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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/657/2021

ATA/17/2023 du 10.01.2023 sur JTAPI/191/2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;PERMIS DE CONSTRUIRE;AUTORISATION PRÉALABLE;PROTECTION DES MONUMENTS;CONSTRUCTION DE LOGEMENTS;MESURE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE;PLAN DIRECTEUR;PLAN D'AFFECTATION CANTONAL;ZONE DE DÉLASSEMENT;PROFIL;EXCEPTION(DÉROGATION);EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.29.al2; CEDH.6; LPA.61.al1; LPMNS.4; LPMNS.9.al1; LPMNS.35; LPMNS.38; LPMNS.18.al1; LPMNS.40.al10; LCI.89; LCI.90; LPMNS.47; RPMNS.5; LCI.15; LCI.3.al3; LaLAT.10; LCI.5; LaLAT.13B; RPUS.3; RPUS.12; RPUS.13; RPUS.14; LPA.60.al1.letb; LCI.49; LCI.46.al5; LCI.11; LCI.26; LCI.27; LCI.27.al3; LCI.27.al7; LCI.36; RCI.20.al1; lci
Résumé : Confirmation d'une autorisation préalable ayant objet la construction d'un bâtiment comportant cinquante-trois logements à la place de quatre petites villas d'époques semblables. Violation du droit à la réplique commise par le TAPI mais insuffisamment grave et réparée par la procédure de recours. Les villas ont été identifiées dans le cadre d'un recensement du patrimoine architectural. Toutefois, ce document n'est pas contraignant. Les constructions sur les parcelles concernées ne font pas l'objet de mesures de protection et ne forment pas un ensemble au sens de l'art. 89 et ss LCI. Les conditions d'un refus conservatoire ne sont pas remplies. Le RPUS prévoit la possibilité d'une dérogation, laquelle sera examinée dans le cadre de la demande définitive. En tant qu'il est recevable, le grief portant sur la hauteur minimale des vides d'étage est mal fondé. Dérogation prévue par la loi concernant la problématique du gabarit de l'immeuble. Recours rejetés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/657/2021-LCI ATA/17/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2023

3ème section

 

dans la cause

Mme et M. A______
M. B______
Mme et M. C______

représentés par Me Michel SCHMIDT, avocat
et
Mme et M. D______
représentés par Me Jean-Daniel BORGEAUD, avocat

contre

M. E______
M. F______
G______ SA
H______ SA
I______ SA
représentés par Me François BELLANGER, avocat
et
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

___________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2022 (JTAPI/191/2022)


EN FAIT

1) a. Mme et M. D______ (ci-après : les époux D______) sont propriétaires de la parcelle n° 440, feuille 27, de la commune de la J______ (ci-après : la ville), K______, d'une superficie de 1'564 m2, à l'adresse ______, rue L______.

Ils sont bénéficiaires d'une servitude interdisant toute construction qui ne serait pas une villa sur les parcelles nos 381, 382, 384 et 387.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

b. Mme et M. A______ (ci-après : les époux A______) sont propriétaires de la parcelle n° 433, feuille 27, d'une superficie de 496 m2, à l'adresse ______, rue L______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

Ils sont bénéficiaires d'une servitude interdisant toute construction qui ne serait pas une villa sur les parcelles nos 381, 382, 384 et 387.

c. M. B______ est propriétaire de la parcelle n° 436, feuille 27, d'une superficie de 654 m2, à l'adresse ______, Chemin M______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

d. Mme et M. C______ (ci-après : les époux C______) sont propriétaires de la parcelle n° 428, feuille 27, d'une superficie de 193 m2, à l'adresse ______, rue L______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

2) a. M. E______ est propriétaire de la parcelle n° 387, feuille 27, d'une superficie de 468 m2, à l'adresse ______, rue L______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

b. M. N______ est propriétaire de la parcelle no 381, feuille 27, d'une superficie de 467 m2, à l'adresse à l'adresse rue L______ ______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

c. M. F______ est propriétaire de la parcelle n° 382, feuille 27, d'une superficie de 443 m2 à l'adresse ______, rue L______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

d. H______ SA (ci-après : H______) est propriétaire de la parcelle n° 384, feuille 27, d'une surface de 454 m2, à l'adresse ______, rue L______.

Une maison d'habitation est érigée sur la parcelle.

e. O______ SA, P______ Sàrl et Q______ SA (ci-après : O______, P______ & Q______) sont propriétaires de la parcelle n° 380, feuille 27, d'une surface de 51 m2, à l'adresse ______, rue R______.

Ces parcelles sont sises en 3ème zone de construction à moins de 100 m les unes des autres.

3) Le 2 octobre 2018, le notaire de H______ a écrit au département du territoire (ci-après : le département ou DT) précisant qu'il avait été mandaté aux fins d'instrumenter l'acte portant radiation des servitudes de « Restriction au droit de bâtir » grevant les parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387.

4) Le 14 décembre 2018, les propriétaires des parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387, par le biais du G______ SA (ci-après: G______ ou la requérante), ont déposé une demande d'autorisation de construire préalable (ci-après : DP), enregistrée sous DP 1______ auprès du département.

Cette demande avait pour objet initial la construction d'un immeuble de huit étages (R+8) de cinquante-six logements et surfaces d'activités au rez-de-chaussée sur les cinq parcelles précitées aux adresses ______, ______, ______ et ______, rue L______.

5) Le 18 février 2019, le propriétaire de la parcelle n° 438, à l'adresse ______, rue T______, a transmis des observations sur la DP 1______, relevant le caractère exceptionnel de la zone. Une étude globale devrait être faite préalablement à tout projet fait uniquement en fonction de la disponibilité de quelques parcelles. Un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) permettrait de fixer globalement l'avenir de cette zone.

6) Dans le cadre de l'instruction de cette DP, de nombreux préavis ont été établis par les instances spécialisées, soit notamment :

- le 17 décembre 2018, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), devenue l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) a émis un préavis favorable avec dérogations à l'art. 11 al. 5 et 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) concernant notamment le gabarit des constructions, dont les conditions étaient pour le surplus remplies ;

- le 14 janvier 2019, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) s'est déclaré favorable au projet sous conditions. Au moment du dépôt de l'autorisation définitive, il convenait de fournir un plan d'aménagement paysager (ci-après : PAP), prévoyant la plantation d'arbres à moyen développement en bordure de la rue L______ et de la rue R______. La requête en autorisation pour abattage des arbres devait être fournie au même moment ;

- par préavis du 29 janvier 2019, la commission d'architecture (ci-après : CA) a demandé la modification du projet. Ce dernier s'inscrivait dans un contexte de deux demi-îlots et l'objectif architectural en était la fermeture, prenant appui sur le pignon existant à la rue U______, par une barre proposant une tête en attique sur l'angle de cette rue. À l'autre angle, rue R______, le gabarit prévu comportait deux étages supplémentaires.

La CA pourrait être en faveur de la fermeture de l'îlot pour autant que le gabarit suggéré sur les rues L______/R______ soit porté au maximum à 21 m (R+6), avec l'option d'une superstructure se calquant sur celle proposée à l'angle des rues L______ et U______, pour favoriser une unité volumétrique de l'ensemble. Elle demandait que la liaison des volumes entre le bâtiment projeté et la toiture des immeubles mitoyens sis rue R______ soit soignée avec attention ;

- le 4 février 2019, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a indiqué ne pas être en faveur de la création d'un immeuble de logements en lieu et place des bâtiments existants compte tenu des valeurs élevées (valeur « intéressant ») reçues par les bâtiments sis à la rue L______ nos 31 à 37 lors du recensement architectural et des sites du canton de Genève, plan no 2______ du « Secteur T______ » (V______) validé le 4 février 2019 par l'office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS). En outre, il demandait qu'une étude de plan de site soit initiée afin de protéger le secteur recensé ;

- le 25 février 2019, la ville a requis de nombreuses modifications du projet.

Le gabarit envisagé conférait un caractère remarquable au bâtiment non souhaitable, nuisant à l'harmonie urbanistique de la rue. Le projet portait préjudice à la lisibilité et aux qualités de l'îlot nouvellement créé. Il convenait de limiter le gabarit en R+6+attique et le 7ème niveau devait être en retrait sur tout le pourtour du bâtiment. Il était nécessaire d'étudier un attique unique au lieu de deux attiques séparés.

Dans un contexte de densification du quartier, elle demandait des cessions sur les trois côtés de l'immeuble projeté, afin d'élargir les trottoirs situés sur le domaine public et assurer leur continuité. Le projet, à ce stade, n'était pas conforme aux dispositions de l'art. 13 al. 2 du règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la J______ du 20 février 2007 (RPUS - LC 21 211), ne respectant ni le taux d'espace de détente ni le taux de pleine terre. Les places de stationnement surnuméraires devaient être compensées par la suppression de places à proximité en surface.

Enfin, les conditions de levée des servitudes de restriction au droit de bâtir, en faveur de la parcelle no 435 lui appartenant, devraient être négociées avant le dépôt de la demande définitive ;

- le même jour, le service compétent de l'office de l’urbanisme (ci-après : SPI) a émis un préavis défavorable.

Le projet se situait dans le périmètre du recensement du patrimoine architectural et des sites du canton de Genève, plan no 2______ validé par l'OPS le 4 février 2019. Les maisons prévues à la démolition en vue de réaliser le projet de construction/densification était considérées comme « monument et bâtiment intéressants et leurs abords ». Un plan de site allait être élaboré sur le périmètre ayant fait l'objet du recensement. Le projet proposait des gabarits maximums, en zone 3, qui étaient en rupture avec l'îlot existant. Le quartier de W______ était déjà dense et avait subi les dernières années passablement de surélévations ainsi que la construction de nouveaux bâtiments destinés à du logement.

Le plan de site était destiné à préserver la qualité du périmètre situé entre les rues R______ et S______. Sur le plan urbanistique, la présence de grands arbres, avec le chemin M______, en gravier, formaient un havre de tranquillité en centre-ville. La rue L______, en retrait de la circulation de la rue de W______, était par ailleurs une rue étroite, utilisée largement par les piétons et la mobilité douce, qui reliait le quartier X______ et la rue Y______. La conformité du projet au RPUS n'était pas de son ressort mais était analysée par la ville.

7) Le 6 mars 2019, G______ s'est adressée à l'OAC s'agissant des préavis négatifs délivrés. Ceux-ci étaient contraires à l'objectif de densification du secteur, envisagé dès le milieu du siècle dernier. Elle n'avait pas eu l'occasion de se déterminer avant le recensement no 2______, en violation de son droit d'être entendue. Les villas existantes n'étaient pas conformes à l'affectation de la zone et occupaient un espace précieux au centre de la ville, dans un quartier pourtant parfaitement desservi par les transports publics et proche de toutes les zones d'emploi. Il n'existait en outre aucun obstacle de nature patrimoniale à la démolition des bâtiments existants. Le préavis du SMS devait donc être écarté et la demande préalable requise devait être délivrée. Subsidiairement, un accès aux éléments sur lesquels le SMS s'était fondé pour délivrer son préavis devait être accordé et il devait lui être permis de se déterminer à ce sujet avant qu'une décision ne soit prise, afin de respecter son droit d'être entendue.

8) Par courriel du 19 mars 2019, G______ a informé l'OAC avoir eu des discussions avec l'OPS sur la question de l'élaboration d'un plan de site sur le périmètre concerné. Ce dernier avait accepté d'entreprendre une réflexion sur le périmètre de l'étude. Dans la mesure où cet élément pouvait avoir un impact direct sur la DP 1______, elle priait l'OAC de surseoir à statuer jusqu'à la fin de cette réflexion.

9) Le 8 juillet 2019, l'OPS a souligné le caractère particulier du secteur dit de « l'T______ », situé dans un quartier fortement densifié, ce secteur bénéficiait d'une arborisation remarquable et présentait une homogénéité par sa typologie et son architecture.

Conscient toutefois du besoin de densifier la ville, l'OPS acceptait le principe de la construction d'un immeuble de cinquante-cinq logements prévu par la DP 1______ en remplacement des quatre constructions existantes. En collaboration avec la ville, une étude de plan de site allait être initiée, afin de « sauvegarder le secteur de l'T______ et de conserver l'identité urbaine de ce quartier. La rue L______ sera intégrée dans le périmètre étudié par le plan de site, dès lors, [nous demandons] que le rapport à la rue de la construction projetée soit traité de manière harmonieuse et en continuité avec le dispositif urbain existant, mais aussi que le traitement des espaces extérieurs de la nouvelle construction fasse l'objet d'une étude paysagère ».

10) Le 22 juillet 2019, le SMS a émis un préavis favorable avec souhaits.

Il a souligné que le projet impliquait la démolition des bâtiments sis à la rue L______ nos ______ à ______ et que l'État de Genève, en collaboration avec la ville, souhaitait initier une étude de plan de site afin de sauvegarder le secteur de l'T______ et conserver l'identité urbaine de ce quartier.

Toutefois, « au vu du courrier du directeur général de l'office du patrimoine et des sites du 8 juillet 2019, envoyé au G______, qui [admettait] le principe de la construction d'un immeuble de 55 logements prévu dans la DP 1______, dès lors, [il] émett[ait] un avis favorable à la requête DP 1______ », le SMS souhaitait que l'étude des nouveaux bâtiments bordant la rue L______ et le rapport à la rue des nouvelles constructions soient traités de manière harmonieuse et en continuité avec le paysage urbain existant et que la question des espaces extérieurs des nouvelles constructions fasse l'objet d'une étude paysagère.

11) Le 19 septembre 2019, la requérante a notamment informé l’OAC qu'en raison de l'acceptation de principe de l'OPS, il avait modifié le projet selon les préavis rendus, qui ne concernait plus que cinquante-cinq logements. Ainsi, il lui faisait part de la modification du gabarit, limité à R+6+attique au lieu de R+8, et de l'élargissement des trottoirs des trois côtés de l'immeuble, rendu possible en redimensionnant les jardins prévus au rez-de-chaussée.

12) Le 17 décembre 2019, les époux A______, C______ et M. B______ ont remis des observations à l'encontre de la DP 1______ à laquelle ils étaient fermement opposés.

13) À la suite de modifications du projet, notamment du nombre de logements passant de cinquante-cinq à cinquante-trois, des nouveaux préavis ont été établis par les instances spécialisées :

- 14 octobre 2019, le SMS a réitéré son préavis favorable, les souhaits initialement mentionnés dans le préavis précédent étant repris sous forme de conditions (impératives). Il a également relevé les valeurs patrimoniales basses attribuées aux bâtiments sis ______ à ______, rue L______ lors du recensement de la périphérie urbaine réalisé en septembre 1990 « RAPU plan no 3______) soit pour les fiches S4______, S5______ et S6______ "pas de valeur patrimoniale" et pour la fiche S7______, "bâtiments à documenter en cas de démolition" » ;

- le 1er octobre 2019, la CA s'est déclarée favorable au projet avec dérogations. Elle prenait note de la volonté de « fermer » l'îlot en s'appuyant sur le pignon existant du côté de la rue U______. S'agissant des plans, elle était favorable à la dérogation selon l'art. 11 al. 5 et 6 LCI, le projet tenant compte des éléments énumérés dans son précédent préavis. Le 7 juillet 2020, elle a réitéré son accord au projet, considérant qu'il s'implantait harmonieusement et avec une volumétrie adaptée au contexte urbanistique environnant. Elle réservait sa détermination à ce stade sur les typologies. Enfin, le 1er septembre 2020, elle a indiqué qu'elle était favorable à la dérogation selon l'art. 11 LCI, le projet répondant à ses précédentes remarques ;

- le 11 novembre 2019, la ville a demandé de limiter le gabarit à R+6 et a redemandé les modifications déjà requises dans son premier préavis, s'agissant des places de stationnement surnuméraires et des dimensions des trottoirs, rappelant que le projet n'était pas conforme à l'art. 13 al. 2 RPUS, l'octroi d'une dérogation étant réservé. Il était suggéré que la toiture soit rendue accessible aux habitants et végétalisée pour pallier le déficit de surfaces de détente pour les locataires. Le 24 juillet 2020, à la suite du dépôt de nouveaux plans, elle s'est déclarée favorable au projet sous conditions. Il convenait encore de rétrécir les jardins côté rue L______ et rue R______ afin d'élargir le trottoir. La servitude de restriction de bâtir en faveur de la parcelle no 435 devait être finalisée avant le dépôt de l'autorisation définitive. Si le projet n'était pas conforme à l'art. 13 al. 2 RPUS, elle était disposée à entrer en matière sur le principe d'une dérogation au regard des efforts fournis pour végétaliser la toiture et la rendre accessible aux habitants. En outre, comme le projet prévoyait un excédent de seize places de parking, il était demandé que cette offre excédentaire corresponde à la suppression du même nombre de places de stationnement en surface à proximité, conformément à l'engagement pris par les propriétaires. Les 14 septembre et 15 décembre 2020, elle s'est à nouveau déclarée favorable au projet, au regard des préavis précédents, rappelant les conditions de ces derniers ;

- le 14 octobre 2019, le SPI a établi un préavis favorable au projet, avec souhaits. Il convenait de lui fournir des documents, avec maquette, incluant le « projet Omarini », qui faisait partie du même îlot et partageait la même rampe d'accès au sous-sol. Les deux projets ne pouvaient être dissociés. Une partie de la toiture devait être accessible aux habitants et le solde devait être végétalisé et couvert de panneaux solaires. Le quartier était densément construit et le projet ne comportait aucun espace commun ou public. Une meilleure articulation entre le trottoir côté rue L______ et les terrasses des logements au rez-de-chaussée devait être explorée. Enfin, il fallait renoncer aux deux attiques et éviter un attique plein qui péjorerait encore plus l'ensoleillement des maisons situées côté pair de la rue L______ et se limiter à un gabarit R+6, soit 21 m à la corniche (altitude de référence de la ville).

Dans les remarques, il était relevé que le projet se trouvait dans un périmètre ayant fait l'objet d'un recensement du patrimoine architectural validé le 4 février 2019 par l'OPS et un plan de site devait être établi sur ce périmètre. Cependant, l'OPS était revenu sur le périmètre prévu pour le plan de site, par un courrier adressé au promoteur le 8 juillet 2019, acceptant le principe de la construction d'un immeuble de logement en remplacement des quatre constructions.

Dans son dernier préavis du 29 juin 2020, favorable avec souhaits, il a requis une garantie concernant la toiture, qui devait être un espace commun destiné aux habitants des trois allées de l'immeuble. Il appréciait la proposition faite en toiture. Les arbres dessinés sur l'élévation donnant sur la rue L______ n'existaient pas sur les plans en coupe et vu l'étroitesse des trottoirs, de telles plantations semblaient compromises ;

- les 4 novembre 2019 et 16 juillet 2020, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a demandé que le projet soit modifié et diverses pièces fournies, soit l'accord du propriétaire du fonds voisin pour mutualiser l'accès au parking et les plans permettant de visualiser concrètement cette mutualisation. Le 1er octobre 2020, il a sollicité une dernière modification du projet, invitant le maître d'ouvrage à diminuer le nombre global de places de stationnement, afin de limiter le sous-sol à un niveau et non deux. Le projet devait être accompagné d'un plan mentionnant les adaptations nécessaires du domaine public pour permettre l'accès au parking. Le 18 décembre 2020, il a rendu un dernier préavis favorable sous conditions (impératives). Il convenait d'avoir l'accord de la ville pour la modification du domaine public, de fournir les plans d'adaptation de ce dernier au moment de l'autorisation de construire définitive et de placer le stationnement des vélos au premier sous-sol et non au second, celui-ci étant difficile d'accès pour ces derniers ;

- le 30 septembre 2019, l'OCAN a préavisé favorablement le projet sous conditions (impératives), précisant qu'une requête en abattage d'arbres, un plan d'abattage ainsi qu'un plan d'aménagement paysager devaient être fournis au moment du dépôt de l'autorisation définitive. Le 25 juin 2020, compte tenu de la densification et minéralisation du quartier, et de la réduction conséquente de la masse végétale ainsi engendrée, il a sollicité une modification du projet. Il convenait de prévoir au moins deux espaces permettant la plantation de deux arbres à moyen-grand développement (minimum 25 m2 chacun) afin d'offrir une image paysagère de qualité au site et une plus-value écosystémique. Le 4 septembre 2020, il a rendu un préavis favorable sous conditions (impératives), rappelant la condition de fournir un plan d'aménagement paysager qui devait proposer de la végétation à moyen-grand développement en bordure de la rue L______. En outre, les fosses de plantations devaient être conformes à la coupe BB ;

- après avoir demandé des pièces complémentaires les 24 septembre 2019 et 27 août 2020, la DAC a établi un préavis favorable avec dérogations le 10 novembre 2020. Les distances aux vues droites et aux limites de parcelles n'étaient pas respectées avec les parcelles nos 383 et 386, tout comme le gabarit théorique du bâtiment, dépassé côté rue, mais les critères de dérogation selon l'art. 11 al. 5 et 6 LCI étaient réunis ;

- tous les autres préavis établis par les instances spécialisées étaient favorables, cas échéant sous conditions.

14) Le ______ 2021, le département a délivré l'autorisation préalable de construire DP 1______, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après: FAO) le même jour.

Les droits des tiers demeuraient réservés (ch. 1 de l’autorisation) et les conditions figurant dans divers préavis, notamment celui du SMS, faisaient partie intégrante de l’autorisation.

15) Par acte du 19 février 2021, les époux A______, C______ et M. B______ (ci-après : les recourants A______ et consorts) ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), contre l'autorisation DP 1______, concluant principalement à son annulation. Ils ont pris des conclusions préalables, demandant la production des études historiques réalisées par la ville portant sur les parcelles nos 381, 382, 384 et 387 et les auditions de l’ancienne directrice de l'OPS, de la conservatrice cantonale des monuments et des sites, et des représentants du SMS, du SPI et de la ville ayant rendu les préavis.

La ville avait lancé deux études en 2002 et 2018 concernant le périmètre incluant les parcelles visées par la DP 1______, afin de poursuivre l'objectif du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : le PDCn 2030) visant à préserver les bâtiments dignes de protection. Ces études n'avaient pas été rendues publiques mais concluaient à la préservation nécessaire du patrimoine bâti et naturel dans le quartier de l'T______, incluant les parcelles visées par le projet querellé. L'OPS avait confirmé cette nécessaire préservation en adoptant le plan no 2______, qui établissait un périmètre de recensement architectural et des sites, couvrant les parcelles visées par la DP 1______. C'était ainsi logique que les premiers préavis fussent négatifs. Or, le revirement des instances spécialisées laissait à penser que des pressions avaient été exercées en cours d'instruction du dossier, il était donc nécessaire de procéder aux actes d'enquêtes sollicités.

La DP querellée ne reposait sur aucun PLQ en force, contrairement à l'art. 1 al. 2 loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40). En son absence, et pour préserver le site, l'autorisation devait être annulée.

Le principe de coordination n'était pas respecté. La DP 1______ violait les servitudes de non-bâtir dont les parcelles nos 435 et 433 étaient bénéficiaires. Ainsi, comme ils étaient en l'état opposés à la radiation, seule une expropriation était possible. Or, faute de logements d'utilité publique prévus par le projet de construction, rien ne légitimait une telle procédure. Dans ces conditions, l'autorisation était prématurée et violait le principe de coordination. Cette problématique était une question préjudicielle, qui aurait dû être tranchée avant la délivrance de l'autorisation querellée.

Enfin, ils estimaient que l'art. 13 RPUS, concernant le taux d'espaces verts, n'était pas respecté et que l'art. 14 RPUS, concernant l'octroi d'une dérogation, n'était pas applicable. La ville ne s'était pas déterminée sur ce point, réservant son analyse jusqu'au moment de l'autorisation définitive. Partant, il convenait d'annuler l'autorisation pour ce motif.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/657/2021.

16) Par acte du 22 février 2021, les époux D______ ont interjeté recours auprès du TAPI contre l'autorisation délivrée le 21 janvier 2021, concluant principalement à son annulation. Préalablement, des mesures d'instruction étaient requises, en particulier un transport sur place et plusieurs auditions, notamment du directeur de l'OPS, de la conservatrice cantonale, de l'ancien directeur du SMS et du président de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS).

L'autorisation DP 1______ consacrait une violation du droit, en particulier de l'art. 4 let. a de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). En effet, les villas présentes dans la zone avaient été recensées comme « intéressantes » et pouvaient être qualifiées de monuments dignes d'intérêt au sens de cette dernière disposition ou d'ensemble bâti méritant d'être protégé au sens de l'art. 35 al. 2 let. a LPMNS, mais en tous les cas, leur valeur patrimoniale ne pouvait être ignorée par l'autorité intimée. La conséquence du recensement imposait de mettre en place des mesures de protection, par exemple un plan de site, apte à protéger la zone concernée. Or, en choisissant d'autoriser la démolition de ces villas, le département violait ses obligations de protection découlant de la loi.

Les parcelles concernées constituaient un ensemble protégé au sens des art. 89 ss LCI et les bâtiments qui s'y trouvaient ne pouvaient donc pas être démolis. Le projet de construction, moderne, contrevenait à l'art. 90 al. 1 LCI, qui prévoyait que les ensembles protégés devaient être conservés.

Au vu de l'existence de ces ensembles, la CMNS et non le SMS aurait dû se prononcer. Compte tenu du revirement de ce dernier et de la motivation paradoxale de ses préavis, il fallait s'en écarter, pour admettre que les parcelles formaient une partie importante du secteur de l'T______, à préserver.

Le département aurait dû faire usage des art. 15 LCI et 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) au lieu d'autoriser un projet impliquant la démolition de villas et la construction « d'un immeuble aux proportions monumentales dénaturant l'unité architecturale du quartier », alors même que la nécessité de protection du patrimoine par l'élaboration d'un plan de site était connue. En s'abstenant, il avait commis un excès de son pouvoir d'appréciation, raison pour laquelle l'autorisation devait être annulée.

La zone concernée faisait l'objet du PLQ no 8______, très ancien, mais jamais abrogé. Il prévoyait deux constructions hautes sur les parcelles nos 381 et 387, aux extrémités de cette portion de la rue L______, et deux constructions basses (R+1) sur les parcelles nos 382 et 384, qui formaient le centre de barre. Le projet de construction était ainsi contraire audit PLQ, la barre d'immeuble culminant à 24 m et comportant sept niveaux d'un seul tenant.

Les gabarits prévus par la DP 1______ n'étaient pas conformes au droit et consacraient un excès ou abus du pouvoir d'appréciation du département. Selon la carte adoptée le 18 février 2009 sur la base de l'art. 27 al. 4 LCI, pour le secteur V______/W______/Z______, les parcelles concernées par la DP 1______ n'étaient pas représentées parmi les immeubles susceptibles de convenir à un projet de gabarit augmenté. Partant, le gabarit prévu par le projet, à 21,09 m, se trouvait au-dessus du gabarit autorisable, même en prenant en compte les dérogations octroyées. Enfin, accorder la dérogation de 3 m prévue à l'art. 27 al. 5 LCI consacrait un abus et un excès du pouvoir d'appréciation, dès lors que ce projet ne tenait pas compte de l'harmonie urbanistique de la rue L______, émergeant de deux niveau au-dessus de la corniche par rapport au gabarit de la rue R______.

Le projet avait un impact important sur l'ensoleillement de leur parcelle et cet inconvénient aurait dû être pris en considération par le département. Dans ces conditions, il s'agissait d'une violation de l'art. 14 LCI, nécessitant d'annuler l'autorisation.

Le projet violait également l'art. 13 RPUS. La ville l'avait d'ailleurs reconnu mais s'était limitée à indiquer être disposée à étudier une demande de dérogation. Or, en raison de la nature de la DP 1______, il ne serait plus possible d'octroyer une dérogation au stade de l'autorisation définitive, dès lors que l'implantation, le volume, les gabarits et les accès étaient fixés par la présente autorisation préalable. Enfin, la dérogation à laquelle la ville semblait favorable ne pouvait pas être octroyée, dès lors que le RPUS ne bénéficiait pas qu'aux habitants de l'immeuble et que la végétalisation de la toiture, certes accessible aux habitants, ne pouvait remplacer un espace vert ou de détente au sens de l'art. 13 RPUS.

Le projet était enfin contraire à de nombreuses servitudes, qui restreignaient pourtant de manière impérative les possibilités de bâtir sur les parcelles concernées. La réalisation de la construction querellée était ainsi impossible. Il convenait donc d'annuler l'autorisation pour ce motif également.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/679/2021.

17) Par jugement du 28 février 2022, après réponses de MM. E______ et F______, de H______ SA, G______ SA et de I______ SA – représentant M. N______ –, et du département, production du plan no 2______, relatif au recensement architectural et des sites pour le secteur de l'T______ (V______), décision de jonction des causes sous le numéro A/657/2021 (DITAI/248/2021), répliques des différents recourants, production d'un courrier daté du 4 février 2020 adressé par AA______ à l'OPS, dans lequel il requérait la mise à l'inventaire des maisons sises sur les parcelles visées par le projet d'autorisation, en raison de leur caractère historique, afin de conserver l'histoire urbanistique du quartier, nouvelles déterminations du département et de G______ SA, ainsi que déterminations des parties sur la question des vides d’étages, le TAPI a rejeté les recours.

Les recourants étaient propriétaires de parcelles voisines, situées, à teneur du système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG), à moins de 100 m des parcelles sur lesquelles le projet de construction était envisagé, de part et d'autre de la rue L______. Invoquant notamment des arguments issus du droit public de la construction, susceptibles d’avoir une incidence concrète sur leur situation de fait, ils disposaient de la qualité pour recourir.

Les mesures d'instruction sollicitées (un transport sur place, la production des études historiques réalisées par la ville portant sur les parcelles nos 381, 382, 384 et 387 ainsi que les auditions des conservatrices cantonales, des représentants du SMS, du SPI et de la ville, ayant rendu les préavis, du président de la CMNS et de l'ancien directeur du SMS), en soi non obligatoires, n'apparaissaient pas nécessaires.

La problématique relative au vide d'étage de 2,50 m selon la coupe A-A' était prématurée dans la mesure où cette question devrait être examinée lors de la demande définitive, étant relevé que des dérogations étaient prévues par la loi sous certaines conditions. De plus, le projet avait été analysé de manière circonstanciée par la CA, instance composée de spécialiste en matière d’architecture, laquelle n’avait pas relevé de problématique particulière quant au vide d’étage réduit, en particulier sur la question de l’habitabilité des futurs appartements, et l’intégration du projet dans le quartier et avec les bâtiments contigus.

Les parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387 se situaient dans un périmètre où le PDCn 2030 renvoyait à la fiche A01, relative à l'intensification du renouvellement urbain et ayant pour objectif de promouvoir la densification et l'extension du centre urbain dense. Les objectifs attendus étaient notamment la « requalification et la densification de sites centraux, contribuant à une utilisation optimale des zones à bâtir et du sol », une « forte augmentation du parc de logements, dont une part importante de logements à caractère social », le « développement de la mixité sociale, générationnelle et fonctionnelle », et la création de quartiers durables, assurant de bonnes conditions de vie. La construction prévue permettait justement de requalifier et densifier plusieurs parcelles, de fermer un îlot déjà bâti avec cohérence, contribuant à une utilisation rationnelle du sol, permettant aussi l'augmentation du nombre de logements, le développement de la mixité et la création de quartiers durables. Le SPI avait d’ailleurs préavisé favorablement le projet, confirmant sa conformité à la planification directrice cantonale.

Le département, conformément à ses obligations, avait procédé à un recensement du secteur de l’T______. Après avoir effectué une pesée des intérêts entre densification et protection, il avait finalement décidé de privilégier la densification des parcelles concernées par le projet, qui se situaient – et c'étaient les seules – hors du secteur de l’T______ proprement dit, qui formait un rectangle délimité par la rue L______, la rue de l’T______ et les rues S______ et R______. Il avait donc jugé qu’il ne se justifiait pas, pour des raisons de densification, d’adopter un plan de site pour les parcelles concernées par le projet. Le projet était donc conforme au plan directeur cantonal.

S’agissant de la ville, son plan directeur prévoyait la densification qualitative des quartiers centraux. En particulier, il en ressortait que les quartiers centraux tels que W______/AB______ n’évolueraient pas par grands projets mais par une multitude de petites opérations dispersées. Ainsi, le projet était conforme à cette planification, ce que la ville, par son préavis favorable, avait également relevé.

Compte tenu de ces considérations, l'autorisation querellée était conforme à la planification directrice cantonale et communale.

Le PLQ no 8______ ne trouvait plus application, dès lors qu'il n'avait pas été approuvé formellement dans le délai de huit ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), ce que les recourants ne contestaient pas. Il était donc caduc. Il n'existait donc pas de PLQ sur les parcelles concernées par le projet et il ressortait du dossier qu’aucune des autorités compétentes n’avait exigé qu’un (nouveau) PLQ soit adopté dans le périmètre concerné. Ce secteur était déjà fortement urbanisé, à l’exception du périmètre de l’T______, pour lequel l’OPS souhaitait d’ailleurs l’adoption d’un plan de site, encore en cours d’examen à teneur du dossier.

Contrairement aux dispositions de la zone de développement, il n’existait aucune obligation, en zone ordinaire, d’adopter un plan d’affectation spécial.

La formulation potestative qui figurait dans la loi indiquait précisément que le Conseil d’État pouvait, mais ne devait pas adopter un tel plan. Il s’agissait d’une faculté, dont il était libre de faire usage ou non, en opportunité. Le Conseil d’État avait d’ailleurs utilisé à l’époque la possibilité qui lui offrait cette disposition, en adoptant le plan no 8______, désormais caduc, comme déjà constaté. Dès lors, aucune obligation résultant de la LExt ne s’opposait à la délivrance de l’autorisation.

Contrairement aux allégations des recourants, le département avait effectué la pesée des intérêts entre impératifs de protection et construction de logements. Il avait préféré choisir cette seconde voie, en s’appuyant sur les préavis favorables émis, bien que les bâtiments aient été considérés comme intéressants lors du recensement. Cette qualification n’imposait toutefois pas de facto la prise de mesures de protection. Le département, faisant usage de son pouvoir d’appréciation et se basant sur les préavis, positifs, des instances spécialisées soit en particulier la CA, le SMS et le SPI, était en droit de délivrer l’autorisation préalable de construire, sans pour autant violer la LPMNS.

Les bâtiments appelés à être démolis, en zone 3 ordinaire, ne faisaient l’objet d’aucun plan de site et n'étaient visés par aucune mesure de protection. Les parcelles concernées par la procédure, contrairement aux bâtiments limitrophes (sic), n'appartenaient pas à un ensemble figurant dans la liste visée par la loi. La CMNS n'avait par conséquent pas à émettre de préavis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de construire querellée. Si les bâtiments avaient été recensés comme intéressants, le département, suivant l’avis du SMS, n’avait pas estimé qu’il convenait pour autant de les considérer comme un ensemble ni de les inclure dans le plan de site. Dans le cadre de la pesée des intérêts, le département avait préféré privilégier la protection du secteur de l’T______, délimité par les rues L______ et de l’T______ au nord et au sud, et par les rues R______ et S______ à l’ouest et à l’est. L’historique des quatre parcelles écartées de ce périmètre permettait également de comprendre cette décision, les murs en attente des immeubles hauts sis rue AC______ et rue R______, démontrant que la fermeture de l’îlot avait un sens urbanistique et historique, ce que les instances spécialisées avaient retenu. Ainsi, les recourants n'avaient pas démontré en quoi le département aurait abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation préalable de construire, en se fondant sur les préavis favorables. Le fait que les bâtiments sis au ______ et ______ rue U______ et au ______ et ______ rue R______, appartenaient quant à eux à des ensembles protégés, ne conférait pas d’office une protection aux bâtiments et parcelles limitrophes (sic). À ce propos, ni les structures ni les éléments dignes de protection de ces immeubles ne seraient mis en danger par la nouvelle construction, laquelle viendrait s’accoler à leurs façades en pignon, la CA ayant exigé à cet égard la prises de précautions particulières.

Si le recensement architectural cantonal (ci-après : RAC) avait qualifié les bâtiments et leurs abords sur les parcelles concernées par le projet d’« intéressants », le département, suivant en cela l’OPS, avait privilégié, après pesée des intérêts, la construction de logements supplémentaires à la mise sous protection des maisons susmentionnées, comme la formulation potestative de la loi le lui permettait. L’étude du plan de site était ainsi limitée au périmètre entre la rue de l’T______, la rue S______, la rue L______ et la rue R______. Toutefois, l’OPS avait requis dans son préavis que le rapport du nouveau bâtiment à la rue L______ soit traité de manière harmonieuse et en continuité avec le dispositif urbain existant, tout comme la planification des espaces extérieurs, qui devait faire l’objet d’une étude paysagère. Dans ces conditions, le département n’avait ainsi pas excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation, en considérant qu’il n’était pas nécessaire de faire usage de l'art. 13B LaLAT.

Il ne pouvait pas être retenu que le projet nuirait au caractère ou à l'intérêt du quartier, de la rue, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public, au sens de l’art. 15 LCI compte tenu des préavis figurant au dossier, en particulier celui favorable de la CA et de la ville. Les parcelles concernées n'étaient au bénéfice d’aucune protection et entourées, à l’exception du secteur de l’T______, au nord, d’immeubles divers et d’époques différentes. Le propre d’une autorisation préalable était de déterminer l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture, la question de l’intégration du projet dans son environnement bâti étant plus spécifiquement analysée au stade de l’autorisation définitive, une fois les questions architecturales (façades, coloris, végétation) précisément déterminées. Les recourants ne faisaient finalement que substituer leur propre appréciation de la situation à celle de l’autorité compétente.

Selon les plans visés ne varietur, notamment des coupes et gabarits A-A’, B-B’, C-C’ et D-D’, la hauteur de 27 m était respectée et l’étage supérieur se situait en retrait de la ligne verticale en respectant une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base. S’agissant du gabarit, le projet, selon les coupes et plans produits, se situait donc parfaitement dans le gabarit théorique tel que les quatre premières zones l’exigeaient, à l’exception des coins aux extrémités du bâtiment projeté sur la rue AC______ qui bénéficiaient des dérogations modestes octroyées en application de la loi. Tant la CA que l’OAC avaient préavisé favorablement le projet moyennant l’octroi d’une dérogation selon l’art. 11 al. 5 et 6 LCI. La CA avait examiné le projet en détail et avait sollicité plusieurs modifications de celui-ci afin qu’il soit conforme. En particulier, après avoir demandé la suppression des deux attiques initialement prévus et la modification du projet, la CA avait considéré en dernier lieu que le projet s’implantait harmonieusement dans le quartier et n’avait pas retenu qu’il résultait une rupture d’échelle, estimant que la volumétrie était adaptée au contexte urbanistique environnant. Les recourants n'avaient apporté aucun élément permettant de considérer qu’il faille s’écarter de ces préavis, émis par les instances spécialisées. L’art. 27 al. 4 LCI ne concernait en outre spécifiquement que les surélévations et non les démolitions puis reconstructions d’un bâtiment nouveau et la carte citée par les recourants concernant les bâtiments qu’il était possible de surélever était uniquement indicative, l’absence de mention des bâtiments n’empêchant pas, selon les conditions, leur surélévation. Cette disposition n’était donc pas applicable en l’espèce. Aucun élément n’imposait que le département s’écarte du préavis de la CA, si bien qu’il n’avait ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation en se fiant à ce préavis et en décidant d’octroyer l’autorisation, les art. 11 et 27 LCI étant respectés.

Les recourants ne précisaient pas quelle perte d'ensoleillement ils subiraient à cause du nouveau bâtiment. Ils se contentaient d’évoquer la certitude « d’une perte d’ensoleillement notable », en particulier au soleil couchant, au regard de la localisation du projet et de leur parcelle. Rien n’indiquait que celle-ci atteindrait les deux heures supplémentaires d'ombrage retenu par la jurisprudence, ni même qu’elle recouvrirait les parcelles voisines. Il ne figurait au dossier aucune expertise sur cette problématique particulière. Le projet se trouvait dans une zone qui permettait la construction projetée, de sorte que les voisins devaient en principe souffrir une diminution d'ensoleillement de leur parcelle. De plus, l'intérêt public à la construction contestée, qui permettrait de mettre sur le marché locatif genevois cinquante-cinq (recte : cinquante-trois) nouveaux logements à proximité du centre-ville, devait l'emporter sur la perte d'ensoleillement qui serait à déplorer, pour autant qu’elle existe.

Si le principe de coordination découlant de la jurisprudence fédérale en matière d'aménagement du territoire commandait de faire traiter par une seule autorité ou au moins de rendre simultanément les décisions administratives liées à un même dossier, force était de constater qu'en l'espèce, ce principe ne trouvait pas application. En effet, la question des servitudes n'était pas du ressort du département, lequel ne faisait qu’appliquer la législation genevoise en matière de constructions. À ce stade, la problématique de l’expropriation des servitudes précitées était exorbitante à l’objet du litige. Au demeurant, le respect du droit des tiers faisait partie intégrante de l'autorisation de construire, ceux-ci étant réservés au ch. 1 de l’autorisation préalable.

La ville s'était prononcée à plusieurs reprises sur le projet, constatant certes l'irrespect de l'art. 13 RPUS s'agissant du taux d'espace vert en pleine terre mais indiquant être disposée à une demande de dérogation, qu'elle étudierait en temps voulu, soit au stade de la demande définitive. Or, s'il était exact de considérer qu'en raison de la nature de la DP 1______, l'implantation, le volume, les gabarits et les accès seraient fixés, il serait toutefois loisible à la ville d'octroyer une dérogation au stade de l'autorisation définitive, ce qui relevait de ses compétences. Elle avait d'ailleurs mentionné être favorable à une potentielle dérogation au regard de l'accessibilité et de la végétalisation de la toiture proposée dans le projet. L'argument selon lequel une telle dérogation ne pourrait être octroyée, la végétalisation de la toiture ne pouvant remplacer un espace vert ou de détente au sens de l'art. 13 RPUS, ne pouvait ainsi pas être suivi, au vu des définitions du RPUS, car la notion d’espace vert qu’il contenait ne concernait pas seulement le sol et l’accès au public, mais plus largement toute surface, privée ou publique, à usage collectif, conçue pour le délassement, libre de construction et inaccessible aux véhicules. Enfin, la ville serait amenée à se déterminer une nouvelle fois sur cette question dans le cadre de l’examen de la demande d’autorisation de construire définitive et le respect, moyennant dérogation ou non, du RPUS, serait à cette occasion examiné une nouvelle fois.

18) a. Par acte du 1er avril 2022, les époux A______ et consorts ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à celle de la DP 1______. Ils ont repris leurs conclusions préalables formulées par-devant le TAPI sollicitant en plus qu'une expertise faite par un historien de l'art soit ordonnée.

Ils avaient récemment adressé des requêtes à la ville et à l'OPS afin d'obtenir un certain nombre de documents en se prévalant de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

Leur droit d'être entendu avait été violé dans la mesure où le TAPI n'avait pas procédé aux actes d'instruction sollicités. Il s'était en effet contenté de suivre la position du département par rapport à la pesée d'intérêts qu'il avait effectuée alors qu'il n'avait produit aucun document pour étayer ses explications. Les actes d'enquêtes requis par les recourants auraient permis au TAPI, au vu du changement de position inexplicable de l'OPS, de comprendre plus précisément le processus de décision qui avait été suivi et si les parcelles visées par l'autorisation querellée et leurs bâtiments devraient être ou non préservés au regard de leurs particularités. Au surplus, l'expertise par un historien de l'art requise permettrait de déterminer si les parcelles visées par l'autorisation de construire contestée devaient ou non être incluses dans un plan de site, respectivement si les bâtiments concernés devaient être préservés et inscrits à l'inventaire.

Le TAPI avait violé l'art. 4 let. a LPMNS. En effet, il s'était référé à une supposée pesée des intérêts mais sans analyser les raisons du revirement de position des instances spécialisées, respectivement les critères pris en compte pour cette pesée des intérêts. Or, au stade du refus du projet par l'OPS, puis par le SMS et le SPI, la pesée des intérêts avait déjà été faite par ces services qui avaient conclu à la nécessité de préserver ces parcelles et leurs constructions. En toute hypothèse, cela faisait des années que les historiens, historiens de l'art et spécialistes étudiaient la préservation du quartier de l'T______, incluant les parcelles visées par l'autorisation querellée. Ces mêmes spécialistes avaient adopté le plan no 2______ justement pour préserver ce quartier et les bâtiments existants. Les pièces du dossier démontraient que ce n'était qu'une seule personne, soit le nouveau directeur de l'OPS, qui avait pris une décision à l'opposé de l'avis des spécialistes en la matière. Même AA______ avait adressé un courrier à l'OPS le 4 février 2020 pour réclamer l'inscription à l'inventaire des maisons situées sur les parcelles visées par le projet de construction contesté. L'autorisation de construire se basait donc sur une constatation inexacte des faits, puisqu'elle s'était manifestement appuyée sur le constat que les maisons sises sur les parcelles concernées ne nécessitaient pas de mesures de préservation, ce qui était incorrect compte tenu de ces éléments.

La ville avait lancé deux études en 2002 et 2018, concernant le périmètre incluant les parcelles en cause, pour poursuivre les objectifs du PDCn 2030. Ces études n'avaient pas été rendues publiques mais concluaient, selon toute vraisemblance, à la préservation du patrimoine bâti et naturel dans le quartier de l'T______. Le plan de synthèse no 2______, établi par l'OPS, confirmait cette nécessité de préservation. Ce document était par ailleurs conforme au plan directeur de la ville, lequel mettait en exergue une obligation de sauvegarder le bâti et les sites de certains secteurs qui devraient faire l'objet de mesures de préservation. Les préavis défavorables du SMS et du SPI des 4 et 25 février 2019 confirmaient la logique de préservation de ce secteur voulue tant par la ville que par le canton de Genève. Or, le simple courrier des intimés du 6 mars 2019 avait remis en cause cette planification suivie de longue date, conduisant le nouveau directeur de l'OPS à adopter une position diamétralement opposée à la décision prise par sa prédécesseuse quelques semaines plus tôt. La ville avait également révisé sa position, en renonçant à la préservation de ce périmètre, pourtant encouragée selon toute vraisemblance par les études qu'elle avait elle-même sollicitées à cette fin. Ce revirement laissait à penser qu'une pression avait été exercée sur l'OPS, le SMS et le SPI pour qu'ils revoient leurs objectifs de planification de ce secteur. Le TAPI s'était contenté de se référer aux derniers préavis favorables de l'OPS, du SPI, du SMS et de la ville en retenant, mais sans aucunement justifier sa décision, qu'une pesée des intérêts avait été faite. Les considérations du TAPI passaient sous silence le plan de synthèse no 2______ et la pesée des intérêts ayant conduit à son adoption.

Enfin, le projet de construction ne respectait pas le taux minimum de 40 % d'espace vert et de détente. La dérogation de l'art. 14 RPUS n'était pas envisageable puisqu'une utilisation plus judicieuse du sol et du bâtiment ne l'exigeait pas impérieusement. Il était possible pour les propriétaires de respecter les taux prévus par le RPUS en revoyant à la baisse la densité de l'immeuble prévu. Le préavis de la ville permettait de retenir qu'elle n'avait pas procédé à une analyse soignée de la question. Ainsi, son appréciation avait empêché tout examen de la conformité du projet aux art. 12 et 13 RPUS et, le cas échéant, de l'opportunité, par le conseil administratif in corpore, d'octroyer formellement une dérogation au sens de l'art. 14 RPUS, étant relevé qu'une telle dérogation aurait été publiée dans la FAO, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce. Le TAPI avait déjà annulé une autorisation de construire pour ce motif, de sorte qu'une dérogation au RPUS devait être analysée au stade de la DP déjà et non repoussée au stade de la demande définitive en autorisation de construire. L'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet avaient un impact direct sur le non-respect du taux de 40 % d'espace vert ou de détente exigé par l'art. 13 al. 1 RPUS. Si les caractéristiques du projet venaient à être validées par cette DP, elles ne pourraient plus être remises en cause par la suite et la violation de l'art. 13 al. 1 RPUS serait ainsi d'ores et déjà validée, indépendamment d'un éventuel avis futur de la ville. Dans son préavis, cette dernière était en outre très floue sur un futur examen de ces questions. Au surplus, l'art. 13 RPUS n'était pas applicable compte tenu de l'art. 12 al. 2 RPUS qui prévoyait que les surfaces d'espaces verts ou de détente doivent être aménagées sur la toiture des constructions basses. Dès lors, ces espaces ne pouvaient pas être uniquement dévolus aux habitants de l'immeuble construit et encore moins au-dessus du dernier étage d'un immeuble de plus de 20 m de hauteur.

b. Par acte du même jour, les époux D______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à celle de la DP 1______. Ils ont repris leurs conclusions préalables formulées par-devant le TAPI.

Le TAPI avait constaté les faits pertinents de manière inexacte en retenant que les parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387 ne faisaient pas partie du secteur de l'T______. Le plan de synthèse no 2______, établi par l'OPS, incluait ces parcelles. En outre, les villas sises sur les parcelles précitées témoignaient d'une époque et d'un ensemble architectural spécifique tel que relevé par le RAC. Enfin, l'ensemble des bâtiments sis sur leur parcelle faisait l'objet d'une inscription à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégé compte tenu de la valeur « exceptionnelle » attribuée à ces bâtiments.

Comme cela ressortait du jugement attaqué, les déterminations de G______ SA et des époux A______ portant sur les vides d'étages avaient été communiquées le 17 février 2022 avec la mention que le TAPI n'accepterait plus d'écritures. En rendant son jugement le 28 février 2022, le TAPI avait violé leur droit d'être entendus sous l'angle du droit à la réplique.

Le TAPI avait également violé leur droit d'être entendus en n'ayant pas procédé aux actes d'instruction sollicités qui auraient permis de comprendre de manière précise et circonstanciée les dynamiques du revirement du SMS.

Le jugement attaqué faisait abstraction de certaines spécificités du cas d'espèce en prétendant que tous les préavis des instances spécialisées étaient positifs justifiant ainsi le choix du département. En particulier, il était étonnant que l'OPS, dans son courrier du 8 juillet 2019, adopte comme critère pour accepter le principe de la construction de l'immeuble le « besoin de densifier ». Le SMS était en effet composé de spécialistes compétents pour se prononcer sur l'aspect patrimonial et non sur les impératifs de densification. En outre, le respect du partage des compétences était essentiel et il n'appartenait pas au directeur de l'OPS, sur la base du courrier du 6 mars 2019 de retirer les parcelles dont la valeur patrimoniale était avérée d'un périmètre de protection alors même que les services spécialisés avaient déjà examiné le projet et s'étaient prononcés défavorablement. En toute hypothèse, le résultat de la pondération relevait de l'excès et d'un abus du pouvoir d'appréciation au vu du revirement complet des préavis sur la seule base du courrier du nouveau directeur de l'OPS.

Les spécialistes du canton avaient achevé le recensement architectural de la zone concernée et donné une valeur patrimoniale haute aux villas et leurs abords qu'il y avait lieu de préserver. Les villas étaient en effet situées dans un quartier singulier « de l'T______ » s'inscrivant comme le témoin d'une histoire architecturale particulière de la ville puisqu'il s'agissait d'un ancien domaine où avaient été construites des villas individuelles datant du début du XIXème au début du XXème siècle. Ces villas devaient donc être qualifiées de « monuments dignes d'intérêt » au sens de l'art. 4 let. a LPMNS ou d'« ensemble bâti qui mérite d'être protégé » au sens de l'art. 35 al. 2 let. a LPMNS. Compte tenu de cela, des moyens devaient être mis en œuvre en procédant notamment à l'élaboration d'un plan de site. Or, en procédant à la démolition des villas sises sur les parcelles inclues dans le périmètre de protection, il serait impossible de le faire. En ayant considéré qu'il existait un secteur de l'T______ « proprement dit » qui différait du périmètre défini par le plan de synthèse du recensement architectural, le TAPI avait constaté les faits pertinents de manière inexacte et abusé de son pouvoir d'appréciation. Par ailleurs, la LCI ordonnait le maintien de tels ensembles. Le département aurait également dû faire usage de la clause esthétique de la LCI compte tenu du caractère spécial du site des parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387. De plus, compte tenu du fait que les immeubles sis ______ et ______, rue U______ et sis ______ et ______, rue R______ constituaient un ensemble protégé, l'art. 90 al. 1 LCI aurait dû être appliqué aux parcelles en cause. Enfin, la CMNS aurait dû être consultée en lieu et place du SMS, laquelle aurait d'ailleurs pu demander le classement des bâtiments en cause. En toute hypothèse, le préavis favorable du SMS devait être écarté au motif qu'il s'était distancié de sa mission de service spécialisé et avait procédé sur la base de « considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi ».

La délivrance de l'autorisation de construire litigieuse violait le droit et excédait le pouvoir d'appréciation du département qui aurait dû la rejeter, au titre de refus conservatoire, dans l'attente de l'élaboration du plan de site nécessaire à la sauvegarde de la zone, comme le prévoyait l'art. 13B LaLAT. Le département avait en effet autorisé un projet impliquant la démolition de villas historiques et la construction d'un immeuble aux proportions importantes dénaturant l'unité architecturale du quartier, alors même que la nécessité de protection du patrimoine et d'élaboration du plan de site était connue et reconnue de tous les acteurs du dossier.

La demande préalable fixait l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet. Toutefois, ces éléments violaient le RPUS sans pour autant qu'une dérogation n'ait été délivrée. En l'espèce, le projet voyait son implantation, ses gabarits et son volume fixés de manière définitive sans avoir fait l'objet d'une dérogation au RPUS en bonne et due forme. En outre, la dérogation prévue par l'art. 14 RPUS aurait ensuite dû être publiée dans la FAO, ce qui n'avait pas été fait. Enfin, les motifs impérieux permettant une éventuelle dérogation n'étaient pas réunis dans la mesure où, notamment, le périmètre de l'T______ pouvait être qualifié de zone à protéger en raison de son importance architecturale.

Le TAPI avait retenu à tort qu'aucun élément ne permettait de retenir que la question des vides d'étages avait échappé à la CA et que cela pouvait être considéré comme une dérogation implicite. Ni la DAC ni la CA ne s'étaient prononcées à ce sujet à teneur de leurs préavis qui n'étaient pas motivés. Une éventuelle dérogation n'avait de plus pas fait l'objet d'une publication dans la FAO. Par ailleurs, le silence de la CA ne pouvait pas être considéré comme une dérogation implicite en l'absence d'instruction sur ce point. La question des vides d'étages et celle des gabarits devait être appréhendé au stade de la DP et non pas au moment de la demande définitive dans la mesure où le vide d'étage avait un impact direct sur le nombre d'étages de l'immeuble projeté. La loi prévoyait ainsi que les vides d'étages devaient être à 2,60 m et non à 2,50 m comme le prévoyait le projet en cause. Il s'agissait de minima visant à assurer l'habitabilité et la salubrité des bâtiments. En outre, les conditions d'une dérogation à cette mesure n'étaient pas réalisées puisqu'il s'agissait d'un pur intérêt financier et que le futur immeuble nuisait au caractère architectural des rues voisines.

Le TAPI était imprécis s'agissant de la question du respect des gabarits. En effet, le gabarit à la corniche du projet contesté était illégal en toute hypothèse. En outre, une rupture d'échelle au regard du gabarit des immeubles voisins à la rue R______ et à la rue L______ était manifeste.

19) a. Le 6 mai 2022, les époux D______ se sont déterminés sur le recours des époux A______ et consorts, relevant que leurs griefs se rejoignaient avec ceux qu'ils avaient soulevés. Ils adhéraient également aux griefs qu'ils n'avaient pas formellement soulevés.

b. Le 9 mai 2022, les époux A______ et consorts ont indiqué qu'ils appuyaient l'écriture de recours des époux D______, dont les arguments se regroupaient aux leurs.

Ils ont également remis un courrier qu'ils avaient adressé au préposé cantonal à la protection des données (ci-après : le préposé cantonal) le 29 avril 2022 dans lequel ils demandaient à ce qu'une procédure de médiation soit mise en œuvre compte tenu du refus de l'OPS de transmettre la quasi-totalité des documents sollicités.

20) Le 18 mai 2022, dans deux écritures séparées, le département a conclu au rejet des recours.

a. Le droit d'être entendu des époux D______ n'avait pas été violé dans la mesure où le TAPI disposait de tous les éléments utiles pour se prononcer. Aucune étude de longue date concernant la préservation du secteur n'avait été effectuée et la pesée des intérêts que l'OPS avait effectuée ne s'était pas faite dans le cadre de délibérations écrites. Une expertise judiciaire ne pouvait pas apporter des informations complémentaires sur cette pesée. Si le droit à la réplique avait été violé, il serait réparé par la procédure menée par-devant la chambre de céans.

La problématique sur laquelle il avait eu à se prononcer ne concernait pas une éventuelle mesure de protection qu'il aurait été amené à devoir prendre mais uniquement une DP. Si, à la suite du recensement du patrimoine architectural et des sites effectué, le plan de synthèse no 2______ avait été validé par l'OPS, aucune démarche en matière de protection n'avait encore débuté à sa suite. Ce n'était que dans le cadre du dépôt de la DP que l'OPS s'était posé la question de savoir s'il désirait intégrer les parcelles concernées à l'étude du plan de site qu'il voulait initier pour le secteur de l'T______, étant rappelé qu'il appartenait au département de l'élaborer. Bien que les maisons érigées sur les parcelles en cause aient été considérées comme étant intéressantes, cette qualification n'imposait pas de facto la prise de mesures de protection, la pesée des intérêts effectuée entre impératifs de protection et construction de logements étant à l'évidence justifiée. Enfin, le plan de synthèse no 2______ n'avait aucune valeur contraignante.

À aucun moment, l'OPS n'avait considéré que les maisons sises sur les parcelles concernées devaient être protégées. Les époux D______ voulaient imposer leur appréciation de la situation, en lieu et place de celle de l'instance de préavis spécialisée dans le domaine. Les éléments particulièrement dignes de protection des immeubles voisins à la rue U______ et à la rue R______ n'étaient pas mis en péril par la réalisation de la construction projetée. L'OPS n'avait d'ailleurs pas sollicité l'avis de la CMNS ce qui tendait à démontrer que ces immeubles ne seraient pas impactés. La CA avait toutefois exigé que des précautions soient prises. En outre, la protection d'immeubles voisins ne s'étendait pas aux bâtiments et espace environnants.

Même si le recensement architectural avait considéré les maisons en cause comme étant « intéressantes », le département et plus particulièrement l'OPS, après avoir effectué une pesée des intérêts, avait privilégié la construction de logements supplémentaires à la mise sous protection de ces bâtiments. Prenant en considération le contexte urbain existant, il avait privilégié la mise en œuvre d'une étude de plan de site sur le périmètre situé entre la rue de l'T______, la rue S______, la rue L______ et la rue R______, lequel bénéficiait d'une arborisation remarquable et présentait une homogénéité par sa typologie et son architecture. Il avait néanmoins été demandé que le rapport à la rue L______ de la construction projetée soit traité de manière harmonieuse et en continuité avec le dispositif urbain existant, comme cela ressortait des préavis de l'OPS. Le département ayant décidé d'exclure les parcelles concernées par ce projet de l'étude de plan de site qu'il désirait mettre en œuvre, il apparaissait logique de ne pas faire application de l'art. 13B al. 1 LaLAT.

Il n'était pas contesté que le taux d'espace vert ou de détente de minimum 40 % n'était pas respecté. Toutefois, la ville avait expliqué que, compte tenu de « la situation urbaine complexe » résultant notamment de la délivrance d'une autorisation de construire sur la parcelle no 383, feuille 27 (DD 9______) et les efforts mis en œuvre pour proposer une toiture végétalisée, elle s'était déclarée disposée à entrer en matière sur une dérogation au sens de l'art. 14 al. 1 RPUS. Dans la mesure où il s'agissait d'une DP, il n'y avait pas, à ce stade, pas de position formelle à prendre pour ce qui concernait la dérogation à octroyer.

Selon la jurisprudence, la fait qu'une dérogation ne soit pas mentionnée dans la publication d'une autorisation de construire n'impliquait pas forcément la violation de l'art. 3 al. 5 LCI. En outre, le simple fait que les préavis de la CA ne fasse pas référence à la dérogation des vides d'étages ne signifiait pas qu'elle n'avait pas étudié la question du caractère architectural du périmètre concerné et la salubrité des logements proposés. Par ailleurs, l'impact des vides d'étages sur le gabarit n'était qu'indirect, de sorte que cette question ne devait pas être examinée au stade de la DP. La dérogation n'avait pas été octroyée pour des motifs économiques mais en raison du fait que des logements supplémentaires pouvaient être construits, dans un périmètre que le PDCn 2030, et plus exactement la fiche A01, avait identifié comme étant propice à la densification et à l'extension d'un centre urbain dense. Enfin, la CA avait considéré que le projet s'implantait harmonieusement dans son environnement bâti avec une volumétrie adaptée au contexte urbanistique environnant.

La DAC avait indiqué qu'une dérogation s'imposait dans la mesure où le gabarit légal n'était pas respecté. Même si la DAC avait fixé la hauteur maximum à 21 m, la jurisprudence admettait une marge d'erreur de 3 %.

b. Le département a exposé les mêmes arguments pour répondre aux griefs des époux A______ et consorts à propos de la violation de leur droit d'être entendus, sur la violation de l'art. 4 LPMNS et des art. 12, 13 et 14 RPUS.

Prenant en considération l'ensemble des objectifs imposés par le PDCn 2030, le département avait considéré que les parcelles sur lesquelles serait érigé le bâtiment projeté pouvaient ne pas être intégrées dans le plan de site qu'elle désirait mettre en œuvre dans le secteur de l'T______ afin de notamment permettre la construction de logements. Outre le fait que l'OPS avait considéré que l'identité urbaine de ce quartier se situait surtout dans le périmètre constitué de la rue de l'T______, de la rue S______, de la rue L______ et de la rue R______, la CA avait mis en évidence le fait que la réalisation du projet permettait de fermer « l'îlot » existant, tout en offrant une implantation harmonieuse, avec une volumétrie adaptée au contexte urbanistique environnant. S'agissant du plan directeur communal (ci-après : PDCom), il ne permettait pas d'affirmer que les parcelles concernées auraient dû être mises au bénéfice d'une mesure de protection, étant relevé que les études que la ville aurait faites n'étaient pas connues du département. En toute hypothèse, la jurisprudence retenait que ni le plan directeur cantonal ni le PDCom ne pouvaient à eux seuls s'opposer à la délivrance d'une autorisation de construire si elle était conforme au plan d'affectation adopté, soit en l'occurrence une affectation en 3ème zone de construction.

21) Le 30 mai 2022, dans deux écritures séparées, M. E______ et consorts ont conclu au rejet des recours.

a. Les griefs en lien avec le droit d'être entendus des époux D______ étaient mal fondés.

Ils ne pouvaient pas se prévaloir de normes visant uniquement à protéger l'intérêt public, de sorte que leur grief était irrecevable. Au surplus, les bâtiments se trouvant sur les parcelles en cause ne faisaient pas partie d'un ensemble protégé. La valeur de recensement ne constituait pas une mesure de protection mais une indication relative à la qualité patrimoniale de l'objet. La CMNS n'avait pas établi de préavis puisqu'il n'était pas question d'un ensemble du XIXème siècle et du début du XXème siècle. La planification directrice cantonale et communale ne prévoyait pas de mesures de protection du patrimoine à prendre dans ce secteur et sur ces parcelles. Les époux D______ se contentaient de substituer leur appréciation à celle du département.

Le projet de construction ne pouvait faire l'objet d'un refus conservatoire puisqu'il ne compromettait pas une planification envisagée.

La ville ne pouvait pas, au stade de la DP, se prononcer sur une dérogation au RPUS.

Outre le fait que les époux D______ ne disposaient d'aucun intérêt à invoquer un grief relatif au confort des futurs habitants, la dérogation au vide d'étage serait publiée dans la FAO au moment de la publication de l'autorisation définitive. En toute hypothèse, les conditions pour appliquer l'art. 49 al. 5 LCI étaient réunies, étant relevé que la CA s'était déclarée favorable au projet. L'instance spécialisée s'était donc déterminée en toute connaissance de cause.

La construction projetée respectait le gabarit théorique, la dérogation avait été octroyée pour seulement deux endroits. Il s'agissait de dérogations minimes. Les instances spécialisées avaient en outre établi des préavis favorables et le département disposait d'un pouvoir d'appréciation qui n'était censuré qu'en cas d'excès ou abus, ce que les intéressés n'étaient pas parvenus à démontrer.

b. Le griefs en lien avec le droit d'être entendus des époux A______ et consorts étaient mal fondés.

M. E______ et consorts ont repris leurs arguments sur l'absence d'intérêt digne de protection à invoquer des normes qui n'étaient pas destinées à protéger les recourants. En toute hypothèse, les objets recensés sur leurs parcelles ne nécessitaient pas la prise de mesure de protection du patrimoine. L'envoi d'un courrier par AA______ à l'OPS le 4 février 2020 ne devait pas être considéré comme une preuve de la valeur patrimoniale des bâtiments en question.

Le projet de construction était conforme à la planification directrice cantonale, étant relevé que le SPI avait préavisé favorablement le projet. Il était en outre conforme à la fiche A15, puisque les bâtiments se trouvant sur les parcelles avaient été recensés et que la question de mesures de protection du patrimoine avait été examinée. Les époux A______ se contentaient d'opposer leur propre appréciation à l'analyse circonstanciée et complète faite par le département et le TAPI relative à la conformité au droit de l'autorisation contestée.

Enfin, ils ont repris leurs explications s'agissant du grief relatif à une violation du RPUS, précisant que la dérogation serait étudiée dans le cadre de la demande définitive d'autorisation de construire. La publication dans la FAO aurait lieu lors de la décision d'octroi de la décision définitive.

22) Le 5 juillet 2022, les époux D______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

Ils ont repris et développé leurs précédents arguments portant sur leurs griefs relatifs à la violation de leur droit d'être entendus (droit à la réplique et refus des mesures d'instruction requises par-devant le TAPI).

Les époux D______ étaient en droit de se prévaloir de griefs relatifs à la démolition de villas à protéger dans la mesure où ils étaient voisins et qu'elles constituaient une part intégrante de l'environnement du bien-fonds dont ils étaient propriétaires. De plus, il était évident que le plan de site, soit la mesure de protection choisie pour mettre en œuvre le résultat du recensement architectural, devait concerner l'entier du périmètre issu du plan no 2______. La pondération des intérêts en présence ne pouvait pas relever du courrier du directeur de l'OPS du 8 juillet 2019 adressé à M. E______ et consorts, lequel s'inscrivait en contradiction avec le recensement architectural effectué, la mesure de protection choisie et la valeur patrimoniale avérée du site à protéger. L'hypothétique intérêt à la densification ne pouvait pas permettre de détruire une partie intégrante du secteur de l'T______. En outre, le préavis favorable du SMS n'était pas fondé sur des motifs objectifs de protection du patrimoine mais sur une décision du directeur de l'OPS de ne pas tenir compte de la protection du patrimoine. Enfin, les art. 89 et ss LCI étaient applicables au cas d'espèce, de sorte que la CMNS aurait dû être consultée.

L'autorisation de construire délivrée violait l'art. 13B LaLAT et le département excédait de son pouvoir d'appréciation en autorisant un projet avant l'adoption d'un plan de site. Une barre d'immeuble de six étages plus attique viendrait briser la cohérence de l'ensemble bâti du secteur de l'T______ tel qu'il était défini dans le RAC et dénaturerait inévitablement les bâtiments voisins et ferait perdre tout sens à leur protection.

En ne respectant ni la procédure concernant les dérogations au RPUS ni les motifs qui justifieraient l'octroi de telles dérogations, l'autorisation contestée violait le RPUS.

Les vides d'étages conditionnaient le nombre de logements possibles, ce qui avait une conséquence sur le nombre d'habitants. Les époux D______ étaient ainsi légitimés à faire valoir une violation de la loi compte tenu de leur droit à pouvoir conserver leur qualité de vie et la valeur de leur bien-fonds. En outre, cette problématique avait échappé à la DAC et à la CA et leur absence de détermination ne pouvait pas être considérée comme une dérogation implicite. La question des vides d'étages et celles des gabarits était corrélée, de sorte qu'elle devait être appréhendée au stade de la DP et non dans le cadre de la demande définitive d'autorisation de construire. De plus, les conditions d'une dérogation n'étaient pas réalisées puisque le caractère architectural de la rue n'était pas respecté. Dans la mesure où la publication de la DP ne faisait aucune mention d'une dérogation aux vides d'étages, leur droit d'être entendus avait été violé. Une guérison par-devant la chambre administrative n'était pas envisageable dès lors qu'elle ne disposait pas du même pouvoir de cognition que le département. Enfin, la DAC aurait dû relever la demande de dérogation aux vides d'étages et la CA aurait dû motiver son préavis.

Enfin, les gabarits de la construction projetée étaient excessifs et en rupture d'échelle avec le quartier de l'T______. Même en admettant une dérogation, le gabarit était dépassé. La marge d'erreur de 3 % invoquée par le département n'était pas applicable. Les préavis recueillis reposaient sur des considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi, n'étaient pas fondés sur des motifs objectifs et relevaient d'un excès et abus de pouvoir d'appréciation. Enfin, en délivrant une autorisation cumulant l'augmentation de 3 m de l'al. 3 de l'art. 27 LCI et celle de 1 m de l'art. 11 al. 5 LCI, le département ne s'était pas fondé sur des motifs objectifs mais avait commis un excès et un abus du pouvoir d'appréciation.

23) Le 25 juillet 2022, les époux A______ et consorts ont remis les correspondances reçues de la ville le 6 juillet et de l'OPS le 21 juillet 2022 avec leurs annexes, dont les études intitulées « W______, Étude morphologique » effectuée en avril 2002 par un adjoint scientifique à la conservation du patrimoine architectural de la ville et « Quartier de l'T______ – Guide d'aide à la décision » effectuée par un bureau d'architectes datée du 20 juin 2018, lesquelles seront détaillées dans la partie en droit en tant que de besoin.

24) Le 4 août 2022, les époux A______ et consorts ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

Grâce à leur requête LIPAD, ils avaient obtenu un certain nombre de documents, lesquels avaient permis de retracer la chronologie des évènements. Il ressortait de celle-ci que la ville avait manifestement pour intention de permettre la densification du quartier de l'T______, ce qui avait très certainement conduit M. E______ et consorts à déposer la DP. En parallèle, il ressortait de la documentation remise par l'OPS que ce dernier, par l'intermédiaire de son ancienne directrice, avait émis la volonté de préserver ce quartier et plus particulièrement les parcelles concernées par la DP.

L'audition des personnes listées dans leur mémoire de recours devait être ordonnée pour déterminer si celles-ci avaient bien été consultées par le nouveau directeur de l'OPS ou si elles avaient participé à la décision de changer la position de l'OPS sur ce dossier, étant précisé qu'aucun procès-verbal du conseil de direction ne traitait expressément ce revirement ou en expliquait les raisons.

La note adressée au directeur de l'OPS, dont il était question dans le procès-verbal du conseil de direction du 3 juin 2019, devait être produite. Il ressortait des procès-verbaux obtenus que l'établissement d'un plan de site avait bien été décidé par l'ancienne directrice de l'OPS avant le dépôt de la DP contrairement à ce que soutenait le département. De plus, aucun document ne permettait d'attester le fait qu'un plan de site serait à l'étude pour ne viser que des parcelles voisines et non celles visées par le projet contesté, sans inclure les parcelles visées par la DP.

Les documents obtenus récemment démontraient que l'OPS avait tout d'abord souhaité préserver le périmètre en question en adoptant un plan de site. Il avait ainsi requis l'actualisation du plan de recensement visant les parcelles concernées par le projet au même titre que la préparation d'un plan de site. De plus, le conseiller d'État avait assuré à AA______ qu'il lancerait une démarche participative de la population concernant ce secteur, laissant ainsi entendre que l'autorisation requise dépendrait du résultat de cette démarche. Les époux A______ et consorts disposaient donc d'un avantage pratique à l'annulation de la décision contestée, en tant qu'elle autorisait un projet de construction qui portait sur un périmètre que l'OPS voulait initialement protéger, périmètre dont leurs parcelles faisaient également partie. Enfin, à suivre le département, les parcelles visées par le projet seraient sorties du périmètre à protéger alors que les leurs y resteraient, ce qui créait en plus une inégalité de traitement.

Dans la mesure où l'entrée en force d'une DP avait pour conséquence de rendre contraignants l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet, la dérogation au RPUS devait être traitée dans ce cadre, ce qui n'avait pas été fait. En validant le gabarit du projet par la DP, il ne serait plus possible d'imposer une construction basse, pour respecter les termes de l'art. 12 al. 2 RPUS et ceux des art. 13 et 14 RPUS.

25) Les 25 août et 7 septembre 2022, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

a. Il avait expliqué les raisons qui avaient amené l'OPS à revoir – de manière objective et transparente – sa position pour ce qui concernait le premier préavis rendu, lequel était défavorable. Il ne voyait en outre pas en quoi l'audition des personnes sollicitées par les époux D______ pourrait apporter des informations supplémentaires.

Le département aurait pu faire application de l'art. 13B al. 1 LaLAT lorsqu'il avait été amené à se prononcer sur la DP. Or, les parcelles concernées ne bénéficiaient d'aucune protection particulière. Quand bien même le plan no 2______ avait reconnu aux constructions une valeur intéressante, l'OPS avait toutefois considéré qu'il ne se justifiait pas de les intégrer dans le cadre de l'étude du plan de site qu'il souhaitait mettre en œuvre dans ce secteur. Les parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387 se situaient dans un îlot déjà considérablement densifié dans lequel la construction projetée pourrait être réalisée de manière harmonieuse, en permettant une densification mesurée de ce périmètre, tout en offrant une protection suffisante au secteur de « l'T______ ». Il n'était pas contesté que la position de l'OPS avait évolué au cours de la procédure d'instruction notamment à la suite du courrier du 6 mars 2019, toutefois la décision du département n'avait été influencé que par les seuls intérêts publics qu'il se devait de préserver, soit le juste équilibre entre la protection du patrimoine et la densification des secteurs identifiés par le PDCn 2030. Les bâtiments en cause ne pouvaient de plus pas se voir conférer la protection des art. 89 et ss LCI puisque seul le département était habilité à leur octroyer le statut d'ensemble protégé, ce qu'il n'avait pas jugé utile de faire.

Pour les autres points (conformité au RPUS et vides d'étages), le département a repris ses précédentes explications.

b. L'OPS n'avait jamais été en possession des études obtenues par les époux A______ et consorts, lesquelles avaient été effectuées sur mandat de la ville. Même si des discussions avaient eu lieu entre la ville et l'OPS au sujet du secteur concerné, ils ne s'étaient toutefois pas échangés ce genre d'informations. Leurs positions étaient opposées en ce sens que la ville souhaitait densifier la zone concernée, alors que l'OPS souhaitait mettre en œuvre des mesures de protection afin de protéger une partie de sa substance. Cela avait amené l'OPS à engager des discussions avec la ville. Toutefois, à ces occasions, il n'avait pas été évoqué l'intérêt qu'auraient eu certains particuliers à entreprendre une opération de promotion dans ce secteur. C'était à cette époque que l'OPS avait demandé à l'un de ses collaborateurs qu'il procède à la mise à jour de l'étude patrimoniale relative à ce périmètre afin qu'un plan de synthèse – qui était le plan no 2______ – puisse être adopté. De son côté, la ville avait commandé les deux études précitées.

Il était faux de prétendre que l'intention de l'OPS était de préserver ce quartier, notamment par l'adoption d'un plan de site, puisqu'avant le dépôt de la DP, les contours précis du plan d'affectation n'étaient pas encore connus.

Les documents produits par les époux A______ et consorts n'apportaient aucune information complémentaire.

Il n'apparaissait pas utile de comprendre si le processus décisionnel de l'OPS avait bien été respecté puisque c'était par la voix de son directeur général que l'instance de préavis s'était déterminée.

Même si la volonté de protéger ce périmètre avait fait l'objet de discussions, le dépôt de la DP avait permis de poser concrètement la question de savoir quelles parcelles du secteur de l'T______ devaient être mises au bénéfice d'une mesure de protection, étant relevé que l'OPS avait bénéficié de l'étude patrimoniale ayant abouti au plan de synthèse no 2______.

26) Le 7 septembre 2022, M. E______ et consorts ont dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

Il ressortait des nouveaux documents produits par les époux A______ et consorts que seule l'opportunité d'un plan de site avait été discutée et non pas que son établissement aurait été décidé. La chronologie des évènements démontrait que la mise à l'inventaire des bâtiments sur les parcelles litigieuses n'avait pas été poursuivie par l'OPS, faute d'intérêt suffisant desdits bâtiments.

Les études versées au dossier démontraient que le quartier avait fait l'objet de discussions et que la décision de délivrer la DP avait été prise à la suite d'une prise en considération de tous les éléments nécessaires et à la suite d'une pesée des intérêts poussée et réfléchie.

Les documents produits ne prouvaient pas que le directeur général de l'OPS serait à l'origine de l'autorisation de construire litigieuse.

27) Le 11 octobre 2022, les époux D______ ont relevé que le seul élément ayant permis de passer du caractère défavorable au caractère favorable des préavis du SMS était le courrier du directeur de l'OPS du 8 juillet 2019. Or, au vu des préavis émis par le SMS, il y avait une contradiction fondamentale entre le caractère favorable des préavis et les éléments patrimoniaux exposés et mis en évidence en rouge ou souligné dans ceux-ci, étant rappelé que le besoin de densifier la ville ne constituait pas un motif objectif relevant de l'objet pour lequel l'OPS était consulté.

Les explications du département allaient dans le sens des recourants à propos du caractère non patrimonial et non objectif du motif ayant conduit l'OPS à modifier son préavis. Le motif du caractère favorable du préavis en question était donc de nature politique afin de mettre fin à un différend entre la ville et l'État.

Les documents produits par les époux A______ et consorts ne faisaient que renforcer la nécessité de procéder aux actes d'instruction requis. Le département devait donc être enjoint à produire les documents sollicités et des témoins devaient être auditionnés.

Il ressortait de ces documents que, dès 2013, l'ancienne directive de l'OPS souhaitait mettre sous protection le secteur de l'T______. En 2018, les intentions de celle-ci n'avaient pas changé et l'OPS avait décidé de lancer un projet d'étude du plan de site.

Le respect du partage des compétences était essentiel et il n'appartenait pas au directeur de l'OPS, sur la base du simple courrier du 6 mars 2019, de retirer des parcelles dont la valeur patrimoniale était avérée d'un périmètre de protection alors même que les services spécialisés avaient déjà examiné le projet et s'étaient prononcés défavorablement. En outre, aucun des documents ne démontrait que la décision dudit directeur aurait été discutée dans le cadre d'un conseil de direction de l'OPS.

Le département aurait donc dû s'écarter des préavis du SMS, lequel était basé sur des « considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi ». En privilégiant un préavis se référant à une lettre au motif de nature politique au détriment des éléments patrimoniaux figurant dans les préavis rendus dans ce dossier, le département avait commis un excès et un abus de pouvoir d'appréciation.

28) Le 10 novembre 2022, les époux A______ et consorts ont appuyé les arguments des époux D______ qui se regroupaient avec ceux qu'ils avaient développés en relation avec la documentation obtenue dans le cadre de la procédure LIPAD.

29) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 LCI).

2) Les recours portent sur l’autorisation de construire préalable DD 1______ délivrée par le département le 21 janvier 2021 et confirmée par le TAPI dans son jugement du 28 février 2022.

3) Les recourants sollicitent un transport sur place et l'audition de l’ancienne directrice de l'OPS, de la conservatrice cantonale des monuments et des sites et des représentants du SMS, du SPI et de la ville ayant rendu les préavis ainsi que celle du directeur de l'OPS et du président de la CMNS. Ils demandent également la production d'un certain nombre de documents en lien avec les aspects de la DP contestée. En outre, ils requièrent la production de la note adressée au directeur de l'OPS, dont il est question dans le procès-verbal du conseil de direction du 3 juin 2019, ainsi que la mise en œuvre d'une expertise par un historien de l'art.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le dossier contient des photographies des bâtiments en cause et les outils numériques, parmi lesquels figure le SITG (découlant de la loi relative au système d’information du territoire à Genève du 17 mars 2000 - LSITG - B 4 36), permettent d'apprécier avec précision l'environnement, les caractéristiques architecturales du quartier, l'emplacement, les dimensions et le périmètre dans lequel le projet s'insérerait.

En outre, les recourants ont obtenu de la part du département et de la ville différents documents, dont les deux études historiques requises et réalisées par la ville portant sur les parcelles nos 381, 382, 384 et 387, qui ont été versées au dossier.

Par appréciation anticipée de preuve, il apparaît que la production de documents supplémentaires, tels que par exemple la note adressée au directeur de l'OPS, ou encore les différentes auditions sollicitées ne sont ni utiles, ni nécessaires à la solution du litige, comme cela ressort des considérants qui suivent.

Il en est de même de l'expertise requise par les recourants qui n'est pas de nature à modifier l’issue du litige comme il le sera expliqué ci-dessous, étant relevé que le passage de l'arrêt du Tribunal fédéral dont se prévalent les recourants (arrêt du Tribunal fédéral 1C_126/2020 du 15 février 2021 consid. 6.1) concerne plus la question de l'examen de la pesée des intérêts dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire que des mesures d'instruction à diligenter.

Il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction des recourants.

4) Les recourants reprochent au TAPI d'avoir violé leur droit d'être entendus en n'ayant pas procédé aux actes d'enquêtes sollicités et en ayant violé leur droit à la réplique.

a. Comme vu ci-dessus, le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les intéressés d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite.

Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des art. 29 Cst. et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos (droit à la réplique), que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement de nature à influer sur le jugement à rendre. En ce sens, il existe un véritable droit à la réplique qui vaut pour toutes les procédures judiciaires (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 144 I 11 consid. 5.3 ; 133 I 98 consid. 2.1 ; 133 I 100 consid. 4.3 - 4.6).

Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 138 I 484 consid. 2.4). Lorsqu'une partie se voit communiquer par le juge une écriture ou des pièces nouvelles, il lui appartient, si elle souhaite s'exprimer à leur sujet, de faire spontanément usage de son droit de réplique ; si elle s'en abstient, elle est censée y avoir renoncé après l'écoulement d'un délai raisonnable (ATF 133 I 98 consid. 2.2 ; 132 I 42 consid. 3.3.3 - 3.3.4).

Lorsque la partie est représentée par un avocat, la jurisprudence du Tribunal fédéral considère que le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. On peut attendre de l'avocat à qui une détermination ou une pièce est envoyée pour information qu'il connaisse la pratique selon laquelle, s'il entend prendre position, il le fasse directement ou demande à l'autorité de lui fixer un délai pour ce faire; sinon, il est réputé avoir renoncé à se prononcer (ATF 138 I 484 consid. 2.2 ; 133 I 100 consid. 4.8). Pour que le droit de réplique soit garanti, il faut toutefois que le tribunal laisse un laps de temps suffisant à la partie concernée, entre la remise de la prise de position ou des pièces nouvelles et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire à la défense de ses intérêts (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1). À cet égard, le Tribunal fédéral considère qu'un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer, tandis qu'un délai supérieur à vingt jours permet, en l'absence de réaction, d'inférer qu'il a été renoncé au droit de répliquer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2021 du 11 août 2021 consid. 3.1). En d'autres termes, une autorité ne peut considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d'une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision (arrêt du Tribunal fédéral 1C_338/2020 du 19 janvier 2021 consid. 2.3). Ces principes valent également au stade d'un second échange d'écritures (arrêts du Tribunal fédéral 1C_69/2022 du 8 mars 2022 consid. 2.1 ; 1C_398/2020 du 16 octobre 2020 consid. 2.1).

b. Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2 ; 133 I 201 consid. 2.2), et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2). La réparation du droit d'être entendu en instance de recours peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1).

c. En l'occurrence, le droit d'être entendu ne donnant pas un droit à un transport sur place, à l'audition de témoins et à ce que soit ordonnée la production de différents documents, le TAPI n'avait pas l'obligation de donner une suite favorable aux différentes demandes des recourants. Dans son jugement, il a expliqué de manière claire les raisons pour lesquelles il rejetait ces demandes, de sorte qu'aucune violation du droit d'être entendus des recourants n'a été commise à cet égard. Au surplus, comme vu ci-dessus, ces actes d'instruction ne sont ni nécessaires ni utiles à la résolution du litige.

Il ressort du jugement attaqué que le « 17 février 2022, le tribunal a transmis ces déterminations aux parties et leur a indiqué que le tribunal n’acceptait plus d’écritures, la cause étant pour le surplus gardée à juger » (consid. 40 en fait). Les dossiers du TAPI ne contiennent toutefois pas ce courrier. Seul y figure un courrier envoyé le 18 février 2022 transmettant aux époux D______ les copies des déterminations de M. E______ et consorts et des époux A______ et consorts du 7 février 2022 leur signalant par ailleurs que la cause était gardée à juger en l'état. Ce courrier a été reçu le 21 février 2022 par l'avocat des époux D______ selon leurs explications.

Le TAPI ayant statué le 28 février 2022, soit dans un laps de temps insuffisant depuis la communication de ces écritures, les époux D______ ont été privés de l'opportunité de se déterminer. Il s'en suit que leur droit d'être entendus a été violé.

Cela dit, dans la mesure la chambre de céans dispose du même pouvoir de cognition que le TAPI (art. 61 al. 1 LPA) et que les époux D______ ont eu l'occasion de faire valoir leurs arguments devant l'instance de recours, ce vice été valablement réparé par-devant la chambre de céans.

Au surplus, le vice n'apparaît pas suffisamment grave pour entraîner l'annulation du jugement attaqué dans la mesure où il s'agit d'écritures ne comportant pas d'éléments fondamentalement nouveaux.

Le grief de violation du droit d'être entendu sera en conséquence écarté.

5) a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

6) Dans un premier grief, les recourants soutiennent que le TAPI a constaté les faits de manière inexacte en retenant que les parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387 ne faisaient pas partie du secteur de l'T______ recensé par le plan de synthèse no 2______, établi par l'OPS, et en ne prenant pas en considération la valeur patrimoniale importante des bâtiments construits sur ces parcelles ainsi que ceux voisins laquelle joue un rôle structurant dans l'architecture spécifique du quartier.

a. Selon la doctrine, l'autorité de recours est compétente pour examiner librement les faits (art. 61 al. 1 let. b LPA) Elle peut également renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle le complète (art. 19 et 69 al. 3 LPA). En application de l'art. 110 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le juge cantonal ne peut limiter son pouvoir de cognition relatif à l'établissement des faits à l'arbitraire, même dans des domaines spécialisés (art. 61 LPA). L'autorité de recours doit prendre en compte des pièces ou allégués nouveau produits au stade de la procédure de recours et ne peut, en application de l'art. 24 LPA, sanctionner un refus de collaborer en arrêtant son analyse aux faits survenus devant l'autorité administrative seule (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 770 et 771 ad art. 61).

b. En l'espèce, dans son jugement, le TAPI a retenu qu'il existait un secteur de l'T______ « proprement dit » qui formait un rectangle délimité par la rue L______, la rue de l’T______ et les rues S______ et R______ et que l'historique des quatre parcelles écartées de ce périmètre permettait de comprendre la volonté du département de protéger uniquement ce secteur.

Comme il le sera expliqué ci-dessous, il n'y a pas de raison de s'écarter de ces considérations.

En réalité, par ce grief, les recourants remettent en cause l'appréciation des preuves effectuées par le TAPI puisque, selon eux, ces considérations vont à l'encontre des éléments retenus dans le cadre du plan de synthèse no 2______, établi par l'OPS, et des autres documents figurant au dossier.

Ces pièces seront discutées dans le cadre de l'examen des griefs relatifs à une violation de la LPMNS et de la LaLAT.

7) Les recourants considèrent que le département a violé les obligations de protection découlant de la loi en autorisant la démolition de villas à la valeur historique importante laquelle avait été mise en exergue dans le plan de synthèse no 2______, établi par l'OPS. Ils considèrent également que la CMNS aurait dû être consultée.

a. La LPMNS poursuit la protection générale des monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture et des antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif, ainsi que les terrains contenant ces objets et leurs abords (art. 4 let. a LPMNS), et des immeubles et des sites dignes d'intérêt, ainsi que des beautés naturelles (art. 4 let. b LPMNS).

S'agissant des bâtiments, la loi prévoit l'établissement d'un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 (art. 7 al. 1 LPMNS), ainsi que la possibilité pour le Conseil d'État d'ordonner le classement d'un monument ou d'une antiquité (art. 10 LPMNS). Les immeubles inscrits à l'inventaire doivent être maintenus et leurs éléments dignes d'intérêt préservés (art. 9 al. 1 LPMNS).

L'art. 35 LPMS prévoit, s'agissant de la nature et des sites, la protection des sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (al. 1), soit notamment des paysages caractéristiques, tels que rives, coteaux, points de vue (al. 2 let. a) et ensembles bâtis qui méritent d’être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée (al. 2 let. b), sous réserve des dispositions de la LCI sur les zones protégées.

En ce qui concerne les sites, l’art. 38 LPMNS permet au Conseil d’État d’édicter les dispositions nécessaires à l’aménagement ou à la conservation d’un site protégé par l’approbation d’un plan de site assorti, le cas échéant, d’un règlement (al. 1).

b. L'appréciation de la valeur d'un objet ou d'un site à protéger peut évoluer avec le temps et entraîner la modification de la protection. Le classement d'un bâtiment peut être modifié ou abrogé pour des motifs prépondérants d'intérêt public ou si l'immeuble qu'il protège ne présente plus d'intérêt (art. 18 al. 1 LPMNS). Le plan de site fait l'objet d'un réexamen périodique (art. 40 al. 10 LPMNS). Au sujet des monuments, la jurisprudence a retenu que l'art. 4 let. a LPMNS, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1). Comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes ; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/353/2021 du 23 mars 2021 et les références citées).

c. Dans sa jurisprudence la chambre de céans a retenu qu'un plan du recensement du patrimoine architectural n'était pas contraignant (ATA/843/2019 du 30 avril 2019 consid. 9a).

d. Les art. 89 ss LCI prévoient la préservation de l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXème siècle et du début du XXème siècle qui sont situés en dehors des périmètres de protection (art. 89 al. 1 LCI). Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

Selon l'art. 90 al. 1 LCI, les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés.

Le département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'al. 1 (art. 90 al. 4 LCI). Sur cette base, le département a publié deux séries d'ensembles retenus, en novembre 1985, puis en octobre 1989. Cette liste indicative de quarante-six ensembles retient des immeubles construits en majorité entre la fin du XIXème siècle et les années 1920. Le 17 décembre 2020, une liste indicative élargie de deux cent cinquante ensembles a été publiée dans la FAO.

Le choix du législateur d'une liste indicative laisse une grande marge d'appréciation au département chargé de l'application de ces dispositions. Au cas par cas, le département a fait bénéficier de la protection des art. 89 et ss LCI des ensembles ne figurant pas sur la liste indicative. Cette manière de faire a régulièrement été confirmée par la chambre de céans en raison du caractère indicatif de la liste (ATA/872/2022 du 30 août 2022 consid. 7d et les arrêts cités).

Par ailleurs, la qualification d’ensemble dépend d’une volonté d’unité et d’harmonie dans la conception de l’espace aménagé pour les différents éléments formant un tout projeté et cohérent. À cet égard, les préavis des instances spécialisées en matière de protection du patrimoine sont déterminants. L’art. 90 al. 4 LCI mentionne la compétence du département, notamment par le biais de ses instances spécialisées, tel que l’OPS (art. 6 al. 1 let. e du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10), lequel comprend notamment le SMS (ch. 3).

e. La CMNS est une commission consultative nommée au début de chaque législature par le Conseil d'État, composée d'un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil et désignée par ce dernier, de trois membres sur proportion de l'association des communes genevoise, dont un désigné par la ville et d'un maximum de onze membres titulaires et trois suppléants, dont une majorité délégués d'associations d'importance cantonale poursuivant les buts énumérés à l'art. 1 LPMNS.

Elle donne son préavis notamment sur tout projet de travaux concernant un immeuble porté à l'inventaire, classé ou situé en zone protégée (art. 47 LPMNS et art. 5 al. 2 let. c, e, f du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS - L 4 05.01).

La CMNS comporte trois sous-commissions (architecture, monuments et antiquités, nature et sites) dont la compétence est codifiée dans le RPMNS (art. 3 al. 1 RPMNS). Il s'agit d'une commission consultative (art. 47 al. 1 1ère phr. LPMNS), qui a pour mission de conseiller l’autorité compétente (art. 5 al. 1 RPMNS). Aux termes des art. 47 al. 1 2ème phr. LPMNS et 5 al. 2 let. e et f RMPNS, il lui revient en particulier de donner son préavis, conformément à la LCI, sur tout projet de travaux concernant un immeuble classé et/ou situé en zone protégée.

f. À teneur de l'art. 15 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d’architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

L'art. 15 LCI reconnaît au département un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3e et la référence citée). Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 179).

g. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/109/2008 du 11 mars 2008 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 176 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 consid. 5d).

h. En l'espèce, le TAPI a retenu que le département, après avoir effectué une pesée des intérêts entre impératifs de protection et construction de logements, avait préféré choisir cette seconde voie, en s’appuyant sur les préavis favorables établis, bien que les bâtiments aient été considérés comme intéressants lors du recensement. Le recensement n’imposait toutefois pas de facto la prise de mesures de protection.

Il est exact que les parcelles, sur lesquelles sont érigées les villas à démolir, sont incluses dans le plan de synthèse no 2______ intitulé « Recensement du patrimoine architectural et des sites du canton de Genève – Secteur T______ (V______) », validé le 4 février 2019 par l'OPS. Il est également établi et non contesté que les premiers préavis du SPI du 25 février 2019 et du SMS du 4 février 2019 sont défavorables au projet, au motif que les villas en question ont été considérées dans ledit document comme étant des « Monument et bâtiment intéressants et leurs abords ».

Toutefois, force est de constater que les parcelles en question, de même que les bâtiments érigés sur celles-ci, ne font l'objet d'aucune mesure de protection, ce que les recourants ne contestent pas. Il sied en outre de rappeler que la chambre de céans a déjà retenu qu'un plan du recensement du patrimoine architectural n'était pas contraignant, de sorte que les recourants ne peuvent pas s'en prévaloir pour demander que des mesures de protection soient prises, étant relevé que leur légitimité à soulever ce type de grief est douteuse dans la mesure où il ne s'agit pas de leurs parcelles ou de leurs villas et qu'il ne s'agit pas d'un ensemble au sens de l'art. 89 et ss LCI comme expliqué ci-dessous.

Certes, il est vrai que le courrier du directeur de l'OPS du 8 juillet 2019 apparaît aussi avoir eu une influence décisive sur les préavis du SMS et du SPI, lesquels s'étaient dans un premier temps déclarés défavorables au projet. Néanmoins, comme vu ci-dessus et en toute hypothèse, les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient pas le département, de sorte que même si les préavis de ces instances étaient demeurés négatifs, le département, faisant usage de son pouvoir d'appréciation et après une pesée des intérêts en présence pouvait s'en écarter.

C'est la raison pour laquelle, la mesure d'instruction requise portant sur la production de différents documents n'a pas été jugée utile par la chambre de céans.

Il est également intéressant de relever que selon le « Recensement du patrimoine architectural et des sites du canton de Genève – 1990 » figurant dans le document intitulé « Quartier de l'T______ – Guide d'aide à la décision » obtenu dans le cadre de la procédure LIPAD, ces mêmes parcelles et ces mêmes bâtiments avaient été exclus du périmètre considéré comme des « Monument et bâtiment exceptionnels et leurs abords » et n'avaient même pas été identifiés comme étant des « Monument et bâtiment intéressants », alors que les bâtiments en question n'ont pas fait l'objet de transformations majeures entre les années 1990 et 2019 (seul un portail a été aménagé pour la villa au ______, rue L______). Cela va ainsi dans le sens des considérations du TAPI, lequel a retenu que le département était en droit de privilégier une densification des parcelles concernées hors du secteur de l’T______ proprement dit, qui forme un rectangle délimité par la rue L______, la rue de l’T______ et les rues S______ et R______.

En outre, contrairement à ce que soutiennent les recourants, c'est à juste titre que le TAPI a retenu que les constructions sur les parcelles concernées ne formaient pas un ensemble au sens de l'art. 89 et ss LCI. En effet, outre le fait que les immeubles concernés ne figurent pas dans la liste la plus récente visée à l'art. 90 al. 4 LCI, il apparaît que les immeubles voisins à la rue R______ et à la rue U______ sont déjà des bâtiments hauts. Il est en effet prévu que l'immeuble projeté prenne appui sur le pignon existant du côté de la rue U______. Ainsi, la fermeture de l’îlot a un sens urbanistique évident, comme retenu à juste titre par le TAPI. Il est ainsi pertinent de densifier cette partie de la rue L______, laquelle constitue en quelque sorte une frontière avec les villas des recourants. Il n'est par conséquent pas possible de considérer que les bâtiments concernés par la DP puissent bénéficier de la protection des art. 89 et ss LCI.

Au surplus, dans la mesure où les bâtiments en cause ne sont pas portés à l'inventaire, classés ou situés en zone protégée, la CMNS n'avait pas à se déterminer sur la DP.

Enfin, les recourants se limitent à substituer leur propre appréciation à celle de l’autorité compétente sur la question du caractère esthétique du bâtiment projeté. En effet, dans l'un de ses préavis, la CA, instance spécialisée en la matière (art. 15 LCI), a retenu que le projet s'implantait de façon harmonieuse et avec une volumétrie adaptée au contexte urbanistique environnant. Conformément à la jurisprudence précitée, l'autorité intimée ayant suivi le préavis spécialisé, la chambre administrative s'impose une certaine retenue. Elle constate toutefois que la hauteur des immeubles se trouvant déjà dans l'îlot conforte la position de la CA comme déjà expliqué.

Au vu de ces éléments, les griefs des recourants portant sur une violation de la LPMNS, des art. 89 et ss LCI, de l'art. 15 LCI et sur une constatation inexacte des faits pertinents sont mal fondés.

8) Les recourants soutiennent que la DP viole le PDCn 2030 et le plan directeur communal.

a. Le PDCn 2030 adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil genevois et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015, a fait l’objet d’une première mise à jour adoptée par le Grand Conseil le 10 avril 2019 et approuvée par le Conseil fédéral le 18 janvier 2021.

Le plan directeur cantonal a force obligatoire pour les communes et le Conseil d'État, mais ne produit en revanche aucun effet direct à l'égard des particuliers (art. 9 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_423/2016 du 3 avril 2017 confirmant l'ATA/595/2016 du 12 juillet 2016).

b. À teneur de l’art. 10 LaLAT, le plan directeur localisé fixe les orientations futures de l’aménagement de tout ou partie du territoire d’une ou plusieurs communes. Il est compatible avec les exigences de l’aménagement du territoire du canton contenues notamment dans le PDCn 2030 (al. 1). Le PDCom est un plan directeur localisé dont le périmètre recouvre la totalité du territoire d’une ou plusieurs communes. Le PDQ est un plan directeur localisé dont le périmètre recouvre une partie du territoire d’une ou plusieurs communes ; il affine le contenu du plan directeur cantonal ou communal, notamment en ce qui concerne l’équipement de base au sens de l’art. 19 LAT (al. 2). Le PDCom doit faire l’objet d’un nouvel examen au plus tard trois ans après l’approbation d’un nouveau PDCn par le Conseil fédéral (al. 9 2ème phr.).

c. Selon l’art. 10 al. 8 LaLAT, le plan directeur localisé (soit les PDQ et les PDCom ; art. 10 al. 2 LaLAT) a force obligatoire pour les autorités communales et le Conseil d’État. Pour autant que cela soit compatible avec les exigences de l’aménagement cantonal, les autorités cantonales, lors de l’adoption des plans d’affectation du sol relevant de leur compétence, veillent à ne pas s’écarter sans motifs des orientations retenues par le plan directeur localisé. Ce dernier ne produit aucun effet juridique à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent dès lors former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel.

Par cette disposition, le législateur a exprimé clairement sa volonté de donner à cet instrument une portée exclusivement politique et de laisser la sanction de son irrespect aux seules autorités politiques. Il ressort d’ailleurs de l’exposé des motifs y relatif que, selon la volonté du législateur, les plans directeurs localisés ont le caractère d’un outil de travail consensuel liant les autorités entre elles, dépourvu d’effet juridique (ATA/74/2008 du 19 février 2008 consid. 4c). Il ne s’agit pas d’un nouvel instrument formel d’aménagement du territoire, venant s’ajouter à ceux existants, pouvant être invoqué par des tiers dans le cadre de la procédure d’adoption des plans d’affectation du sol et donc susceptible de retarder ce dernier type de procédure, ce qu’il convient d’éviter (MGC 2001 41/VIII 7360ss, not. 7366 ; ATA/731/2022 du 12 juillet 2022 consid. 8b et les arrêts cités).

d. En l'espèce, conformément à la teneur claire de l'art. 10 al. 8 LaLAT et de la jurisprudence, les particuliers, que sont les recourants, ne peuvent pas former recours contre une autorisation de construire en se prévalant d'une violation du PDQ ou du PDCom. Ce grief est partant irrecevable (ATA/731/2022 précité consid. 8d ; ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 13b ; ATA/653/2021 du 22 juin 2021 consid. 8b).

En toute hypothèse, comme l'a relevé le TAPI, le PDCom de la ville prévoit la densification qualitative des quartiers centraux. En particulier, il en ressort que les quartiers centraux tels que W______/AB______ n’évolueront pas par grands projets mais par une multitude de petites opérations dispersées. Ainsi, le projet apparaît conforme à cette planification. La ville a d'ailleurs préavisé favorablement le projet le 15 décembre 2020.

S'agissant du PDCn 2030, il n'est pas contesté que les parcelles nos 380, 381, 382, 384 et 387 se situent dans un périmètre où le PDCn 2030 renvoie à la fiche A01, relative à l'intensification du renouvellement urbain et ayant pour objectif de promouvoir la densification et l'extension du centre urbain dense.

Selon cette fiche, les objectifs attendus sont notamment la « requalification et la densification de sites centraux, contribuant à une utilisation optimale des zones à bâtir et du sol », une « forte augmentation du parc de logements, dont une part importante de logements à caractère social », le « développement de la mixité sociale, générationnelle et fonctionnelle », et la « création de quartiers durables, assurant de bonnes conditions de vie sociales, sanitaires et environnementales ».

Or, il apparaît que la construction projetée est en adéquation avec ces objectifs, en ce sens que les parcelles concernées seront densifiées dans une mesure raisonnable permettant ainsi la création de cinquante-trois logements.

Il est toutefois vrai que la fiche A15 dont se prévalent les recourants invite les communes à intégrer les valeurs patrimoniales, les mesures de protection existantes et les éléments relevant du patrimoine bâti et naturel. Elles apportent une analyse de la situation existante et précisent les conditions de préservation.

Toutefois, comme vu ci-dessus, les bâtiments sur les parcelles en cause ne bénéficient d'aucune protection, étant rappelé que le plan de synthèse no 2______, établi par l'OPS, n'est pas contraignant. De plus, il ressort des conclusions et recommandations de l'étude effectuée par un bureau d'architectes datée du 20 juin 2018 et intitulée « Quartier de l'T______ – Guide d'aide à la décision » qu'une densification modérée du quartier est possible sans pour autant altérer les qualités particulières de celui-ci. L'équilibre entre les éléments maintenus et les nouvelles constructions dépend notamment de la forme et de l'échelle de ces dernières. L'option « 3d » qui propose de compléter l'îlot avec le bâtiment projeté et de neutraliser trois pignons en attente permet de mettre en valeur les éléments maintenus.

Pour le surplus, il sera expressément renvoyé à la motivation complète et détaillée du jugement entrepris s'agissant de la conformité du projet au PDCn 2030, motivation qui n'est, à juste titre, pas expressément critiquée par les recourants.

Le grief sera écarté.

9) Les recourants soutiennent que le département aurait dû faire usage du refus conservatoire prévu par l'art. 13B LaLAT et attendre l'élaboration du plan de site.

a. Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

Selon l'art. 5 LCI, la demande préalable tend à obtenir du département une réponse sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (al. 1). L'art. 2 al. 1 à 3 LCI (relatif à la demande d'autorisation), l'art. 3 al. 1 à 5 (relatif à la procédure d'autorisation) ainsi que l'art. 4 al. 1 à 3 (relatif aux délais de réponse) sont applicables par analogie à la demande préalable (al. 3). La réponse à la demande préalable régulièrement publiée vaut décision et déploie les effets prévus aux art. 3, 5 al. 1 et 146 LCI (al. 5).

Selon l'art. 146 al. 1 LCI, le recours dirigé contre une autorisation définitive, précédée d'une autorisation préalable en force au sens de l'art. 5 al. 1 LCI, ou d'un PLQ en force, ne peut porter sur les objets tels qu'agréés par ceux-ci.

b. De jurisprudence constante, la demande préalable d'autorisation de construire constitue une demande simplifiée qui peut être présentée avant le dépôt d'un projet définitif. Elle vise à épargner aux intéressés d'être contraints de dresser des plans de détail et à l'administration de compulser de tels plans, tant que les questions de principe ne sont pas résolues. Le but d'une telle demande est de déposer dans un premier temps un dossier simplifié afin de gagner du temps et de réduire les frais. En effet, si l'un des éléments du dossier visé dans la demande préalable n'est pas conforme, il est inutile d'engager des frais supplémentaires pour présenter un projet plus précis afin de déposer une demande en autorisation définitive.

En déposant une demande d'autorisation préalable d'implantation, le constructeur cherche à obtenir une décision de principe sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet. Il s'agit d'éviter d'engager des frais considérables liés à un projet d'envergure, compliqué ou potentiellement controversé, sans obtenir certaines assurances quant au caractère réalisable du projet.

On ne se trouve pas dans l'hypothèse de deux procédures simultanées pouvant donner lieu à deux décisions contradictoires. Il s'agit d'une procédure en deux étapes donnant lieu d'abord à une autorisation préalable puis à une autorisation définitive. En réalité, il n'y a pas de risque de décisions contradictoires : soit l'autorisation préalable est accordée et le requérant peut passer à l'étape suivante, soit elle est refusée et il n'y a pas lieu de passer au stade suivant (ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 6c ; ATA/952/2016 du 8 novembre 2016 consid. 4 a b et les références citées).

L'octroi d'une autorisation préalable de construire selon l'art. 5 al. 1 LCI constitue ainsi une simple étape vers la délivrance de l'autorisation définitive de construire et revêt un caractère incident alors même que l'autorité compétente tranche définitivement, au niveau cantonal (art. 5 al. 5 et 146 al. 1 LCI), certains éléments déterminants du projet (ATF 135 II 30 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_594/2017 du 1er novembre 2017 consid. 2.2 in SJ 2018 I p. 186 ; ATA/807/2020 du 25 août 2020 consid. 4).

c. Selon l'art. 13B LaLAT, lorsque l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol paraît nécessaire, à l'effet de prévenir une construction qui serait de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics, le département peut refuser une autorisation de construire sollicitée en vertu de l'art. 1 LCI (al. 1 1ère phr.).

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l'art. 13B LaLAT – en substance équivalent à l'ancien art. 17 de cette loi – est une mesure provisionnelle individuelle tendant à protéger un processus de révision des plans d'affectation en paralysant l'application du plan en vigueur par l'effet anticipé du plan en gestation. La mesure assure le travail de révision contre les risques représentés par les projets de construction soumis à autorisation qui pourraient le menacer. Le refus vise à maintenir la liberté d'action de l'autorité chargée de l'établissement du plan d'affectation (ATA/146/2021 précité consid. 7b ; ATA/1087/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4d ; ATA/231/2014 du 8 avril 2014 consid. 3b et 3c et les arrêts cités).

L'art. 13B LaLAT ne suppose pas que le processus législatif soit déjà engagé. Il suffit, d'après le texte légal, qu'une modification du régime des zones paraisse nécessaire. Dès lors que cette nécessité est constatée, et sans qu'il soit besoin que les intentions se soient déjà concrétisées dans un texte, une intervention est possible sur la base du refus conservatoire (ATA/45/2008 précité consid. 4c). L'application de cette disposition ne nécessite pas l'existence d'un plan d'affectation, mais uniquement son projet lié à des objectifs d'urbanisme (ATA/45/2008 précité consid. 5a). Il suffit que la construction envisagée paraisse de nature à contrecarrer les objectifs visés (ATA/1087/2020 précité consid. 4d).

L'ancien Tribunal administratif a confirmé le refus d'une autorisation de construire fondé sur l'art. 13B LaLAT, notamment au motif que la possibilité de mettre en œuvre la densification et la mixité prévues par l'étude d'aménagement dans le secteur incluant la parcelle litigieuse était susceptible d'être compromise par le projet de construire de nouvelles halles d'exposition, celles-ci limitant le choix laissé aux concepteurs du futur plan d'affectation (ATA/45/2008 précité consid. 6b). Dans une autre affaire concernant la construction d'un bâtiment comportant deux logements, la chambre administrative a donné raison au département qui n'avait pas fait usage de l'art. 13B LaLAT. Au vu des pièces du dossier, il n'existait aucun projet lié à des objectifs d'urbanisme. Le périmètre concerné était destiné à des logements et le projet initial avait été modifié en tenant compte du plan de site en cours d'élaboration (ATA/156/2011 du 8 mars 2011 consid. 7). En outre, examinant les conditions de restriction à la garantie de la propriété, le Tribunal fédéral a jugé, dans une affaire vaudoise concernant une disposition similaire à l'art. 13B LaLAT, que le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exigeait, d'une part, qu'une mesure fondée sur une telle disposition ne s'étende pas dans le temps au-delà de ce qui était nécessaire. D'autre part, il impliquait qu'une interdiction de bâtir ne devait pas paralyser un projet qui ne compromettait pas la planification envisagée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_528/2011 du 27 avril 2012 consid. 2.2).

L'art. 13B LaLAT accorde au département une grande marge d'appréciation que le juge ne peut revoir qu'en cas d'excès ou d'abus (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/146/2021 précité consid. 7d et l'arrêt cité).

d. En l'occurrence, le TAPI a retenu que le département n’avait pas excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation, en considérant qu’il n’était pas nécessaire de faire usage de l'art. 13B LaLAT au vu des éléments du dossier.

En effet et comme mis en exergue par l'instance inférieure, même si les bâtiments élevés sur les parcelles litigieuses ont été considérés comme « intéressants », le département était en droit de privilégier la mise en œuvre d'une étude de plan de site sur le périmètre entre la rue de l’T______, la rue S______, la rue L______ et la rue R______, compte tenu de son homogénéité typologique et de l'architecture. De plus, force est de constater que le plan de site dont il est question n'est qu'au stade de l'étude.

Par ailleurs, l'examen des pièces du dossier établit qu’il n’existe aucun projet lié à des objectifs d’urbanisme. Aussi bien selon le PDCn 2030 que selon le plan directeur de la ville, le périmètre concerné est destiné à des logements. La DP s'inscrit donc dans ces objectifs de planification.

En conséquence, la seconde condition d’application de l’art. 13B LaLAT n’est pas remplie et c’est à juste titre que le département n’a pas fait usage de cette disposition légale.

Au surplus, le SMS a conditionné son préavis à ce que le rapport à la rue L______ soit traité de manière harmonieuse et en continuité avec le dispositif urbain existant. De plus, le traitement des espaces extérieurs devait faire l'objet d'une étude paysagère.

Les recourants ne peuvent rien tirer de l'arrêt du Tribunal fédéral qu'ils citent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 du 17 janvier 2011), dans la mesure où comme examiné ci-dessus, les bâtiments en question ne constituent pas un ensemble au sens de l'art. 89 et ss LCI.

Il convient également de rappeler la grande marge d'appréciation conférée par l'art. 13B LaLAT au département et que la pesée d'intérêts contradictoires (intérêt public au maintien des bâtiments versus intérêt public à la construction de logements) relève de l'opportunité que le juge peut revoir uniquement si celle-ci emporte un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA).

Or, aucun excès ou abus n'est à déplorer, l'absence d'un refus conservatoire restant dans le cadre des conditions fixées par la loi.

Le grief est mal fondé.

10) Les recourants soutiennent que les art. 12, 13 et 14 RPUS ont été violés.

a. En vue de favoriser la qualité de vie en ville, les plans d’utilisation du sol élaborés par la ville, en collaboration avec l’État, ont pour but de maintenir et rétablir l’habitat tout en favorisant une implantation harmonieuse des activités qui garantisse le mieux possible l’espace habitable et limite les charges sur l’environnement qui pourraient résulter d’une répartition déséquilibrée des affectations. À cette fin, le RPUS fixe des taux d’espaces verts ou de détente minimum applicables aux secteurs et sous-secteurs (art. 1 al. 2 let. c RPUS).

Le RPUS est applicable tant aux constructions existantes qu'aux constructions nouvelles des quatre premières zones de construction (art. 2 al. 1 RPUS).

Selon l'art. 3 RPUS, par espace vert ou de détente, il faut entendre toute surface privée ou publique à usage collectif, conçue pour le délassement, les jeux ou la promenade, libre de construction et inaccessible aux véhicules autres que d’intervention technique et d’urgence (al. 7). Est déterminante pour calculer les taux d’espaces verts ou de détente la surface de la ou des parcelles faisant l’objet d’une même procédure en autorisation de construire (al. 8).

Conformément à l'art. 12 RPUS, le taux d’espace vert ou de détente, fixé pour les sous-secteurs mentionnés à l’art. 13, est appliqué : aux parcelles ou groupes de parcelles dont la surface excède 1000 m2 (al. 1 let. a) ou aux parcelles comprises dans le périmètre d’un plan localisé de quartier dont la surface des parcelles excède 1000 m2 (al. 1 let. b). Des précautions doivent être prises pour protéger la sphère privée des logements. Les surfaces privées ou publiques à usage collectif peuvent être aménagées sur la toiture des constructions basses (al. 2).

Le taux d’espace vert ou de détente minimum est fixé à 40 % pour le sous-secteur 2.3 (art. 13 al. 1 let. b RPUS).

À teneur de l'art. 14 RPUS, le Conseil d’État ou le département peuvent exceptionnellement, avec l’accord du Conseil administratif en matière d’autorisation de construire, déroger aux dispositions du RPUS lorsqu’une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l’exige impérieusement (al. 1). L’octroi d’une dérogation au sens de l’al. 1 est mentionné lors de la publication dans la FAO, soit du plan d’affectation du sol spécial dérogeant au RPUS avec l’accord du Conseil municipal, soit de l’autorisation de construire, lorsque celle-ci ne découle pas d’un tel plan (al. 2).

b. Dans sa jurisprudence, le TAPI a annulé une demande en autorisation de construire portant sur la construction d'un immeuble mixte de logements HLM et libres, commerces et bureaux, transformation du parking existant, ainsi que sur l'abattage d'arbres sur cette parcelle. Il a considéré que le département, en suivant le préavis de la ville favorable et en considérant qu'en cas de violation du RPUS, une dérogation à celui-ci était octroyée d'office, avait violé la loi et mésusé de son pouvoir d'appréciation (JTAPI/740/2020 du 3 septembre 2020).

c. En l'espèce, il n'est pas contesté que le taux d'espace vert ou de détente minimum fixé à 40 % de l'art. 13 al. 1 let. b RPUS n'est pas respecté. Toutefois et comme il ressort du préavis de la ville du 15 décembre 2020, une dérogation au RPUS ne saurait être d'emblée exclue. L'art. 14 RPUS permet justement d'y procéder et il appartiendra à l'autorité compétente de se déterminer dans le cadre de la demande d'autorisation de construire définitive à déposer. C'est également dans ce cadre qu'il conviendra d'examiner la question du respect de l'art. 12 al. 2 RPUS, avec éventuellement l'octroi d'une dérogation, tout en respectant la procédure y relative, notamment la publication dans la FAO.

S'il est vrai qu'une demande préalable règle l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (art. 5 al. 1 LCI), ce type de demande n'a pas pour vocation de régler en détail tous les éléments du projet, comme retenu par la jurisprudence précitée. C'est la raison pour laquelle, les recourants ne peuvent se prévaloir de la jurisprudence du TAPI précitée qui concernait, au contraire du présent dossier, une autorisation de construire définitive.

L'autorité compétente pourra donc, lors du dépôt de l'autorisation de construire définitive, exercer librement son pouvoir d'appréciation et examiner si les conditions d'une dérogation au RPUS sont réalisées.

Il sera en outre rappelé qu'une autorisation préalable confère certaines expectatives au constructeur mais ne confère pas le droit d'obtenir une autorisation définitive, ni de commencer les travaux. Il n'est par ailleurs pas exclu, même si la décision est entrée en force, qu'elle puisse être remise en cause par la suite, à l'instar de tout acte administratif unilatéral tel qu'une autorisation de construire ordinaire. La révocation de la décision implique alors la balance des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_588/2016 du 26 octobre 2017 consid. 2.3 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 332 ss ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, volume II, 3ème éd. 2011, p. 382 ss).

Enfin, comme retenu à juste titre par le TAPI, au regard des définitions du RPUS, il ne peut a priori pas être exclu de considérer la végétalisation de la toiture comme constituant une surface privée ou publique, à usage collectif, conçue pour le délassement, libre de construction et inaccessible aux véhicules.

Le grief doit être écarté.

11) Les recourants considèrent que le projet de construction contrevient aux normes définissant la hauteur minimale des vides d'étages.

a. Selon l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse, s'il a en principe la qualité pour recourir, doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3). Le voisin ne peut ainsi pas présenter n'importe quel grief ; il ne se prévaut d'un intérêt digne de protection, lorsqu'il invoque des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3). Tel est souvent le cas lorsqu'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions – bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée – atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief soulevé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 et les références citées).

Ainsi, la jurisprudence a considéré que des voisins, situés à environ 100 m de la construction projetée, ne sont pas particulièrement atteints par ce projet s'ils ne voient pas depuis leur propriété la toiture qu'ils critiquent. De même, la qualité pour recourir est en principe déniée au voisin lorsque l'objet du litige concerne uniquement l'application de règles relatives à l'aménagement intérieur des constructions puisque l'impact visuel de la construction ne serait de toute manière pas modifié (arrêts 1C_27/2018 précité et les références citées ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b ; ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 20b).

c. Selon la doctrine, les voisins ne sont également pas libres d’invoquer n’importe quel grief pour justifier de leur qualité pour recourir. Ils ne peuvent en effet se prévaloir d'un intérêt digne de protection à invoquer des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers que si elles peuvent avoir une influence sur leur situation de fait ou de droit. La jurisprudence a également souligné que le voisin peut être habilité à se prévaloir de normes qui ne sont pas destinées à le protéger si l'admission de son grief est susceptible de lui procurer un avantage pratique. Un recours dont le seul but est de garantir l'application correcte du droit demeure irrecevable, parce qu'assimilable à l'action populaire (François BELLANGER, La qualité pour recourir, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, p. 117-118).

d. L'application du droit d'office par les juridictions administratives ne saurait avoir un quelconque effet sur la question d'un refus d'examiner un grief. En effet, si la juridiction administrative arrive à la conclusion que l'administré ne dispose pas d'un avantage pratique par rapport au grief soulevé, les règles de procédure imposent à celle-ci de ne pas entrer en matière et de déclarer irrecevable le grief invoqué (art. 60 al. 1 let. b LPA) (ATA/881/2022 du 30 août 2022 consid. 3d).

S'il est exact que l'art. 3 al. 2 LCI autorise à tout un chacun la consultation des demandes d’autorisation et plans au département et de lui transmettre des observations, le législateur cantonal a néanmoins prévu d'autres dispositions de procédure qui règlent les cas de recours par-devant les juridictions administratives, dont celle de disposer d'un intérêt digne de protection à voir la question tranchée (art. 60 al. 1 let. b LPA). Ces règles de procédure ont justement pour but d'exclure l'action populaire. Il n'y a donc aucune contradiction entre la règle de l'art. 3 al. 2 LCI applicable en phase d'instruction d'une requête et le droit de procédure applicable dans le cadre d'un recours par-devant les juridictions administratives (ATA/85/2022 précité consid. 5g).

e. L'art. 49 LCI prévoit que les vides d’étages (soit hauteur entre planchers et plafonds) ne peuvent être inférieurs à 3 m pour les rez-de-chaussée et 2,60 m pour tous les autres étages, sauf en 4ème zone rurale où ils peuvent être ramenés à 2,50 m (al. 1). Toutefois, lorsqu’il en résulte un avantage prépondérant pour la construction et que le caractère architectural d’une rue n’en est pas affecté, notamment par une rupture de l’harmonie d’une série de bâtiments contigus, le département peut réduire le vide d’étage jusqu’à 2,40 m aux fins de construction de logements. Cette disposition est également applicable aux combles (al. 5).

f. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a déjà considéré que la question de la hauteur des vides d'étages devait être examinée dans le cadre de la demande définitive d'autorisation de construire et non pas au stade de la demande préalable (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 6a).

g. En l'espèce, la qualité pour recourir des voisins dont les propriétés se situent à vol d'oiseau à environ 100 m du projet litigieux, admise par le TAPI, n'est à juste titre pas contestée.

Autre est la question de la recevabilité de certains des griefs à nouveau formulés au stade du recours, à savoir la hauteur minimale des vides d'étages.

Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a déjà retenu que le TAPI était fondé à ne pas rentrer en matière sur le grief d'une violation des normes sur les vides d'étages (ATA/85/2022 précité consid. 6b) dans la mesure où le nombre de personnes supplémentaires devant occuper les logements projetés, leur habitabilité, le confort des futurs habitants et la hauteur des bâtiments ne constituaient que de simples spéculations.

Il est ainsi douteux que les recourants voisins disposent d'un intérêt digne de protection leur permettant d'invoquer ce grief.

En toute hypothèse, comme déjà retenu par la chambre de céans, la demande préalable porte uniquement sur certains aspects parmi lesquels ne figure pas l'examen des vides d'étages (art. 5 al. 1 LCI). La conséquence de ceux-ci sur le gabarit n'est tout au plus qu'indirecte, étant précisé que le calcul du gabarit ne fait pas référence aux vides d'étages (art. 11, 26 ss et 35 LCI).

De plus, quant à la question d'une dérogation au sens de l'art. 46 al. 5 LCI, même si ni l'autorisation ni les préavis de la CA ne la mentionne expressément, la hauteur du vide d'étage ressort clairement des plans soumis à la commission d'architecture qui a procédé à une analyse approfondie du dossier, exigeant des modifications du projet mais aucune ne portant sur la question des vides d'étage. Rien ne permet donc de retenir que cet aspect aurait échappé à la CA (pour une solution similaire : ATA/1294/2017 du 19 septembre 2017). En tout état de cause et comme déjà retenu par la chambre de céans, la hauteur de 2,50 m, fixée par la LCI pour les vides d'étage par dérogation dans les trois premières zones de construction, correspond à la hauteur ordinaire en 4ème zone rurale (art. 49 al. 1 LCI), ce qui permet de relativiser la portée d'une dérogation sur l'habitabilité des futurs logements (ATA/1294/2017 précité consid. 5). Celle-ci devra dans tous les cas être mentionnée dans la FAO conformément à l'art. 3 al. 5 LCI, et les recourants pourront faire valoir leurs arguments à ce propos à ce stade-là.

L'ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 que les recourants citent à l'appui de leur argumentation ne leur est d'aucun secours dans la mesure où il s'agit d'une demande définitive d'autorisation de construire, au contraire du présent dossier. De plus, force est de constater que la CA, instance composée de spécialistes en matière d’architecture, a indiqué ne pas être opposée à la fermeture de l'îlot et a relevé que le projet s'implantait de façon harmonieuse et avec une volumétrie adaptée au contexte urbanistique environnant.

La chambre de céans ne peut que rejoindre les explications de la CA au vu des immeubles voisins à la rue R______ et à la rue U______ qui sont déjà des bâtiments hauts.

En tant que recevable, le grief est, en toute hypothèse, mal fondé.

12) Les recourants soutiennent que l'autorisation préalable de construire prévoit des gabarits excessifs en rupture d'échelle avec le quartier de l'T______, violant ainsi l'art. 27 LCI.

a. L'art. 11 al. 4 LCI prévoit qu'un dépassement du gabarit peut être autorisé par le département après consultation de la CA, pour autant que la construction projetée soit édifiée sur des terrains dont la surface libre est suffisante pour préserver les voisins des inconvénients que pourrait impliquer le supplément de hauteur (let. a), qu'elle n'excède pas l'indice d'utilisation du sol qui résulterait de la stricte application de la loi (let. b), qu'elle ne nuise pas à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération ni à la perception de sa topographie (let. c), qu'elle se justifie par ses aspects esthétiques et sa destination et qu'elle soit compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier (let. d). Lorsque, dans les trois premières zones, les locaux en rez-de-chaussée sont habitables, le département autorise des constructions dépassant la hauteur maximum du gabarit à condition que ce supplément de hauteur n’excède pas 1 m (al. 5 let. a) et que les distances légales soient respectées (al. 5 let. b). Afin de permettre des solutions architecturales particulières et améliorer l’insertion dans le site, le département peut, après consultation de la commission d’architecture, autoriser l’application de gabarits différents sur les faces d’une construction (al. 6).

b. En 3ème zone, la LCI limite le gabarit (art. 26) dont la hauteur ne peut, à front ou en retrait des voies publiques ou privées, dépasser de plus de 3 m les trois quarts de la distance fixée entre les alignements (art. 27 al. 1). Par rapport aux limites de propriétés privées, la hauteur est calculée conformément à l'art. 29 al.1 (art. 27 al. 2).

Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit, à condition que celle-ci ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue ; il est notamment tenu compte du gabarit des immeubles voisins (art. 27 al. 3 LCI). À front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut toutefois pas dépasser de plus de 6 m les trois quarts de la distance fixée entre alignements. La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 29 al. 2 LCI (art. 27 al. 5 LCI). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 21 m. Afin de permettre la construction de logements supplémentaires au sens des al. 3 à 5, la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 27 m (art. 27 al. 6 LCI).

En outre, les dispositions relatives à la protection du patrimoine, notamment les art. 89 et suivants de la LCI restent applicables, de même que celles des art. 10 et 11 LCI (art. 27 al. 7 LCI).

L'art. 36 LCI précise que les constructions peuvent être couvertes par une toiture comprenant un niveau habitable avec d’éventuels prolongements en galerie, qui doivent s’inscrire dans un gabarit limité par une ligne horizontale de base partant du sommet du gabarit défini aux art. 19, 23, 27 et 32 et son prolongement en saillie de 1,50 m au maximum (let. a), une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base (let. b), une ligne horizontale de faîtage (brute) située à 4,80 m au maximum de la ligne de base (let. c).

c. Selon l'art. 20 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), pour le calcul du gabarit, le point de référence au sol est mesuré conformément aux dispositions du plan d'aménagement ou des prescriptions du département ou, à défaut, à partir du niveau moyen du terrain naturel adjacent.

En bordure des voies en pente, le point de référence est mesuré à l'axe des sections de façades, conformément aux dispositions des art. 35 al. 2, et 63 al. 2 LCI (voir croquis n° VI).

L'art. 21 al. 1 RCI prévoit que dans les quatre premières zones, les constructions doivent s'inscrire dans un gabarit théorique défini par le gabarit mesuré conformément aux dispositions de la LCI pour chaque zone et le gabarit de toiture défini à l'art. 36 LCI (voir croquis nos I, II et III).

Selon l'art. 36 LCI, les constructions peuvent être couvertes par une toiture comprenant un niveau habitable avec d'éventuels prolongements en galeries, qui doivent s'inscrire dans un gabarit limité par une ligne horizontale de base partant du sommet du gabarit défini à l'art. 27 LCI, et son prolongement en saillie de 1,50 m au maximum (let. a), une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base (let. b) et une ligne de faîtage brute située à 4,80 m au maximum de la ligne de base.

d. L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).

e. En l'occurrence, les recourants peuvent difficilement remettre en cause le fait que, selon les plans visés ne varietur, notamment des coupes et gabarits A-A’, B-B’, C-C’ et D-D’, la hauteur de 27 m est respectée et que l’étage supérieur se situe en retrait de la ligne verticale en respectant une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base.

Il est établi par les plans figurant au dossier que le projet doit faire l'objet d'une dérogation dans la mesure où la hauteur maximum du gabarit théorique n'est pas respectée.

Toutefois, comme l'a retenu à juste titre le TAPI et malgré les considérations des recourants, lesquels se limitent à substituer leur propre appréciation à celle de l'autorité compétente et à celle des instances spécialisées en la matière, tant la CA que la DAC ont préavisé favorablement le projet moyennant l’octroi d’une dérogation selon l’art. 11 al. 5 et 6 LCI. La CA a examiné le projet en détail et sollicité plusieurs modifications de celui-ci afin qu’il soit conforme. En particulier, force est de constater qu'elle s'est déterminée pas moins de quatre fois avec attention, sollicitant la modification du projet et demandant que l'option de la superstructure à l'angle des rues L______/R______ se calque sur celle proposée à l'angle des rues L______/U______, favorisant ainsi une unité volumétrique de l'ensemble de l'îlot.

Même si la CA a fixé le gabarit au maximum à 21 m (R+6), force est de constater que le dépassement est minime, puisqu'il se situera à 21,09 m. Ce dépassement n'est en toute hypothèse pas problématique, dans la mesure où la loi prévoit que le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit afin de permettre la construction de logements supplémentaires et que la CA a relevé l'implantation harmonieuse du bâtiment projeté et sa volumétrie adaptée au contexte urbanistique environnant.

C'est ainsi à juste titre que le département, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations, a considéré que le projet était autorisable en application de l'art. 11 al. 5 et 6 LCI.

Le grief est mal fondé.

13) Il découle de ce qui précède que le département n'a nullement abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation querellée, ce que le TAPI a confirmé à juste titre.

14) Mal fondés, les deux recours seront rejetés.

15) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge des recourants qui succombent, pour moitié (soit CHF 1'500.-) à la charge des époux A______ et consorts, d'une part, et des époux D______, d’autre part (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à M. E______ et consorts. Celle-ci est à la charge, pour moitié (CHF 750.-), des époux A______ et consorts, pris conjointement et solidairement, et pour l'autre moitié, des époux D______, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés le 1er avril 2022 par Mme et M. A______, M. B______ et Mme et M. C______ ainsi que Mme et M. D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2022 ;

 

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Mme et M. A______, M. B______ et Mme et M. C______, pris conjointement et solidairement ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Mme et M. D______, pris conjointement et solidairement ;

alloue à M. E______, M. F______, G______ SA, H______ SA et I______ SA, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge, pour moitié, de Mme et M. A______, M. B______ et Mme et M. C______, pris conjointement et solidairement, et pour l'autre moitié, de Mme et M. D______, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel SCHMIDT, avocat de Mme et M. A______, M. B______ et Mme et M. C______, à Me Jean-Daniel BORGEAUD, avocat de Mme et M. D______, à Me François BELLANGER, avocat de M. E______, M. F______, G______ SA, H______ SA et I______ SA, au département du territoire – OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :