Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3463/2021

ATA/845/2022 du 23.08.2022 sur JTAPI/497/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3463/2021-PE ATA/845/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Frédéric Hensler, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 mai 2022 (JTAPI/497/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1991, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 23 avril 2014, il a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- , avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

3) Le 23 septembre 2014, il a fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, valable jusqu’au 26 septembre 2016.

4) Le 2 novembre 2016, il a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- , pour infraction à la LEI.

5) Par formulaire V daté du 20 décembre 2018, il a sollicité un visa de retour d'une durée de 30 jours auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM).

Au pied du formulaire précité, dans la case réservée à l’administration, il était indiqué « refusé pas de demande ».

6) Par courrier du 21 janvier 2019, M. A______ a transmis à l'OCPM le même formulaire V ainsi que divers documents, dont des attestations de l'office des poursuites et de l'Hospice général, un extrait de casier judiciaire, des justificatifs d'achat d'abonnements TPG et une copie de son passeport.

7) Par pli recommandé non retiré du 12 avril 2019, l'OCPM l'a informé de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité en lui impartissant un délai pour faire valoir, par écrit, son droit d'être entendu.

8) Entendu par la police le 8 juin 2019 et assisté d'un interprète, M. A______ a notamment déclaré qu'il n'avait pas d'autorisation de séjour valable en Suisse. À la question de savoir s'il avait effectué une telle demande auprès l'OCPM, il a répondu qu'il en avait déposé une fin 2018 sans se souvenir du mois exact. Il n’avait pas reçu de réponse. Il n'avait pas formulé de nouvelle demande en 2019.

9) Le 9 juin 2019, il a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, pour infractions à la LEI.

10) Par décision du 20 janvier 2020, l'OCPM a refusé de lui délivrer l'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité et a prononcé son renvoi de Suisse.

Cette décision a été notifiée par publication dans la Feuille d'avis officielle du même jour, l’OCPM ne disposant plus d’une adresse de résidence ou de domicile de M. A______. Elle n’a pas été contestée.

11) Le 28 mai 2021, M. A______ a déposé une demande de régularisation des conditions de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. Il séjournait en Suisse depuis dix ans, travaillait dans le bâtiment, était indépendant financièrement et avait le niveau A1 en langue française. Il a notamment joint des justificatifs de son séjour en Suisse pour les années de 2010 à 2015 et de 2018 à 2021.

12) Par courrier du 11 juin 2021, l'OCPM l'a informé que sa demande d'autorisation de séjour du 28 mai 2021 devait être considérée comme une demande de reconsidération de la décision du 20 janvier 2020 et lui a indiqué son intention de refuser d'entrer en matière sur celle-ci. Il n’y avait pas de faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position. Il lui impartissait un délai pour faire valoir par écrit son droit d'être entendu.

13) Par décision du 10 septembre 2021, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération et prononcé le renvoi de M. A______.

La durée de son séjour, dont la continuité n'était pas prouvée, résultait du non-respect des décisions d'interdiction d'entrée en Suisse prononcées à son égard ainsi que de la décision de renvoi du 20 janvier 2020. Les circonstances ne s'étaient donc pas modifiées de manière notable depuis la décision de refus.

14) M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon le 11 septembre 2021.

15) Par acte du 11 octobre 2021, il a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 10 septembre 2021, concluant à son annulation et à la délivrance d'une autorisation de séjour, subsidiairement au renvoi de la cause à l'OCPM.

L'autorité avait constaté les faits de manière inexacte et, en refusant d'entrer en matière sur sa demande du 28 mai 2021, avait rendu une décision entachée d'arbitraire. Elle avait considéré à tort que le dépôt du formulaire V et d'annexes, le 20 décembre 2018, était assimilable à une demande d'autorisation de séjour alors qu'il n'avait sollicité qu'un visa d'une durée de 30 jours. L'autorité avait même indiqué au pied dudit formulaire « refusé pas de demande ». Enfin, dans sa décision du 10 septembre 2021, l'OCPM avait relevé qu'il « n'avait pas déposé de demande d'autorisation de séjour ».

Le principe de la bonne foi était également violé. Il s'était fié au fait que sa demande de visa servirait uniquement à lui octroyer ou non un visa et non qu'elle entraînerait implicitement une demande d'autorisation de séjour, la possibilité d'une telle interprétation n'étant pas évidente à la lecture de la loi et, de surcroît, y était contraire. Au demeurant, il n'était jusqu'alors pas assisté d'un avocat.

Subsidiairement, s'il fallait admettre que la demande du 28 mai 2021 consistait en une demande de reconsidération, la découverte par son ancien conseil de l'interprétation de sa demande de visa faite par l'OCPM constituait un fait nouveau « ancien » qui n'avait pas pu être invoqué dans la procédure précédente et qui était déterminant, car il démontrait le caractère injustifiable de l'appréciation de l'autorité. Toutes les pièces déposées en annexe à sa demande du 28 mai 2021 ainsi que du recours étaient des faits nouveaux « nouveaux » démontrant sa présence continue en Suisse depuis plus de dix ans et son excellente intégration. L'OCPM devait donc entrer en matière et procéder à une nouvelle pesée des intérêts. Il remplissait les conditions d'obtention d'un permis pour cas individuel d'extrême gravité.

Il a joint plusieurs attestations et lettres de soutien dans lesquelles leurs auteurs indiquent le connaître depuis plusieurs années et attestent de son intégration et de ses qualités personnelles et professionnelles.

16) Le 22 octobre 2021, M. A______ a formulé une demande de reconsidération de la décision de non-entrée en matière du 10 septembre 2021 auprès de l'OCPM.

17) Par jugement du 19 novembre 2021 du Tribunal d'application des peines et des mesures, sa libération conditionnelle a été ordonnée pour le 10 décembre 2021.

18) Par pli du 9 décembre 2021, le conseil du recourant a informé le TAPI que son client, qui était en fin d'exécution de peine privative de liberté et devait sortir le 10 décembre 2021, avait été renvoyé le 7 décembre 2021 au Kosovo, alors que la procédure était pendante devant le TAPI.

19) Par courrier du même jour, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

La demande du 28 mai 2021 devait être considérée comme une demande de reconsidération. Le 21 janvier 2019, l’intéressé avait spontanément fait parvenir divers documents usuellement envoyés par tout étranger soumettant une demande de régularisation et leur envoi faisait suite à l'échange avec l'OCPM du 20 décembre 2018 dans le cadre duquel il lui avait signifié qu'il n'avait pas encore déposé de demande de régularisation. Il avait par ailleurs soumis une demande d'attestation de résidence en date du 16 octobre 2020, ce qui confirmait que, dans son for intérieur, il considérait avoir déposé une demande de titre de séjour. Quoi qu'il en soit, la décision du 20 janvier 2020, tranchant sa demande de titre de séjour, n'avait pas été contestée et était donc entrée en force.

Les conditions prévues pour entrer en matière sur une demande de reconsidération n'étaient pas satisfaites, l'évolution de sa situation étant au demeurant essentiellement due à son absence de soumission à la décision du 20 janvier 2020.

À toutes fins utiles, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) avait organisé le 24 novembre 2021, un vol retour à destination de son pays d'origine prévu pour le 7 décembre 2021. L'OCPM ne disposait d'aucune information indiquant si le recourant avait effectivement pris cet avion.

20) Dans sa réplique, M. A______ a relevé qu’il n'avait pas utilisé d'autres formulaires que celui de demande de visa. Les documents transmis ne visaient qu'à compléter sa demande de visa. La position de l'OCPM revenait à admettre que selon les pièces demandées au requérant, cette autorité choisirait elle-même quelle demande l'intéressé aurait voulu faire, faisant fi du formulaire utilisé.

21) Par jugement du 12 mai 2022, le TAPI a rejeté le recours.

La décision du 20 janvier 2020 était entrée en force. Entachée d’aucun vice la rendant nulle, seule une reconsidération permettait de la remettre en cause. Or, les conditions d’une reconsidération n’étant pas remplies, l’OCPM n’était à juste titre pas entré en matière.

22) Par acte expédié le 15 juin 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu au constat de la nullité de la décision du 20 janvier 2020, à l’annulation de celle du 10 septembre 2021 et, principalement, à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

Lors de son audition par la police le 8 juin 2019, la question posée était large et ne visait pas spécifiquement une autorisation de séjour. Il ne considérait pas que les annexes à sa demande de 2019 permettaient de la traiter comme une demande de permis de séjour. Ce n’était qu’en consultant le dossier le 11 juin 2021 qu’il avait réalisé qu’une décision le concernant avait été rendue. Son ancien employeur était disposé à le réengager dès qu’il serait autorisé à revenir en Suisse.

La décision de janvier 2020 était nulle. Il n’avait pas utilisé le formulaire M, destiné à requérir une autorisation de séjour. Le formulaire V se rapportait à la demande de visa de retour. La décision était entachée d’un vice particulièrement grave, qui n’était pas facilement décelable. Ne pensant pas avoir requis une autorisation de séjour, il ne s’attendait pas à recevoir de communication à cet égard. L’OCPM ne pouvait, de bonne foi, interpréter le formulaire V et ses annexes comme une demande d’autorisation de séjour.

Le TAPI aurait dû tenir compte du fait que la mauvaise interprétation précitée constituait un vrai fait « nouveau ancien ».

23) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Le fait qu’après s’être vu refuser un visa de retour par l’OCPM, le recourant ait fait parvenir à celui-ci les documents usuels pour requérir une autorisation de séjour, d’une part, et l’échange intervenu le 20 décembre 2018 avec l’OCPM lors duquel il avait été signifié à l’intéressé qu’il n’avait pas encore déposé une telle demande, d’autre part, devait conduire à interpréter sa demande comme telle. Le 16 octobre 2020, il avait d’ailleurs demandé une attestation de résidence. Pour le surplus, les conditions d’une reconsidération n’étaient pas remplies.

24) Dans sa réplique, le recourant a pris note que l’OCPM admettait qu’il avait déposé une demande de visa de retour le 20 décembre 2018 et non une demande d’autorisation de séjour. Le fait de redéposer le même formulaire que celui précédemment utilisé pour requérir un visa de retour et d’y annexer des pièces démontrait qu’il voulait compléter sa demande de visa de retour. En outre, les documents annexés n’étaient pas complets au regard de la liste de documents requis avec une demande d’autorisation de séjour.

25) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief, le recourant demande que soit considérée comme nulle la décision de l’OCPM du 20 janvier 2020.

a. La nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Si de graves vices de procédure, tels que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision, peuvent constituer des motifs de nullité, des vices de fond n'entraînent qu'à de très rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; 136 II 489 consid. 3.3 ; 133 II 366 consid. 3.2).

b. En l'espèce, il ressort de la chronologie des faits qu’après s’être vu refuser un visa de retour avec le motif « pas de demande », le recourant a redéposé à l’OCPM le même formulaire qui portait l’indication précitée, en y annexant des pièces, usuellement requises avec la demande d’autorisation de séjour telles qu’extrait de poursuites, historique des titres de transports publics, attestation de l’Hospice général ou encore extrait du casier judiciaire. Dans ces circonstances, se pose la question de savoir comment l’OCPM pouvait et devait interpréter le dépôt du formulaire n’étant pas celui destiné aux demandes d’autorisation de séjour mais de visa de retour, accompagné de pièces requises pour le premier type de demande mais pas pour le second, et s’inscrivant à la suite d’un refus de visa de retour au motif qu’aucune demande d’autorisation de séjour n’était pendante.

Le choix de l’OCPM de l’interpréter comme une demande d’autorisation de séjour n’apparaît, au vu de la chronologie sus-exposée, pas absurde ni choquant au point de justifier la nullité de la décision de refus rendue ensuite. Une telle conséquence se justifie d’autant moins que le recourant avait été informé, par pli recommandé envoyé à l’adresse indiquée par ses soins, de l’intention de refuser sa demande d’autorisation de séjour. Le recourant n’avait pas réagi à cette communication valable. Alors qu’il devait, contrairement à ce qu’il laisse entendre, s’attendre à une communication de l’OCPM qu’il avait saisi d’une demande, il n’avait pas non plus signalé un changement d’adresse. Il ne s’était, en outre, pas non plus enquis auprès de l’OCPM de la suite donnée à sa demande. Enfin, il n’allègue pas que, contrairement à ce qu’a retenu l’OCPM en janvier 2020, il disposait alors d’une adresse de domicile ou de résidence à laquelle la décision du 20 janvier 2020 aurait pu être notifiée. Rien ne permet ainsi de remettre en cause la validité de la notification de cette décision par voie de publication.

Dans ces conditions, il y a lieu de nier l’existence d'un vice si grave et aisément décelable que la nullité absolue de la décision du 20 janvier 2020 devrait être constatée.

3) Dans son second grief, le recourant estime contraire au principe de la bonne foi de considérer sa demande du 28 mai 2021 comme une demande de reconsidération. En outre, le TAPI avait méconnu les faits en retenant qu’il avait fait une demande d’autorisation de séjour en 2018, alors que l’OCPM avait justifié en 2018 le refus d’un visa de retour par le fait qu’une telle demande n’était pas pendante.

a. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

b. En tant que le recourant reproche à l’OCPM d’avoir considéré que sa demande de mai 2021 tendait à la reconsidération de la décision de janvier 2020, il cherche à remettre en cause cette dernière. Or, comme exposé ci-dessus, celle-ci ne souffrant pas d’un vice la rendant nulle, elle est entrée en force et, ainsi, opposable au recourant. Dès lors qu’elle refusait l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité, l’OCPM a, à juste titre, traité la demande d’autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité formée en mai 2021 comme demande de reconsidération.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que le formulaire utilisé le 21 janvier 2019 par le recourant – qui a redéposé le formulaire utilisé le 20 décembre 2018 par lequel il demandait un visa de retour et sur lequel figurait le refus motivé par l’absence de demande d’autorisation de séjour pendante – était celui relatif à une demande de visa de retour. Le TAPI l’a également constaté. Contrairement à ce que fait valoir le recourant, le TAPI n’a nullement passé ce fait sous silence. Cela étant, l’OCPM a, en 2020, procédé à une interprétation de la demande du 21 janvier 2019, qui ne peut, comme cela vient d’être exposé, plus être remise en cause.

4) Reste à examiner si le refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération était fondé.

a. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

b. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

c. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

d. En principe, même si une autorisation de séjour a été refusée ou révoquée, l'octroi d'une nouvelle autorisation peut à tout moment être requis, à condition qu'au moment du prononcé, l'étranger qui en fait la requête remplisse les conditions posées à un tel octroi. Indépendamment du fait que cette demande s'intitule reconsidération ou nouvelle demande, elle ne saurait avoir pour conséquence de remettre continuellement en question des décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3).

L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 et les références citées).

e. En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

f. En l’espèce, le TAPI a considéré que la durée du séjour en Suisse dont se prévalait le recourant, son excellente intégration, son indépendance financière, ses connaissances linguistiques et le fait qu’il exerçait une activité lucrative ne constituaient pas des faits justifiant la reconsidération de la décision du 20 janvier 2020. Le recourant ne critique, à juste titre, pas cette appréciation.

Il persiste à considérer que la découverte, lors de la consultation de son dossier le 14 juillet 2021, de l'interprétation faite par l'OCPM de sa demande du 20 décembre 2018, serait un fait nouveau « ancien », qui n'aurait pas pu être invoqué dans le cadre de la procédure précédente. Dans la mesure toutefois où la question de savoir si l’interprétation par l’OCPM, en 2020, du nouveau dépôt du formulaire V accompagné des pièces usuellement annexées à une demande d’autorisation de séjour était fondée ou non aurait dû être contestée dans le cadre d’un recours ordinaire contre la décision du 20 janvier 2020. Comme cela ressort des considérants ci-dessus, la demande en reconsidération ne permet pas de pallier l’absence de recours ou d'invoquer des motifs ou des faits qui auraient pu être contestés dans le cadre d’un recours ordinaire. Le fait que le recourant n’ait pas pris connaissance de la décision du 20 janvier 2020 lors de sa publication n’y change rien. En effet, en l’absence d’un domicile ou d’une résidence connue du recourant, l’OCPM a valablement notifié la décision précitée en procédant par la voie de la publication officielle. De ce fait, la décision est opposable au recourant, qui est supposé en avoir eu connaissance. Il ne peut donc pas utiliser la présente procédure pour soulever des critiques qu’il aurait dû faire valoir dans le cadre d’un recours contre la décision du 20 janvier 2020.

Pour le surplus, il ne démontre aucun changement notable de circonstances susceptible de justifier l’entrée en matière sur sa demande de reconsidération. Les éléments invoqués résultent avant tout de l'écoulement du temps et découlent du non-respect de la décision de renvoi entrée en force.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus ou excès de son pouvoir d’appréciation en refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Frédéric Hensler, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.