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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1254/2014

ATA/822/2015 du 11.08.2015 sur JTAPI/706/2014 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : APPEL EN CAUSE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; MAISON DE PROSTITUTION ; CONFORMITÉ À LA ZONE ; PERTURBATEUR ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; PROPORTIONNALITÉ ; AMENDE
Normes : LPA.71; LPA.60.al1; Cst.27; LCI.129.lete; LCI.130; LCI.1.al1.letb; LaLAT.19.al3; Cst.9; Cst.5.al3; Cst.5.al2; LaLAT.26.al1; LCI.137.al1
Résumé : Ordre de remise à l'état d'origine d'une villa dans laquelle est exploité un salon de prostitution. Rappel des conditions de validité d'un ordre de mise en conformité. L'exploitation d'un salon de prostitution dans une villa sise en cinquième zone de construction constitue un changement d'affectation soumis à autorisation. Rappel de la jurisprudence relative au perturbateur par situation et par comportement. La passivité du DSE, autorité incompétente en matière d'autorisation de construire, ne peut être assimilée à une autorisation tacite en vertu du principe de la bonne foi. Proportionnalité dans le cadre particulier d'un ordre de démolition. Conditions de l'octroi de dérogations en zone à bâtir. Ordre de remise à l'état d'origine et amende confirmés. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1254/2014-LCI ATA/822/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 août 2015

2ème section

 

dans la cause

 

A______

et

Madame B______
représentées par Me Chris Monney, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2014 (JTAPI/706/2014)


EN FAIT

1) La société A______ (ci-après : A______), constituée en avril 2009, est sise au ______, rue C______ à Genève et dotée d'une gérante unique avec signature individuelle, Madame B______, domiciliée à D______, en Thurgovie. Elle a pour but l'exploitation d'un établissement de saunas, bains, culture physique, massages, relaxation et soins corporels, ainsi que la vente de tous produits en rapport avec cette exploitation.

2) Selon son site internet (www.A______.ch), A______ exploite, dans une villa individuelle sise au ______, route de E______(ci-après : la villa), l'un de ses sept salons de prostitution, le salon « Villa A______» (ci-après : le salon). Elle tient également un « Club F______» à son siège, propose un service d' « escort girls » et ses hôtesses sont par ailleurs disponibles pour des déplacements.

3) Conformément au registre foncier, la villa, d'une surface de 91 m2 et destinée à l'« habitation un logement », est située sur la parcelle no 1______, laquelle appartient à M. G______ et est sise en cinquième zone de construction.

4) Selon le contrat de bail conclu avec M. G______ pour une durée déterminée de cinq ans - du 1er juin 2009 au 31 mai 2014 -, A______ était locataire de la villa, de six pièces, pour un loyer mensuel, charges non comprises, de CHF 10'000.-. Les locaux étaient destinés à l'habitation mais un usage commercial était toléré.

5) Le 10 décembre 2013, la brigade des moeurs (ci-après : BMOE), rattachée au département de la sécurité, devenu par la suite le département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DSE), a signalé au département de l'urbanisme, devenu ensuite le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), l'existence du salon et son adresse. Il convenait notamment de vérifier si l'activité économique d'exploitation d'un salon de massage érotique était compatible avec l'affectation de la zone dans laquelle la parcelle se situait.

6) Le 7 février 2014, le DALE a adressé un courrier recommandé à « A_____ - Madame B______ - ______, route de X______ , à E______ », lequel n'a pas été retiré et a été réexpédié sous pli simple le 28 février 2014.

La pratique, dans la villa, d'une activité commerciale sous la forme d'un salon de massage était susceptible de constituer une infraction à l'obligation d'être au bénéfice d'une autorisation de construire. Un délai de dix jours était imparti pour la transmission d'observations.

7) Par courriel du 7 mars 2014, A______ a demandé, par l'intermédiaire d'un avocat qui se constituait avec élection de domicile, la restitution du délai pour répondre au courrier du DALE du 7 février 2014, lequel n'avait pas été envoyé à son adresse.

8) Par courriel du même jour, le DALE a imparti un délai au 17 mars 2014 à A______ pour lui faire part de ses observations.

9) Dans ses déterminations du 17 mars 2014, A______ a demandé au DALE de respecter le principe de la bonne foi et d'éviter de prononcer des mesures ne pouvant pas satisfaire les intérêts publics à protéger.

La villa était utilisée à des fins commerciales de 14h à 3h du matin. Les personnes y travaillant l'utilisaient durant les onze heures restantes exclusivement à des fins d'habitation. Avant de signer le bail, la société avait trouvé des informations sur le site de l'État de Genève selon lesquelles l'activité professionnelle du propriétaire ou de l'ayant droit pouvait être admise en cinquième zone de construction. L'exploitation commerciale de la villa avait été communiquée au DSE. Malgré ses visites régulières, ce dernier n'avait à aucun moment attiré l'attention de la société sur les éventuelles démarches à effectuer auprès d'une autre administration. L'absence d'intervention des autorités durant près de cinq ans avait légitimement conforté A______ dans sa conviction d'admissibilité de l'utilisation mixte de la villa. Le DSE avait adopté une attitude contradictoire en dénonçant la situation au DALE après cinq années de silence malgré une pleine conscience de la situation. La société n'avait pas à subir les conséquences de l'attitude contradictoire et contraire à la bonne foi des autorités ou du défaut de coordination au sein de l'administration cantonale.

L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit, notamment sous l'angle de l'intérêt public à la lutte contre la pénurie de logement, était inexistant. La villa était utilisée à des fins d'habitations, de sorte qu'une décision de remise en état ne permettrait pas d'augmenter l'offre de logements.

10) Par décision du 1er avril 2014 notifiée à son domicile élu, le DALE a ordonné à A______ de rétablir une situation conforme au droit en remettant la villa à l'état d'origine dans un délai de quarante-cinq jours et lui a infligé une amende administrative de CHF 3'000.-.

Le changement d'affectation de la villa avait été réalisé sans autorisation de construire. L'activité commerciale exercée n'était pas conforme à la cinquième zone de construction et ne pouvait être maintenue en l'état. Le montant de l'amende tenait compte de la gravité objective et subjective de l'infraction.

11) Par acte du 2 mai 2014, référencé sous cause A/1254/2014, A______ et Mme B______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, subsidiairement à son annulation et au renvoi du dossier au DALE pour nouvelle décision, et plus subsidiairement à son annulation et à la fixation d'un délai d'un an pour remettre la villa à l'état d'origine, avec suite de frais et « dépens ».

Elles ont repris et précisé l'argumentation développée précédemment.

Leur bonne foi avait un double fondement, soit, d'une part, les informations données par l'État de Genève sur son site internet complétées par le contrat de bail autorisant un usage mixte et, d'autre part, l'absence de toute réserve de la BMOE. Mme B______ s'était annoncée en tant que responsable du salon auprès de cette dernière, qui avait procédé à son enregistrement. Les hôtesses y travaillant s'étaient également annoncées en indiquant leur lieu de travail. La BMOE avait effectué de nombreux contrôles sur le site et constaté la situation en zone de villas, ainsi que l'usage mixte effectué. Durant cinq ans, les autorités avaient donné l'apparence objective d'un consentement à l'exploitation du salon.

La tranquillité et la moralité publiques ne constituaient pas des intérêts publics, en l'absence de toute plainte du voisinage immédiat en cinq ans d'exploitation du salon en bordure d'un axe routier important. L'intérêt privé de la société et de Mme B______ à pouvoir poursuivre l'utilisation mixte de la villa l'emportait. Le DALE avait violé leur liberté économique.

Si l'existence d'un intérêt public devait être admise, le délai de
quarante-cinq jours portait gravement atteinte à leur liberté économique, en les privant de leur source de revenu, sans qu'elles ne puissent dans un délai aussi bref mettre un terme aux dépenses inhérentes à leur activité (loyer du bail, renouvelé tacitement pour une durée indéterminée, salaire de la réceptionniste). Un délai d'au moins une année, temps minimum nécessaire pour trouver des nouveaux locaux commerciaux, compte tenu de la nature de l'activité exercée - pouvant être sujette à la critique -, ainsi qu'un appartement pour loger les hôtesses, devait être accordé.

L'amende administrative devait être annulée.

12) Par courrier du 23 mai 2014, en réponse à une demande de renseignements du TAPI du 14 mai 2014, les intéressées ont indiqué ne pas être en mesure, pour l'heure, d'entamer les démarches en vue de l'obtention d'une autorisation du DALE. M. G______- dont l'accord et la signature étaient nécessaires à cet effet - était introuvable et injoignable depuis plusieurs semaines. Les loyers de la villa faisaient l'objet d'une saisie et la parcelle du domicile de M. G______ avait été mise aux enchères le 6 janvier 2012.

13) Par jugement du 24 juin 2014 (JTAPI/706/2014), notifié le 30 juin 2014, le TAPI a rejeté le recours.

La société était la destinataire de la décision. En tant que gérante unique de cette dernière, Mme B______ avait un intérêt pratique, personnel et actuel à l'annulation de la décision litigieuse et se trouvait dans un rapport spécial avec l'objet du litige. Elles avaient toutes deux la qualité pour recourir.

L'ordre de remise en état avait été notifié à la société, perturbatrice par situation et par comportement.

L'exploitation d'un salon de prostitution dans la villa constituait un changement d'affectation soumis à autorisation. Une telle autorisation n'avait jamais été délivrée, ni aux intéressées, ni au précédent locataire. Aucune requête en autorisation de construire n'avait été déposée. Le changement d'affectation violait l'obligation d'être au bénéfice d'une autorisation de construire.

La société et Mme B______ ne pouvaient ignorer, en tant qu'exploitante et gérante d'un salon érotique, que la compétence de la BMOE se limitait au contrôle de la prostitution et qu'il ne lui appartenait en aucun cas de veiller au respect de la législation en matière de constructions et d'aménagement du territoire. Elles ne pouvaient se prévaloir de l'éventuelle tolérance par la BMOE du changement d'affectation de la villa et donc du principe de la bonne foi. Les informations du site internet de l'État de Genève ne faisaient que reprendre les dispositions légales topiques et n'étaient pas trompeuses. Le DALE n'avait pas communiqué ces informations dans le cadre concret du changement d'affectation de la villa mais à titre d'information destinée au public dans un but de vulgarisation du système relatif aux zones d'affectation.

La villa étant dévolue treize heures par jour, dans son ensemble, à l'activité du salon de massage et mise à disposition des hôtesses en tant que logement le temps restant, l'activité professionnelle exercée n'était pas accessoire à l'affectation de logement. L'exploitation du salon ne pouvait être autorisée en tant qu'activité professionnelle du propriétaire, de l'ayant droit ou du locataire.

Les intéressées n'étant pas en mesure d'entamer les démarches en vue de l'obtention d'une autorisation de construire, la condition formelle à toute régularisation faisait défaut et il n'y avait pas lieu de renvoyer la cause au DALE pour examen de la situation sous l'angle des dérogations en zone à bâtir.

L'ordre de remise en état répondait à l'intérêt public au respect de la loi, à une répartition judicieuse des lieux d'habitation et des lieux de travail ainsi qu'à la préservation des lieux d'habitation d'atteintes nuisibles et incommodantes. Il était apte à atteindre le but visé et il n'existait pas de mesure moins incisive. Les intérêts des intéressées étaient essentiellement de nature pécuniaire. L'obligation de rétablir une l'affectation initiale de la villa était conforme au droit. La société et Mme B______ exploitant sept salons à Genève, le délai de fermeture ne constituait pas une charge insurmontable impliquant une violation du principe de la proportionnalité et de leur liberté économique.

Les intéressées avaient changé l'affectation de la villa sans autorisation de construire, en violation de la loi, de sorte que l'amende était fondée dans son principe. L'autorité avait fait usage du principe de la proportionnalité, vu l'amende relativement faible par rapport au maximum légal.

14) a. Par acte du 1er septembre 2014, A______ et Mme B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et reprenant les conclusions formulées devant le TAPI, avec suite de frais et « dépens ».

Elles ont repris et précisé l'argumentation développée auparavant.

La décision attaquée aurait dû être adressée à M. G______, qui seul possédait la maîtrise juridique et le droit de disposer de l'immeuble en cause. La société n'en était que locataire et Mme B______ n'était que la responsable du salon. Le contrat de bail autorisait un usage commercial. C'était le propriétaire de la villa qui avait changé son affectation, puisque celle-ci hébergeait déjà un salon érotique avant sa location par A______. La situation durait depuis plusieurs années et ne présentait aucune urgence. Les intéressées n'étaient pas perturbatrices, seul le perturbateur principal, le propriétaire, pouvant être visé par la décision.

La dénonciation faite par la BMOE auprès du DALE dénotait un changement de politique à l'égard des salons de massage, caractérisé par un soudain revirement ayant donné lieu à de multiples dénonciations. Titulaire d'un bail autorisant l'usage commercial, les intéressées n'étaient pas dans l'obligation, ni même en mesure de requérir une autorisation de construire, seul le propriétaire pouvant le faire. Au vu du comportement des autorités et du propriétaire, la société et Mme B______ pouvaient estimer de bonne foi que l'exploitation commerciale était autorisée. Les autorités étaient tenues de se transmettre les informations, ce qui n'avait pas été le cas pendant des années.

L'interruption abrupte et soudaine de l'exploitation du salon alors que deux autres procédures administratives similaires concernant deux autres salons étaient ouvertes entraînerait des conséquences financières importantes et irrémédiables.

b. À l'appui de leur recours, elles ont versé à la procédure plusieurs documents. Dans une décision du 30 avril 2014, le DALE ordonnait la remise à l'état d'origine d'une villa sise au ______, rue de I______, où les intéressées exploitaient l'un de leurs salons de prostitution. Dans un courrier du 13 juin 2014, le DALE impartissait un délai à Mme B______ pour se déterminer quant au salon « Villa A______  » sis au ______, avenue J______.

15) Le 3 septembre 2014, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

16) a. Par réponse du 3 octobre 2014, accompagnée de son dossier, le DALE a conclu au rejet du recours.

Mme B______ était perturbatrice par comportement du fait de l'exploitation du salon, qu'elle était la seule à pouvoir faire cesser. La société était perturbatrice par situation de par son pouvoir de disposition sur l'usage de la chose louée. S'agissant précisément d'un litige relatif à l'utilisation des lieux, elles représentaient les personnes les plus indiquées pour rétablir une situation conforme au droit.

Ni le propriétaire-bailleur - qui n'était pas un organe étatique, ni le représentant d'un tel organe et s'agissant de relations contractuelles soumises au droit privé -, ni la BMOE ne pouvaient être confondus avec l'autorité compétente pour veiller au respect de la législation sur les constructions et l'aménagement du territoire. Vu leurs activités, la société et Mme B______ ne pouvaient ignorer que la BMOE n'avait pour vocation que de contrôler le monde de la prostitution. La décision attaquée était conforme au principe de la bonne foi. Seul le comportement de l'autorité compétente en matière de construction était pertinent.

Le TAPI avait correctement identifié les intérêts publics pertinents. L'intérêt public poursuivi n'était pas celui de la lutte contre la pénurie de logement. La cessation de l'activité économique non conforme à la zone ne nécessitait aucune démarche préalable et était effective de manière immédiate. L'utilisation conforme à la zone pouvait se poursuivre. Le taux de vacance des locaux commerciaux atteignait à Genève des records, de sorte qu'il ne se justifiait pas de prolonger le délai imparti. La jurisprudence avait retenu qu'un délai de soixante jours n'était pas disproportionné.

17) Par courrier du 23 octobre 2014, les intéressées ont sollicité l'appel en cause de M. G______, lequel se trouvait dans un rapport direct avec l'objet du litige et était doté d'un intérêt personnel, immédiat et actuel à participer à la procédure, dont il était à l'origine.

18) Le 9 février 2015 a eu lieu une audience de comparution personnelle devant la chambre administrative.

a. A______ et Mme B______ ont persisté dans leur recours et ont sollicité l'audition d'un responsable de la BMOE ainsi que de M. G______, soit comme appelé en cause, soit comme témoin.

La vente de la villa n'avait pas eu lieu, vraisemblablement parce que M. G______ n'était plus en cessation de paiement. Le loyer continuait à être versé à la banque. Mme B______, gérante et propriétaire économique de la société, n'avait pas dénoncé le bail avec M. G______, lequel demeurait inatteignable. Elle ne vivait pas dans la villa, où habitaient six personnes - quatre prostituées et deux réceptionnistes sous contrat de travail de durée indéterminée -, travaillant chacune dans une pièce. Le domicile officiel des titulaires d'un permis B se trouvait dans la villa. Au début de la location, cette dernière était déjà équipée et avait déjà fonctionné comme salon de prostitution. Mme B______ avait payé CHF 30'000.- pour l'agencement au précédent locataire, qui avait obtenu l'aval de la BMOE pour l'exploitation de son salon érotique. Elle-même s'était annoncée en personne à la BMOE, mais n'avait pas d'autorisation écrite. M. G______ lui avait dit de s'y rendre pour faire enregistrer le bail.

Mme B______ cherchait en vain des locaux depuis plus d'une année. Il était difficile de trouver des locaux commerciaux à Genève et un propriétaire consentant à une activité de prostitution.

Les clients venaient en voiture et sa garaient sur les parcelles nos 1______ et 2______, formant un tout et toutes deux couvertes par le bail. Il y avait huit à dix clients par jours. Aucune boisson alcoolisée n'était servie sur place.

b. Le représentant du DALE a indiqué maintenir sa décision et s'opposer aux actes d'instruction sollicités, dilatoires.

Le DALE avait agi en remise en état des locaux dans trois salons de Mme B______. Le TAPI avait rendu un jugement concernant celui de la rue de I______. Le représentant du DALE ne savait pas où en était le contentieux relatif à l'avenue de Pictet. Le DALE avait adopté une démarche similaire
vis-à-vis des propriétaires de salons exploités dans des villas en cinquième zone de construction. Il appliquait dans tous les cas strictement les règles d'affectation de la zone villas et agissait contre le perturbateur direct, soit celui qui utilisait les locaux de manière non conforme à l'affectation. Il n'avait pas cherché à régler le cas avec le propriétaire.

19) Le 11 février 2015, le juge délégué a indiqué qu'il n'entendait pas ordonner les actes d'instruction sollicités, l'audition des personnes concernées n'étant pas utile pour permettre à la chambre administrative de statuer, et a fixé un délai au 27 février 2015 aux intéressées pour exercer leur droit à la réplique.

20) En l'absence d'observations complémentaires dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger.

21) À ce jour, le salon figure toujours sur le site internet de A______ avec pour adresse le ______, route de H______.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourante sollicitent l'appel en cause de M. G______.

a. L'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure. La décision leur devient dans ce cas opposable (art. 71 al. 1 LPA). L'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 al. 2 LPA).

b. Cette disposition doit être interprétée à la lumière de celles relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L'institution de l'appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d'obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/664/2012 du 2 octobre 2012 consid. 3a ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 consid. 7 ; ATA/623/1996 du 29 octobre 1996 consid. 2a), mais a pour but de sauvegarder le droit d'être entendu des personnes n'étant pas initialement parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2 ; 1C_505/2008 et 1C_507/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2).

c. En l'espèce, si la décision du DALE se rapporte à un immeuble dont M. G______ est propriétaire, il n'en demeure pas moins que seule l'utilisation de la villa est remise en cause. Or, ce dernier en a cédé l'usage à A______, locataire, qui est dès lors responsable de l'activité commerciale exercée, M. G______ n'étant par conséquent touché qu'indirectement par l'ordre de remise à l'état d'origine. Au surplus, même à admettre que M. G______ aurait un intérêt direct à prendre part à la procédure, l'arrêt de la chambre administrative ne pourrait, en cas de réforme de la décision, que lui être plus favorable (ATA/543/2013 du 28 août 2013 consid. 2c).

Il ne se justifie dès lors pas d'ordonner l'appel en cause de M. G______. La requête d'appel en cause des recourantes sera rejetée.

3) Les recourantes demandent l'audition de M. G______ et d'un responsable de la BMOE.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1).

b. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude qu'elles ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; ATA/693/2015 du 30 juin 2015 consid. 4b ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5b).

c. En l'espèce, la chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés en toute connaissance de cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux requêtes des recourantes.

4) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI confirmant la décision du DALE qui ordonne la remise de la villa à l'état d'origine dans un délai de quarante-cinq jours et infligeant à la société une amende administrative de CHF 3'000.-.

5) À titre préalable, il convient d'examiner si le TAPI a, à juste titre, admis la qualité des recourantes pour recourir devant lui contre la décision du 1er avril 2014.

a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/65/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2b ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 consid. 2b ; ATA/281/2012 précité consid. 8 et les références citées).

b. Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Il faut donc que l'admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 précité consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/65/2015 précité consid. 2c ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3a). Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 p. 296 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 consid 1.3 p. 24 s ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367).

La condition de l'intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d'instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 p. 185 ; 110 Ia 140 consid. 2 p. 141 s ; 104 Ia 487 consid. 2 p. 488 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005 consid. 1c), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 p. 396 ss ; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166 et les références citées ; ATA/65/2015 précité consid. 3a ; ATA/193/2013 précité consid. 3 ; ATA/727/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3), le recourant a payé sans émettre aucune réserve la somme d'argent fixée par la décision litigieuse (ATF 106 Ia 151 consid. 1b p. 153 ; 99 V 78 consid. b p. 80 s) ou encore, en cas de recours concernant une décision personnalissime, lorsque le décès du recourant survient pendant l'instance (ATF 113 Ia 351 consid. 1 p. 352 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 748 n. 5.7.2.3).

d. En l'espèce, le TAPI a admis l'intérêt digne de protection tant de la société que de Mme B______ pour recourir contre la décision du 1er avril 2014.

En tant que destinataire de la décision attaquée, société exploitant le salon et locataire de la villa, A______ est manifestement touchée personnellement, directement et spécialement tant par l'ordre de remise à l'état d'origine que par l'amende administrative. Par ailleurs, si le bail de la villa est arrivé à échéance le 31 mai 2014, les recourantes ont indiqué, dans leur acte de recours devant le TAPI, qu'il avait été renouvelé tacitement pour une durée indéterminée, ce qui a été confirmé par les déclarations de Mme B______ lors de sa comparution personnelle devant la chambre administrative et ressort du site internet de la société, lequel indique que l'exploitation du salon dans la villa se poursuit. L'intérêt de la société à recourir contre l'ordre de remise à l'état demeure dès lors actuel. Le TAPI lui a par conséquent à juste titre reconnu la qualité pour recourir contre la décision du DALE.

En ce qui concerne Mme B______, elle n'est pas destinataire de la décision attaquée. Toutefois, en tant que responsable du salon annoncée auprès de la BMOE, elle est également touchée de manière personnelle, directe et spéciale par l'ordre de remise à l'état d'origine. Elle avait dès lors la qualité pour recourir à l'encontre de l'ordre de remise en état devant le TAPI.

Quant à l'amende, elle a été infligée à A______ uniquement, de sorte que Mme B______ n'a qu'un intérêt indirect, en tant que gérante de la société, à la contester. Elle n'avait dès lors pas d'intérêt digne de protection à recourir devant le TAPI contre la décision litigieuse en relation avec l'amende. Son recours devant le TAPI était par conséquent à cet égard irrecevable.

Au vu de ce qui précède, le jugement du TAPI sera confirmé en tant qu'il déclare recevable le recours de la société ainsi que le recours de Mme B______ en relation avec l'ordre de remise à l'état d'origine. Il sera annulé en tant qu'il déclare recevable le recours de Mme B______ concernant l'amende, lequel sera déclaré irrecevable.

6) Les recourantes soutiennent que l'ordre de remise à l'état d'origine violerait leur liberté économique.

a. Invocable tant par les personnes physiques que morales, la liberté économique (art. 27 Cst.) protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 p. 135). La protection de l'art. 27 Cst. s'étend non seulement aux indépendants, mais encore aux employés salariés lorsqu'ils sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 112 Ia 318 consid. 2a p. 319). Les personnes exerçant la prostitution ainsi que l'exploitation d'établissements permettant son exercice peuvent s'en prévaloir (ATF 137 I 167 consid. 3.1 p. 172). Une restriction de cette liberté est toutefois admissible aux conditions de l'art. 36 Cst.

b. En l'espèce, l'autorité intimée a ordonné la remise à l'état d'origine de la villa, de sorte que les recourantes ne pourront plus y exploiter de salon de prostitution.

Cette décision constitue par conséquent une ingérence dans la liberté économique des intéressées, laquelle doit, pour être admissible, reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité.

7) a. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le DALE peut notamment ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le DALE en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le DALE notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

b. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions (ATF 111 Ib 213 consid. 6 p. 221 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24b ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 3b ; ATA/488/2011 du 27 juillet 2011 consid. 5b ; ATA/85/2011 du 8 février 2011 consid. 6 ; ATA/625/2009 du 1er décembre 2009 consid. 10). Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur (ATF 114 Ib 44 consid. 2a p. 47 s. = JdT 1990 I 482 consid. 2a p. 484 s. ; ATF 107 Ia 19 consid. 2a p. 23 = JdT 1983 I 290 consid. 2a p. 293). Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation (ATF 104 Ib 301 consid. 5c p. 304 ; ATA/569/2015 précité consid. 24b ; ATA/700/2014 précité consid. 3b ; ATA/83/2009 du 17 février 2009 consid. 5). Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux (ATF 107 Ia 121 consid. 1 p. 124 = JdT 1983 I 299). L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi (ATF 117 Ia 285 consid 2b p. 287 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24b ; ATA/700/2014 précité consid. 3b ; ATA/83/2009 précité consid. 5 ; Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, n. 509 p. 108). Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/569/2015 précité consid. 24b ; ATA/700/2014 précité consid. 3b ; ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 5e ; ATA/887/2004 du 16 novembre 2004 consid. 4e).

8) a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700).

b. Sur tout le territoire genevois, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

La cinquième zone de construction est une zone résidentielle destinée aux villas. Des exploitations agricoles peuvent également y trouver place. L'utilisation d'une partie de sa villa par le propriétaire, l'ayant-droit ou le locataire aux fins d'y exercer des activités professionnelles est possible à certaines conditions (art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

c. Selon le Tribunal fédéral, l'exercice régulier de la prostitution dans des studios d'habitation entre clairement en contradiction avec cette dernière notion, de sorte que cela frise la témérité d'argumenter qu'il ne s'agirait pas d'un changement d'affectation soumis à autorisation. Il est indifférent, de ce point de vue, que les hôtesses vivent également sur place (arrêt du Tribunal fédéral 1C_237/2012 du 31 août 2012 consid. 2 et les références citées).

d. En l'espèce, les recourantes exploitent, sans y vivre, un salon de prostitution dans la villa, sise en cinquième zone de construction, zone résidentielle affectée à l'habitation. Ce faisant, elles ont changé la destination de la villa, sans solliciter d'autorisation à cet effet, violant leur obligation légale en ce sens.

Par ailleurs, si les recourantes se prévalent du fait que le précédent locataire de la villa y aurait déjà exploité un salon érotique, elles n'invoquent pas qu'une autorisation à cet effet aurait alors été accordée, ce qui ne ressort au surplus pas du dossier.

L'affectation de la villa à l'exploitation d'un salon érotique, soumise à autorisation, n'a par conséquent jamais été autorisée, en violation de la LCI.

9) Les recourantes affirment qu'elles ne pourraient être qualifiées de perturbatrices et que l'ordre de remise à l'état d'origine aurait dû être dirigé contre le propriétaire de la villa.

a. Les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur. Selon la jurisprudence, le perturbateur est celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 139 II 185 consid. 14.3.2 p. 226 s. ; 136 I 1 consid. 4.4.3 p. 11 ; 122 II 65 consid. 6a p. 70 ; ATA/83/2014 du 12 février 2014 consid. 9 ; ATA/152/2010 précité consid. 7 ; ATA/179/2006 du 28 mars 2006 consid. 4 ; ATA/195/2005 du 5 avril 2005 consid. 11).

b. Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s'agir notamment du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa p. 50 = JdT 1990 I 482 consid. 2c/a p. 485 s.)

c. Selon la jurisprudence, la responsabilité en raison du comportement et celle qui découle de la situation peuvent coexister et l'obligation d'éliminer la perturbation peut être imposée alternativement ou cumulativement à tout perturbateur, aussi bien de comportement que de situation. L'autorité compétente doit jouir d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b p. 24 = JdT 1983 I 290 consid. 2b p. 295). Dans l'examen du choix du perturbateur, le Tribunal fédéral a relevé que si la perturbation ou le danger devaient être éliminés aussi rapidement que possible afin d'éviter de trop grands dommages - cas de pollution des eaux, de danger d'effondrement d'une maison -, le choix se porterait sur le perturbateur le plus proche du foyer du danger et techniquement apte à éliminer personnellement le danger. Si en revanche le rétablissement de l'état primitif n'était pas spécialement urgent et que de toute façon l'état contraire au droit avait déjà duré un temps relativement long - par exemple décharge non autorisée et qui ne met pas en danger l'eau souterraine -, on pouvait adopter pour l'élimination une autre réglementation, si possible plus affinée, qui ne se déterminerait pas - ou pas exclusivement - en fonction de la nécessité d'une action rapide et efficace. Par ailleurs, les perturbateurs par comportement devaient si possible entrer en considération avant les perturbateurs par situation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b p. 25 = JdT 1983 I 290 consid. 2b p. 295 s. et les références citées).

d. En l'espèce, les recourantes soutiennent, en s'appuyant sur la jurisprudence susmentionnée, qu'en l'absence de situation d'urgence, l'ordre de remise à l'état d'origine n'aurait pas dû être dirigé à leur encontre mais contre la propriétaire de la villa, s'agissant de la seule personne dotée de la maîtrise juridique et du droit de disposer de l'immeuble en cause. Elles-mêmes ne seraient que locataires, le bail autorisant l'usage commercial des locaux loués, et ne pourraient être qualifiées de perturbatrices.

Toutefois, la société, unique destinataire de la décision de remise à l'état d'origine, est non seulement locataire de la villa, le propriétaire lui ayant cédé l'usage de la chose, s'agissant là précisément de l'objet même du contrat de bail (art. 253 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 - livre cinquième : droit des obligations - code des obligations - CO - RS 220). Or, c'est justement l'affectation et par conséquent l'usage de la villa qui est remis en cause par l'autorité intimée. La société est donc sans conteste perturbatrice par situation. La société est cependant également l'exploitante du salon, étant ainsi à l'origine de l'affectation non autorisée. Elle doit de ce fait indéniablement être qualifiée également de perturbatrice par comportement. L'autorité intimée était dès lors parfaitement en droit de faire injonction à A______ de remettre la villa à l'état d'origine.

Par ailleurs, si le propriétaire - qui cède l'usage de sa villa à Mme B______ pour son affectation à l'exploitation d'un salon de prostitution - répond à la définition de perturbateur par situation, il n'en demeure pas moins que la société, en tant qu'exploitante du salon, est la personne la plus à même de faire cesser l'activité litigieuse. L'autorité intimée n'a dès lors pas abusé de son pouvoir d'appréciation en dirigeant l'ordre de remise à l'état d'origine contre la société plutôt qu'à l'encontre du propriétaire.

Le grief des recourantes sera par conséquent écarté.

10) Les recourantes invoquent une violation du principe de la bonne foi.

a. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/700/2014 précité consid. 4a ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 568).

b. Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 72 s. ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 = RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 s). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 et les références citées). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 s n. 571).

c. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d'abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l'égard d'une personne déterminée. Il faut ensuite que l'autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n'ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, qu'elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu'elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n'ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATA/700/2014 précité consid. 4c ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, Vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 922 ss n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 196 s n. 578 s ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Félix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, p. 140 ss et p. 157 n. 696 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1'173 ss).

La passivité de l'autorité qui n'intervient pas immédiatement à l'encontre d'une construction non autorisée n'est en règle générale pas constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. La tolérance des autorités n'est retenue que dans des circonstances exceptionnelles. Seul le fait que l'autorité aurait sciemment laissé le propriétaire construire de bonne foi l'ouvrage non réglementaire pourrait obliger cette autorité à tolérer ensuite l'ouvrage en question (ATA/700/2014 précité consid. 4c ; ATA/529/1999 du 7 septembre 1999 consid. 5a).

d. Les demandes d'autorisation sont adressées au DALE (art. 2 al. 1 LCI).

e. En l'espèce, les recourantes n'allèguent pas qu'une promesse, des assurances ou des informations concrètes quant à la légalité de l'exploitation du salon leur auraient été données par les autorités. Il convient à cet égard de constater que les clauses du contrat de bail avec le propriétaire de la villa relèvent du droit privé et ne lient pas le DALE et que, comme l'a relevé le TAPI, les éléments figurant sur le site internet de l'État de Genève sont des informations générales, non destinées à des personnes déterminées et fournies en dehors de toute situation concrète.

Les recourantes invoquent ainsi finalement simplement la passivité du DSE - soit l'absence d'indication quant à la nécessité d'une autorisation de construire -, malgré les annonces de Mme B______ en tant que responsable du salon et des prostituées travaillant dans la villa ainsi que les visites régulières de la BMOE. Or, non seulement le DSE n'est pas l'autorité compétente en matière d'autorisation de construire - ce que les recourantes ne pouvaient ignorer -, mais sa passivité ne peut en outre en aucun cas être assimilée à une autorisation tacite ou à une renonciation à faire respecter les dispositions légales en matière de constructions. Il n'a en effet pas sciemment toléré la situation, comme le confirme le fait que, dès connaissance de la nécessité d'une autorisation de construire pour l'exploitation d'un salon érotique en cinquième zone de construction, il a dénoncé la situation à l'autorité compétente, le DALE.

Les recourantes ne peuvent en conséquence pas se prévaloir du principe de la bonne foi pour remettre en cause l'ordre de remise à l'état d'origine. Leur grief sera écarté.

11) Les recourantes reprochent à l'autorité intimée d'avoir violé le principe de la proportionnalité.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 précité consid. 24c ; ATA/700/2014 précité consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

b. Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 p. 218 ; ATA/569/2015 précité consid. 24d ; ATA/700/2014 précité consid. 5b ; ATA/488/2011 précité
consid. 5c ; ATA/537/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/569/2015 précité consid. 24d ; ATA/700/2014 précité consid. 5b ; ATA/488/2011 précité consid. 5c).

12) a. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (let. a) et le terrain est équipé (let. b ; art. 22 al. 2 LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l'intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).

b. La conformité à l'affectation de la zone implique que la fonction de la construction ou installation concorde avec celle de la zone. Il ne suffit pas qu'elle ne soit pas contraire à la destination de la zone (DFJP/OFAT, Étude relative à la LAT, 1981, p. 274 n. 29). L'utilisation de la construction ou de l'installation est pertinente pour juger de la conformité à l'affectation de la zone, en particulier si elle est connue au moment de l'octroi de l'autorisation (ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5a ; ATA/784/2013 du 26 novembre 2013 consid. 6 ; ATA/70/2013 du 6 février 2013 consid. 3).

13) a. Le propriétaire, l'ayant droit ou le locataire d'une villa en cinquième zone peut, à condition que celle-ci constitue sa résidence principale, utiliser une partie de cette villa aux fins d'y exercer des activités professionnelles, pour autant qu'elles n'entraînent pas de nuisances graves pour le voisinage (art. 19 al. 3 LaLAT).

Lorsque les circonstances le justifient et s'il n'en résulte pas d'inconvénients graves pour le voisinage, le département peut déroger aux dispositions des art. 18 et 19 LaLAT quant à la nature des constructions (art. 26 al. 1 1ère phrase LaLAT).

b. L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/1019/2014 précité consid. 8b ; ATA/537/2013 du 27 août 2013 consid. 6b ; ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 5 et la référence citée).

Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/1019/2014 précité consid. 8c ; ATA/537/2013 précité consid. 6b ; ATA/117/2011 du 15 février 2011 consid. 7b. et les références citées).

Ainsi, cette disposition accorde au département un large pouvoir d'appréciation que le juge ne peut revoir qu'en cas d'excès ou d'abus, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA). Le principe de proportionnalité prend une place majeure et impose une pesée des intérêts militant pour et contre la mesure en cause (ATA/1019/2014 précité consid. 8c ; ATA/784/2013 précité consid. 7d ; ATA/117/2011 précité consid. 7c ; ATA/51/2006 du 31 janvier 2006 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif, in La pesée globale des intérêts, Droit de l'environnement et de l'aménagement du territoire, 1996, p. 189 ss, notamment p. 192 s.).

c. Dans l'appréciation des circonstances justifiant une dérogation, l'autorité doit prendre en considération le caractère ou l'évolution d'un quartier, le genre et la destination du projet qui, sans être immédiatement compatibles avec les normes de la zone, se révèlent admissibles, compte tenu des circonstances (ATA/1019/2014 précité consid. 8d ; ATA/784/2013 précité consid. 8e ; ATA/117/2011 précité consid. 7d ; ATA/595/2007 du 20 novembre 2007
consid. 4e).

Selon la jurisprudence, il convient d'adopter une interprétation restrictive de l'art. 26 al. 1 LaLAT, en tout cas lorsque l'on entend l'appliquer à la cinquième zone. En effet, la condition de l'absence d'inconvénients graves pour le voisinage est identique à celle qui est posée pour la tolérance d'activités professionnelles dans une partie d'une habitation (art. 19 al. 3 2ème phrase LaLAT). Seule la condition de « circonstances qui le justifient » distingue donc la tolérance conforme à l'affectation de la zone et la réelle dérogation. Cette condition doit, par conséquent, avoir une consistance certaine, sauf à vider de son sens, par le biais des dérogations, la réglementation expressément voulue par le législateur (ATA/537/2013 précité consid. 6c ; ATA/389/1998 du 23 juin 1998 consid. 6).

Les circonstances visées à l'art. 26 al. 1 LaLAT doivent être à la fois particulières, en ce sens que la situation considérée doit être réellement exceptionnelle dans le cadre de la zone, et suffisamment importante pour justifier que l'intérêt public au respect de l'affectation de la zone, consacré par le législateur, cède le pas face à un intérêt public ou privé prépondérant (ATA/537/2013 précité consid. 6c ; ATA/255/1997 du 22 avril 1997 consid. 6b).

14) a. En l'espèce, les recourantes affirment que l'affectation qualifiée de mixte de la villa, sise en cinquième zone de construction, serait autorisable, les hôtesses y vivant en dehors de leurs heures de travail. Elles ne contestent toutefois pas que la villa ne constitue pas leur propre résidence principale dans laquelle elles exerceraient leurs activités professionnelles, Mme B______ étant domiciliée en Thurgovie. Les conditions de l'art. 19 al. 3 LaLAT ne sont par conséquent pas remplies et l'affectation de la villa à l'exploitation d'un salon érotique n'est pas autorisable sur cette base.

Il convient dès lors d'examiner si le changement de destination de la villa serait autorisable par dérogation.

Si la question des nuisances engendrées pour le voisinage n'a pas été examinée par l'autorité intimée, il apparaît en tout état de cause que les recourantes n'invoquent que leur intérêt économique comme circonstance justifiant le maintien de l'exploitation du salon dans la villa. Or, comme l'a à juste titre souligné l'autorité intimée, un tel intérêt, purement pécuniaire et de convenance personnelle, ne peut l'emporter sur l'intérêt public au respect de l'affectation de la zone. Il ne correspond en effet aucunement à une circonstance exceptionnelle et importante et ne peut pas, à lui seul, être de nature à justifier une dérogation à l'affectation de la zone, dont l'admission reviendrait à vider de son sens la définition de la cinquième zone de construction voulue par le législateur.

En conséquence, en l'absence d'intérêt public ou privé l'emportant sur l'intérêt public au respect de l'affectation de la zone, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que le changement de destination de la villa, non autorisé, n'était pas autorisable. Les recourantes devaient donc s'attendre à ce que l'autorité intimée se préoccupe de rétablir une situation conforme au droit.

Au vu de ce qui précède, l'ordre de remise en état est, dans son principe, conforme au principe de la proportionnalité.

b. Les recourantes affirment toutefois que le délai de quarante-cinq jours imparti pour opérer la remise à l'état d'origine serait trop court et de nature à mettre en péril la survie économique de la société. Toutefois, étant donné le caractère non autorisé et non autorisable de l'affectation de la villa, les recourantes devaient s'attendre à ce qu'il leur soit ordonné de rétablir une situation conforme au droit à plus ou moins brève échéance. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elles soutiennent, l'ordre de remise à l'état d'origine ne les prive pas purement et simplement de leur source de revenu. En effet, la société exploite six autres salons érotiques à Genève - ou en tout cas quatre si deux autres de ces salons devaient effectivement fermer -, tient un club à son siège et propose un service d'« escort girls », ses hôtesses travaillant également sur déplacement.

L'autorité intimée n'a par conséquent pas abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant un délai de quarante-cinq jours à la société pour se conformer à l'ordre de remise en état.

Au vu de ce qui précède, en ordonnant à la société de procéder à la remise à l'état d'origine dans un délai de quarante-cinq jours, l'autorité intimée n'a pas violé le principe de la proportionnalité ni la liberté économique des recourantes. Le grief sera écarté.

15) L'autorité intimée a également infligé une amende à la société.

a. Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d'application ainsi qu'aux ordres du DALE (art. 137 al. 1 LCI). Toutefois, lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI).

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/569/2015 précité consid. 27b ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 9c ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 consid. 6b et les arrêts cités).

c. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/569/2015 précité consid. 27c ; ATA/147/2014 précité consid. 9d ; ATA/61/2014 précité consid. 6b ; ATA/71/2012 du 31 janvier 2012 consid. 6b).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Félix UHLMANN, op. cit., p. 252 n. 1179). Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/569/2015 précité consid. 27c ; ATA/147/2014 précité consid. 9d ; ATA/74/2013 précité consid. 6b et les arrêts cités). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus (ATA/147/2014 précité consid. 9d ; ATA/160/2009 du 31 mars 2009 consid. 5c). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/147/2014 précité consid. 9d ; ATA/61/2014 précité consid. 6b ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 consid. 6b et les arrêts cités).

d. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/569/2015 précité consid. 27d ; ATA/147/2014 précité consid. 9e ; ATA/74/2013 précité consid. 6b).

e. En l'espèce, l'autorité intimée a infligé à la société une amende de CHF 3'000.-. Cette dernière a tout au moins fait preuve de négligence en ne se renseignant pas auprès de l'autorité compétente sur la nécessité d'une autorisation de construire avant d'exploiter son salon de prostitution dans une zone résidentielle. Par ailleurs, le montant de l'amende, pour une affectation qui n'était pas autorisable, se situe dans la tranche inférieure des amendes de l'art. 137 al. 1 LCI. La société ne conteste d'ailleurs pas sa quotité.

L'autorité intimée n'a dès lors pas abusé de son pouvoir d'appréciation en infligeant à la société une amende de CHF 3'000.-.

16) Dans ces circonstances, la décision du DALE est conforme au droit. Le recours de A______ contre le jugement du TAPI sera rejeté et celui de Mme B______ partiellement admis. Le jugement TAPI sera annulé en tant qu'il déclare recevable le recours de Mme B______ concernant l'amende, lequel sera déclaré irrecevable. Le jugement du TAPI sera confirmé pour le surplus.

17) Vu l'issue du litige et dans la mesure où l'admission partielle du recours de Mme B______ ne porte que sur un point d'importance mineure, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er septembre 2014 par A______ et Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2014 ;

au fond :

rejette le recours de A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2014 ;

admet partiellement le recours de Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2014 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2014 en tant qu'il déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2014 par Madame B______ contre la décision du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie du 1er avril 2014 quant à l'amende de CHF 3'000.- ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 2 mai 2014 par Madame B______ contre la décision du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie du 1er avril 2014 quant à l'amende de CHF 3'000.- ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2014 pour le surplus ;

met à la charge de A______ et Madame B______, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Chris Monney, avocat des recourantes, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :