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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/781/2017

ATA/875/2018 du 28.08.2018 sur JTAPI/723/2017 ( LCI ) , ADMIS

Parties : DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC / ARGUMENT SA, HOSTETTLER Alain, COMMUNE DE CONFIGNON
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/781/2017-LCI ATA/875/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 août 2018

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

contre

ARGUMENT SA
représentée par Me Julien Pacot, avocat

et

COMMUNE DE CONFIGNON

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
29 juin 2017 (JTAPI/723/2017)


EN FAIT

1) Monsieur Alain HOSTETTLER est propriétaire de la parcelle n° 10'243, feuille 2 de la commune de Confignon (ci-après : la commune), au 86, chemin de Cressy. Ladite parcelle, d'une superficie totale de 1'004 m², est sise en cinquième zone à bâtir (ci-après : zone villa ou cinquième zone).

2) a. Le 20 septembre 2013, le Grand Conseil a adopté le plan directeur cantonal Genève 2030 (ci-après : PDCn 2030). Ce document de référence et de coordination pour l'aménagement du territoire cantonal est composé d’un concept de l’aménagement cantonal qui énonce les principes de l’organisation du territoire à l'horizon 2030 et d’un schéma directeur cantonal comprenant plusieurs fiches qui en constituent le volet opérationnel et précisent les conditions de la mise en œuvre de la politique d’aménagement. Le PDCn 2030 a été approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015.

b. À teneur de la carte dénommée « carte n° 1 - principes de densification, annexe aux fiches A01 à A08 » établie par la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI), la parcelle n° 10'243 se trouve dans un périmètre visé par le PDCn 2030.

c. La carte du schéma directeur cantonal du PDCn 2030 renvoie pour ce périmètre à la fiche A03 intitulée « Étendre la densification de la zone villas par modification de zone ». Ladite fiche indique que l'objectif est de promouvoir l'extension de la ville dense par déclassement de secteurs dans la zone villa et que les principes d’aménagement et de localisation doivent permettre de procéder à la densification de secteurs de cette zone, par mutation progressive, afin de créer de nouveaux quartiers denses d'habitat ou d'affectations mixtes, intégrés dans la structure urbaine et répondant à des besoins d'intérêt général.

d. La parcelle n° 10'243 est par ailleurs située dans le périmètre du Grand projet (ci-après : GP) Bernex visé par le PDCn 2030 (Fiche P04 du PDCn 2030).

3) a. Le 26 mars 2014, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un projet de loi 11'411 modifiant la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; ci-après : PL 11'411), proposant notamment un allongement des délais de refus conservatoire à cinq ans, le délai de mise à l’enquête publique de la modification des limites de zones passant à quatre ans.

b. Le 15 mai 2015, la commission d’aménagement du canton (ci-après : CAC) a déposé son rapport relatif au PL 11'411.

Le même jour, des membres de la CAC ont présenté une proposition de motion 2'278 pour préserver le potentiel de densification prévu par le PDCn 2030 pour certains secteurs de la zone villas (ci-après : M 2'278).

c. Le 5 juin 2015, le Grand Conseil a adopté la M 2'278 - en lieu et place du PL 11'411, lequel a alors été clos - , laquelle invitait le Conseil d’État à :

- appliquer les dispositions du droit fédéral, le cas échéant, par voie réglementaire, en vue de permettre l’adoption par le Conseil d’État pour une durée provisoire de cinq ans au plus, de zones réservées dans les secteurs de la zone villas destinées à une densification, selon la fiche A03 du PDCn 2030, et pour lesquels une modification de zone est prévue dans un délai de cinq ans ;

- faire une application restrictive de l’art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villas destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans ;

- adopter une pratique administrative qui permette néanmoins aux propriétaires de terrains, sis dans des secteurs de la zone villas voués à faire l’objet de mesures de densification au titre de la fiche A03 du PDCn 2030 et qui ne font pas l’objet de refus conservatoire au sens de de l’art. 13B LaLAT, des agrandissements modérés de constructions existantes ou des nouvelles constructions de peu d’importance, ne créant aucun nouveau logement.

4) Le 27 mars 2015, M. HOSTETTLER, représenté par Arguments SA
(ci-après : Arguments), a déposé, auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire
(ci-après : le département), une demande d'autorisation de construire pour un projet d'habitat groupé de quatre logements de haute performance énergétique (HPE 44 %) avec pose de panneaux solaires en toiture, sur la parcelle précitée
(DD 107'776).

5) Le 1er juillet 2015, le département a publié une pratique administrative intitulée « Régimes auxquels sont soumises les requêtes en autorisations de construire selon les secteurs de la carte densification secteurs villas ».

Celle-ci prévoyait, en cas de requête portant sur la création d’un nouveau logement pour la zone villa dont le développement est prévu à terme par le PDCn 2030, de ne pas appliquer la dérogation prévue par l’art. 59 al. 4 LCI permettant d’augmenter la densité des constructions. En cas de modification de zone en cours, un refus conservatoire de maximum deux ans serait prononcé pour toute requête créant un nouveau logement. L’administration disposait d’un délai de deux ans à compter du refus pour adopter une modification de zone. Il était par ailleurs prévu l'instauration de zone réservée.

Des nouvelles versions de cette pratique administrative ont été publiées les 27 juillet 2015 et 26 avril 2018, sans modification pour les requêtes portant sur la création d’un nouveau logement pour la zone villa dont le développement est prévu à terme par le PDCn 2030.

6) Le 14 juillet 2015, le département a mis en ligne sur son site internet une carte du canton intitulée « programme de densification des quartiers de villas » (ci-après : la carte de densification des secteurs villas), laquelle désignait les périmètres de la zone villas faisant l'objet de modification de zones en cours, ainsi que ceux sur lesquels il envisageait l'instauration d'une zone réservée. La légende de cette carte précisait qu'il n'y aurait pas d'application de la dérogation prévue par l'art. 59 al. 4 LCI (ou dans une mesure limitée pour des travaux d'agrandissement et d'amélioration d'une villa existante) et qu'un refus conservatoire serait prononcé pour les modifications de zone en cours d'élaboration ou les zones réservées sur les zones 5, ZD 5, 4B protégée et ZD 4A.

Le périmètre englobant la parcelle concernée par le projet litigieux y portait la légende « pas de dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI ».

Cette carte a été modifiée le 22 mars 2016 puis, la dernière fois, le 27 juillet 2017, sans que le statut du périmètre concerné ne soit modifié.

7) Dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de construire (DD 107'776), plusieurs instances de préavis se sont prononcées.

a. Le 2 avril 2015, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un préavis favorable, avec dérogation à l'art. 59 LCI.

b. Le 6 avril 2015, la commission d'architecture (ci-après : CA) a indiqué qu'elle était favorable à la dérogation de l'art. 59 LCI (43,91 % HPE), sans autre observation.

c. Le 8 avril 2015, la direction de la mensuration officielle a rendu un préavis favorable sous conditions.

d. Les 21 avril et 23 juillet 2015, le SPI a rendu un préavis défavorable, relevant que le projet contrevenait aux objectifs fixés par le PDCn 2030. Il se situait « dans un périmètre prévu à être classé en zone réservée selon ce programme » de densification des quartiers de villas (fiche A3). Elle préconisait dès lors un refus conservatoire en application de l'art. 13B LaLAT.

e. Le 22 avril 2015, la police du feu a rendu un préavis favorable sous conditions.

f. Le 28 avril 2015, la direction générale de l’agriculture et du paysage
(ci-après : DGNP) a rendu un préavis favorable sous conditions.

g. Le 11 mai 2015, la commune s'est déclarée favorable, en formulant la remarque suivante : « la commune […] prend note que le refus conservatoire systématique (art. 13B LaLAT) selon remarque du Conseiller d'État du 26 mars 2014 n'est pas appliqué ».

h. Le 15 mai 2015, la direction générale des transports (ci-après : DGT) a rendu un préavis favorable sous conditions, les débouchés sur la voie publique devant disposer d'une bonne visibilité.

i. Le 4 août 2015, la direction générale de l'eau a émis un préavis favorable sous conditions.

8) Par décision du 14 septembre 2015 du département, la demande d'autorisation de construire DD 107'776 a fait l'objet d'un refus conservatoire.

Les art. 27 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 10 du règlement d’application de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 1er juillet 1992 (RaLAT - L 1 30.01) prévoyaient que s'il n'existait pas de plan d'affectation ou que l'adaptation d'un tel plan s'imposait, l'autorité pouvait prévoir des zones réservées, dans des territoires délimités précisément, à l'intérieur desquelles « rien ne [devait] être entrepris qui puisse entraver son établissement ».

En l'occurrence, une procédure d'adoption d'une telle zone réservée, englobant la parcelle faisant l'objet de la demande, était en cours d'élaboration. Il n'avait dès lors d'autre choix que de mettre en œuvre l'art. 13B al. 1 LaLAT l'autorisant à refuser la délivrance d'une autorisation de construire lorsque l'adoption d'un plan d'affectation du sol paraissait nécessaire en vue de prévenir un projet de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme.

9) Par décision du 14 septembre 2015 également, le département a facturé un émolument de CHF 250.- à la charge de la requérante.

10) Lors de sa séance du 29 janvier 2016, le Grand Conseil a voté le renvoi du rapport M 2'278-A, déposé par le Conseil d'État le 9 décembre 2015, sur la M 2'278 à la CAC.

11) Le 19 septembre 2016, Arguments a requis à nouveau auprès du département la délivrance de l'autorisation de construire DD 107'776.

Aucun plan d'affectation n'avait été mis à l'enquête publique dans le délai d'une année à compter de la notification du refus conservatoire portant sur la parcelle concernée. En outre, le refus de densification à 0,44 % sur le périmètre en cause constituait une pratique postérieure au dépôt de la DD 107'776 et ne pouvait dès lors lui être opposée. Elle précisait à cet égard qu'elle était liée par une promesse de vente dont le prix avait été fixé selon le potentiel constructible du terrain, soit 0,44 %, en vigueur au début de l'année 2015.

12) Le 14 novembre 2016, la SPI a émis un préavis favorable, sous condition. Le projet ne devait pas nécessiter l'application de l'art. 59 al. 4 LCI et respecter
« les principes d'aménagement énoncés dans la fiche A20 du PDCn 2030 pour les zones à bâtir existantes ».

13) Le 16 décembre 2016, la SPI a rendu un préavis défavorable annulant et remplaçant celui émis le 14 novembre 2016.

Le projet se situait dans un secteur identifié par le PDCn 2030 qui préconisait une densification par modification de zones (fiches A03) ainsi que dans le périmètre inscrit dans le programme de densification des quartiers de villas (état au 22 mars 2016), lequel exigeait la non-application de l'art. 59
al. 4 LCI.

À titre de remarque, ledit préavis indiquait : « En 2015 ce projet était implanté dans un secteur prévu pour un déclassement en zone réservée. Aujourd'hui il se trouve dans un secteur où l'on n'applique pas l'art. 59 al. 4 LCI. Un projet HPE avec un [indice d'utilisation du sol (ci-après :] IUS allant jusqu'à 0,3 serait donc autorisable ».

14) Par décision du 31 janvier 2017, le département a refusé la délivrance de l'autorisation DD 107'776-3, sollicitée le 19 septembre 2016.

La SPI avait demandé à ce que, conformément à la pratique adoptée le
1er juillet 2015 et confirmée sur la carte de densification des secteurs villas, état au 22 mars 2016, seuls les projets de construction ne nécessitant pas l'application de la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI soient autorisés.

Le 17 janvier 2017, afin de respecter le droit d'être entendu de la requérante, le département lui avait demandé si elle souhaitait modifier son projet en conformité avec les taux prévus à l'art. 59 al. 1 LCI, ce qu'elle avait refusé,
celle-ci désirant maintenir son projet au taux de HPE de 44 %.

Compte tenu des objectifs de densification fixés pour ce secteur tant par le PDCn 2030, que par le GP de Bernex, il faisait sien le préavis du SPI.

Les circonstances du cas d'espèce ne justifiaient pas l'octroi d'une dérogation qui contreviendrait à la politique cantonale en matière d'aménagement du territoire et de densification de la zone à bâtir existante. Le législateur avait d'ailleurs invité le Conseil d'État à faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI dans la
M 2'278. Le département n'entendait donc pas, pour des motifs d'opportunité, accorder la dérogation prévue par la disposition susmentionnée.

15) Le même jour, le département a notifié une facture de CHF 3'500.- à la requérante.

16) Par acte du 3 mars 2017, Argument a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant, avec suite de frais, à son annulation ainsi qu'à celle de la facture émise le 31 janvier 2017, subsidiairement, à l'annulation de ladite facture et au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le département ayant refusé, le 14 septembre 2015, de délivrer l'autorisation de construire sollicitée sur la base de l'art. 59 al. 4 LCI, faisant application de
l'art. 13B LaLAT, il ne pouvait refuser une seconde fois, pour les mêmes raisons, de faire droit à sa requête.

En outre, le motif invoqué, à tort, par le département pour justifier son refus était devenu caduc par l'écoulement du délai d'une année prévu par
l'art. 13B LaLAT. Le propriétaire avait donc repris la libre disposition de son terrain, dans les limites du droit en vigueur. Or, aucun changement de loi, et en particulier de l'art. 59 al. 4 LCI, n'avait eu lieu entre le premier refus d'autoriser le projet de construction du 14 septembre 2015 et le second daté du 31 janvier 2017. La seule modification sur ce point résidait dans le fait que le département avait procédé, dans l'intervalle, à une interprétation différente de la portée de l'art. 59 al. 4 LCI. Un tel changement de pratique ne pouvait cependant en aucun cas être assimilé à un changement de loi.

C'était également à tort que, suite à sa demande du 19 septembre 2016 de lui délivrer l'autorisation de construire litigieuse, le département n'avait pas transmis le dossier au SPI, dès lors que l'instruction du dossier était terminée.

S'agissant des préavis défavorables du SPI, ils devaient être écartés, étant devenus caducs par l'écoulement du délai d'une année prévu par l'art. 13B LaLAT. C'était d'ailleurs dans ce sens qu'avait tranché le TAPI dans un précédent jugement.

En conséquence, la décision de refus du 31 janvier 2017 devait être annulée et le dossier renvoyé au département afin que celui-ci délivre l'autorisation sollicitée.

La facture de CHF 3'500.- devait également être annulée. Dès lors qu'il n'apparaissait pas clairement que la facture précitée était liée au sort de la décision de refus du 31 janvier 2017, son annulation était requise par mesure de précaution. En outre, un montant de CHF 250.- avait déjà été payé en 2015. Une nouvelle facture devait être établie pour un montant de CHF 3'250.-.

17) Par courrier du 8 mars 2017, le TAPI a informé la commune du dépôt du recours précité et l'a invitée, le cas échéant, à intervenir, en lui faisant parvenir ses observations écrites.

18) Le même jour, le TAPI a imparti un délai à M. HOSTETTLER afin d'indiquer s'il entendait participer à la procédure. Ce dernier n'a pas donné suite à ce pli.

19) Par courrier du 6 avril 2017, la commune a indiqué qu'elle souhaitait intervenir dans la procédure. Elle soutenait la partie requérante pour les mêmes motifs qu'invoqués par celle-ci. La justification de la décision litigieuse n'était pas valable au vu de l'absence de modification ou d'abrogation de plan du sol entre le premier et le second refus. La non-délivrance de l'autorisation avec dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI émanait « d'une décision administrative et non suite à une modification législative ». L'autorisation de construire sollicitée devait être délivrée compte tenu des préavis favorables délivrés par les services cantonaux et la commission de l'urbanisme.

20) Dans sa réponse du 8 mai 2017, le département a conclu au rejet du recours, à la confirmation de la décision de refus du département du 31 janvier 2017 ainsi qu'à la constatation que la facture du même jour devait être ramenée à
CHF 3'250.-.

Dans le cas d'espèce, il avait statué en opportunité, estimant que les circonstances ne justifiaient pas l'octroi de la dérogation prévue par l'art. 59
al. 4 LCI. En effet, la parcelle de la requérante se situait dans un périmètre pour lequel le PDCn 2030 préconisait une densification par modification de zone (fiche A03). Or, l'autorité judiciaire n'avait pas compétence pour apprécier l'opportunité des décisions prises. La position du département résultait ainsi clairement d'un choix lié à la planification, lequel ne pouvait être revu, selon la jurisprudence, par l'autorité judiciaire. Allait dans ce même sens le fait que, selon la carte relative au programme de densification des quartiers villas, la parcelle de la requérante se situait dans un secteur pour lequel l'octroi d'une dérogation, au sens de l'art. 59
al. 4 LCI, ne se justifiait pas du point de vue de l'aménagement du territoire.

La position du département « faisait par ailleurs écho » à l'approbation du PDCn 2030 par le Conseil fédéral lors de laquelle ce dernier avait enjoint le canton à donner la priorité à la densification des zones à bâtir, que ce soit par le renouvellement urbain ou la densification de la zone villas. Elle était en outre conforme à la volonté du législateur, lequel avait invité le Conseil d'État dans la M 2'278 à faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI pour les mêmes raisons.

Le grief relatif à l'art. 13B LaLAT devait également être écarté. Conformément à la jurisprudence, le refus conservatoire ne se prononçait pas, sauf exception, sur le fond. Il permettait uniquement au requérant de déposer un nouveau dossier ou de demander une nouvelle instruction de sa requête. Le fait que le propriétaire reprenne la libre disposition de son terrain ne signifiait aucunement qu'il avait droit à l'octroi d'une dérogation fondée sur l'art. 59
al. 4 LCI, celle-ci devant faire l'objet d'une instruction complète. Cela valait d'autant plus que le droit applicable aux autorisations était, en principe, celui en vigueur au moment où la légalité du comportement se posait. Il s'agissait donc d'effectuer une nouvelle instruction afin de s'assurer auprès de l'office compétent si l'affectation de la parcelle avait évolué et si les contraintes légales en découlant avaient été modifiées.

Partant, c'était à juste titre que le département avait sollicité un nouveau préavis de la SPI afin de savoir quel développement, respectivement quelle planification, avait été effectué dans l'intervalle ou était envisagé, suite à sa
non-attribution à une zone réservée. Or, le régime d'affectation était en cours de transition. Il avait en effet été décidé de ne pas affecter la parcelle à une zone réservée, mais plutôt de ne pas y permettre une densification par dérogation, ce qui constituait un régime d'affectation moins contraignant. C'était pour cette raison qu'il lui avait été proposé de réduire l'ampleur de son projet afin de le rendre autorisable selon l'art. 59 al. 1 LCI, ce qui n'aurait pas été possible en zone réservée.

21) Le 11 mai 2017, le département a indiqué au TAPI avoir ramené le montant des émoluments à payer par la requérante à CHF 3'250.-.

22) Le 1er juin 2017, la commune a relevé que les projets de développement actuellement en cours dans les zones réservées étaient si longs et importants qu'il était inimaginable que le quartier concerné puisse être aménagé avant un très long terme. Le canton n'avait pas de calendrier précis du développement de la zone.

Dès lors, refuser à des propriétaires des droits sur leur propriété ne pouvait pas se justifier par un intérêt public suffisant et relevait donc de l'arbitraire.

23) Dans sa réplique du 1er juin 2017, Argument a relevé que le raisonnement du département concernant l'art. 59 al. 4 LCI ne pouvait être suivi.

Dans le cadre du refus conservatoire délivré le 14 septembre 2015, le département avait déjà motivé sa décision par les objectifs d'urbanisme fixés par le PDCn 2030. Soutenir qu'une telle dérogation ne pouvait être octroyée, et ce pour les mêmes motifs que ceux invoqués en 2015, alors qu'une telle dérogation avait été accordée par les instances compétentes lors de l'instruction du dossier, était choquant. Il découlait de l'art. 59 al. 4 LCI qu'il revenait à la CA ainsi qu'à la commune d'octroyer ou non la dérogation concernée. En l'occurrence, tant la CA que la commune soutenaient le projet de construction querellé.

La décision entreprise était ainsi arbitraire, le département ayant mésusé de son pouvoir d'appréciation.

24) Le 22 juin 2017, le département a indiqué qu'il était erroné de prétendre qu'une dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI avait été accordée dans le cadre du refus conservatoire du 14 septembre 2015. Au contraire, ce refus visait à empêcher qu'un projet ne vienne compromettre les objectifs d'urbanisme qui étaient de modifier la zone en vue d'une densité bien supérieure à celle prévue à l'art. 59 LCI. Il ressortait en effet de l'introduction, qu'une densité minimale de 1,2 était préconisée en zone de développement 3, atteignable uniquement par une architecture de grandes maisons et non par des constructions en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé

Toutefois, depuis lors, il avait été renoncé à effectuer une modification de zone à brève échéance concernant la parcelle litigieuse. La parcelle avait été intégrée dans un secteur n'autorisant pas les projets nécessitant une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI.

Par ailleurs, s'il n'avait pas à nouveau consulté la CA dans le cadre de la décision querellée, c'était parce qu'il considérait que le préavis émis le 28 avril 2015 restait valable. S'il avait en revanche à nouveau sollicité la SPI c'était en raison de la nature de la décision à prendre, laquelle portait sur l'opportunité d'accorder une dérogation qui aurait pour effet de rendre beaucoup plus difficile et onéreuse une densification future par modification de zone. Or, ces questions relevaient clairement de ses compétences.

En outre, entre les deux préavis de la SPI, la situation avait évolué. Ainsi, ce n'était plus tout type de projet qui était refusé, mais uniquement ceux nécessitant une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI. La décision querellée n'avait donc rien d'arbitraire.

25) Par jugement du 29 juin 2017, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier au département pour qu'il octroie à la requérante l'autorisation de construire sollicitée.

Le TAPI devait examiner l'application que le département avait faite de
l'art. 59 al. 4 LCI, qu'il ne sanctionnerait pas s'il considérait, d'une part, que le département pouvait en tirer la décision qu'il avait prise tout comme il aurait pu en tirer la décision inverse, et, d'autre part, que dans ce choix, il avait respecté le but et l'esprit de la loi ainsi que les principes constitutionnels.

L'État disposait de deux instruments juridiques permettant d'empêcher les propriétaires, notamment en zone villa, de disposer librement de leur terrain pour y construire selon les normes de la zone dans laquelle ils se trouvaient, à savoir le refus conservatoire et l'adoption d'une zone protégée. Ils entraînaient une restriction admissible de la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), puisque celle-ci se fondait sur une base légale formelle, poursuivait un intérêt public (l'aménagement du territoire) et respectait le principe de la proportionnalité dans la mesure où cette restriction était limitée à une durée déterminée, soit deux ans s'agissant du refus conservatoire et cinq ans en cas de zone protégée.

En dehors de ce cadre, l'autorité intimée prétendait pourvoir, aux fins de protéger l'intérêt public que représentait l'aménagement du territoire, refuser l'application de l'art. 59 al. 4 LCI dans les portions de la zone villa qui étaient visées par le PDCn 2030 comme de futures zones de densification au sens de la fiche A03 du schéma directeur cantonal. Deux arguments s'opposaient toutefois à ce point de vue.

Tout d'abord, l'adoption de l'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas eu lieu dans une optique de planification territoriale, mais simplement dans l'idée de permettre de densifier davantage la zone villa par voie dérogatoire. Les normes de construction usuelles de la zone villa continuaient à s'appliquer de manière ordinaire, cette zone n'étant elle-même aucunement transformée en un autre type de zone. Les propriétaires étaient au demeurant parfaitement libres de demander ou non l'application de l'art. 59 al. 4 LCI. Par conséquent, l'octroi ou le refus de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI ne pouvait obéir qu'aux objectifs initiaux de cette disposition, à savoir la densification de la zone villa, sous peine de la détourner de son but et, par conséquent, de constituer un abus de droit.

Ensuite, et surtout, le refus d'octroyer la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI ne connaissait aucune limite temporelle. Ainsi, même si les recourants tentaient, trois ans ou voir cinq ans après le premier refus qui leur a été opposé, de demander à nouveau l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, aucun obstacle juridique ne s'opposait à ce que le département leur notifie un nouveau refus. Une telle hypothèse contrevenait clairement au principe de la proportionnalité et causait une atteinte inadmissible à la garantie de la propriété, étant précisé que rien n'indiquait aujourd'hui que le périmètre faisant l'objet du présent litige serait effectivement versé en zone protégée ou ferait l'objet d'une modification de zone en vue de sa densification.

Le PDCn 2030 était un instrument de planification à moyen terme, mais devait évoluer et s'adapter à des paramètres susceptibles de se modifier ou d'apparaître au fil des années. Les limites qu'il fixait actuellement pour les zones de densification en zone villa ne seraient peut-être plus les mêmes dans dix ans. Compte tenu de cette incertitude, la balance entre la garantie de la propriété et l'intérêt public à l'aménagement rationnel du territoire ne pouvait trouver un équilibre satisfaisant que si les instruments mis à disposition de l'État limitaient sa capacité à restreindre les droits des particuliers, notamment sous l'angle temporel.

Le texte du futur art. 13C LaLAT démontrait par ailleurs la volonté du législateur qui était que les propriétaires retrouvent le plein et entier exercice de leurs droits au-delà des cinq ans, en excluant toute possibilité pour l'État, par quelque mesure que ce soit, de prolonger matériellement (et non pas formellement) la durée du blocage. Cette disposition concernait notamment la manière dont le département a en l'espèce interprété et appliqué l'art. 59 al. 4 LCI.

C'était ainsi à tort que le département, donnant la priorité au préavis du SPI plutôt qu'aux préavis favorables de la CA et de la commune, avait refusé l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI et donc de l'autorisation de construire sollicitée. Cette solution entraînait certes « un durcissement du foncier » sur toutes les parcelles en zone villa sur lesquelles étaient érigées des constructions avec un IUS de 0,44 ou 0,48. L'État disposait toutefois d'instruments expressément destinés à éviter une telle évolution, qu'il lui appartenait de mettre en œuvre.

Cette solution entraînait l'annulation de la facture de CHF 3'500.- envoyée par le département à la requérante.

26) Par acte du 4 septembre 2017, le département a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation, à la confirmation de sa décision de refus du 31 janvier 2017 (DD 107'776) et à ce que les intimés soient condamnés à tous les frais de l'instance.

Si le législateur entendait permettre une densification de toute la zone villa, il était conscient qu'elle se ferait en partie par des modifications de zone et en partie uniquement par une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI. Le législateur, en adoptant ladite disposition, avait considéré que celle-ci laissait une marge de manœuvre suffisante au département pour lui permettre de l'appliquer à bon escient pour les seuls secteurs appelés à rester en zone villa car ne se prêtant pas à un déclassement en zone 3 ou 4, ceci afin de ne pas risquer de compromettre la mise en œuvre du potentiel constructible du PDCn. Le législateur était conscient du fait qu'en modifiant cette disposition, il pouvait entrer en contradiction avec d'éventuelles modifications de zone. Or, il avait clairement exprimé sa volonté de ne pas contrecarrer le PDCn, raison pour laquelle il a laissé au département la possibilité d'apprécier l'opportunité ou non d'accorder une dérogation sous cet angle.

La volonté du législateur de ne pas contrecarrer le PDCn 2030 ressortait par ailleurs de la M 2'278 adoptée le 5 juin 2015, laquelle invitait le département à faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030.

Contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, il existait en premier lieu une limite temporelle puisque le PDCn 2030 avait pour vocation de déterminer la planification directrice cantonale jusqu'à 2030.

La restriction à la garantie de disposer de son terrain librement devait, pour être admissible, reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité. En l'espèce, le refus d'autorisation reposait bien sur une base légale, soit sur l'art. 59 al. 4 LCI. La condition de l'intérêt public était également donnée dès lors que la décision se fondait sur l'objectif de densification de la zone villas par modification de zone selon le PDCn 2030. Enfin, la condition de la proportionnalité était réalisée dans la mesure où le refus permettait d'éviter que la future densification prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. La densification prévue par le projet litigieux était bien inférieure à celle prévu par le PDCn 2030. L'intérêt public au maintien de l'état actuel de la parcelle en vue d'une utilisation judicieuse du sol par le déclassement en application du PDCn 2030 l'emportait, d'une part, sur l'intérêt public à une densification de la zone villas à court terme et, d'autre part, sur l'intérêt privé économique des intimés. La décision attaquée ne privait en tout état pas le propriétaire de la parcelle de continuer à profiter de son bien, de solliciter une autorisation respectant le régime ordinaire du rapport des surfaces ou de soumettre une nouvelle requête comprenant un nombre plus élevé de logements lorsqu'un plan d'affectation aurait été adopté. Le refus de la dérogation ne constituait ainsi pas une atteinte à son droit de propriété.

27) Le 6 septembre 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

28) Dans sa réponse du 30 octobre 2017, Argument a conclu à la confirmation du jugement du TAPI du 29 juin 2017 et à ce que le département soit débouté de toutes ses conclusions et condamné aux dépens de première et seconde instance.

La pratique administrative du département violait tant la garantie de la propriété que l'art. 13B LaLAT.

Il ressortait des travaux préparatoires que le seul motif ayant dicté la nouvelle teneur de l'art. 59 al. 4 LCI résultait de la nécessité de densifier la zone villas sans modification de zone. En revanche, il ne ressortait pas de ceux-ci que le département était en droit d'invoquer ladite disposition pour empêcher une densification, au motif qu'elle contreviendrait dans un futur lointain à une densification plus importante, en raison d'un éventuel déclassement de zone. L'indication « lorsque les circonstances le permettent » relevait d'une clause d'esthétique et non d'une mesure conservatoire liée à la planification territoriale. L'art. 59 al. 4 LCI ne figurait par ailleurs pas dans la liste des bases légales énumérées dans la fiche A03 du PDCn 2030, propre à attendre l'objectif de densification de la zone villas par modification de zone. Cette disposition figurait au contraire dans la liste des bases légales propres à atteindre les objectifs de la fiche A04 du PDCn 2030, laquelle traitait de la densification sans modification de la zone villas. Il ne faisait ainsi aucun doute que l'art. 59 al. 4 LCI avait été adopté dans le but de régler la densification en zone villa lorsqu'aucune modification de zone n'était prévue.

Le législateur avait par ailleurs adopté, postérieurement à la M 2'278, de nouvelles dispositions légales qui répondaient aux trois invites formulées dans ladite motion. La M 2'278 n'avait ainsi plus de portée propre. L'art. 13C LaLAT prévoyait par ailleurs que la durée de blocage ne pouvait être prolongée ou superposée à un refus conservatoire ou à toute autre mesure conservatoire. La pratique du département fondée sur l'art. 59 al. 4 LCI ne se justifiait pas puisqu'elle prolongeait matériellement une durée de blocage, sans limite dans le temps.

Dans un arrêt portant sur une affaire similaire, la chambre administrative avait en effet indiqué que le principe de la proportionnalité et de l'intérêt public n'avait pas été violé, dès lors que le refus de l'autorisation de construire permettait d'éviter que la future densification par modification de zone prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. Or, dans cette affaire, la commune et la CA avaient rendu des préavis négatifs, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Comme l'avait relevé à juste titre le TAPI, « le principe de la proportionnalité et de l'intérêt public avait in casu été violé ». Il était très incertain que le périmètre en cause soit un jour déclassé, dès lors qu'il existait un grand nombre de secteurs à proximité dans lesquels le processus de densification venait de commencer et n'était pas prêt de se terminer.

Par ailleurs, le projet avait été refusé une première fois le 14 septembre 2015 sur la base d'un refus conservatoire. Faute de mise à l'enquête publique d'un plan d'affectation dans un délai d'un an, elle avait repris la libre disposition du terrain. Or, aucun changement de loi n'était intervenu entre le premier refus de 2015 et le second daté du 31 janvier 2017. La seule modification résidait dans le fait que le département avait procédé à une interprétation différente de la portée de l'art. 59 al. 4 LCI. Or, cette pratique violait la garantie de propriété et ne pouvait être assimilée à un changement de loi. Partant, suite à sa demande du 19 septembre 2016, le département n'avait pas à transmettre le dossier au SPI, puisque l'instruction du dossier était terminée et que les instances administratives avaient toutes préavisées le dossier. Les préavis du SPI auraient en réalité dû être écartés puisqu'ils étaient devenus caducs suite à l'écoulement du délai d'une année prévu à l'art. 13B LaLAT, comme l'avait d'ailleurs retenu le TAPI dans une autre affaire (JTAPI/1163/2016 du 10 novembre 2016), et confirmé la chambre administrative (ATA/590/2017 du 23 mai 2017).

29) Le 12 décembre 2017, le département a persisté dans les termes de son recours.

En se prononçant sur l'opportunité de refuser ou non le projet en question en lien avec l'art. 59 al. 4 let. a LCI, le TAPI avait outrepassé le cadre de son contrôle prévu à l'art. 61 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). S'agissant de l'examen de la condition posée par l'art. 59
al. 2 let. b LCI, le contrôle ne pouvait se faire que sous l'angle de l'arbitraire. Or, le TAPI avait critiqué la pesée des intérêts effectuée par le département et non l'arbitraire de la décision. Pour ces motifs, le jugement devait être annulé.

Par l'adoption de la M 2'278, le Grand Conseil avait également validé l'interprétation de l'art. 59 al. 4 LCI défendue par le département.

Le département ne s'était à juste titre pas référé aux travaux préparatoires du projet de loi relatif à l'art. 13C LaLAT, dès lors que ceux-ci ne contenaient aucune indication utile en lien avec l'interprétation de l'art. 59 al. 4 LCI, la problématique abordée y étant certes connexe, mais toute autre.

Par ailleurs, tous les projets de densification du PDCn 2030 pouvaient être menés en parallèle, avec un certain décalage temporel en raison notamment du besoin de concertation. Lors de la séance du 18 octobre 2017 dans la salle communal de Confignon, intitulée « rencontre avec le Conseiller d'État Antonio Hodgers lors d'une séance publique sur la zone 5 ("zone villa") et les zones réservées », le département avait indiqué que l'objectif de ce secteur restait de le densifier par l'entremise d'une modification de zone avant 2030.

Il ne ressortait enfin pas de l'ATA/590/2017 que les préavis défavorables du SPI étaient devenus caducs par l'écoulement du délai d'une année prévu par
l'art. 13B LaLAT.

Le traitement de la parcelle litigieuse dans les objectifs de planification du SPI avait changé entre son préavis de 2015, duquel il ressortait que la parcelle serait mise en zone réservée, et celui du 16 décembre 2016, d'où il ressortait que la parcelle ne se trouvait plus dans un tel secteur à court terme, raison pour laquelle il était demandé de ne pas octroyer de dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI. Tant l'évolution de la situation que la vérification de l'adoption d'une éventuelle zone réservée justifiaient une réactualisation du préavis du SPI.

30) Le 22 janvier 2018, Argument a dupliqué.

Contrairement à ce qu'indiquait le département, la clause d'esthétisme contenue à l'art. 59 al. 4 LCI portait tant sur « l'appréciation des circonstances » que sur le « caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier ». Aussi, l'opportunité dont se prévalait le département pouvait uniquement porter sur l'examen de la clause d'esthétisme précitée, à l'exclusion de toute considération sur la planification du territoire. Cette disposition n'avait jamais eu pour vocation de créer une mesure conservatoire liée à la préservation des objectifs futurs de densification de la zone villa, sans modification de zone.

Selon le raisonnement suivi par le département, l'application de
l'art. 13C LaLAT permettait au propriétaire de retrouver la libre disposition de son terrain au bout de cinq ans, tandis qu'avec l'art. 59 al. 4 LCI, le propriétaire était privé de manière indéterminée de requérir la densification de sa parcelle. Le législateur n'avait pas souhaité une telle contradiction.

31) Le 18 janvier 2018, la commune a indiqué qu'elle s'en « rapportera[it] à décision de justice ».

Elle prenait note de l'annonce de M. HODGERS, citée par le département, lors de la séance du 18 octobre 2017. Elle était toutefois inquiète des restrictions des droits de propriétaires pour une durée qui ne pouvait pas être déterminée. À ce jour, aucun projet d'aménagement n'était envisagé sur la zone villa, ce qui se comprenait par l'ampleur des projets à réaliser en priorité à Bernex-Est et aux Cherpines. La période pendant laquelle la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI serait refusée était trop longue. Malgré l'objectif du PDCn 2030, il n'y avait aucune indication sur un délai réaliste.

32) Le 24 janvier 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

33) Les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le litige porte sur le refus du département d'accorder une autorisation de construire en tant qu'elle requiert la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, en raison de l’incompatibilité du projet avec l’objectif de densification de la cinquième zone concernée par des modifications de zones, tel que prévu dans le PDCn 2030.

Il convient d’examiner si c’est à bon droit que le TAPI a considéré que l'octroi de la dérogation, et donc l'autorisation de construire sollicitée, avaient été refusées à tort.

3) Le département considère que l'octroi de la dérogation sollicitée par l'intimée violerait l'art. 59 al. 4 LCI.

4) En cinquième zone, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 1 LCI).

Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI).

5) a. Avant d’autoriser un projet de construction en cinquième zone, dont la densité correspond à celle prévue par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, le département doit ainsi recueillir les appréciations de la CA, respectivement celles de la commune du lieu de situation exprimées sous forme de préavis rendu par l’exécutif municipal (art. 59 al. 4 let. a LCI ; art. 48 let. h et 30 al. 1 let. s a contrario de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013 ; ATA/719/2011 du 22 novembre 2011). Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/417/2009 du 25 août 2009 ; ATA/902/2004 du 16 novembre 2004). Dans le système prévu par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/699/2015 précité).

c. Il n’en demeure pas moins que la délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11c ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/699/2015 précité).

d. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références citées). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/373/2016 précité). De même, s’agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d’examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 précité).

6) a. Lorsque la loi autorise l’autorité administrative à déroger à l’une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un pouvoir d’appréciation qui n’est limité que par l’excès ou l’abus, la chambre de céans n’ayant pas compétence pour apprécier l’opportunité des décisions prises (art. 61 al. 2 LPA).

Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de le préciser, la première condition imposée par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l’opportunité, que la chambre de céans ne peut pas contrôler, alors que la seconde relative à la compatibilité du projet pose des critères relatifs à l’esthétique et à l’aménagement du territoire conférant un large pouvoir d’appréciation à l’autorité qui doit s’exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relève non pas de l’opportunité, mais de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, dont la chambre administrative est habilitée, selon
l’art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l’excès ou l’abus (arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2 et les références citées ; ATA/1485/2017 du 14 novembre 2017 consid. 8a).

La compatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier exigée par l’art. 59 al. 4 LCI est une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 et la jurisprudence citée).

b. L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/514/2018 du 29 mai 2018 consid. 4b ; ATA/281/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 consid. 5c et les références citées).

7) La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

Bien que les travaux préparatoires ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d’intérêt et peuvent s’avérer utiles pour dégager le sens d’une norme (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Ils ne seront toutefois pris en considération que s’ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu’ils trouvent expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b).

8) a. Depuis l'entrée en vigueur de la LCI en 1988, l'art. 59 LCI a fait l'objet de différentes modifications législatives (MGC 1989 22/II 2564-2573 ;
MGC 1993 29/IV 4128-4146 ; MGC 2002-2003 X A 5742-5745). L’art. 59 al. 4 let. a LCI, dans sa teneur actuelle, a été adopté le 30 novembre 2012 et est entré en vigueur le 26 janvier 2013. Il est issu d’une modification législative qui visait à promouvoir une utilisation plus intensive du sol en zone villas pour répondre à la crise du logement sévissant à Genève (exposé des motifs du projet de loi 10'891 modifiant la LCI du 15 novembre 2011 [ci-après : PL 10'891], MGC 2011-2012 II A p. 1335). Cette modification a, tout d’abord, porté l’IUS usuellement applicable dans ladite zone de 0,2 à 0,25 (0,275 lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique et 0,3 lorsqu’elle est conforme à un standard de très haute performance énergétique ; art. 59 al. 1 LCI). Pour les projets de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé, le législateur a, par ailleurs, augmenté, dans la mesure rappelée ci-dessus, les IUS dérogatoires susceptibles d’être autorisés par le département après consultation de la commune et de la CA (art. 59 al. 4 let. a LCI). Pour des projets de même type, mais implantés sur une parcelle ou un ensemble de parcelles contiguës d’une surface supérieure à 5'000 m2, des IUS dérogatoires encore plus élevés ont été prévus (0,5, 0,55 lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique et 0,6 lorsqu’elle est conforme à un standard de très haute performance énergétique), sous réserve que le département obtienne l’accord de la commune exprimé sous forme de délibération municipale et consulte ici encore la CA (art. 59 al. 4 let. b LCI).

Il ressort encore de l'exposé des motifs que ce projet de loi visait à fournir une alternative aux déclassements de la zone villas, laquelle était essentielle à l'équilibre sociologique du canton et à son attractivité (exposé des motifs du PL 10'891, MGC 2011-2012 II A p. 1335-1336). Auditionné lors des travaux en commission, le président de la Fédération des architectes et ingénieurs de Genève (ci-après : FAI) a relevé que ce projet de loi ne devrait s’appliquer qu’aux zones villas traditionnelles et non pas aux zones villas situées en zones urbaines et proche des moyens de transport puissants qui étaient vouées au déclassement. Il a précisé qu'en conséquence ce projet de loi n’était pas antagoniste aux déclassements. Également auditionné à cette occasion, le président de l'association genevoise d'architectes (ci-après : AGA) a rappelé que ce projet de loi visait à densifier la zone villas en créant davantage de logements. Il ne s’agissait pas dans son esprit d’aller à l’encontre du projet de PDCn. Dans cette mesure, il saluait sa rédaction (rapport de la CAC du 28 août 2012 sur le PL 10’891, MGC 2012-2013 II A p. 1438).

Lors des débats devant le Grand Conseil, une députée a relevé que ce projet de loi admettait la nécessité de densifier la couronne urbaine. Il s'était toutefois arrêté à mi-chemin : il préconisait de densifier la zone villas par de la villa alors que la solution, en fait, était de déclasser en zone 3 pour utiliser au maximum le potentiel de ces parcelles. Il était à craindre que, si ce projet de loi était élu dans l'esprit de ses auteurs, il ne serve en réalité qu’à infléchir la politique de développement de la zone villas et à freiner la lutte contre la pénurie de logements. Cela étant, le débat en commission avait amélioré cette proposition et lui permettait aujourd'hui d'accepter ce projet de loi comme étant une contribution à la densification pour les secteurs situés en zone villas qui ne se prêteraient pas à un déclassement en zone 3 (intervention Madame Irène BUCHE lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC 2012-2013 II D/9 p. 798). Un autre député a également relevé au cours de ce débat que : « (…) toute la zone villas ne sera pas déclassée ! C'est un fantasme de dire que toute la zone villas va disparaître ! Il est évident qu'elle ne sera pas déclassée. Elle doit être maintenue et elle doit être valorisée lorsque les déclassements en zone 3 ou en zone 4 ne sont pas nécessaires » (intervention de Monsieur François LEFORT lors du premier débat consacré au PL 10'891, MGC 2012-2013 II D/9 p. 799-800).

b. L'exposé des motifs du PL 11'411 relève notamment qu'un nombre important d'autorisations de construire avaient été délivrées ou étaient en cours d'examen dans les secteurs de la zone villas voués à une densification différenciée par modification de zone (fiche A03 du PDCn 2030) et utilisaient souvent les possibilités de densification offertes par les nouvelles dispositions de la LCI, modifiée le 30 novembre 2012, concernant les zones villas. Or, il était à noter que dans son esprit, cette nouvelle législation visait à permettre une densification modérée des zones villas dont le déclassement n’était pas envisagé pour 2030, mais en évitant de rendre plus difficile la mise en valeur de celles appelées à être densifiées de manière plus importante, par voie de modification des limites de zones (p. 3 et 4).

c. Au cours des travaux préparatoires relatifs à la modification de l'art. 59 LCI il a également été discuté de la question de savoir si le département devait être liée au texte législatif et donc obligé de délivrer une autorisation de construire lorsque les conditions de la loi étaient réunies, soit notamment celles de l’art. 59 al. 4 let. a LCI (MGC 2012-2013 II A 1435), ce que le projet de loi initial prévoyait effectivement. En l'occurrence, un amendement visant à revenir à la situation antérieure en indiquant que le département « peut autoriser » et ainsi lui rendre un pouvoir d'appréciation étendue a été adopté (MGC 2012-2013 II A 1446).

9) a. À titre préalable, il n'est pas contesté que la parcelle concernée par le projet litigieux se trouve dans un périmètre inscrit dans le PDCn 2030 et que le schéma directeur cantonal du PDCn 2030 renvoie pour ce périmètre à la fiche A03 qui prévoit une densification de la zone villa par modification de zone. À ce jour, il n'apparaît pas qu'un plan de modification des limites de zones ait été mis à l'enquête ou publié concernant la parcelle litigieuse.

Comme le relève le TAPI, la modification de l'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas pour origine une volonté de planification territoriale mais visait à permettre de densifier davantage la zone villa par voie dérogatoire. Toutefois, il ressort également des travaux préparatoires relatifs au PL 10'891 que si elle a été adoptée pour offrir une alternative aux déclassements, elle visait, dans l'esprit de plusieurs députés, à permettre la densification des secteurs situés en zone villas ne se prêtant pas à un déclassement selon le PDCn 2030. Cette interprétation de la volonté du législateur est d'ailleurs confortée tant par l'exposé des motifs du PL 11'411 précité que par l'adoption ultérieure de la M 2'278 invitant le Conseil d'État à faire une application restrictive de l’art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villas destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans.

De plus, comme le relève Argument, l'art. 59 LCI figure dans la liste des bases légales propres à atteindre les objectifs de la fiche A04 du PDCn 2030, laquelle traite de la densification sans modification de la zone villas. Il n'est en revanche pas mentionné dans la liste des bases légales propres à réaliser les objectifs de la fiche A03 du PDCn 2030, laquelle traite la densification de la zone villas par modification de zone. Cet élément tend à renforcer l'idée selon laquelle la dérogation précitée est un outil de densification spécifique des secteurs situés en zone villa ne se prêtant pas à un déclassement selon le PDCn 2030.

b. En l'occurrence, le département a considéré que les circonstances du cas d'espèce ne justifiaient pas l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sous peine de mettre en péril l'objectif de densification de la zone villas par modification de zone tel que défini par le PDCn 2030. Ce faisant, le département a considéré que la première condition de l’art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, n'était pas remplie, ce qu'il continue d'affirmer dans le cadre de la présente procédure. Or, comme susmentionné, cette condition relève de l’opportunité. La chambre de céans - tout comme le TAPI - n'est ainsi pas compétente pour apprécier la question de savoir si les circonstances justifiaient ou non la dérogation en question.

Il est vrai que tant la commune que la CA - dont les préavis sont obligatoires - ont délivré un préavis favorable à la délivrance de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI. Toutefois, rien ne permet de considérer que le département se serait laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Il apparaît au contraire que le département a fondé sa décision - suivant alors également le préavis du SPI - sur le fait que l'octroi de la dérogation sollicitée risquait de compromettre la densification de la zone villas par modification de zone prévue par le PDCn 2030. Ce faisant, le département n'a pas arbitrairement étendu son pouvoir d'examen en tenant compte d'éléments relevant de la planification cantonale et a rendu une décision conforme à la loi, dont les buts ressortent notamment des travaux préparatoires susmentionnés et de la M 2'278.

Dans ses circonstances, il convient de retenir que le département ne s'est pas écarté sans motifs prépondérants, dûment pesés, des préavis requis, de sorte que le TAPI ne pouvait y substituer sa propre appréciation et considérer que ce dernier avait violé l'art. 59 al. 4 LCI en refusant d'octroyer la dérogation sollicitée.

10) Le TAPI a retenu, suivant la position de l'intimé, que le refus d'accorder à ces derniers la dérogation litigieuse violait la garantie de propriété et plus particulièrement le principe de la proportionnalité, ce que conteste le département.

a. À teneur de l’art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la propriété est garantie. Cette garantie constitutionnelle comprend la faculté de disposer de son terrain dans les limites des lois et des plans d’affectation du sol. Pour être admissible, sa restriction doit répondre aux exigences de l’art. 36 Cst., soit reposer sur une base légale (al. 1 ; ATF 135 I 233 consid. 2.1), répondre à un intérêt public (al. 2 ; ATF 140 I 201 consid. 6.7 ; 137 I 167 consid. 3.6) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3 ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 p. 173 ; 135 I 233 consid. 3.1).

En matière de restrictions aux droits fondamentaux, une atteinte grave exige en principe une base légale formelle, claire et précise, alors que les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale (ATF 135 I 233 consid. 2.1 ; 130 I 16; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2015, n. 481). Constituent une atteinte grave à la garantie de la propriété, nécessitant une base légale formelle, les mesures par lesquelles la propriété foncière se trouve enlevée de force, ou les interdictions et prescriptions qui rendent impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation conforme à la destination (ATF 115 Ia 365). En revanche, l'obligation de réserver une partie d'un bâtiment à une affectation déterminée ne constitue pas une atteinte grave
(ATF 115 Ia 378 consid. 3b/bb).

Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité); il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; 135 I 233 consid. 3.1).

b. En l'occurrence, il est douteux que l'on puisse considérer que le refus d'accorder la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI constitue une véritable restriction à la garantie de propriété dès lors qu'il n'est pas fait interdiction à la requérante de disposer de sa parcelle dans les limites des lois et des plans d’affectation du sol relatifs à la zone villa ; seule une dérogation auxdites limites lui est refusée. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

D'une part, le projet litigieux ne respecte pas la législation applicable à la zone villas, celui-ci dépassant les indices du sol ordinaires prévus à l'art. 59 al. 1 LCI, ce qui explique la nécessité d'obtenir une dérogation en application de l'art. 59 al. 4 LCI. Or, comme exposé ci-avant, les conditions permettant d'obtenir ladite dérogation ne sont pas réalisées en l'espèce. Par conséquent, la décision de refus querellée repose sur une base légale, qui plus est formelle, et non pas uniquement sur une pratique administrative comme semble le soutenir les intimés.

D'autre part, la condition de l'intérêt public est également remplie - ce que la chambre de céans a déjà admis dans l'ATA/659/207 précité consid. 6c portant sur une affaire similaire - dans la mesure où la décision attaquée se fonde sur l’objectif de densification de la cinquième zone par modification de zone selon la fiche A03 du PDCn 2030 qui prévoit de classer, notamment, la parcelle litigieuse dans des zones permettant de densifier de manière plus importante et de construire ainsi un nombre de logements plus élevé que celui prévu par le projet refusé. En effet, comme le relève le département, le projet de la requérante prévoit un IUS de 0.44, lequel est nettement inférieur aux IUS de 0.80 et 1.20 de la fiche A03 du PDCn 2030. Or, la nécessité de construire un nombre plus important de logements en cas de pénurie dans ce domaine satisfaisait à l'exigence d'un intérêt public (ATA/436/2018 du 8 mai 2018 8f et 8g et la référence citée). Cet intérêt public est du reste expressément indiqué par le Grand Conseil à l’appui de la M 2'278. En outre, l’intérêt public d’une densification par modification de zone prime sur l’intérêt privé de la requérante à densifier leur parcelle au sens de la dérogation prévue par l’art. 59 al. 4 let. a LCI, dans ce contexte de pénurie de logements.

La condition de la proportionnalité est également réalisée dans la mesure où le refus de l’autorisation de construire est apte à produire le résultat escompté, soit éviter que la future densification par modification de zone prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. Ce refus respecte en outre la règle de la nécessité, puisque l'objectif visé ne peut pas être atteint par une mesure moins incisive. Il ressort de plus du paragraphe précédent que la pesée des intérêts en présence respecte le principe de la proportionnalité au sens étroit. Le TAPI, pas plus que les intimés, ne démontre de manière convaincante que l'intérêt à la dérogation primerait sur les objectifs de densification ressortant du PDCn 2030. Contrairement à ce que prévaut par exemple lors de l'adoption d'une zone réservée, la requérante n'est pas empêchée en l'espèce de construire sur son terrain conformément à la zone villa. La décision de refus du département ne prive ainsi pas la requérante de la possibilité de soumettre une nouvelle requête pour un projet de construction prévoyant une surface habitable compatible avec l'art. 59
al. 1 LCI et, partant, ne nécessitant pas de dérogation. Elle pourra également soumettre une nouvelle requête comprenant un nombre plus élevé de logements lorsqu’un plan d’affectation aura été adopté.

S'agissant de l'argument soulevé par le TAPI - selon laquelle le refus d'octroyer la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI ne connaît aucune limite temporelle - il n'est pas de nature à modifier ce qui précède. D'une part, il existe une limite temporelle fixée à l'horizon 2030, laquelle résulte de la mise en œuvre du PDCn 2030. Par ailleurs, s'il est indispensable que des instruments juridiques tels que le refus conservatoire et l'adoption d'une zone protégée - lesquels empêchent les propriétaires de disposer librement de leur terrain pour y construire selon les normes en vigueur dans la zone concernée - connaissent une limite temporelle précise, tel n'est pas le cas pour le refus d'accorder une dérogation lequel ne prive pas les propriétaires de pouvoir édifier des constructions conformes à la zone topique. Contrairement à ce que semble soutenir le TAPI et les intimés, la manière dont le département fait application de l'art. 59 al. 4 LCI n'est aucunement assimilable à une mesure conservatoire, laquelle ne serait effectivement pas admissible faute de base légale formelle. Toute analogie avec l'art. 13C LaLAT qui traite des zones réservées est ainsi sans fondement.

C'est ainsi à tort que le TAPI a considéré que le refus d'accorder la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI et, partant, l'autorisation sollicitée, violait la garantie de la propriété et le principe de la proportionnalité.

11) Argument soutient encore que la pratique administrative, sur laquelle reposerait la décision de refus d'autorisation de construire, violerait l'art. 13B LaLAT. Elle reproche en substance au département d'avoir sollicité à nouveau le préavis du SPI, alors que l'instruction du dossier était terminée et qu'aucun changement législatif n'avait eu lieu, en particulier concernant l'art. 59 al. 4 LCI, à l'exception d'une modification de la pratique administrative qui ne pouvait être considérée comme un changement législatif.

a. Conformément à l’art. 13B al. 1 LaLAT, lorsque l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol paraît nécessaire, à l’effet de prévenir une construction qui serait de nature à compromettre des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics, le département peut refuser une autorisation de construire sollicitée en vertu de l’art. 1 LCI.

Il ne peut s’écouler plus de deux années entre la décision de refus et l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol, la mise à l’enquête du projet devant intervenir dans les douze mois à compter de la décision de refus. À défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d’affectation du sol en vigueur, soit, dans les zones de développement, selon les normes de la zone ordinaire ou selon le plan d’affectation spécial en force (art. 13B al. 2 LaLAT ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017).

Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a considéré qu’au terme de la période de conservation, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain selon les normes en vigueur, sans que l’autorisation qui a été refusée ne soit délivrée automatiquement, ce qui se justifie puisque, pour des motifs d’économie de procédure, les refus conservatoires n’évoquent pas les questions de fond (ATA/590/2017 précité ; ATA/129/2010 du 2 mars 2010 ; RDAF 2011 I
p. 14-15). Dans une affaire, la chambre administrative a toutefois renvoyé le dossier au département pour délivrance de l’autorisation de construire requise dès lors que l'ensemble des préavis utiles avait été recueillis et étaient favorables (ATA/448/2013 du 30 juillet 2013).

b. À titre préalable, il convient de relever, comme établi au considérant précédent, que la décision de refus du département est fondée sur une base légale, qui plus est formelle, et non pas uniquement sur une pratique administrative comme semble le considérer l'intimée.

Nonobstant, comme exposé ci-avant, le fait qu'Argument ait repris la libre disposition de son terrain au terme de la période conservatoire n'impliquait pas qu'elle obtienne de facto l'autorisation de construire sollicitée, quand bien même tous les préavis utiles avaient été requis, étant précisé que celui du SPI était défavorable.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l'intimée, il ne ressort nullement de l'ATA/590/2017 précité - pas plus que du JTAPI/1163/2016 précité - que les préavis du SPI auraient dû être écartés, étant devenus caducs suite à l'écoulement du délai d'une année prévu à l'art. 13B LaLAT. Si dans ledit arrêt, la chambre de céans a relevé que le département ne pouvait, sous peine de violer le principe de la bonne foi, faire une nouvelle fois application de l'art. 13B LaLAT pour refuser le projet soumis (consid. 3f), elle n'a aucunement considéré que les préavis rendus avant le prononcé du refus conservatoire étaient devenus caducs. Argument n'explique d'ailleurs pas pourquoi, selon elle, seuls les préavis du SPI ne devraient plus être pris en compte du fait de l'écoulement du temps, et non pas ceux, par exemple, de la CA ou de la commune. Par ailleurs, s'agissant de la présente affaire, s'il est vrai que le SPI avait déjà émis un préavis lors de l'examen initial de l'autorisation de construire - à la suite duquel le refus conservatoire a été prononcé - il ne peut être reproché au département d'avoir requis à nouveau un tel préavis s'il considérait celui-ci nécessaire à l'examen de la demande d'autorisation de construire sollicitée à nouveau le 19 septembre 2016. Il se justifiait au contraire de solliciter à nouveau le SPI compte tenu du changement de pratique administrative intervenu dans l'intervalle.

Partant, le grief de l'intimé, mal fondé, sera écarté.

12) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le jugement querellé sera annulé. La décision de refus d’autorisation du 31 janvier 2017 sera rétablie. S'agissant de la décision relative à la taxe d'enregistrement et d'émolument du même jour, il sera donné acte au département de ce qu'il a considéré, par courrier du 11 mai 2017 adressé au TAPI, que son montant devait être ramené à
CHF 3'250.-, au lieu de CHF 3'500.-.

13) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des intimées, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2017 par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2017 ;

rétablit la décision du département du territoire du 31 janvier 2017 de refus d'autorisation de construire ;

rétablit la décision du département du territoire du 31 janvier 2017 mettant à la charge d'Argument SA une taxe d'enregistrement et un émolument ;

donne acte au département du territoire de ce que la taxe d'enregistrement et d'émolument est ramenée à CHF 3'250.- ;

met à la charge d'Arguments SA et de la commune de Confignon, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire, à Me Julien Pacot, avocat d'Argument SA, à la commune de Confignon, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à Monsieur Alain HOSTETTLER, pour information.

Siégeant : M. Thélin, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :