Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1193/2024 du 05.12.2024 ( LCI ) , REJETE
REJETE par ATA/663/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 5 décembre 2024
|
dans la cause
A______ SA
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
B______
C______
1. La société C______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de D______ et du bâtiment d'habitation avec des activités commerciales au rez-de-chaussée qui y est érigé, situé à l'angle des rues E______ et du F______. Au rez-de-chaussée, le bâtiment comporte trois arcades, l'une donnant sur la rue du F______, une autre sur la rue E______ et la dernière située à l'angle de ces deux rues.
2. Cette parcelle se situe dans le périmètre du plan d'utilisation du sol approuvé par le Conseil d'État le 27 février 2008 (ci-après: PUS), en particulier dans le secteur 2.2.
3. Du 1er novembre 2004 au 22 septembre 2023, l'arcade située à l'angle était exploitée par l'G______ SA, société active notamment dans la gérance d'immeubles, la promotion, le courtage, le commerce et l'investissement dans le domaine immobilier.
4. La société A______ SA (ci-après: A______ SA) gère l'immeuble situé sur la parcelle n° 1______ et a conclu, le 29 septembre 2023 un contrat de bail de dix ans et quinze jours avec la société propriétaire de l'immeuble, soit du 16 octobre 2023 au 31 octobre 2033, renouvelable, portant sur la location de l'arcade à l'angle. Le contrat prévoyait que la destination des locaux était exclusivement à l’usage de bureaux.
5. Le 10 novembre 2023, A______ SA a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée auprès du département du territoire (ci-après: le département) dans le but d'effectuer des travaux d'entretien, ainsi que de rénovation et de transformation de l’arcade afin de l'adapter à son activité. Cette demande a été enregistrée sous la référence APA/2______.
6. Dans le cadre de son instruction, toutes les instances de préavis consultées se sont déclarées favorables au projet, hormis la Ville de L______ (ci-après: la ville).
Dans son préavis défavorable du 21 novembre 2023, la ville a retenu que compte tenu du fait que les travaux d'adaptation des locaux visaient à accueillir un nouveau locataire qui était une régie immobilière, que son activité devait être considérée comme une activité fermée au public car il s'agissait d'un travail administratif de gestion de biens immobiliers et que le local se situait à l'angle de deux rues passantes avec une continuité commerciale, le projet n'était pas conforme à l'art. 9 RPUS. Dans ses deux préavis défavorables suivants des 9 et 24 janvier 2024, la ville a maintenu sa position, malgré les compléments fournis par la requérante et formulés par courrier du 11 janvier 2024, dans lequel il était indiqué que la future régie immobilière visait notamment à offrir une activité destinée au public.
7. Par décision du ______ 2024, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.
Faisant siens les préavis défavorables de la ville, il ressortait du dossier, en particulier des plans déposés, que l'arcade était destinée à accueillir une nouvelle régie immobilière et que le projet prévoyait d'affecter les locaux concernés à un bureau, un local d'archives, une salle de conférence ainsi qu'à une cuisine et un WC. Les explications contenues dans le courrier du 11 janvier 2024 de la requérante confirmaient que l'activité qui serait déployée dans les locaux concernés était essentiellement administrative et que ces derniers seraient occupés essentiellement par les personnes de l'entreprise, ce qui ressortait également des plans. Le projet n'était donc pas conforme à l'art. 9 RPUS.
8. Par acte du 20 mars 2024, A______ SA a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant à titre préalable, à ce que le tribunal ordonne l'audition des parties avec audition de témoins ainsi que la tenue d'un transport sur place, à titre principal, à l'annulation de la décision querellée, cela fait, à ordonner au département de s'écarter des préavis défavorables de la ville et à délivrer l'autorisation de construire sollicitée, subsidiairement, au renvoi du dossier à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.
Elle souhaitait s’implanter sur la rive gauche et plus particulièrement dans le quartier des D______ où elle gérait de nombreux immeubles et où il existait une forte demande de location. Il s’agirait d’une annexe à son agence principale qui sera bien évidemment ouverte au public pour y recevoir, entre autres, ses locataires et des personnes intéressées à la location, à l’achat/vente et/ou à mettre leur bien en gérance, étant relevé qu’il était de notoriété publique qu’elle était une agence immobilière du canton depuis de très nombreuses années.
La destination de l'arcade entre les locataires successifs était restée identique, à savoir une agence immobilière. Dans la mesure où la nouvelle destination des locaux litigieux demeurait la même, il n'existait pas en l'espèce de changement d'affectation.
Au surplus, le Tribunal fédéral avait jugé qu'il était discutable de savoir si une agence immobilière répondait ou non aux conditions d'ouverture au public. L'autorité intimée avait ignoré le fait que l'art. 9 al. 1 RPUS n'excluait pas les affectations mixtes, impliquant une cohabitation entre surfaces fermées au public et surfaces ouvertes au public. Il s'agissait de déterminer au cas par cas si une agence immobilière remplissait les exigences de ladite norme. La chambre administrative avait d'ailleurs déjà admis qu'une telle activité était mixte (cf. ATA/830/2004).
L'agence concernée constituerait une annexe à son agence principale, laquelle serait ouverte au public tout au long de la journée, pour y recevoir, entre autre, ses locataires et des personnes intéressées à la location, l'achat/vente et/ou à mettre leur bien en gérance. La configuration du plan de l'arcade déposé le démontrait clairement, avec la création d'un grand open space dans lequel se trouverait la réception et une salle de conférence. L'ancienne régie locataire avait trois bureaux fermés et une réception de sorte que la nouvelle configuration constituait un accroissement du côté ouvert au public. Par ailleurs, tout comme l'ancienne locataire, il serait notamment affiché, de manière visible, sur toutes les vitrines de l'arcade, les biens immobiliers disponibles à la location et à la vente, comme elle le faisait déjà à son siège. L'activité projetée ne portait ainsi pas atteinte à l'animation du quartier et était au contraire susceptible de l'augmenter, dans la mesure où elle accueillerait non seulement ses clients mais aussi les personnes de passage attirées par les annonces visibles de l'extérieur. Elle contribuerait à maintenir la diversité des activités aux alentours, notamment plusieurs cafés-restaurants, des petites entreprises, un salon de coiffure et un magasin de motos. En outre, vu l'essor pris pas Internet et l'achat en ligne, poussant de nombreux commerces à fermer, son activité permettrait le maintien de la venue d'une clientèle dans le quartier, ce d'autant qu'à l'heure où Genève traversait une grave crise du logement, l'activité de régie immobilière intéressait une clientèle toujours plus large. La chambre administrative avait aussi récemment jugé que l'activité d'un assureur favorisait la diversité et l'animation d'un quartier, ce qui s'appliquait aussi à une régie immobilière.
9. Par courrier du 7 mai 2024, la ville, intervenante, a formulé ses observations sur le recours. Elle a conclu à son rejet.
Il ressortait de la jurisprudence de la chambre administrative et du Tribunal fédéral, qu'une régie immobilière, dont les activités étaient mixtes et visaient à la fois un public captif et des clients de passage, ne portait pas atteinte à l'animation du quartier à la condition que celle-ci fut quasiment inexistante. A contrario, une telle affectation n'était pas admissible dans un secteur hautement fréquenté et bénéficiant d'une continuité commerciale.
De plus, les activité d'agence immobilière et de régie immobilière n'étaient pas identiques, ce que le tribunal de céans avait déjà admis. L'activité de cette dernière était de nature avant tout administrative et se déployait dans des locaux nécessitant une certaine confidentialité. Or, en l'occurrence, c'était bien une régie immobilière qui devait remplacer une agence immobilière dans l'arcade concernée. Il s'agissait ainsi bien d'un changement d'affectation devant répondre aux conditions du RPUS.
En outre, le plan soumis à l'appui de la demande d'autorisation de construire n'apportait aucun élément démontrant que les locaux seraient ouverts au public. Au contraire, l'essentiel de l'arcade serait dévolu à un unique bureau et donc à du travail administratif. Enfin, les deux rues concernées étaient très animées, avec une intense activité commerciale. Cette situation n'était ainsi pas comparable avec les jurisprudences invoquées par la recourante.
10. Le 17 mai 2024, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.
Il ressortait de la plateforme « Suivi administratif des dossiers » (ge.ch – ci-après: SAD-Consult) que l'arcade concernée n'avait fait l'objet d'aucune demande d'autorisation pour un changement de destination depuis l'affectation initiale des surfaces du rez-de-chaussée en salon de coiffure et magasin le ______ 1967 (DD 3______, selon laquelle le rez-de-chaussée de l'immeuble avait comme destination initiale « 400 m2 d'arcades [divisées en deux magasins] »). L'arcade avait ainsi été utilisée par l'ancienne locataire sans qu'une requête en autorisation de construire n'eut été déposée pour le changement d'affectation.
Le périmètre dans lequel se trouvait l'arcade était très animé. La ville avait analysé le projet à trois reprises. Il ressortait du dossier, en particulier des plans déposés, que l'arcade serait affectée à un bureau, un local d'archives, une salle de conférence ainsi qu'à une cuisine et un WC. Les documents et explications fournis en cours d'instruction avaient de plus confirmé que l'activité qui y serait déployée serait essentiellement administrative et que les locaux seront principalement occupés par des personnes de l'entreprise. Ainsi, bien que des activités mixtes pussent être autorisées, les éléments concrets du cas d'espèce, notamment l'agencement des locaux, avaient conduit la ville à qualifier l'activité comme fermée au public. Par ailleurs, les agences immobilières étaient spécifiquement mentionnées dans la liste des activités fermées au public et, contrairement par exemple à une agence de voyage, la clientèle des agents immobiliers souhaitait assurément s'informer et traiter d'affaires immobilières dans une certaine confidentialité.
11. Le 19 juin 2024, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.
Il était de notoriété public que la plateforme SAD-Consult ne mentionnait pas toutes les autorisations délivrées concernant les bâtiments déjà construits, comme c'était d'ailleurs le cas de l'autorisation de construire DD 4______ citée par le département.
Le salon de coiffure existait toujours et le magasin était devenu un restaurant. À une date indéterminée, les bureaux liés au magasin étaient devenus une troisième arcade indépendante. Malgré ses recherches, elle n'avait pas réussi à savoir qu'elle activité y était déployée avant la prise de bail par l'ancienne locataire, raison pour laquelle il serait opportun que le tribunal ordonna l'audition de l'administrateur de l'ancienne locataire. En tout état, cette dernière avait annoncé à la ville l'installation de ses procédés de réclame sur les vitrines de l'arcade, sur la façade et sur l'un des piliers de l'immeuble, laquelle avait été acceptée. Ainsi, à tout le moins depuis décembre 2004, la ville savait que l'arcade était exploitée par une agence immobilière et ne s'y était jamais opposée sur la base du RPUS, admettant dès lors qu'il s'agissait d'une activité ouverte au public. Le changement d'affectation de l'arcade par rapport à l'activité initialement autorisée était donc admis depuis de nombreuses années.
En tout état, l'arcade concernée était à l'époque des bureaux, soit un espace non ouvert au public. Même à considérer que l'activité projetée n'était pas ouverte au public - ce qui était contesté - cette nouvelle affectation était identique à celle initialement prévue.
La ville ne considérait pas que l'activité projetée et celle de l'ancienne locataire était différente. Cela n'avait jamais été soulevé à l'occasion de ses précédents préavis. La ville avait uniquement justifié ses préavis au seul motif que l'arcade serait occupée par une régie immobilière et qu'en elle-même, cette activité devait être considérée comme fermée au public, s'appuyant par la même occasion sur la future configuration de l'arcade. Or, toute nouvelle raison présentée a posteriori devait être écartée sans détermination sur celle-ci.
Les activités de l'ancienne locataire portaient sur la vente mais aussi sur la location de biens immobilier, tout comme son activité, ce que démontrait la comparaison de leur but statutaire. La chambre administrative avait par ailleurs déjà jugé que son activité était mixte. Il fallait aussi prendre en compte que les régies immobilières n'exerçaient pas toutes les mêmes activités, certaines ne faisant que de la location de biens, alors que d'autres, comme elle, faisant de la location, du courtage, de la vente et de la promotion. Les plans démontraient que l'activité de l'arcade serait tournée vers le public, le tribunal ayant jugé qu'une configuration similaire l'était.
12. Le 11 juillet 2024, la société propriétaire de l'immeuble a transmis ses observations.
Elle avait acquis l'immeuble alors que l'arcade était déjà exploitée par l'ancienne locataire, laquelle était en place depuis près de 20 ans au moment de la résiliation du bail. C'était donc en toute bonne foi qu'elle avait loué les locaux à la recourante. Elle se soumettrait au jugement du tribunal, mais soulignait que l'activité projetée serait susceptible d'accueillir plus de public que l'activité du locataire précédent, soit des locataires, mais aussi des clients et prestataires en lien avec les activités de courtages et de développement.
Il convenait également de noter que les deux autres surfaces commerciales accueillaient du public. Le bar-restaurant engendrait d'ailleurs un certain nombre de nuisances pour les locataires. Vu le contexte actuel, elle avait privilégié un locataire de qualité avec qui elle collaborait depuis de nombreuses années et dont l'activité ne risquait pas de péjorer la qualité de vie de leurs locataires et du voisinage.
13. Le 15 juillet 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.
La recourante persistait dans son argumentaire concernant l'absence de changement d'affectation.
Si la ville avait été hypothétiquement avertie de la situation dans le cadre de l'installation de procédés de réclame, cette procédure était très différente de celle de l'instruction d'une autorisation de construire pour changement d'affectation et n'était très probablement même pas traitée par le même service communal. En tout état, le département était le seul compétent pour délivrer une autorisation de construire, et la commune était uniquement consultée dans le cadre de cette procédure en tant qu'instance de préavis. Ce n'était que lors de cette instruction que la question de la conformité au RPUS était analysée. Il était ainsi impossible d'affirmer que la ville aurait accepté une activité d'agence immobilière dans l'arcade pendant quasiment 20 ans.
Au demeurant, la recourante ne démontrait toujours pas qu'une autorisation de construire aurait été délivrée pour le précédent changement d'affectation, conformément à la maxime inquisitoire, de sorte que la conformité au RPUS de cette arcade n'avait jamais été examiné. La demande d'audition de l'administrateur de l'ancienne locataire ne permettrait pas d'en apporter la preuve.
Rien ne permettait d'affirmer que la précédente affectation autorisée en magasin, bureaux et dépôts était fermée au public.
14. Le 15 juillet 2024, la ville a transmis ses observations finales.
La recourante ne contestait pas que les différents changements d'affectation de l'arcade n'avaient jamais été autorisés.
L'examen par le service compétent lors de la procédure d'autorisation d'installation d'un procédé de réclame se limitait à la conformité de l'installation souhaitée à la loi topique et à son règlement d'application. La nature de l'affectation de l'arcade, ouverte au public ou non, n'était pas une condition à la délivrance de cette autorisation. La recourante ne pouvait donc pas se prévaloir de cette dernière pour admettre une acceptation, même implicite, d'un changement d'affectation.
L'activité d'une agence immobilière devait être distinguée de celle d'une régie, ce qui résultait de la demande de location de l'ancienne locataire, laquelle oeuvrait uniquement au commerce de biens immobiliers. Si le type d'activité déployée dans l'arcade avait apparemment changé en 2004, celle-ci était demeurée ouverte au public et était conforme au RPUS transitoire alors applicable. Cependant, tel n'était pas le cas de l'activité de régie que la recourante souhaitait y déployer.
Ses préavis favorables étaient explicites sur les motifs qui l'avaient conduit à préaviser défavorablement le projet. C'était en lien avec l'argumentaire déployé par la recourante qu'elle avait étayé sa position.
Même à considérer que l'activité de la recourante fût mixte, une telle affactation n'était pas admissible dans un secteur hautement fréquenté et bénéficiant d'une continuité commerciale.
15. Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie "En droit" en tant que de besoin.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. En revanche, commet un excès positif de son pouvoir d’appréciation l’autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l’exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d’appréciation dans le cas où l’excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l’autorité considère être liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu’elle renonce d’emblée, en tout ou partie, à exercer son pouvoir d’appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1587/2019 du 29 octobre 2019 consid. 9a).
5. Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).
6. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3).
Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/940/2023 du 31 août 2023 consid. 2.1 et les références citées).
7. La procédure administrative est aussi régie par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).
8. À titre préalable, la recourante sollicite l'audition des parties et de M. H______, administrateur de l'ancienne locataire, ainsi que la tenue d'un transport sur place.
9. Le droit d’être entendu garantit par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1).
Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).
En revanche, le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).
10. En l’espèce, le tribunal estime que le dossier dont il dispose contient les éléments suffisants et nécessaires à l’établissement des faits pertinents pour traiter les griefs soulevés par la recourante et statuer sur le litige. S’agissant plus particulièrement de l’audition de M. H______, celle-ci vise à déterminer , quelle était, à sa connaissance, la précédente affectation de l'arcade en question. Or, comme il sera exposé ci-après, cet élément ne peut influencer l’issue du présent litige, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de procéder à l'audition de ce témoin.
Cette conclusion préalable sera donc rejetée.
11. La recourante conteste le refus de délivrance d'une autorisation de construire visant les travaux qu'elle projet dans l'arcade commerciale au motif que cette activité ne constituerait pas un changement d'affectation, dès lors qu'elle sera pleinement identique à celle de l'ancienne société locataire.
12. Selon la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l'intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).
13. Sur tout le territoire du canton de Genève, une autorisation de construire est nécessaire notamment pour élever en tout ou en partie une construction, pour rebâtir une construction, ou encore pour modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (art. 1 al. 1 LCI).
14. Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1).
15. Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI). Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation ait été délivrée (art. 1 al. 7 LCI).
16. Le terme « transformation » de l'art. 22 al. 1 LAT vise également le changement d'affectation, soit la modification du but de l'utilisation, même lorsqu'il ne nécessite pas de travaux de construction (ATA/1346/2015 du 15 décembre 2015 et les références citées ; au sujet de l'art. 22 LAT : ATF 139 II 134, 140 consid. 5.2 ; au sujet de l'art. 24 LAT : ATF 119 Ib 222, 227 consid. 3a ; ATF 113 Ib 219, 223 c. 4d ; ATF 108 Ib 359, 361 consid. 3a ; Alexander RUCH, art. 22, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (VLP-ASPAN), 2009, p. 19 n. 34 ad art. 22 LAT ; ATF 132 II 21, 42 consid. 7.1.1 et ATF 127 II 215, 218-219 consid. 3a au sujet de l'art. 24al. 2 aLAT).
17. La conformité à l'affectation de la zone implique que la fonction de la construction ou installation concorde avec celle de la zone. Il ne suffit pas qu'elle ne soit pas contraire à la destination de la zone (DFJP/OFAT, Étude relative à la LAT, 1981, p. 274 n. 29 ; ATA/822/2015 du 11 août 2015). L'utilisation de la construction ou de l'installation est pertinente pour juger de la conformité à l'affectation de la zone, en particulier si elle est connue au moment de l'octroi de l'autorisation (ATA/822/2015 précité ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/784/2013 du 26 novembre 2013 ; ATA/70/2013 du 6 février 2013).
18. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).
19. À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/ 2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).
Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d’un comportement de l’administration, notamment en cas de silence de l’autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l’autorité doit être intervenue à l’égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l’administration, des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).
La précision que l’attente ou l’espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l’administré doit avoir eu des raisons sérieuses d’interpréter comme il l’a fait le comportement de l’administration et d’en tirer les conséquences qu’il en a tirées. Tel n’est notamment pas le cas s’il apparaît, au vu des circonstances, qu’il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l’autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).
20. S'agissant de l'application du principe de la bonne foi en matière de constructions illicites, l’inaction de l’autorité face à une construction illicite ne lie cette dernière que si elle peut être assimilée à une tolérance « active ». Pour cela, certains auteurs considèrent que l’autorité a dû rester passive pendant une période prolongée – de l’ordre d’une dizaine d’années au moins – alors qu’elle avait connaissance de la construction illicite, ou aurait dû en avoir connaissance si elle avait agi avec diligence (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public - notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 223).
21. Le Tribunal fédéral a déjà considéré que des délais de plus de quatre ans et même de plus de treize ans ne suffisaient pas pour retenir que l’autorité administrative aurait toléré des constructions et installations durant de longues années et que son intervention violerait le principe de la bonne foi (arrêts 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.2 ; 1C_181/2009 du 24 juin 2009 consid. 3.3). Des délais de vingt-quatre voire vingt ans peuvent suffire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2009 du 28 janvier 2010 consid. 2.2.2 et les références citées).
22. Récemment, la chambre administrative a retenu une telle violation dans le cadre de la présence d’un paddock et d’un marcheur dans un manège pendant plus de vingt ans (ATA/77/2023 du 24 janvier 2023).
23. En l'espèce, si la recourante prétend qu'il n'y aurait en réalité aucun changement d'affectation, il convient d'examiner dans un premier temps quelle était la dernière affectation autorisée.
Or, à teneur des éléments du dossier, il appert que la dernière affectation autorisée découle de l'autorisation de construire DD 3______ du ______ 1967. Selon cette dernière, le rez-de-chaussée de l'immeuble concerné était divisé en deux arcades, affectées l'une à un salon de coiffure et l'autre en un magasin avec bureaux et dépôt. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'affectation qu'en a fait l'ancienne locataire aurait un jour été autorisée depuis la délivrance de la DD 3______. Partant, force est de constater que l'existence même de l'arcade concernée n'a jamais été autorisée par le département, dès lors qu'à l'origine, le rez-de-chaussée était composé uniquement de deux arcades, et non trois comme aujourd'hui, étant précisé qu'un salon de coiffure et un restaurant sont exploités dans les arcades autorisées. Il importe ainsi peu de savoir depuis quand cette troisième arcade, située dans l'angle, est exploitée comme une agence immobilière, faute d'avoir été autorisée.
Il est ainsi indéniable que l'affectation de cette arcade en agence immobilière n'a jamais été autorisée et nécessitait dès lors l'octroi d'une autorisation de construire en ce sens. La recourante ne saurait dès lors être suivie lorsqu'elle affirme qu'il n'y aurait aucun changement d'affectation.
Contrairement à ce qu'elle tente de soutenir, la recourante ne saurait se prévaloir du principe de la bonne foi pour affirmer l'absence de changement d'affectation. En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que le département aurait créé, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’il serait lié par la bonne foi s’agissant de l'affectation litigieuse non autorisée. Rien ne permet ainsi de considérer que le département aurait exprimé une quelconque assurance que l'affectation actuelle de l'arcade était autorisée. Le fait que le service compétent de la commune ait délivré l'autorisation de mise en place de procédés de réclame à l'endroit de la précédente locataire, la recourante ne démontre aucunement que le département aurait eu connaissance de son existence et encore moins qu'il l'aurait tolérée d'une façon ou d'une autre.
Le grief est écarté.
24. La recourante conteste ensuite le refus de délivrance de l'autorisation de rénover et transformer les locaux en vue d’accueillir une régie immobilière, en prétendant que son activité serait ouverte au public.
25. Le règlement relatif aux plans d'utilisation du sol (PUS) de la ville, adopté par le Conseil municipal le 20 février 2007 et approuvé par le Conseil d'État le 27 février 2008 (RPUS - LC 21 211) a pour but, en vue de favoriser la qualité de vie en ville, de maintenir et rétablir l'habitat, tout en favorisant une implantation harmonieuse des activités qui garantisse le mieux possible l'espace habitable et limite les charges sur l'environnement qui pourraient résulter d'une répartition déséquilibrée des affectations (art. 1 al. 1 RPUS). À cette fin, il répartit notamment en logements et en activités les surfaces brutes de plancher supplémentaires obtenues par des transformations de bâtiments (surélévation, aménagement de combles) ou par des constructions nouvelles (art. 1 al. 2 let. a RPUS) et définit l'affectation et la destination des constructions existantes dans les cas où les dispositions du règlement leur sont directement applicables (art. 1 al. 2 let. b RPUS). Les dispositions du RPUS s'appliquent aussi bien aux constructions existantes qu'aux constructions nouvelles (art. 2 al. 1 RPUS).
Selon le PUS annexé au RPUS, la ville est découpée en trois secteurs : le premier comprend la I______ (secteur 1), le deuxième (secteur 2) est composé de trois sous-secteurs couvrant tous les quartiers de la ville, à l'exception des zones faisant l'objet de plans localisés de quartier (ci-après : PLQ), ces dernières étant attribuées au troisième secteur.
26. L'art. 9 RPUS a la teneur suivante :
1. Activités accessibles au public
1.1. Afin de développer l’animation et l’attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l’implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu’elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public.
1.2. Cette règle ne s’applique pas lorsqu’une construction nouvelle ne se situe pas en continuité avec des bâtiments dont les rez-de-chaussée sont affectés à des locaux ouverts au public.
2. Définitions
2.1. Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l’artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l’exclusion des locaux fermés au public.
2.2. Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l’entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d’avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc.
3. Maintien des activités d’animation
Les cafés, restaurants, tea-rooms, théâtres, cinémas, musées, salles de concert, de spectacles, de conférences, de lieux de loisirs et d’animations divers, notamment sur le plan social, culturel et récréatif, ainsi que les magasins d’alimentation, situés tout particulièrement au centre-ville (secteur A) ou en bordure des rues commerçantes de quartier (secteur B) selon la carte annexée, conservent en règle générale leur catégorie d’activité en cours d’exploitation ou leur dernière exploitation, s’il s’agit de locaux vacants.
(…)
5. Exceptions
S’il est démontré que l’exploitation des activités, citées aux alinéas 3 et 4, exercées dans un ou des locaux, ne peut pas être poursuivie, pour d’autres motifs qu’une majoration de loyer excessive ou un prix d’acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce, une dérogation au sens de l’art. 14 peut être octroyée.
6. Procédures
Les changements de destination de surfaces de plancher, au sens du présent article seront soumis à autorisation du Département des constructions et des technologies de l’information [devenu le département], même en l’absence de travaux, en application de l’article 1, alinéa 1, lettre b), de la loi sur les constructions et installations diverses ».
27. La formulation de l'art. 9 RPUS laisse une large place à l'appréciation. Le but d'intérêt public qu'il poursuit réside dans l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes », en particulier dans les zones fréquentées et animées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_337/2023 du 23 août 2024 consid 4.2.1 ; 1C_72/2018 du 19 avril 2018 consid. 3.3 ; 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 8.2 ; ATA/166/2018 du 20 février 2018 ; ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017 ; ATA/830/2004 du 26 octobre 2004). Cette interdiction constitue manifestement un but d'intérêt public, en particulier dans les zones fréquentées et animées (ATA/166/2018 du 20 février 2018 ; ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017 ; ATA/830/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/553/2002 du 17 septembre 2002 et les références citées). En d’autres termes, l'objectif principal de cette disposition est donc, par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée, d'avoir des commerces ouverts au public afin que le quartier soit animé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_72/2018 du 19 avril 2018 consid. 3.3 ; ATA/166/2018 du 20 février 2018 ; ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017 ; ATA/249/2009 du 19 mai 2009). L'art. 9 RPUS n'interdit en revanche aucune affectation spécifique et n'a pas pour but d'interférer dans la concurrence entre les acteurs économiques du quartier. Certes, l'esprit de cette disposition tend à garantir une certaine diversité des commerces, mais la portée de cette norme ne va pas jusqu'à exiger une variété des commerces dans un périmètre restreint (arrêt du Tribunal fédéral 1C_72/2018 du 19 avril 2018 consid. 3.3).
Cela étant, la réaffectation de locaux commerciaux sis au rez-de-chaussée d'un bâtiment à une activité administrative dans des bureaux fermés au public a été admise lorsque ceux-ci se trouvaient dans un périmètre où il n'y avait pratiquement pas d'activité ni d'animation piétonne. Ainsi, dans un cas concernant la transformation d'arcades, originairement destinées à une affectation commerciale accessible au public, en des salons privés à un usage personnel et familial, le propriétaire a été autorisé à les garder fermées au public. Cette approche était justifiée au regard du principe de l'égalité de traitement, compte tenu de la présence de deux banques en rez-de-chaussée dans le même périmètre, et de l'inaction des autorités pour faire respecter le PUS et le RPUS (cf. ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017 ; ATA/282/2006 du 23 mai 2006 et les références citées).
28. Le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 9 RPUS ne portait pas une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété et à la liberté économique des propriétaires et agents immobiliers concernés. Elle n'excluait pas les affectations mixtes, impliquant une cohabitation entre surfaces fermées au public et surfaces ouvertes au public, pour autant que ces dernières fussent en « nette majorité » (cf. arrêt 4A_726/2012 du 30 avril 2013 consid. 1.3, citant l'arrêt 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 précité). Dans ce dernier arrêt, il a jugé, s'agissant de l'activité d'une agence immobilière que :
« Il est certes discutable de savoir si, a priori, une agence immobilière répond ou non aux conditions d'ouverture au public. La clientèle existante et future des agents immobiliers souhaite assurément s'informer et traiter de biens immobiliers dans une certaine confidentialité ; toutefois, ces agences sont la plupart du temps également aménagées de façon à susciter l'intérêt des passants pour attirer la clientèle ce qui, à la différence de locaux administratifs par exemple, contribue à l'animation du lieu où elles se trouvent (cf. arrêt 1P.124/1991 - 1P.182/1991 du 3 mars 1992, consid. 3a). Cette question peut cependant rester indécise puisque la formulation de l'art. 9 RPUS laisse une large place à l'appréciation et ne prohibe pas systématiquement l'implantation, au rez-de-chaussée des lieux de passage ouverts au public, d'entreprises actives dans l'immobilier. En effet, l'art. 9 al. 1 RPUS n'exclut pas les affectations mixtes, impliquant une cohabitation entre surfaces fermées au public et surfaces ouvertes au public, pour autant que ces dernières soient en « nette majorité ». Il s'agira donc de déterminer au cas par cas si une agence immobilière remplit les exigences de l'art. 9 RPUS. Partant, cette disposition ne porte pas une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété et à la liberté économique des propriétaires et agents immobiliers concernés » (consid. 9).
29. Dans sa jurisprudence, le tribunal de céans a déjà admis qu'une agence immobilière, « qui fait le commerce de biens immobiliers, tout en n'exerçant pas l'activité typique d'une régie immobilière, soit une activité de nature avant tout administrative, dans des locaux nécessitant une certaine confidentialité, sans la nécessité d'une ouverture directe et visible au public, entend y réaliser des aménagements, exclusivement intérieurs, qui ne toucheront dès lors aucunement l'enveloppe du bâtiment, pour y déplacer l'agence qu'elle exploite depuis de nombreuses années à quelques dizaines de mètres de là, dans une arcade tout à fait similaire. A teneur des éléments du dossier, l'activité qu'elle déploie actuellement et qu'elle souhaite poursuivre dans l'arcade litigieuse, dans un espace aménagé sous la forme d'un open space donnant directement sur la voie publique et pourvu de vitrines transparentes, apparaît clairement être tournée vers le public et ouverte à celui-ci " (JTAPI/1070/2018 du 2 novembre 2018 consid. 11).
30. À teneur de l'art. 14 al. 1 RPUS, le Conseil d'État ou le département peuvent exceptionnellement déroger aux dispositions du présent règlement lorsqu'une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l'exige impérieusement.
Le Tribunal fédéral a souligné que ces dérogations ne peuvent être délivrées qu'à des conditions restrictives, à défaut de quoi le règlement se trouverait vidé de son sens (arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 7.1).
31. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’arcade, qui se situe à l’angle des rues E______ et du F______ se trouve dans un secteur hautement fréquenté et dans la continuité de nombreuses arcades commerciales.
La recourante fait valoir qu’elle souhaite s’implanter sur la rive gauche, plus particulièrement dans le quartier des J______ où elle gère de nombreux immeubles où il existe une forte demande de location. Elle pourrait ainsi accueillir ses locataires et des personnes intéressées à la vente, l’achat ou la location, ou désirant mettre leur bien en gérance.
Or, il ressort des plans produits que l’arcade comprendra un bureau de 48.56 m2, une salle de conférence de 17.06 m2, un local d’archives, une cuisine et des WC. Aucun aménagement destiné à l’accueil du public n’est prévu, comme par exemple une réception, voire une salle d’attente ou un lieu permettant l’accueil de personne en toute confidentialité ; l’accès depuis l’extérieur donnera ainsi directement dans le bureau. Il en doit en être déduit, comme l’a fait la ville dans ses préavis, repris par le département dans sa décision, que l’activité qui pourra principalement être exercée dans ces locaux sera purement administrative, soit l’activité de régie de la recourante, et donc fermée au public, ce qui ne correspond pas à une activité ouverte au public au sens de RPUS.
C’est donc à juste titre que le département a refusé l’autorisation de rénover et transformer l’arcade.
32. Mal fondé, le recours sera rejeté.
33. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la Ville de K______, qui compte plus de 10'000 habitants, soit une taille suffisante pour disposer d'un service juridique, et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/167/2024 du 6 février 2024 et l'arrêt cité).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2024 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de A______ SA, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |