020 et entrée en vigueur le 28 novembre 2020, que dans les périmètres de densification accrue définis par un PDCom approuvé par le Conseil d’Etat et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après la consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de THPE, reconnue comme telle par le service compétent.

30.         L’art. 59 al. 4bis LCI, également adopté le 1er octobre 2020 et entré en vigueur le 28 novembre 2020, précise que, dans les communes qui n’ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l’al. 4 let. a et b. Pour toutes les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023, un préavis communal favorable est nécessaire.

31.         L’art. 59 al. 4 let. a LCI est issu d’une modification législative qui vise à promouvoir une utilisation plus intensive du sol en 5ème zone à bâtir, de façon à répondre à la crise du logement sévissant à Genève (cf. ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11c ; ATA/1460/2017 du 31 octobre 2017 consid. 2d ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b). Le législateur a eu conscience de cette évolution et a souhaité encourager la réalisation de ces nouvelles formes d’habitat (groupé ou en ordre contigu), lorsqu’il a augmenté les IUS dérogatoires susceptibles d’être appliqués dans cette zone. Il a considéré cette évolution comme une réponse utile et nécessaire par rapport aux problèmes de l’exiguïté du territoire et de la pénurie de logements, manifestant sa volonté d’appliquer l’art. 59 al. 4 let. a LCI partout où les dérogations prescrites pourraient avoir lieu (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 8 ; ATA/1485/2017 du 14 novembre 2017 consid. 8d ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 consid. 8b, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_476/2015 du 3 août 2016).

32.         La première condition imposée par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l’opportunité, que le tribunal ne peut pas contrôler, alors que la seconde, relative à la compatibilité du projet, pose des critères relatifs à l’esthétique et à l’aménagement du territoire, conférant un large pouvoir d’appréciation à l’autorité compétente, qui doit s’exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relevant ainsi de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, le tribunal est habilité, selon l’art. 61 al. 1 let. a LPA, à en sanctionner l’excès ou l’abus (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3c ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4c).

33.         La compatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier exigée par l’art. 59 al. 4 LCI est une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce ; ces notions laissent à l’autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est mieux en mesure d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l’autorité de recours s’impose une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d’utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l’esthétique des constructions (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4c ; ATA/45/2019 du 15 janvier 2019 consid. 5b).

34.         Lorsque la consultation de la CA est imposée par la loi, l'autorité de recours observe une certaine retenue dans son pouvoir d'examen lorsque le département a suivi son préavis ; en effet, la CA, composée essentiellement de spécialistes, est plus à même de prendre position sur des questions qui font appel aux connaissances de ces derniers qu'une instance composée de magistrats (cf. not. ATA/1186/2017 du 22 août 2017 consid. 6c ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 10, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_635/2012 du 5 décembre 2013).

Selon une jurisprudence constante, s'ils sont favorables, les préavis de la CA n'ont, en principe, pas besoin d'être motivés (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3g ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 du 6 décembre 2017 consid. 3.4.2).

35.         Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation, pour autant que l’autorité inférieure ait suivi l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d ; ATA/875/2018 du 28 août 2018 consid. 5b).

36.         L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations, lesquelles ne peuvent toutefois être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité, se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d ; ATA/875/2018 du 28 août 2018 consid. 6b). Il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable, pour que la décision soit annulée ; il faut qu’elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 ; 142 II 369 consid. 4.3 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; 138 I 305 consid. 4.3 ; 137 I 1 consid. 2.4).

37.         En l'occurrence, la requête en autorisation de construire a été déposée le 22 décembre 2021, soit après l'entrée en vigueur de la nouvelle version de l'art. 59 al. 4 LCI et l'entrée en vigueur de l'art. 59 al. 4bis LCI.

Le PDCom de la commune a été approuvé par arrêté du Conseil d'État du 8 novembre 2023. La stratégie de densification de la zone 5 a été validée à l'exception des périmètres de densification accrue que la commune propose sur les secteurs de densification par modification des limites de zones définis dans les fiches A03 et A17 du plan directeur cantonal 2030 mis à jour, approuvé par la Confédération le 18 janvier 2021. Ainsi, seuls les périmètres de densification accrue proposés dans les secteurs de V______ et de W______ ne sont pas validés et le projet querellé se trouve dans le secteur de X______.

Ceci étant dit, cette question n'est pas déterminante dans la présente espèce, dès lors que la distinction entre l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI réside dans la nécessité d'obtenir ou non un préavis favorable de la commune avant que le département ne délivre l'autorisation de construire concernée en fonction de l'approbation ou non du PDCom. Or, en l'occurrence, dans son dernier préavis du 26 septembre 2022, la commune s'est prononcée favorablement à l'octroi de la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI, après un examen détaillé du projet, quand bien même à ce stade son PDCom n'était pas encore approuvé par le Conseil d'État.

En outre, le projet a également recueilli un préavis favorable de la CA concernant l'octroi de cette dérogation en date du 6 décembre 2022, après que cette instance ait requis des modifications du projet et ait procédé à un examen minutieux de celui-ci. En effet, dans ses préavis précédents, la CA avait émis des critiques en rapport avec l'implantation du projet, notamment en lien avec l'alignement des villas existantes, l'emprise du sous-sol, son volume et la végétation environnante. Au surplus, rien ne permet de penser que l'analyse de la CA serait basée sur des éléments contraire aux critères définis à l'art. 59 al. 4 LCI ou aux buts poursuivis par la LCI.

En d'autres termes, il appert que les recourants tentent avant tout de substituer leur propre appréciation à celle de l'instance spécialisée. Ainsi, en accordant la dérogation fondée sur l'art. 59 al. 4 LCI sur la base des préavis favorable de la commune et de la CA, le département n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

Le grief est écarté.

38.         Les recourants mettent en doute le calcul du rapport des surfaces effectué par la requérante, s'agissant de la SBP du projet, de la dimension du sous-sol et du calcul des CDPI, au motif que le projet « frôlerait les maxima légaux ».

39.         La surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées ou agrandies qui respectent l’un de ces standards (art. 59 al. 1 LCI).

40.         Comme indiqué précédemment, dans les périmètres de densification accrue définis par un plan directeur communal approuvé par le Conseil d’Etat et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après la consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (THPE), reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI).

41.         Selon l’art. 59 al. 8 LCI, la surface des constructions en sous-sol, exprimée en m2 de plancher brut, ne doit pas excéder la surface de plancher hors sol qui peut être autorisée en application de l'art. 59 al. 1 LCI.

En vertu de l’art. 59 al. 9 LCI, dans tous les cas, la surface du sous-sol, y compris celle du sous-sol des constructions de peu d’importance, ne peut excéder le 20% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 22% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 24% lorsque la construction est conforme à un standard de THPE, reconnue comme telle par le service compétent.

Le département peut, toutefois, admettre une surface de sous-sol non comprise dans le calcul du rapport des surfaces, tel que défini aux alinéas 8 et 9 du présent article, si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l’édification de CDPI à destination de garages en surface (art. 59 al. 10 LCI).

42.         En l'occurrence, s'agissant de la SBP du projet, les recourants ne précisent pas en quoi ils estiment que les calculs seraient erronés. Au contraire, ils indiquent que les chiffres retenus « frôleraient » les limites prévues par la loi et se contentent ainsi d'une critique générale, laquelle s'oppose au préavis favorable de la DAC du 8 décembre 2022 - lequel, à toutes fins utiles, indique manifestement par erreur « instruction à poursuivre » alors qu'il s'agit en réalité manifestement d'un préavis favorable puisqu'aucune modification ou pièce complémentaire n'est sollicitée.

Concernant le sous-sol, dans son préavis du 8 décembre 2022, la DAC s'est déclarée favorable à l'application de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sans émettre de remarque s'agissant du calcul des rapports de surface. Cette instance a notamment relevé que la SBP hors sol était fixée à 1'047.5 m2 et celle du sous-sol à 753.7 m2 dont un « parking voiture de 514.5 m2 non comptabilisé (viser art. 59 al. 10 LCI) ». En outre, dans son préavis favorable du 6 décembre 2022, la CA s'est également prononcée favorablement à l'octroi de la dérogation visée à l'art. 59 al. 10 LCI, après avoir notamment estimé, dans ses préavis précédents, que la surface du sous-sol était excessivement importante. Par ailleurs, s'agissant de la place de stationnement visiteur à l'extérieur, il ressort des plans autorisés, notamment le plan du rez-de-chaussée, qu'il ne s'agit manifestement que d'un marquage au sol, sans couvert, et ainsi que le principe de renonciation à l'édification d'une CDPI à destination de garages en surface de l'art. 59 al. 10 LCI est respectée.

Concernant le calcul des CDPI, notamment s'agissant du local poubelles et à vélos, les recourants se limitent à évoquer une prétendue impossibilité pour ledit local de contenir les vélos et ordures du projet vu sa dimension de 20 m2. Or, outre le fait que la critique des recourants n'est pas étayée et s'avère ainsi être purement appellatoire, la DAC n'a émis aucune réserve concernant le calcul des CDPI du projet et, à la lumière des plans autorisés, rien ne permet de conclure que l'analyse de cette instance serait dépourvue d'objectivité ou fondée sur des considérations étrangères aux buts de la loi.

En conséquence, le tribunal parvient à la conclusion que le calcul des rapports de surface n'est pas problématique et que le projet respecte les limites légales autorisées. Le grief est écarté.

43.         Les recourants prétendent que le projet serait source d'inconvénients graves, au sens de l'art. 14 LCI, notamment en termes d'augmentation du trafic et de perte d'intimité.

44.         À teneur de l’art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser une autorisation de construire notamment lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 18b). La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8b).

45.         La notion d’inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature de l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen s’exerce dans les limites précitées, sous réserve du respect du principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation (ATA/1101/2022 du 1er novembre 2022 consid. 5b et les références citées).

46.         L’accroissement du trafic routier, s’il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable au sens de la disposition légale précitée (ATA/306/2008 du 10 juin 2008 ; ATA/232/2006 du 2 mai 2006 et les références citées). L’accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone ne constitue par ailleurs pas un inconvénient grave au sens de l’art. 14 LCI (ATA/309/2007 du 12 juin 2007). Par ailleurs, l’art. 14 LCI vise les nuisances issues ou induites par la construction ou l’installation projetée elle-même et non celles provoquées par les modalités de sa réalisation. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’était pas arbitraire de considérer que les inconvénients causés par un chantier de construction, notamment la circulation temporairement accrue qui en résultait, ne constituaient pas des inconvénients graves au sens de cette disposition, même si, suivant les circonstances, ils pouvaient être plus ou moins sensibles pour les voisins (arrêt 1P.530/2002 du 3 février 2002 confirmant l’ATA/447/2002 du 27 août 2002 ; cf. aussi ATA/1220/2020 du 1er décembre 2020 consid. 7a et les références cités ; ATA/399/2020 du 23 avril 2020 consid. 7d).

47.         En l’espèce, l’allégation des recourants selon laquelle l’accès au parking souterrain créerait un danger pour les usagers du chemin du ______[GE] n’est nullement étayée et ne repose que sur des conjectures. Le fait que des véhicules puissent devoir attendre sur ce chemin, créant ainsi un ralentissement, voire un engorgement, peut certes générer une situation plus dangereuse, mais cela n’implique pas pour autant que la situation serait à ce point dégradée en terme de sécurité routière qu’il faille annuler l’autorisation querellée. De plus, il faut garder à l’esprit que la construction projetée est conforme à la zone dans laquelle les parcelles devant l’accueillir se situent. En outre, l’OCT, instance spécialisée en matière de mobilité et de sécurité routière a analysé trois fois le projet et l’a préavisé favorablement sans émettre la moindre réserve ou remarque quant à la sécurité des usagers du chemin, étant rappelé que la loi n’exige pas une telle motivation. Ainsi, si l’on doit admettre que la construction de l’immeuble autorisé aura un impact sur la circulation au chemin du ______[GE], rien n’indique que le trafic supplémentaire engendré serait incompatible avec les caractéristiques du quartier et la sécurité des usagers, que ce soit en raison de l’accès prévu à la construction projetée ou pour d’autres motifs.

Il n’en va pas différemment d’une éventuelle péjoration de la tranquillité et de l'intimité dont les recourants jouissent à l’heure actuelle, si tant est qu’elle puisse l’être par les nuisances hypothétiques liées à l’usage privé des terrasses. Comme justement souligné par le département, les normes en matière de construction n’ont pas pour vocation de protéger l’intimité des habitants (ATA/197/2022 du 22 février 2022 consid. 4c ; ATA/498/2020 du 19 mai 2020 consid. 7b), étant relevé que l’utilisation des terrasses relève des règles de bon voisinage et de droit privé.

Dans ces circonstances, en présence de préavis favorables, il ne peut pas être reproché au département d’avoir délivré l’autorisation de construire querellée. Le fait qu’il a, en tenant compte de tous les intérêts en présence, procédé à une appréciation différente de celle des recourants - qui entendent avant tout opposer leur propre appréciation, en particulier quant au risque, à celle du département - ne permet pas de retenir que celui-ci se serait fondé sur des critères et considérations dénués de pertinence et étrangers au but visé par la règlementation en vigueur. Ainsi que déjà relevé ci-dessus, le tribunal doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité de décision, en particulier dans les domaines faisant appel à des connaissances techniques, et ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire. Le grief est écarté.

48.         Entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

49.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

50.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge des recourants, sera allouée à M______SA (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 mars 2023 par Madame A______ et Monsieur B______, Madame C______ et Monsieur D______, Madame E______ et Monsieur F______, Madame G______ et Monsieur H______, Madame I______ et Monsieur J______ et Messieurs K______ et L______ contre la décision du département du territoire du 20 février 2023 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne les recourants à verser à la société M______SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière