Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/7544/2016

AARP/15/2024 du 21.12.2023 sur JTDP/166/2023 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.02.2024
Descripteurs : IN DUBIO PRO REO;APPRÉCIATION ANTICIPÉE DES PREUVES;USURE(DROIT PÉNAL);FIXATION DE LA PEINE;PRINCIPE DE L'ACCUSATION;UTILISATION FRAUDULEUSE D'UN ORDINATEUR
Normes : CP.157; CP.147; CP.47; CP.49; CPP.9; CP.137; CP.138; CP.139
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7544/2016 AARP/15/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 décembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me AC______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/166/2023 rendu le 9 février 2023 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 9 février 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'usure (art. 157 ch. 1 du code pénal suisse [CP]) et d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), et l'a condamnée à une peine privative de liberté de 15 mois, avec sursis (délai d'épreuve de trois ans), ainsi qu'à payer CHF 6'000.- à B______, avec intérêt à 5% dès le 1er janvier 2017, en réparation du tort moral, frais de la procédure en CHF 5'655.- à sa charge, émoluments de jugement (CHF 600.-) et complémentaire (CHF 1'200.-) compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, ainsi qu'à son indemnisation pour ses frais d'avocat de première instance de CHF 7'512.10, conformément à son état de frais du 9 février 2023, et d'appel.

b.a. Selon l'acte d'accusation du 3 février 2022 et l'acte d'accusation complémentaire du 25 novembre 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

b.b. Elle a engagé B______, née en 1964, d'origine malienne et dont la situation financière était obérée, en qualité d'employée de maison, et l'a fait venir à Genève, le 14 juillet 2014 en provenance du Mali. Elle lui a procuré, en sa qualité de diplomate, une carte de légitimation lui donnant le droit de séjourner et travailler à Genève, qu'elle a conservée pour le compte de son employée. B______ était en charge de l'ensemble des tâches ménagères et de la garde de ses deux enfants, dont D______ qui souffrait d'autisme. Son emploi a duré du 14 juillet 2014 au 15 novembre 2015, date à laquelle elle l'a quitté.

Durant cette période, A______ a fait travailler plus de 15 heures par jour B______, y compris les week-ends et parfois même la nuit pour s'occuper de D______, sans lui octroyer de vacances ou de congé, alors que le contrat de travail du 28 mai 2014, contresigné le 6 juin 2014 par A______, prévoyait notamment un salaire mensuel de CHF 1'300.-, versé 12 fois l'an, pour une durée hebdomadaire de travail de 40.5 heures, à raison de sept heures et demi par jour durant la semaine, et trois heures le samedi matin, de 9h00 à 12h00, quatre semaines de vacances payées, la nourriture, le logement et l'assurance-maladie étant fournis en sus.

b.c. Le 9 septembre 2014, à Genève, A______ a également conservé la carte bancaire liée au compte [auprès de la banque] E______ dont B______ était titulaire, après l'avoir accompagnée pour qu'elle ouvre ledit compte et lui avoir fait signer une procuration lui donnant accès à celui-ci.

Entre le 25 septembre 2014 et le 22 décembre 2015, A______ a ainsi versé chaque mois sur ce compte bancaire CHF 1'300.- à titre de salaire, puis entre le 27 septembre 2014 et le 30 septembre 2015, elle a régulièrement retiré, depuis des distributeurs automatiques de billets, des espèces à 13 reprises, variant entre CHF 300.- et CHF 3'000.-, pour un total de CHF 16'500.-, qu'elle a conservés, dans un dessein d'enrichissement et sans les remettre à B______, hormis CHF 3'000.- en juin ou juillet 2015 puis, dès le mois suivant, CHF 400.- par mois.

Après l'intervention du Bureau de l'Amiable Compositeur (BAC), A______ a finalement versé, le 13 janvier 2016, CHF 13'283.- à B______.

b.d. A______ a ainsi profité intentionnellement de la situation de dépendance économique et d'isolement de B______, laquelle maîtrisait mal le français et ne connaissait qu'une personne qu'elle avait rencontrée au Mali, de l'inexpérience de celle-ci et du fait qu'elle était dépendante de la carte de légitimation pour séjourner à Genève, afin de la faire travailler sans la rémunérer pendant environ un an, puis en lui versant un salaire en totale disproportion avec ses tâches.

Elle a également agi dans le but de s'enrichir sans droit à concurrence des montants qu'elle a retirés et dont elle n'a pas remis la contre-valeur à B______, lui causant un dommage correspondant.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

Plainte pénale et déclarations de B______

a.a.a. Le 22 avril 2016, B______ a déposé une plainte pénale, qu'elle a complétée le 8 novembre 2016 et confirmée par-devant le Ministère public (MP), à l'encontre de A______, pour usure et traite d'êtres humains.

Mariée à l'âge de 14 ans au Mali, pays d'où elle est originaire, elle n'avait jamais été scolarisée. Elle ne savait ni lire ni écrire mais parlait le français et le bambara. Son époux s'était toujours chargé des aspects financiers du ménage. Après son divorce, elle avait dû subvenir seule à ses besoins. N'ayant plus de famille, elle avait été hébergée gratuitement par une amie car ses activités dans la coiffure et dans la vente de vêtements lui permettaient uniquement de payer sa nourriture. En 2014, sur conseils de F______, notaire à G______ [Mali] et amie proche de A______, elle avait accepté de travailler pour cette mère de deux enfants, dont une était atteinte d'autisme, en qualité d'employée domestique, à son domicile situé à Genève. Son interlocutrice l'avait assurée que sa situation serait bien meilleure qu'au Mali, qu'elle serait bien payée et entourée. A______ lui avait aussi confirmé par téléphone son souhait de l'engager, sans mentionner toutefois ses conditions de travail et son salaire. Les garanties données quant à l'amélioration de sa qualité de vie l'avaient convaincue d'accepter cet emploi. Une semaine environ après cet entretien téléphonique, accompagnée de l'assistant de F______, elle avait signé des documents à l'ambassade Suisse à G______[Mali], qui avaient été traduits par l'assistant, lequel l'avait informée du coût de la vie en Suisse et de ses conditions de travail, notamment de son salaire mensuel de CHF 1'300.- pour huit heures de travail par jour.

A______, qui avait financé son billet d'avion, s'était occupée de toutes les démarches administratives, et lui avait remis une carte de légitimation de type F. Elle était arrivée à Genève le 14 juillet 2014 et avait débuté son travail le lendemain. Son employeuse résidait dans une grande maison de trois étages avec son concubin et ses deux enfants, H______ et D______, laquelle était âgée de 17 ans, ce qui lui avait été tu, et atteinte d'un autisme sévère. Sa mère refusant de la médicaliser, l'adolescente avait besoin d'une attention permanente, était très agressive et la frappait quotidiennement, lorsqu'elle était contrariée, ou pouvait jeter tout ce qu'elle trouvait autour d'elle et casser la vaisselle. Dès 6h00, elle réveillait D______ et la préparait en vue de son départ à 8h15 pour un établissement spécialisé, tâche qui pouvait prendre entre une ou deux heures selon l'humeur de l'adolescente, qui se déshabillait et déchirait parfois ses vêtements. Elle préparait en parallèle le petit-déjeuner pour toute la famille. Après le départ des enfants, elle effectuait le ménage, ce qui consistait à nettoyer et à ranger les dégâts causés par D______, puis à s'occuper de la chambre de A______, des toilettes et de la salle de bain. Elle préparait également le déjeuner de H______ à midi, puis se chargeait de D______ à son retour vers 16h30 et du repas du soir. Il fallait prévoir et congeler beaucoup de nourriture dès lors que D______ cassait souvent les plats préparés et s'impatientait si elle n'était pas servie rapidement. Les enfants ne pouvant manger ensemble, elle nourrissait d'abord D______ vers 18h00, puis H______. Après le repas, elle devait coucher l'adolescente à 20h00, ce qui pouvait s'avérer très difficile et pénible car celle-ci ne voulait pas dormir. Ses journées se terminaient généralement vers minuit mais elle était régulièrement amenée à veiller sur l'adolescente jusqu'à 2h00-3h00. Elle devait en sus servir le repas aux parents, qui mangeaient au plus tôt à 21h00, avant de débarrasser et de nettoyer la cuisine. Son employeuse était absente de 9h30 à 19h00-20h00. Ses journées de travail étaient longues et difficiles, s'occuper constamment de D______, qui avait beaucoup de force, étant une tâche épuisante.

Durant le week-end, son travail était plus difficile puisqu'elle devait accomplir ses tâches usuelles, tout en surveillant l'adolescente, qui ne parlait pas et était confinée à la maison. Lorsque son père était présent, il prenait parfois le relai. Durant son engagement, elle n'avait bénéficié ni de vacances ni de jour de congé.

A______, qui était très exigeante et de plus en plus dure, la dénigrait, répétait constamment qu'elle ne servait à rien, lui reprochait les comportements de sa fille et l'insultait. Elle lui interdisait de sortir de la maison ou de téléphoner, l'obligeait à se laver avec les produits d'entretien et ne lui laissait aucune intimité, pénétrant fréquemment dans sa chambre, petite et encombrée, sans permission.

Peu après son arrivée en Suisse, A______ l'avait accompagnée à la banque E______ pour ouvrir un compte (IBAN 1______), que celle-ci gérait seule, étant au bénéfice d'une procuration. De son côté, elle n'avait jamais eu accès audit compte ni été en possession de la carte bancaire y relative.

De juillet 2014 à juillet 2015, malgré ses réclamations, elle n'avait reçu aucun salaire, à l'exception de CHF 3'000.- remis en juin ou juillet 2015, correspondant, selon son employeuse, à un salaire mensuel de CHF 300.-, somme qui lui avait ensuite été remise mensuellement en espèces, hormis durant deux mois où elle avait perçu CHF 400.-. Elle n'avait compris l'existence du compte E______ ouvert à son nom par A______, sur lequel celle-ci avait crédité chaque mois CHF 1'300.-, que lorsqu'elle avait souhaité en ouvrir un pour déposer l'argent perçu. Elle avait alors découvert que des montants équivalents à ceux versés avaient été régulièrement retirés depuis un bancomat situé près de l'Organisation I______. Durant 12 mois, A______ ne l'avait pas informée qu'un salaire avait été versé sur son compte bancaire, et qu'elle effectuait des retraits de fonds. Elle n'avait jamais reçu de la documentation bancaire.

Le 15 novembre 2015, elle avait quitté son emploi après s'être plainte de ses conditions de travail, en particulier de la difficulté liée au comportement violent de D______ et de son faible salaire. A______ lui avait précisé qu'elle n'aurait aucune difficulté à la remplacer par une personne sans permis.

Sous les auspices du BAC, qu'elle avait contacté en octobre 2015 pour faire valoir ses droits, A______ lui avait versé CHF 13'283.- sur la base d'un protocole d'accord transactionnel du 19 février 2016, qu'elle avait pour sa part refusé de signer car il ne prenait pas en compte l'ensemble de ses prétentions salariales.

a.a.b.a. À l'appui de sa plainte, B______ a produit son contrat de travail du 6 juin 2014. Il en ressort qu'elle avait pour tâches le ménage, la cuisine, le blanchissage ainsi que la garde des enfants et devait travailler 40.5 heures par semaine, soit sept heures et demi par jour, du lundi au vendredi, et trois heures le samedi matin, de 9h00 à 12h00. Elle disposait d'une pause d'une heure au minimum pour chacun de ses repas ainsi que d'une pause supplémentaire quotidienne d'une même durée, de quatre semaines de vacances payées et d'une indemnité équitable de CHF 33.- par jour pendant les vacances, en compensation du salaire en nature (logement et nourriture), en sus des jours fériés usuels en Suisse (au nombre de huit). Son salaire mensuel net était de CHF 1'300.-, versé douze fois l'an le 25 de chaque mois, et les heures supplémentaires étaient majorées de 50% le dimanche et les jours fériés, et de 100% entre 23h00 et 6h00. En sus des prestations en espèces et en nature (logement et nourriture), A______ prenait en charge ses primes d'assurance-maladie et ses frais de voyage (tous les deux ans) pour ses vacances, et lui payait des cartes téléphonique à CHF 10.- par mois, des habits et divers cadeaux.

B______ a également produit le courrier du BAC du 4 mars 2016, accompagné du protocole transactionnel du 19 février 2016, deux documents signés par ses soins les 28 mai et 4 juillet 2014, et intitulés "déclaration de garantie du/de la domestique privé/e" et "déclaration du/de la domestique privé/e qu'il/elle a compris le contenu de son contrat de travail", ainsi qu'une "déclaration de garantie de l'employeur" signée par A______ le 6 juin 2014, laquelle confirme avoir pris connaissance des dispositions de l'Ordonnance sur les conditions d'entrée, de séjour et de travail des domestiques privés des personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités du 6 juin 2011 (Ordonnance sur les domestiques privées [ODPr]), en particulier celles ayant trait aux conditions de travail et de salaire du domestique privé, s'engage à les appliquer ainsi qu'à respecter les clauses du contrat de travail conclu avec l'employée, et atteste n'avoir pas trouvé de domestique privé en Suisse, malgré les démarches effectuées en ce sens.

a.a.b.b. Un mois après le dépôt de sa plainte, elle a versé à la procédure le rapport de consultation établi le 2 mai 2016 par un médecin adjoint responsable aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), dont il ressort qu'elle a été reçue aux HUG à quatre reprises entre le 30 novembre 2015 et le 25 janvier 2016. Dès la première consultation, elle avait indiqué avoir accepté de travailler pour une malienne de Genève comme employée de maison et de garder sa fille autiste, pensant trouver une nouvelle famille et le travail de sa vie. Or, elle avait travaillé sept jours sur sept et n'avait pas été payée pendant des mois. Son ex-employeuse lui avait ouvert un compte bancaire, auquel elle n'avait jamais eu accès, et retirait l'argent qui lui était destiné. La fille autiste était violente, faisait régulièrement des crises avec des bris d'objets et l'avait frappée à plusieurs reprises à coups de poing et de bâton. Les parents qui l'employaient l'avaient contrainte de les accompagner en Côte d'Ivoire et avaient été psychologiquement et matériellement violents à son égard, lui interdisant de sortir, de quitter son poste et de téléphoner, l'obligeant à remettre sa carte de résidence, la menaçant de la renvoyer au Mali si elle partait et ne lui mettant pas à disposition une chambre privée. Elle avait cependant pu aller voir quelques fois son amie J______ qui l'avait beaucoup aidée.

Elle présentait des symptômes anxieux en lien avec sa situation d'exploitation au travail (honte, sentiment d'échec et peur) et avait souffert de douleurs multiples, dont au dos suite aux coups reçus, ainsi que d'un manque de sommeil dans la mesure où elle était toujours sur ses gardes. Elle était toutefois attachée à la fille qu'elle gardait, comme une mère avec son enfant ("l'enfant a besoin de moi… elle souffre"). Elle avait également évoqué des facteurs de vulnérabilité comme l'analphabétisme, la migration, l'isolement social et la précarité.

a.b. Au cours de la procédure préliminaire, B______ a précisé que, durant plus de 10 ans après son divorce, elle avait fait du petit commerce dans la coiffure (tresses) et dans la vente de vêtements (robes). Elle n'avait pas de revenu fixe vendant sa marchandise parfois à crédit. Cela lui avait toutefois suffi pour vivre, étant hébergée chez une amie. À G______, F______ lui avait proposé de travailler pour A______, fonctionnaire internationale, à Genève au lieu de faire du petit commerce, précisant que ce serait comme une famille pour elle. Elle avait déjà voyagé dans plusieurs régions en Afrique auparavant (K______, L______ [Togo] et M______ [Sénégal]), mais jamais en Europe. F______ lui avait précisé que ses tâches consisteraient à garder les deux jeunes enfants, en particulier celle malade, dont elle lui avait beaucoup parlé, sans toutefois mentionner son âge, et faire le ménage. Les documents qu'elle avait signés à la demande de F______, en laquelle elle avait confiance, à l'ambassade Suisse à G______[Mali], ne lui avaient en réalité pas été traduits par son assistant. Hormis J______, ressortissante malienne, qu'elle avait retrouvée huit mois après son arrivée, elle ne connaissait personne à Genève.

Outre les tâches déjà mentionnées, elle devait faire la lessive (une fois par semaine) et le repassage (en fonction des besoins). D______ cassait tout en apercevant sa mère, comme si elle voyait une "diablesse", si bien que A______ lui reprochait d'avoir commis elle-même les dégâts causés par D______, en l'insultant et en la rabaissant. Lorsque cette dernière faisait des crises la nuit, A______ la réveillait en lui disant "ta copine a commencé", sachant pertinemment qu'elle recevait régulièrement des coups de la part de sa fille. Elle ne sortait pas durant les journées. Elle n'avait eu ni congé ou vacances, ni n'avait fait aucune activité, à l'exception de cours de français, de deux heures une fois par semaine, débutés environ une année après son arrivée à Genève, sur conseil et avec l'aide financière de J______ ainsi qu'avec l'accord de A______.

Elle a ajouté qu'à son arrivée à Genève, A______, qui avait conservé sa carte de légitimation durant deux mois, lui avait conseillé d'économiser, précisant qu'elle lui fournirait ce dont elle aurait besoin, notamment pour sa toilette. À la banque, elle avait signé des documents en faisant confiance à A______, vu son manque de maîtrise du français et le fait qu'elle n'avait jamais détenu de compte bancaire auparavant. Elle n'avait jamais souhaité économiser pour l'achat d'une maison au Mali. Malgré ce qui avait été convenu contractuellement, elle n'avait reçu aucun salaire durant un an. Elle s'était plainte de ses conditions de travail à A______ uniquement par l'intermédiaire de F______, notamment pour que celle-ci la prie de la payer et parce qu'elle avait pitié de D______. A______ avait répondu que son employée n'avait pas besoin d'argent, puis finalement qu'elle ne pouvait la payer que CHF 300.- mois. Un mois après, elle avait reçu CHF 3'000.-, qu'elle avait dépensés en partie en Côte d'Ivoire (K______) où elle avait accompagné ses employeurs pour s'occuper de D______, puis ensuite à trois reprises CHF 400.- par mois en espèces. Aucun décompte manuscrit des montants que A______ lui aurait remis n'avait été établi. Elle avait découvert l'existence de son compte bancaire lorsqu'elle avait voulu déposer son argent à la banque E______. Elle avait finalement placé ses avoirs auprès de N______ après y avoir ouvert un compte bancaire avec J______, de crainte que A______ puisse avoir accès à son argent s'il était déposé à E______. Ce n'était qu'ultérieurement qu'elle avait révoqué la procuration en faveur de A______.

Elle s'était sentie minable et avait vécu cela comme de "l'esclavage pur et dur".

Après avoir quitté son emploi, en raison notamment du fait que son employeuse refusait de la payer davantage, elle avait eu des problèmes médicaux pendant plusieurs mois, puis avait fait du bénévolat et travaillé pour le compte de O______.

Elle craignait désormais A______, mécontente des procédures qu'elle avait intentées contre elle et qui allaient avoir des conséquences, selon les dires des habitants de G______. Elle aimait toutefois particulièrement D______ et elle avait apprécié passer du temps avec elle. Elle avait même conseillé à A______ de médicamenter sa fille, plutôt que de la soigner avec des traitements traditionnels (feu et fumée), ce qu'elle avait refusé.

a.c.a. Devant le premier juge, B______ a ajouté qu'elle ne comprenait pas le français mise à part les salutations. Elle avait accepté cet emploi car elle aimait les enfants et on lui avait assuré un meilleur salaire, qu'elle avait attendu un an pour réclamer car son employeuse prétendait qu'elle n'en avait pas besoin. Malgré ses plaintes, F______ était également intervenue tardivement. Elle avait accompagné son employeuse pour ouvrir un compte bancaire car celle-ci lui avait dit qu'elle y verserait son salaire. Elle n'avait toutefois vu ni les relevés bancaires, ni la carte bancaire E______, et n'avait pas autorisé A______ à utiliser celle-ci pour effectuer des prélèvements. Elle n'avait fait aucun retrait sur ce compte, pas même après la fin de ses relations de travail. Il était faux de prétendre qu'elle avait été traitée comme "une reine", qu'elle n'était pas à la maison durant les journées, qu'elle avait dépensé son argent, étant rappelé que son employeuse ne lui avait rien versé, hormis CHF 3'000.- correspondant, selon A______, à une année de salaire, ou encore que celle-ci lui avait remis des sommes d'argent, soi-disant répertoriées sur des reçus rédigés avec l'aide de H______.

D______ était collée à elle en l'absence de sa mère et très nerveuse lorsque celle-ci rentrait à la maison, raison pour laquelle elle cassait tout. L'adolescente lui avait occasionné toutes les cicatrices qu'elle avait. Elle n'avait pas mis un terme à son contrat plus tôt car elle compatissait pour D______, qu'elle considérait comme sa propre fille. Elle n'avait pas eu de détail sur sa santé ou sur son âge et avait découvert à son arrivée à Genève qu'elle était déjà grande, alors qu'elle l'avait imaginée bébé. Elle ne pouvait pas sortir de la maison et laisser seule "l'enfant malade", y compris lorsque les parents étaient là, car c'était pire.

De son côté, elle était depuis malade. En 2016, elle avait subi une grosse opération et à cause de cette histoire, elle ne dormait plus bien la nuit.

A______ lui avait payé le montant pour lequel elle avait été condamné, selon l'arrêt du Tribunal fédéral (TF) du 26 juillet 2021 (cf. infra let. B.b.a.). Elle n'avait remis aucun décompte au BAC.

a.c.b. B______ a déposé des conclusions civiles en réparation de son tort moral, équivalent à CHF 15'000.-, avec intérêts moyens à 5% dès le 1er janvier 2017, et produit deux rapports de suivi psychothérapeutique, faisant état d'une prise en charge dès septembre et octobre 2016, et établis le 24 août 2022 par une psychologue – psychothérapeute FSP de la Fondation P______, et le 9 septembre 2022 par une psychiatre et psychothérapeute FMH, médecin référent de l'Association Q______, ainsi que par une psychologue spécialisée en psychothérapie FSP.

Outre les anamnèses y figurant, qui coïncident dans une très large mesure avec les déclarations de B______ durant toute la procédure, les rapports concluent tous deux à un diagnostic de trouble de stress post-traumatique complexe.

Le premier rapport fait état de symptômes entravant de manière significative le fonctionnement et les performances sociales de la patiente (détresse psychique intense, réactions physiologiques marquées, pleurs incontrôlés, inquiétude constante, ruminations récurrentes et pénibles, sensation d'avoir la tête lourde et embrouillée, pression dans la poitrine, maux de tête et d'estomac, palpitations, fatigue extrême et sommeil perturbé, stratégies d'évitement, sentiments de culpabilité vis-à-vis de D______, de ne plus être la même personne, de tristesse, de colère et d'humiliation, peur de représailles, difficultés de concentration et à réaliser des activités autrefois appréciées), lui occasionnant une souffrance et un isolement social importants, la patiente ayant même évoqué des idées noires et une envie de mourir. Bien qu'une partie de ses symptômes se soient atténués progressivement, certains persistent. L'évocation de son ancien emploi déclenche une détresse émotionnelle importante et une baisse d'humeur, des troubles du sommeil ainsi qu'une nervosité extrême se présentent de manière cyclique, en lien avec les événements liés à la procédure. Les plaintes et les symptômes énumérés coïncident avec le tableau clinique présenté par des victimes de traite d'êtres humains.

Le second rapport fait état de troubles du sommeil et de l'humeur (dépressive) d'anxiété et de symptômes de stress, en particulier à l'approche des audiences. La patiente, qui ne présentait aucun trouble psychiatrique antérieure, s'était sentie coupable et transformée, constamment habitée par la peur de rétorsion. Le suivi avait permis une stabilisation de la patiente autour de repères internes solides et conduit à une diminution de la dépendance aux événements extérieurs. Le tableau clinique présenté était compatible avec les violences alléguées. Malgré l'amélioration de son état clinique, la poursuite de la thérapie était indiquée.

 

Procédure prud'homale

b.a. Au terme d'une procédure prud'homale ayant opposé B______ et A______, le TF a, par arrêt 4A_526/2020 du 26 juillet 2021, condamné cette dernière à verser à son ex-employée CHF 24'471.-, soit CHF 42'154.-, sous déduction de CHF 17'683.- déjà versés, équivalent à CHF 4'400.- versés entre juillet à novembre 2015 et à CHF 13'283.- virés en janvier 2016 (procédure devant le BAC).

Le TF a retenu que B______, au bénéfice d'une carte de légitimation F, avait été engagée en qualité d'employée domestique dès le 1er juillet 2014 et avait débuté son emploi le 14 suivant, selon les conditions de son contrat de travail, conforme à l'ODPr. Elle avait travaillé 60 heures par semaine durant la durée de son emploi, soit 40.5 heures prévues contractuellement, auxquelles s'ajoutaient 14.5 heures supplémentaires et cinq heures de travail dominical, sans vacances jusqu'au 15 novembre 2015, ayant ensuite été dispensée de son obligation de travailler en raison du retard dans le paiement de son salaire. Les CHF 19'000.- versés sur le compte bancaire ouvert au nom de B______ par A______, qui y avait retiré CHF 12'500.-, n'avaient pas été perçus par l'employée à titre de salaire, l'intéressée n'ayant étayé par aucun moyen de preuve ses dires. Les prétentions salariales de l'employée s'élevaient ainsi à CHF 22'750.-, équivalent à un revenu net de CHF 1'300.- durant 17.5 mois, à CHF 1'485.- à titre de salaire en nature pour la période du 15 novembre au 31 décembre 2015 (CHF 990.- par mois), à CHF 9'304.75, correspondant à 14.5 heures supplémentaires par semaine, à CHF 3'850.25 pour cinq heures de travail les dimanches, ainsi qu'à CHF 4'764.-, équivalent aux vacances non prises (CHF 130.70 par jour durant 36.45 jours).

Par jugement JTPH/350/2019 du 16 septembre 2019 et arrêt CAPH/159/2020 du 20 août 2020, les juridictions civiles cantonales ont pour le surplus retenu que B______ avait consacré la moitié de son travail aux soins prodigués à D______ et l'autre aux autres tâches prévues dans son contrat de travail. À l'instar du TF, elles ont considéré que l'employée n'avait bénéficié d'aucun jour de congé.

b.b. Les pièces relatives à la procédure civile, comprenant les jugements des instances cantonales et l'arrêt du TF, ainsi que les écrits et pièces déposés par les parties, ont été versés au dossier.

Autre documentation saisie et versée à la procédure

c.a. Plusieurs documents bancaires ont été fournis par E______ et N______ durant la procédure.

c.a.a.a. Le compte no 2______ auprès de [la banque] E______ a été ouvert le 9 septembre 2014 au nom de B______ et soldé le 22 février 2017. La carte bancaire et la correspondance ont été transmises à l'adresse du domicile de A______. La relation est composée d'un compte personnel et d'épargne. A______ bénéficiait d'une procuration générale et individuelle, révoquée à une date indéterminée en 2015. B______ a modifié l'adresse de la correspondance le 13 octobre 2015, indiquant celle de J______, et commandé une nouvelle carte de débit le 23 décembre 2015.

Il ressort des extraits du compte personnel (IBAN 1______), pour la période du 9 septembre 2014 au 31 décembre 2015, que A______ a versé CHF 1'300.- à titre de salaire à 14 reprises, entre septembre 2014 et octobre 2015, correspondant à CHF 18'200.- au total. Plusieurs prélèvements, de CHF 16'500.- en tout, variant entre CHF 300.- et CHF 3'000.-, dont un retrait de CHF 3'000.- le 12 juin 2015, ont été effectués entre septembre 2014 et octobre 2015, depuis plusieurs distributeurs automatiques de billets à Genève ("bancomat"), notamment celui situé à l'agence E______ de l'Organisation I______. Le solde dudit compte était de CHF 293.- fin septembre 2015 et de CHF 1'588.- fin octobre 2015. A______ a encore versé CHF 1'300.- à deux reprises les 9 et 22 décembre 2015, mois durant lequel CHF 1'883.- ont été prélevés au total, sous forme de six retraits effectués au guichet. Hormis les virements et retraits effectués dans les circonstances précitées, aucune autre activité n'est identifiée.

Le relevé du compte épargne (IBAN 3______) fait état d'un solde nul du 9 septembre 2014 au 1er janvier 2015 et de CHF 0.10 le 31 décembre 2015, étant relevé qu'un versement de CHF 3'000.- a été effectué le 10 mars 2015, somme entièrement retirée le 2 juillet suivant.

c.a.a.b. Le compte no 4______ auprès de [la banque] N______ (IBAN 5______) a été ouvert le 14 septembre 2015 au nom de B______. CHF 1'400.- ont été versés le jour même, la correspondance bancaire étant transmise via ______ [la banque en ligne].

c.a.b. Les relevés relatifs aux comptes bancaires E______ détenus par A______ ont également été versés à la procédure. La documentation bancaire lui est envoyée sous format papier à son adresse professionnelle pour ce qui est de son compte personnel no 6______ et à son domicile personnel pour ce qui est de son compte no 7______, dont R______ est conjointement titulaire.

c.b. Selon le courrier de la Direction générale de l'Office médico-pédagogique (OMP) du 26 juin 2020, D______ a été scolarisée au centre médico-pédagogique S______ (CMP) de septembre 2014 au 15 avril 2016, jusqu'à qu'un terme soit mis à sa scolarité.

Dès son arrivée, elle avait montré une amélioration de ses interactions avec les autres (une pièce du CMP lui avait toutefois été dévolue pour lui permettre de se recentrer et calmer ses comportements hétéro-agressifs envers les adultes et ses camarades), avant d'être submergée par ses pulsions sexuelles dès novembre 2014 et de modifier son comportement dès janvier 2015, ses crises étant devenues différentes et plus régulières, soit quatre fois sur deux semaines, d'une durée de trois à six heures chacune. Sa prise en charge s'était complexifiée puisqu'elle requérait la présence quasi permanente d'un adulte et l'intervention de plusieurs d'entre eux lors de crise. Les comportements auto/hétéro-agressifs étaient devenus la norme. Dès mars 2015, les crises de masturbation avaient repris. En mai 2015, une force supplémentaire avait été octroyée et l'encadrement des autres élèves avait été réduit pour permettre à deux collaborateurs de prendre en charge D______ en permanence et de contenir les moments de crises imprévisibles. La première grosse crise était survenue mi-septembre (coups, déchirement systématique d'habits et destruction du matériel), état qui était devenu récurrent et s'était ensuite intensifié avec violence.

Les parents de D______ avaient été alertés de l'aggravation de l'état de santé de leur fille et de l'augmentation régulière, dès janvier 2015, de l'intensité et du nombre de crises, de plusieurs heures, qui la mettaient en grave danger, tout comme les autres élèves et les collaborateurs de l'OMP, lesquels étaient constamment agressés (comportements auto et hétéro agressifs, crises extrêmes d'excitation, de mise à nu, de déchirement de vêtements, de défécation et d'urine dans les salles, destruction du mobilier, griffures, gifles et coups, arrachages de prises électriques et destruction de miroirs, etc.). Malgré leurs recommandations d'hospitalisation, les parents préféraient venir chercher leur fille lors de crise ou la sortir de l'hôpital le jour même de ses entrées lors de placements à des fins d'assistance. Depuis plusieurs mois, sa situation s'était péjorée, nécessitant l'intervention de l'Unité T______ de manière récurrente en raison des grandes difficultés qu'elle rencontrait et des états de crise dans lesquelles elle se mettait plusieurs fois par jour. Sa prise en charge ne pouvait plus être assurée dès lors qu'il convenait de répondre à ses besoins par des soins médicaux que le CMP ne pouvait fournir.

Déclarations de tiers

d.a. Le conseil de B______ a produit le compte rendu d'un entretien téléphonique qu'il a eu le 21 septembre 2017 avec U______, laquelle avait travaillé pour A______ de mars à juin 2014, document signé par V______, en sa qualité d'interprète.

U______ connaissait B______ car elles avaient travaillé ensemble quatre jours chez A______. Lorsqu'elle était à G______ [Mali], elle avait été engagée par cette dernière, qui l'avait préalablement contactée pour l'inciter à venir travailler pour elle. Le frère de A______ s'était occupé de tout l'administratif. Elle était au bénéfice d'une carte de légitimation et avait signé un contrat de travail à G______, qui prévoyait un salaire mensuel de 800'000 francs CFA (Communauté Financière Africaine) et des horaires de 8h00 à 18h00. En réalité, A______ la réveillait à 6h00. Ses tâches consistaient à faire le ménage, la lessive, le repassage, les repas (matin, midi et soir), qu'elle devait servir, tout en s'occupant de D______, et ce, sept jours sur sept, du matin au soir. Même si elle débutait vers 9h00 le week-end, afin de ne pas réveiller la famille, les tâches étaient similaires, sauf qu'elle devait s'occuper de D______ toute la journée. Elle devait également préparer le repas le soir entre 18h00 et 19h00, puis donner à manger à l'adolescente (avant le reste de la famille), la préparer et la mettre au lit, étant précisé que parfois, la mère s'occupait du coucher. Elle devait encore débarrasser, faire la vaisselle, nettoyer la cuisine si bien qu'elle terminait son travail vers 19h30.

D______, qui demandait beaucoup de travail, la frappait, cassait et renversait sa nourriture. Elle était particulièrement difficile et ne pouvait pas rester seule sinon elle faisait ces crises. Elle n'était pas indépendante et avait besoin d'aide pour se doucher, manger et se vêtir. C'était principalement parce qu'elle avait peur d'elle qu'elle avait quitté son emploi et était retournée à G______, où elle avait reçu 200'000 francs CFA au total pour ses services, n'ayant pas été payée durant les quatre mois de son emploi.

Elle était seule à faire tout le travail et n'avait eu aucun repos. A______ se fâchait et était méchante avec elle. Elle avait utilisé les produits de soin de la maison car celle-ci ne lui avait rien acheté. Ne connaissant personne à Genève, elle n'était sortie qu'à une seule reprise avec la famille de son employeuse. Elle ne pouvait pas quitter la maison car elle n'en avait pas le temps.

d.b. Entendu en qualité de témoin, R______, père de D______ et de H______, a indiqué qu'il vivait séparément de A______. Il visitait ses enfants deux fois par semaine à la maison et y mangeait parfois. Il arrivait que toute la famille dîne ensemble, mais D______ mangeait souvent avant seule car elle devait se coucher vers 20h00. B______ devait s'occuper de petites tâches ménagères, et de D______, notamment pour la réceptionner à son retour de l'institution. Sa fille était handicapée et pouvait avoir un comportement anormal. Elle avait besoin d'assistance et d'une présence constante à la maison. Il n'a pas souhaité davantage détailler les agissements de sa fille, notamment ses crises. A______ rentrait le soir vers les 18h00 et lui vers les 19h00. Il ignorait les heures de travail de B______. Celle-ci devait aider sa fille le matin à s'habiller et avait ensuite toute la journée pour effectuer les tâches ménagères. Il ignorait combien de temps prenait la préparation de sa fille le matin et son coucher le soir, mais supposait que ce n'était qu'une question de minutes, comme pour toute personne, car il n'y avait, à sa connaissance, rien de particulier à faire. B______ s'occupait également des repas de la famille en semaine (il ignorait si tel était le cas également les week-ends) et ne faisait pas "grand-chose" d'autre. Il l'avait vue faire la cuisine, le ménage ponctuellement, et passer du temps avec sa fille, ajoutant par la suite que lorsqu'il y avait d'autres adultes à la maison, elle allait dans sa chambre. Il avait parfois vu A______ balayer ou passer l'aspirateur, alors que son employée était présente, ce qui l'avait étonné. Les week-ends, il faisait les courses avec A______, et parfois avec leur fille. Lorsque B______ était à la maison, elle s'occupait d'une bonne partie du ménage en lien avec D______. Il n'était toutefois pas en mesure de donner plus de détails sur ses activités. B______ ne sortait presque jamais, mais il pensait qu'elle était libre de le faire. A______ se chargeait de la rémunérer. Elle était nourrie, logée, blanchie et percevait un salaire, dont il ignorait le montant et le mode de paiement.

d.c. Entendu en qualité de témoin, W______, chauffeur, a expliqué s'être occupé de transporter seul D______ durant près de sept ans. Il la prenait en charge à 8h15 et la ramenait à 16h00, à l'exception du mercredi où il la déposait à 12h00. Il se garait devant la maison et sa mère ou sa nounou, avec qui il parlait en français, l'amenait. D______ marchait, s'installait dans la voiture, s'attachait et se détachait toute seule. À l'institution, elle était immédiatement prise en charge par un enseignant qui la récupérait directement à la voiture. Parfois, lorsqu'il la ramenait à son domicile, elle rentrait seule chez elle, mais il vérifiait toujours qu'il y avait quelqu'un dans la maison car il en était responsable. Durant les trajets, elle était parfois calme, parfois agressive, si bien qu'elle pouvait le frapper. Il lui disait de se calmer, ce qui fonctionnait de temps en temps. Elle était dans cet état environ une fois par semaine. À une reprise, elle était sortie par la fenêtre du véhicule.

d.d. Entendue en qualité de témoin, J______ a déclaré avoir rencontré B______ à G______ [Mali]. Celle-ci avait ensuite souhaité la revoir à Genève, un certain temps après son arrivée, car elle avait éprouvé des difficultés avec son employeuse : la jeune fille qu'elle gardait avait un comportement et une attitude exigeantes, ses conditions de travail, notamment ses horaires, étaient insatisfaisantes, et son salaire lui avait été versé de manière partielle et de façon irrégulière. L'argent avait été déposé sur un compte bancaire, auquel elle n'avait pas accès, ce qu'elle avait constaté à la banque lorsqu'elle avait accompagné B______. Vu ses conditions de travail, cette dernière sortait très peu et ne connaissait personne à Genève. B______ avait évoqué ses importants horaires et s'était plainte principalement des difficultés liées à la jeune fille. Elle ignorait si son amie avait été affectée par la situation ; il n'était pas coutume de montrer ses sentiments et les conditions de vie à G______ étaient déjà très difficiles, son amie n'ayant toutefois pas été dans la misère car elle faisait du petit commerce. Dès octobre 2015, elle avait reçu la documentation bancaire au nom de B______, cette dernière n'ayant plus voulu que sa correspondance soit adressée chez son employeuse.

Déclarations de A______

e.a. En procédure préliminaire, A______ a contesté les faits reprochés.

À la police, elle a expliqué que B______ avait été informée de ses conditions d'emploi, en particulier de l'état et de l'âge de sa fille D______. Son engagement s'expliquait notamment par la nécessité d'accueillir sa fille à 16h30, étant relevé que l'adolescente était totalement indépendante, tant dans sa toilette que pour se nourrir. Outre cela, B______ devait s'occuper de la cuisine, de la lessive et du repassage. Malgré son contrat, elle avait toutefois refusé d'accomplir les tâches ménagères, prétendant devoir s'occuper de D______. La maison était sale lorsqu'elle rentrait du travail. B______ s'était contredite et avait menti, y compris sur son âge. Elle avait des jours de congé (elle passait son temps à sortir tous les week-ends et à se promener en ville, étant même parfois absente du domicile au retour de D______), ne servait personne le soir, hormis D______, et le petit-déjeuner était sommaire. Elle n'était aucunement malmenée ou insultée et totalement libre dans la maison. Elle avait bénéfice d'un téléphone muni de cartes prépayées. Elle n'était pas obligée de se lever à 6h00 mais l'avait fait pour prier et ne réveillait pas les enfants puisque c'était elle-même qui le faisait. Le chauffeur devait même parfois attendre car B______ prenait son temps.

Devant le MP, A______ a ajouté que son employeur avait exceptionnellement accepté d'approcher la Mission AD______ afin qu'elle recrute une aide à domicile venant dans son pays d'origine, au vu de la situation particulière de sa fille. Le contrat de B______ avait ainsi été établi à G______[Mali] par la Mission permanente de Suisse, sur la base d'un modèle. Elle avait eu l'intention de l'honorer et son employée l'avait compris car le consulat s'était chargée de le lui traduire. Dès son engagement, elle avait été claire ; dans la mesure où, en l'absence de jeunes enfants, la maison ne se salissait pas, B______ pouvait faire le ménage qu'une fois par semaine. Elle ne lui avait pas imposé de cuisiner quotidiennement, ce qu'elle avait néanmoins fait, mais lui avait demandé de préparer de grosses quantités de nourriture, puis de congeler le tout pour les semaines suivantes. Elle lui avait donné ces recommandations pour lui permettre d'être libre.

A______ est également revenue sur ses déclarations sur l'emploi du temps, précisant qu'elle réveillait son employée à 7h00 car celle-ci n'y parvenait pas. Dès lors qu'elle partait entre 8h30 et 8h45, elles étaient deux à s'occuper de D______ le matin, jusqu'à son départ à 8h15. B______ se chargeait de mettre le lait et des céréales dans un bol. D______ mangeait sans aucune aide. Il en allait de même de sa toilette, il fallait uniquement être présente pour la rassurer. Pendant plusieurs mois, c'était elle-même qui avait préparé les habits de sa fille et rangé l'armoire. Elle faisait tout pour D______ car son employée refusait de s'en occuper, alors que c'était son travail. H______ était indépendant et se préparait seul pour aller au cycle à pied. B______ n'avait jamais eu besoin d'accompagner les enfants à l'école.

B______ restait ensuite à la maison mais ne s'occupait de rien. À midi, elle cuisinait le même repas pour elle et pour H______, puis débarrassait la seule assiette utilisée par celui-ci. Son fils mangeait tous les jours à la maison, parfois même seul car B______ était absente. Au retour de D______, celle-ci restait avec elle à la maison jusqu'à ce qu'elle rentre du travail, entre 18h30 et 19h00. Dès cet instant, sa fille était à ses côtés. Lorsqu'elle était entourée d'adultes, D______ restait assise dans un coin et attendait. Elle pouvait même demeurer seule à la maison. Il ne fallait ni préparer de goûter, ni lui faire des leçons. H______ revenait du cycle en même temps que sa sœur et s'occupait seul. B______ préparait le repas du soir pour toute la famille, servait ensuite D______, qui mangeait en premier, puis l'accompagnait pour se brosser les dents et la mettre au lit vers 20h00. Même si sa fille avait des difficultés à s'endormir, la consigne était qu'elle devait rester dans sa chambre et s'occuper seule. Agée de 18 ans à cette époque, elle était grande et n'avait pas besoin que l'on prenne soin d'elle comme un bébé. Elle ne vérifiait plus ce qu'elle faisait une fois couchée et n'avait jamais demandé à son employée de la border. Elle ignorait si B______ le faisait néanmoins, ajoutant que D______ avait le sommeil léger et que le bruit la dérangeait. Après son propre repas, qu'elle se chargeait elle-même de réchauffer et de se servir, elle rangeait la cuisine, qui était toujours sale, faisait la vaisselle pour elle et pour H______, étant relevé que le père de ses enfants, qui n'était pas son concubin, n'était pas toujours présent car il ne vivait pas avec eux. Lorsqu'il venait ponctuellement manger le soir, B______ faisait semblant de servir le repas, alors qu'elle lui avait demandé de ne pas le faire. Après 20h00, celle-ci ne sortait généralement plus de sa chambre. Elle parlait toutefois longuement au téléphone tard le soir, ce qui dérangeait toute la famille.

Le week-end, B______ s'occupait de D______ à son réveil, comme durant la semaine, mais cela ne prenait pas beaucoup de temps. Mère et fille allaient ensuite faire les courses avec R______, alors que B______ restait à la maison. Elle n'avait jamais demandé à son employée de travailler le samedi et/ou le dimanche, hormis ce qui avait été convenu contractuellement. Tout ce qu'elle faisait en plus était volontaire, comme s'occuper de D______ le soir, en lui préparant à manger et en la couchant. Le dimanche, B______ sortait et à son retour, elle reprenait les choses en mains. Elle était considérée comme la grand-mère adorée par les enfants et aimait s'occuper de D______, qu'elle coiffait en la faisant belle. C'était toutefois ce qu'elle faisait croire.

B______ avait pris des vacances lors de sa démission, du 15 novembre au 31 décembre 2015. Elle les avait aussi accompagnés en Côte d'Ivoire, du 20 juillet au 23 août 2015, et n'avait rien fait durant cette période, se contentant de sortir avec ses amis. Sa propre belle-sœur les servait et préparait les repas tandis que la bonne qu'elle avait engagée sur place s'occupait de la maison. Elle se chargeait de son côté de D______ et H______ était chez son oncle. Avant cela, B______ n'avait jamais sollicité de congé, alors qu'elle était libre de partir quand elle le voulait.

Elle lui avait toujours parlé avec respect et considération, ne lui avait jamais fait de reproche, même lorsqu'elle brûlait la nourriture, ou elle les formulait par personne interposée, pour ne pas la choquer. B______ avait pourtant refusé de faire le ménage, de ranger et de nettoyer. Le week-end, c'était elle-même qui s'en chargeait car son employée sortait. Elle faisait aussi la lessive, B______ devant simplement repasser, ce qu'elle mettait deux mois à faire. Elle avait signalé les manquements de son employée à F______, qui était même venue chez elle pour accomplir les tâches que B______ ne faisait pas et pour discuter avec cette dernière. F______ ne lui avait jamais rapporté de plaintes de B______, ajoutant qu'elle n'avait eu aucun problème avec ses anciens employés.

B______ savait détenir un compte bancaire, qu'elle avait ouvert avec elle. Elle ne l'avait pas empêchée d'y accéder mais détenait, à sa demande et avec son consentement, sa carte bancaire, reçue au domicile postérieurement à l'ouverture du compte, afin d'éviter qu'elle ne la perde, tout comme sa carte de légitimation, qu'elle lui avait restituée lorsqu'elle en avait eu besoin pour ses déplacements. B______ n'avait jamais réclamé sa carte bancaire, qu'elle lui aurait remise sur demande. Sur présentation de sa carte d'identité, elle pouvait demander directement à la banque de lui remettre de l'argent. Du fait que B______ souhaitait acheter une maison au Mali, elle lui avait recommandé d'économiser. Sur demande de son employée, qui ne savait ni lire ni écrire et ignorait comment prélever de l'argent, elle avait effectué, grâce à sa procuration, des retraits pour elle, sommes qu'elle lui avait ensuite remises. Elle était ainsi l'auteur des différents prélèvements effectué sur ledit compte bancaire. Elle n'avait toutefois jamais utilisé cet argent pour ses dépenses personnelles. Du fait qu'elle ne pouvait pas, tous les jours, aller retirer de l'argent à la banque, il fallait faire une estimation des dépenses à venir. Elle donnait ainsi l'argent au fur et à mesure à son employée, sans le mélanger avec le sien. À la demande de B______, elle avait aussi versé à trois ou quatre reprises, par l'intermédiaire de son frère au Mali, de l'argent à la famille de celle-ci. Elle avait dû lui apprendre à signer et devait lui lire et lui expliquer son courrier. Elle ignorait si celle-ci pouvait aller chercher de l'argent seule, ce dont elle ne lui avait jamais fait part.

Interrogée à nouveau sur le salaire de son employée, A______ a précisé que celle-ci ne recevait pas l'intégralité de son salaire car il le lui était remis à sa demande, lorsqu'elle lui disait avoir besoin d'un certain montant. Elle ne lui avait pas versé CHF 400.- par mois à leur retour de K______ (Côte d'Ivoire), qu'elle situait à fin septembre. Elle lui avait donné de l'argent au fur et à mesure, en fonction de ses demandes, sans se souvenir des montants exacts.

Avec B______, elle tenait un décompte manuscrit des sommes retirées et remises, comprenant les dates des transactions. Pour rester neutre, par soucis de transparence et afin d'avoir un témoin, elle avait chargé H______ d'écrire les montants reçus par B______, qui signait ensuite le document. C'était l'employée qui devait garder un décompte de ce qu'elle recevait afin d'éviter toute confusion. Elle n'en avait pas fait de copie car elle n'allait pas contester ce qu'elle avait donné, et supposait que son employée l'avait remis au BAC, qui s'était chargé de calculer le solde lui revenant, qu'elle avait payé pour sa part les yeux fermés, même si cela était à son désavantage.

En sus de son salaire, B______ bénéficiait d'un téléphone et de carte prépayées à CHF 30.- par mois, au lieu des CHF 20.- prévus contractuellement, du wifi de la maison et du téléphone fixe, qu'elle utilisait pour ses appels à l'étranger, ce qui engendrait de coûts colossaux, raison pour laquelle elle l'avait priée de cesser. Avant son arrivée à Genève, elle lui avait également envoyé de l'argent pour s'acheter des habits et lui avait procuré tout ce dont elle avait besoin, tant des produits de première nécessité que des vêtements, ajoutant que lorsqu'elle faisait des cadeaux aux gens, elle ne comptait pas.

Après sa démission, elle avait demandé à B______ de lui remettre sa carte de légitimation, ce qu'elle avait refusé. Celle-ci n'avait pas non plus souhaité faire un point de situation, affirmant n'avoir aucun problème à régler. Elle avait toutefois ensuite contacté le BAC. L'accord trouvé était conforme à la loi fédérale qu'elle avait respectée, ne devant absolument rien à son ex-employée. Une procédure prud'homale et une campagne de diffamation ainsi que de harcèlement à son encontre avaient été initiées. Les 13'000.- calculés par le BAC, qu'elle avait versés à B______, correspondaient au solde du compte bancaire de celle-ci à la fin de son contrat, soit au montant restant qu'elle devait lui remettre à son départ puisqu'il s'agissait des économies de son employée. Le seul document qu'elle avait reçu était celui transmis par le BAC, qui lui avait demandé de vérifier les montants, et l'avait très certainement établi sur la base du décompte manuscrit tenu avec son employée, qui avait dû le lui remettre, dès lors qu'elle ne lui avait communiqué aucune information. Pour elle, il était clair que cette institution avait conclu qu'elle avait respecté les termes du contrat.

B______ avait monté tout un dossier contre elle pour maltraitance, en utilisant notamment la situation de D______ comme un fonds de commerce, ce qui était honteux et immoral. Si elle l'avait vraiment adorée, comme elle l'avait prétendu, elle n'aurait pas agi de la sorte. Elle avait tenté de lui soutirer de l'argent en initiant diverses procédures, alors qu'elle avait perçu l'intégralité de son revenu. Elle était choquée et contestait avec véhémence ses accusations.

A______ a refusé de répondre aux questions en lien avec le handicap de sa fille, prétextant que le dossier médical était confidentiel et contestant qu'elle était autiste. Elle a uniquement admis qu'elle avait besoin de plus de soins que H______, qui lui était "normal". Elle a ajouté que B______ n'avait pas la charge de D______ ; elle devait uniquement assurer "la permanence" entre le retour de celle-ci de l'institution et le moment où elle-même rentrait du travail. Il était erroné d'affirmer que sa fille était agressive avec elle. Au contraire, elle lui était très attachée.

A______ a contesté le rapport de l'OMP, émettant de doutes sur le professionnalisme des rédacteurs et précisant que les débuts de D______ au CMP avaient été difficiles, dès lors que les collaborateurs avaient préféré l'envoyer à [l'hôpital] Y______ plutôt que de s'occuper d'elle. Ils avaient tenté de l'amadouer pour mettre D______ dans un asile de fous dont elle n'allait jamais sortir. La situation s'était dégradée dès qu'elle avait refusé d'interner sa fille. Ils avaient alors enfermé celle-ci durant des heures. Le CMP s'était également "amusé" à conduire D______ aux HUG, alors que, selon les médecins, il n'y avait rien. Il était faux d'établir un parallèle entre ce qui se passait au centre le jour et la situation au domicile. L'Unité X______, qui venait à la maison, avait même confirmé que tout se passait très bien, tout comme B______. Elle n'était pas au centre pour attester des crises de son enfant. D______ n'avait pas besoin d'un soutien permanant, ni de deux collaborateurs pour l'encadrer. Un vrai professionnel ne pouvait pas dire cela. Tout s'était bien passé avant et après le séjour de sa fille au CMP de S______, qui n'avait été qu'une étape de sa vie.

e.b. Devant le premier juge, A______ a expliqué qu'elle n'avait pas renvoyé B______, malgré le fait qu'elle ne faisait pas son travail, car cela allait à l'encontre de sa culture, d'autant plus qu'elle l'avait fait venir en Suisse sur recommandations d'une personne de confiance. U______, sa précédente employée, dont la déclaration écrite était mensongère car elle devait tout faire dans la maison, celle-ci ne faisant rien, était partie après quatre mois, au terme de la période d'essai. Depuis le départ de B______, elle n'avait plus eu de domestique et s'occupait seule de sa fille.

Il était faux que B______, réveillée par ses soins, avait dû se lever la nuit pour s'occuper de D______. Elle ignorait si son employée s'occupait bien de sa fille, celle-ci ne parlant pas, et ne s'attardait pas sur ces détails. D______ n'avait jamais frappé B______, laquelle avait indiqué à tout le monde que tout se passait bien, ni été violente avec W______, sinon ce dernier aurait arrêté de la véhiculer.

Elle a réfuté avoir dit que B______ se réveillait toute seule à 6h00. Elle avait au contraire toujours déclaré qu'elle devait la réveiller à 7h00, après avoir fait ses propres prières à 6h00. Lorsque celle-ci commençait sa journée de travail, le déjeuner était déjà prêt et elle n'avait plus qu'à verser le lait dans les céréales de D______. Il était également faux que son employée préparait les repas le week-end et s'occupait de sa fille. B______ n'avait pas à lui demander la permission de sortir et était libre. D'ailleurs, elle ignorait ce qu'elle faisait entre 8h30 et 18h00, lorsqu'elle-même était au travail. Elle avait appris par la Poste et AA_____ [transport de colis] que B______ était souvent absente, car les colis n'étaient pas réceptionnés. Lorsqu'elle appelait à la maison, son employée ne décrochait pas. Elle le lui avait fait remarqué mais il n'était toutefois pas dans sa nature d'harceler les gens. Elle ne se souvenait pas de la réponse de B______ qui, en réalité, ne lui avait rien dit. Elle n'avait jamais demandé des comptes à son employée, le but étant de maintenir une atmosphère d'entente et cordiale à la maison.

Si elle devait lire et expliquer à B______ le contenu de tout ce qu'elle recevait, c'était parce qu'elle ne pouvait pas refuser les demandes de celle-ci. Elle ne recevait pas de courrier chez elle, en particulier par les relevés du compte E______ de son employée, ayant indiqué à E______ qu'elle n'aimait pas le papier. Elle n'avait ainsi jamais prétendu que celle-ci les avait reçus, mais que le BAC les avait eus en mains, bien qu'elle ignorait qui les lui avait remis.

Elle n'avait jamais été en possession de la carte de légitimation de son employée et n'avait pas plus déclaré la lui voir prise. Les déclarations de B______ étaient mensongères. La chambre de celle-ci était d'ailleurs une sorte d'appartement avec chambre et salon, appartenant précédemment à son fils, qui avait déménagé à l'arrivée de B______.

B______ avait eu l'idée de lui conférer une procuration sur son compte bancaire, elle ne le lui avait pas imposé, celle-ci s'étant adressée à elle, vu l'absence d'amis à Genève. Elle avait pour sa part conservé la carte bancaire de son employée, qui la lui avait confiée. En Afrique, elle avait toujours géré les biens de ses domestiques, qui savaient pertinemment qu'elle les leur restituerait à leur départ.

Elle effectuait des retraits à la banque, gardait l'argent dans une enveloppe au nom de B______, sans l'en informer car cela n'était pas nécessaire, et lui remettait ensuite celui-ci au fur et à mesure, en fonction de ses demandes. Elle ne lui donnait pas directement le tout car celle-ci souhaitait économiser. Elle procédait de la sorte avec le consentement de son employée. Il n'y avait aucune mauvaise intention de sa part dès lors qu'il y avait des traces des retraits effectués en espèces sur le compte, ce que B______ savait. Elle ne pouvait expliquer le détail des retraits effectués, ni pourquoi elle les faisait tantôt à un guichet, tantôt à un distributeur, si ce n'était que lorsqu'elle n'avait pas la carte, elle se présentait au guichet. Elle n'avait pas parlé des reçus manuscrits conservés par B______ et rédigés par son fils H______, et n'avait pas non plus remis les enveloppes, faute d'avoir été questionnée à ce sujet. Il n'y avait eu aucun débit sur le compte car B______ ne lui avait jamais demandé sa carte bancaire pour ses sorties. Elle ne lui avait pas appris à retirer de l'argent, car elle ne pouvait pas penser à tout et B______ ne l'avait pas sollicitée à ce sujet. Elle ne lui demandait pas ce qu'elle faisait avec son argent, étant relevé qu'elle sortait tout le temps. Lors de sa démission, B______ avait refusé de venir pour faire les comptes. Le lendemain, elle avait reçu une lettre du BAC et s'était acquittée des CHF 13'000.-. Il est inexacte que B______ n'avait perçu que CHF 4'400.- de salaire durant son contrat de salaire.

Elle n'avait jamais indiqué à son employée qu'elle pouvait ajouter CHF 100.- sur son salaire de base de CHF 1'300.-, déjà élevé, et donc lui donner CHF 400.-. Seule cette dernière pouvait préciser si elle avait inventé cette discussion.

Le calcul effectué par le BAC en lien avec les CHF 13'000.- était correct. Il équivalait à un salaire mensuel de CHF 1'300.- sur 18 mois, sous déduction des retraits effectués pour le compte de son employée. Le TF n'avait pas validé ce calcul car il ne disposait pas de tous les éléments. Sa condamnation avait été une grosse déception, car elle avait été jugée sans aucune preuve concrète. Les juridictions prud'homales avaient repris les mensonges de la demande. Elle avait continué à verser le salaire de son employée jusqu'au 31 décembre 2015, alors même que celle-ci était partie le 15 novembre 2015 et avait eu de vraies vacances en Côte d'Ivoire. Les conditions de travail de B______ telles que retenues étaient fausses. Elle avait toutefois intégralement payé les sommes auxquelles elle avait été condamnée.

Elle contestait vigoureusement les conclusions civiles de B______, celle-ci ayant profité de sa fille handicapée pour obtenir des prestations indues. Elle était humiliée et bafouée, ce qui était une honte. B______ avait été respectée et traitée comme une reine. Si elle avait eu l'intention de tricher, elle n'aurait jamais ouvert de compte. Son employée connaissait l'état de santé de D______. B______ souhaitait rester à Genève à ses dépens, alors qu'elle n'avait auparavant eu aucun problème avec ses domestiques, qui souhaitent toutes venir travailler en Europe. Il était temps que tout cela se terminât.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du code de procédure pénale [CPP]).

b. Dans son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Le TP avait établi les faits de manière incomplète, erronée et arbitraire, en violant le principe de subsidiarité du droit pénal par rapport au droit civil ainsi que celui de la présomption d'innocence, découlant de l'art. 10 al. 3 CPP.

Elle avait appliqué à la lettre les exigences et conditions légales imposées par les autorités suisses avant l'arrivée sur le territoire de B______, ce qu'avait reconnu le TP. Les déclarations de celle-ci, notamment selon lesquelles elle travaillait environ 15 heures par jour, avaient été retenues par les autorités pénales alors même qu'aucun élément au dossier ne permettait de les confirmer de façon catégorique. Elle n'était aucunement obligée de se lever à 6h00 pour ses tâches et n'avait jamais eu besoin d'amener les enfants à l'école. H______, âgé de 15 ans, était indépendant. Seule D______ devait être servie le matin et accompagnée pour sa douche, afin uniquement de la rassurer dans la mesure où elle se lavait seule. Avant que la jeune fille ne soit conduite par un chauffeur en institution à 8h15, elles s'occupaient toutes deux de D______ dès 7h00. Le père de celle-ci avait confirmé que la préparer le matin pour aller à l'institution ou le soir pour aller au lit ne prenait que quelques minutes. B______ s'était également contredite sur son emploi du temps durant la journée, dès lors qu'elle avait admis ne faire la lessive qu'une fois par semaine. Elle était libre de ses mouvements, étant notamment en contact avec la Mission AD______ pour se faire délivrer personnellement ses cartes de légitimation, et s'organisait à sa guise dès lors qu'elle refusait de s'occuper des tâches ménagères. Or, le TP n'avait pas fait mention de ces éléments.

Le premier juge avait également retenu que le handicap de D______ était pertinent sous l'angle de l'usure, pour établir le nombre d'heures qu'impliquait la prise en charge de celle-ci, alors que cela revenait à considérer que toutes les personnes s'occupant d'enfants souffrant d'autisme seraient victimes d'usure. Le rapport de l'OMP était irrelevant puisqu'il ne concernait que la prise en charge de l'enfant au sein de l'institution et non les faits évoqués, qui s'étaient produits à huit clos au domicile.

La situation de faiblesse de B______ n'avait pas été établie. Celle-ci bénéficiait au contraire d'une expérience professionnelle affirmée pour avoir été propriétaire de salons de coiffure en Afrique et fait du commerce de pagnes au niveau régional, ce qui exigeait une bonne capacité de communication en français. Mariée à un ressortissant togolais, elle avait également séjourné au Togo, pays francophone, et avait admis parler cette langue, pour avoir notamment suivi une formation à Genève. Elle savait bien lire et écrire. Lorsqu'elle avait quitté son pays d'origine, F______ l'avait parfaitement informée du travail qui l'attendait, notamment de l'état de santé et l'âge de D______. Elle disposait enfin d'un téléphone portable avec un crédit mensuel de CHF 30.- en sus de l'accès sans limitation au wifi et du téléphone fixe de la maison. Elle n'était donc pas isolée à Genève, ayant même reconnu s'être confiée à J______.

B______ était ainsi expérimentée, parlait français et avait suffisamment de temps libre durant la journée, vu l'absence de D______ de 8h15 à 16h00, au plus tôt, étant relevé que le chauffeur de l'adolescente avait déclaré que B______ n'était pas systématiquement présente, confirmant qu'elle n'était ainsi pas toujours au domicile, dont elle disposait par ailleurs du double de toutes les clés. Elle savait enfin à qui s'adresser pour se plaindre de ses rapports professionnels, ce qu'elle avait au demeurant fait. L'infraction d'usure n'était par conséquent pas réalisée.

Pour ce qui était de l'abus de confiance, le TP avait retenu de manière erroné qu'elle avait versé à son employée seulement CHF 4'400.- durant son contrat de travail, omettant ainsi de prendre en considération les CHF 23'400.- qu'elle avait transférés sur le compte de la concernée à titre de salaires pendant les 18 mois de rapport de travail, étant précisé que chaque versement effectué avait été libellé "entrée de salaire" et que la procuration de B______ en sa faveur avait été obtenue avec l'aval de celle-ci et pouvait être annulée en tout temps. Les éléments matériels de cette infraction faisaient ainsi défaut.

Enfin, les faits relevaient de la justice prud'homale. Sur requête de B______ et sur la base du décompte produit par celle-ci, le BAC avait établi un protocole d'accord transactionnel en 2016. Les pièces du BAC soulignaient qu'elle avait de son côté rempli toutes ses obligations contractuelles à l'égard de son employée. Le conflit avait déjà été porté devant les juridictions civiles, puis devant le TF, qui avait réduit drastiquement les prétentions de B______, alors même qu'elle n'avait pour sa part pas pu remettre en cause les éléments de fait, revu uniquement sous l'angle de l'arbitraire. Le litige et les prétentions financières réclamées par B______ ne revêtaient ainsi pas un caractère pénal.

c. B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé.

Elle avait livré un récit constant et cohérant sur sa situation personnelle, notamment son analphabétisme, qui l'avait poussée à venir travailler à Genève, et sur ses conditions de travail, ce qui ressortait également de ses documents médicaux, de ses déclarations au MP et auprès de son syndicat, de ses entretiens avec ses thérapeutes, ainsi que des déclarations même de l'appelante, laquelle avait expliqué que son employée ne savait ni lire ni écrire, ni même effectuer une signature, et qu'elle se chargeait des repas de la famille les week-ends.

Sa situation de faiblesse avait été confirmée par la témoin J______. Elle n'avait aucune expérience de travail en Suisse, n'était aucunement informée de ses droits, et ignorait même qu'elle était titulaire d'un compte bancaire. Elle était isolée à Genève, ville qu'elle ne connaissait pas et dans laquelle elle n'avait aucune attache ou connaissance. En cas de conflit avec son employeur, elle se retrouvait ainsi sans toit, sans ressources, étant rappelé qu'elle n'avait pas été rémunérée durant la première année de travail, et sans aucune possibilité de retrouver un emploi stable dès lors que sa carte de légitimation était liée au statut de A______ et qu'elle n'était pas éligible aux prestations de chômage. Elle était ainsi dans un état de dépendance vis-à-vis de cette dernière, ce que la Chambre des prud'hommes avait parfaitement relevé. Elle s'était ainsi retrouvée en situation de gêne, de faiblesse, de dépendance et d'inexpérience évidente.

La disproportion manifeste des prestations était de surcroît donnée. Elle avait été crédible quant aux tâches effectuées et à son importante charge de travail, ce qui avait été corroboré en particulier par le rapport de l'OMP, ainsi que le récit de l'ancienne employée de A______, dont les explications comportaient des similitudes à son propre vécu. Les déclarations de A______ étaient quant à elles contradictoires, notamment s'agissant des remises d'argent, des décomptes établis, des cartes bancaire et de légitimation, ainsi que des activités et horaires de son employée. Partant, elles étaient non crédibles. Il était en effet inconcevable que celle-ci ait toléré, durant près d'un an et demi, que son employée refuse de travailler. Il était établi, notamment par les décisions des juridictions prud'homales et du TF, que pour son travail, elle n'avait perçu que CHF 4'400.-, alors qu'elle avait travaillé 60 heures par semaine, y compris les week-ends, durant près de 18 mois, sans bénéficier d'un quelconque jour de congé. La version de A______, selon laquelle elle aurait versé des montants en espèces, et donc l'intégralité du salaire dû, ne peut être retenue, celle-ci étant d'ailleurs infirmée par son propre récit en lien avec le solde des salaires qu'elle avait accepté de payer à la fin des relations de travail suite aux les démarches effectuées au BAC.

Les conditions de l'infraction d'usure étaient ainsi réalisées et la culpabilité de l'appelante devait être confirmée.

S'agissant de l'abus de confiance, les conditions étaient données dès lors que A______ avait retiré des valeurs patrimoniales du compte bancaire dont son employée était titulaire, sans le consentement de celle-ci, s'appropriant de la sorte des fonds qui lui avaient été confiés, dans la mesure où elle bénéficiait d'une procuration. Affirmer que l'intégralité des salaires avait été versée et que la procuration avait été obtenue avec son consentement n'y changeait rien.

Enfin, le principe de subsidiarité du droit pénal n'était d'aucun secours à l'appelante. Les conditions propres à un rapport contractuel faisaient partie intégrante de l'infraction d'usure, puisqu'elle n'était concevable qu'en présence d'un contrat entre les parties, impliquant une disproportion manifeste des prestations réciproques. Il en allait de même de l'infraction d'abus de confiance qui était une forme qualifiée d'appropriation légitime. Dans mesure où les agissements de l'appelante remplissaient les éléments constitutifs de ces infractions, sa culpabilité n'était pas prohibée. De surcroît, l'absence de poursuite au motif que la victime pourrait agir devant le Tribunal civil serait contraire au droit et au principe de prévention générale.

d. Pour sa part, le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Dans le cadre de faits s'étant déroulés à huit clos, les déclarations des parties étaient des éléments de preuve importants. Or, B______, qui n'avait pas exagéré et ne s'était pas contredite, notamment au sujet de la lessive, avait été constante dans sa version, qui avait été corroborée en particulier s'agissant du handicap de D______ par le courrier de l'OMP, lequel était pertinent. Pour sa part, A______ avait varié à plusieurs reprises, notamment sur le versement du salaire de son employée, et ses déclarations n'étaient pas crédibles, en particulier au sujet de l'indépendance de sa fille et du fait que B______ ne faisait rien, car réfutées tant par l'OMP que par ses propres agissements, dès lors qu'elle n'avait pas licencié son employée durant plus d'un an.

B______, qui était illettrée et pour la première fois sur le territoire européen, ne connaissait qu'une seule personne à Genève. Elle n'avait auparavant ni été titulaire d'un compte bancaire, ni exercé le métier de garde d'enfant ou de femme de ménage. Sa situation de faiblesse était ainsi établie, étant relevé que ses sorties ponctuelles de la maison n'excluaient pas le fait que A______ avait profité de sa situation pour la faire travailler de manière excessive et sans rémunération adéquate.

L'infraction d'abus de confiance était réalisée dès que A______ avait prélevé des fonds sur le compte bancaire dont était titulaire B______, peu importe le versement de CHF 23'400.- et le fait que celle-ci pouvait annuler la procuration en sa faveur en tout temps.

Le litige n'était pas que civil, l'action intentée devant les juridictions prud'homales étant sans pertinence sur la réalisation des infractions d'usure et d'abus de confiance.

e. Quant au TP, il se réfère intégralement au jugement rendu.

f. Par courriers du 30 novembre 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a informé les parties que les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation complémentaire du 25 novembre 2022 seraient également examinés sous l'angle des art. 137 ch. 1, 139 ch. 1 et 147 al. 1 CP, sans préjudice du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, et les a invitées à se déterminer.

g. Dans ses observations, B______ est d'avis que l'infraction de l'abus de confiance était réalisée et que celle-ci était la plus à même de sanctionner le comportement de A______, lequel était également constitutif d'appropriation illégitime, de vol en lien avec la carte bancaire et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur pour les retrait d'argent effectués au bancomat. Elle concluait ainsi à ce que la prévenue soit déclarée coupable de ces quatre infractions, sous réserve de la recevabilité de telles conclusions.

h. A______ s'en est rapportée à justice et le MP n'a pas souhaité formuler d'observations.

D. a. A______, ressortissante du Mali, née le ______ 1962 à G______ [Mali], est célibataire et mère de deux enfants majeurs, H______, qui étudie actuellement au Canada, et D______, atteinte d'un autisme sévère, qui vit avec elle. Elle a obtenu son baccalauréat dans son pays d'origine, fréquenté l'école AE______ à M______ [Sénégal], puis effectué une formation d'ingénieure des travaux de planification. Actuellement, au bénéfice d'une carte de légitimation diplomatique, elle travaille comme fonctionnaire internationale au sein de l'Organisation I______, ainsi qu'auprès du [comité] Z______, pour un revenu mensuel net de CHF 10'800.-, auquel s'ajoutent CHF 700.- versés par le père de ses enfants pour la maison. Mensuellement, ses frais sont composés de CHF 1'080.- pour ses primes d'assurance-maladie, CHF 5'000.- pour les frais de son logement, comprenant les intérêts et l'amortissement de sa dette hypothécaire, ainsi que de CHF 1'800.- pour l'entretien de son fils au Canada. Elle dispose d'une fortune mobilière d'environ CHF 117'000.-.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, elle n'a pas d'antécédent. Elle a indiqué n'avoir jamais été condamnée à l'étranger.

E. Me C______, conseil juridique gratuit de B______, dont l'activité en première instance a été taxée pour plus de 62 heures, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 15 heures et 55 minutes d'activité de chef d'étude, soit 30 minutes pour la lecture du mémoire d'appel, une heure et 45 minutes pour examiner les griefs invoqués et lister les éléments de réponse, ainsi que 13 heures et 40 minutes pour la rédaction du mémoire de réponse, composé de neuf pages et demi, y compris la page de garde.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation, laquelle découle également des art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale (Cst. ; droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH ; droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur, les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 5.1). L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonction de délimitation et d'information) (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; 141 IV 132 consid. 3.4.1 et les références citées). 

Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (immutabilité de l'acte d'accusation) mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le Ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP, applicable également à la procédure d'appel, cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_878/2014 du 21 avril 2015 consid. 2.2 ; 6B_702/2013 consid. 1.2 ; 6B_445/2015 consid. 1.3). Il peut toutefois retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1023/2017 du 25 avril 2018 consid. 1.1, non publié in ATF 144 IV 189 ; 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 7.1 et les références).

2.2. D'après l'art. 391 al. 2 CPP, la juridiction d'appel ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur (1ère phrase).

L'interdiction de la reformatio in pejus se rapporte aussi bien à la quotité de la peine infligée qu'à la qualification juridique retenue, qui ne sauraient être aggravées au détriment du prévenu ayant fait usage des voies de droit à sa disposition (ATF 139 IV 282 consid. 2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.2.1 ; 6B_392/2015 du 11 mars 2016 consid. 2). Une condamnation reposant sur une qualification plus sévère augmente en effet la portée du verdict de culpabilité, ce qui représente en soi une aggravation de la situation de la personne concernée (ATF 139 IV 282 consid. 2.4.3). Il y a notamment aggravation de la qualification juridique lorsque l'infraction nouvellement qualifiée est sanctionnée par la loi d'une peine plus lourde, maximale ou minimale, ou si des infractions supplémentaires sont retenues (ATF 139 IV 282 consid. 2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.2.1 ; 6B_392/2015 du 11 mars 2016 consid. 2). En ce sens, l'autorité de recours, respectivement la juridiction d'appel, ne peuvent pas retenir une infraction omise ou écartée par les premiers juges. Elle peut par contre modifier une qualification juridique erronée si la nouvelle qualification ne prévoit pas une peine plus lourde, maximale ou minimale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2015 du 11 mars 2016 consid. 2).

Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une reformatio in pejus prohibée, il convient de se référer au dispositif du dernier arrêt en cause, qui ne doit pas avoir été modifié en défaveur du prévenu par le biais d'un verdict de culpabilité plus sévère ou par le prononcé d'une peine plus lourde que ceux résultant du dispositif de l'arrêt préalablement querellé. Il n'est toutefois pas interdit à l'autorité de recours de s'exprimer dans ses considérants sur la qualification juridique, lorsque l'autorité précédente s'est fondée sur un autre état de fait ou des considérations juridiques erronées (ATF 142 IV 129 consid. 4.5 ; 141 IV 132 consid. 2.7.3 ; 139 IV 282 consid. 2.6). Une restriction liée à la prohibition de la reformatio in pejus ne se justifie pas lorsque, pris dans son ensemble, le nouveau jugement n'aggrave pas le sort du condamné (cf. ATF 117 IV 97 consid. 4c ; 144 IV 35 consid. 3.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.2.1).

3. 3.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 de la CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre-appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude des éléments de preuve à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses également probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

3.1.2. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5).

3.2.1.1. Selon l'art. 157 ch. 1 CP, se rend coupable d'usure, quiconque exploite la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.

L'infraction d'usure suppose d'abord que la victime se soit trouvée dans l'une des situations de faiblesse, énumérées de manière exhaustive à l'art. 157 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_395/2007 du 14 novembre 2007 consid. 4.1).

L'état de gêne, qui n'est pas forcément financier et peut être seulement passager, s'entend de tout état de contrainte qui influe si fort sur la liberté de décision de la personne lésée qu'elle est prête à fournir une prestation disproportionnée. Il faut procéder à une analyse objective, en ce sens qu'on doit admettre qu'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait été entravée dans sa liberté de décision. Le consentement de la victime n'exclut pas l'application de l'art. 157 CP. Il en est au contraire un élément (arrêt du Tribunal fédéral 6S.6/2007 du 19 février 2007 consid. 3.2.1). Le Tribunal fédéral a notamment admis la gêne dans le cas d'une personne se trouvant dans le besoin extrême de trouver un toit pour se loger, par exemple en cas de pénurie de logements, de même que pour une personne temporairement sans permis de séjour, sans ressources et nécessitant un logement pour accueillir aussi bien son enfant que recevoir une aide financière, ou encore pour un locataire sans emploi, à l'aide sociale, rencontrant des problèmes de santé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_301/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.1 et références citées). En ce qui concerne la dépendance, le Tribunal fédéral a admis une telle situation dans le cas d'une nièce ne parlant pas la langue du pays, ne connaissant personne dans la ville de domicile de son oncle et obéissant sans broncher à ce dernier, comme le veut la culture de son pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 6B_973/2009 du 26 janvier 2010 consid. 2.1). La dépendance a également été retenue dans la situation d'une employée de maison ayant un statut irrégulier, ne connaissant pas la langue, étant dans la crainte d'une expulsion et s'étant vue confisquer son passeport par la maîtresse de maison, dès lors qu'elle était corvéable à merci (Jugement du Tribunal du IIe arrondissement pour les districts d'Hérens et Conthey du 26 août 1996, Ministère public et dame Y. c/ dame X., in RVJ 1997). Quant à l'inexpérience, il doit s'agir d'une inexpérience générale se rapportant au monde des affaires et non pas d'une inexpérience relative au contrat en cause (ATF 130 IV 106 consid. 7.3).

La personne peut se trouver dans une situation de faiblesse pour plusieurs raisons, aggravant ainsi le cas ce qui sera pris en considération au stade de la fixation de la peine (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, N 10 ad art. 157).

L'auteur doit ensuite exploiter la situation de faiblesse dans laquelle se trouve la victime, soit qu'il ait utilisé consciemment cette situation, en vue de l'obtention d'un avantage pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_395/2007 du 14 novembre 2007 consid. 4.1). Cet avantage patrimonial doit en outre avoir été fourni ou promis en échange d'une prestation. L'usure ne peut ainsi intervenir que dans le cadre d'un contrat onéreux (ATF 142 IV 341 consid. 2 ; 130 IV 106 consid. 7.2).

Il est nécessaire d'avoir une disproportion évidente entre l'avantage et la prestation échangée. Pour déterminer s'il y a une telle disproportion, il y a lieu de procéder à une évaluation objective, en recherchant la valeur patrimoniale effective de la prestation, calculée en tenant compte de toutes les circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 6B_395/2007 du 14 novembre 2007 consid. 4.1). Le rapport entre la prestation et la contreprestation se mesure dans le cas normal selon le prix ou la rémunération usuels pour des choses ou des services de même espèce (arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2008 du 15 août 2008 consid. 2.2). La disproportion doit excéder sensiblement les limites de ce qui apparaît usuel et normal en regard de toutes les circonstances. Un écart de 25% est considéré comme constitutif d'une disproportion (ATF 92 IV 132 consid. 1). Elle doit paraître frappante et s'imposer comme telle (arrêt du Tribunal fédéral 6S_6/2007 du 19 février 2007 consid. 3.1.1). Cette disproportion doit être en lien de causalité avec la situation de faiblesse.

3.2.1.2. L'infraction d'usure a été retenue dans le cas d'une ressortissante du Ghana que l'un de ses compatriotes, fonctionnaire international auprès du HCR, avait fait venir en Suisse comme employée de maison, de mai 1997 à novembre 1999, en profitant de son inexpérience générale des affaires pour obtenir d'elle 50 heures de travail hebdomadaires contre une rémunération mensuelle de CHF 300.-, qu'il a uniquement versé dès juillet 1998 sur un compte bancaire, ouvert pour son employée, en plus du logement et de la nourriture, alors qu'un salaire mensuel de CHF 1'527.50 pour 50 heures hebdomadaires avait été convenu par contrat, signé au Ghana à la Mission permanente de Suisse, sur un formulaire pré-imprimé édité par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), condition préalable à l'obtention du visa et d'une carte de légitimation. L'employée n'a jamais pu retirer l'argent du compte bancaire dont elle était titulaire, son employeur ayant conservé son passeport, sa carte de légitimation et sa carte bancaire (ATF 130 IV 106).

3.2.1.3. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit. Il faut donc que l'auteur connaisse, au moins sous cette forme, la situation de faiblesse dans laquelle se trouve l'autre partie ainsi que la disproportion entre les prestations, de même qu'il doit avoir conscience que la situation de faiblesse motive l'autre à accepter la disproportion évidente entre les prestations (ATF 106 IV 106 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2020 du 2 octobre 2020 consid. 2.1).

3.2.2.1. À teneur de l'art. 43 al. 1 ODPr, le domestique privé reçoit chaque mois un salaire net en espèces de CHF 1200.- au minimum. Aucune déduction ne peut être opérée sur ce montant minimum net. Le contrat de travail peut prévoir un salaire net supérieur. Le salaire est versé en francs suisses sur un compte postal ou bancaire en Suisse, ouvert au seul nom du domestique privé (al. 2). L'employeur remet chaque mois au domestique privé une fiche de salaire (al. 3).

3.2.2.2. Le salaire en nature et les autres éléments à charge de l'employeur sont décrits à l'art. 44 ODPr et comprennent notamment les frais de logement (al. 2 let. a), les frais de nourriture (al. 2 let. b), ainsi que les frais de voyage du domestique privé pour venir en Suisse au début des rapports de travail (al. 2 let. e).

Selon l'art. 30 ODPr, le domestique privé a droit à une chambre privée au domicile de son employeur (al. 1). Le domestique privé peut choisir de prendre un logement à l'extérieur s'il ne souhaite pas loger au domicile de son employeur (al. 5). Si tel est le cas, l'employeur verse au domestique privé une indemnité de logement équitable, calculée au minimum selon les barèmes prévus à l'art. 11 du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS), soit CHF 990.- par mois.

3.2.2.3. La durée hebdomadaire de travail est de 45 heures (art. 46 al. 1 ODPr) et le droit aux vacances de quatre semaines par année (art. 50 al. 1 let. a ODPr).

Les heures supplémentaires doivent être payées, majorées d'au moins 25% du salaire net (art. 48 al. 3 ODPr), alors que la majoration est d'au moins 50% du salaire net pour les heures effectuées le dimanche (art. 48 al. 4 ODPr). Les heures supplémentaires effectuées entre 23 heures et 6 heures doivent être payées avec une majoration d'au minimum 100% du salaire net (art. 48 al. 5 ODPr).

3.3. L'art. 137 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui, en tant que les conditions prévues aux art. 138 à 140 ne seront pas réalisées.

L'acte d'appropriation signifie tout d'abord que l'auteur incorpore économiquement la chose ou la valeur de la chose à son propre patrimoine, pour la conserver, la consommer ou pour l'aliéner ; il dispose alors d'une chose comme propriétaire, sans pour autant en avoir la qualité. L'auteur doit avoir la volonté, d'une part, de priver durablement le propriétaire de sa chose, et, d'autre part, de se l'approprier, pour une certaine durée au moins. Il ne suffit pas que l'auteur ait la volonté d'appropriation, celle-ci devant se manifester par un comportement extérieurement constatable (ATF 129 IV 223 consid. 6.2.1; 121 IV 25 consid. 1c ; 118 IV 148 consid. 2a). 

L'auteur doit agir avec intention et dans un dessein d'enrichissement illégitime. 

3.4. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP quiconque, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

L'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4). Les valeurs patrimoniales sont ainsi confiées si le lésé a volontairement transféré à l'auteur le pouvoir matériel et juridique d'en disposer, moyennant l'engagement exprès ou tacite d'en faire un usage déterminé dans l'intérêt du lésé ou d'un tiers. Un rapport de confiance particulier doit donc exister entre le lésé et l'auteur, qui est concrétisé par le transfert du pouvoir de disposer des valeurs patrimoniales. L'existence et le contenu du rapport de confiance peuvent être définis de manière exprès ou tacite (A. MACALUSO/ L.  MOREILLON/ N. QUELOZ [éd.], Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, N 33 ad art. 138). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1).

L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données ; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 ; 121 IV 23 consid. 1c).

Un pouvoir de disposer conjoint de l'ayant droit économique (ou de son représentant) et de l'auteur est suffisant (par exemple la remise par le titulaire du compte bancaire d'une procuration sur son compte). Il n'est pas nécessaire que l'auteur ait le pouvoir exclusif sur les valeurs confiées. Partant, il faut et il suffit que l'auteur ait la possibilité factuelle – et non nécessairement juridique – de disposer seul de la créance (ATF 133 IV 28 ; 117 IV 434 ; 111 IV 19 ; 109 IV 32).

Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 118 IV 27 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1). Par enrichissement, il faut entendre tout avantage économique, notamment l'amélioration de la situation patrimoniale, soit une augmentation de l'actif, une diminution du passif, une non-diminution de l'actif ou une non-augmentation du passif. Il peut être provisoire ou temporaire (B. CORBOZ, op. cit., N 14-15 ad art. 138).

3.5. L'art. 139 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier. Dans le cas du vol, un simple dessein d'appropriation suffit, au contraire de l'art. 137 CP, où l'appropriation représente un élément constitutif objectif. Un tel dessein doit être présent au moment de la soustraction (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, N 14 ad art. 139).

L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, le dol éventuel étant suffisant (A. MACALUSO et al., op. cit., N 4 et 45 ad art. 139).

3.6. Commet une utilisation frauduleuse d'un ordinateur au sens de l'art. 147 al. 1 CP, quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact obtenu, provoqué un transfert d'actifs au préjudice d'autrui ou l'aura dissimulé aussitôt après.

L'infraction est dirigée contre le patrimoine. Elle s'applique en premier lieu au cas de celui qui utilise de manière illégale des cartes de débit ou de crédit à des distributeurs automatiques d'argent et qui, ainsi, parvient à atteindre le résultat escompté en agissant de façon punissable. L'emploi d'une carte de bancomat par une personne non autorisée est ainsi un cas d'application typique de l'art. 147 CP. Ce n'est pas l'emploi en tant que tel de données de façon indue, respectivement illégale, qui est décisif, mais plutôt le résultat de cet emploi, s'il aboutit à un traitement informatique ou à une transmission de données inexacts. Sont notamment concernés les cas où il y a usage de données de mauvaise foi, par l'intermédiaire d'employés, d'organes, etc., au préjudice de leur propre entreprise ainsi que des accès, illégalement créés, à des services téléphoniques payants. Ceci n'est possible que par la violation de codes de clearing, respectivement d'autres fichiers logés dans des serveurs de sociétés de télécommunication, ou par le recours à des codes et numéros de cartes appartenant à autrui ; cependant, tout type de comportement de ce type est désormais punissable (ATF 129 IV 315 consid. 2.2.1 = JdT 2005 IV 9).

Il s'agit d'une infraction de nature intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. Il est nécessaire que l'auteur ait agi sans droit et qu'il ait su qu'il agissait sans droit. L'infraction requiert un dessein d'enrichissement illégitime, à savoir que l'auteur a pour but de tirer lui-même un profit de la chose, qui devrait normalement revenir au propriétaire ou au possesseur légitime (A. MACALUSO et al., op. cit., N 18 et 19 ad art. 147).

3.7. Lorsque le titulaire d'un compte remet à une tierce personne une carte bancaire avec son numéro d'identification personnel, et que celle-ci viole les instructions du titulaire du compte dans la mesure où elle prélève de l'argent à ses propres fins, il y a abus de confiance au sens de l'art. 138 CP et non utilisation frauduleuse d'un ordinateur. La situation est toutefois différente si la personne s'approprie la carte bancaire et l′utilise ensuite frauduleusement. Dans ces conditions, l'auteur commet, en concours réel, un vol au sens de l′art. 139 CP, portant sur la carte elle-même et une utilisation frauduleuse d′un ordinateur portant sur les valeurs obtenues (M. DUPUIS et al., op. cit, N 1 ss et 29-30 ad art. 147).

3.8.1.1. L'intimée a livré un récit constant et cohérent sur les raisons qui l'avaient poussée à accepter la proposition de l'appelante de travailler à Genève à son service, soit sa situation difficile dans son pays d'origine et les promesses d'une vie meilleure, corroborées sur place par F______, amie de l'appelante et dont le statut à G______ était reconnu. Au vu des conditions de vie précaires au Mali, il n'est pas étonnant que l'intimée ait souhaité les modifier en travaillant pour une de ses compatriotes en Suisse et ce, même si elle faisait auparavant du petit commerce. Elle ne savait de surcroît ni lire ni écrire, ce que l'appelante a confirmé par-devant le MP, ses dénégations en appel n'emportant pas conviction.

L'intimée a également invariablement relaté ses nombreux mois passés auprès de l'appelante, en détaillant ses tâches et ses conditions de vie. Elle a d'emblée décrit avoir eu la charge de la garde de D______, âgée de 17 ans, ce qui lui avait été tu avant son arrivée, et atteinte d'un autisme sévère, qui demandait une attention permanente au vu de ses réactions imprévisibles et parfois même violentes, en sus du ménage, de la cuisine et du service des repas de la famille, tandis qu'elle ne pouvait aller dans sa chambre que tard le soir et se réveillait même parfois la nuit, notamment pour veiller sur l'adolescente, et ne sortait presque jamais. Elle a précisé ses horaires de travail et le fait qu'elle n'avait eu ni vacances ni jour de congé durant toute la durée de son emploi. C'est aussi de manière constante qu'elle a rapporté n'avoir bénéficié de rien durant une année, hormis la gratuité du logement et de la nourriture, puis reçu CHF 3'000.- en juin ou juillet 2015, après avoir réclamé avec insistance son salaire, somme qui correspond au prélèvement bancaire effectué le 12 juin 2015 et que l'appelante a admis avoir retiré et remis à son employée, puis ensuite mensuellement un revenu variant entre CHF 300.- et CHF 400.- jusqu'à sa démission en novembre 2015. L'appelante avait ouvert un compte bancaire à son nom mais elle n'y avait jamais eu accès ni été en possession de la carte bancaire, ce que l'appelante a également confirmé pour ne lui l'avoir jamais remise, et en ignorait même l'existence. De la même façon, l'intimée a expliqué que l'appelante était très exigeante, la dénigrait constamment, lui répétait qu'elle ne servait à rien, la blâmait des comportements de D______ et l'insultait. Elle a relaté avoir évoqué ses conditions de travail à la témoin J______, puis s'est plainte, notamment par l'intermédiaire de F______, auprès de son employeuse, laquelle lui a rétorqué, à sa démission, qu'elle n'aurait aucune difficulté à la remplacer.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les quelques variations mineures dans le discours de l'intimée sont insuffisantes pour ébranler sa crédibilité, au vu notamment des détails qu'elle a fournis tout au long de la procédure. Elle n'a de surcroît cherché ni à exagérer sa situation ni à accabler inutilement l'appelante, ne tirant au demeurant aucun bénéfice de ses accusations dans la mesure où elle a obtenu dans l'intervalle sa condamnation définitive au civil et le paiement intégral des montants fixés judiciairement.

3.8.1.2. La constance de l'intimée dans son récit ressort également des déclarations faites auprès de ses médecins, du BAC, du Syndicat AB______ et auprès des juridictions civiles, ce qui est propre à la rendre sincère et authentique.

3.8.1.3. À cela s'ajoute que des tiers ont corroboré les déclarations de l'intimée.

La témoin J______ a appuyé son discours quant à sa situation difficile à G______ et confirmé qu'elle s'était plainte de ses conditions de travail à Genève, notamment au sujet de la prise en charge de D______, des comportements de celle-ci ainsi que de ses horaires excessifs et du versement irrégulier de son salaire, tout en constatant que l'intimée ne sortait que rarement, étant isolée, et qu'elle n'avait pas accès à son compte bancaire, pour l'avoir accompagnée à la banque.

Bien que U______ n'ait pas été auditionnée de manière contradictoire, la retranscription de ses propos est un indice supplémentaire. Son expérience auprès de l'appelante est similaire à celle de l'intimée. Elle a confirmé l'intensité de son travail, le fait qu'elle n'avait eu aucun jour de congé, n'avait pas été rémunérée durant son emploi conformément à ce qui avait été prévu contractuellement, les difficultés liées à la garde de D______, notamment à cause des crises de celle-ci, de son isolement car elle ne pouvait sortir, ainsi que le peu de reconnaissance de son employeuse et la dureté de cette dernière.

Le témoin W______ a aussi renforcé les déclarations de l'intimée sur l'état de santé de D______ et les difficultés liées à sa prise en charge lors des transports, étant relevé qu'il n'avait aucune raison d'exagérer. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, ce n'est pas parce que le chauffeur a constaté parfois que D______ marchait seule jusqu'à son domicile que l'intimée était nécessairement absente, étant précisé que le témoin a ajouté qu'il s'assurait qu'il y avait toujours une présence à la maison au retour de la jeune fille.

Il en va de même du père de D______. Bien qu'il n'ait pas souhaité s'épancher sur l'état de sa fille, il a concédé qu'elle pouvait avoir un comportement anormal et avait besoin d'assistance ainsi que d'une présence constante à la maison, étant relevé qu'il n'a pas allégué que la préparation de sa fille, le matin et le soir, ne prenait que quelques minutes, comme soutenu par l'appelante, mais supposé ce fait dans la mesure où il l'ignorait. Ce n'est par ailleurs pas parce que l'appelante passait parfois l'aspirateur ou balayait que l'intimée ne faisait pas le ménage de manière prépondérante dans la maison, étant rappelé qu'il a lui-même confirmé qu'elle se chargeait de la maintenance, cuisinait, s'occupait de D______ et ne sortait alors presque jamais.

3.8.1.4. L'OMP a également appuyé la version de l'intimée quant à la garde de D______ ainsi qu'aux difficultés liées à son comportement et à ses excès de violence. Selon le rapport, elle avait des besoins particulièrement importants de prise en charge que plusieurs personnes pourtant formées n'arrivaient pas toujours à assumer, notamment dès janvier 2015, soit lorsque l'intimée était toujours au service de l'appelante, en raison de l'aggravation et l'augmentation des crises de l'adolescente.

Ces éléments sont probants pour établir la charge et les conditions de travail de l'intimée, dont la tâche principale était de s'occuper de la jeune femme, dont il est établi à rigueur de dossier qu'elle est lourdement handicapée.

À cela s'ajoute que l'appelante a obtenu une dérogation du DFAE pour employer une domestique de son pays d'origine afin de s'occuper de sa fille à domicile. Tel n'aurait pas été le cas si celle-ci ne demandait pas une prise en charge particulière, comme le prétend pourtant l'appelante, qui semble nier l'évidence.

Ainsi, il est plus que vraisemblable que l'intimée, qui ne disposait d'aucune qualification requise, se soit retrouvée démunie face à D______, dont la prise en charge était particulièrement coûteuse en heures de travail mais également éprouvante, tant psychologiquement que physiquement, compte tenu de l'âge et de la force de la jeune femme, qui pouvait ainsi blesser l'intimée.

3.8.1.5. En outre, les constats et diagnostics posés par les médecins ayant examiné l'intimée vont dans le sens d'un événement traumatisant. Les documents produits font en substance état d'un stress post-traumatique important en lien avec son travail au service de l'appelante, le tableau clinique étant d'ailleurs classiquement présent chez les victimes de traite d'êtres humains.

3.8.1.6. Au demeurant, il est rappelé que l'appelante a été condamnée par les juridictions civiles pour avoir employé l'intimée pendant 17 mois et demi, sept jours sur sept, lui avoir fait faire des heures supplémentaires et ne lui avoir octroyé aucun jour de vacances, afin de s'occuper des tâches ménagères (ménage, lessive, repassage et préparation des repas) ainsi que de D______, le tout sans percevoir le salaire dû contractuellement.

Les autorités civiles ont retenu que l'appelante lui avait versé en tout CHF 4'400.- pendant les rapports de travail, ce qui corrobore la version de l'intimée, raison pour laquelle l'employeuse a été contrainte de payer à son employée CHF 42'514.- au total, soit un montant largement supérieur au salaire convenu, dont l'appelante s'est acquittée dans sa totalité, après condamnation.

Le fait que l'intimée ait persisté dans le cadre de la procédure pénale à affirmer avoir travaillé chaque semaine plus d'heures que celles retenues par les instances civiles n'est pas de nature à remettre en cause sa crédibilité, au vu des éléments au dossier.

3.8.1.7. Face à un récit probant et corroboré par plusieurs éléments au dossier, celui de l'appelante est inconsistant, évolutif et contradictoire sur de nombreux points. Elle a d'abord expliqué que l'intimée se levait seule à 6h00 pour prier, réfutant ensuite ses propres déclarations en précisant qu'elle réveillait celle-ci à 7h00 et que c'était elle-même qui priait avant. Elle a également affirmé que son employée n'était pas présente au domicile, notamment les après-midis lors des réceptions de colis, fait mentionné uniquement lors de l'audience de jugement, qu'elle avait refusé d'effectuer les tâches ménagères et ne faisait rien pour D______, raison pour laquelle elle devait de son côté tout faire pour sa fille, tout en déclarant en parallèle que l'intimée était considérée au sein de la famille comme la grand-mère adorée, qui aimait s'occuper de D______, et qu'elle travaillait même de manière volontaire les week-ends, propos qu'elle a toutefois nié au TP avoir déclarés, ajoutant même qu'elle ignorait si son employée s'occupait bien de sa fille. À l'instar du TP et des juridictions civiles, la Cour considère que si l'intimée était tant récalcitrante à l'emploi, on peine à comprendre pourquoi l'appelante n'a pas mis un terme à son contrat de travail et n'a demandé aucun compte à son employée durant près de 18 mois, étant précisé que ses explications à ce sujet, non-convaincantes, sont de pure circonstance, dès lors que l'intimée n'est pas son aînée, mais bien plus sa cadette.

L'appelante a aussi prétendu que sa fille n'était pas agressive, était indépendante et pouvait rester seule à la maison, alors même que ses déclarations sont contredites tant par les témoins que par l'OMP, tout comme par ses propres déclarations, ayant reconnu que sa fille n'était pas "normale" et qu'elle avait besoin de soins, puis confirmé avoir obtenu une dérogation pour employer une domestique Malienne à cet effet.

Ses explications selon lesquelles l'intimée n'effectuait que les heures de travail contractuellement prévues, voire même moins que celles-ci, sont ainsi totalement inconsistantes et en contradiction avec les éléments du dossier.

L'appelante s'est également contredite sur les compétences de l'intimée et les aspects bancaires. Elle a d'abord affirmé que celle-ci ne savait ni lire ni écrire, raison pour laquelle elle lui avait appris à signer et lui lisait son courrier, pour modifier ensuite ses déclarations afin de prétendre qu'elle ne recevait en réalité aucun courrier pour elle, pas même ses décomptes E______, ce qui est en soi déjà contredit par le contenu de la documentation bancaire figurant au dossier, ajoutant même en appel que l'intimée pouvait lire et écrire. Elle a par ailleurs précisé que son employée savait détenir un compte bancaire sur lequel elle était libre d'effectuer des retraits au guichet et que la procuration en sa faveur était son idée, alors même qu'elle a admis ignorer si celle-ci était capable de prélever de l'argent seule. On peine ainsi à croire que l'intimée, qui a affirmé n'avoir jamais été titulaire d'un compte bancaire auparavant, ait souhaité de son plein gré lui déléguer un tel pouvoir. À cet égard, l'appelante a aussi affirmé que l'intimée s'était adressée à elle car elle n'avait aucun autre ami, admettant ainsi que celle-ci était bien isolée à Genève, alors même qu'elle avait toujours contesté ce point. Elle a aussi expliqué au MP avoir gardé la carte bancaire de l'intimée, tout comme sa carte de légitimation, pour éviter toute perte, réfutant ensuite ce dernier point au TP, affirmant n'avoir jamais détenu la carte de légitimation de son employée.

Les explications de l'appelante pour justifier les prélèvements effectués sur le compte bancaire de son employée sont de surcroît inconsistantes et évolutives. Elle a d'abord prétendu avoir procédé de la sorte avec le consentement de son employée en lui remettant l'intégralité des montants prélevés, alors même qu'elle a admis par la suite retirer des sommes, sans l'en informer et sans lui en remettre la totalité, car elle avait toujours géré les biens de ses domestiques en Afrique et que son employée souhaitait économiser. L'intimée étant âgée de plus de 50 ans lors de son engagement, on peine à comprendre pourquoi l'appelante ne lui a jamais remis l'entier des sommes retirées et procédait au compte-goutte, si ce n'est pour garder un contrôle sur son employée de façon à ce qu'elle reste constamment dépendante d'elle. L'appelante a de surcroît prétendu, uniquement dans un second temps et de manière successive, que l'intimée avait tenu un décompte manuscrit des sommes remises, avec l'aide de son fils H______, puis qu'elle avait de son côté déposé l'argent de celle-ci dans des enveloppes séparées au nom de son employée, documents qu'elle n'a pourtant versés dans aucune des procédures à son encontre. La tenue du décompte par souci de "transparence" et en faveur de l'intimée, comme soutenu par l'appelante, va au demeurant à l'encontre du bon sens puisque c'est le débiteur d'une somme et non le créancier de celle-ci qui a un intérêt à disposer d'une preuve de sa remise, comme souligné à juste titre par le premier juge.

Les explications de l'appelante s'agissant du calcul du BAC sont au demeurant mathématiquement fausses, dès lors que les salaires versés jusqu'en décembre 2015 ont pratiquement tous été prélevés, de sorte qu'il ne peut résulter un solde de CHF 13'283.- à la fin des rapports de travail. C'est vainement que l'appelante affirme aussi avoir versé de l'argent à la famille de l'intimée, sans rien prouver à cet égard.

En sus de ces nombreuses contradictions, l'appelante a persisté à contester les faits établis par les juridictions civiles, sans pour autant fournir d'autre élément probant ou nouveau qui soutiendrait sa version des faits, et n'a cessé de prétendre avoir mal été comprise ou que la retranscription de ses propos avait été négligée, dès qu'elle a été confrontée à ses propres contradictions, ce qui la décrédibilise davantage.

3.8.1.8. En conclusion, la Cour retient, à l'instar du premier juge, que l'ensemble des déclarations de l'intimée, crédible, contrairement à celles de l'appelante, est établi.

3.8.2.1. Sous l'angle de l'usure, à l'exception des CHF 4'400.- reçus de l'appelante, du logement et de nourriture, l'intimée n'a perçu aucune contreprestation durant près de 18 mois pour avoir consacré tout son temps à s'occuper de D______ et du ménage.

L'état de gêne et de dépendance est manifeste compte tenu de la situation administrative délicate de l'intimée, ainsi que du contexte culturel. Il importe peu que l'appelante ait appliqué à la lettre les exigences et conditions légales imposées par les autorités suisses avant l'arrivée de l'intimée sur le territoire dans la mesure où la carte de légitimation de celle-ci, qu'elle s'est vue confisquer dès les premiers mois en Suisse, était liée au statut diplomatique de l'appelante, et représentait pour elle l'unique opportunité de résider et de travailler en Suisse, n'étant pas éligible aux prestations de chômage ni apte au placement. Elle était donc à la merci de son employeuse.

Son absence de toute expérience dans le milieu professionnel en Suisse, qui plus est dans le domaine domestique et de la garde de personnes handicapées, amène également à considérer que l'intimée méconnaissait le domaine des relations du travail et ses droits, dans la mesure où elle a accepté de travailler sans aucune rémunération durant un an et n'a ensuite pas contesté davantage le faible revenu perçu avant sa démission. L'intimée avait d'autant moins de raisons de s'opposer à sa situation qu'elle était particulièrement isolée, ce que le témoignage de J______ corrobore, faisant état d'une personne qui sortait très peu et n'avait pas d'amis. Le fait qu'elle disposait d'un téléphone portable avec un crédit mensuel, en sus de l'accès au wifi et du téléphone fixe de la maison n'y change rien.

À cela s'ajoute le faible niveau d'éducation de l'intimée, dans la mesure où elle ne savait ni lire ni écrire, fait admis par l'appelante, malgré ses dénégations ultérieures qui n'emportent pas conviction, et était ainsi à la merci de cette dernière qui faisait l'intermédiaire, notamment en ce qui concerne sa correspondance et son compte bancaire, ce que l'appelante a reconnu et qui ressort également clairement du dossier, l'intimée ayant quémandé son salaire au lieu de prélever l'argent qui lui était versé, dont elle ignorait l'existence. L'employée s'est vue également subtiliser sa carte bancaire, sans le savoir, de façon à ce que l'appelante ait le contrôle de sa situation financière, laquelle était déjà précaire à son arrivée à Genève, comportement qui symbolise le rapport de soumission et de subordination qui existait entre elles.

La forte affection et le sentiment de loyauté que l'intimée éprouvait pour D______, pour s'en être occupée comme si elle était sa propre fille, l'empêchaient également de s'opposer aux conditions de travail imposées par l'appelante, culpabilité dont celle-ci avait conscience et a tiré profit. Les réprimandes et les remarques dénigrantes formulées par cette dernière, dont s'est plainte l'intimée, qui sont corroborées par le témoignage de U______ et qui ressortent tant de l'attitude et des déclarations de l'appelante dans la présente procédure, que des documents issus de la procédure civile, ont contribué à la maintenir dans un état de gêne et de dépendance, au point de développer un sentiment de culpabilité encore présent plusieurs années après la fin des rapports de travail.

Dans ces conditions, l'intimée a assurément été entravée dans sa liberté de décision, tel qu'aurait pu l'être une personne placée dans sa situation, devenue corvéable à merci et soumise à toutes pressions psychologiques.

Nul doute que l'intimée réalisait ainsi plusieurs situations de faiblesse telles que décrites à l'art. 157 ch. 1 CP, en particulier la gêne, la dépendance et l'inexpérience.

3.8.2.2. Il est de plus incontestable que l'intimée a fourni une prestation qui représente une valeur économique, arrêtée à CHF 42'154.- par le TF, correspondant à un horaire hebdomadaire de travail largement supérieur à ce qui était prévu durant près de 18 mois. En contrepartie, elle était logée, nourrie et a touché, uniquement les derniers mois de son emploi, CHF 4'400.- en tout, alors qu'elle aurait dû percevoir un salaire bien plus élevé, vu l'activité fournie. De la sorte, l'appelante a obtenu un avantage pécuniaire disproportionné sur le plan économique, dans une mesure largement supérieure à 50%, ce qui est manifestement usuraire.

Le fait que l'appelante ait versé le salaire convenu sur le compte bancaire de l'intimée n'y change rien dans la mesure où celle-ci n'y a jamais eu accès. Il en va de même du versement de CHF 13'283.- en janvier 2016, dès lors que c'est en raison du fait que l'intimée s'est plainte auprès au BAC, après la fin des relations de travail, que l'appelante l'a rémunérée, étant relevé que même en prenant en considération cette somme, la disproportion des prestations n'en demeurerait pas moins évidente.

3.8.2.3. Il ne fait aucun doute que c'est en exploitant la situation de faiblesse de l'intimée que l'appelante a pu obtenir un tel avantage. Elle connaissait celle-ci avant de l'engager et savait qu'elle n'était pas en mesure de remettre en cause les conditions de travail offertes, dès lors qu'elle était isolée, liée à son statut diplomatique, sans réseau, sans autre toit que sa propre demeure, sans formation ni certificat de travail ou autre ressource financière, et sans connaissance linguistique suffisante pour se débrouiller seule, ce qui lui a permis d'en abuser. Peu importe que l'intimée ait finalement démissionné et intenté par la suite des procédures à l'encontre de son employeuse, dans la mesure où il est établi que l'appelante a profité de sa situation de faiblesse tout au long des rapports de travail. L'appelante savait aussi que le travail dont elle bénéficiait méritait un salaire largement plus élevé qu'effectivement remis, eu égard à ses démarches auprès de la Mission AD______ et du contrat de travail signé par les parties. L'appelante a ainsi sciemment profité de l'état de gêne et de dépendance de l'intimée pour obtenir sa soumission aux conditions de travail imposées. L'élément intentionnel est réalisé.

3.8.2.4. Partant, la condamnation de l'appelante pour l'infraction d'usure (art. 157 ch. 1 CP) sera confirmée, l'appel étant rejeté.

3.8.3.1. Pour ce qui est des faits reprochés en lien avec les retraits effectués par l'appelante sur le compte bancaire de son employée (cf. acte d'accusation complémentaire du 25 novembre 2022), il est établi et non contesté que la concernée disposait d'une procuration sur ledit compte bancaire, sur lequel elle a versé le salaire mensuel de l'intimée, et a conservé la carte bancaire y afférant, ce qu'elle a admis, de façon à lui permettre de prélever divers montants, en employant tantôt la carte bancaire tantôt sa procuration, comme elle l'a à juste titre reconnu par-devant le TP.

Il ressort de la documentation bancaire qu'entre septembre 2014 et octobre 2015, l'appelante a en effet effectué 13 retraits auprès de divers distributeurs automatiques de billets ("bancomat") à Genève, d'un montant total de CHF 16'500.-, en utilisant, le cas échéant, la carte bancaire de l'intimée, ainsi que six autres retraits directement au guichet en décembre 2015, de CHF 1'883.- au total, en recourant cette fois-ci soit à la carte bancaire, soit à sa procuration, ce qui équivaut au total à 19 prélèvements qu'elle a admis avoir effectués personnellement et n'avoir à aucun moment remis la carte bancaire à l'intimée, qui a confirmé n'avoir de son côté jamais utilisé le compte bancaire dont elle était titulaire, pas même après la découverte de son existence ou après la fin de ses relations de travail.

Au vu des considérations qui précèdent (cf. supra consid. 3.8.1 et 3.8.2), la Cour tient pour établi que l'intimée n'a reçu aucun montant avant juin ou juillet 2015, l'appelante s'étant alors résolue à cette date à lui remettre CHF 3'000.-, après insistance de son employée qui a réclamé pour la première fois son salaire, après une année de travail, puis ponctuellement quelques centaines de francs, entre CHF 300.- et CHF 400.-, soit CHF 4'400.- en tout durant son contrat.

L'appelante a ainsi utilisé à son profit la majorité des prélèvements effectués sur le compte bancaire de son employée, s'enrichissant de la sorte.

3.8.3.2. Bien que le comportement de l'appelante soit illicite, il ne tombe pas sous le coup d'un abus de confiance selon l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, faute de valeurs patrimoniales confiées.

Si l'intimée a signé les documents d'ouverture de son compte bancaire, comprenant la procuration en faveur de l'appelante, il ressort du dossier qu'elle a appris l'existence de son compte personnel et de son compte épargne à E______, de même que le pouvoir conféré à son employeuse, que lorsqu'elle s'est rendue à E______ avec la témoin J______ dans le but d'ouvrir un compte pour déposer le solde des CHF 3'000.- remis en juin ou juillet 2015, fait confirmé également par la témoin précitée. L'intimée a déclaré de manière crédible que, jusqu'alors, elle ignorait que les CHF 1'300.- de salaires avaient été versés régulièrement sur ce premier compte par l'appelante, avant d'être retirés par ses soins. Le premier juge a également retenu à juste titre qu'elle n'en était pas consciente, soulignant que, sinon, elle aurait entrepris des démarches pour accéder à son compte et y prélever de l'argent, au lieu de quémander son salaire.

Il est de surcroît rappelé que l'intimée ne savait ni lire ni écrire, maîtrisait mal le français, n'avait jamais été titulaire d'un compte bancaire auparavant et était incapable d'ouvrir un tel compte seule ou même de l'utiliser. Tant la correspondance que la carte bancaire munie des codes d'accès dudit compte ont au demeurant été envoyées au domicile de l'appelante, laquelle a confirmé qu'elle devait lire et expliquer à son employée tout ce qu'elle recevait. L'intimée a aussi confirmé au TP n'avoir vu ni les relevés bancaires, ni la carte bancaire E______, et n'avait en aucun cas autorisé l'appelante à utiliser celle-ci pour effectuer un quelconque prélèvement.

Ainsi, dès lors que l'intimée avait une méconnaissance complète du salaire versé sur le compte dont elle était titulaire et du fait que l'appelante disposait tant de la carte bancaire y afférant que d'une procuration, elle ne peut avoir confié des valeurs patrimoniales dont elle ignorait l'existence, voire même fourni de quelconques instructions à leur sujet, même de manière tacite.

3.8.3.3. Cette constatation amène ainsi à requalifier le comportement reproché à l'appelante sur la base des faits figurant dans l'acte d'accusation complémentaire du 25 novembre 2022, soit les 13 retraits effectués auprès de divers bancomats à Genève, d'un montant total de CHF 16'500.-, à l'exclusion des six autres directement prélevés au guichet en décembre 2015, dont il n'est pas fait mention.

Dans la mesure où la Cour retient que l'appelante a utilisé de manière illégale, car sans le consentement de l'intimée, ce qu'elle savait, la carte bancaire de celle-ci, qu'elle s'était au préalable appropriée pour l'avoir reçue à son domicile, en utilisant les codes et numéros y afférents afin de retirer des sommes d'argent dans le but de s'enrichir, ses agissements sont réprimés par l'art. 147 al. 1 CP.

Cette requalification ne péjore pas la situation de l'appelante, dans la mesure où les peines menaces des infractions d'abus de confiance et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur sont identiques.

La question de savoir si l'appropriation de la carte bancaire est réprimée par l'art. 137 al. 1 ou 139 al. 1 CP, au vu de la teneur de l'acte d'accusation, peut être laissée ouverte, compte tenu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, cette infraction ayant été omise ou écartée par l'autorité de première instance de sorte que l'appelante a été libérée de l'action pénale pour ce même complexe de faits.

Partant, l'appelante sera reconnu coupable d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, selon l'art. 147 al. 1 CP, en lieu et en place d'abus de confiance, selon l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP.

3.9. Au vu de ce qui précède et contrairement à ce que soutient l'appelante, le litige revêt un caractère pénal, l'action intentée devant les juridictions civiles étant sans pertinence sur la réalisation des infractions d'usure, dont les conditions mêmes comprennent une composante civile, et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur.

De surcroît, l'absence de poursuite de l'appelante au motif que l'intimée a déjà fait valoir ses prétentions civiles serait contraire au droit, étant relevé que les lésés n'ont aucune obligation de formuler leurs prétentions civiles par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP a contrario).

L'appel sera partant rejeté et le jugement confirmé en ce qui concerne la culpabilité de l'appelant pour les deux infractions retenues.

4. 4.1.1. Les infractions reprochées ont été commises avant l'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions, le 1er janvier 2018. Au regard de la peine qui sera fixée ci-après, le nouveau droit des sanctions n'est pas plus favorable à la prévenue, de sorte qu'il convient d'appliquer l'ancien droit.

4.1.2. Les infractions d'usure (art. 157 ch. 1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP) sont passibles d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

4.2. Selon l'art. 47 CP (ancien comme nouveau), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tätkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tätkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.3. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

4.4. La durée de la peine privative de liberté est en règle générale de six mois au moins et de 20 ans au plus (art. 40 aCP).

4.5. Le juge suspend l'exécution notamment d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 aCP et art. 42 al. 1 nCP). Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 aCP).

4.6. À teneur de l'art. 48 let. e aCP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que le prévenu s'est bien comporté dans l'intervalle.

L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé procède du même principe que la prescription. Le temps écoulé amenuise la nécessité de punir et il doit être pris en considération aussi lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et que le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale se sont écoulés ; selon la nature et la gravité de l'infraction, le juge peut cependant aussi tenir compte d'une durée moins importante (ATF 140 IV 145 consid. 3.1).

Selon l'art. 97 al. 1 let. b CP, qui avait, en 2014, la même teneur qu'actuellement, l'action pénale se prescrit par 15 ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans. La date déterminante pour l'examen de la prescription est celle du jugement sur appel (ATF 140 IV 145 consid. 3.6).

4.7.1. Eu égard aux infractions commises, constitutives de crimes, la faute de l'appelante est pour le moins importante, comme retenue à juste titre par le premier juge, dont la Cour fait sienne la motivation.

L'appelante a en effet volontairement exploité la faiblesse de l'intimée et l'a maintenue dans une telle situation durant près de 18 mois pour des mobiles égoïstes, par convenance personnelle, profitant de sa vulnérabilité et de son isolement, après l'avoir convaincue d'être à son service en lui faisant miroiter des conditions de vie meilleures, formalisées en partie dans le contrat de travail qu'elle n'a délibérément pas respecté. Outre cette exploitation, elle a ouvert un compte bancaire pour son employée, sur lequel elle versait le salaire de celle-ci, à son insu, qu'elle a retiré, grâce à la carte bancaire qu'elle a subtilisée, et utilisé ensuite dans son seul intérêt personnel, dépossédant ainsi sa domestique de son revenu. Elle a agi de la sorte car cela lui permettait sans doute, en cas de contrôle des autorités compétentes, d'attester qu'elle respectait la législation en la matière.

Un tel comportement est d'autant moins excusable qu'elle avait pleine latitude pour agir différemment. Éduquée et au bénéfice d'une situation professionnelle stable et confortable financièrement, elle était à même de rémunérer de manière décente du personnel pour s'occuper tant des tâches ménagères que de sa fille, étant rappelé qu'elle faisait l'objet d'une dérogation pour engager une domestique à des conditions plus favorables, conformément à l'ODPr.

Les abus en cause ont indéniablement eu un effet sur la santé psychique de l'intimée, tel que cela ressort des attestations médicales figurant à la procédure.

La collaboration de l'appelante a été très mauvaise. Elle s'est évertuée, jusqu'en appel encore, à contester tout comportement délictueux, malgré les éléments au dossier et l'issue de la procédure civile menée en parallèle. Elle n'a cessé de prétendre que l'intimée l'accusait sans preuve, voire de la dénigrer en affirmant qu'en définitive elle ne faisait rien. Elle n'a exprimé ni regret, ni repentir et a de surcroît fait preuve d'un grand mépris à l'égard de l'intimée, alléguant que celle-ci aurait utilisé sa fille handicapée pour inventer les faits afin de vivre en Suisse à ses dépens. Cette persévérance dans le déni, doublée d'une tendance à la victimisation, dénote une prise de conscience nulle, sans aucun égard pour la souffrance de l'intimée.

Sa responsabilité est pleine et entière et il n'existe aucune circonstance atténuante, étant relevé que la Cour prend acte du fait que le TP a tenu compte de celle du temps relativement long, qui n'aura qu'un léger impact sur la peine vu que les deux tiers du délai de prescription ne sont pas atteints et que l'appelante a persisté à contester les faits et ce, malgré la confirmation de sa condamnation au civil par le TF.

Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine. Elle n'a pas d'antécédent, ce qui est un facteur neutre pour la peine.

4.7.2. La quotité de la sanction adéquate pour l'infraction d'usure impose le choix d'une peine privative de liberté. Il convient d'opter pour le même genre de peine pour l'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, ce que l'appelante ne conteste au demeurant pas. Les infractions sont en effet étroitement liées, procédant de la même motivation et du même contexte, la faute est grave et la prise de conscience nulle de sorte qu'un signal clair s'impose.

La sanction de l'infraction abstraitement la plus grave (art. 157 ch. 1 CP) doit être fixée à neuf mois, augmentée de six mois, afin de tenir compte de l'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP) (peine hypothétique : huit mois). La peine fixée par le TP à 15 mois apparaît ainsi juste et sera confirmée.

Le prononcé du sursis complet est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP), tout comme le délai d'épreuve, fixé à trois ans par le premier juge et non contesté en appel au-delà de son acquittement, lequel sera confirmé puisqu'il apparaît nécessaire et suffisant pour pallier tout risque de récidive.

L'appel sera donc rejeté.

5. 5.1.1. Selon l'art. 122 CPP, en sa qualité de partie plaignante, le lésé peut déposer des conclusions civiles déduites de l'infraction, par adhésion à l'action pénale.

Les conclusions civiles consistent principalement en des prétentions en dommages-intérêts (art. 41 ss de la loi fédérale complétant le code civil suisse [CO]) et en réparation du tort moral (art. 47 et 49 CO) dirigées contre le prévenu. La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).

5.1.2. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

5.2. Le premier juge a condamné l'appelante à verser à titre de réparation du tort moral la somme de CHF 6'000.-. Sa culpabilité en lien avec les faits en cause étant confirmée, sa condamnation à la réparation du dommage le sera également, de même que la somme allouée, étant précisé que l'appelante ne soulève aucun grief s'agissant du montant alloué à la plaignante qui apparaît adéquat.

6. 6.1. L'appelante, qui succombe dans la mesure où elle n'a tiré ni avantage ni désavantage de la requalification juridique, supportera les frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de jugement de CHF 2'500.- (art. 428 al. 1 CPP).

6.2. L'appelante demeurant condamnée pour tous les faits reprochés, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance, qui seront intégralement mis à sa charge (art. 426 al. 1 CPP a contrario). Elle sera par voie de conséquence déboutée de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP).

7. 7.1.1. Selon l'art. 138 al. 1 CPP, le conseil juridique gratuit est indemnisé selon le tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique. Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire, débours de l'étude inclus, de CHF 200.- pour le chef d'étude (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3ss).

7.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes est majorée de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

7.2. Les frais relatifs à l'assistance judiciaire de la partie plaignante sont assumés en premier lieu par l'État. L'art. 426 al. 4 CPP prévoit qu'ils ne peuvent être "mis à la charge du condamné que si celui-ci bénéficie d'une bonne situation économique". Cette disposition est l'équivalent pour l'assistance judiciaire gratuite de l'art. 135 al. 4 CPP qui prévoit que lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de la procédure, il est tenu de rembourser, dès que sa situation financière le permet, à la Confédération ou au canton les frais d'honoraires (let. a).

Les conditions auxquelles le condamné peut être tenu de s'acquitter des frais relatifs à la défense d'office et de ceux de l'assistance judiciaire de la partie plaignante sont identiques (arrêt du Tribunal fédéral 6B_150/2012 du 14 mai 2012 consid. 2.1).

7.3. À l'aune de ces principes, il convient de retrancher de l'état de frais du conseil juridique gratuit de l'intimée pour la procédure d'appel la facturation relative à la lecture du mémoire d'appel, activité couverte par le forfait, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'indemniser en sus, ainsi que cinq heures et 40 minutes pour la rédaction du mémoire de réponse, composé de huit pages et demie (hors page de garde), huit heures devant suffire, à un chef d'étude, supposé rapide et expéditif, qui connaît bien le dossier, étant relevé que l'entier de l'activité liée à l'examen des griefs invoqués et la liste des éléments de réponse, d'une durée d'une heure et 45 minutes, a été retenue.

L'indemnisation en appel sera ainsi arrêtée à CHF 2'310.20, correspondant à neuf heures et 45 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'950.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 195.-) et la TVA (CHF 165.20).

7.4. La mise à la charge de l'appelante des frais de l'assistance judiciaire gratuite de l'intimée est justifiée vu sa situation financière confortable, étant précisé que l'appelante ne soulève aucun grief à cet égard. Le montant de ces frais tel qu'il a été arrêté par le TP n'est de surcroît pas contesté. Tant les frais d'assistance judiciaire gratuite de première instance qu'en appel seront ainsi mis à la charge de l'appelante.


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/166/2023 rendu le 9 février 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/7544/2016.

Le rejette.

Annule néanmoins le jugement entrepris dans la mesure où il déclare A______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP).

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'usure (art. 157 ch. 1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 15 mois (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que, si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à payer à B______ CHF 6'000.-, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2017, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 5'655.-, émolument de jugement de CHF 600.- et émolument complémentaire de jugement de CHF 1'200.- compris (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le montant des frais et honoraires de Me C______, conseil juridique gratuit de B______, a été arrêté à CHF 15'419.60 en première instance et les met à la charge de A______ (art. 426 al. 4 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'735.-, qui comprennent un émolument de CHF 2'500.-.

Arrête à CHF 2'310.20, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, conseil juridique gratuit de B______, et les met à la charge de A______ (art. 426 al. 4 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Département fédéral des affaires étrangères.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

5'655.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

8'390.00