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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/263/2015

ATA/679/2015 du 23.06.2015 ( PROF ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/263/2015-PROF ATA/679/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Maurice Harari, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Madame A______, de nationalité suisse, diplômée de l’Université de Neuchâtel, a obtenu son brevet d’avocat à Genève en novembre 2005 après un stage au sein d’une étude genevoise. Elle a obtenu un LL.M de la New York University School of Law et elle est admise à la pratique du barreau dans l’État de New York.

2) Le 6 juin 2006, elle a rejoint, comme collaboratrice, le bureau ouvert à Genève, par l’étude américaine B______ LLP (ci-après : B______), ayant son siège à Chicago (Illinois), constituée depuis de nombreuses années sous la forme juridique d’une « limited liability partnership » (ci-après : LLP).

Les avocats actifs au sein du bureau genevois de B______, déploient principalement leurs activités en qualité de conseil dans des procédures d’arbitrages internationaux en Suisse et dans le cadre de transactions commerciales.

3) Le 5 juillet 2006, Mme A______ a informé la commission du barreau (ci-après : la commission) qu’elle exercerait sa profession d’avocate au sein de l’étude B______, sise à l’époque au ______ ______ et a sollicité son inscription au registre cantonal des avocats instauré par l’art. 21 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10) (ci-après : le tableau).

4) Par courrier du 10 juillet 2006, la commission a accepté sa requête.

5) Le 19 janvier 2011, Mme A______ a informé la commission que l’adresse de l’étude B______ avait changé et que celle-ci se trouvait au ______ ______. Son inscription au registre devait être modifiée en conséquence. La commission a donné suite à cette requête.

6) Le bureau genevois de B______ est composé actuellement, de deux associés, Me C______, avocat suisse, autorisé à pratiquer le barreau dans l’État de New York aux USA et comme sollicitor au Royaume-Uni, ainsi que Me D______, avocat inscrit au barreau de l’Illinois aux USA, et, outre Me A______, de deux collaboratrices, Me E______, avocate aux barreaux de Virginie et du district de Columbia aux USA et Me F______, collaboratrice de B______ et avocate au barreau de H______ en Colombie.

7) Lorsque M. C______ a rejoint en 2012 le bureau genevois de B______, il était déjà inscrit au tableau, car il avait travaillé auparavant au sein d’une étude d’avocats genevoise. Le 11 juin 2012, il a adressé une requête à la commission, sollicitant l’enregistrement de ce changement professionnel et la modification en ce sens de son inscription au tableau.

8) Le 15 juin 2012, la commission a écrit à M. C______. Elle considérait que son inscription au tableau était contraire aux exigences légales assurant l’indépendance de l’avocat, ainsi qu’à la jurisprudence découlant d’un arrêt rendu le 11 mars 2008 par le Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle ne pouvait donc modifier son inscription au tableau dans le sens demandé et elle avait l’intention de procéder à la radiation de son nom dudit tableau. Ce courrier a constitué le premier acte d’un contentieux, parallèle à celui-ci, dans le cadre duquel la chambre administrative a statué le 9 juin 2015 (ATA/600/2015).

9) Le 15 juin 2012 également, la commission a écrit à Mme A______. Suite à la démarche de M. C______, elle avait constaté que celle-ci avait été inscrite en 2006 au tableau en tant qu’avocate exerçant au sein de B______. Elle ne pouvait plus admettre une telle inscription, car la situation personnelle de l’avocate ne répondait pas aux exigences légales requises par la jurisprudence et la pratique de la commission en matière d’indépendance structurelle découlant de l’arrêt du 11 mars 2008 précité. Un avocat devait être en mesure de pratiquer en toute indépendance et ne pouvait être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal.

La chambre administrative avait, dans l’arrêt précité, énoncé les conditions requises pour pouvoir exercer en qualité d’avocat au sein d’une société de capitaux en rapport avec l’exigence d’indépendance de l’avocat. La commission avait repris ces conditions dans une circulaire du 4 avril 2011. En l’occurrence, l’activité qu’elle déployait au sein de B______ comme avocate inscrite au tableau ne pouvait obtenir l’agrément de la commission. Son inscription ne pouvait être maintenue et il serait procédé à sa radiation d’ici au 6 juillet 2012, à moins qu’elle ait pris d’ici-là des dispositions pour se conformer à la loi.

10) La commission a également écrit un courrier similaire à une autre collaboratrice du bureau genevois de B______ inscrite au tableau. Le cas de cette dernière a été réglé sans contentieux, en raison d’un changement d’orientation professionnelle de celle-ci.

11) Mme A______ a mandaté un avocat et, par courrier du 22 juin 2012, elle a sollicité de la commission qu’il soit sursis à la radiation de son inscription jusqu’à ce que son conseil ait pu lui transmettre sa détermination et que celle-ci ait statué. Le 26 juin 2012, la commission a accepté cette requête.

12) Dans deux courriers des 24 août 2012 et 28 septembre 2012, Mme A______ s’est déterminée sur le courrier d’intention de la commission, concluant au maintien de son inscription au motif que le refus de celle-ci constituait une atteinte à son droit d’exercer une activité et, partant, une violation de sa liberté économique.

Elle était inscrite au tableau depuis 2006 en tant que collaboratrice de B______ sans que cela ait soulevé le moindre problème ou suscité la moindre question. Une décision conduisant à la radiation de cette inscription constituerait une révocation inadmissible en l’absence d’un changement dans sa situation factuelle ou juridique.

B______ n’était pas assimilable à une société de capitaux. Ses membres avaient une responsabilité illimitée. Entre-temps, par arrêt du 7 septembre 2012, le Tribunal fédéral avait considéré comme conforme au droit l’existence d’études d’avocats constituées sous la forme d’une société anonyme, pour autant que leur organisation garantisse aux avocats pratiquant en leur sein d’exercer leur activité de manière structurellement indépendante. Suivant cette jurisprudence, la commission se devait de procéder à une analyse concrète de l’indépendance institutionnelle des avocats de B______ à Genève. En l’espèce, rien dans l’organisation actuelle de ce cabinet ne portait préjudice à l’indépendance des avocats du bureau genevois. Les intérêts de ses clients étaient entièrement protégés, tant du point de vue des modalités d’acceptation et d’exécution du mandat que de celui de la responsabilité de l’avocat.

À sa lettre du 24 août 2014, Mme A______ a joint un courrier signé par Me G______, « General Counsel » de B______. Celui-ci fournissait des informations au sujet du fonctionnement de l’étude précitée. Le seul but de celle-ci était la pratique du droit. Un « partnership » au sens du droit de l’Illinois était une association de deux ou plusieurs personnes qui avaient pour but d’exercer comme copropriétaires une activité commerciale à des fins lucratives. Lorsqu’une telle entité était constituée sous la forme d’une LLP, toute obligation qu’elle soit de nature contractuelle, délictuelle ou autre, née dans le cadre d’une LLP, ne liait que la société. L’associé n’était pas personnellement responsable (sur la seule base de sa qualité d’associé ou du fait d’agir en tant que tel) directement ou indirectement, par le biais d’une contribution ou de tout autre manière, pour une obligation de ce type. Cependant, les règles du barreau de l’Illinois disposaient que, lorsqu’une étude d’avocats était constituée sous forme de LLP, le client avait le droit, en cas de désaccord, de se retourner à la fois contre celle-ci et contre l’associé responsable. Les associés individuels de B______ devaient tous être avocats titulaires du brevet requis en vertu des règles de sa juridiction. Seuls les avocats du bureau genevois titulaires de diplômes de droit suisse étaient autorisés à fournir des conseils en droit suisse à leurs clients. Chacun des avocats était supervisé dans sa juridiction respective par les organisations indépendantes des barreaux, qui garantissaient l’observation des règles applicables dans la pratique judiciaire de chaque juridiction. B______ disposait d’une police d’assurance de responsabilité professionnelle couvrant tous les avocats de ses bureaux. Les règles de gouvernance et les procédures de l’étude étaient définies dans le « partnership agreement of B______ ». Chaque associé possédait des droits dans la société qui ne prenaient pas la forme de parts sociales ou d’actions. Ces droits ne pouvaient être vendus par les associés ni utilisés à titre de garantie. Chaque avocat restait indépendant et avait la faculté de décider s’il souhaitait ou non accepter le mandat d’un client, que ce soit d’un nouveau client présenté à B______ ou envoyé par un autre associé de B______. Les avocats du bureau de Genève agissaient en accord avec les règles professionnelles de conduite de leur propre juridiction et restaient indépendants de l’influence d’autres membres de l’étude. En outre, il était interdit aux associés d’être mandatés par des clients en conflit d’intérêts avec d’autres clients de l’étude. La firme disposait d’un système standardisé qui garantissait qu’aucun nouveau client ne puisse mandater un avocat de B______ si un conflit pouvait exister avec un autre de leurs clients. La supervision de cette question incomberait au chef du bureau de Genève. Lorsqu’un client recourait au service de plusieurs bureaux de B______, la supervision était menée conjointement par les bureaux et associés respectifs.

13) Le 5 octobre 2012, le conseil de Mme A______ a rappelé la teneur de ses précédents courriers mais a requis de la commission qu’elle suspende l’instruction de la cause jusqu’à ce que la chambre de céans ait statué sur un recours interjeté par une avocate d’une autre LLP exploitant des bureaux à Genève contre une décision de la commission refusant son inscription au tableau.

14) Le 20 décembre 2012, la commission a accepté de suspendre l’instruction de la cause dans l’attente d’un arrêt qui devait être prononcé dans une cause similaire concernant une autre avocate travaillant dans un bureau d’avocats constitué en LLP.

15) Le 2 janvier 2014, la commission a écrit à Mme A______. Par arrêt du 6 décembre 2013 (2C_433/2013), le Tribunal fédéral, avait rejeté le recours que l’avocate avait interjeté contre l’arrêt de la chambre administrative (ATA/178/2013 du 19 mars 2013). L’instruction de la cause était donc reprise.

16) Le 24 février 2014, cette dernière s’est déterminée sur la portée de l’arrêt du Tribunal fédéral qui venait d’être rendu. En outre, elle a requis un délai pour formuler une nouvelle demande de modification de son inscription au tableau.

L’arrêt du Tribunal fédéral précité validait partiellement la pratique de la commission, mais sans l’avoir évaluée sous l’angle du respect du principe de la proportionnalité. Cet arrêt préfigurait un retour vers une tendance à une interprétation stricte de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) en contraste avec la jurisprudence antérieure relative à la pratique de l’avocature au sein de sociétés de capitaux. Les motifs qui fondaient le changement de pratique de la commission étaient essentiellement liés au risque perçu de ne pas pouvoir efficacement remplir sa mission de surveillance lorsque des avocats inscrits au tableau dépendaient de structures étrangères. De tels motifs ne justifiaient pas une restriction aussi importante de son droit à l’exercice de sa profession.

Dans son cas particulier, ce changement de pratique ne pouvait se faire qu’à la condition du respect du principe de la proportionnalité lequel devait être interpréter plus strictement que dans le cadre de l’examen abstrait de la proportionnalité d’une norme. En effet, son inscription au tableau depuis huit ans s’apparentait à un droit acquis. Les motifs qui justifieraient ce changement de pratique ne permettraient pas de fonder une révocation de ce droit.

En outre, le Tribunal fédéral n’avait pas abordé la question de savoir ce qu’était exactement une LLP. Or, une telle structure constituait non pas une société de capitaux mais une société de personnes. Dans son propre cas, il avait apporté la preuve de son indépendance par les éléments figurant dans son courrier du 24 octobre 2012. Un refus de l’inscrire au tableau ne prendrait pas en considération l’apport de cette preuve. En outre, une telle mesure violerait le principe de la proportionnalité. La commission avait changé sa pratique par peur de ne pas pouvoir efficacement remplir sa mission de surveillance lorsque les avocats inscrits au tableau dépendaient de structures étrangères. Toutefois, une telle restriction, dans son cas, violerait ses droits fondamentaux.

Au-delà de cela, elle était désireuse de continuer à exercer de manière ininterrompue son activité professionnelle et était disposée à adapter sa requête pour se conformer aux exigences nouvellement posées par la commission. Elle requérait dès lors son inscription au barreau à titre individuel et en son nom propre, afin d’exercer la représentation en justice en Suisse, de façon formellement et matériellement indépendante de B______. Elle sollicitait un délai pour présenter une requête dans ce sens à la commission et demandait que celle-ci sursoie à statuer sur la requête dont elle était déjà saisie, pendant ce temps.

17) Le 30 mai 2014, Mme A______ a transmis à la commission, rempli et signé, le questionnaire « relatif à la modification d’inscription » qu’elle requérait, accompagné de l’attestation correspondant à la conclusion d’une assurance RC, mettant en exécution le projet annoncé dans son courrier du 24 février 2014. Avec ce questionnaire, elle lui a transmis une copie de la convention passée entre B______ et elle-même.

18) Dans cette convention, datée du 27 mai 2014, après avoir rappelé que Mme A______ était employée au sein du bureau de Genève de B______ en tant que collaboratrice depuis le 6 juin 2006, qu’elle était inscrite au barreau de Genève depuis 2006 et qu’elle désirait maintenir son inscription, malgré le changement de pratique de la commission qui ne désirait plus autoriser que soient inscrits au tableau des avocats exerçant au sein d’études internationales, les parties étaient convenues de ce qui suit :

1. «B______ consent à l’inscription à titre individuel de Me A______ au registre des avocats genevois et donne son accord à l’exercice par Me A______ de la représentation de parties en justice en Suisse à titre d’indépendante et accessoire à la relation de travail qui les lie.

2. B______ reconnaît et admet qu’à compter du mois de juin 2014, Me A______ sera inscrite au registre des avocats genevois en son propre nom et ne sera pas habilitée à représenter des parties en justice en Suisse en qualité d’avocate associée au sein de B______.

3. B______ s’engage à respecter les obligations professionnelles et déontologiques de Me A______ , notamment ses obligations d’indépendance et de maintien du secret professionnel. B______ n’interviendra en aucun cas dans la gestion des dossiers de l’activité indépendante accessoire de Me A______.

4. Me A______ conservera, séparément des dossiers de B______ et sous clé, les dossiers traités dans le cadre de son activité indépendante accessoire. Elle seule aura accès à ces dossiers, à l’exclusion de tout autre avocat et employé de B______.

5. Par ailleurs, la collaboration de Me A______ au sein du bureau de Genève de B______ continuera, les termes de son contrat de travail demeurent valables ».

19) Le 5 juin 2014, la commission s’est adressée au conseil de Mme A______. Dans le formulaire annexé à la requête, celle-ci indiquait que ses locaux n’étaient pas occupés par d’autres entreprises. Or, l’adresse professionnelle qu’elle mentionnait, soit 23______ était identique à celle de la société B______. La commission requérait de savoir comment était organisée l’étude de la requérante au regard des exigences d’indépendance institutionnelle et matérielle posées par la jurisprudence.

20) Le 20 juin 2014, Mme A______ a répondu à la commission. Elle avait pris les mesures nécessaires pour exercer son activité d’avocate à titre accessoire dans le respect du principe d’indépendance tel que défini par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Des dispositions avaient été prises pour s’assurer contractuellement de la non-interférence de B______ dans la gestion de ses dossiers et du respect du secret professionnel. Une séparation physique des dossiers des uns et des autres était prévue par le biais de tiroirs fermant à clé, dans lesquels seraient placés ses dossiers personnels et auxquels elle aurait seul accès, ce qui permettrait de parfaire encore cette indépendance. B______, dont les autres membres à Genève n’étaient pas titulaires du brevet d’avocat suisse ou européen, n’était active que dans le domaine de l’arbitrage international. Il n’y avait aucune véritable proximité entre l’activité de représentation de l’employeur et de celle de l’employée, exercée à titre indépendant. Il n’y avait dès lors pas un risque accru en termes de défaut d’indépendance. Les dispositions prises aboutissaient à mettre à sa disposition, au sein de l’étude, un numéro de téléphone et une adresse e-mail personnels exclusivement utilisés par elle-même dans le cadre de ses contacts avec ses clients. Seules ses coordonnées apparaissaient sur le papier à en-tête d’avocate qu’elle allait utiliser. Elle disposait de comptes bancaires distincts ouverts dans une banque de la place, exclusivement voués à l’exercice de son activité accessoire et indépendante d’avocate.

21) Le 16 septembre 2014, la commission a procédé à une visite de l’étude. Selon le procès-verbal de transport sur place rédigé à cette occasion, Mme A______ a exposé d’une manière générale aux membres de celle-ci toutes les mesures prises pour qu’il n’y ait pas de confusion possible entre l’activité qu’elle déployait à titre individuel et celle qu’elle déployait au sein de B______. Elle entendait déployer une activité indépendante dans le domaine du conseil, voire une activité judiciaire dans le domaine «  Friends & Family », activité éloignée de celle pratiquée au sein de B______. Pour le surplus, les différents faits constatés lors du transport sur place seront repris en tant que de besoin dans la discussion du présent cas.

22) Le 15 octobre 2014, Mme A______ a formulé des observations.

Elle persistait dans les termes de sa requête. Le transport sur place avait permis de confirmer que les mesures prises garantissaient l’exercice d’une activité d’avocate à titre accessoire, dans le plein respect du principe d’indépendance. Elle insistait sur trois points :

Tout d’abord le fait que la réception soit la même pour les clients B______ et les clients de son étude ne remettait pas en cause la séparation des activités des uns et des autres. Il était usuel que des avocats inscrits au registre louent ou sous-louent des bureaux dans des locaux d’une autre étude dont ils étaient indépendants, tout en utilisant la même réception. Le partage de locaux ne posait pas de problème dans la mesure où les associés de B______ exerçaient le même type d’activité que la sienne.

Deuxièmement, le fait qu’elle n’ait pas exclu de traiter certains dossiers pour des clients de B______ comme indépendante, afin d’offrir un service complet aux clients n’était pas incompatible avec la garantie de l’indépendance. Le seul fait qu’un risque abstrait puisse être envisagé n’empêchait pas l’inscription au tableau. S’il y avait un risque de conflit d’intérêt, il était évident qu’elle prendrait toutes les mesures pour ne traiter que des mandats qu’elle pourrait gérer en toute indépendance et ce vis-à-vis de clients dûment informés au préalable de la situation et du caractère indépendant du mandat. Troisièmement, concernant le contrôle d’éventuels conflits d’intérêt, le procès-verbal rapportait qu’il y avait nécessité qu’un tel contrôle soit effectué à double. Elle pourrait contrôler elle-même, facilement, directement et unilatéralement, l’absence de conflit d’intérêt en consultant le registre informatisé des clients de B______. Elle n’aurait donc aucun besoin ni obligation de communiquer le nom de ses clients à cette société pour effectuer cette tâche.

23) Le 8 décembre 2014, la commission a rejeté la demande d’inscription à titre d’indépendant déposée par Mme A______. Pour pouvoir être inscrit, une avocate devait être en mesure de pratiquer en toute indépendance. Elle ne pouvait donc être employée que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal. La nécessité d’une pratique indépendante ressortait tant de l’art. 8 al. 1 let. d LLCA que de l’art. 12 let. b et c LLCA. En outre, l’avocate était soumise au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui ont été confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession. Selon la législation cantonale, elle ne pouvait s’associer ou avoir des locaux communs qu’avec des personnes exerçant la même activité professionnelle.

L’indépendance comportait deux aspects. Tout d’abord, un aspect dit institutionnel lié à la manière dont un avocat devait organiser son activité pour qu’il puisse se consacrer entièrement à la défense des intérêts de ses clients, sans être influencé par des circonstances étrangères à la cause. En outre, l’inscription au tableau devait être refusée lorsque sans investigation approfondie, il apparaissait avec une certaine vraisemblance que l’avocat demandant son inscription, du fait de sa situation particulière, ne remplissait pas la condition de l’indépendance.

Sous l’angle de l’indépendance institutionnelle, le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 6 décembre 2013, avait confirmé le refus de la commission d’inscrire au tableau une avocate qui exerçait au sein d’un cabinet juridique organisé sous la forme d’une LLP. Les associés d’une telle structure n’étaient pas admis à pratiquer le barreau en Suisse. Ils n’étaient, partant, inscrits ni dans un registre cantonal, ni dans le tableau public des avocats des État membres de l’UE ou de l’AELE, autorisant à exercer la représentation en justice en Suisse de manière permanente. Ils n’étaient donc pas soumis à la surveillance disciplinaire d’une autorité cantonale suisse. Dès lors, un avocat engagé par une telle structure ne présentait pas les mêmes garanties en termes d’indépendance que s’il était employé par un ou plusieurs avocats inscrits dans un registre cantonal. Un avocat qui souhaiterait exercer à titre indépendant à côté de son travail salarié devait prendre toute disposition pour qu’aucun lien avec son employeur ne puisse être reconnu. Cela passait par une organisation de son étude permettant de concrétiser cette indépendance.

Dans le cas de Mme A______, les exigences en matière de pratique indépendante n’étaient pas réalisées. Celle-ci exerçait son activité au sein des locaux de B______ qui était une étude d’avocat internationale dont elle était l’employée. L’entrée et la réception était commune aux deux études. Sous réserve de l’utilisation d’un ordinateur personnel et de l’entreposage des dossiers dans un espace réservé, il n’existait aucun distinction entre le traitement de la clientèle de B______ et celle liée à l’activité indépendante de la recourante. Cette dernière n’excluait pas de traiter certains dossiers pour des clients de B______ au titre de son activité indépendante, afin d’offrir un service complet aux clients. Il existait donc un risque certain de confusion entre l’activité qu’elle poursuivait pour le compte de la firme et celle qu’elle exerçait à titre indépendant. Dès lors, les exigences posées par la jurisprudence, selon lesquelles l’avocat qui exerçait la profession comme indépendant à côté de son travail salarié devait veiller à ce qu’aucun lien avec son employeur ne puisse être reconnu, n’étaient pas réunies.

Mme A______ ne pouvait tirer aucun droit à l’inscription au tableau du fait que son nom y figurait. La commission se devait de tenir compte de l’évolution du droit et de la jurisprudence dans la gestion du registre des mandataires. Cela pouvait conduire à la radiation d’une inscription au registre cantonal, si constat était fait qu’elle ne remplissait plus les conditions légales. Cela constituait une atteinte certes grave à la liberté économique, mais la commission se devait de s’assurer que les avocats remplissaient en tout temps les conditions requises pour être inscrits au registre. La requérante ne pouvait tirer aucun droit du principe de la bonne foi. Elle avait certes été régulièrement inscrite au tableau depuis 2006, mais cette situation ne saurait être admise aujourd’hui au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Elle demandait désormais à être inscrite en tant qu’avocate indépendante afin d’exercer une activité accessoire à celle qu’elle déployait pour son employeur. Selon ses dires, cette activité était très réduite. La modification de son inscription n’était pas possible et il y avait lieu de procéder à la radiation de son inscription actuelle, mesure qui, dans ces circonstances, respectait le principe de la proportionnalité.

24) Par acte déposé le 26 janvier 2015 au greffe de la chambre administrative, Mme A______ a recouru contre la décision de la commission du 8 décembre 2014 précitée. Elle a conclu à ce que préalablement son inscription au tableau et sur le site internet du pouvoir judiciaire soit rétablie jusqu’à droit jugé sur son recours. Sur le fond, elle a conclu à l’annulation de ladite décision en tant qu’elle rejetait sa demande d’inscription à titre d’avocate indépendante, et en tant qu’elle prononçait sa radiation du tableau. La chambre administrative devait constater qu’elle réunissait les conditions pour le maintien de son inscription dans ledit tableau et ordonner à la commission de procéder à la modification de cette inscription dans le sens requis. Subsidiairement, la décision de la commission du 8 décembre 2014 devait être annulée et la cause retournée à la commission afin qu’elle lui indique les mesures concrètes minimales qu’elle devait prendre pour réunir les conditions nécessaires au maintien de son inscription au tableau et qu’elle lui impartisse un délai pour ce faire.

La décision de la commission de radier l’inscription existante violait son droit d’être entendue. Dans la décision attaquée, la commission non seulement refusait son inscription au registre des avocats, mais prononçait la radiation de l’inscription existante. Or une telle radiation ne pouvait être prononcée que par une décision motivée explicitement, traitant des arguments qu’elle avait présentés dans ses courriers des 24 août 2012, 28 septembre 2012 et 24 février 2014, soit : au sein du bureau genevois de B______, travaillaient des avocats soumis à des règles légales et déontologiques applicables à la profession d’avocat selon leur législation respective qui étaient aussi strictes que les règles suisses ; la nouvelle pratique de la commission, concernant des sociétés de capitaux n’était pas transposable à une LLP qui était une société de personnes ; elle avait renversé la présomption d’absence d’indépendance ; la radiation de son inscription était disproportionnée vu qu’elle y était inscrite depuis huit ans.

En outre, par sa décision du 8 décembre 2014, la commission avait statué sur sa requête du 24 février 2014 complétée le 30 mai 2014 tendant à son inscription à titre d’indépendante sur le registre cantonal. Cette requête ne remplaçait cependant pas sa requête initiale du 11 juin 2012 sollicitant le maintien de son inscription au tableau au sein du bureau genevois de B______ à laquelle elle n’avait jamais dit vouloir renoncer. La décision attaquée ne constituait qu’une décision partielle et elle attendait que la commission statue encore sur sa requête initiale.

Sur le fond, les éléments sur lesquels la commission s’était fondée pour refuser son inscription au registre à titre d’avocate indépendante étaient erronés ou injustifiés. Elle ne contestait pas avoir demandé son inscription au tableau pour l’exercice d’une activité d’avocat accessoire dans les mêmes locaux que ceux dans lesquels elle était employée par B______. Les mesures d’organisation prises permettaient de retenir que cela n’engendrait aucun risque de confusion entre ses propres activités indépendantes et celles qu’elle exerçait pour le compte de cette firme.

La consultation des travaux préparatoires à l’adoption de l’art. 8 al. 1 let. d LLCA mettait en évidence que le législateur avait fait expressément et consciemment le choix de ne pas introduire dans la loi une restriction voulue par certains milieux quant à la possibilité pour l’avocat d’appartenir à des études d’avocats internationales tout en poursuivant parallèlement son activité d’avocat indépendant. L’interprétation que la commission faisait de la disposition de la LLCA précitée était trop restrictive et allait à l’encontre de ce que voulait l’auteur de la loi.

Concrètement, il était faux de retenir un risque de confusion. Même si le Tribunal fédéral s’était montré peu favorable au maintien d’une adresse professionnelle unique pour l’activité indépendante de l’avocat également employé, la présomption d’absence d’indépendance devait demeurer réfragable et l’exigence d’indépendance structurelle devait toujours fait l’objet d’une analyse concrète.

Dans son cas, même si elle était parallèlement employée de l’étude d’avocats étrangère dans les locaux de laquelle elle voulait exercer comme avocate inscrite au barreau, il n’y avait aucun risque d’atteinte à son indépendance et de violation du secret professionnel, contrairement à ce que la commission avait retenu. En effet, elle avait réglé cette question par convention précise avec la firme d’avocats qui l’employait. Les avocats étrangers exerçant leur activité dans cette firme à ses côtés étaient soumis à des règles strictes en matière de respect du secret professionnel, équivalant à celles prévues par la loi suisse. La LLCA n’interdisait pas à la même personne de cumuler les professions d’avocat et de notaire, si bien qu’un notaire ou un avocat notaire pouvait librement partager des locaux avec d’autres notaires et avec d’autres avocats, alors que la source du secret professionnel n’était pas la même. Le Tribunal fédéral, lorsqu’il avait admis qu’une étude d’avocats soit organisée sous la forme d’une personne morale, avait laissé ouverte la question de l’admissibilité d’une activité dans le cadre d’un partenariat multidisciplinaire.

Le fait que l’entrée et la réception des locaux soient communes n’avait aucune incidence, dans la mesure où elle recevait ses clients dans ses propres bureaux et qu’elle traitait ses dossiers de manière totalement distincte de ceux de la clientèle de B______. Il était faux de prétendre qu’il n’y avait aucune distinction dans le traitement de sa clientèle et celle de cette firme. Le fait qu’elle n’excluait pas de traiter des dossiers pour le compte de clients qui seraient également ceux de B______ ne pouvait être considéré comme un indice sur une absence d’indépendance de sa part. Si le cas se présentait, elle ferait en sorte de n’accepter le mandat que s’il n’y avait aucun risque de confusion.

Le refus de l’inscrire comme avocate indépendante constituait une atteinte à sa liberté économique, garantie par la constitution, et n’avait pas de base légale suffisante. L’art. 8 al. 1 let. d LLCA ne pouvait en constituer une qui autoriserait la commission à refuser l’inscription. Dès lors, la décision ne reposait pas sur une base légale formelle et elle était contraire au droit. Il n’y avait aucun intérêt public à ce refus, lequel violait le principe de la proportionnalité. La commission voudrait lui imposer d’exercer son activité d’avocate inscrite au tableau à partir de locaux totalement séparés. Cela impliquerait une charge financière nouvelle et disproportionnée pour une activité accessoire. En outre, cela lui occasionnerait des déplacements inutiles et une perte de productivité ou une perte de temps préjudiciable aux intérêts de ses clients. Ces éléments constitueraient des entraves telles qu’ils risqueraient de la conduire à devoir renoncer au déploiement de cette activité accessoire, ce qui équivalait, de fait, à la lui interdire.

Finalement, la décision était contraire au principe d’égalité de traitement, au regard de l’autorisation accordée à des avocats non associés de partager des locaux, ou à des avocats et notaires à en faire de même, voire à exercer au sein d’une société anonyme dans les cantons qui l’autorisaient. Il relevait la situation des avocats de l’association suisse des locataires (ci-après : ASLOCA), également traitée par le Tribunal fédéral, lesquels étaient autorisés, avec l’agrément de la commission, à déployer une activité pour leur employeur tout en déployant une activité parallèle à titre d’indépendants dans les mêmes locaux. Cette situation pouvait, ainsi que le relevait le Tribunal fédéral, créer une tension sous l’angle de l’indépendance de l’avocat, mais ne remettait pas en question l’inscription desdits avocats sous l’angle des conditions personnelles qui doivent être réunies.

25) Le 3 février 2015, la commission a pris position sur le recours de Mme A______. Elle se référait à sa décision du 8 décembre 2014 et transmettait son dossier.

26) Le 20 février 2015, les parties n’ayant pas requis d’autres actes d’instruction, elles ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 6 al. 1 et 2 et 14 LLCA ; art. 14 et 49 LPAv ; art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 1 et 2, 60 al. 1 let. a, 62 al. 1 let. a et 64 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante invoque une violation de son droit d'être entendu, car elle considère que la décision de la commission de la radier du registre cantonal, qui accompagnait le refus de modifier sa demande d’inscription comme avocate indépendante audit tableau, souffre d’un défaut de motivation. En outre, elle relève que la commission n’a pas statué sur sa requête initiale visant au maintien de son inscription audit tableau à l’adresse du bureau genevois de B______ et semble en tirer l’argument que, n’ayant pas traité sa situation sous l’angle de la compatibilité de l’application des principes restrictifs qu’elle applique aux sociétés de capitaux exploitant des bureaux d’avocats à une entité organisée sous la forme d’une LLP de l’Illinois, la commission n’avait pas le droit de prononcer une telle radiation.

3) Avant d’aborder l’argumentation précitée, il y a lieu de préciser l’objet du présent contentieux.

Pour pratiquer la représentation en justice en Suisse sans autre autorisation, un avocat doit être inscrit à un registre cantonal des avocats (art. 4 LLCA). Il en résulte que chaque canton doit instituer un registre des avocats attestant qu’il dispose d’une adresse professionnelle sur le territoire cantonal et qu’il remplit les conditions matérielles d’exercice de la profession, au sens des art. 7 LLCA (conditions de formation) et 8 LLCA (conditions personnelles). Le registre est tenu par l’autorité chargée de la surveillance des avocats (art. 5 al. 2 LLCA). L’avocat titulaire d’un brevet d’avocat qui entend pratiquer la représentation en justice doit demander son inscription au registre du canton dans lequel il a son adresse professionnelle (art. 6 al. 1 LLCA). Selon l'art. 6 al. 2 LLCA, l’autorité de surveillance l’inscrit s’il remplit, notamment, les conditions prévues à l'art. 8 LLCA. Finalement, selon l’art. 9 LLCA, l’avocat qui ne remplit plus l’une des conditions d’inscription est radié du registre cantonal des avocats.

Dans le canton de Genève, à teneur de l’art. 14 LPAv, la commission du barreau exerce les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats, ainsi que les compétences qui lui sont attribuées par la présente loi. En particulier, c’est elle qui gère le registre cantonal des avocats instauré par l’art. 21 LPav (ci-après : le tableau) et c’est à elle que les avocats intéressés doivent transmettre leur demande d’inscription (art. 21 al. 1 LPav). Il en va de même du registre des avocats membres de l’Union Européenne (ci-après : UE) ou de l’Association Européenne de Libre-échange (ci-après : AELE), ainsi que du registre des avocats étrangers non membres de ces deux zones économiques (art. 22 et 23 LPav).

4) Un avocat inscrit au tableau est radié d’office par l’autorité cantonale de surveillance lorsque celle-ci établit qu’une des conditions de formation ou personnelles font défaut (arrêt du Tribunal fédéral 2A.79/2005 du 22 juillet 2005 consid. 2.1 ; Philippe MEIER/Christian REISER, Commentaire romand, 2010, p. 62 n. 28 ad art. 8 LLCA p. 63 n. 3). Il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire. Si le motif de radiation provient du défaut de l’une des conditions personnelles de l’art. 8 LLCA, l’examen a posteriori de la situation implique un traitement différencié par l’autorité de surveillance. Si le motif de radiation réside dans l’existence d’un acte de défaut de bien ou d’une décision d’interdiction, celle-ci n’a pas à interpréter les décisions des autorités tutélaires ou de poursuites pour dette. Il en va différemment en cas de condamnation pénale mais surtout de questions relatives à la condition de l’indépendance structurelle, qui doit être contrôlée avec un certain pouvoir d’appréciation (Philippe MEIER/Christian REISER, op. cit, ad art. 9 LLCA p. 76 n. 5 et 7), moyennant le respect du droit d’être entendu de l’intéressé (Philippe MEIER/Christian REISER, op. cit, ad art. 9 LLCA p. 77 n. 12).

5) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aujourd’hui aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. Si l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 193 n. 568), le principe s’applique également à l’administré. En particulier, le principe de la bonne foi comporte une exigence de loyauté qui interdit tant à l’autorité qu’elle administre d’adopter un comportement contradictoire (ATF 136 I 254 ; Thierry TANQUEREL op. cit., p. 197 n. 580).

6) Selon les pièces du dossier, la commission, par son courrier du 15 juin 2012 a initié à l’encontre de la recourante une procédure de radiation de son inscription au tableau sur le constat qu’elle exerçait comme avocate inscrite au tableau, tout en étant employée au sein d’un bureau d’avocats étrangers. En cours de procédure, par requête du 24 février 2014 complétée le 30 juin 2015, la recourante a requis la modification de son inscription au tableau pour être autorisée à ouvrir sa propre étude d’avocate dans les locaux de son employeur, requête qui a été traité dans le cadre de la même procédure.

Contrairement à ce que soutient la recourante, par sa décision du 8 décembre 2014, la commission a pris une décision qui clôt ladite procédure en statuant, d’une part, sur sa requête en modification d’inscription et, d’autre part, sur la question initiale de la radiation de son inscription, sans qu’aucune question litigieuse ne reste encore en suspens.

7) La recourante considère que la décision de la commission qui prononce sa radiation viole son droit être entendu, en raison d’un défaut de motivation dans la mesure où celle-ci n’a pas traité l’intégralité des arguments qu’elle a invoqué dans les différents courriers qui lui adressaient en 2012 et, en dernier lieu, le 24 février 2014.

La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 3.1 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid 4.3 ; 2D_36/2011 du 15 novembre 2011 consid. 2.1 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit. p. 521 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF  136 I 184 consid. 2.2.1 p. 188 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_997/2011 du 3 avril 2012 consid. 3 ; 1C_311/2010 du 7 octobre 2010 consid. 3.1 ; 9C_831/2009 du 12 août 2010 et arrêts cités ; ATA/844/2012 du 18 décembre 2012).

En l’occurrence, la décision de la commission du 8 décembre 2014, qui comporte onze pages, permet amplement à la recourante de comprendre les raisons ayant conduit cette instance, après avoir refusé d’entrer en matière sur sa requête en modification de son inscription, a procédé à la radiation de son inscription actuelle du registre cantonal, celle-ci constituant, de l’avis de la commission, la conséquence juridique légale du défaut d’indépendance qu’elle relevait dans l’organisation actuelle de son activité professionnelle.

8) La recourante soutient remplir les conditions d'inscription au tableau lui permettant d’exercer sa profession comme indépendante, en particulier bénéficier de l'indépendance exigée par la loi et respecter les règles professionnelles qui en découlent en matière de secret professionnel et d'absence de conflit d'intérêts.

9) a. Pour être inscrit au registre cantonal, l’avocat doit notamment être en mesure de pratiquer en toute indépendance ; il ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal (art. 8 al. 1 let. d LLCA).

L'art. 12 LLCA énonce les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis. Celui-ci doit notamment exercer son activité professionnelle en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité (let. b) et éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c).

L'avocat est en outre soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession ; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est applicable à l'égard des tiers (art. 13 al. 1 1ère phr. LLCA).

Dans le canton de Genève, l’avocat inscrit au registre ne peut s’associer ou avoir des locaux communs qu’avec des personnes exerçant la même activité professionnelle (art. 10 al. 1 1ère phr. LPAv).

b. L'indépendance est un principe essentiel de la profession d'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.2) ; elle est la clé de voûte de la pratique du barreau sur laquelle s'appuient les piliers de la profession que sont le secret professionnel, l'interdiction des conflits d'intérêts, la probité de l'avocat et la fidélité dans l'exécution du mandat (Philippe MEIER/Christian REISER, op. cit., 2010, p. 62 n. 28 ad art. 8 LLCA ; François BOHNET/Vincent MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, p. 545 n. 1301).

L'indépendance comme condition de l'inscription (art. 8 al. 1 let. d LLCA) est dite institutionnelle : l'avocat doit s'organiser de manière à pouvoir exercer son activité de façon indépendante. L'art. 12 let. b LLCA énonce la règle de l'indépendance matérielle, selon laquelle l'avocat doit veiller, dans chaque affaire qui lui est confiée, à exercer son activité de manière indépendante, en évitant notamment tout conflit d'intérêts (ATF 138 II 440 consid. 3 p. 443). La notion d’indépendance forme un tout, même si elle a été traitée dans la loi dans deux dispositions différentes (ATA/111/2008 du 11 mars 2008 ; François BOHNET/Vincent MARTENET, op. cit. p. 278, n. 627).

L'indépendance institutionnelle, au sens de l'art. 8 al. 1 let. d LLCA, doit garantir que l'avocat puisse se consacrer entièrement à la défense des intérêts de ses clients, sans être influencé par des circonstances étrangères à la cause. Il en va de la confiance du public dans la profession (ATF 138 II 440 consid. 5 p. 445).

Le fait que la condition de l'indépendance institutionnelle, qui doit exister préalablement à l'inscription, est doublée de la règle professionnelle de l'indépendance, qui s'impose à l'avocat inscrit, a pour conséquence de réduire quelque peu les exigences relatives à la première : il n'est pas nécessaire pour être inscrit que toute atteinte à l'indépendance soit d'entrée de cause exclue ; l'inscription doit être refusée seulement lorsque, sans investigations approfondies, il apparaît avec une certaine vraisemblance que l'intéressé, du fait de sa situation particulière, ne remplit pas la condition de l'indépendance (ATF 130 II 87 consid. 5.2 p. 103 s. ; 138 II 440 consid. 3 p. 444).

c. Le Tribunal fédéral considère que, sous l'angle de l'indépendance institutionnelle, dans le cas d'un avocat pratiquant cette profession parallèlement à une activité salariée, l'art. 8 al. 1 let. d 2ème phr. LLCA, aux termes de laquelle l'avocat ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal, ne signifie pas nécessairement que l'intéressé ne soit pas en mesure de pratiquer en toute indépendance et ne puisse dès lors se faire inscrire au registre. En effet, le texte de l'art. 8 al. 1 let. d LLCA n'est clair qu'au premier abord. À une interprétation littérale, il faut préférer celle qui se fonde sur le sens de la norme et la volonté du législateur. Or, l'intention du législateur n'était pas d'exclure l'inscription au registre - faute d'indépendance institutionnelle - dans tous les cas où l'avocat requérant est employé par une personne qui n'est elle-même pas inscrite, mais de le faire seulement dans la mesure où un tel engagement comporte le risque que l'intéressé subisse des influences extérieures dans l'exercice de sa profession (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 connu de la recourante, puisqu’elle l’a commenté dans ses écritures du 30 mai 2014 ; ATF 130 II 87 consid. 4.3.3 p. 97, consid. 5.2 p. 102 s. ; ATF 138 II 440 consid. 6 p. 446, consid. 14 p. 453, consid. 15 p. 455, consid. 17 p. 456). Ainsi, l'art. 8 al. 2 2ème phr. LLCA crée une présomption que l'indépendance fait défaut s'agissant de mandats présentant un lien quelconque avec l'engagement de l’avocat salarié, comme lorsque l'avocat défend les intérêts de son employeur ou de clients de ce dernier (ATF 130 II 87 consid. 5.1.1 p. 100, consid. 5.2 p. 103 ; ATF 138 II 440 consid. 14 p. 453 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 précité). L'intéressé peut renverser la présomption en donnant toutes les informations utiles sur son engagement, de nature à établir clairement que son employeur ne peut exercer aucune influence sur la gestion des mandats (ATF 130 II 87 consid. 6.1 et 6.2 p. 104 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 et 2A.124/2005 du 25 octobre 2005 consid. 2.2 et les références citées). Tel est le cas lorsque l’activité de l’avocat est à tous points de vue séparée de celle qu'il exerce comme employé, de sorte que l'engagement n'interfère pas avec l'exercice indépendant de cette profession (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 ; ATF 130 II 87 consid. 5.2 p. 103, consid. 6.3.2 p. 107 ; 138 II 440 consid. 6 p. 446).

d. L'art. 8 al. 1 let. d LLCA doit néanmoins être interprété de façon à ne pas empiéter de manière trop excessive sur la liberté du commerce dont bénéficie l'avocat. Lorsqu'un avocat est employé d'une personne non inscrite au tableau à côté de son activité indépendante, il y a une présomption de dépendance, que l'avocat peut renverser pour demander son inscription. Pour ce faire, il doit démontrer que ses clients n'ont aucun lien avec son employeur et que ce dernier ne dispose d'aucun pouvoir d'instruction ou de droit de regard sur les mandats d'avocat de son employé. À cela s'ajoute que l'avocat ne peut pas accepter de mandats contre ou en faveur de son employeur dans un litige impliquant des clients de ce dernier. Enfin, il faut que les locaux dans lesquels l'avocat exerce sa profession soient séparés de ceux de l'employeur (ATF 130 II 270 consid. 6 in RDAF 2005 I 526 ; Benoît CHAPPUIS, La profession d'avocat, Tome I, Le cadre légal et les principes essentiels, 2013, p. 64 ss.).

10) Dans un arrêt du 17 février 2015 (ATA/181/2015), la chambre administrative a confirmé un refus de la commission d’autoriser l’inscription comme avocate indépendante au tableau d’une avocate salariée d’un cabinet international d’avocats spécialisés dans l’arbitrage, constitué en société organisée selon le droit du Delaware (États-Unis d’Amérique) sous la forme d’une LLP gérée par une société holding constituée sous la même forme. À l’instar de la recourante, la requérante, titulaire d’un brevet d’avocat suisse, cherchait à s’inscrire au tableau pour exercer à Genève une activité d’avocate indépendante, parallèlement à la poursuite de son activité au sein du bureau genevois du cabinet international précité. Elle était désireuse de pratiquer dans les locaux dudit cabinet.

Selon la chambre administrative, les conditions préconisées par l’art. 8 al. 1 let. d LLCA n’étaient pas réunies malgré les mesures prises par l’intéressée dans le but d’organiser son activité de manière indépendante (notamment par le biais d’une convention qu’elle avait passée avec son employeur visant à permettre l’exercice indépendant de son activité dans les locaux). Les associés de la LLP n’étaient pas soumis aux exigences de la LLCA, ni à la surveillance de la commission. La procédure de vérification d’éventuels cas de conflit d’intérêts mise en place conduisait à ce que l’employeur pouvait avoir connaissance de l’identité, voire à d’autres données relatives à des clients privés de la requérante, si bien que le secret professionnel n’était pas garanti. De plus, l’intervention de l’employeur dans la procédure de sélection des mandats ne permettait pas d’exclure que celui-ci ne puisse exercer une influence sur la gestion des mandats de l’avocate, obtenus par son activité indépendante. De même, le fait que la requérante exerçait ses activités indépendantes dans les locaux de son employeur et qu’elle utilise la même infrastructure pour le traitement des affaires de son employeur et de ses propres clients ne permettait pas de garantir son indépendance structurelle, voire le respect du secret professionnel.

11) En l'espèce, la situation de la recourante est similaire à celle traitée dans l’arrêt de la chambre administrative précité. Elle est titulaire d'un brevet d'avocat suisse mais déploie une activité d’avocate inscrite au tableau au sein d’une étude d’avocats internationale ayant des locaux à Genève, étude qui appartient à un cabinet d'avocats international ayant son siège aux États-Unis et qui est organisée sous la forme juridique d’une LLP. Elle requiert de pouvoir continuer cette activité, soit par le biais du maintien de son inscription actuelle que la commission veut radier, soit en étant autorisée à ouvrir sa propre étude dans les locaux de son employeur, pour y exercer une activité de conseil et de représentation devant les autorités et tribunaux suisses au sens de l’art. 1 LPAv. À cette fin, elle justifie l’indépendance de son activité par une convention réglant les rapports qu’elle allait entretenir avec l’étude internationale en question pour l’exercice de cette activité indépendante aux côtés de son activité au sein du bureau du cabinet américain, ainsi que par des mesures d’organisation interne dans l’utilisation des locaux, la bureautique et l’entreposage des locaux.

12) En l’espèce, à l’instar de ce que la chambre administrative a jugé dans l’ATA/181/2015, l’existence d’une convention passée entre la recourante et ses associés dans le but de formaliser et organiser l’indépendance de sa pratique au sein du cabinet dans lequel elle entend exercer celle-ci, n’est pas un élément décisif lui permettant d’apporter la preuve d’une garantie concrète d’indépendance (ATF 2A_124/2001 consid 2.2). Le problème principal réside dans le fait que celle-ci entend exercer son activité d’avocate inscrite au tableau à partir d’une étude d’avocats dont elle est l’employée mais qui ne sont pas inscrits au registre cantonal des avocats. Ces derniers ne sont donc pas soumis aux exigences de la LLCA et le fait qu’ils soient soumis à des standards professionnels élevés n’y change rien.

Dans un tel contexte, la gestion des conflits d’intérêts potentiels reste problématique sous l’angle de l’indépendance. Même si la recourante peut, par elle-même, effectuer des recherches dans la base de données de l’étude pour détecter les risques de tels conflits, il ne lui sera pas possible dans le cas de l’examen à effectuer, de ne pas devoir, selon les cas, contacter ses associés ou leurs collaborateurs, dans le cadre de ces contrôles. Il existe donc un risque qu’au travers de ces contrôles, l’identité, voire l’objet des mandats que des clients entendraient lui confier dans le cadre de son activité indépendante, soit ainsi communiqués à des personnes, avocats ou auxiliaires, non soumises à la LLCA, du fait de sa double activité d’avocate employée par l’étude américaine et d’avocate indépendante inscrit au tableau.

Lors du transport sur place de la commission, la recourante a indiqué qu’elle n’excluait pas de traiter des dossiers pour le compte de clients qui seraient également mandants de son employeur. Dans ses écritures, elle soutient, tout en admettant que la jurisprudence fédérale est très restrictive quant à la possibilité pour un avocat indépendant de représenter en justice les clients de son employeur, que cette question n’a pas être tranchée au regard de l’exigence d’indépendance structurelle au sens de l’art. 8 al. 1 let. d LLCA, mais avec celle d’indépendance matérielle au sens de l’art. 12 let. b LLCA. Son raisonnement ne peut être suivi. Si la recourante, inscrite au tableau, venait, comme elle l’admet, à accepter en qualité d’avocate autorisée à pratiquer à Genève, un mandat d’un client de l’étude américaine, il existerait un risque qu’elle ne puisse mener l’entier de ses activités en complète indépendance, soit en faisant abstraction des autres mandats conduits par son employeur. Sur ce point, le risque de défaut d’indépendance résulte déjà du défaut d’indépendance structurelle imposée par l’art. 8 al. 1
let. d LLCA. Le fait qu’elle exerce à la fois comme employée du bureau d’avocats américains et comme avocate indépendante à partir des mêmes locaux crée un risque de confusion qui contrevient à la condition imposée par cette disposition légale, avant tout problème d’indépendance matérielle.

13) Dans l’ATA/181/2015 précité, la commission avait retenu que l’organisation interne de l’étude ne permettait pas d’admettre que l’indépendance structurelle soit assurée par les dispositions prises au sein des locaux communs et la chambre administrative avait confirmé son point de vue. Dans la décision attaquée, la commission est arrivée aux mêmes conclusions sur la base de ses constats lors du transport sur place du 16 septembre 2014.

En l’espèce, même si le nom de la recourante figure au bas de l’immeuble sur une plaque distincte de celle de l’étude américaine, même si elle envisage dans ses rapports avec sa clientèle privée d’utiliser un papier à lettre distinct ainsi qu’un ordinateur personnel, et même si elle reçoit ses clients personnels dans son bureau ou que ses dossiers sont entreposés dans un espace réservé, il n’empêche qu’elle déploiera sa pratique professionnelle au sein des locaux de l’étude qui l’emploie, sans entrée, réception ou bureau distincts de celle-ci. Dans ces circonstances, une telle organisation, quelles que soient les garanties d’indépendance que la direction de B______ peut formellement fournir, ne peut empêcher un risque certain de confusion entre l’activité propre de la recourante et celle qu’elle déploie pour le compte de de la firme américaine.

Au vu des éléments qui précèdent, la commission était fondée à rejeter sa requête à être inscrite au tableau comme avocate indépendante déployant ses activités à partir des locaux de son employeur parce qu’elle ne remplissait pas la condition personnelle requises par l’art. 8 al. 1 let. d LLCA. De même, pour les mêmes motifs, elle était en droit à constater d’office que l’inscription au tableau existante devait être radiée.

14) a. Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 131 I 333 et les références citées). Toute activité lucrative privée exercée à titre professionnel, qui vise à l’obtention d’un gain ou d’un revenu, bénéficie de la garantie de la liberté économique (ATF 117 Ia 440 ; 116 Ia 118 ; ATA/500/2001 du 7 août 2001). La protection de l’art. 27 Cst. s’étend non seulement aux indépendants, mais encore aux employés salariés lorsqu’ils sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 112 Ia 318, 319).

À l’instar de toutes les libertés publiques, la liberté économique n’a pas valeur absolue et peut être restreinte aux conditions de l’art. 36 Cst. Aux termes de cette disposition, une restriction d’un droit fondamental est admissible si elle repose sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas d’atteinte grave (al. 1), est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et respecte le principe de la proportionnalité (al. 3).

Selon la jurisprudence, faire dépendre l'inscription au registre cantonal des avocats l'indépendance institutionnelle constitue une limitation de la liberté économique au sens de l'art. 27 Cst., laquelle est également valable pour l'activité d'avocat soumise au monopole (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 et les références citées).

b. La recourante se plaint de ce que la décision attaquée viole sa liberté économique. Il est indéniable que la décision litigieuse constitue une restriction à sa liberté économique; elle ne lui interdit cependant pas toute activité économique en lien avec sa formation, mais uniquement de pratiquer la représentation devant les autorités et tribunaux suisses en qualité d'avocate indépendante, dans le cadre et en fonction de l’organisation qu’elle expose. Une telle atteinte est fondée sur l'art. 8 al. 1 let. d LLCA, qui ne permet pas l'inscription au registre cantonal des avocats si l'une des conditions personnelles mentionnées, en particulier celle de l'indépendance de l'avocat, fait défaut. Cette norme constitue une base légale suffisante et l’absence d’indépendance est avérée en l’espèce. La nécessité de sauvegarder l'indépendance de l'avocat obéit à un intérêt public évident.

15) Il reste à déterminer si la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité. En l’occurrence, la décision attaquée est, sur son principe la seule apte à atteindre le but poursuivi. Toutefois, il y a lieu de prendre en considération que la recourante est inscrite au tableau depuis 2006 et que la décision de la radier est consécutive à une modification de la pratique de la commission imposé par la jurisprudence. Dans ce sens, même si la décision de la commission doit être confirmée dans son principe, elle sera partiellement réformée (art. 67 al. 1 LPA) et un délai de huit mois sera accordé à la recourante pour lui permettre de se réorganiser.

Sous la réserve précitée, ce grief sera rejeté.

16) a. La recourante se plaint de ce que la décision attaquée consacre à son encontre une violation du principe de l'égalité de traitement.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire les distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 346 consid. 6 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 260 ss).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 ; 127 II 113 consid. 9a p. 121 ; 122 II 446 consid. 4 p. 451 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.3 ; 2C_72/2008 du 21 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2006, vol. 2, p. 502/503 n. 1025-1027 ; Vincent MARTENET, op. cit., p. 260 ss ; Pierre MOOR, Droit administratif, 1994, vol. 1, p. 314 ss n. 4.1.1.4).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement, à l’avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 136 I 65 précité consid. 5.6 p. 78 ; 127 II 113 précité consid. 9a p. 121 ; 125 II 152 consid. 5 p. 166 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 ; 1C_426/2007 du 8 mai 2008 consid. 3 et 4 ; ATA/270/2012 du 8 mai 2012 consid. 14).

Encore faut-il qu’il n’existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l’égalité de traitement (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 99 Ib 377 consid. 5 p. 383), ni d’ailleurs qu’aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s’y oppose (ATF 108 Ia 212 consid. 4 p. 213).

Toutefois, si l’illégalité d’une pratique est constatée à l’occasion d’un recours contre le refus d’un traitement illégal, le juge n’admettra le recours que s’il peut être exclu que l’administration changera sa politique (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 112 Ib 381 consid. 6 p. 387 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 5). Il présumera, dans le silence de l’autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu’il aura rendu quant à l’interprétation correcte de la règle en cause (arrêt du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.3).

En rapport avec ce grief, la recourante considère qu’il n’est pas juste de ne pas la soumettre au même régime que celui accordé à des avocats qui partagent les charges de bureaux communs ou à des avocats qui exercent leur pratique privée dans les mêmes locaux que ceux d’une association dont ils défendent les intérêts des membres, tels les avocats de l’ASLOCA qui défendent leurs membres devant les juridiction spécialisées en matière de bail.

Leur situation n’est cependant pas comparable. Il s’agit dans ces différents cas de structures professionnelles d’avocats qui sont tous inscrits au tableau et soumis, les uns et les autres, tant à la LLCA qu’à la surveillance de la commission. Tel n’est pas le cas de tous les avocats de l’étude américaine dans laquelle la recourante est employée, qui fait l’objet d’une organisation dépassant les frontières de la Suisse, si bien que l’autorité de surveillance peut exiger d’eux qu’ils se conforment et justifient d’une pratique indépendante (ATF 139 III 249 consid 1).

Ce grief sera rejeté.

17) Au vu de ce qui précède, le recours sera très partiellement admis. Un émolument réduit de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure réduite de CHF 500.-lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 janvier 2015 par Madame  A______ contre la décision de la commission du barreau du 8 décembre 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

dit que la radiation de la recourante du registre cantonal des avocats interviendra huit mois après l’entrée en force du présent arrêt ;

la confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Mme A______ ;

lui alloue une indemnité de CHF 500.- à titre d’indemnité de procédure, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Maurice Harari, avocat de la recourante ainsi qu'à commission du barreau.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :